Bon, comme le veut la tradition, un chapitre posté au bout de la nuit.
Comme le veut la tradition, je réponds rapidement aux commentaires. Mais je vais enfin pouvoir répondre plus régulièrement et précisément après ce chapitre là vu que la fic sera finie.
@Nyx (Fidèle au poste =) )
Tout d'abord, je ne disparaitrait pas du forum. Je ne sais pas si je posterai encore des fics, mais tu comprendras, je resterai dans le coin !
Tes questionnements vont donc toucher à leur fin avec ce chapitre ! Merci bien de m'avoir suivie.
Le chapitre 4 était à mon sens le meilleur de la fic. C'est lui qui clôt le gros de l'intrigue Hopper/anthéa, tandis que le chapitre à venir clôt plutot l'histoire Jérémie /Aelita. J'espère qu'il te plaira quand même.
En effet, j'ai tendance à laisser des fautes ou zapper un mot par ci ou par là. Mais je n'arrive à écrire que la nuit et un chapitre me prend toute une nuit donc à la fin, je suis flinguée. D'ailleurs, je vais encore en chier demain. A demain !
@Zéphyr.
Merci pour la faute sur la date. J'ai corrigé !
Je suis ravi que Franz te plaise. C'est pour moi le perso principal de la fiction, contrairement aux apparence. J'ai effectivement pas mal cogité pour détourner la scène de l'épisode 82 =3 Je suis fière du résultat !
Celui à cause de qui tout arrive. haha. J'espère que ce chapitre te plaira, même si il est dur d'être au même niveau que le précédent xD
@Shinataan13 !
Un nouveau lecteur, Youpie !
Merci pour tous tes compliments ! Je trouve ta théorie super intéressante ! Est-elle vraie ? Fausse ? La réponse dans ce chapitre ! Bonne lecture ! Et j'espère qu'on pourra parler plus en détail de la fic après ce chapitre, n'hésite pas à recommenter.
@Café Noir !
Et oui, j'ai détruit l’idylle entre Franz et Anthéa... Et je vous ai fait douté !
Mais c'est tout l'intérêt de cette fic policière. Virtuelle/Pas virtuelle ? S'aiment/Ne s'aiment pas.
L'enquête de Jérémie est pleine de rebondissement car au final, on ne sait jamais comment ça va finir. Je pense que c'est ça qui fait que les passages réflexions de Jérémie deviennent intéressants.
Chronologiquement, il est vrai que XANA doit bientôt se pointer. Est-ce Omega ? Ou n'est-ce qu'un subterfuge de plus ? Bonne découverte !
@]Punk Princesse !
"A mon enfant" est une chanson ? Je ne le savais pas, donc pas de rapport, désolée !
Que fait Odd ? Ah mais sous ses airs, il est très important dans cette fiction. C'est vraiment un personnage que j'aurai eu du mal à supprimer et j'ai eu du mal à lui donner de la profondeur. J'espère avoir réussi.
Globalement, j'ai volontairement représenté tous nos héros '(Hopper, Odd, Aelita et Jérémie) comme étant très humains. Ils ont leurs force et leur faiblesse. Leur qualité et leur défaut. C'est très vrai aussi pour Odd.
En tout cas heureusement que ma backstory est mieux que celle de CLE oO
Bonne lecture.
Voila voila.
Un dernier mot avant le dernier chapitre.
Je le trouve malgré moi un peu moins bon que le chapitre 4... Mais le chapitre 4 était l'épicentre de ma fic x). Il est temps de conclure tout ça. J'espère que l'intrigue vous aura plu et que la fin de tout ça ne vous décevra pas. C'est toujours très dur de faire une bonne fin. Donc au pire du pire, j'ai été contente de vous avoir avec moi et, comme on dit, l'important, c'est pas la destination, c'est le voyage qui a été effectué pour l'atteindre !
Alors bonne lecture !
PS : Certains me reprocheront peut-être d'avoir été moins descriptive dans la psychologie des personnages pour ce chapitre. C'est n'est pas du tout de la flemme ou la volonté de boucler le tout.
Je pense qu'une histoire qui se finit bien doit laisser une part d'interprétation personnelle au lecteur. Je n'ai donc pas voulu trop vous imposer de choses. Certes, le scénario et l'intrigue en elle-même se bouclent. Mais je vous laisse un petit espace pour que chacun imagine ce qui peut traverser l'esprit des héros et que cette fic vive encore un petit moment dans votre tête !
Voilà : Bonne lecture de la fin de "Je suis l'Alpha et l'Omega" !!
Spoiler
Chapitre 5 : Appelez-le comme bon vous semblera
La Quête de Jérémie #05
29 mars 2019
Jérémie tâchait de retenir ses hoquets et son impatience. Pourtant, une vieille de la salle le scrutait comme un possédé. Il se mordait la lèvre. Ses mains étaient serrées si fortement que ses ongles s’enfonçaient dans sa peau. Ses jambes tremblotaient. Sa tête était un champ de ruine.
La machine dont il avait besoin était dans un laboratoire de l’Université commun à plusieurs enseignants. Jérémie n’en était pas familier puisqu’il s’agissait d’un labo de biologie et que lui fréquentait davantage ceux de physique. Tandis que sa patience arrivait à son terme, il se mit à fixer méchamment la rombière qui l’épiait. Mal à l’aise, elle tourna immédiatement la tête ailleurs.
Les résultats finirent par s’extraire de la machine. Lentement, comme les feuilles émergent des vieilles imprimantes. Cette ultime attente était un supplice pour Jérémie. Il ne patienta même pas jusqu’à ce que la fin d’impression soit effective. Quand il eut repéré que toutes les informations dont il avait besoin étaient sur le papier, il empoigna la feuille et l’arracha d’un mouvement sec, provoquant un bip d’alarme dans la machine. Puis il se rua hors de la pièce. La dame à l’accueil fit mine de vouloir lui adresser une sanction… mais comme elle n’était qu’une hôtesse et qu’il était docteur, elle s’abstint.
Jérémie quitta l’Université sans se retourner et partit en direction de l’usine.
Il arriva devant le pont peu après. Odd en sortait, l’air dubitatif et perturbé. Jérémie alla se garer un peu plus loin. Il n’avait pas la tête à discutailler avec Odd. Cependant, la présence de son ami le remplit de question. Etait-il venu avec Aelita ? Non, il serait resté scotché à elle sinon. Avait-il visionné l’intégralité du journal… Probable… Jérémie ne se souvenait pas avoir éteint le pupitre, tant il se sentait mal après avoir quitté l’usine. Allait-il le dire à Aelita ? Lui révéler tout ce que les parties 4 et 5 du journal avaient à révéler… Après tout, quelle importance.
Quand un monde s’effondre autour de vous, vos pensées ne vont pas vers les dommages collatéraux.
Odd trainait des basques sur le pont.
« Il ne va pas se casser cet emmerdeur » bouilla Jérémie.
Il en oubliait qu’il était question de son probable meilleur ami. Cependant, un scrupule lui amena une pensée. Si ce qu’il pensait s’avérait être vrai, Odd serait peut-être l’une des seules personnes au monde à … à … à ne pas en tenir compte… De là, germa une autre idée. Mais il était trop tôt pour l’explorer. Il devait d’abord confirmer ses craintes.
Odd s’éloigna finalement. Il partit dans la ville. Jérémie sortit de son véhicule. Il le laissa là, sans même refermer sa portière, et encore moins prendre la peine de le verrouiller. Son sens des réalités s’atténuait. Il descendit la corde, emprunta le monte-charge et se réinstalla aux commandes.
Quelques manœuvres. Il retrouva le passage du journal d’Hopper qui l’intéressait. Il compara un screen de la vidéo aux résultats de la feuille qu’il n’avait pas lâchée une seconde. Tout concordait. La science avait prouvé ce que son intuition et ses sentiments lui criaient depuis un bon moment.
Alors, Jérémie éteignit le clavier. Et il resta là, sur le siège. Sa tête tomba, ainsi que ses bras. Il se laissa complètement aller. Il ferma les yeux, cessa de retenir ses larmes. Il sentit même un filet de bave couler le long de la commissure de ses lèvres.
Cependant, dire qu’il se relâchait eut été une erreur. Il employait justement toute l’énergie de son corps pour essayer de ne pas devenir fou.
Le quotidien d’Aelita #05 29 mars 2019 à 23H
La nuit était tombée depuis belle lurette. Aelita était vêtue d’une grosse doudoune. Odd lui avait apportée comme un grand frère prenant soin de sa petite sœur.
L’usine était toujours là, perchée sur son île, dominant le fleuve malgré les dégâts du temps. Dire que si peu de gens savaient que le destin du monde s’était joué si souvent dans ce taudis… Aelita n’avait jamais eu peur de cette usine. Pourtant, ce soir, elle lui semblait menaçante. L’immense bâtiment était lugubre. La Lune éclairait l’extérieur, se reflétant gentiment sur la Seine. L’intérieur de la fabrique, lui, était un gouffre abyssal sans fond. Un trou noir dans cette ambiance nacrée. Et Jérémie était au cœur de ce trou… Du moins, elle l’espérait.
Elle n’était plus sûre de rien après avoir croisé Jérémie plus bas que Terre. Elle l’avait cherché partout après son passage à l’usine. Odd n’avait pas été en reste non plus. Chou blanc. Le dernier endroit dans lequel ils n’étaient pas revenus fouiner, c’était cette satanée usine.
Soudain, elle se mit à tousser à s’en rompre les poumons. Elle s’appuya sur les rebords métalliques du pont et cracha une glaire dans le fleuve. Elle se redressa difficilement.
- Tu es sûr que ça ira, s’enquit Odd.
- Il le faudra, remarqua Aelita, pâle comme un linge.
- Tu n’es pas obligée d’y aller seule…
Aelita sourit. Elle s’appuya contre Odd et l’enlaça fraternellement.
- Merci pour tout ce que tu fais, Odd. Mais je dois y aller seule dans un premier temps. Tu restes pas loin ? Prêt à surgir au bon moment comme à l’époque.
Entendre Aelita faire allusion à leur passé de Lyoko-guerrier. Pour la première fois depuis des années. Cette flèche décochée frappa violemment Odd au cœur. Trop de souvenir remontèrent d’un coup. Il blêmit légèrement et soupira :
- Tu parles. Je crois pas que j’ai réussi à faire grand-chose. Regarde où on en est.
Avec l’émotion, la culpabilité refit surface. Celle d’avoir fait mumuse avec Jérémie les nuits dans l’usine durant des mois sans lui avoir dit. Le fait d’avoir laissé Jérémie jouer avec ce maudit journal. De ne pas avoir dit à Aelita qu’elle était virtuelle quand il l’a su. De ne pas lui avoir dit non plus l’horrible découverte que renfermait la partie 5 du journal. Et surtout, cette couardise méprisable qui faisait que, même maintenant, il ne s’en sentait pas capable.
Bredouille et éhonté, il répéta :
- Regarde où on en est maintenant.
Aelita raffermit son étreinte.
- C’est grâce à toi qu’on en est là.
Odd ne comprit pas.
- Ulrich peut dire ce qu’il veut sur ton tempérament invasif et bouffe-oxygène. Jérémie peut grogner quand tu débarques à point d’heure. Le fait est là. Je le sais. Si on est resté nous. Si on est resté notre groupe, c’est parce que tu as fait en sorte qu’on le reste. Sans toi, on se serait perdus. Tu nous as maintenus.
Un jour, tu m’as dit que tu vivais mal le fait d’avoir besoin de nous pour continuer à exister. J’ai enfin trouvé ce que j’aurai dû te répondre ce jour-là. – Elle redressa la tête et fixa Odd dans les yeux – Ce n’est pas toi qui avait besoin de nous. C’est nous qui avons toujours eu besoin de toi. Depuis le début. Aujourd’hui, grâce à toi, je vais aller chercher mon mari. Notre Jérémie. Et quoiqu’il lui soit arrivé, je sais qu’Ulrich et Yumi rentreront et que, tous ensemble, on le relèvera. Alors merci à toi. Et ne doute jamais de tout ce qu’on te doit.
Odd s’effondra en larme. Aelita y perçut de l’émotion. De la joie. Pourtant, Odd ne se sentait que plus honteux après ce dithyrambique d’Aelita à son endroit.
Aelita lui déposa un bisou sur la joue et lui dit :
- J’y vais, à tout de suite.
Et Odd la vit s’éloigner. Et elle marchait tant bien que mal sur le pont. Et Odd voulut la rattraper pour tout lui dire. Pour quelle s’y prépare. Et une fois encore, il resta pantois.
Après tout, Jérémie lui dirait lui-même… C’était mieux comme ça. Pas vrai ! Pas vrai … ?
Il faisait froid, même une fois la porte du monte-charge refermée. Aelita toucha son front. De la fièvre. Elle avait crapahuté toute la journée à la recherche de son mari. Elle s’était de toute évidence surestimée. Les séquelles de la fausse couche demeuraient vivaces et la lançaient. Son corps tout entier s’engourdissait. Elle avait pris froid. Et la peur qui lui serrait le ventre avait l’effet exactement opposé à celui d’un placebo. Elle ne se sentait que plus mal. Elle devait récupérer Jérémie et vite rentrer. Elle touchait à sa limite.
Elle éternua violemment. La porte du laboratoire s’ouvrit. Mais Jérémie n’était pas là. Aelita soupira. Elle approcha du terminal. Le journal était toujours en lecture en boucle sur une fenêtre. La jeune fille vit, une fois encore, « son père » enlaçant « sa mère » après leur fuite du projet Carthage.
La Vérité qu’elle connaissait à ce propos lui mit une saveur amère dans la bouche. Elle ferma la fenêtre, dépitée.
Pour s’éviter un effort, elle enclencha la vidéosurveillance des deux autres salles. C’est alors qu’elle le vit. Jérémie était dans la salle des scanners, assis dans l’une des colonnes, balançant la tête d’avant en arrière, comme ses ancêtres qui n’ont plus qu’une demi-conscience du monde qui les entoure.
Un saut dans le monte-charge eut vite fait de l’emmener dans la salle des scanners, où l’attendait la confrontation avec Jérémie. Elle entra dans la pièce. Jérémie ne lui adressa pas un regard. Comme si il en avait peur.
Le silence perdura, une longue minute. Les lèvres de Jérémie tremblaient. Comme pour retenir un flot de pensées ou de larmes. Aelita se décida à briser le silence.
- Jérémie…
- C’est étrange, répondit-il du tac au tac. C’est de ce scanner que tu es sortie la première fois. C’était l’un des plus beaux jours de ma vie. Je t’avais matérialisée. J’étais tellement stupide que je ne me doutais même pas que tu étais déjà amoureuse de moi. Je me posais des questions bêtement.
Je me souciais moins du fait que je te croyais virtuelle… que du fait que tu puisses ne pas m’aimer au final…
Il lâcha un petit rire nerveux.
- Belle chose que l’ignorance, pas vrai… L’insouciance… Qu’est-ce que j’ai pu être naïf.
Aelita était muette. Jérémie faisait allusion à cette époque où tout le monde, y compris elle-même, pensait qu’elle était virtuelle. Ils avaient justes à cette époque. Mais que Jérémie en reparle… Il n’arrivait donc pas à digérer la pilule. Aelita s’approcha de lui. Jérémie bondit droit sur un piquet et bougea dans la pièce de manière à laisser une distance de sécurité entre lui et Aelita… Comme s’il avait peur qu’elle ne le touche. C’était pourtant ridicule. Mais Aelita fut docile.
- Jérémie, reprit-elle. Ce jour où tu as rallumé les scanners, toi et moi on a été liés. Je sais que je ne suis finalement qu’une… chose virtuelle créée par mon père. J’ai regardé le journal. J’ai parlé avec Odd. Mais ca m’est égal Jérémie.
Tu me croyais virtuelle quand tu m’as rencontrée. Tu m’as tout donné quand j’étais encore virtuelle. On est tombé amoureux quand j’étais un tas de pixels. Le fait que je le sois vraiment est le dernier de mes soucis. Ce que je t’ai dit l’autre soir vaut toujours… Je n’ai besoin que de toi. Le reste me désintéresse…
Jérémie la regarda, perplexe. Aelita n’arriva pas à décrypter son regard.
- Si c’est le fait que je ne puisse pas te donner d’enfant… Je comprendrai. Que tu m’en veuilles pour ça… Que tu ais du mal à l’accepter. Je peux l’admettre. Mais je t’en supplie Jérémie…
Elle souffla un grand coup.
- Mon père a tué ma mère.
Temps d’arrêt.
- Il l’a tuée. Répéta-t-elle. Il l’a livrée aux hommes de Carthage, sans le moindre état d’âme. Et même si ce qu’il a fait est horrible. Même si c’est un être abject et méprisable, je ne sais pas quoi penser de tout ça parce que ça reste l’homme qui m’a appris à faire du vélo et à jouer du piano…
Ce que je sais, par contre, c’est que ma mère est morte. Cette fois-ci, je n’en ai plus aucun doute. L’image, le souvenir de mon père. Ils sont morts aussi. Alors tout ce qui me reste, c’est toi. Et je veux pas te perdre…
Jérémie la regardait, toujours avec ce regard trouble et vitreux. Il se décida donc finalement à la questionner :
- Tu as regardé le journal… Tu l’as regardé jusqu’au bout… ? Tu as compris ?
- Non, admit Aelita. Je n’ai pas regardé la dernière partie…
Jérémie éclata d’un rire nerveux et pourtant tonitruant.
- Ahlala… Evidemment. Des fois qu’on me simplifie au moins une partie des choses… Ca aurait été un peu trop beau… Mais ça aussi, il va falloir que je te le dise moi-même.
- Mais ça m’est égal Jérémie ! Tout m’est égal.
Cette fois, l’épouse approcha d’un pas décidé vers le mari. Jérémie la repoussa fortement, comme tétanisé.
- Mais tu ne comprends pas, cria-t-il la voix pleine de désespoir. Tu ne sais pas toi… Pourquoi tu crois que j’aie toujours été amoureux de toi ? Hein ! Pourquoi à ton avis…
Tu aurais dû regarder la dernière partie du journal…
Les mémoires du professeur Hopper #05
1991 – Banlieue parisienne
Cela faisait maintenant un an qu’Hopper avait quitté ce chalet en Suisse. Encore une fois, il avait dû tout recommencer et reconstruire Supercalculateur, monde virtuel et instrument de virtualisation. Pourtant, cette fois-ci, il était libre de toute entrave. Et il avait l’expérience. En un an, il avait rebâti un Supercalculateur plus puissant que jamais, trois scanographes et un terminal d’utilisateur où il pouvait même projeter des représentations de la Virtualité en une Holomap.
Tout ce complexe était bien planqué. Il avait localisé une vieille usine désaffectée qu’il pouvait rejoindre par les vieux égouts depuis son ancienne maison l’Ermitage. Demeure qu’il avait fait disparaitre officiellement de tous les registres d’état. Il habitait dans un no-man’s-land aux yeux du gouvernement. Sous le pseudonyme de Franz Hopper, il serait à l’abri du projet Carthage pour toujours.
Aelita était désormais inscrite au collège Kadic, non loin de l’Ermitage. Franz y enseignait à des merdeux boutonneux sans avenir. Mais au moins, il avait sa fille à l’œil et cela lui laissait le temps pour d’autres projets quand il était en classe.
Depuis l’épisode suisse, le scientifique avait deux leitmotive.
Le premier était de finir de régler ses comptes avec le projet Carthage. Il savait que même tuer Dido n’aurait pas arrêté la marche de ce projet. Et maintenant, ils avaient Anthéa, bien qu’elle ne leur serait d’aucune aide sans Franz.
Aussi, Franz avait pris la décision ferme et irrévocable de détruire le projet Carthage pour de bon. Pour cela, il avait un plan d’attaque. Renforcer son monde virtuel, qu’il avait baptisé Lyoko, pour en faire une machine à puiser l’énergie des réseaux électriques terrestres. De là, créer un programme multi-agents qui pourrait utiliser le monde virtuel et sa puissance pour détruire irrémédiablement le Projet.
Cependant, avant cela, Franz avait un autre objectif…
- Voilà, c’est presque fini… Plus qu’à retirer ce code génétique des cheveux roses. Ce serait trop… similaire. Il m’a dit « Blond », donc ça sera blond.
Franz saisit les dernières manœuvres et enclencha le processus. Il se revit, 9 ans auparavant, opérant exactement la même procédure dans sa cave du chalet Suisse. Il prit le monte-charge de l’usine et descendit dans la salle des scanners. L’un des trois vrombissait. Puis les portes s’ouvrirent.
Lové dans le scanner, un bébé venait d’apparaître. Son visage se fendit en un rictus d’émotion et il pleura aussitôt après qu’il eut pris sa première bouffée d’oxygène. Franz le recueillit et l’enlaça d’un drap aussitôt. Et il murmura :
- Bienvenue sur Terre, Omega…
3 jours étaient passés. Franz était rentré en catimini et avait enfermé Omega dans une pièce profonde de l’Ermitage, là où Aelita ne pourrait pas l’entendre pleurer. Il s’en occupait quand sa fille dormait ou était en cours.
Trois jours lui avaient parus être un délai suffisant pour vérifier sur l’enfant survivrai. Après tout, ce n’était que le second enfant qu’il mettait au monde de cette manière. Aussi, ne fallait-il pas être trop sur ses acquis.
Ce jour-là, Franz n’avait pas à se soucier d’Aelita. Les primaires partaient en classe verte avec leurs enseignants durant deux jours. Le champ était libre. Franz avait tout calculé pour.
On sonna. Franz alla ouvrir. Il salua l’Homme sur le perron et le fit entrer. Il l’installa à la table et lui servit un café. Ils se mirent à parler des banalités, comme le temps qu’il faisait, la qualité du trajet de l’invité…
Après un bref, silence, Franz sortit une pochette et attaqua des sujets plus sérieux.
- Voici la pochette contenant l’intégralité de ses papiers, première mouture. Croyez-moi, j’ai tout bien fait. Vous ne serez pas embêtés par l’administration. En revanche, il est de votre responsabilité de le faire vacciner au plus tôt.
Vous êtes officiellement son parent.
- Merci, murmura l’invité.
- Vous vous rappelez mes conditions ? Insista Franz.
- Oui. Répondit l’invité. Puis il commença à lister comme un élève récitant sa leçon : L’enfant ne devra jamais avoir connaissance de notre arrangement ni même de votre existence. Je devrai élever l’enfant dans les meilleures conditions possibles et satisfaire à sa culture. Dès que son âge le permettra, je devrai inscrire l’enfant au collège Kadic afin que vous l’ayez comme élève. Là, vous vous attacherez à lui apporter la meilleure éducation possible – tel un mentor. Mais je ne dois pas m’inquiéter car votre relation ne sera en aucun cas sentimentale et je resterai le père de cet enfant quoiqu’il arrive.
Si jamais, lorsque je l’inscrirai au collège Kadic, vous n’y êtes plus enseignant, je ne devrai pas m’en préoccuper et continuer ma vie comme si de rien n’était.
- Parfait. Constata Hopper.
- Me permettez-vous une question ? Tenta l’invité.
- Je vous en prie.
- Quel est votre intérêt dans tout cela ?
Hopper le fixa d’un regard profond. Puis, il expliqua :
- J’ai déjà créé un enfant en recourant à l’eugénisme. Il s’agit de ma fille. J’avais de grande aspiration pour elle. Je suis un scientifique, voyez-vous. Et je tiens à ce que mes enfants poursuivent et approfondissent mes recherches. Je veux laisser un héritage.
Je pensais que ma fille porterait cet héritage. Je l’avais conçue intelligente dans cette optique. Hélas, le sentimental a pris le dessus. Et désormais, je préfère la voir heureuse sur un vélo que boudeuse sur un exercice de maths.
Entendons nous bien, je ne regrette rien. J’aime ma fille. Elle est tout ce qu’il me reste. Je serais près à mourir pour elle. Cependant, j’aime aussi mes recherches et je me dois qu’elles ne meurent pas avec moi. C’est pour ça que j’ai besoin de vous. Vous élèverez cet enfant. Vous serez ses parents. Je n’aurai aucun lien affectif avec. Et quand il arrivera au collège, je serai son mentor. Et là, je pourrai être librement le plus exigeant des enseignants et faire de lui une élite. Je sais que le sentimental n’interfèrera pas !
L’invité resta pensif devant cette longue explication. Hopper lui dit donc :
- Je vous ai sélectionné parmi d’autres. Je sais que vous ne pouvez pas avoir d’enfant. J’ai connu… une personne comme vous dans le temps. Je sais que ce manque fera de vous un excellent père. Et je me moque que les critères de l’état vous refuse d’adoption à cause de votre célibat. Je sais aussi qu’un père seul peut subvenir à son enfant. Alors, soyez confiant. Tout ira bien. Votre fils idéal vous attend.
Hopper alla chercher Oméga. C’était un garçon. Il était l’exact identique d’Aelita sur le plan génétique. Sauf que ses génomes de sexualisation avait fait de lui un homme… et qu’Hopper lui avait donné une couleur de cheveux plus standard.
Envelopper dans un drap, il le confia à l’invité qui se dirigea vers la sortie sans plus attendre. Malgré tous ses bons sentiments de façade, il était mal à l’aise vis-à-vis du professeur Hopper. Arrivé sur le palier, il se retourna pour adresser une ultime question à son bienfaiteur :
- Votre fille… Rencontrera-t-elle mon fils un jour ?
- Non, j’en doute. Pas d’affectif, je vous l’ai dit ! Et puis… Ma fille a presque 10 ans de plus que lui. On ne risque pas de les voir flirter dans la cour de récréation, haha !
- Et vous avez raison, admit l’invité. Vous êtes sûr de ne pas vouloir choisir au moins son prénom ?
- Pas d’affectif, souligna derechef Hopper. Appelez-le comme bon vous semble. Envoyez-moi juste son nom par mail pour que je finisse de piper son identité et que je vous envoie la seconde version des papiers.
- On ne se reverra plus avant au moins une décennie, alors. Conclut l’invité.
- Non. En effet. Prenez soin de vous et prenez soin de lui. Je compte sur vous, Michel. Envoyez-moi au collège Kadic un petit Belpois qui aura soif d’apprendre ! Il a été conçu pour ça ! Je compte sur vous !
- Ca te parait plus clair maintenant ?
Evidemment que ça paraissait plus clair. Malgré tout Aelita ne pouvait y croire. Elle tremblait de toute part, incapable d’émettre le moindre son.
- Si tu ne comprends pas, je peux te faire l’analyse. Après tout, j’y ai gambergé tout l’après-midi, alors autant t’en faire profiter !
Tu comprends comment j’ai atterri ici, la première fois ? Après que je t’ai rematérialisée, ce sont des visions et des intuitions qui t’ont conduite jusqu’à l’Ermitage ! Tout est clair maintenant ! Ce sont les mêmes intuitions qui m’ont conduit dans le laboratoire de l’usine… puisque c’est là que je suis né ! Mon père m’a inscrit à Kadic sur demande du tien et je suis sorti d’un de ses scanners tout comme toi. Ce qui fait de moi une chose virtuelle, tout comme toi. Mais ce n’est pas le mieux !
Comment se fait il que nous avons le même âge ? J’ai été matérialisé dix ans après toi… et tu es restée dix ans sur Lyoko… Le tour est joué !
Tu saisis pourquoi il y a toujours eu cette attirance presque alchimique entre toi et moi ? Dès la première seconde où je t’ai vue ? Pourquoi on n‘a jamais été attiré que l’un par l’autre… C’est parce qu’on est la même personne !
Beaucoup plus facile d’expliquer la fausse couche, dans ces conditions, tu ne trouves pas… Pourquoi le médecin nous a demandé si nous étions de la même famille, d’après toi ? Les relations incestueuses donnent toujours naissance à des êtres déformés ou retardés. Mais toi et moi… Toi et moi… C’est plus qu’une relation incestueuse. Nous sommes la même personne. Nos codes génétiques sont identiques. Même des jumeaux sont plus différents que nous… Essayer d’avoir un enfant ensemble… C’est l’incarnation même de quelque chose contre-nature. Et c’est ce qui est arrivé !
Aelita tomba à quatre pattes. Sa fièvre venait de prendre une envolée phénoménale et le froid envahissait tout son corps. Sa capacité de réflexion était saturée. Le choc émotionnel était si cataclysmique qu’il se répercutait physiquement.
Aelita était veule et à terre. Elle était à deux doigts de la syncope.
Jérémie lui s’adossa contre un mur et se laissa glisser de désespoir jusqu’au sol. Il avait lancé sa grande tirade dans une transe exutoire qui lui avait permis d’évacuer tout ce qu’il retenait depuis le début de ses investigations. Cependant, voir sa femme si mal en point lui fit ressentir la douleur de nouveau. Assis et perclus dans son coin, il ne put s’empêcher de conclure d’une voix complètement brisée :
- Nous sommes des ersatz d’humains, Aelita. Nos existences sont absurdes, nos souvenirs sont des mensonges. Notre amour est factice. Rien de ce qui nous touche de près ou de loin n’est réel…
Aelita bascula sur le flanc. Elle tremblait de tout son corps en hoquetant, comme si elle faisait une crise de spasmophilie. Puis, submergée, elle perdit connaissance. Jérémie se leva. Il prit sur lui et parvint à la toucher. Elle était glaciale. Il la souleva et la déposa dans un scanner.
Epilogue : La fin du rêve
Le futur d’Odd Della Robbia #01
30 mars 2019 - 01H00
Odd fit irruption dans le laboratoire. Jérémie était installé confortablement dans le fauteuil d’opérateur. Il jouait avec l’oreillette du Supercalculateur, l’air distrait. Odd fondit sur lui à mi-chemin entre la marche pressée et la course.
- Où est Aelita ?
- Pas là. Constata Jérémie, sans lâcher l’oreillette des yeux.
- Qu’est-ce que tu as fait ? Hurla Odd.
Jérémie sembla revenir de très loin.
- T’en fais pas. Elle est pas loin.
Il tripota deux touches. La caméra de la salle des scanners s’afficha. Aelita avait été déposée dans un scanner par Jérémie. Toujours inconsciente.
- Tu te rends compte, questionna Jérémie. La puissance de ces scanners. Créer la vie. Comme ça. A partir de rien. Ou alors… La détruire. Tu te rends compte qu’en une ou deux manœuvres, là, je peux pulvériser un corps et le faire disparaitre de la surface de la Terre… Ca sera … Comme s’il avait jamais existé… En l’occurrence, dans mon cas ou celui d’Aelita… C’est comme si on avait jamais existés.
Odd fixait Jérémie perplexe. Le génie reprit :
- Une petite combinaison de touche, et elle repart d’où elle est venue. Le Néant… Et moi juste après.
Odd ne tint plus. Il fit pivoter la chaise de l’opérateur et envoya un gros coup de poing dans le visage de Jérémie. Le blondinet accusa le coup. Ses lunettes volèrent dans la pièce. Il ne prit même pas la peine de se redresser sur son siège. Il se remit en revanche à sangloter.
- Je t’interdis de penser comme ça, menaça Odd.
- On est rien, glapit Jérémie. On est rien Odd, que du vent. On est les anomalies génétiques et physiques d’un vieux barbouze complètement fou… Aelita… Moi… On est la même personne… Je sais même pas si on peut appeler ça une personne… Je sais même pas ce qu’on est… L’Alpha et l’Omega… Tu parles d’une blague…
- J’ai vu la dernière partie du journal, déclara Odd. J’ai jamais tout compris aux conneries de Hopper. Et j’ai pas fait suffisamment d’étude pour avoir des cours de philosophie sur ce que c’est un être humain ou je sais pas quoi.
Par contre, je sais que virtuel ou pas, quand je t’en ai mis une, j’ai senti ta sale gueule se crisper de douleur sous mon poing. J’ai pas l’impression d’avoir tapé dans le vide. Et je sais aussi que si toi et Aelita vous disparaissez, je m’en remettrai pas. C’est pas du vide ça non plus. Alors tu dois te ressaisir espèce de sale con.
Jérémie était estomaqué par cette déclaration spontanée. Il ricana alors.
- Tu es formidable… Tu m’as donné un élément de réponse. Il ne fait sans doute pas tout. Mais il est plus pertinent que toutes les élucubrations que j’ai pu ruminer cet après-midi. Tu auras toujours réussi à me surprendre.
- Plus tard les compliments ducon, coupa Odd. Pourquoi t’as mis Aelita dans un scanner ? Je peux savoir ce que tu branles depuis tout ce temps ?
Jérémie soupira.
- Je ne branle rien, Odd. Je t’attendais.
Odd fut pris de court.
- Tu m’attendais ? C’est quoi ce plan ? Et le rapport avec le scanner ?
Jérémie tourna la tête vers lui, le regard plein de compassion.
- J’ai besoin de toi, vieux…
- Je suis là.
- Ce qu’on a découvert aujourd’hui. Ce n’est pas une séance chez le psy qui va faire qu’on va s’en remettre… Tu le sais… Tu peux le comprendre.
- Pour moi, ça ne change rien à qui vous êtes. Mais oui, je me doute que tu dois être pommé.
- Je dois réparer le mal que j’ai fait. J’aurais jamais dû ouvrir le journal d’Hopper.
- J’aurai dû t’en empêcher. S’excusa Odd.
- La question n’est plus là, coupa Jérémie. Si je veux qu’Aelita soit de nouveau heureuse un jour, je dois réparer cette connerie. Et pour ça, il n’y a qu’une seule manière. Tout effacer. Je vais liquider nos souvenirs.
- Tu peux pas, coupa Odd. On est insensible au retour dans le temps. Non ?
- En temps normal, oui. Mais c’est modulable. Le Supercalculateur scanne notre mémoire quand on se virtualise ou bien qu’on passe aux scanners pour se faire enregistrer. Il nous la restitue ensuite, malgré le retour dans le temps. Cependant, ça reste des données enregistrées. Je peux ordonner au Supercalculateur de ne pas restituer des souvenirs à certaines personnes précises.
Odd fit une petite pause. Il cogita. Puis remarqua :
- Ca ne règle pas le problème. Admettons que toi, moi et Aelita on perde la mémoire de ce qu’on a appris dans le journal. On se retrouvera au point de départ. On recommencera à fouiner. Et voilà.
- Sauf que… J’ai effacé le Journal de Hopper du Supercalculateur. Totalement et définitivement. Même le retour dans le temps ne le ramènera pas. J’ai déjà mis Aelita au scanner pour sa mémoire. J’ai sélectionné les parties à effacer. Moi-même je suis passé cet aprem.
- Et donc il ne manque plus que moi… conclue sombrement Odd.
Mais Jérémie n’acquiesça pas. Il reposa sur son collègue le même regard désolé qu’il avait eu au début de ses explications.
- J’ai dit que j’avais besoin de toi, Odd. On y vient. Tout supprimer ne suffira pas. Il y aura toujours les questions en suspens. Je vais toujours essayer de trouver l’origine du problème. Je découvrirai peut-être une nouvelle fois la stérilité d’Anthéa ou de nouvelles pistes sur le passé de Hopper.
- Je ne vois pas le rapport avec moi…
- Il n’y a que toi qui pourras m’en empêcher. Je ne vais pas effacer ta mémoire. Tu te souviendras de tout. Et ce sera à toi de me surveiller. Je vais enclencher le retour dans le temps. A partir de là, tu devras inventer une excuse pour Ulrich et Yumi sur la raison de ce retour dans le temps. Tu devras t’assurer que j’arrête de remuer le passé. Tu devras t’assurer que moi et Aelita, on passe à autre chose. Si je ne trouve pas de réponse, je n’essayerai pas de la remettre enceinte. J’aurai trop peur. Tu dois t’assurer que cette peur perdure. Tu dois m’empêcher de nuire. A moi ou à Aelita… Mais sans jamais nous révéler quoique que ce soit sur ce que tu sais et qu’on aura oublié…
Un silence de mort tomba sur le laboratoire. Odd tremblotait. Des millions d’idées se bousculaient dans sa tête. Et pourtant, il ne savait pas s’il captait un dixième des ramifications que tout cela entrainait…
- Tu me demandes… d’être le seul à garder toutes les horreurs qu’on a découvertes en mémoire. Hopper le psychopathe. Hopper livrant la femme d’Hopper aux hommes en noir. Toi et Aelita étant des êtres virtuels. Toi et Aelita étant la même personne. Je suis censé être le seul à demeurer au courant… et vous voir couler votre petite vie tranquille tandis que je ne penserai qu’à ça chacune des saintes journées…
- Toi et toi seul, confirma Jérémie. Tu ne dois jamais en parler. Pas même à Ulrich et Yumi.
- Pourquoi ? Pourquoi tu m’imposes ça ? Pourquoi à moi tout seul ?
- Parce que, Odd, murmura Jérémie d’une voix pleine de reconnaissance, tu es la seule personne sur Terre en qui j’ai pleinement confiance pour faire cela. Quand j’embrasserai Aelita, quand je monterai me coucher à ses côtés… Tu es le seul qui sera capable de ne pas jeter un regard peiné et de ne pas nous juger.
Parce que je sais que, virtuels ou pas, tu seras toujours là pour nous deux. Depuis le début Odd, je l’ai toujours su. Et j’aurai dû te le dire plus souvent.
Odd ne comptait pas accepter. Il savait qu’il porterait ça comme un fardeau toute sa vie. Cependant, il fut incapable de décrocher un mot pour formuler son refus. Alors il se tut. Et Jérémie prit ça pour un oui.
- Une fois ce retour dans le temps lancé, la première chose que je ferai quand on sera revenu quelques jours en arrière, ça sera de dire à ta femme qu’on retourne à l’usine régulièrement pour s’amuser. Tu va te prendre une branlée dont tu te souviendras. Ca sera ma petite vengeance. Et ça fera au moins une chose sur laquelle j’arrête de mentir à Aelita.
- Mais nous continuerons à aller à l’usine malgré tout. N’est-ce pas ? Tu le sais. Toi et moi, on a ça en nous. Confessa Jérémie.
- Je t’interdis de sourire. Pas après ce que tu t’apprêtes à faire. Espèce de programme virtuel à la con.
- Touché. Mais la seule idée de tout oublier me rend euphorique. C’est parti ! J’espère que tu me pardonneras.
- J’essayerai.
Jérémie pressa les dernières touches. La lumière blanche envahit la salle. Le génie jeta un ultime regard désolé vers Odd.
- Sale lâche, vociféra Della Robbia
- A croire qu’on est pas ami pour rien, déplora Jérémie…
25 mars 2019
Odd fixait ses chaussures, l’air sombre. Puis, il redressa la tête et s’adressa à Jérémie, qui était pensif.
Oulala... Ces chapitres finissent de plus en plus tard ou c'est moi... Je me tuerai à la tâche.
Bref, je vais malgré tout essayer de répondre à vos commentaires.
@Nyx
Merci tout d'abord pour ton assiduité.
Ensuite, haha, je n'aurai bien fait durer plus, mais je n'aurai pas le temps d'y consacrer autant de temps à chaque fois =(.
De plus, la fic est un petit peu "policière" à sa manière... Une enquête et une fois que le dénouement est révélé, y'a plus bien d'intérêt à la faire durer. Peut-être en écrirai-je une autre un jour ?
Ensuite, non, je n'ai pas fait mourir Odd. Ce n'était vraiment pas utile dans ma fiction, vu qu'Odd est un petit peu le troisième élément, le perso extérieur à l'intrigue mais qui la fait avancer.
Et puis, certains auteurs en mal d'originalité pense que faire mourir les personnages à tour de bras va leur apporter du succès. Si j'ai besoin de faire mourir un personnage, je ne me gênerai pas. Mais dans l'immédiat, c'est pas le cas !
Et oui, Waldo aura bien manipulé Anthéa pour qu'elle succombe à lui. Réussira-t-il ? Réponse dans ce chapitre =D
@zéphyr
Tu as aimé la nouvelle relation Odd/Jérémie ? Tant mieux ! Quand j'imagine le futur des héros de la série, j'aime bien imaginer des trucs qui ne soient pas dans la continuation direct de l'animé. Les perso évolueront et c'est intéressant !
Je suis aussi fière si tu as aimé le passage avec la tornade, vu que ca doit sans doute être le seul passage d'action virtuelle de ma fic xD.
Pour Omega... La réponse... PAS dans ce chapitre =P Ca sera dans le prochain : Accroche toi !
Et si tu aimes mon Waldo tant mieux. Pour moi, c'est le perso principal de la fiction.
@Kerian
Bien, merci merci ! Après la Manta et le magazine, c'est un administrateur qui aime bien mon texte. C'est flatteur tout ce petit monde. Au moins, je sais que j'ai à faire à des commentateurs exigeants.
J'espère voir bientôt ou les autres admin ou les référents fanfictions (A)
@Café Noir !
Euh j'essayerai de lire la fic de Gummy mais si elle est pas terminée, =( J'aime pas rester sur ma fin. En tout cas, je la lirai quand j'aurai fini la mienne. Je ne veux pas être influencée.
Comme j'ai dit à Zéphyr, ma fic a deux raisons d'être selon moi. L'intrigue d'une part, dont vous découvrirez le dénouement au prochain chapitre... mais aussi le personnage de Franz Hopper que j'ai beaucoup développé et dont la story prend fin majoritairement dans ce chapitre. J'ai hâte de voir si mon Franz aura réussi à tenir ses promesse. Va faire un tour en Suisse pour me dire tout ça. ^^
Et oué, j'aime bien mon Odd aussi. (Oué, je sais, je suis pas une fille modeste, j'aime bien ma propre fic )
Ensuite, Damned ! Tu as grillé que mon "Quotidien d'Aelita" du chapitre 3 n'est qu'une "Quête de Jérémie" déguisée =P cela est survenu suite à deux trois ajustement de scénario.
Je pense que ce chapitre répondra à beaucoup de tes questions. Sur ce, place au chapitre ^^
Peu de commentateurs mais tous de qualité ! Ca me va bien ! Merci à tous.
Chapitre 4 : Mémoire blanche - Mémoire sous la neige
Spoiler
La quête de Jérémie #04
29 mars 2019, 08H00
Ca ne collait pas.
Jérémie faisait les 100 pas dans son laboratoire. Qu’est-ce qui ne collait pas ? Au contraire tout collait. Jérémie avait découvert l’intégralité des réponses qu’il cherchait… La couleur de cheveu de sa femme, son infertilité, probablement sa réaction immunitaire violente, la difficulté qu’il avait rencontrée pour la rematérialiser la première fois… Tout se tenait. Aelita était tout bêtement une créature virtuelle. Créée de toute part par Franz Hopper… Alias Waldo Schaeffer. Pour les beaux yeux et la conquête de sa femme Anthéa.
Malgré tous ses calculs parfaits, Hopper n’avait pas réussi à rendre Aelita totalement humaine. Il avait pu jouer avec des détails. Rendre la chevelure d’Anthéa rose. Créer un humain presque parfait. Mais pourtant le mythe de Frankenstein avait trouvé tout son sens. Hopper n‘avait pas su permettre à l’être virtuel de se reproduire… Le chainon manquant : Le mystère de la vie.
Jérémie fut soudain pris d’une sueur froide qui le raidit. Il cessa ses va-et-vient et s’assit prestement sur le siège d’opérateur du laboratoire… « L’être virtuel ». Il avait pensé à Aelita en ces termes. L’être virtuel. Un instant, il se haït autant qu’il se dégoutait lui-même.
Même lorsqu’il l’avait découvert, il n’avait jamais considéré Aelita comme ça. Il s’insurgeait fréquemment à l’époque contre Odd et Ulrich quand il lui faisait remarquer qu’il était ridicule de s’enamourer d’une créature virtuelle.
Un « être virtuel ». Aelita, sa propre femme.
A nouveau, ses yeux s’embuèrent. Jérémie avait davantage pleuré dernièrement à cause du journal de Hopper qu’à cause de la mort de son propre enfant.
Malgré tout, la curiosité le poussait au masochisme. Il ne pouvait se contenter d’en rester là. Il devait finir le journal de Hopper pour faire son deuil de cette affaire. Alors, pendant que le Supercalculateur travaillait au décryptage, Jérémie s’affairait en cherchant, dans les empreintes virtuelles d’Aelita, ce qu’Hopper aurait bien pu manquer…
Le génie rentra chez lui quelques heures plus tard. Ses recherches étaient restées vaines. Belpois était encore quelques miles derrière Hopper. Il lui faudrait certainement des années de recherches s’il voulait rattraper le niveau du professeur et, éventuellement, trouver ce qu’il avait manqué.
Tandis qu’Aelita s’affairait à préparer un rôti pour le repas, Jérémie s’esquiva dans son bureau un moment. Il réfléchissait encore. On toqua à la porte. C’était Odd. Il semblait mécontent.
- Tu lui as toujours pas dit ?
- Si, on parlé cette nuit. Répondit, agacé, Jérémie.
- Oh… Tu fais allusion à la nuit où tu n’a dormi que quelques heures avant de partir au petit matin… que dis-je, aux aurores à l’usine…
Jérémie fronça les sourcils.
- Tu me surveilles ?
- Non, coupa Odd. Mais entre ce qu’Aelita remarque et me dit et ce que moi je remarque, je fais des rapprochements. Donc, quand dans la chambre d’ami, je t’entends tourner en rond jusqu’à 3 heures… et quand le lendemain, Aelita me rapporte que tu es sorti du lit à 6 heures, je sais que quelque chose cloche.
- Ca te regarde pas.
Jérémie savait qu’Odd ne se satisferait pas de ça. Il avait simplement tranché avec cette réplique pour se donner un peu plus de temps pour réfléchir. Devait-il mettre son ami dans la confidence ? Il revint sur Terre au moment où Odd finissait visiblement une longue tirade :
- … si ça me regarde pas ! En tout cas ça regarde ta femme. J’ai bien vu, l’autre nuit à l’usine, que tu étais bouleversé. J’ai rien réclamé par respect pour Aelita. J’estimais qu’elle devait savoir avant moi. Alors même si tu as pu l’endormir hier soir en lui racontant une partie de l’histoire mais ça marchera pas avec moi !
- Pourquoi, ricana Jérémie. T’es trop malin ?
Odd s’arrêta. Bloqué par cette mesquinerie de son ami.
- Depuis quand t’es comme ça, Jérémie ? Tu as menti à Aelita, c’est ça ? Donne-moi une seule bonne raison que tu aurais de nous tenir à l’écart…
- Oh mais oui, Odd. Soupira-t-il. Je vais te la donner.
Et Jérémie s’approcha de la porte et la verrouilla. Pour s’assurer qu’elle n’entrerait pas dans la pièce à la seconde où Jérémie révèlerait à Odd que leur amie n’était pas un être humain.
Dans la cuisine, le rôti dorait au four.
Dix minutes plus tard, les places s’étaient inversées. Odd était écroué sur le siège et Jérémie était assis sur son bureau. Tout deux avec l’air sombre.
- Alors ? Demanda le génie. Tu veux toujours que je cours dans la cuisine pour lui balancer ça ?
- Je suis tellement désolé, Jérémie. Reprit Odd avec une voix brisée. Qu’est-ce qu’on peut faire…
- Pour l’instant rien. Je vais terminer avec le journal de Hopper. Et j’aviserai ensuite.
- Mais… Pourquoi faire. Qu’est ce que tu veux encore farfouiller dans ce journal de malheur ? Tu as la réponse à ton énigme, non ? Oublie ces vidéos de malheur.
Odd avait raison. Jérémie le savait. Mais deux choses le perturbaient encore.
La première, c’était que les deux dernières parties du journal étaient surprotégées. Le Supercalculateur mettait davantage de temps à les décrypter… Comme si Hopper avait voulu protéger leur contenu plus que tout. La partie 4 sur leur vie en Suisse. Et la partie 5… « A mon enfant ». Sans doute un message déchirant d’Hopper pour Aelita. Mais dans ce cas, pourquoi avoir voulu le cacher…
Il était 13H quand Odd partit, rassasié, de l’Ermitage.
Jérémie et aida Aelita à la vaisselle. La jeune fille aux cheveux roses n’y vit qu’un geste attentionné de la part d’un époux aimant. Pourtant, la démarche de Jérémie n’était pas désintéressée, vu qu’il brûlait de retourner à l’usine. Comme il était pressé, il attaqua rapidement le sujet qui l’intéressait.
La seconde raison qui faisait qu’il voulait absolument se plonger dans la fin du journal d’Hopper. La fameuse pièce manquante du puzzle.
- Chérie. Tu ne m’as jamais raconté… précisément ce qui s’était passé le jour où ta mère… a été enlevée…
Aelita posa l’éponge un moment et jeta un regard profond à son mari. Elle avait toujours évité le sujet. Elle avait toujours été reconnaissante à Jérémie de ne pas l’avoir abordé. Cependant, avec tous les récents évènements, son mari avait besoin de réponses. Aussi, elle prit sur elle et dit :
- C’était un jour d’hiver. Je ne saurai même pas te dire l’année…
Je faisais un bonhomme de neige dehors. Ma mère et mon père étaient avec moi. Puis je me suis éloignée. Je crois que j’avais vu un écureuil. Mon père a dû rentrer car il ne restait que ma mère avec moi quand… ils sont arrivés.
- Les hommes en noir… Murmura Jérémie.
Un silence pesant tomba sur la pièce. Aelita essuya une larme au coin de son œil et reprit.
- Ca a été horrible. Ma mère a couru vers moi pour me prendre. Mais ils ne l’ont pas laissée m’atteindre. Ils se sont jetés sur elle comme des animaux. Ils l’ont embarquée de force dans une des deux voitures. Puis, la voiture a démarré au quart de tour et ils sont partis.
Je me suis jetée à leur poursuite. Ma mère hurlait sur la banquette arrière en tapant contre le carreau. J’ai couru le plus vite que j’ai pu mais je suis tombée…
Aelita arrêta de frotter frénétiquement la vaisselle. Elle l’avait fait durant tout le récit, comme pour évacuer le trop-plein d’émotions. Elle posa l’éponge derechef et tourna vers Jérémie une tête déformée par la peine.
- C’était… horrible. Sanglota-t-elle. C’est la dernière fois que j’ai vu ma mère.
Jérémie ne sut trop quoi dire. Il la prit dans ses bras. Mais il avait l’impression désagréable que cette petite attention était comme les cachets : Plus on en prenait, moins bien elle marchait. Il était ému et peiné pour sa femme. Cependant, l’obsession de vérité reprenait le dessus. Il lui demanda :
- Et les loups ? Tu m’avais parlé de loups ?
- C’était un loup, corrigea Aelita. Elle se redressa avec une lueur déterminée dans les yeux. Je voulais continuer à poursuivre les ravisseurs. J’entendais encore le bruit du moteur qui vrombissait. Mais à peine j’ai voulu m’enfoncer dans le bois qu’il est apparu. Il est sorti de nulle part. Et il m’a fixé d’un air agressif. J’ai pris peur et je suis retournée en courant vers le chalet.
Aelita se tut. Elle se leva et alla dans le salon, pour trouver le réconfort auprès d’une photo de son père. Jérémie était sur sa faim. Il ne pensait pas que l’histoire s’arrêterait si brusquement. Toutefois, il pouvait enfin attaquer les questions qui lui tenaient à cœur :
- Le loup ne t’a pas poursuivi ? Tu étais jeune, il aurait pu t’attraper.
- Si, affirma son épouse en retour. Il était sur mes traces. Et il a renoncé quand j’ai approché de l’Ermitage. Je crois que c’est la seconde voiture qui la fait fuir.
Jérémie se souvint alors de ce détail que sa femme avait mentionné !
- La seconde voiture ! Il y avait une seconde voiture !
- Oui, répondit Aelita, un peu rêveuse. Je ne m’en étais jamais rappelé… Mais une partie des hommes en noir était dans une autre voiture. Et ils se sont dirigés vers le chalet pendant que les autres s’en prenaient à ma mère. Je m’en rappelle bien parce qu’une femme était avec eux.
"Dido ?" pensa aussitôt Jérémie.
- Ils s’en sont pris à ton père ?
- Non, non. Rassura Aelita. Fort heureusement…
Jérémie ne comprenait pas. Aelita souhaitait visiblement écourter la conversation. Elle commença à monter l’escalier pour aller dans sa chambre. Jérémie insista donc :
- Mais… Ils ne se sont pas arrêtés pour te kidnapper aussi ? Et ton père, comment s’en est-il sorti ? En se cachant ?
- Je ne sais pas. Nous n’avons plus jamais parlé de ce jour-là. J’ai l’impression que mon père en gardait un souvenir aussi lancinant que moi. Chaque fois que je lui en parlais, il se mettait en colère… Pourtant Papa ne se mettait jamais en colère… Pour quoi que ce soit. Enfin bref… J’imagine que les hommes en noir voulaient simplement faire pression sur lui…
Et elle recommença à monter les marches. Jérémie transpira. Ce n’était pas suffisant. Alors, il attaqua une fois encore :
- Et ta mère ?
Aelita s’immobilisa.
- Ton père, reprit-il. Il aurait dû la chercher, non ? C’était le genre d’homme à faire cela.
- J’imagine qu’il a dû un jour apprendre sa mort… mais qu’il ne me l’a jamais dit pour m’épargner…
Trop loin. Jérémie était allé trop loin. La main d’Aelita se crispa contre la rambarde à tel point que le bois grinça. Sans même se retourner pour adresser un regard, elle cracha :
- Qu’est-ce que ça peut bien faire maintenant, de toute façon… HEIN ?
Pourquoi tu me demandes tout ça maintenant…
Puis, elle finit de monter les marches. Et elle claqua violemment la porte de la chambre.
Jérémie prit conscience de la gravité de ses actes. Une culpabilité qui se dissipa rapidement puisque son portable vibra dans sa poche. Une alerte du Supercalculateur ! Le journal avait finalement été décrypté. Il se rua à l’usine.
14H30.
Jérémie s’installa sur le fauteuil.
L’histoire d’Aelita n’avait fait que renforcer ses doutes. Peut-être n’y avait-il aucun rapport avec leur enfant mort. Pourtant il y avait anguille sous roche.
Pourquoi les hommes en noir ne s’en étaient-ils pris qu’à Anthéa ? La présence de Dido ce jour là pouvait effectivement signifier qu’elle était venue parler avec Hopper. Le menacer ? Le faire chanter ? Probable.
Non improbable ! Si cela avait été toute l’histoire, ils auraient également embarqué Aelita et pas seulement Anthéa. Que s’était-il passé ce jour-là ?
Et Anthéa. Etait-elle vraiment morte ? Pourquoi Hopper n’avait jamais cherché à la secourir. Ils avaient fini par s’aimer. Hopper était un peu maniaque mais il n’était pas du genre à abandonner ceux qu’il aimait… Et encore moins à pardonner à ceux qui lui voulaient du mal.
Jérémie ricana. Après tout, si Anthéa était morte, cela collerait encore avec tout le reste.
XANA… Hopper disait l’avoir programmé pour détruire le projet Carthage. Peut-être était-ce là une métaphore pour dire qu’il allait éradiquer tous ceux qui s’en était pris à sa femme… D’ailleurs, cet Omega allait sans doute devenir XANA…
Une partie de journal surprotégée… Une grosse pièce du puzzle qui manquait… La connexion était évidente. Jérémie programma le journal pour qu’il lise les parties 4 et 5 d’une seule traite. C’était parti, la fin de l’histoire l’attendait.
15H00
Il enfonça le bouton du monte-charge et tomba à genou.
Il tremblait. Il avait chaud et froid en même temps. Des tas d’images défilaient devant ses yeux. Dans cette ambiance onirique, il traversa la salle cathédrale en titubant. Arrivé sur le pont, il se cogna contre un poteau après une violente crise de vertige et manqua de peu de tomber dans la rivière.
Puis il se ressaisit. Il traversa le pont, courbé en deux, en se tenant le ventre, comme un sprinter souffrant d'un virulent point de côté. Mais ce n’était pas une crampe qui le pliait. C’était une violente envie de vomir.
Ébranlé dans ses certitudes, il s’enfonça dans les rues de la ville.
Les mémoires du professeur Hopper #04
Quatrième partie du journal - Ouverture
1990… Suisse
- Il est trop mignon, je l’adore !! Comment on va l’appeler ?
- Pourquoi pas Monsieur Pück ? C’est le nom d’un lutin !
- Il te plait ma chérie ?
- Merci Maman !
Et Aelita se jeta dans les bras d’Anthéa. Pour une enfant qui n’avait jamais réellement fréquenté d’autres individus que ses parents, une fille qui avait été élevée dans un chalet perdu en pleine montagne, au fin fond de la Suisse, l’ennui pouvait être un ennemi mortel. Le pendant de cet inconvénient, c’était qu’Aelita avait appris à faire de chaque petite chose un trésor. Quel besoin d’amis, lorsqu’on peut faire des bonhommes de neige, apprendre à jouer au piano ou encore se promener avec Monsieur Pück.
L’intérêt que Waldo y percevait, c’était d’avoir une fille ouverte aux choses du savoir et peu encline aux divertissements. Waldo était cependant désormais un nom assez lointain, puisque le savant répondait désormais au pseudonyme de Franz Hopper.
Les gammes d’Aelita touchaient à leur terme. Franz avait consacré 2 heures aux leçons de piano de sa fille. 8 ans. Elle saurait bientôt jouer intégralement la marche turque. Un exploit dont il se félicitait. Franz avait toujours imaginé, lorsqu’Aelita était sortie nue et légère du scanner, que sa plus grande joie serait de lui transmettre son savoir scientifique. Pourtant en ce soir là, il réalisa que les crépuscules dans la salle de piano étaient ceux qu’il chérissait le plus.
Il avait pourtant toujours apprécié les mathématiques par-dessus la musique, à titre personnel. Pourtant, il s’avérait que voir la sensibilité d’Aelita s’éveiller aux douces courbes sonores lui paraissait être plus précieux que de lui faire acquérir les notions de physique.
C’était une réaction purement sentimentale. Franz s’en doutait bel et bien et l’avais compris. Mais Franz avait changé. La fuite du Projet Carthage avait détruit ses rêves de postérité, anéantit sa marche vers le dernier niveau de la pyramide de Maslow. Il ne serait jamais répertorié dans les encyclopédies, auprès de ses modèles et mentors spirituels. Aelita avait été son échappatoire. Depuis sa naissance, Franz avait appris à ressentir et non plus à seulement réfléchir. Cet aveu de faiblesse avait au moins eu comme effet de lui mettre du baume au cœur. Désormais Waldo était un individu aimant.
A mesure qu’il descendait les marches de l’escalier, après avoir couché Aelita, il croisa, pendue au mur, une photo de lui, Anthéa et leur fille. Sa première photo de famille. Oui, Waldo était devenu un père de famille aimant. Il avait une fille parfaite… et une épouse qu’il chérissait plus que tout.
Plus que tout…
La valise était ouverte sur le canapé, la gueule béante et menaçante. Elle gerbait des frusques féminines en bourron. Anthéa s’en approcha et y adjoint des moufles chaudes. Quand elle remarqua Franz, elle se sentit très gênée. Le regard de Franz, lui, était à l’inverse vide d’émotions, contrastant durement avec les yeux paternalistes dans lesquels Aelita s’était baignée avant de dormir.
Puis elle disparut soudainement à la recherche d’autres affaires. Cela laissa un répit à Franz pour se rappeler comment ils en étaient arrivés là.
Cela faisait plusieurs années qu’ils élevaient Aelita. Plusieurs années qu’ils vivaient en tant que couple Hopper, aux fins fonds de la Suisse, loin de tous voisins et du Projet Carthage.
L’épreuve les avait rapprochés. Leur fille aussi. Franz aimait toujours Anthéa profondément. Mais la pudeur entre eux deux avait survécu à leur long temps de vie commune… Jusqu’à ce soir là…
Ce réveillon de Noël. Anthéa avait placé auprès du sapin les cadeaux d’Aelita, notamment la boite contenant une peluche en forme de lutin. Franz l’avait choisie en lisant « A midsummer Night Dream » de Shakespeare.
Le réveillon avait été chaleureux, comme toujours au coin du feu. Tellement chaleureux que Franz s’était pris à boire un peu plus de vin que d’habitude. Quand Aelita dormît, Anthéa se mit à la vaisselle. C’est alors que Franz eut une vision – Ou peut-être n’était-ce qu’un mirage dû à l’alcool. Il revit cette fameuse scène durant laquelle Anthéa l’avait repoussé, à l’Ermitage, des années auparavant. Cette scène où elle n’était pas amoureuse de lui et où il l’avait retenue à l’aide de la promesse d’un enfant.
Pourtant, cette fois, elle était amoureuse de lui. Franz en était persuadé. Aussi, voyant dans cette réplique du passé un signe, il s’était levé, était arrivé derrière elle, l’avait enlacée et embrassée avec ferveur.
Anthéa s’était d’abord laissée faire, surprise… Cependant, quand Franz commença à se faire plus virulent et plus brusquement explorateur avec ses mains, elle le repoussa fermement. Hélas, il insista, persuadé d’être dans son bon droit de père de famille. Pourtant, l’épouse malgré elle n’y vit pas de cette œil et le projeta loin d’elle de toute la force qu’elle pût.
Franz tituba et trébucha par terre, tirant la nappe de la table avec lui. Ainsi, il gît à terre, se sentant sali, bien que ne réalisant pas tout à fait ce qui lui arrivait. Il se releva fou de rage. Il empoigna la bouteille de vin, un quart pleine, responsable de son ivresse et la jeta de toute ses forces vers Anthéa.
Fort heureusement, l’alcool n’aidant ni à la précision, ni à la balistique, le projectile de verra passa à quelques centimètre du visage de la dame et s’éclata contre le mur d’un bruit sec et tonitruant, répandant la liqueur des dieux d’une couleur rouge sang, en une tache funeste.
Franz, à moitié emporté par son élan, se rattrapa sur la table, soufflant à plein poumon pour évacuer sa déception et sa colère. Son regard était le même que celui du jour où il s’en était pris à ce Supercalculateur du Projet Carthage.
Anthéa était encore sous le choc mais ne se démonta pas. Les quelques années de vie commune avait instauré la routine, faisant qu’elle craignait moins Waldo qu’auparavant. Elle se redressa donc et l’affronta :
- Je te l’avais dit, Franz. Je t’avais dit que je n’étais pas amoureuse de toi. Tu l’avais accepté… Tu avais promis que tu le respecterais !
- Ne me parle pas de promesse, sale garce. Vociféra-t-il. Je t’ai donné tout ce que tu voulais. J’ai tout fait pour toi. Des choses qu’aucun autre homme ne pourra jamais t’apporter. Qu’est-ce qu’il faut que je fasse, HEIN ? – Au fur et à mesure qu’il parlait, Franz avait commencé à hurler – Qu’est-ce que je dois faire pour qu’enfin tu daignes tomber amoureuse de moi, PETASSE !
Franz contrôlait trois quart de ses paroles. Le dernier petit quart qui le séparait jusque là de la vulgarité avait cédé face au verre en trop que Franz avait pris.
Les yeux d’Anthéa luisirent. Mais les quelques larmes relevaient plus de la colère que de la tristesse. Rageuse, elle quitta la pièce sans se retourner. Elle s’enferma à clef dans la chambre qu’elle avait pourtant daigné partager avec Franz au fil de toutes ses années durant lesquelles il avait su garder ses distances.
La journée suivante avait pourtant été tout à fait normale. Impassible devant leur fille, les deux adultes n’avaient rien laissé transparaitre de leur querelle, quand Aelita avait ouvert les paquets. Ni le reste de la journée.
Et pourtant Franz se retrouvait là, le soir du 25 décembre, à regarder celle qu’il aimait depuis près d’une décennie en train de faire une valise pour quitter sa vie. Mais cela ne lui fit rien. Franz le sentimental venait de disparaitre en une fois, laissant sa place à l’homme calculateur qui avait manipulé Anthéa pour la garder auprès de lui.
Un incident arracha pourtant le moustachu à sa torpeur. Anthéa venait de remplir une nouvelle valise avec quelques affaires appartenant à Aelita.
- Que fais-tu, s’enquit-il.
Anthéa expira longuement, comme pour prendre son courage.
- Demain matin, en fin de soirée, je partirai avec Aelita. Tu auras la journée de demain pour lui faire tes adieux. Après, tu ne la reverras plus.
- Et tu penses vraiment que je vais te laisser faire, menaça Franz. Me prendre ma fille ? Ma propre…
- Ta propre quoi, Waldo ? Trancha courageusement Anthéa. Hein ? Ah, attends… Je devine… « Le fruit de tes entrailles ».
Anthéa ricana un coup nerveusement. Puis elle devint soudain très sombre.
- Waldo… Nous devons nous séparer. Refaire nos vies pour être heureux. Toi, tu peux avoir un autre enfant. Moi pas.
- Ne prends pas ta stérilité comme excuse, rumina Franz. Je ne veux pas d’autres enfants. Je veux cet enfant. Je l’ai conçue… Moi ! Et personne d’autre…
Anthéa se renfrogna et fixa Franz.
- Il est hors de question que je laisse ma fille seule avec un être aussi pragmatique… Tu veux une femme ? Trouve t’en une. Tu veux un autre enfant, fais-en un. Tu veux une petite créature parfaite ? Utilise Omega et crée toi un fils à ton image… Brillant… mais froid et calculateur… Mais je ne te laisserai pas infliger ça à Aelita. Et je ne te laisserai pas non plus m’en empêcher. Tu n’as qu’à essayer si ça te chantes. Défia-t-elle.
De là, Anthéa pris la valise et alla se barricader dans la chambre d’enfant, à côté d’Aelita. Le seul endroit au monde où elle espérait que Franz n’oserait pas venir lui faire de mal. Franz, lui, ressassait cette dernière phrase… « Tu n’as qu’à essayer si ça te chante ».
Il alla dans sa chambre et, avant de se coucher, il murmura… « Nous verrons. »
Le lendemain fut une belle journée de fin d’hiver.
Anthéa positionna les valises sur le perron. Elle habilla Aelita et descendit avec elle, très inquiète. Elle n’avait pas dormi, hantée par la paranoïa que Franz vienne s’en prendre à elle. Pourtant, cela n’avait pas été le cas. Il s’était enfermé dans la pièce souterraine du chalet où il avait reconstruit son prototype de Supercalculateur.
Cette machine là, Franz ne l’avait pas doté de casque neuronal ou de scanners. Elle abritait juste le monde virtuel. Franz s’en servait pour surveiller les réseaux et s’assurer que le Projet Carthage ne retrouve pas leur piste. Il allait la bricoler chaque fois qu’il avait besoin de se détendre. Anthéa espérait bien qu’il ne sortirait même pas de la pièce pour leur dire au-revoir.
- Aelita, ma chérie. Nous allons bientôt partir faire un long voyage. Il y a quelque chose que tu veux faire ici avant de partir.
Aelita fixa sa mère, avec une grande naïveté. Puis, son visage s’illumina et elle s’écria :
- Un bonhomme de neige !
Et sans attendre, elle s’élança et commença à rouler la boule !
Ce fut ce moment que choisit Franz pour sortir de la pièce dans laquelle il avait passée des heures. Anthéa eut très peur. Elle crispa dans sa poche la bombe lacrymogène qu’elle avait prévue pour se défendre. Elle tremblait néanmoins. Waldo l’intimidait et une scène de bagarre était la dernière chose qu’elle voulait offrir en spectacle à sa fille.
Or, contre toute-attente, Franz vint, souriant se placer à côté d’elle. Il lui murmura :
- Si ça ne te dérange pas, j’aimerais qu’Aelita garde le souvenir de nous deux comme d’un couple heureux.
Il se serra alors contre Anthéa, qui était rassurée.
- Je comprends que tu veuilles partir. Je m’excuse pour tout. Mais s’il te plait, change d’avis et reviens moi vite. Je t’attendrai ici, sans bouger. Ne me prive pas de ma fille, je t’en supplie…
Au loin, Aelita s’écria :
- Haha ! T’as vu, Maman !
- Oui, mais ne t’éloigne pas trop, ma chérie.
- Bravo, mon ange, Renchérit Franz.
Aelita avait déjà roulé la première grosse boule qui deviendrait le corps du bonhomme de neige. Sur ça, Franz s’éloigna et retourna dans l’Ermitage. Anthéa n’avait pas répondu à sa supplication. Elle s’était laissée touchée. Peut-être l’alcool de l’avant-veille lui avait fait prendre un coup de sang et peut-être pourrait-elle un jour lui pardonner. Cependant, elle devait s’éloigner tout de même durant quelques temps.
Elle aurait bien le temps de penser une fois à l’hôtel avec sa fille. Elle pourrait alors faire mûrir sa décision… Du moins… elle le pensait… Au loin, un bruit de moteurs résonna dans la vallée.
Ce fut 3 minutes plus tard qu’elle les vit arriver. Elle refusa d’y croire même si toute son âme lui criait qu’il ne pouvait en être autrement. Les voitures noires aux vitres teintées soulevaient des trombes de neige colossales à mesure qu’elles fondaient vers elles. Les deux bolides atteignirent Anthéa et Aelita en un rien de temps.
Anthéa se précipita vers sa fille ! Elle devait la prendre avec elle et la ramener vers le chalet. Elle devait fuir avec sa fille. Les portes s’ouvrirent à la volée. Quatre hommes descendirent. Deux foncèrent en courant vers le chalet, l’arme dégainée au poing, et malgré leur récente altercation, Anthéa eut peur pour Franz. Bien qu’elle n’en fût pas amoureuse, elle l’aimait à sa façon et ne voulait pas qu’il lui arrive du mal. Hélas, elle ne put continuer à penser à Franz très longtemps.
Les deux hommes l’interceptèrent avant qu’elle n’effleure Aelita. L’un deux lui asséna sauvagement un coup de poing dans le ventre, afin de s’assurer de sa docilité. Anthéa eut le souffle coupé violemment. Cependant, elle ignorait ce qui était le plus douloureux. Le coup sans pitié qu’elle venait de recevoir ou bien le hurlement terrifié que poussa Aelita lorsqu’elle vit ainsi sa mère battue. Le deuxième l’empoigna par les cheveux et la traina dans la voiture. La vue d’Anthéa se brouillait. Aelita hurlait en pleurant.
- Mamaaaaaan.
- Aelitaaaa, hurla en retour Anthéa.
Elle fut jetée à l’arrière d’une voiture. Un homme l’y suivit et ferma la porte d’un coup sec, le second avait dû prendre la place de conducteur puisque la voiture démarra et s’enfuit en trombe. Anthéa se débattit et se jeta contre la vitre arrière. Aelita était là. Elle n’avait pas été prise. Elle poursuivait la voiture en hurlant de tous ses poumons. Anthéa avait le visage écrasée contre la vitre… Elle était impuissante. Elle murmurait le prénom de sa fille.
Puis intérieurement, elle pria pour que Franz la sorte d’ici. Seul Franz pouvait la sortir d’ici désormais, aussi, elle pria le ciel qu’il ne lui soit rien arrivé. Et du ciel, un sac noir lui tomba sur la tête.
La porte arrière de la voiture du gouvernement qui était restée immobile sur place, s’ouvrit. Dido en sortit d’une démarche fière et assurée. Elle avait assistée, avec une satisfaction certaine, au rapt d’Anthéa Hopper sous les yeux de sa fille. Le couple de fuyard lui avait causé bien du tort et elle avait dû s’en expliquer, penaude, à ses supérieurs ministériels. Aujourd’hui, elle tenait sa revanche.
La merdeuse Hopper s’éloignait en courant derrière la première voiture qui emmenait sa mère. Dido ne s’en soucia guère. Une fois le père appréhendé, il ne serait pas très compliqué de récupérer la fillette. Elle se tourna donc et marcha d’un pas leste vers le chalet.
A quelques mètres de là, devant le chalet, se tenait Hopper. Il était emmitouflé dans une combinaison d’hiver, les mains dans les poches, visiblement sûr de lui. C‘était cocasse, puisque les deux hommes du gouvernement, descendus de la même cylindrée que Dido, le tenait en joue, à deux mètres de lui.
- Professeur Schaeffer, débuta Dido d’un ton mielleux et insupportable. Cela fait longtemps. Votre départ précipité de la dernière fois ne vous avait même pas laissé le temps de me dire « au-revoir ».
- Au vu du contexte, rétorqua froidement Hopper, je vous aurai plutôt dit « adieu », ce jour-ci.
- Et pourtant nous voilà, ricana-t-elle. L’un face à l’autre, comme au bon vieux temps ! Cependant, je dois dire que je n’ai pas compris… Votre appel, très surprenant ! Plus de nouvelles de vous pendant toutes ces années. Invisible comme l’air. Introuvable comme le lapin blanc… Et voilà que vous nous appelez de vous-même… Et pour quoi ! Pour nous indiquer votre position et nous proposer un marché.
Le visage d’Hopper se tordit en un sourire démoniaque. Comme s’il venait de faire payer une dette de longue date. Dido ne s’arrêtait plus de parler tant elle jubilait et enchaîna :
- Je dois vous avouer que j’ai été surprise. Je ne vous croyais pas si machiavélique comme bonhomme. Echanger votre femme et son savoir afin qu’elle nous aide à poursuivre nos recherches… En échange de l’absolution et de la paix pour vous et votre fille… N’avez-vous donc pas peur pour le salut de votre âme, mon cher Schaeffer ! C’est digne de Faust, comme pacte avec le démon ! Vous ne craignez pas l’au-delà ?
Hopper gardait son calme. Et cela commençait à rendre nerveux les deux hommes en noir qui accompagnaient Dido. Il haussa les épaules en renâclant et rétorqua.
- « Dieu est mort ».
- Je vous demande pardon ?
- C’est une citation de Nietzsche. « Dieu est mort ». Une manière littéraire de vous dire que, non, je ne crains pas le jugement dernier. Je suis un scientifique. Quant au sujet du pacte, oui, vous en avez bien compris les termes…
Dido s’agaça de le voir ainsi garder de sa superbe, dans la situation où il était. Elle reprit :
- J’en ai compris les termes, certes, néanmoins, les raisons m’échappent. Pourquoi nous avoir livré votre femme et ne pas être simplement parti…
- Voyez-vous, expliqua Hopper, ma femme voulait partir avec ma fille. Je ne pouvais pas l’en empêcher par la force devant Aelita. Un bon père se doit de montrer l’exemple. Si je la prenais et que je filais en douce, Aelita m’aurait demandé toute sa vie ce qu’il était advenu de sa mère… et j’aurai eu bien du mal à trouver un mensonge convaincant. Et là, vous êtes arrivée… Et en arrachant Anthéa sous les yeux d’Aelita, vous m’avez donné tout ce dont j’avais besoin pour que ma fille ne me haïsse pas de l’avoir privée de sa mère. Et en effet, je ne m’attendais pas à ce que vous compreniez tout ça, idiote que vous êtes.
Les deux hommes en noir rehaussèrent leur révolver de quelques centimètres au dessus du sol pour bien signifier la menace.
- J’ai bien peur que ce soit vous qui n’ayez rien compris, pauvre sot ! Vous pensiez réellement que j’allais me contenter de votre femme, alors que je peux vous avoir, VOUS ?
Cette fois-ci, Dido bouillait.
- Vous allez m’accompagnez professeur Schaeffer. Votre femme est déjà partie dans une voiture pour l’une de nos bases. En revanche, vous, vous emprunterez un second véhicule en ma compagnie. Nous irons directement au quartier-général. Et en partant d’ici, nous nous assurerons de récupérer votre fille sur la route. Elle sera l’instrument qui nous garantira votre entière docilité et soumission au Projet Carthage.
- Et si je refuse ?
Dido ne tint plus.
- Agents, logez une balle dans le pied de Monsieur Hopper. Après tout, il n’en aura pas besoin, assis devant ses ordinateurs.
A la seconde, un agent s’exécuta. Il visa le pied d’un mouvement très professionnel et pressa la détente. Le visage d’Hopper se contracta une seconde en une expression de peur intense dont Dido se délecta.
Le coup retentit. Un nuage de neige fut soulevé du sol. Cachant la blessure.
Dido se décomposa. Hopper n’avait pas bronché. Il était resté debout, coûte-que-coûte. Bien que la blessure ne fût pas mortelle, il aurait au moins dû émettre un cri de douleur et tomber à terre… Il n’en était rien.
Le nuage de neige se dissipa. Il laissa apparaître le pied d’Hopper, qui grésillait comme un écran sans signal. Dido laissa s’échapper un hoquet d’effroi. Les deux hommes en noir s’agrippèrent à leur arme pour se rassurer. Décomposés, ils fixaient la main droite du professeur. Celle-ci était parcourue de champs électriques émettant une splendide lueur violacée… Pourtant, en cet instant précis, les deux hommes n’y voyaient qu’un signe funeste.
Hopper leva le bras vers l’homme qui lui avait tiré dessus. Une puissante gerbe d’arcs électriques fusa de sa main et percuta l’homme en plein torse. Il fut propulsé contre un rocher. Hopper continua de l’électrocuter encore et encore, tandis qu’il se débattait dans un hurlement strident.
Epouvantée, Dido chut à terre, ses jambes ne retenant plus son poids. L’autre homme en noir vida son chargeur sur le professeur. Mais rien n’y fit. Les balles le traversaient comme un corps gazeux.
L’électrifié hurla durant encore une longue minute. Il se tordait de douleur, gigotant dans tous les sens pour se libérer de cette électrocution prolongée… mais rien n’y fit. Jusqu’à ce que ses yeux virent au blanc et qu’il s’arrête de crier. Dans l’air, il flottait une odeur nauséabonde de chair brûlée.
Dido tremblait comme une feuille du le sol. Elle s’accrocha à la cheville du second homme en noir qui était trop pétrifié pour bouger.
Hopper était immobile comme une statue. Puis, soudain, un champ électromagnétique attira à lui l’arme du défunt agent secret. A peine la réceptionna-t-il qu’il tourna son bras vers le laquet de Dido et lui logea une balle entre les deux yeux. La détonation du pistolet émit un écho dans la montagne. Puis plus aucun bruit ne résonna.
Hopper s’approcha d’un pas lent de Dido. Elle n’osait plus bouger. Il s’accroupit vers elle avec dédain et l’empoigna par les cheveux, lui arracha un petit cri plaintif. Puis, il vint coller sa bouche contre son oreille tandis qu’elle bégayait.
- Ma dernière invention… Le clone polymorphe. Ca vous plait ? Je suis certain que vous auriez adoré l’utiliser dans votre Projet… Mais j’ai bien peur qu’il n’en sera rien.
Maintenant vous allez prendre vos cliques et vos claques et foutre le camp. Vous rapporterez ce que vous voudrez aux gens du projet. Vous imaginerez la fable qu’il vous sierra. Toutefois notez bien ceci… Si une seule fois dans ma vie, je recroise votre route ou bien j’entends parler de vous et votre organisation, je vous traquerai et je vous ferai griller comme la grosse truie geignarde que vous êtes…
Puis il se redressa et tira Dido par les cheveux jusqu’au cadavre de l’homme en noir qu’il avait choqué à mort. Il colla la face de Dido contre celle du macchabée qui sentait le porc rôti. Et il compléta d’une voix très calme :
- Exactement comme celui-là…
Dido pleurait en hoquetant comme un bébé. Hopper la jeta sur le cadavre avec mépris.
- Maintenant, hors de ma vue.
Dido ne se fit pas prier. Ecœurée, elle rampa jusqu’à la voiture dans laquelle était venue. Elle se rua du mieux qu’elle put au volant et décolla au quart de tour pour mettre le plus de distance possible entre elle et ce monstre. Après une centaine de mètres, elle croisa la jeune fille aux cheveux roses… poursuivie par un loup.
Elle pensa à l’écraser mais elle eut trop peur que Schaeffer ne la rattrape et ne la mette à mort… Elle évita donc la gamine. Lorsqu’elle passa à côté du loup, celui-ci s’immobilisa. Il fixa Dido avec un regard plein de haine, puis se volatilisa sous ses yeux… dans le même grésillement que celui qui entourait le faux Hopper.
Dido se demanda ce que cela signifiait… Schaeffer avait-il poussé le vice au point d’envoyer une de ces choses, qu’il avait appelées « clones polymorphes » pour surveiller sa fille et la ramener jusqu’au chalet…
Non, elle en fut sûre. Elle repensa à ce que le professeur lui avait dit. Le but de toute cette manœuvre était de faire en sorte qu’Aelita croie sa mère décédée et ne pose jamais de question dessus… Ce fou aurait donc envoyé un loup pour la traumatiser davantage encore et qu’elle revienne en panique jusqu’à lui au chalet ? Etait-il inhumain à ce point ?
Dido balaya ses pensées futiles et ne se concentra que sur la promesse qu’elle se fit à elle-même. Un jour, elle retrouverait Hopper et elle le ferait tuer, dusse-t-elle envoyer des hommes jusqu’à son domicile pour l’abattre devant sa fille !
Le clone de Franz venait juste de disposer des cadavres en les enfermant dans une des pièces du chalet, quand Aelita revint, tremblante, apeurée et traumatisée. Avant que la fille ne le voie, il disparut dans un tourbillon de pixels.
Le vrai Franz Hopper sortit alors de la salle secrète où il avait reconstruit son prototype de Supercalculateur. Victorieux. Il récupéra sa fille et la calma du mieux qu’il put, même si la blessure resterait vivace durant des années.
Puis, il fit sa propre valise, ramassa celle qu’Anthéa avait confectionnée pour Aelita. Il alla enfin, une fois encore, récupérer la pile nucléaire de son Supercalculateur et la mis également dans son bagage. Puis, il enflamma le chalet et tous les souvenirs qui y étaient liés, rompant à jamais avec Anthéa Hopper.
Il s’enfonça dans les bois, portant Aelita sur son dos et les deux valises dans chacune de ses mains. Il fit plusieurs kilomètres, en direction d’une nouvelle vie, pour lui et sa fille. Après avoir marché 300 mètres, il eut la désagréable impression d’avoir oublié quelque chose. A 400 mètres, cela fit tilt. Blême et en stress, il posa un genou au sol et fouilla prestement dans sa valise, la peur au ventre. Le chalet brûlait déjà de milles feux. S’il l’avait oublié …
C’est alors, rassuré, qu’il vit, entre deux chemises, le périphérique contenant la sauvegarde d’Omega…
Le quotidien d’Aelita #03
29 mars 2019 à 16H00.
Aelita entendit de violents fracas au rez-de-chaussée. Jérémie n’était pas là. Elle fut inquiète. Et si quelqu’un était rentré dans la maison… Elle descendit prudemment les marches. Des tiroirs étaient retournés… On avait fouillé à la recherche de quelque chose…
Jérémie surgit soudain en trombe de la cuisine. Mais ce n’était pas Jérémie. Il était méconnaissable. Son teint était blanc comme un linge. Il tremblait comme un épileptique en pleine crise et regardait dans tous les sens comme un vrai dément atteint de paranoïa.
Plus inquiétant, il saignait… De grosses taches de sangs gisaient au sol… Et d’ailleurs, Jérémie tenait lui-même une petite fiole de laboratoire, remplit d’un liquide rouge… Certainement le même fluide qu’on retrouvait au sol.
Jérémie fut comme électrocuté quand il vit Aelita. Cette dernière n’en fut pas moins déconcertée. Son mari et elle s’était quitté sur une situation ambiguë. Il lui avait posé des questions, s’était montré insistant comme jamais. Elle l’avait envoyé sur les roses… Et il avait disparu pendant quelques heures, comme il le faisait sans arrêt ses derniers temps…
Mais jusque là, jamais il n’était rentré pour tout saccager dans la maison en répandant sur sang sur le parquet.
Jérémie était figé. Aelita prononça difficilement, éberluée :
- Jérémie… Mais… Mais qu’est-ce qu’il se passe, bon sang !
A réfléchir à la réponse, Jérémie réagit, vu qu’il se remit à trembler de toute part… avant de s’enfuir en courant, fuyant le regard de sa femme. Elle lui courut après, hélant son nom. Pourtant, il refusa de s’arrêter. Il se jeta dans la voiture et partit en trombe.
Aelita tomba, genou à terre, sur le trottoir. Qu’était-il arrivé à son mari ?
Elle dégaina son téléphone portable sans plus attendre et composa le numéro. A sa grande joie, on lui répondit. Elle dit donc :
- Odd, il faut que tu viennes… Tout de suite !
Odd arriva, peu de temps après, comme à son habitude quand on l’appelait à l’aide. Mais ce n’était plus dans ses habitudes d’être appelé à l’aide et il s’en satisfaisait bien. Aelita lui narra l’épisode troublant qu’elle venait de vivre. Elle et Odd se mirent alors à table.
- Il a fini le décryptage du journal ? Répéta-t-elle.
- Oui, admit Odd. Désolé de ne pas te l’avoir dit. Il… Je… Il devait le faire lui-même… Qu’est-ce qu’il t’en a dit ?
- Que… Que mes parents ne s’étaient jamais aimés. Que j’étais sans doute un enfant adopté.
Odd se sentit très mal à l’aise. Il se demanda un moment s’il devait dire à Aelita qu’elle était virtuelle. Il devait le faire… Mais la lâcheté l’en empêchait. Jérémie était déjà visiblement dans tous ses états… Lui, le maillon fort du groupe. Que ferait-il si jamais Aelita déraillait également.
Cela faisait trop, trop vite.
- Il devait décrypter les deux dernières parties du journal… Il a dû les visionner tout à l’heure. Il allait à peu près bien ce matin. S’il a péter un boulard, c’est forcément à cause de ce qu’il y a dans cette partie là…
Odd n’y croyait qu’à moitié, pourtant il se raccrocha à cette excuse pour ne pas avoir à confesser lui-même à Aelita qu’elle était sortie d’un scanner et non d’un utérus.
- Il faut aller le voir. S’il avait un échantillon de sang, on le trouvera forcément à son laboratoire. Il est probablement allé faire des analyses !
Aelita soupira. Elle se redressa et ordonna.
- Non, Odd. Tu va m’emmener à l’usine. Maintenant et tout de suite. Il est temps que je sois mise au courant de ce qui se passe.
Odd ne put protester.
Un tour d’horloge plus tard, ils pénétraient dans la salle du Supercalculateur. L’écran était encore allumé. Jérémie ne l’avait pas éteint. Visiblement, il venait à peine de finir de visionner le 5ème et dernier morceau inconnu du journal d’Hopper. Le Supercalculateur avait enchainé automatiquement sur la 6ème partie du journal, que les héros connaissaient de longue date. A l’écran, le professeur racontait en boucle ses journées du 6 juin 1994.
Aelita s’installa au poste de commande. Elle relança le journal à son commencement et entama le visionnage par la première partie. Derrière elle, Odd se tortillait, mal à l’aise, et sachant parfaitement quelle révélation son amie allait encaisser. Il préparait les mots pour la soutenir.
Après de longues minutes, Aelita arriva à la 3ème partie du journal. Elle comprit alors qu’elle était de nature virtuelle. Pourtant, elle ne stoppa pas son visionnage, déterminée à comprendre ce qui arrivait à son mari. Elle refoula ses émotions et enchaina avec le quatrième passage. Odd le découvrit en même temps qu’elle.
Lorsque le visionnage fut terminé, le titre de la 5ème partie s’afficha. « A mon enfant ».
Aelita mit sur pause.
Trop de choses se bousculaient dans sa tête.
Elle était virtuelle… Son père avait livré sa mère aux hommes en noir. Elle devinait quel serait le contenu de la 5ème partie. Son père lui laisserait certainement un message d’explication sur ses motivations… Quel qu’il soit, ce serait un message d’Hopper à son intention. Elle ne voulait pas l’entendre. Pas maintenant. Immoral ou pas, cela resterait les mots de son père. Elle voulait le découvrir plus sereinement. Pas à un moment où Jérémie était en proie à l’internement psychiatrique…
- Aelita ?
Odd la sortit de ses pensées.
- Je dois aller retrouver Jérémie… L’histoire de mon père et de ma mère, ajoutée au reste. Il a dû paniquer, ne sachant pas comment il m’avouerait tout ça. Je dois le retrouver.
- Et toi ? Demanda Odd.
Bonne question. Aelita ne se la posait même pas. Ses émotions était comme sur off…
- Je suis virtuelle. Constata-t-elle. J’ai passé plusieurs années de mon… « adolescence » à être persuadée que je l’étais… Et pourtant, déjà à l’époque, je me considérais comme humaine. Parce que j’étais avec vous et que vous étiez mes amis.
Odd, je suis mariée à Jérémie. Je suis amie avec toi. Et je vis sur Terre depuis plus d’une décennie. Alors peu importe ce que dit mon code génétique. Et peu importe que je ne puisse pas avoir d’enfants… si c’est le seul prix à payer pour que je puisse vivre cela.
Odd resta sans voix. Aelita avait toujours été tellement forte. Jérémie et lui avaient passé tellement de temps à se demander comment elle réagirait qu’ils ne s’étaient même pas dit que peut-être, elle encaisserait la nouvelle beaucoup mieux qu’eux. Odd reconnut là, la Aelita qui avait déjà traversé davantage d’épreuve que n’importe qui du même âge.
Et la dame ne lui laissa pas le temps d’être plus admiratif, elle partait d’un pas décidé vers le monte-charge pour partir à la recherche de son époux. Odd voulut la suivre, puis il repensa à ce que Jérémie savait.
Certes, l’histoire d’Hopper était horrible, digne d’un film de mauvais goût. Cependant, Jérémie n’était pas le genre de mec à craquer pour une histoire triste… Il avait pu encaisser le fait qu’Aelita était virtuelle… Ce mec était en béton.
Odd repensa aussi à la fiole de sang qu’Aelita disait l’avoir vu tenir dans la cuisine. Que comptait-il bien foutre avec ça ? Il sortait d’où ce sang ? Quelque chose ne collait pas.
Alors, Odd décida de laissa Aelita partir aux trousses de Jérémie et visionna la 5ème partie du journal, afin d’en avoir le cœur net.
Je suis sans doute censée prononcer un petit discours... Mais étant donné que je ne m'en sens pas capable, je pense que le meilleur moyen de vous remercier est tout simplement de retourner à l'écriture du chapitre 4 qui sortira sans doute demain !
Je vous remercie pour cette... distinction. Je remercie aussi toutes les personnes qui ont soutenu la candidature de ma fiction, particulièrement Nyx =3 Merci encore à toi d'avoir commenté chaque chapitre... et de porter ma fiction si haut dans ton coeur !
Je dois dire que je suis surprise... En premier lieu parce que je ne parcours ce forum que trop peu et que du coup, je ne connaissais pas les autres fictions. Ensuite, parce que finalement, ma fiction a relativement peu de commentaires comparativement à d'autres. Non pas que je n'écrive pour la course au commentaire. Bien loin de là. Mais du coup, je ne pensais pas qu'elle avait été autant "remarquée" notamment par les deux référents.
En tout cas, je suis contente que ce texte vous plaise et je vous donne rendez-vous pour les deux chapitres finaux qui, d'après moi, sont encore un poil au dessus des 3 premiers qui posaient la base !
Merci à tous ! Bonne nuit !
Pwaaaah ! Voilà un chapitre écrit en une nuit. J'ai fait de mon mieux sachant que je n'aurai pas pu écrire demain et que je ne voulais pas vous faire attendre une semaine de plus !
Qu'est-ce qu'il faut souffrir pour vous, chers lecteurs ^o^
Bon, tout d'abord réponses aux commentaires !
@Nyx !
Le sort d'Aelita t'inquiète ! Hum, je ne vais pas te rassurer. Comme tu l'as compris, je pense, mon registre fétiche est le lyrisme... et le lyrisme c'est pas forcément très gai =X Donc oui, les héros ne sont pas au bout de leur peine.
Aelita est-elle virtuelle ou non ? Le chapitre à venir va sembler te donner raison... Mais est-ce la totale et entière vérité ? =P A ce que je vois, pas mal de lecteurs prennent des pincettes avec les théories les plus évidentes, donc je suis content, ça veut dire que j'ai réussi à ficeler une intrigue pas trop mal =)
Wait and see.
Et oui, désolé, l'alchimie du couple Waldo/anthéa est une des victimes collatéral de ma fic ^^'
Merci de me suivre !
@Ikorih !
A, une autre fidèle lectrice de valeur =D Merci beaucoup !
Ecoute, j'avoue avec honte ne pas avoir eu le temps de lire ta fic, je n'ai lu que tes One Shot. Mais bon, je débarque ici, donc j'espère avoir droit à un peu de tolérance =X
je suis content que tu apprécies mon scénario, content que tu te méfies des portes ouvertes. =P
J'espère que la suite te plaira.
Ma fic est peut-être plus orienté back-story qu'explications du monde virtuel lui même. En effet, Jérémie se pose des questions sur le mal d'Aelita, mais c'est principalement dans les éléments de back-story qu'il trouvera des réponses. Je ne me sent scientifiquement pas sufisament à l'aise pour débattre de l'impact de la virtualisation sur la génétique ^o^'
Voilà !
@Zéphyr.
Ma foi, encore des compliments =X
Je ne peux que vous remercier vu que je n'ai aucun point sur lequel me défendre de critique pour acerbes hihi !
Vous relevez toujours les mêmes points positifs : Originalité, surprise, bonne écriture, donc bah, merci encore :')
Par contre n'hésite pas à proposer tes théories. En tant qu'écrivain qui sait depuis le début le dénouement, j'aimerai bien voir ce qui passe par la tête de mes lecteurs. ^^
Enfin, les aspects que tu apprécies (Waldo manipulateurs, le vent qu'il se bouffe etc...) sont toujours des parties sur lesquels j'ai essayé de travailler un minimum donc c'est d'autant plus gratifiant pour moi.
J'aime vraiment, dans mes fics, pouvoir travailler de nouvelles dimension aux personnages. Même si le DA est trop enfantin pour le montrer, Waldo est à mes yeux un psychopathe mégalomane à sa manière. Ce sont des aspects que j'aime développé dans les fictions, un peu comme la réaction méprisante de Jérémie vis à vis des médecins dans le prologue.
Enfin, pour la faute que tu as relevée, merci de me l'avoir signalée. J'ai passé tellement de temps à bien vérifier que j'avais nommé Franz, "Hopper" dans la quête de Jérémie (présent) mais que je l'avais bien renommé Waldo & Schaeffer dans les "Mémoires du PF" (passé) que finalement, c'est sur Anthéa que j'ai commis une erreur de relecture !
J'ai corrigé ça dès que j'ai lu ton commentaire !
@ Punk Princesse
Ravi que mon histoire te plaise aussi. J'espère que les 3 chapitres restant vont vous aider à faire encore quelques noeuds avec votre cerveau !
Quant à l'utilisation du cyan, je doute que cela pose un souci à un quelconque membre de l'équipe, puisque je m'en sert dans une balise spoiler et que le contenu de ma fic n'a, à priori, pas besoin d'être modéré
Les autres teintes bleues ne fonctionnant pas sur le forum, il ne me reste que le cyan pour faire parler Jérémie.
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Et ainsi, voilà le chapitre 3.
Moins de révélations dans celui-ci. Comme je vous l'ai dit, il fonctionne presque de pair avec le chapitre 2. Rassurez-vous, les chapitres 4 et 5 seront beaucoup plus surprenant ;p
Au niveau de la chronologie, vous remarquerez un léger chassé-croisé (qui permet en fait de faire vivre l'intrigue plus longtemps). Normalement, ca ne génera pas votre compréhension de l'histoire si vous lisez d'une traite. Mais vous remarquerez que certaines scènes du chapitre 2 se passaient après certaines scènes du chapitre 3.
Rien d’insurmontable, je vous fait confiance.
Bonne lecture.
Chapitre 3 : Ce puzzle où il manquait une pièce
Spoiler
La quête de Jérémie #03
28 mars, 1H00 du matin
- Il faut que tu lui parles Jérémie…
- C’est encore trop tôt, protesta le génie.
Odd lui jeta un regard réprobateur. Il s’agrippa à la corde et se laissa tomber jusqu’au sol de la salle cathédrale. Jérémie la saisit ensuite. Il n’était pas rassuré à l’idée de confier ses reins à ce vieux fil que le temps épargnait de moins en moins. Il finit néanmoins par s’y agripper et laissa l’attraction terrestre le faire descendre.
Plus bas, Odd saisit le câble et se mit à le faire remuer fortement. A deux mètres du sol, Jérémie se mit à glapir de peur sous l’influence des secousses. Il perdit prise et s’écrasa le popotin droit sur le sol.
- Mais t’es con ! Beugla-t-il à l’adresse d’Odd, d’une voix si stridente qu’elle résonna dans la grande usine vide.
- Et toi, tu me laisses le cul entre deux chaises.
Il tourna les talons et pénétra dans le monte-charge. Jérémie l’y rejoignit en se massant le derrière. Son regard assassin ne quitta pas Odd le temps que les vieux mécanismes rouillés peinaient à faire descendre le rideau métallique. Odd défia son regard.
- C’est pénible de se retrouver dans une situation inconfortable, n’est-ce pas ? Attaqua-t-il.
- C’est tout ce que t’as à dire ?
- Aelita se doute de quelque chose. Et vu que tu évites ta maison et ta femme tous les jours, c’est à moi de gérer son regard insistant et ses questions inquisitrices. Tu dois lui parler de ce que tu fais.
- Il est encore trop tôt, trancha le génie.
Odd abaissa le boitier d’un geste rageur. Il pressa le bouton et le monte-charge s’immobilisa, avant sa destination. En reprenant la parole, il ne regarda même plus son collègue.
- Tu m’as bien dit que tu aurais fini d’accéder aux deux prochaines sections du journal de Hopper ce soir, n’est-ce pas ? La seconde et la troisième partie.
- Oui, murmura Jérémie, mal à l’aise.
- Alors quand tu auras vu ce qu’il y a à l’intérieur, demain soir au plus tard, en rentrant, tu dis à Aelita ce qu’on a fait ces jours-ci. Sinon je le ferai. Même si je suis sûr que cela passera moins bien.
Jérémie fronça les sourcils. Il soupira et acquiesça. D’un geste ascendant, Odd remit le monte-charge en marche. L’ascenseur s’arrêta au niveau du laboratoire. La porte s’ouvrit et Jérémie sortit. Se retournant, il adressa une dernière remarque à Odd :
- Tu es gonflé de me faire des reproches, alors que c’est toi qui m’a re-trainé ici la première fois…
Odd adressa un petit sourire mesquin, tandis que le rideau de fer tombait entre Jérémie et lui. L’époux Belpois s’installa à la machine et la réenclencha. Odd entrait concomitamment dans la salle des scanners. En effet, Jérémie n’avait pas attendu l’incident de sa femme pour revenir dépoussiérer son siège d’opérateur.
Des années après la fin de XANA, Odd était venu chez lui en pleine nuit. Ce soir là, Aelita dormait. Jérémie, lui, bossait sur la version finale de sa thèse. Il était arrivé ce jour-là une chose à laquelle Jérémie ne s’attendait pas. Ce n’était pas la venue de son ami, à une heure où la Lune est la dernière source de lumière naturelle. Odd avait fait, par le passé, bien plus surprenant que de débouler à l’improviste en pleine nuit.
Non, ce soir là, ce qui avait été atypique, c’était les traces d’eau qui avaient été étalées le long de ses joues d’un revers de manche, et ses gros yeux humides qui laissaient deviner une récente effusion de pleurs.
Les durs évènements de la lutte contre XANA avaient souvent fait pleurer Aelita. Yumi était partie de l’usine en pleurant, un soir où Jérémie avait cru faire disparaitre Ulrich accidentellement dans la virtualité. Ulrich quant à lui avait pleuré la nuit où il avait cru voir Yumi embrasser William. Et William, lui, avait pleuré le jour du mariage d’Ulrich et Yumi. Il avait appelé ça « un surplus d’émotion nostalgique » mais il s’était arrangé pour que les jeunes mariés ne le relèvent pas. Oui, de tous les membres du groupe, Odd était le seul que Jérémie n’avait jamais vu pleurer. Et le seul que Jérémie pensait ne jamais voir pleurer.
Pourtant, après qu’il l’ait fait entré, monté dans le bureau et qu’il lui eut demandé ce qui n’allait pas, les larmes avaient rejailli abondamment. Odd Della Robbia était brisé.
- Je… Je n’y arrive pas Jérémie… Larmoie Odd.
- A quoi ? Demande Jérémie, surpris.
- A continuer… Ce… C’est pas ma vie ça… C’est pas moi… C’est pas nous…
Odd hoquète à grand coup. Bien sûr, à s’en tenir à ses seules paroles, cela ne ressemble qu’à un fade mal existentiel de collégien. Mais Odd ne parvient seulement pas à mettre de mots suffisamment puissants sur son émotion.
- Je… Euh… C’est vrai qu’avec ma thèse, j’ai pas été très présent ces temps-ci, vieux. S’excuse Jérémie. Il renchérit : Et puis, Aelita est très prise avec ses leçons de conduite. Elle en a presque fini avec le permis.
- C’est pas la question. Bredouille en réponse le plaintif. C’est justement ce que je te dis. C’est pas nous ça. Ne pas se donner de nouvelles. Passer un week-end à parler de rien en ne faisant rien.
Odd marque une pause. Alors que les larmes s’étaient calmées, son expression se tord en un rictus plaintif et ses doigts se crispent sur la tasse de chocolat chaud que lui tend Jérémie. Il baisse la tête, bredouille. Et reprend :
- C’est pas comme ça que c’était sensé se passer.
Jérémie sait bien de quoi il s’agissait. Il s’assoit à côté de son acolyte et lui passe une main fraternelle autour de l’épaule.
- Hey, Odd. On le savait. XANA est mort. On savait que notre vie serait plus la même. Il faut juste qu’on… apprenne à tourner la page. Faut trouver d’autres… occupations…
Odd sanglote sans s’arrêter. Il lâche quelques bribes de paroles quand ses toux se calment.
- Ce soir, je suis rentré. J’ai pris un livre. Et je l’ai reposé. J’ai allumé la télé. Et j’ai zappé. J’ai mangé à m’en faire mal au ventre. J’ai essayé de dormir. J’ai pas réussi. Je suis allé courir jusqu’à être cassé. Je me suis douché et j’ai essayé de dormir… Encore.
- Ca ressemble à une soirée bien remplie, sourit Jérémie.
- Mais bien sûr que non, crie en réponse Della Robbia, indigné.
La colère et la frustration semblait se substituer à la peine.
- Tu captes donc rien, Jérémie ?… Je me fais chier ! Je me fais chier dans ma vie. Je m’emmerde de la seconde où je suis réveillé par mon réveil à la minute ou je m’endors d’ennui. Ca fait presque huit ans que je m’emmerde chacune des saintes journées qu’il m’est donné de vivre.
Le coup de colère passé, voilà que la déprime reprend ses marques sur le visage de l’ex-Lyoko-Guerrier.
- J’ai personne avec qui partagé ça… Vous passez à autre chose et moi je reste derrière. Et chaque fois que je regarde les infos, chaque fois qu’une merde se passe quelque part dans le monde, je prie le ciel que mon portable vibre et que tu m’appelles pour me dire que XANA a refait surface. – Odd marque un petit temps d’arrêt – C’est pas moi, Jérémie. Je suis pas comme ça. Je veux pas être comme ça. Je refuse d’être seul.
- On est là, Odd. Quand tu veux…
Maladroit. Mais Jérémie est pris totalement au dépourvu. Odd le fixe. Un regard qui mélange la prière et l’espoir. Jérémie sait vers où tout cela les conduit. Il le craint depuis un long moment. Il espère en vain que cela ne se produise pas.
- Viens avec moi à l’usine.
La vanne est ouverte. Jérémie ouvre déjà la bouche pour rejeter la proposition. Et déjà, avant même qu’un son ne sorte de sa bouche, la face d’Odd se décompose en un air que même un chien battu ne saurait afficher. Odd ne fixe même pas Jérémie. Il regarde le sol. Les larmes tombent sur la moquette. Sa voix résonne une nouvelle fois d’une tonalité abattue, sans rien de commun avec le condensé de joie de vivre qu’avait été Odd.
- J’t’en prie, Jérémie… J’peux pas continuer comme ça. J’en peux plus. J’en ai besoin. Je veux y retourner. J’t’en supplie.
Et les mots d’Odd se perdent dans des borborygmes élégiaques.
Jérémie s’assit sur son fauteuil. Cela faisait déjà longtemps qu’il avait découvert ce spleen dévastateur qui fustigeait Odd. Depuis cette entrevue nocturne, Jérémie et Odd étaient revenus à l’usine. Les deux têtes blondes avaient joué aux Lyoko-guerriers une petite heure. Ils avaient remis ça un mois après. Puis le mois suivant. Et ainsi de suite. Toujours en pleine nuit. Toujours à eux deux.
Cette lubie récurrente avait soudé les deux amis. Les deux blondinets n’avaient jamais été les deux plus proches amis de la bande. Leurs caractères opposés les mettaient souvent en désaccord. Pourtant, cette nuit là. Quand Jérémie avait virtualisé Odd pour la première fois depuis des années. Il s’était passé quelque chose.
Il ne l’aurait pas cru, pourtant Jérémie avait jouit de reprendre sa place aux commandes. Il avait accompagné Odd dans ses pitreries à travers le monde virtuel. Sur son Overboard, l’homme chat défonçait des parois glacées à coup de flèches laser, fonçait à toute allure à travers les canyons, slalomait entre les arbres, piquait dans les précipices embrumés. A pied, il traversait les immenses salles du 5ème Territoire, à travers moult figures acrobatiques. Pendant ce temps, Jérémie se re-familiarisait avec ses vieilles combinaisons. Il se penchait sur certains codes du monde virtuel qu’il n’avait jamais explorés outre mesure. Cette nuit avait été une bouffée d’oxygène dans son quotidien de thésard.
Cependant, une chose encore plus forte était arrivée ce soir là. Quand Odd était sorti du scanner, il avait jeté un regard à Jérémie dont l’intensité dépassait tout ce que l’opérateur avait pu connaître jusque là. Ce n’était même plus de la reconnaissance qu’Odd ressentait vis-à-vis de Jérémie. C’était une gratitude, comme s’il avait changé quelque chose dans sa vie.
Ainsi, en perpétuant leurs escapades nocturnes, Odd et Jérémie s’étaient compris. Odd se ressentait à présent des liens plus forts vers Jérémie qu’envers Ulrich, à qui il ne pouvait s’empêcher de reprocher d’avoir tourné le dos à Lyoko et de s’être endormi dans une vie de couple castratrice.
C’est pourquoi, le retour à l’usine de cette nuit-là n’avait rien d’exceptionnel pour Odd. En revanche pour Jérémie, cela marquerait le retour à un travail sérieux : S’atteler au journal de Franz Hopper…
Quelque part sur le Désert, Odd atterrit sur son surf virtuel. Jérémie procéda comme à l’habituelle : Il virtualisa des escadrons de monstres de types différents aux quatre coins du Territoire. Il avait récupéré les programmes-sources des monstres de XANA dans une partie ultra-protégée sur 5ème Territoire, qui s’était retrouvée totalement accessible après la mort de XANA. Depuis, le génie pouvait s’amuser à faire apparaitre des Krabes, des Tarentules ou encore des Mantas… et même de les faire se comporter comme bon lui semblait.
Seul regret de Jérémie, dans cette caverne aux merveilles, il n’avait pas trouvé le fichier qu’il avait le plus envie d’analyser parmi tous : Celui de la Méduse… Le secret de l’infâme créature était, soit bien caché, soit mort avec son créateur multi-agents. Il aurait bien aimé avoir accès à ce programme aujourd’hui.
- Hey Jérémie ! Raz le derche, des monstres. Balance la tornade de sable dans le Désert. Quand j’aurai fini mon safari, je vais tester mon Overboard dans l’œil du cyclone.
Jérémie ne discuta même pas. Ce soir-là, il avait du pain sur la planche. Tout ce qui pourrait distraire Odd le plus longtemps possible était bon à envoyer. Il alla donc fouiller un coup dans la planque à programmes de XANA et ressortit la tempête de sable qu’il leur avait mise dans les dents, lors de l’attaque du bus. Quelques touches, deux clics et le phénomène ébranla bientôt le calme du Désert à la grande joie d’Odd.
Jérémie attaqua alors le décryptage du journal. Hopper leur avait livré la sixième partie du journal « La fin de toute chose » durant la guerre contre XANA. Il s’agissait de la partie sur la fin de sa vie à l’Ermitage avec Aelita et la fuite sur Lyoko. Jérémie avait décrypté la première partie « Perspective », où il avait découvert l’existence d’Alpha et d’Omega. Il restait donc quatre parties à décrypter. Jérémie, après analyse des capacités du Supercalculateur, décida de les traiter deux par deux.
La partie 2 s’appelait « Genèse ». Un titre peu évocateur. La partie 3 s’appelait « Fuite ». Datée de 1974, l’année où Hopper avait claqué la porte du Projet Carthage. Beaucoup plus explicite ! C’était les deux parties que Jérémie allait se trouver en mesure de traiter pour la nuit.
La partie 4 s’appelait « Suisse ». 1990. Pour ce que Jérémie savait des souvenirs d’Aelita, il allait sans doute s’agir de l’enlèvement de sa mère, dans le chalet Suisse. Enfin la partie 5 se nommait « A mon enfant », de 1991. De toute évidence, un message de Hopper pour Aelita.
Jérémie fut tenté un instant de commencer par cette avant-dernière partie. Il se dit que c’est peut-être dans celle-ci qu’il avait le plus de chance de tomber sur de quelconques indices à propos de la terrible fausse couche d’Aelita.
Il pesa le pour et le contre. Toutefois, comme Aelita ne risquait pas de retomber enceinte de si tôt et que l’identité d’Alpha&Omega continuait à le perturber, Jérémie opta pour poursuivre son approche chronologique.
Après deux heures de travail de la machine, les deux parties du journal furent décryptées. Le génie s’apprêta à visionner la première.
- Hey Jérémie ! Oh ho !
- Quoi, grinça Jérémie, agacé.
- Tu veux pas m’envoyer le Kolosse. J’ai toujours rêvé de lui mettre la douille après qu’Ulrich a réussi à le faire !
- Je t’ai déjà dit que non ! C’est comme la Méduse, je n’ai pas trouvé son programme-source. Et même si le Supercalculateur est puissant, XANA utilisait des dizaines de machines pour le générer. Je ne veux pas bouffer la pile nucléaire prématurément.
- Pfff, soupira Odd. Tu fais vraiment aucun effort ! Bon, cap sur la tornade ! Yahoooooooooooooo !
Excédé, Jérémie coupa la communication avec Lyoko. Il se plongea alors dans la visualisation de la seconde partie du journal. Il y découvrit que ses recherches s’étaient avérées exactes : Anthéa Hopper était bien stérile. Cependant, de nouveaux éléments le chiffonnèrent plus encore.
De toute évidence, Aelita n’allait pas être le fruit de l’Amour entre Franz et Anthéa… La thèse de l’adoption à laquelle Jérémie s’était accrochée pour s’auto-persuader qu’Aelita était bien humain s’effritait. Tout, dans cette seconde partie de journal, tendait à démontrer qu’Hopper allait bientôt changer Alpha&Omega en Aelita…
A la fin du visionnage, Jérémie prit une bouffée d’oxygène…
A peine était-il au second morceau du journal qu’il tenait déjà là sa réponse. Aelita était-elle vraiment virtuelle ? Venait-il de trouver la raison de son infertilité. Hopper aurait-il échoué à en faire un être parfaitement humain ?... Et surtout… Surtout. Jérémie y pourrait il quelque chose ? Pourrait-il rectifier quelque chose, là où même Hopper avait échoué…
Le curseur se déplaça bientôt sur la troisième partie du journal. Jérémie commençait à avoir peur de ce qu’il pourrait bien découvrir. Une nouvelle pensée traversa alors son esprit. Au final, le plus douloureux de cette histoire serait peut-être d’aller annoncer à sa femme qu’elle n’était pas humaine… et que son père et sa mère ne s’étaient jamais aimé…
Double clic. La troisième partie du Journal d’Hopper s’ouvrit.
Une demi-heure plus tard, Odd tournait toujours comme une mouche autour de la tornade de sable. Depuis trente minutes, il flirtait avec le vortex en prenant des tangentes, effleurant la zone de turbulence sans prendre totalement le risque de la traverser. Il tâtait le terrain, évaluait son adversaire.
Un laser lui frôla soudain la tête. Une Manta s’approchait. Impatiemment, Odd s’apprêta à la recevoir. Elle disparut une seconde derrière la tornade et ressurgit face à l’homme-chat. Une rafale de flèche laser l’accueillit et la réduisit à l’état de poussières numériques.
Cela faisait bien longtemps qu’une Manta isolée n’était plus un défi pour le vétéran qu’était Odd. Il se reconcentra sur la tornade. Cette fois-ci était la bonne. Il plongea droit sur le phénomène. Il comptait pénétrer le courant circulaire, profiter de la force du vent pour prendre de la vitesse et maintenir la direction de son Overboard. De là, la force centripète du vent lui permettrait de traverser la tornade de part en part et de ressortir indemne de l’autre côté. Et, au pire du pire, Jérémie veillait au grain.
Odd plongea. Le courant le happa. Comme il l’avait prévu, il maintint son cap en utilisant la force éolienne à son avantage. C’est alors, en une fraction de seconde, qu’il remarqua une petite bille blanche prise dans la tornade, qui vint percuter ton Overboard : Une mine ! La sournoise Manta qu’il venait d’abattre avait lâché des explosifs dans la Tornade !
La déflagration fut immédiate, l’Overboard vola en pixels ! Odd fut aussitôt siphonné par la tornade. Tout allait si vite qu’il en perdait la vue. Il fit six fois le tour du cercle venteux, en moins de deux secondes. Puis, force centrifuge aidant, il fut propulsé à une vitesse faramineuse vers l’extérieur. Voltigeant à travers le ciel, Odd piqua très vite vers la Mer Numérique. Tétanisé, il poussa un long hurlement. Jérémie allait le sortir de là… Jérémie devait le sortir de là !
Le plongeon s’éternisait. Odd vit sa vie défiler devant ses yeux… Soudain, un électrochoc lui redonna le contrôle de ses bras. Il pointa son gantelet directement vers sa tête et, à la manière des suicidaires qui emploient un révolver « pour se faire exploser la cervelle », il s’envoya une flèche laser entre les deux yeux. Son avatar se volatilisa quelques centimètres avant les eaux mortelles.
Si il avait trembloté, livide, en sortant du scanner, Odd était à présent dans le monte-charge et il bouillonnait en serrant les poings. Il fit irruption dans le labo. Jérémie avait le casque sur la tête, comme lorsqu’il visionnait des vidéos. Mais il fixait un écran vide, l’air hagard.
Odd s’approcha et lui envoya un taquet, à mi-chemin entre la tarte et le coup de poing, à l’arrière du crâne.
- Aïe, geignit Jérémie !
- Surveiller les écrans, ça te parle ? Beugla Odd ! J’ai failli me retrouver dans la Mer Numérique à jamais.
Jérémie ne répondit même pas, réalisant qu’il avait coupé la communication. A vrai dire, les braillements de son camarade ne l’atteignaient même pas, toujours sous le choc de ce que venait de lui révéler la troisième partie du journal.
Voyant que son ami n’était pas dans son assiette, Odd n’insista pas. Il ne posa pas non plus de questions. Quoiqu’il ait découvert, Jérémie était visiblement trop mal pour en parler. Ou peut-être souhaiterait il en parler tout d’abord à Aelita.
Les deux amis quittèrent l’usine et se séparèrent. Odd était inquiet.
Les mémoires du professeur Hopper #03
Troisième partie du journal - Ouverture
1974…
Le scanner grogna fortement. Un grand bruit de dépressurisation retentit, comme lorsque s’ouvrent les portes d’un autobus. Cependant, se sont les portes du scanner qui s’ouvrirent, laissant apparaître la silhouette d’Anthéa Hopper !
La fumée se dissipa et Waldo accourut. Il ôta ses lunettes pour vérifier qu’il ne rêvait pas. Puis, il explosa de joie. Anthéa se regarda dans un petit miroir. Cela faisait déjà des dizaines de fois que Waldo surpassait les limites de l’entendement… et pourtant, à chaque fois elle était époustouflée davantage. Dans le reflet du miroir se dessinait son minois angélique, coiffé d’une merveilleuse chevelure rose !
- Tu as réussi, félicita-t-elle.
Waldo la prit dans ses bras et elle lui rendit son étreinte. Et ils allèrent tout deux s’assoir près de leur poste de travail.
- J’ai donc réussi. Je suis parvenu à modifier ton code génétique et à transformer ta couleur de cheveux naturelle en quelque chose d’unique. Cela signifie concrètement deux choses. En ce qui concerne nos amis du Projet Carthage, le scanographe est bel et bien capable de scanner la structure moléculaire et génétique d’un corps soumis à ses rayons.
Waldo baissa alors la voix et vérifia qu’Anthéa et lui étaient seuls dans le bureau.
- En ce qui concerne notre grand projet, cela signifie que tout le travail théorique que j’ai fourni sur Alpha&Omega est correct. Maintenant que l’intégralité de sa structure corporelle est achevée et que la totalité de son paramétrage psychologique est effectif, je n’ai plus qu’à créer sa fiche génétique et notre enfant sera un parfait humain… coincé dans un monde virtuel ! Tu sais ce que ça veut dire également ?
- Oui, murmura Anthéa. L’heure de lui choisir un sexe est enfin arrivée.
Anthéa était resplendissante. Elle regardait Waldo avec une infinie admiration, ce qui ne manquait pas de flatter le scientifique.
- Et pour la matérialisation/virtualisation, questionna-t-elle.
- La pile nucléaire doit nous être livrée ce soir, répondit Hopper d’une voix très sombre. Si Dido tient ses engagements. Mais elle ne nous a pas habitués à nous faire poireauter. Cela devrait être bon. Toutes mes théories sont exactes pour l’instant. Il ne manque plus que la source d’énergie nucléaire pour que le scanner soit suffisamment puissant pour créer une fissure atomique. De là, il pourra détruire un corps et l’envoyer dans la Virtualité. Ou dans le sens inverse, créer un corps inexistant à partir de données informatiques.
La journée s’acheva. Waldo et Anthéa retournèrent travailler chacun de leur côté pour ne pas attirer l’attention. Il était très délicat pour eux de maintenir leur petit manège. En apparence, ils donnaient l’intégralité de leur recherche au Projet Carthage. Secrètement, ils passaient énormément de leur temps à travailler sur Alpha&Omega. Comme Waldo l’avait planifié, ils conservaient cependant une grande longueur d’avance pour leur propre dessein.
Cette situation instable, à marcher sur des œufs, avait largement renforcé leur complicité. Ils se donnaient souvent rendez-vous le soir pour parler de leur enfant à venir et s’accorder sur des questions d’éducation.
Ce soir-là devait être le dernier puisque la virtualisation de leur « progéniture » était imminente. Anthéa se rendit dans le studio de Waldo, à l’intérieur du complexe d’Etat. Ce dernier l’attendait avec une bouteille de champagne.
Anthéa s’installa confortablement sur le sofa. Deux coupes dans les mains, Waldo la rejoignit. Il lui tendit une coupe et lui dit :
- Cette fois-ci, c’est la bonne. On a la pile. On pourra virtualiser Alpha&Omega demain, discrètement. On y est. Alors je t’écoute…
- Pour le prénom… Conclut joyeusement Anthéa.
- Il faudrait commencer par le sexe, notifia Waldo, amusé par l’enthousiasme de celle qu’il aimait.
- Je veux une fille…
Waldo sourit. Il en était certain. En ce qui le concernait, il s’en moquait bien. Deux choses lui importaient. La première : Que cet enfant soit intelligent afin que Waldo puisse l’emmener sur ses traces, avec une éducation perfectionniste. L’enfant serait de toute façon programmé de telle sorte qu’il ait un intellect proche de celui de son père.
La seconde… Que cet enfant le lie à jamais avec Anthéa. Le temps faisant, Waldo savait qu’Anthéa finirait par s’enamourer de lui.
- Et comment s’appellera-t-elle ?
- Aelita.
La nuit fut longue. Pour Waldo comme pour Anthéa.
Ils se retrouvèrent à la première heure le lendemain et s’enfermèrent dans une salle de travail. Hopper passa la matinée à travailler sur Alpha&Omega. Il commença par remettre sa mémoire à zéro. Après tout, il avait programmé la croissance du programme pour qu’une fois matérialisé, il grandisse à l’identique d’un être humain normal. Alpha&Omega serait donc nourrisson lorsqu’il viendrait au Monde.
L’après-midi fut consacré à la sexualisation de l’enfant. Hopper avait préparé les deux cas de figures.
- Que fais-tu, s’enquit Anthéa en regardant Waldo s’affairer.
- Je sépare Alpha&Omega en deux entités distinctes. Alpha sera une fille. Omega sera un garçon. Annonça-t-il fièrement.
- Mais… S’étonna Anthéa. Nous ne devions avoir qu’un enfant.
- Je sais. Je garderai Omega sur le Monde Virtuel. Qui sait ? Si j’ai un peu de temps, j’en ferai peut-être un programme gardien de l’Univers Virtuel… Ou… Peut-être que quand Aelita aura pris quelques années, elle voudra un petit frère pour jouer avec elle. On ne sait jamais.
Il regarda Anthéa avec un sourire bienveillant. Elle restait stupéfaite. En toute circonstance, Waldo pensait vraiment à tout. Il anticipait tout. Quel homme incroyable…
La différenciation d’Alpha et d’Omega prit la fin de la journée. Exténué, Waldo donna un rendez-vous nocturne à Anthéa. En pleine nuit, ils se retrouveraient et, ensemble, il réaliserait la première matérialisation de l’Histoire de l’Humanité.
Afin d’être au mieux de sa forme, Waldo alla dormir, à peine la nuit tombée.
C’était alors qu’il était au milieu d’un beau rêve qu’il fut brutalement réveillé par une main qui le secouait.
- Waldo !
C’était Anthéa. Elle était livide. Il était 2 heures du matin. Leur rendez-vous nocturne était prévu à 4. C’était anormal.
- Que se passe-t-il ?
Waldo nota qu’elle tenait dans la main un dossier estampillé du logo du Projet Carthage.
- Waldo… Ils nous ont menti…
- Qu’est-ce que c’est que ça ? Insista-t-il.
- Le bureau du Dido n’était pas fermé quand je suis passé devant. Expliqua-t-elle. Ce dossier était ouvert sur son bureau. J’ai vu nos photos… Viens…
Anthéa et Waldo allumèrent une lampe de chevet et s’installèrent sur une table. Waldo ouvrit le dossier. Il contenait de nombreuses informations. Scientifiques travaillant sur le projet Carthage. Budgétisation du projet. Echéancier. Photos.
Pourtant, la seule page que Waldo dévorait des yeux était celle portant l’intitulé « Finalité du Projet Carthage ».
Un premier cadre portait la mention « Utilité militaire du projet ».
Les mentions se succédaient :
- Interruption des transmissions ennemies.
- Blocage des communications ennemies.
- Piratages des systèmes informatiques ennemis.
- Espionnage.
- Paralysie des nouvelles technologies.
Une sous partie était même rédigée en ces termes :
« En fonction des travaux du professeur Schaeffer »
- Matérialisation de robots depuis le monde virtuel
- Transfert rapide de troupes
- Programmes de simulations d’entrainements militaires sur la Virtualité.
Enfin, un second cadre mentionnait les idées que le professeur Schaeffer s’était faites du projet.
« Utilité du Projet après assise de la domination militaire hégémonique sur les pays rivaux »
- Contrôle des réseaux électriques
- Développement des régions pauvres
- Lutte contre la précarité
- Instauration de l’ordre
Waldo passa 20 minutes dans le plus profond des silences.
On l’avait manipulé. On l’avait manipulé et il n’avait rien vu venir… Il se redressa soudain et ordonna à Anthéa :
- Prends tes affaires.
Anthéa prit peur devant l’attitude de Waldo. Il tira rageusement un paquet d’affaires de son placard, qu’il bourra dans un sac-à-dos. Il entraina Anthéa dans ses appartements et lui fit faire de même. Puis, utilisant leur passe électronique, ils se rendirent dans la salle du Supercalculateur. Waldo menait. Anthéa suivait. Elle n’avait aucune idée de ce qui passait par la tête de Waldo. Mais la haine démentielle qu’affichaient ses traits la paralysait au point qu’elle n’osât rien demander.
Waldo s’installa au poste de commande. Il déclara, la voix pleine de ressentiment :
- Je vais tout détruire ! Et après, toi et moi, nous fuirons.
Anthéa n’avait de toute façon pas l’intention de continuer à soutenir le Projet. Que lui coûte. Mais cette nouvelle si vite tombée la déstabilisa. Son instinct maternel prit le dessus et elle demanda, plaintive :
- Et Aelita ?
- Nous ne pouvons pas la matérialiser maintenant, trancha Schaeffer. Nous allons passer probablement les prochains mois à fuir Dido et ses sbires. Ce n’est pas maintenant qu’il faut nous embarrasser d’un nourrisson.
Les yeux d’Anthéa s’emplirent de larmes. Mais elle se tut. Schaeffer remarqua néanmoins son malaise. Il s’approcha d’elle et lui murmura dans l’oreille :
- Ne t’en fais pas. Je vais prendre nos travaux avec nous… et voler la pile nucléaire. Tout ce que nous aurons à faire, c’est nous planquer. Ensuite, je reconstruirai un Supercalculateur et un scanner et alors, notre fille verra le jour. Et nous vivrons heureux tous les trois, à jamais.
Anthéa se sentit rassurée. Mais la peur reprit rapidement le dessus.
Waldo s’installa aux commandes. Il se mit à taper sur le clavier comme un possédé. Il sauvegarda Alpha – future Aelita – sur un périphérique, puis il fit de même avec Omega. Il enregistra ensuite les données principales de son œuvre et fourra l’ensemble des sauvegardes dans son sac. Il y rangea ensuite la pile nucléaire du Supercalculateur.
Il effaça enfin la plupart des données de la base du Projet Carthage. Tout du moins, celle qui le concernait et le fruit de ses recherches. Se levant brusquement, il s’empara d’une barre métallique. Il s’élança vers le Supercalculateur et se mit à frapper dessus comme un illuminé, à de multiples reprises. Quand il eut suffisamment sabordé la machine, il s’en prit à tous les autres éléments de la pièce. Anthéa tremblait. Rien ne semblait pouvoir endiguer la rage de Waldo… Lui d’ordinaire si doux. Elle en vint même à se demander si, dans l’hypothèse où Dido pénétrait dans la pièce, Waldo ne la tuerait pas de sang-froid.
Le forcené finit néanmoins par être trop fatigué pour poursuivre sa frénésie destructrice. Il prit son sac d’un bras, entraina Anthéa de l’autre et se dirigea vers la sortie de la base. Fort heureusement pour lui, seuls les espaces extérieurs étaient surveillés, de fait, personne n’avait encore relevé les effets dévastateurs de son putsch.
Approchant des gardes près de l’entrée, il leur tendit son laisser-passer.
Les scientifiques du plus haut niveau de la base, ceux dont Schaeffer et Hopper faisaient partie, avaient droit à un jour de congé par mois durant lequel il pouvait sortir pour se vider l’esprit. Le garde leur jeta néanmoins un regard suspicieux.
- Vous êtes matinal, demanda-t-il d’un ton inquisiteur.
- Randonnée, marmonna Waldo. Faut bien se vider la tête de temps à autre. Vous n’avez pas idée à quel point cela peut faire du bien parfois de se… défouler…
Le garde vérifia leur papier, jeta un regard à leurs sacs. Pensant à tort qu’il ne devait contenir que le kit du randonneur, et loin de d’imaginer qu’une pile nucléaire allait lui passer sous le nez, il leur adressa un sourire bienveillant et fit lever la barrière.
Waldo et Anthéa marchèrent rapidement. Ils sortirent de la base, traversèrent le bourg le plus proche et s’enfoncèrent dans la forêt, à travers des sentiers tortueux. Après plusieurs heures de marche, la Suisse s’offrirait à eux.
Anthéa était toujours apeurée et sous le choc. Waldo était toujours en transe. Ils marchèrent continuellement durant deux heures puis firent une pause près d’un ruisseau. Après quelques minutes de relâche, Waldo enlaça Anthéa et lui susurra :
- Tout ira bien, je te le promets.
La colère était passée. Ses traits s’étaient radoucis. Pour la première fois depuis qu’elle avait découvert l’horrible vérité à propos du projet Carthage, Anthéa se sentit en sécurité. Elle se blottit contre Waldo et lui déposa un baiser contre la joue droite… Amoureusement…
Le quotidien d’Aelita #03
29 mars 2019, 4H00 du matin.
Aelita émit un petit ronflement. Jérémie ne parvenait toujours pas à dormir. Il avait menti à sa femme. Il lui avait révélé qu’Anthéa Hopper, sa mère présumée était stérile… et que, de facto, elle n’était pas sa mère. Mais il n’avait pas encore trouvé ni les mots, ni la force d’avouer à Aelita qu’elle était au final bien un être virtuel, matérialiser sur Terre depuis Lyoko. Il faudrait aussi bientôt lui avouer que c’était, de manière quasi sûre, la raison pour laquelle elle n’avait pas pu avoir d’enfant…
Problème de natalité que Jérémie n’avait aucune certitude de pouvoir résoudre un jour. Ainsi il s’en trouvait là. Les trois premières parties du journal avaient suffi à lui apporter les réponses dont il avait besoin. Jérémie en vint même à se demander s’il était encore utile de décrypter les deux dernières. Les parties 1 à 3 venaient de lui révéler toute la partie de la vie de Franz Hopper qui leur était encore inconnue… La suite, il la connaissait : Hopper et Anthéa allaient probablement fuir le projet Carthage, reconstruire un scanner et virtualiser Aelita, bébé, aux alentour de l’année 1982, puisqu’Aelita avait environ 12 ans en 1994.
L’épisode de l’enlèvement d’Anthéa en Suisse en 1990. Et le reste de l’histoire jusqu’au 6 juin 1994… Aelita le savait déjà grâce à ses souvenirs. Il n’y avait rien de plus à en tirer.
Jérémie soupira. Il se retourna pour poser un regard sur Aelita.
La Lune filtrait à travers le rideau, éclairant son visage. Elle était si belle. Jérémie avait, dès la première seconde, ressentit cette attirance presque alchimique pour sa femme. Un amour qui les avait conduit, tous, vers une sacrée épopée. Il lui avait toujours parut tellement naturel d’être amoureux d’elle. Comme si leur histoire était écrite d’avance…
Une larme chaude coula le long de sa joue. Il s’enfonça la tête dans l’oreiller pour ne pas réveiller sa femme avec ses sanglots. Créature virtuelle ou non, Jérémie savait une chose. Rien ne l’empêcherait jamais d’aimer Aelita.
Belpois décida donc de se refocaliser sur quelque chose de plus positif. Ce soir là, il avait appris au moins une bonne nouvelle. Contrairement à ce que laissait augurer la seconde partie du journal, malgré un début difficile entre eux, il semblerait que les choses aient, au final, fonctionné entre Franz et Anthéa. Ainsi, bien que créée à partir de la virtualité, Aelita restait le fruit de l’Amour et tous ses souvenirs heureux auprès de ses deux parents n’étaient, finalement, pas illusoires.
Cette pensée heureuse en guise de lot de consolation calma quelque peu le pantouflard. Il arrivait à juguler sa peine. Toutefois, le sommeil ne venait toujours pas. Il avait le sentiment que quelque chose clochait. Comme une tache qu’il aurait omis de voir sur le tableau. Il se remit alors à penser à ce qu’Aelita lui avait raconté sur l’enlèvement de sa mère…
Grâce au journal, Jérémie savait qu’il avait eu lieu en 1990. Il se redressa alors soudainement, comme électrocuté. Si Waldo était autant éperdument amoureux d’Anthéa… et qu’Anthéa avait été enlevée… Pourquoi n’avait il jamais cherché à la récupérer… Un individu aussi brillant que lui … Qu’est-ce qui aurait bien pu l’arrêter ?
Tout était logique jusque là… sauf ce point précis… Un vaste puzzle où il manquait une pièce.
Finalement, les deux dernières parties du journal avaient peut-être
encore quelques petites choses à lui apprendre…
Voilà, je crois que c'est à peu près tout. Hésitez pas à commenter, à théoriser, ça me motive et me fait plaisir ^^
Le titre du chapitre 4 sera : Heur & Vérité
PS : A toutes les personnes m'ayant envoyez un MP, je vous répondrai prochainement ^^
Alors, tout d'abord Nyx !
Merci beaucoup pour ton assiduité ! Alors en effet, pas de réaction des parents d'Ulrich. Ma fic est assez rapide et assez centré sur l'intrigue. Du coup, il y a multitude de truc que j'aurai pu développer sur lesquels je ne m'étend pas. Le métier d'Odd, les parents d'Ulrich, ceux de Jérémie, comment Jérémie et Aelita ont fait pour récupérer l'Ermitage. Etc... etc...
Dans une fiction qui se passe 10 ans après, on peut toujours développer des centaines de trucs et dresser un tableau complet, mais ce n'est vraiment pas mon objectif. Sinon ça va "dissoudre" l'intrigue au milieu du reste et ce n'est pas le but. Quand j'ai un truc que j'ai envie d'écrire en dehors de l'intrigue, je le fais, mais sinon je ne vais pas chercher trop loin. Ce n'est pas l'objectif.
En ce qui concerne les parents de Yumi, je trouve leur réaction assez logique. Les pères ont plutôt tendance à être chiant au début (Genre on vole l'innocence de ma fille tout ça) et à se relaxer une fois que la fille est posée avec un mec.
A l'inverse, les mères pensent parfois que jeunesse doit se faire... mais son très exigeante quant à tout ce qui touche au mariage. Car elle voit ça comme un engagement important.
Les cheveux blonds d'Anthéa ne sont en effet pas anodins =P
Merci pour tes encouragements et de commenter ma fic à chaque chapitre ! Ca me motive ! J'espère que ce chapitre te plaira aussi.
@Vaan
Même remarque que précédemment pour les parents de Yumi. Merci pour ton commentaire ! Je suis content que mon interprétation des personnages te plaise.
@ Café Noir
Un commentaire du grand rédac en chef, merci merci hihi.
Bon bah, j'attends ton commentaire plus détaillé alors, pour te faire une réponse qui sera aussi plus détaillée ! Content que ça te plaise.
@ Zéphyr
Je suis content que l'originalité de l'intrigue te plaise ! EN ce qui concerne le casque neuronal, je m'en suis surtout inspiré de l'épisode 38 mais aussi des Code Lyoko Chronicles, si tu connais. Il y en a un à Bruxelles. Les héros se virtualise avec dans un prototype de Lyoko.
Merci de suivre ma fic. Ca fait deux membres du mag, c'est un honneur ^o^
J'espère te garder à mes côtés durant le récit.
Trêve de palâbre : Place au 2ème chapitre : La pyramide de Maslow.
Spoiler
Chapitre 2 - La pyramide de Maslow
La quête de Jérémie #01
25 mars 2019
Jérémie avait mis une journée à se remettre de la découverte d’Alpha & Omega. Quelque chose le dérangeait. Ce n’était pas une certitude. Ce n’était rien de rationnel. C’était quelque chose de viscéral. D’émotionnel… Et Jérémie n’aimait pas l’émotionnel. Dès lors, il se demandait pourquoi, à chaque fois qu’il pensait à ce nom, « Alpha & Omega », il sentait ses entrailles remuer au plus profond de lui. Cela ne lui ressemblait pas.
La journée du 24 mars avait été consacrée au rattrapage du retard qu’il avait pris dans son travail universitaire. Il est certains métiers où même la grossesse ratée de votre épouse ne vous laisse pas réellement de répit. Encore moins le temps pour un congé. L’emploi de Jérémie en faisait partie.
Il était 11 heures du matin. Jérémie rentrait de quelques petites courses. Aelita dormait encore. Il rangea discrètement les vivres dans le frigo et les placards. Puis, il fit ce qu’il faisait le mieux : Il grimpa quatre à quatre les marches de l’escalier et se barricada dans son bureau.
Il se tourna vers le tableau blanc. Comme à chaque fois qu’il laissait un travail en plan, Jérémie devait commencer par faire le point sur tout ce qu’il avait découvert. Il saisit donc le marqueur noir et se mit à écrire, jusqu’à ce que le tableau soit plein. Il recula d’un pas et contempla :
En haut, les deux hypothèses de Jérémie concernant le mal d’Aelita.
Au milieu, le nom qu’Hopper avait donné à chacune des parties de son journal.
En bas, les hypothèses de Jérémie à propos d’Alpha&Omega.
C’était une pyramide. Pour comprendre ce qu’avait Aelita, son mari avait ouvert le journal de Hopper. En ouvrant le journal d’Hopper, Jérémie avait découvert l’être virtuel…
A présent, pour comprendre qui était cet être, Jérémie devait explorer plus loin le journal… et cela lui permettrait sans doute de comprendre ce dont souffrait Aelita. La boucle serait bouclée comme on dit…
Pourtant…
Jérémie était réticent à l’idée d’aller plus loin dans le journal d’Hopper. Cela impliquait de rallumer le Supercalculateur. Et indépendamment de cela, son malaise était persistant.
Le génial professeur décida d’explorer une autre piste.
Anthéa Hopper venait de faire irruption dans le journal. La mère d’Aelita. Contrairement à ce que sa femme lui avait rapporté, la dame avait les cheveux blonds… et non roses. Jérémie réalisa alors qu’un élément évident était sous ses yeux. Et qu’il avait omis de le voir…
Les cheveux roses d’Aelita. Bien entendu, il ne s’en était jamais soucié auparavant. La première fois qu’Aelita était apparue sur Terre, Jérémie la croyait issue d’un monde virtuel… La présence de cette… anomalie était donc logique…
Quand Aelita avait recouvré la mémoire et le souvenir de son humanité, elle avait rapporté à Jérémie que l’étrange couleur de sa chevelure lui venait de sa mère. Aucune raison de s’alarmer par conséquent. Mais Anthéa était blonde… La couleur de cheveu de sa femme devenait donc un nouvel élément à prendre en compte… Probablement le médecin de l’hôpital l’avait-il prise pour une teinture. Sans quoi, ils auraient sans doute posé des questions…
Jérémie pensa alors qu’il était regrettable que son fœtus n’ait pas survécu quelques temps, afin de voir si jamais ses premiers cheveux avaient été roses…
- C’est morbide… Murmura Jérémie pour lui-même…
Il s’installa sur son ordinateur. La barre de recherche de son moteur personnel s’afficha. Les touches du clavier résonnèrent en une légère mélodie à travers la pièce, tandis que dans l’espace vierge de l’ordinateur, les lettres s’assemblaient.
« anthea hopper »
Et les recherches débutèrent. Jérémie avait, depuis de longues années, épuisé toutes les pistes de recherche d’internet à propos du professeur Hopper. Il n’avait cependant jamais approfondi la piste sur la mère d’Aelita.
Pour tout dire, le couple Belpois ignorait même ce qu’elle était advenue. Ils ignoraient si elle avait fait partie du projet Carthage. Ils ne savaient même pas si elle avait été au fait que son mari avait pris part à ce dangereux projet d’état. Avait-elle été surprise quand des hommes en noir était venus l’arracher à sa fille, dans ce chalet en Suisse… ? Il était temps d’en être sûr. Et pour cela, le Supercalculateur n’était pas nécessaire.
Plusieurs heures passèrent. Jérémie faisait chou blanc. L’énervement commençait à le prendre. Il décida de passer la vitesse supérieure et de sortir des sentiers battus. Après quelques manipulations, les requêtes qu’il lançait sortirent des chemins de la légalité. La recherche de Jérémie s’étendit rapidement aux espaces protégés du Net : Vie privée, sections de site invisibles, secrets d’Etat… Bientôt, plus rien ne résisterait aux investigations de Jérémie.
Le roi des hackers s’apprêtait à devoir bientôt affronter les systèmes de défense d’institution gouvernementale… Les reliquats du projet Carthage allait devoir se mesurer à ce pro du hacking… Cependant et contre toute attente, une réponse lui parvint immédiatement… d’un site où le piratage de Jérémie n’avait rencontré aucune résistance digne de ce nom…
Surpris, le pirate informatique se pencha sur les documents volés. Il s’agissait … de rapports médicaux. Ils avaient été dérobés dans les données d’un certain docteur Malakoff. Un document manuscrit apparut à son écran. Il était daté de 1970 et avait probablement été scanné et informatisé bien après cette date.
1970. Anthéa n’avait pas encore rencontré Franz Hopper.
« Enfin un document qu’Hopper n’aura pas pensé à chercher et à détruire. » Se félicita Jérémie.
C’était un rapport d’une série de tests menés par le docteur Malakoff. La patiente était bien Anthéa Hopper. Le document papier faisait état de nombreuses procédures médicales auxquelles s’était soumise Anthéa… Pourtant, seule la conclusion, en pied de page, retint l’attention de Jérémie.
« Taux de stérilité du patient : 98% »
Le docteur Malakoff était un expert en fertilité. Anthéa Hopper était stérile… Elle ne pouvait pas avoir d’enfants… et encore moins être la mère d’Aelita.
Jérémie marchait de vive allure dans les ruelles du quartier. Chacun de ses souffles dégageait un vaste nuage de vapeur qui était absorbé par le froid parisien. Encore une nouvelle abasourdissante. Cela commençait à en faire un peu trop en peu de temps. Pour ne pas rompre avec son quotidien, le génie réfléchissait à toute vitesse.
Scénario probable :
Aelita a été adoptée et élevé par les Hopper comme leur fille.
Avec les progrès de la médecine, Anthéa et Franz ont tout de même réussi à avoir un enfant.
Les souvenirs d’Aelita, rendus par son père, sont entièrement faux. Auquel cas, un nombre incalculable d’autres scénarios se présente.
Derrière ce nuage de vapeur, une silhouette se devinait. Celle d’Alpha&Omega.
Anthéa blonde. Anthéa stérile. Aelita n’étant pas la fille d’Anthéa… et cette créature aux cheveux roses…
L’heure n’était plus aux demi-mesures. Jérémie s’appuya haletant contre un lampadaire éteint. Il soufflait très fort. Il avait, inconsciemment, marché plus rapidement que son rythme. Il devait maintenant passer la seconde. Il avait été stupide et lâche de s’arrêter en si bonne route avec le journal de Hopper. Il devait aller de l’avant.
- Mais ça, marmonna-t-il en relevant la tête, ça ne devrait pas être un problème…
En face de Jérémie, de l’autre côté de la rivière dont il avait arpenté la rive, se tenait une île. Sur cette île trônait une vieille usine rongée par le temps.
Le quotidien d'Aelita #02
28 mars 2019 – 23H30
Quand Jérémie ouvrit la porte de la chambre, Aelita était assise en tailleur sur le lit. Le professeur fut un tantinet surpris de la voir ainsi éveillée. Il ne put cacher sa gêne. Son travail sur le Journal d’Hopper retardait chaque soir son retour au foyer.
- Tu as passé une bonne journée, s’enquit-il avec sa gaucherie habituelle.
- Un peu morne. Un peu seule. Odd a été très pris…
Jérémie fronça un sourcil. Quand elle voulait le tanner sur ses débordements horaire de vie professionnelle, Aelita ironisait de voir Odd plus souvent que son époux. Cette blague était toujours restée bon enfant et lâchée sur le ton de l’amusement. Ce soir, l’intonation de la voix était au reproche. Jérémie se tourna penaud vers sa femme. Il repensa à ce qu’il venait de découvrir. Il eut du mal à dissimuler son émotion.
- Jérémie… Commença Aelita. Je crois qu’il est temps que tu s’asseyes à côté de moi et que tu me dises où tu en es.
- D’accord.
Belpois se dirigea vers le porte manteau pour y poser sa redingote. Il plissa fort les yeux. Une larme coula le long de ses joues. Il monta ses mains, au chaud dans des mitaines pour saisir son chapeau et profita de ce mouvement naturel pour essuyer rapidement le petit filet d’eau salée. Il souffla un grand coup. Puis, il vint s’assoir à côté de sa princesse.
- Tu te rappelles du Journal de ton Père ?
- Oui. Répondit Aelita d’une voix neutre.
- Tu te rappelles aussi qu’il n’était pas entièrement décrypté ? Enchaina Jérémie.
- Et tu as fini de le décrypter. Conclut Aelita.
Jérémie ne sut pas trop s’il devait attribuer cette réponse du tac-au-tac à la sagacité de sa femme ou à une indiscrétion d’Odd. Peu lui importait.
- Pas entièrement.
Un petit silence tomba. Visiblement Jérémie ne savait trop par où continuer. Et s’il l’ignorait, c’est parce qu’il savait qu’il allait mentir à sa chère Aelita. Pas un gros mensonge qui ferait offense à la vérité. Un simple petit mensonge par omission. Malgré cela, il n’arrivait pas à se persuader du bien-fondé de ce qu’il allait faire.
- Et donc ? Réitéra Aelita, rompant le silence.
- Ca ne va pas être facile à entendre, prévint Jérémie.
- Moins facile que de perdre un enfant, que d’apprendre que mon Père m’a virtualisée sur un Monde Virtuel hors de contrôle, que de se faire attaquer par un spectre de XANA ? Questionna-t-elle fermement. Ca ira Jérémie. Envoie.
Cette tirade rappela à Jérémie quelques souvenirs. Aelita renonçant au programme de matérialisation. Aelita inconsciente dans la salle du Supercalculateur après l’avoir suicidairement éteint. Aelita échangeant ses codes-ADN avec Yumi. Aelita, tout simplement.
La culpabilité du mensonge lui serra encore davantage la gorge. Il parvint toutefois à la dénouer et lança :
- Anthéa, ta mère, n’était pas ta mère. Elle était stérile. J’ignore ce que ça veut dire. Je pense simplement qu’elle et Franz ont du t’adopter. Mais il semble qu’elle ne soit pas ta génitrice. J’ignore, de fait, si Franz Hopper est ton père.
Aelita ne renchérit pas tout de suite. Elle reprit la parole et nota d’un air très neutre :
- Ca ne change rien. Ca reste la personne qui m’a élevée quand j’étais jeune. C’est ma mère, peu importe la génétique.
Jérémie n’arrivait pas à soutenir le regard de sa femme. Il était impressionné par son self-control.
- C’est tout, interrogea-t-elle ? Ou bien il y a d’autre chose que tu as découvertes ?
- Rien d’autre. Mentit Jérémie. Mais en finissant le décryptage du journal, je finirai par trouver, crois moi.
Aelita se pencha vers lui et l’enlaça.
- Jérémie, murmura-t-elle. Referme ce journal. Laisse le passé de mon Père où il est. Et laisse mes parents où ils sont. Je suis là. Nous sommes là. Le reste n’a pas d’importance. Si un jour, l’envie d’avoir un enfant devient vitale pour nous deux, on y repensera. Mais pour l’instant, la seule chose dont j’ai besoin, c’est de t’avoir avec moi. Alors laisse ce Journal, sinon, j’irai le détruire moi-même… Et crois moi, si tu as pu le préserver de XANA, ce n’est pas pour autant que tu le protégeras de moi.
Jérémie fut pris de court par cette déclaration. Il se remit à pleurer et enlaça sa femme en signe d’acceptation.
- Laisse aller, lui susurra-t-elle à l’oreille. Je n’ai besoin ni de parents, ni d’enfants. Juste de toi et des autres… Surtout de toi.
Une heure plus tard, Aelita dormait. Jérémie pensait.
Il savait qu’Anthéa n’était pas la mère d’Aelita. La seconde partie du Journal lui avait appris. Pourtant, la troisième partie du Journal lui en avait appris encore davantage. Et ça, il n’en avait pas touché un mot.
Les mémoires du professeur Hopper #02
Seconde partie du journal - Ouverture :
1973
Il y était…
Waldo Schaeffer regardait dans les yeux Anthéa Hopper qui lui souriait. Il venait de s’assoir à la table de l’Ermitage et avait débouché une petite bouteille de vin pour conclure dignement cette soirée.
Cela faisait désormais un an que Waldo avait rencontré Anthéa. Un an que les deux scientifiques, sur une longueur d’ondes commune, passaient tout leur temps à travailler ensemble. Pour Anthéa, il s’agissait d’une frénésie professionnelle. Elle progressait énormément plus vite en travaillant avec Waldo que toute seule. Du moins c’est ce qu’elle pensait.
Waldo était bien plus avancé qu’Anthéa. Cependant, il ne lui en avait rien dit. Il faisait mine d’être au même niveau qu’elle et simulait l’extase quand elle et lui arrivaient à des conclusions scientifiques qu’il avait déjà découvertes des mois auparavant. En réalité, Waldo feignait l’ignorance mais guidait secrètement Anthéa au travail…
La raison était très simple : En présence d’Anthéa, son cœur s’accélérait anormalement et il se sentait envahi d’une euphorie irrationnelle.
Simultanément, durant cette année, Anthéa et Waldo étaient logiquement devenus « amis ». Waldo avait confié à Anthéa le poids que ses parents avaient toujours fait reposer sur ses épaules pour le pousser à l’excellence. Anthéa avait raconté à Waldo qu’elle venait d’un milieu modeste et avait dû se surpasser pour se payer ses études.
Waldo avait invité Anthéa de multiples fois à venir travailler, même les week-ends, à l’Ermitage, faute de pouvoir le faire dans les locaux de l’Université. Anthéa réveillait souvent Walo en pleine nuit, d’un coup de téléphone frénétique pour partager une théorie.
Enfin, Waldo avait avoué à Anthéa son incapacité à trouver une petite amie qui lui convienne… tandis qu’Anthéa lui avait partagé la souffrance qu’elle éprouvait de se savoir stérile, incapable de pouvoir enfanter un jour.
Mais cette salade de souvenir n’était, aux yeux de Waldo, que des dalles sur le long sentier qui les avait conduit jusqu’à ce soir. Le professeur Schaeffer espérait bien, cette soirée, qu’Anthéa deviendrait un petit peu plus qu’une simple collègue de boulot. Il attendait l’ouverture. Ce petit moment de flottement où il pourrait se lancer, bien qu’il ne sût pas du tout comment il allait s’y prendre.
L’occasion arriva quand Anthéa s’affaira à faire la vaisselle. Rituel qu’elle s’obligeait toujours à effectuer avant de rentrer chez elle. Waldo s’approcha de son dos et l’enlaça, le plus tendrement qu’il pût. Anthéa se raidit. Waldo posa amoureusement son menton sur son épaule gauche, où la chevelure blonde de la dame ne dépassait pas.
Un petit moment d’éternité.
Puis, délicatement, et à l’aide de quelques mouvements, Anthéa se dégagea docilement de l’étreinte de Schaeffer. Elle le fixa dans les yeux. Waldo était tétanisé.
- Je vais rentrer.
La vaisselle n’était pas finie. Waldo y vit les symptômes d’un cuisant échec.
La panique s’empara de lui. Il aurait certainement dû ressentir de la peine. Mais il n’en était rien. Il ne ressentait que de l’incompréhension. Une équation sur laquelle il avait travaillé durant une longue année. Et le résultat était erroné. Il ressentit alors cette panique du manque de contrôle. Quand une procédure ne fonctionne pas en informatique, il lui suffisait de déterminer et de rectifier l’erreur. Hélas, ici, il ne comprenait pas pourquoi la procédure échouait… et il ne voyait aucune solution. Il n’en serait rien ici. Anthéa était en train de regrouper ses effets, sous les yeux de Waldo. Quand elle aurait fermé la porte derrière elle, il serait trop tard. Waldo ne savait même pas si il la reverrait un jour.
Pourquoi ne l’aimait-elle pas ? Cela ne répondait à aucune logique.
Quelque chose se déchira en Waldo. Son cœur, son sentiment pour Anthéa, bien qu’il ne jouât aucun rôle dans l’angoisse de Waldo, fut totalement camisolé tandis que l’esprit cartésien de Waldo reprenait le dessus.
Anthéa était sur le seuil de la porte. Elle tendit la main vers la poignée.
- J’ai créé un Supercalculateur !
La voix de Waldo avait fendu l’air du couloir, depuis la cuisine. Anthéa se figea. Elle entendit Waldo se déplacer et venir dans l’encadrement de la porte.
- Et pas que ça… Le Supercalculateur génère un monde virtuel et une intelligence artificielle… Tu veux voir ?
Waldo avait, depuis quelques mois déjà, finit un second casque neuronal, dans le but d’emmener Anthéa dans l’Arena. Il lui installa le casque sur la tête. Anthéa ne broncha pas. Malgré ce qui venait de se passer, elle avait confiance en Waldo. Ce dernier pressa la commande qui envoya Anthéa dans l’Arena. Puis, il enfila son propre casque et la rejoint.
- Papa !!!!
La voix d’Alpha&Omega retentit dans l’Arena. Alpha& Omega sentit que l’esprit de son père venait de s’immiscer dans la pièce, bien qu’il ne revêtît toujours pas de forme physique visible. Alpha&Omega avait la même apparence que toujours. Waldo n’avait aucunement fait évoluer sa physionomie. Durant un an, il n’avait travaillé qu’à son intelligence, sa psychologie, sa psyché, afin d’en faire un être humain à part entière. Le travail n’était pas abouti. Pourtant, le petit être virtuel se comportait déjà comme un parfait enfant de 12 ans. Ses réactions, ses pensées, son raisonnement approchait de plus en plus celui de l’être humain.
La petite créature s’approcha de l’espace invisible qu’occupait l’esprit de Schaeffer. Elle y appliqua un toucher digital qui transmit la sensation de contact à son créateur.
- Bonjour, petit père. Lui dit chaleureusement Schaeffer.
- Qui est-elle ? Demanda Alpha&Omega.
- Elle ? Reprit Waldo… Elle, c’est ta mère…
Alpha&Omega tourna sa tête amorphe et vide d’émotion. Anthéa, sous forme d’esprit elle-aussi, observait la scène, interdite. Alpha&Omega l’approcha et appliqua contre elle le même toucher digital qu’à Waldo. Anthéa fut stupéfaite. Bien qu’elle n’ait pas de corps, elle sentit la chaleur d’une étreinte humaine déferler en elle.
C’est alors qu’Alpha&Omega murmura :
- Maman ?
Après quelques minutes d’échanges avec la petite créature, Schaeffer émergea et ramena Anthéa sur Terre. Ils montèrent dans la cuisine sans un mot. Ils s’installèrent autour de la table et demeurèrent taciturnes. Anthéa rompit soudain le silence :
- Waldo. Je ne suis pas amoureuse de toi. Tu es la personne la plus fabuleuse qui m’a été donnée de rencontrer. Mais je ne suis pas amoureuse de toi. Et j’en suis désolé.
Waldo accusa l’information. A nouveau cela ne lui causa aucune émotion. Il n’était pas surpris. Le message avait été clair quand elle avait montré sa volonté de partir, un peu plus tôt. Il ne lui avait pas montré Alpha&Omega pour ça.
- Je sais. Dit-il. Mais si tu restes à mes côtés, cet enfant sera le nôtre. Ce qui en ferait un peu le tien.
- Cet enfant, rétorqua Anthéa, les yeux brillant. Waldo, ce que tu as fait… Cela dépasse l’imagination. Mais ce n’est pas un enfant. C’est un programme.
- Pour l’instant.
- Que veux-tu dire ?
Waldo se leva et se dirigea vers la fenêtre. Il regarda loin, vers la forêt.
- Comme tu l’as compris, je n’ai pas dévoilé l’avancement de mes recherches à Dido. Je le ferai progressivement. Mais je veux garder une longueur d’avance. Quoiqu’il en soit, ce qui intéresse le gouvernement, c’est le monde virtuel. Pas l’Intelligence Artificielle. Quand je leur montrerai mes travaux, Dido m’obtiendra une source d’énergie nucléaire. Quand cela sera fait, je créerai un procédé pour virtualiser un élément réel… et pour matérialiser un programme virtuel. Alpha&Omega sera mon enfant. Il ne tient qu’à toi qu’il soit aussi le tien.
Anthéa avait du mal à suivre. Waldo lui fit un peu peur pour la première fois. Pourtant, la chaleur qu’elle avait ressentie au contact d’Alpha&Omega… C’était son rêve… L’enfant qu’elle ne pouvait avoir…
- Je ne t’aime pas Waldo, répéta-t-elle pour se donner le temps de réfléchir.
- Je sais, réitéra à son tour Waldo. Mais on est tout deux amoureux de la physique quantique. Tu aimes mon savoir. Tu aimes ce que nous pourrons accomplir tous les deux. Je ne t’ai pas demandé d’être mon épouse. Je t’ai demandé d’être la mère de mon enfant. Cela n’implique pas que tu m’aimes, moi…
- Ce n’est pas sain… Se défendit Anthéa.
- Je ne vois pas en quoi, rétorqua Waldo. C’est juste… scientifique. Et nouveau. Nous sommes des pionniers. C’est tout.
- Alpha&Omega… Ca n’a même pas de sexe…
- Tu ne comprends pas, sourit Waldo… Nous pouvons façonner Alpha&Omega de la manière que nous voulons. Demande-moi d’en faire ta fille ? J’en ferai ta fille. Demande-moi de la faire blonde ? Je la ferai blonde. Demande-moi d’en faire un garçon musclé et intelligent ? Je te le ferai comme cela… Il ne sera pas malade. Il ne sera pas handicapé. Cet enfant sera parfait. Il ne lui manque que quelques mois de travail…
- … Et une mère, conclut Anthéa, en regardant le néon de la pièce.
Waldo sourit, derrière sa barbe.
Anthéa partit, disant à Waldo qu’elle devait réfléchir. Ce dernier montant se coucher. Il était fier de lui. Il venait d’apporter une réponse scientifique à un problème sentimental… Il ne réalisait même pas qu’il avait manipulé Anthéa, en utilisant son mal-être lié à son infertilité.
Elle lui avait répété que même si elle restait à ses côtés, il devait bien avoir en tête que jamais cela ne changerait quoique ce soit entre eux. Waldo avait acquiescé. Toutefois, il était confiant. Le temps et l’amour commun pour Alpha&Omega feraient le reste…
Le scientifique s’endormit. Sur sa table de nuit, à côté de lui, était posée une lettre, tamponnée de la vieille.
« A l’attention de Waldo Schaeffer,
Le projet dont nous parlons depuis maintenant une année est sur le point de débuter. Les détails administratifs avec votre Université sont déjà réglés. Vous n’êtes plus salarié là-bas et la permanence de vos cours sera assurée.
Veuillez vous y rendre au plus tard vendredi afin d’y récupérer tous vos effets et l’intégralité de vos recherches.
Un véhicule militaire passera vous prendre ainsi que vos affaires à votre domicile samedi à 18H00. Votre collègue, le professeur Anthéa Hopper aura déjà été récupérée et fera le trajet avec vous. Comme nous vous l’avons bien stipulé, l’intégralité de ce projet est placée sous la confidentialité d’Etat. Aucun de vos proches, famille incluse, ne doit connaître la nature de votre activité. Aux yeux de l’Etat, vous serez informaticien au ministère de la Défense.
Pour le progrès de l’Humanité, Professeur Schaeffer, bienvenue au Projet Carthage. »
Voilà, un chapitre un peu plus court... Mais il est complémentaire avec le chapitre 3
J'espère que vous êtes attentif à la chronologie, car le récit n'est pas du tout dans l'ordre. Dans certains chapitres, Jérémie sait déjà certaines choses que vous découvrirez plus tard, etc...
Le chapitre 3 s'appellera : "Ce puzzle où il manquait une pièce"
Alors quelques réponses avant le premier chapitre :
@Nyx : Désolé pour la fausse joie =P
Voilà ton chapitre !
@ Wolwerine : Si tu as trouvé la scène de l'accouchement horrible, je ne peux que m'en féliciter.
@VioletBottle : J'apprécie ton commentaire, car les éléments qui ont retenus ton attention sont des éléments auquel j'attache moi même de l'attention. J'espère que la suite te plaira.
Merci d'avance à tout ceux qui suivent ma fic !
Spoiler
Chapitre 1 - Franzenstein
Le quotidien d'Aelita #01
27 mars 2019
Aelita regarda à travers le verre. Il était enfin propre et net. Elle l’avait frottée durant dix grosses minutes pour atteindre ce résultat. Désormais, la vaisselle était finie. Pour tuer la solitude de sa convalescence, Aelita s’occupait des tâches ménagères. L’Ermitage était une vieille maison. Et les vieilles maisons attirent la poussière. Jérémie s’agaçait de la voir ainsi s’affairer plutôt que de se reposer. Cependant, il ne faisait aucune remarque. Non pas qu’il veuille épargner la sensibilité de sa femme. Il avait simplement appris à composer avec le tempérament combattif et déterminé d’Aelita. Il avait depuis longtemps compris que ses remarques étaient sans portée.
Il était 15H. Cela faisait une semaine qu’Aelita avait commencé à sentir ses contractions. A l’heure près. Cela lui paraissait aussi loin que chacune des 7 journées suivant… « l’incident » lui avaient paru interminable. Aelita avait beaucoup réfléchi. Elle s’était étonnée elle-même d’encaisser si bien le choc… Le fait que ce qu’elle pensait être son enfant ne se soit révélé n’être au final qu’un amas de chair, bâtard de ce qui caractérise l’être humain, cela l’aidait à accepter la situation. Elle avait suivi les conseils de Jérémie. Elle n’y pensait guère pour l’instant. Aelita était dotée de cette capacité inébranlable à faire abstraction des choses. A prendre son mal en patience. C’était sans doute un héritage de l’année qu’elle avait passée à rester dans l’attente et l’espérance que Jérémie parviendrait à la rendre humain en la matérialisant. Ce rêve incroyable qui était pourtant devenu réalité… un an encore avant qu’elle n’apprenne qu’elle avait toujours été humaine. Or, elle ressentait au plus profond d’elle-même que Jérémie avait raison. Le mal dont elle souffrait et le dénouement atroce de sa grossesse avait forcément un rapport, aussi ténu soit-il, avec Lyoko. Elle avait donc décidé de laisser passer un peu de temps et de se pencher avec Jérémie sur la question. Mais est-ce que Jérémie comptait vraiment at…
Une ombre passa devant la fenêtre de la cuisine. Aelita réprima un hoquet de sursaut au moment où Odd Della Robbia aplatit son visage contre le carreau. Aelita lui jeta un regard blasé tandis qu’il décollait sa bouille de la vitre, laissant de grosses traces humides de buée. Aelita avait fait toutes les vitres le matin même…
Odd avait du mal avec cela… Pas avec les tâches ménagères d’Aelita, bien entendu… - Encore que… Il trouvait « malsain de toujours vouloir vivre dans un environnement trop sain » - mais plutôt avec ce qui était arrivé à l’hôpital. Pourtant, Jérémie et Aelita lui avait épargné le passage sur l’asexualité de l’enfant. Odd était au petit soin depuis plusieurs jours. Il passait régulièrement, dès que l’occasion lui était donnée, apportant à Aelita des gâteaux délicieux, achetés à la pâtisserie. Gâteaux qui, pour la plupart, finissaient dans le seul estomac d’Odd. Ce dernier les engloutissait en bavassant de longues heures avec Aelita, qui l’écoutait lascivement, un sourire aux lèvres. Odd ne se rendait pas compte qu’il souffrait presque davantage qu’Aelita de la mort de l’enfant. Toujours célibataire, se targuant d’être le futur doyen des Dom Juan, Odd n’avait en réalité pas de famille. Il vivait, depuis de nombreuses années, par procuration à travers les vies de ses amis. Aelita et Jérémie avaient conscience de cette situation, bien plus qu’Odd. Et il la vivait parfaitement bien. Même s’il était devenu traditionnel que cela soit Odd qui les réveille au matin du 25 décembre, en tambourinant la sonnette de l’Ermitage à 8H pétante du matin, foie gras et cadeaux coincés sous le bras. Ulrich et Yumi remplissaient eux-aussi leur part du rôle de famille d’accueil pour Odd. Odd devait être le parrain de l’enfant du couple Belpois. 7 jours auparavant, il avait lui-aussi perdu un fils. Ou une fille… Qui sait ?
Quand l’amertume devenait si forte qu’elle l’obsédait et lui enlevait l’envie de tout et l’envie de rien, Odd accourait à l’Ermitage. Il se lovait dans un fauteuil et enchainait les blagues, en rigolant pour faire semblant de ne pas pleurer.
Avant d’aller ouvrir la porte, Aelita déposa le verre sur l’égouttoir. Elle ferma le coffret contenant sa vaisselle de mariage. Elle l’avait astiquée consciencieusement avant de laver les assiettes de la veille. Elle déposa l’argenterie dans le buffet. Tandis qu’elle se dirigeait vers la porte, elle eut une douloureuse crampe au ventre. Elle s’appuya contre l’horloge pour ne pas chuter dans le couloir, soufflant fortement. Pour se calmer, elle ferma les yeux. Elle inspira et expira longuement. Elle vit son reflet dans la glace. Le tablier qu’elle portait la faisait ressembler aux ménagères des séries américaines à la Desperate Housewives… Elle se rendit compte à quel point cet accoutrement lui seyait. Elle ne se serait jamais doutée qu’un jour, ses tracas du quotidien puissent être ceux de ces caricatures de bonnes femmes de la haute société… Difficile à imaginer quand à l’adolescence, vos tracas étaient l’avenir de l’humanité…
La sonnette retentit derechef. Aelita pressa le pas et ouvrit à Odd.
- Faut pas être frileux quand on vient chez toi, grelotta-t-il. On se dépêtrera jamais ce fichu hiver. 19H00
- Il n’est toujours pas rentré, soupira Aelita.
- On commence sans lui, trancha Odd avant de plonger la main dans un paquet de chips et de faire pivoter sa chaise roulante en direction de l’écran de l’ordinateur.
Aelita et lui avaient passé l’après-midi à attendre Jérémie. Et Jérémie n’était pas venu. Il n’était pas censé rentré si tard de sa conférence. Et ce n’était pas son genre de manquer un tel évènement… En effet, il était prévu une vidéo-discussion avec Ulrich et Yumi, ce soir là.
Le couple était parti au Japon depuis bientôt un mois et demi. Selon une désuète tradition japonaise, des années auparavant, Ulrich était allé requérir la bénédiction de ses beaux-parents, Akiko et Takeho Ishiyama, pour demander la main de Yumi. Le père avait accepté en ricanant un léger « C’est pas trop tôt ».
Madame Ishiyama, elle l’avait jaugé d’un air sévère. Visiblement, pour la vieille nipponne, passer du stade de petit ami de Yumi à celui d’époux de son unique fille n’était pas anodin. Elle avait accepté à deux conditions : La première n’avait rien d’original. Il était question de fidélité, de respect, de devoir éternel envers Yumi. Les bagatelles du mariage en somme. La seconde condition d’Akiko Ishiyama en revanche était plus originale. Elle avait exigé d’Ulrich, que lorsque Yumi serait enceinte, l’intégralité de la famille aille au Japon pour l’accouchement, dans la maison familiale des grands-parents. Une promesse qu’Akiko elle-même avait prêté à sa famille le jour où elle suivit son mari qui émigrait en France. Ulrich avait accepté, sans même y réfléchir. Il n’avait même pas assimilé le fait qu’il allait demander Yumi en mariage et voilà que sa belle-mère lui parlait d’enfant comme si Yumi était déjà fécondée. L’ex bushi virtuel avait ce jour-là quitté le pavillon des Ishiyama, les jambes grelottantes.
L’enfant de Yumi et Ulrich était né dans la nuit du 21 au 22. Un jour et demi après qu’Aelita ait perdu son enfant. Ulrich leur avait envoyé un mail très bref. Jérémie, Odd et Aelita avait été averti que le cocon familial originel des Ishiyama était situé dans une région paumée du Japon et que la communication serait ténue. Ulrich leur avait donc proposé cette date pour un rancard informatique.
Il tint parole, puisque, au moment où Aelita détourna tristement ses yeux de l’horloge pour rejoindre Odd sur l’ordinateur, la petite sonnerie de Skype résonna dans l’Ermitage, tandis qu’un petit téléphone s’excitait à l’écran. Odd cliqua
La connexion entre la France et le Japon pris une dizaine de seconde. Pesante. Bientôt, le visage d’Ulrich apparut à l’écran. Odd et Aelita rayonnèrent.
- 5 jours, reprit alors le facétieux de plus belle. C’est le temps que tu nous as fait poireauter. Tout ça pour ton têtard de 3kg9. Une photo par mail, ça t’aurai tué ? Je sais même pas si il a les yeux bridés. M’enfin, il peut avoir des yeux de crapauds, tant qu’il hérite pas de votre caractère gothique à toi et Yumi… Parce que faire languir vos meilleurs amis pendant tout ce temps… La Terre a eu le temps de faire cinq fois le tour d’elle-même. C’est rien après tout !
L’agacement se dessinait lentement sur le front d’Ulrich tandis qu’Odd prolongeait son élégie piteuse. Il regarda derrière lui. Yumi apparut soudain, portant l’enfant dans ses bras. Suite à cette apparition, Odd se tut, bouche bée. Aelita put prendre la parole.
- Il est magnifique. Félicitations à vous deux ! Comment s’appelle-t-il ?
Aelita savait combien Ulrich et Yumi avaient dû se sentir mal en apprenant la nouvelle de sa fausse couche. Elle ne voulait pas leur permettre de s’imaginer coupable d’être heureux. Cette naissance était la bonne nouvelle qu’il fallait pour effacer la mauvaise…
- On l’a appelé Augustin. C’est le nom d’un des moines qui a évangélisé le Japon. Ainsi, il a un prénom équivalent en Japonais !
- QUOI ! Hurla Odd. Mais on avait décidé de l’appeler Odd !
- TU avais décidé, soupira Ulrich. Pourquoi même à 10 000 kilomètres de moi, j’ai envie de t’en coller une…
- Ouais bah, vous auriez pu l’appeler William, en hommage à son père…
Ce petit pic gratuit – Un des favoris d’Odd depuis 9 mois – transforma sa bouche en une large banane reliant ses oreilles. Aelita lui jeta un regard réprobateur. Ulrich serra les poings derrière la webcam.
- Espèce de…
- Ta gueule Odd… Lâcha Yumi, blasée. Je suis encore trop fatiguée pour supporter tes surdoses de conneries…
Les deux filles et le blondinet ricanèrent. Cela ne suffit pas à calmer l’Ulrich fulminant qui côtoyait Yumi. Cette dernière fronça alors les sourcils et questionna :
- Mais… Où est Jérémie… Il est pas là ?
Le silence tomba quelques secondes. Aelita se souvint alors de son inquiétude. Jérémie se comportait bizarrement depuis l’accouchement. Il rentrait tard, sous des prétextes bidons. Il s’enfermait de longues heures dans son bureau. Il cherchait des vieux dossiers dans des cartons, en prétendant vouloir faire un peu de rangement.
Pourtant ce soir-là, il aurait dû être là. Ce n’était pas son genre de rater les retrouvailles entre amis… De surcroit, Aelita savait que son mari s’était inquiété pour l’enfant de Yumi. Ils n’avaient plus parlé du dénouement tragique de l’accouchement. Mais Aelita n’était pas bête. Elle savait que Jérémie soupçonnait Lyoko d’être à l’origine du mal. Elle se doutait bien que Jérémie était donc très inquiet pour Yumi, elle-aussi enceinte. Après tout, il n’avait pas pu retenir un long souffle de soulagement lorsqu’il avait appris que l’accouchement de la japonaise s’était bien déroulé…
En prenant tout cela en compte, Aelita s’était vraiment dit que ce soir-là, Jérémie rentrerait à l’heure pour vérifier, de visu, que l’enfant allait bien… Au moins ce soir là…
La porte d’entrée s’ouvrit promptement tandis qu’un courant d’air froid lécha quelques secondes les mollets d’Odd et Aelita. Jérémie fit irruption dans le salon.
- Pwah ! Les embouteillages ! Quelle misère ! Désolé pour le retard, ca va tout le monde ? Allez, faites moi voir ce bébé !
Il prit place à leurs côté devant l’ordinateur, sans plus d’explications.
Les embouteillages ? Mon œil. Aelita n’était pas dupe. Jérémie était occupé ailleurs… Pourtant, ce n’est pas Jérémie qu’Aelita fixait… C’était Odd. Au moment où Yumi avait posé sa question, il aurait, en temps normal, décocher une blague sur le retard de Jérémie. XANA, une call-girl fan des grosses têtes, une rupture d’anévrisme pour surcharge intellectuelle. N’importe quelle ânerie aurait été la bienvenue pour faire rire la galerie à propos de ce retard… Il n’en avait rien été.
De plus, dès que Jérémie était arrivé, Odd l’avait fixé, avec un regard très sérieux, comme pour essayer d’obtenir une réponse tacite de Jérémie, sur … quelque chose.
Odd continuait à fixer Jérémie avec cet air mi-soucieux, mi-inquisiteur, tandis que le professeur d’Université parlait avec Yumi et Ulrich. Il remarqua soudain qu’Aelita avait décelé quelque chose. Il lui adressa alors un sourire qui parut aussi bête que forcé. Et il se détourna, reprenant le fil de la conversation…
« Il me cache quelque chose… ILS me cachent quelque chose… »
La quête de Jérémie #01
Jérémie faisait face au professeur Hopper… Ce dernier le toisa de haut en bas, avec un regard sévère… à la fois condamnant et jaugeant… Le petit adolescent se sentit soudain très petit face à cet inquiétant quinquagénaire. Sa gorge s’était nouée suite à ce que lui avait révélé le professeur… Jérémie se décida finalement à ouvrir la bouche pour demander :
- Quel genre de complications ?
- Dégénérescence cellulaire…
La voix du professeur était sortie grave et inquiète. Mais cette fois-ci, ce n’était pas tellement le regard du professeur qui mit Jérémie mal à l’aise. Ce fut celui d’Aelita, d’Odd, d’Ulrich et de Yumi. Leurs yeux fixaient Jérémie. Il y cohabitait des lueurs de surprise, de peur et… … de reproche.
23 mars 2019, 2H00 du matin
Jérémie émergea alors de sa rêverie, assis sur le bureau de sa pièce de travail, où la lumière survivait autour de la flamme agonisante de quelques chandelles. Il était adulte désormais. Son front présentait les premières traces de rides héritées d’une existence de labeur. Dans ses pensées, Jérémie s’était égaré sur le souvenir du professeur Hopper. Belpois n’avait jamais connu son beau-père. Il ne l’avait vu en chair et en os qu’en une seule occasion : Quand XANA avait créé un spectre prenant les traits du professeur. Une attaque visant à leur faire croire que la virtualisation était dangereuse, afin de monter les Lyoko-guerriers contre Jérémie et de l’isoler. L’Intelligence artificielle avait finement monté son coup. Rejeté par ceux qu’il considérait comme sa famille, Jérémie avait failli changer d’école. XANA… Une de ses plus brillantes attaques… Après coup, Jérémie avait finalement découvert que la dégénérescence cellulaire prétendue de Yumi n’était qu’une fadaise. Aussi, il avait reçu moult excuses de la part de ses amis, pour avoir douté de lui…
Cela devait faire plus de 18 ans maintenant… Jérémie ne l’avait jamais dit, même à Aelita, or il lui arrivait de repenser à cette journée. L’hostilité d’Ulrich, la froideur de Yumi, l’indignation d’Odd. Ces trois cicatrices ne s’étaient jamais refermées totalement. Bien qu’il fît bonne figure, Jérémie en ressentait encore le goût amer.
Oui… C’était décidément de loin la plus somptueuse attaque de XANA, en termes d’intellect bien sûr… Et celle dont Jérémie avait le plus souffert. Fermant ce souvenir, Jérémie pris son feutre noir et approcha du tableau blanc de son bureau. Il tira deux tirets en haut à gauche du champ vide. A droite du premier tiret, il marqua :
« Conséquences des multiples expositions au processus de virtualisation ».
Quelle ironie… Voilà que l’argument fantoche utilisé par XANA pour apeurer le groupe devenait sa principale piste de recherche sur le mal qui habitait son épouse… A droite du second tiret, il nota sa seconde hypothèse.
« Complication due à l’extraction par XANA et la restitution par Franz Hopper du chaînon manquant d’Aelita, dans Lyoko ».
C’était ses deux axes de recherche principaux. Evidemment, chacune d’elle se subdivisait ensuite en plusieurs possibilités. Une voix s’éleva derrière lui, menaçante :
« Ne creuse pas trop loin dans le passé… Qui sait ce que tu pourrais déterrer. »
Jérémie eut un frisson et se retourna. Odd. Il était sans doute rentré quand Jérémie, les yeux fermés, était plongé dans son souvenir.
- Encore une réplique de film… Le Supercalculateur n’était pas fou quand il t’a fichu en gros chat violet sur Lyoko. Tu as la discrétion caractéristique de ces bestioles.
- A pas de chats, ricana Odd… Peut-être oui… Mais, cher ami, gardons-nous de parler de nos apparences virtuelles respectives… Veux-tu ?
Jérémie grimaça tandis qu’Odd lui tirait amicalement la langue. Odd s’approcha et se vautra dans un pouf. Cependant, en dépit de sa tenue négligente, il regarda le tableau de Jérémie avec un grand sérieux. Il sembla vouloir poser une question. Jérémie s’assura qu’il avait refermé la porte du bureau derrière lui. Il ne voulait pas qu’Aelita sache… Pas tout de suite.
- C’est au sujet de … la grossesse ? S’enquit-il.
- Ce n’est plus une grossesse, Odd. C’est une fausse couche. Employer des euphémismes ne m’aidera pas. Appelle... Appelle un gros chat violet un gros chat violet.
Odd eut une mine désolée.
- Et que répond le petit lutin vert métrosexuel au gros chat violet… quand le gros chat violet lui demande ce qui est arrivée à l’elfe rose… ?
- Certains… éléments me font penser que ce qui est arrivé à Aelita n’est pas naturel. J’imagine qu’elle t’en a parlé…
- Un peu, confessa Odd. Elle est moins renfermée que toi. Mais si tu ne veux pas m’en parler, je comprendrai.
- Non. T’avoir m’aidera. J’aime réfléchir à voix haute…
- Quel honneur !
- Par contre, tu gardes tes conneries et tes remarques désinvoltes ! Promis ?
- Promis, assura Odd. Alors qu’est-ce qu’il se passe ?
- Si je le savais… Soupira le génie. Des deux pistes que j’ai écrites au tableau, celle de la virtualisation me semblait être la seule logique et probable… Mais…
- Mais le mail de tout à l’heure la fait tomber à l’autre.
Le regard de Jérémie passa par-dessus ses lunettes. Il ne s’attendait pas à tant de présence d’esprit de la part d’Odd. Les deux amis et Aelita avaient, en effet, reçu quelques heures plus tôt un mail de la part de Yumi et Ulrich au Japon. L’accouchement s’était bien passé, l’enfant allait bien. Il leur donnait en outre rendez-vous cinq jours plus tard pour une conversation Skype. Cette nouvelle avait bouleversé Jérémie…
En bien d’une part. Il s’était tellement inquiété que Yumi subisse le même sort qu’Aelita. En mal d’autre part. Sa théorie sur l’effet néfaste de la virtualisation, comme Odd l’avait deviné, tombait à l’eau. Yumi avait subi suffisamment de virtualisation pour présenter les mêmes symptômes qu’Aelita. La virtualisation n’affectait donc pas les fonctions reproductrices des femmes. Celle des hommes non plus…
Le professeur de physique quantique traversa la pièce de long en large deux ou trois fois. Puis il expliqua, en traçant un large trait sur la première ligne du tableau :
- Tu as raison. La thèse de la virtualisation semble caduque… Pour l’instant. L’hypothèse la plus probable est donc que le problème vienne du chainon manquant d’Aelita. Celui qui a été arraché à Aelita par XANA. Puis rendu par son père.
- Donc, il te reste une théorie… C’est plutôt encourageant ?
- Absolument pas. Rétorqua Jérémie. Tout ça… Cela s’est passé sur Lyoko. Il y a plus d’une décennie. Je n’ai aucune donnée là-dessus. Aucun élément. Sauf…
- Sauf ?
- Le Journal de Franz Hopper. C’est le dernier endroit où je peux trouver des informations là-dessus… En espérant qu’il y ait tenu un compte-rendu complet de ses recherches…
- Attends… Coupa Della Robbia. Le Journal d’Hopper. On l’a déjà utilisé. C’est le jour où j’ai failli crever noyé ! Franz Hopper l’avait décrypté pour nous.
- Une partie seulement, sourit Jérémie.
Il s’approcha de son ordinateur et secoua la souris. L’écran de veille se dissipa. Il opéra alors quelques clics. Puis il se tourna vers son ami et entama un monologue :
- Franz Hopper n’avait pas décrypté la totalité de son journal. Cela demandait beaucoup d’énergie, sans doute. Le Journal d’Hopper est composé de 6 parties. Hopper n’avait décrypté que la dernière : La sixième. Il s’agit de celle qui traitait de la toute fin de sa vie. Quand il vivait seul à l’Ermitage avec Aelita. Ses dernières années de travail sur le Supercalculateur, Lyoko, XANA. Jusqu’au jour où les hommes en noir l’ont délogé de l’Ermitage. En bref, la partie de sa vie dont je vous avais montré des extraits en vidéo. Et en y réfléchissant, c’est logique.
- Pourquoi ?
- Parce que la partie 6 est sans doute la seule qui traite du Supercalculateur tel qu’on l’a connu. Les parties d’avant racontent certainement ses premières expériences. Ses prototypes et j’en passe. Cependant, j’ai bon espoir d’y trouver tout de même des réponses !
- Dans ce cas, qu’attends-tu ? S’enthousiasma Odd.
- Bah… Les 5 premières parties du journal ne sont toujours pas décryptées… J’avais attaqué à bosser sur la premières quand XANA était dans le Réseau. J’ai presque fini de la débloquer mais ça va arriver sous peu. En revanche, pour les 4 suivantes, ce n’est pas avec ce pauvre ordinateur que j’arriverai à quelque chose…
Le silence tomba. Jérémie se remit à pianoter sur son clavier. Odd réfléchit un moment. Une fois sa joie retombée, certaines idées lui parurent plus claires. Il approcha de Jérémie et lui posa la main sur l’épaule, l’air désolé. Il murmura
- Hey mec… On parle de la santé d’Aelita, là… Si il y avait eu dans les autres morceaux du Journal un truc qui aurait permis à Aelita d’aller mieux, je pense pas que son vieux se serait privé de nous le révéler… Franz Hopper nous a toujours aidé. Il est mort pour sa fille. C’était pas le genre à nous cacher des trucs…
Jérémie parut agacé par cette vérité. Il constata simplement :
- Ma foi. J’en saurai déjà plus quand j’aurai vu la première partie du Journal. Tu restes la voir avec moi ? J’ai presque fini.
- Désolé, vieux. Bailla Odd. La fatigue me prend et je ne vais sans doute pas comprendre un dixième de ce que le vieux Hopper aura à te raconter. Tu me raconteras demain.
Odd prit congé, allant dans la chambre d’ami. Jérémie redoubla d’effort pour accéder à la première partie du journal. Heureusement qu’il avait fait le plus gros du travail à l’époque… Sur le Supercalculateur. Un ordinateur normal n’aurait décidément pas été à la hauteur pour le décryptage.
Jérémie ressassait néanmoins ce qu’Odd lui avait dit…
« Si il y avait eu dans les autres morceaux du Journal un truc qui aurait permis à Aelita d’aller mieux, je pense pas que son vieux se serait privé de nous le révéler… »
« C’était pas le genre à nous cacher des trucs… »
C’était hélas vrai… Franz Hopper n’était pas du genre à cacher des trucs à propos de sa fille adorée…
Le journal s’ouvrit, révélant une séquence de fichiers. Jérémie se plongea à l’intérieur ! Pour mieux se concentrer, il éteignit la dernière chandelle de la pièce.
Cette lumière abattue, la nuit tomba sur l’Ermitage et la forêt qui l’entourait.
Les mémoires du professeur Hopper #01
La forêt, de nuit, est un lieu inquiétant. L’obscurité est absolue, le noir vous entoure. Les minces rayons de Lune qui souhaiteraient vous éclairer sont impitoyablement stoppés par la frondaison des arbres. Mais ce n’est pas tant l’obscurité qui est inquiétante, c’est le total silence qui vous encercle. La combinaison des deux crée un vaste espace d’inconnu où l’on ne sait ni où l’on va, ni ce qui nous entoure. Cette nuit, pourtant, bien qu’il fût trois heures du matin, la terreur nocturne était perturbée par un léger halo de lumière et des cliquetis.
La villa de l’Hermitage, perdue dans un petit bois en région parisienne était une bâtisse où il faisait bon vivre… mais où certain avait visiblement du mal à trouver le sommeil. De la porte qui donnait au sous-sol filtrait, sous le bois, un faible rayonnement et ce petit tapage parasite. Pourtant, malgré qu’ils rompaient la nuit, cette lumière et ce son semblait eux-mêmes entravés… comme s’ils venaient des profondeurs les plus enfouies de la maison. Et c’était le cas. Dans la plus profonde cave de l’Ermitage, Waldo Franz Schaeffer travaillait assidûment.
A force de faire des allers-retours entre sa cave et la cuisine où il se désaltérait chaque demi-heure, il avait fini par oublier de fermer la porte derrière lui. Ainsi, la lumière émise par le vieux néon de la pièce semi-souterraine filait dans le couloir jusqu’à la porte. Il en était de même pour le cliquetis des vis qu’il était en train de refixer. Waldo n’était pas du genre à laisser l’ouverture de la pièce béante alors qu’il travaillait mais avec la fatigue grandissait l’inattention. Son esprit étant totalement focalisé sur sa machine, il en avait délaissé la porte.
L’appareil en question était un prototype… de Supercalculateur. Cela faisait déjà plusieurs mois que Waldo l’avait terminé. Il travaillait désormais sur différents périphériques reliés à la machine, notamment un terminal… et un casque neuronal. Pourtant, ce soir là, Waldo avait soudain eu une révélation. Des révélations, Waldo en avait souvent. C’était un scientifique de génie et il avait de nombreux projets d’avenir pour lui-même. Achever le premier Supercalculateur de l’histoire de l’Humanité. Créer un monde virtuel. Créer des intelligences artificielles. Connecter l’esprit humain à la virtualité. Utiliser l’intégralité de ces découvertes pour sauver les gens, répandre la paix dans le monde et enfin le développement pour tous… Mais il manquait de puissance ! Ce soir là, Waldo venait tout juste de développer une théorie. Il avait donc, une fois n’était pas coutume, rouvert son prototype pour modifier quelques bricoles à l’intérieur et booster la puissance de la machine. A présent, c’était presque terminé et Waldo allait pouvoir tester les modifications. Et c’était ainsi qu’il resserrait nerveusement la dernière plaque de métal à l’ensemble, vis après vis, à la lumière du néon, répandant dans la pièce ces petits cliquetis qui s’entendaient jusque dans la forêt, tellement le professeur se faisait brusque.
« Voilà ! Voilà ! Voilà !!! Voyons cela ! Allez, montre moi ce que tu as dans le ventre ! Ne me déçoit pas ! »
Waldo avait la chevelure en bataille. Une barbe de 6 jours… Il était jeune… pourtant, ses cheveux étaient déjà grisonnant. Sa vénérable mère lui disait de lever le pied, ce depuis son premier cheveu blanc qu’il avait découvert à 25 ans.
« Tes recherches vont te tuer avant moi, mon fils ! Je ne veux pas avoir à vivre ça de mon vivant ». Répétait-elle souvent…
Mais rien n’y faisait, l’éducation perfectionniste et progressiste qu’elle et son époux avait donné à Waldo prévalait sur ses quelques repentances de vieille dame angoissée par la mort. Alors Waldo continuait à se déchainer, oubliant souvent de manger. Cette nuit, il ressemblait à un vieil hibou ébouriffé, tournant la tête dans tous les sens à l’affut d’une proie.
Oui, Waldo avait de grands projets… Comme la plupart des grands hommes. Cependant, contrairement à eux, Waldo était en bonne voie pour en réussir la plupart.
Le premier, son prototype de Supercalculateur était terminé depuis presque un an. Waldo savait que lorsqu’il présenterait son projet au monde entier, il serait acclamé. Il obtiendrait alors les fonds et les autorisations nécessaires : Il pourrait donner à sa machine une source d’énergie nucléaire… et plus rien ne l’arrêterait !
Le second projet était la Virtualité. Waldo l’avait terminé six mois auparavant. Quand il réenclencha sa machine, les écrans lui confirmèrent la réapparition de sa création. Quelque part, dans un Univers abstrait qu’aucun humain n’imaginait, à l’intérieur du Réseau Mondial, une petite bulle apparut. Il s’agissait d’un monde virtuel. Il était d’une proportion ridicule en comparaison de l‘immensité qui l’entourait… mais il était bien là, généré malgré la pression du courant informatique mondial. Waldo ne savait rien de tout cela. Il savait néanmoins qu’il avait créé, dans le Réseau Mondial, un petit monde autonome. Ce dernier avait l’apparence d’une pièce avec un sol plat et une demi-sphère qui lui servait de plafond. Il avait appelé cette pièce l’Arena ! Ses étaient murs bleus et son sol rayé blanc et bleu. Waldo s’était promis que ce serait la première pièce d’un puzzle beaucoup plus imposant. A partir de cette pièce, il créera une planète virtuelle tellement plus vaste, qui n’aura rien à envier à la Terre ! Au centre de l’Arena, une minuscule sphère de lumière vivotait. C’était le cœur du monde virtuel. Waldo n’avait pas connaissance de l’apparence du monde virtuel grâce à l’écran-terminal relié au Supercalculateur. A travers cette vitre, Waldo ne lisait que des lignes de langage informatique qui défilait.
C’était son troisième projet qui avait permis à Waldo de découvrir le design de la virtualité ! Un gros casque d’où sortait une multitude de câbles était posé à côté du terminal. Ces fils, ressemblant à de gros tentacules, partaient du casque en toute direction, mais se retrouvaient tous au même point : Branchés sur le Supercalculateur. Waldo enfila le casque. Il eut soudain un coup de chaud. Pas étonnant qu’il se désaltérât toutes les demi-heures. Il s’allongea à côté de sa machine et enclencha un bouton, directement sur le Supercalculateur. Une douleur lui transperça la tête aussi instantanément que violemment, comme si Waldo venait de recevoir trois coups de marteau sur le crâne, tout azimut ! Sa vue devient blanche, il eut l’impression de subir une grande chute dans le vide.
La sensation s’atténua finalement. Sans que Waldo ne touche terre. Il était à présent dans l’Arena. Du moins, le verbe être ne traduit pas réellement ce qu’il arrivait. Waldo n’avait pas de corps. Il était un esprit. Il parcourait l’Arena, comme la vue à la troisième personne dans un jeu vidéo.
Un semestre auparavant, Waldo avait réussi ce coup de génie. Le casque scannait son cerveau. Il déconnectait sa conscience de son corps, la numérisait dans le Supercalculateur et l’envoyait vers la Virtualité ! Il était le premier être humain à pénétrer là-bas. La Lune avait son Armstrong. Le Réseau Mondial avait son Schaeffer.
Waldo se concentra et son esprit s’éloigna de l’Arena. Il se réveilla dans un sursaut, sur Terre et à terre.
« J’ai réussi… La virtualisation spirituelle fonctionne toujours… Mes modifications ne l’ont pas altérée... »
Waldo aimait parler seul quand il travaillait. Cela tuait la solitude puisqu’il vivait dans l’isolement.
« Ca a été plus rapide… La sensation de déconnexion… Je l’ai ressentie beaucoup moins longtemps… Cela signifie que le Supercalculateur a scanné ma conscience beaucoup plus rapidement. Et aussi que la conversion de mon esprit réel vers un esprit virtuel s’est effectuée dans un temps moindre… Toutes ma théorie était donc fondée… J’ai réussi !! »
Waldo frissonna. Il retira brusquement son casque. Un courant d’air sur sa nuque transpirant avait provoqué le spasme. C’est ainsi que notre homme remarqua qu’il avait omis de fermer la porte. Il se leva, courut presque à la poignée et ferma la porte d’un geste violent, agacé… et un petit peu effrayé… Qu’on ait pu l’épier durant tout ce temps… Waldo retourna au terminal. Contrairement à ce que son monologue avait pu laisser croire, il se foutait d’avoir amélioré son processus déjà fonctionnel. Il lui fallait plus. Et plus vite. On n’a qu’une vie et pas assez de temps pour tout faire après tout… Non ?
Il avait déjà réussi trois de ses grands projets… Il bloquait maintenant sur le quatrième. Le savant ne s’offusquait pas qu’un projet prenne du temps… tant qu’il progressait. Mais ce nouveau défi… il bloquait dessus, depuis trop longtemps. La machine manquait de puissance… Qu’en serait-il maintenant ? Refaire les opérations habituelles prit une bonne heure. Ces opérations, Waldo les avait pourtant faites des centaines de fois, durant les deux derniers mois… sans résultat. Il fallait que cette fois-ci soit la bonne. Il avait créé la machine pour cela… Il avait créé la Virtualité pour cela… Il avait créé le processus afin de pénétrer la Virtualité pour cela…
« Il faut que ça marche » Cria-t-il.
Il enclencha le processus. Le Supercalculateur vrombit. Il ronronna très fortement. Le bruit ne s’interrompit plus. Les lignes de codes défilaient sur l’écran. Puis se stoppèrent. Le temps s’arrêta un léger instant. Aucun message d’erreur. Waldo était fébrile. Ses yeux pétillèrent de joie et s’embuèrent de larmes. Il marcha, à pas lent vers le casque. Il étendit son corps, comme le cadavre qu’il allait devenir quelques temps. L’appareil enroba très vite ses cheveux hirsutes. Après une longue inspiration, son pouce enfonça le bouton tandis que son âme était aspirée violemment dans la Virtualité. Le blanc se dissout. Il vit alors le noyau de l’Arena, flottant à sa hauteur habituel, brillant de son banal halo. Son corps avait disparu pourtant, Waldo crut sentir comme sa gorge qui se nouait. Un échec, encore… Le dépit était trop fort. Plus de travail pour ce soir. Pourtant…
« Qui êtes vous ? »
La voix avait résonné dans l’Arena. Délicate, en porcelaine, timide et neutre à la fois. S’il avait eu un corps, Waldo eût sursauté et bondit de joie. Il fit volte-face – Du moins, il commanda que son champ visuel pivote – vers l’origine de la voix. Il le vit alors, recroquevillé et blotti contre le mur de la pièce. C’était un petit être blanc. Son corps était humanoïde. Il avait l’apparence de celui d’un enfant de sept à huit ans. On discernait ses muscles. On discernait ses formes. Mais sa « chair » était d’un blanc uniforme qui n’admettait aucune ombre, même dans les plissures. Son visage, lui, n’était pas un visage. Pas d’yeux, un trait fin en guise de bouche, un nez sans narine. Des oreilles tout aussi bouchées. Pourtant, l’avatar virtuel devant Franz voyait, entendait et parlait. Franz le savait, puisqu’il l’avait programmé, de A jusqu’à Z. Deux points atypiques caractérisaient enfin la petite créature… Elle était asexuée. Et rien dans sa physionomie ne laissait deviner qu’il puisse s’agir d’un garçon ou d’une fille. En revanche, ses cheveux, eux, bénéficiait d’une jolie couleur rose… La seule chose que Franz avait pris le temps de colorer dans les lignes de programmation. L’esprit de Schaeffer approcha lentement. Par crainte, l’être virtuel se tassa un peu plus sur lui-même.
- Je suis Waldo. Je suis… Je suis ton père. Et toi, qui es-tu ?
Waldo connaissait la réponse. Il avait programmé cette chose pour qu’elle connaisse le français… et qu’elle connaisse aussi son propre nom. C’était les deux uniques savoirs dont il l’avait pour l’instant dotée.
Le fragile fœtus informatique sembla alors se détendre. Sa voix résonna dans la pièce, bien que sa bouche n’ait pas bougé d’un pouce.
- Moi. J’ai nom. Je suis… Je suis…
Elle marqua un petit temps, que Waldo ne comprit pas, puisqu’un esprit informatique aurait du répondre instantanément…
- Je suis Alpha & Omega !
Waldo s’arracha le casque de la tête. Il était sorti brusquement après que Alpha et Omega lui a répondu. Il éteignit alors le Supercalculateur. Il savait que cela plongerait la petite créature dans le coma, tandis que l’Arena disparaitrait temporairement du Réseau Mondial. Toutefois, quand il rallumerait la machine, il retrouverait son monde et sa création là où il les avait laissés, comme si lui, Waldo, n’était parti que pendant 10 secondes. Il éteignit tout élément électrique, y compris le néon qui émit un ronchonnement comme pour se plaindre d’avoir été utilisé de si longues heures. Waldo se coucha habillé. Le réveil allait sonner dans une heure, à quoi bon se dévêtir… Il ne sentait plus son corps. Il l’avait fait… Il avait créé une intelligence artificielle. Il avait créé une intelligence artificielle. Il avait créé la vie. Une chose qui, au fur et à mesure qu’il la perfectionnera, deviendra un être humain…
Le mythe de Frankenstein prenait enfin forme pour de vrai. En plus d’être le premier humain à avoir pénétrer un Univers virtuel… il venait… de créer la vie ! Lui tout seul. Il l’avait constitué de A jusqu’à Z… De l’Alpha jusqu’à l’Omega ! Il regarda le plafond et murmura :
- Salut Dieu ! Ca fait longtemps… Tu voudras bien rester mon ami si je deviens meilleur que toi ? Le silence lui répondit. L’Ermitage était désormais totalement éteint. L’obscurité absolue était donc retombée sur la forêt. Le silence aussi… Mais une dernière fois, Waldo rompit le silence. De sa chambre dans l’Ermitage, s’éleva un rire guttural, dément et tonitruant. Il dura quelques secondes et se tut. Waldo s’était endormi.
Les étudiants étaient estomaqués. Le professeur Schaeffer était réputé dans l’Université. On murmurait partout dans les couloirs qu’il était fou. Certes il l’était. On entendait aussi qu’il était un génie. C’était ô combien vrai… Ceux qui s’inscrivaient à son cours savaient pertinemment qu’ils mettaient leur semestre universitaire en péril… car la notation du professeur, d’une extrême sévérité, avait laissé bien des étudiants sur le carreau froid du rattrapage ou du redoublement. Et malgré tout, les cours du professeur Schaeffer n’avaient jamais eu à souffrir d’une carence d’effectif… Car la renommé du maître de conférence était telle que son cours était un rite de passage. Pour beaucoup, réussir à suivre le cours du professeur et obtenir la moyenne à son module était un signe distinctif de l’élite. Les rares étudiants qui y parvenaient seraient promis à de longues et prometteuses carrière.
C’est ainsi qu’en cette journée du mois d’octobre 1972, une cinquantaine de thésards en herbe s’accrochaient à leur stylo pour ne pas décrocher. Les cours de physique quantique avaient déjà commencé depuis un mois. Chaque étudiant de l’amphithéâtre savait pertinemment que suivre était difficile. Pourtant, d’ordinaire, le professeur Schaeffer était plutôt du genre à être posé dans ses explications. Pointu, brillant, d’un niveau intellectuel supérieur… mais calme, méthodique et précis. Il n’en était rien aujourd’hui. Abandonnant le confort du fauteuil de la chaire, traversant les travées de l’amphithéâtre dans tous les sens, Schaeffer parcourait la salle en déblatérant son cours à une vitesse prodigieuse. Les doigts de ses apprenants étaient endoloris d’écrire si rapidement. Aucun étudiant ne parvenait à prendre des notes, tout en comprenant les explications. Certains avaient même jeté l’éponge, posant leur plume et se contentant de prêter l’oreille le plus attentivement possible.
A mesure qu’il parlait des Supercalculateurs, le professeur se perdit dans des théories qui parurent extrapolées à son auditoire. Il entama en disant qu’une machine suffisamment perfectionnée et assez puissante pourrait, potentiellement, scanner le cerveau d’un être humain et en retenir l’intégralité des données. Ainsi pourrait-on transférer un esprit humain dans la virtualité.
- Tu penses qu’il fume de l’herbe ?
Jonathan s’était penché vers Kelly pour lui poser cette question hors-de-propos. Kelly focalisait son attitude du mieux qu’elle pouvait sur Schaeffer mais ne put s’empêcher de lâcher un petit ricanement. Elle se laissa donc à lui susurrer :
- A ce stade, il a dépassé la Marie-Jeanne. Il a attaqué les champignons.
Un troisième étudiant se tourna vers eux avec une théorie d’un autre genre :
- Ou peut-être que hier soir, sa femme lui a fait une gâterie et qu’il n’arrive pas à redescendre du 7ème ciel des sphères de l’informatique quantique. Tout trois ricanèrent silencieusement. Kelly ne put s’empêcher de rougir un peu, tant ce laisser-aller comportemental, en plein cours magistral, allait en contrecourant de l’éducation rigoriste qu’elle avait reçu. Et la voix glaciale qui s’éleva à un mètre d’eux n’arrangea rien à son malaise.
- Fermez-la.
Les trois étudiants, pris de court, jetèrent un furtif regard à la femme qui les avait invectivés. Elle n’était pas une étudiante habituelle du cours. Elle aurait pu cependant puisqu’elle n’était guère plus âgée qu’eux. Elle était entrée au début du cours et s’était installée dans le couloir le plus à gauche de l’amphithéâtre. Elle n’avait pas pris de siège. Elle ne s’était pas non plus embarrassée de prendre des notes. Elle avait simplement écouté le professeur, plantée debout durant les deux heures du cours, sans bouger d’un millimètre dans une posture presque militaire. Cette étrange individu leur adressa un regard dédaigneux et lança pour elle-même :
- Mai 68 passe par là et on se met à entendre parler de drogues et de fesses jusque dans les Universités. Ce pays va bien mal si son élite ne se compose plus que de merdeux excités davantage enclins à se dévergonder qu’à viser l’excellence.
Les trois étudiants baissèrent la tête, penauds. Kelly se demanda qui elle pouvait être. Elle regarda de l’autre côté de l’amphithéâtre. Dans la travée de droite, également dans l’escalier mais assise sur les marches, il y avait une autre nouvelle venue au cours. Celle-ci, en revanche, était blonde. Elle n’avait pas pris de notes non plus, bien qu’elle eût écouté l’intégralité du cours, buvant les paroles du professeur. Le cours de Schaeffer approchait de son terminus. Il lança donc sa conclusion d’une voix tonitruante à travers l’amphithéâtre :
- Ainsi, si vous suivez mon résonnement et qu’on pousse ma logique à l’extrême, on réalise qu’avec la technologie nécessaire et l’ajout d’une source d’énergie extrêmement puissante, de type nucléaire par exemple, les potentialités de notre sujet d’étude deviennent exponentielles et même quasi infinies. L’une des théories les plus notables consisteraient à dire qu’on obtiendrait là un moyen de fléchir l’espace-temps !
Les étudiants sortirent, dubitatifs… Murmurant entre eux. Le professeur, irrité de ne pas avoir déclenché un tonnerre d’applaudissement avec cette tirade finale avait regagné son bureau et rangeait ses notes, dont il n’avait pas eu besoin.
La jeune femme blonde qui était restée assise dans l’escalier de droite de l’amphithéâtre vint à lui. Dans l’effervescence de son cours, Waldo n’avait pas remarqué à quel point elle était belle. Il sentit son cœur s’accélérer, ce qui l’agaça au plus haut point. Depuis son adolescence, Waldo avait toujours été plus à l’aise avec les choses du savoir qu’avec l’émotionnel.
- Madame.
- Professeur, rectifia-t-elle.
Schaeffer réévalua la charmante blonde. Ne jamais penser qu’une femme séduisante ne puisse être en plus intelligente.
- Je viens d’arriver à l’Université, suite à une mutation. Je suis également docteur en physique quantique. Votre réputation vous a précédé et je voulais assister à un de vos cours pour me faire une idée, le moins que je puisse dire, c’est que je ne suis pas déçue.
Waldo sourit, flatté. Enfin une personne qui appréciait son génie et mesurait l’ampleur de son savoir…
- Enfin… Reprit la jeune blonde. Je vous aurais bien proposé d’en parler plus longuement, mais je vous prends un peu au dépourvu et j’imagine qu’en tant que collègues, nous aurons désormais l’occasion de nous croiser très souvent… Je vous dis donc à très bientôt…
La jeune femme sembla attendre une réponse, vocale, mais Waldo ne trouva rien à dire et sourit en lui adressant un léger hochement de tête affirmatif. Elle s’éloigna un peu déçue. Waldo se demanda comment il pouvait être aussi brillant en physique et aussi gauche en relation humaine. Tandis qu’elle prenait le large, il la héla soudain :
- Waldo !
- Pardon ? Répondit-elle en se retournant.
- Vous… vous m’avez appelé : Professeur. Nous sommes collègues… Je … Mon prénom est Waldo.
Elle sourit. Cela ne la rendit que plus sublime. Elle répondit :
- Anthéa… Anthéa Hopper…
Et elle prit la porte. Après un petit soupir, Waldo Schaeffer s’apprêtait à sortir de la salle. C’est alors qu’une autre personne l’interpela. Le professeur la remit tout de suite : Il s’agissait de l’autre femme de l’escalier, celui de gauche, qui était restée debout durant tout son cours. Elle s’approcha d’un pas léger et prudent et lui tendit une carte.
- Bonjour Professeur. Je suis, avec certains de mes collaborateurs, depuis quelques temps, vos recherches. Nous trouvons vos théories passionnantes et je souhaiterais en parler avec vous… Si vous acceptez de prendre un rendez-vous avec moi… Nous serions près, entre autre, à financer vos travaux… très généreusement ! Waldo Schaeffer fut un peu pris de court. Il saisit la carte avec les coordonnées de son interlocutrice et la retourna. Il découvrit alors un logo inconnu en même temps que la femme concluait d’une voix mielleuse …
« Oh mais où avais-je la tête… Je me nomme Dido. »
Jérémie éteignit l’ordinateur.
Il était estomaqué. Il n’avait rien appris de constructif sur le problème de son épouse. Mais… Qui était cet être ? Alpha & Omega. Pourquoi avait-il les cheveux roses ? Et Anthéa. Aelita lui avait toujours dit qu’elle tenait ses cheveux roses de sa mère. Sa mère était blonde… Aelita aurait elle des souvenirs inexacts…
Jérémie ne pouvait en rester là. Il devait découvrir ce qu’il était advenu d’Alpha et d’Omega… Aelita l’avait-elle rencontré, la première fois qu’elle s’était virtualisée ? Quel allait devenir la fonctionnalité de ce programme, sur Lyoko ?
Mais pour voir le reste du journal, il devrait descendre dans le troisième sous-sol d’une usine, sous une rivière…
Vouala vouala.
C'était le premier chapitre. Si le prologue sert à donner envie, le premier chapitre pose les bases. J'espère qu'il n'a pas été trop longuet...
Bonsoir à tous ! Bon, de toute évidence, je n'ai pas réussi à finir mon premier chapitre ce week-end... Cela sera donc sûrement pour le prochain...
En tout cas, ne vous inquiétez pas. J'ai déjà dit que la fiction ferait 5 chapitre, ce qui signifie que j'ai tout en tête, je ne vous laisserai pas en cours de route. Je vais donc en profiter pour répondre à mes quelques commentateurs !
Tout d'abord, merci d'avoir fait l'effort de répondre. Je préfère avoir peu de commentaire mais qu'ils soient de lecteurs invétérés et expérimentés qu'une ribambelle de messages sans intérêt.
Alors, @ Kender !
kender a écrit:
Pour être atypique, elle est atypique. On peut dire que c'est original. Tu commences fort avec un accouchement un peu bizarre d'Aelita. On voit que le couple n'a pas perdu de temps
Mais d'abord une question : ton histoire se passe après Code Lyoko ou Code Lyoko Évolution ?
Pour l'instant, j'aime bien ton histoire. On a un mystère autour d'Aelita et des conséquences de ses 10 ans passés sur Lyoko et de ce qui s'est passé là-bas avec son père et XANA. Pas mal le coup de l'enfant asexué. Je me demande ce que cela veut bien dire.
Jérémie va donc refaire le passé pour comprendre le présent. On a l'impression que les autres LG n'auront pas un rôle important dans ton histoire, je me trompe ? Ta fanfic semble se consacrer uniquement à Jérémie, Aelita et son père.
Sur la forme, je ne vois aucune fautes flagrantes. Ton style est fluide et aéré. Cela me convient parfaitement. Continue ainsi !
Je ne vais pas m'attarder plus longtemps. J'ai un peu la flemme d'entrer dans les détails, surtout qu'on en est qu'au prologue.
Je suivrai ta fic de près. Elle me semble intéressante et pleine de suspense.
Pour notre petit couple... Pas perdu de temps... Boh, c'est dans l'air du temps de ne pas perdre de temps huhu...
Ta première question : Bonne question ! En effet, je n'ai pas précisé si ma fic se passait après CL ou CLE... A vrai dire, cela n'a aucun intérêt. Comme tu l'a remarqué, ma fic sera atypique. Je ne le cache pas, XANA ne reviendra pas. Après, il n'y aura aucune mention de Tyron dans la back-story... J'imagine que j'ai inconsciemment pensé mon histoire sans prendre Evolution en compte... Je doute qu'il ait une seule allusion à la seconde série dans ma fic. Cependant, elle n'ôte pas la possibilité d'Evolution ait eu lieu.
Pour le reste, tu as bien cerné sur quoi ma fic allait porter.
En effet, en dehors de Jérémie, Aelita et Hopper, le casting va être très réduit. Odd joue un petit rôle secondaire au fil des chapitres. Ulrich, Yumi et William seront présents. Mais davantage pour le décor et pour les besoins de l'intrigue. Comme on le voit à la fin du prologue, l'une des théories de Jérémie accuse la virtualisation et tous les héros sont concernés !
Merci de suivre ma fic, c'est motivant=D
@ Nyx
Tout d'abord, je suis ravie que ma fic t'ait inspiré un sujet que tu as ouvert ensuite ailleurs sur le forum ^o^ !
Ensuite !
Nyx a écrit:
En voilà une fiction originale!
C'est vrai que la série ne pose pas du tout ce genre de questions, CL étant destiné aux enfants; mais quand on y pense ça paraît totalement logique que ces virtualisations, rematérialisations, très fréquentes (combien de fois l'ont-ils fait... Plus de 100 fois au moins ?), aient pu dérégler l'organisme d'Aelita... Et des autres combattants!
D'ailleurs c'est dommage que tu n'aies prévu que 5 chapitres, parce que ce sujet pourrait être quelque chose de très intéressant s'il est bien développé; mais je te fais confiance, si ça ne dure que cinq chapitres ça promet d'être intense
Je suivrai également cette fiction de près!
Je n'ai que très peu de temps pour écrire, j'ai donc choisi de faire une fiction courte pour être sûr de la finir. J'aurai facilement pu pousser à 12 chapitres en faisant des détours et en m'appesantissant sur ce qu'était devenu chaque personnage etc... etc...
Mais comme j'ai dit, je veux que ma fiction soit originale. Le futur des héros était largement traité ailleurs, j'ai vraiment préféré centré mon histoire sur l'intrigue : L'enquête de Jérémie.
A ce sujet, attention : Ne vends pas la peau de l'ours trop vite. La virtualisation n'est qu'une des théories que Jérémie a émit. Les 5 chapitres vont donner le temps à Jérémie de faire de grosses découvertes et les théories d'explications de l'état d'Aelita vont se succéder. Disparaitre, revenir, etc...
En tout cas, en effet, j'espère que mes 5 chapitres seront intenses... et je pense que vous ne verrez pas venir le dénouement... Du moins qu'il sera plus surprenant que ce à quoi vous vous attendez !
J'espère que je ne m'avance pas trop =)
A toi aussi, merci de me suivre !
Et enfin, @Lorilis !
Lorilis a écrit:
Je vais sans doute répéter un peu les commentaires précédents.
Ton idée de départ est en effet très originale. Je n'ai jamais lu de fanfic imaginant le futur des héros dans laquelle les Lyokoguerriers auraient des problèmes de santé à cause des virtualisations.
C'est en tout cas une excellente idée. Mais je me demande bien ce que Jérémie trouvera dans les affaires de Franz Hopper. Hopper avait-il déjà envisagé que la virtualisation pouvait avoir des effets très néfastes sur l'organisme ?! Ca le rendrait encore plus savant fou que ce qu'il n'est déjà, car si tel est le cas, il a volontairement mis en danger la vie de sa fille...
Quant au style d'écriture, j'aime beaucoup. Les phrases coulent très facilement et la description imagée du début est vraiment parlante.
Jérémie en blouse blanche à l'hôpital qu'on appelle docteur... c'était assez drôle ! Sur le moment je me suis dit que finalement il avait changé de voie ! Mais non, tu es restée cohérent(e) avec la série. Mais, un professeur de physique quantique à l'université a-t-il vraiment besoin d'une blouse ?
Ensuite, ta description de l'accouchement d'Aelita était aussi horrible que bien écrit. On comprend mieux pourquoi Jérémie est allé vomir ! C'était d'un profond réalisme, le sang sur le sol, le bébé hideux, etc... Et pis Jérémie qui se focalise sur le sang sur les cheveux d'Aelita, c'était bien trouvé, et ça a donné un titre au chapitre (enfin prologue).
Voilà ! J'essaierai de suivre ta fic et je te souhaite de toute façon une bonne continuation !
Merci pour tout tes compliments sur mon style d'écriture et sur l'originalité du scénario. J'espère vraiment que tu trouveras le temps de suivre ma fic =X
Pour l'histoire de la blouse blanche, en effet, je ne sais pas si c'est obligatoire haha. Mais je me rappelle d'un de mes enseignants d'allemands qui était habillé en noir et donnait son cours en blouse pour ne pas avoir de craie sur son costard à la sortie... Ca m'a peut etre marqué xD
Quant à ce que Jérémie va trouver en retournant le passé de Hopper, il y aura beaucoup de choses et pas que sur la virtualisation !
Encore merci à vous trois ! Je pense que le premier chapitre vous arrivera très prochainement !
Je vous poste ce soir le prologue de ma première fiction. En espérant qu'elle vous plaira...
Elle sera assez courte (5 chapitres + prologue/Epilogue). Je vais essayer de me tenir à un chapitre par semaine... J'irai peut-être plus vite... Peut-être moins vite... On verra !
Enfin, ma fiction est, je pense, un peu atypique. Je vous préviens tout de suite (chacun ses goûts après tout)...
Pas de Lyoko. Peu de personnages présents. C'est une fiction qui va être orientée sur une intrigue... plutôt atypique. Bref, ne vous attendez pas à une fiction bateau, façon XANA revient, on va sur Lyoko. Ni même "Vie des héros à Kadic". C'est vraiment une intrigue, construite en 5 chapitres, autour d'un évènement perturbateur qui intervient dans le prologue...
Bref, inutile que j'en dise plus... ^^ C'est aussi mon premier post dans cette communauté, donc enchanté tout le monde. J'irai faire un tour sur d'autres sujets si j'en trouve le temps.
Place au texte :
Spoiler
Prologue Du sang rouge sur ses cheveux roses
20 mars 2019
Un vent vernal s’engouffra dans la longue allée bordée de platanes qui reliait l’entrée de l’hôpital à celle des urgences. Un docteur vêtu d’une blouse blanche sortit du bâtiment. Il franchit les portes coulissantes automatiques d’un pas décidé et d’une démarche qui paraissait enjouée.
Sa rencontre avec la brise fut frontale. Celle-ci percuta l’individu de face, faisant virevolter ses cheveux blonds dans tous les sens. Derrière lui, son vêtement se souleva au niveau du postérieur dans une longue trainée blanche. Le bas de la blouse ondula quelques secondes, fouetté par les lames d’air. Puis il retomba doucement sur les reins du docteur Belpois.
L’entrevue avec cette bourrasque de début d’après-midi l’avait rafraichi. Il fit quelque pas et se dirigea sur la pelouse. Il plissa ses yeux. Le Soleil était éblouissant, surtout pour une personne qui venait de rester enfermé plusieurs heures. Les espaces verts de l’hôpital venaient d’être tondus. L’odeur de l’herbe coupée court – certaines personnes l’abhorre, d’autres s’en enivrent – lui remplit les narines, portée par la brise. Jérémie n’appréciait pas ce parfum… mais il le préférait à la fragrance médicamenteuse qui régnait dans les couloirs de l’hôpital.
Le Soleil, le vent, l’herbe fraichement tondue… C’était la première vraie journée de printemps… Ce genre de jour qui vous ravit à peine vous êtes réveillés et que vos yeux ensuqués perçoivent les premiers rayons de Soleil. C’est sans doute la raison pour laquelle, dans ce silencieux décor de plénitudes, il parut étrange que Jérémie tombe soudainement sur les genoux, qu’il expire tout l’air qu’il avait inhalé puis retenu dans un long râle et qu’il émette un gargarisme avant de vomir d’un coup sec et rapide son déjeuner…
Habitué à des situations bien plus préoccupantes, le personnel médical accourut et entoura bientôt Jérémie.
- Monsieur ? Ca va, Monsieur ?
« Monsieur »… Jérémie était bel et bien docteur. Mais docteur en physique quantique. Aussi, malgré sa blouse blanche, il trouva logique qu’on ne l’appelle que « Monsieur », dans l’enceinte de l’hôpital. Et non pas « Docteur Belpois ».
- Je vais bien, rassura Jérémie. Juste un surplus d’émotion. Ma femme est en salle d’accouchement.
Il y eut un changement dans le comportement des médecins. La tension retomba subitement. Ces individus, formés à faire face aux pires nouvelles, ne pouvaient pas, eux non plus, s’empêcher d’éprouver cette euphorie hormonale presque stupide que ressentent les gens à l’annonce d’une grossesse ou d’une venue au monde. On félicita Jérémie. On le redressa. On lui proposa un brancard. On le congratula à nouveau. On lui demanda si le travail était fini –Jérémie acquiesça – et si il avait besoin qu’on l’accompagne en néo-natalité –Il refusa -. On s’enquit enfin de savoir une dernière fois si tout irait bien… Jérémie répondit d’un sourire bienveillant et hocha la tête…
« Connards, imbéciles heureux… »
Alors qu’il commençait à s’éloigner, une infirmière lui adressa pourtant cette ultime question.
- C’est un garçon ? Ou une poupette ?
Jérémie accéléra le pas. Faire mine de n’avoir pas entendu était sans doute la meilleure manière d’esquiver une question à laquelle on n’avait pas envie de répondre. Pourtant le léger arrêt qu’il avait marqué l’avait trahi. La question l’avait déstabilisé.
Jérémie retourna à l’intérieur de l’hôpital d’un pas ferme. L’odeur nauséabonde du couloir ne lui parut pas aussi infecte que le gout de bile dans sa bouche. C’était la deuxième fois qu’il traversait ce couloir aujourd’hui.
La première occasion lui avait été donnée lorsque son portable avait vibré dans sa poche durant l’un de ses cours à l’Université. En temps normal, Jérémie avait trop de respect pour ses étudiants pour répondre à son téléphone. Mais étant donné que sa femme, Aelita Schaeffer Belpois, était enceinte, il avait reconsidéré sa position.
La nouvelle était bonne. Bien qu’un peu prématurée. Aelita n’en était qu’à 7 mois. Cependant, le médecin suivant sa femme avait annoncé un probable accouchement anticipé… mais sans danger.
Jérémie avait conduit plus rapidement que jamais. Lui qui n’aimait pas le risque. Il était arrivé à l’hôpital à 15H. 20 minutes après son départ de l’Université. Un record !
A présent, il était 16H. Jérémie s’invitait pour la deuxième fois de la journée dans le service natalité de l’hôpital.
Cela ne faisait donc qu’une heure, s’étonna le génie ! Cela lui avait paru être une éternité. Il se tenait désormais devant la chambre où sa femme dormait encore. Elle avait été nettoyée après son accouchement, pendant que Jérémie parlait avec leur médecin. Pourtant, le professeur Belpois ne pouvait s’empêcher de penser à …
- Jérémie !!!!
Odd Della Robbia entra en courant. Il atteint Jérémie en quelques enjambées. Il lui adressa un grand sourire. Puis il regarda Aelita à travers la vitre.
- Roh ! Jouer le numéro de la Belle aux Bois Dormant après l’accouchement… Franchement, c’est pas réglo de sa part.
Jérémie ne répond pas. Odd ressentit son malaise. Il sembla réfléchir. Il aurait pu poser la question toute bête type « Comment ça s’est passé ». Ou celle plutôt optimiste : « Elle va bien ? Et le bébé ? ». Pourtant, contrairement à ce qu’indiquaient son catogan et les mèches violettes de sa coiffure, Odd savait réfléchir avant de parler. Il regarda sa montre. Il était 16H. Il avait reçu un SMS à 14H30. 1H30 maximum… ? Les premières grossesses ne duraient jamais si peu de temps. Il jeta un regard inquiet à Jérémie.
Jérémie ne le remarqua pas. L’arrivée d’Odd avait interrompu ses pensées un bref instant. Mais le mutisme de son ami avait rappelé à lui les tourments qui l’agitaient.
A 15H15, il était entré dans la salle d’accouchement.
Il savait que ce n’était pas forcément toujours un spectacle beau à voir. Toutefois, les gens qui l’en avaient informé avaient clairement usé d’euphémisme. Jérémie eut une réaction curieuse.
La scène était terrifiante par bien des aspects. Aelita hurlait à pleins poumons sur son siège. Un véritable torrent de sang s’écoulait de ses voies naturelles et le flot était si fort qu’on se demandait si une artère n’était pas sectionnée. Le sol de la salle était tellement rouge qu’on en devinait plus la couleur d’origine. Le personnel tentait de faire son travail, mais l’anormalité du phénomène les prenait vraisemblablement de court. S’éloignant de l’agitation, la sage-femme tenait avec une réticence non-dissimulée l’enfant mort-né du couple Belpois. Les enfants prématurés sont rarement beaux à voir, souvent noirâtres et décharnés… mais le petit corps sans vie que la sage femme tenait était hideux.
Jérémie était planté au milieu de ce chaos. Son cœur, qui s’était mis à battre la chamade quand il avait entendu l’écho des hurlements d’Aelita dans le couleur, s’était brusquement calmé pour finalement battre au ralenti. Il n’entendait pas les injonctions du médecin qui lui ordonnait de sortir de la salle. Il n’accorda pas un regard à la parodie de nouveau-né qui aurait dû retenir son attention.
Alors que tout autour de lui semblait silencieux… Il remarqua qu’avec l’agitation, une giclée de sang avait été projetée, on-ne-sait-comment, sur la chevelure rose d’Aelita.
Et au milieu de cet enfer où de nombreux pères auraient défailli, Jérémie était obnubilé par ce simple détail. Ce petit filet de sang, qui glissait lentement de la fontanelle d’Aelita jusqu’en bas de ses boucles, au niveau des épaules…
Cette trace qui semblait indélébile. Cette souillure qui salissait ce dont il était le plus amoureux chez son épouse.
Ce sang rouge sur ses cheveux roses.
Aelita se réveilla à 19 heures.
Jérémie était à ses côtés. Odd dormait sur un fauteuil dans la même chambre. Il avait refusé de partir. Le réveil d’Aelita fut rapide. Après une telle perte de sang et une telle épreuve psychologique, Jérémie aurait cru que le réveil de sa femme serait difficile. Il n’en fut rien.
Elle posa les yeux dans ceux Jérémie, instinctivement. Pour la seconde fois de sa vie, le professeur d’université sentit sa femme aussi vulnérable qu’un bébé. La première fois, lui et elle avait treize ans. Et il venait de la rematérialiser dans le Monde Réel après 10 ans de vie informatique.
Il lut dans ses yeux. Elle savait. Elle savait que l’enfant était mort.
Jérémie réfléchit à quoi dire. « C’est pas grave chérie, on en fera un autre ! » lui sembla assez inapproprié. Il entrouvrit la bouche pour lui dire « Tout va bien ». A ce moment, l’image des médecins qui l’avaient harcelé de commentaires bidons et de phrases toutes faites, plus tôt dans la journée, lui vint à l’esprit. Il se remémora l’énervement que cela avait suscité. Aussi, il se ravisa. Il se tut et posa amoureusement sa tête contre celle de sa femme.
Elle observa le silence également. Ils s’endormirent dans la souffrance. Mais ils s’endormirent.
Deux jours plus tard, Aelita était suffisamment stable pour quitter l’hôpital. On l’avait perfusée régulièrement. Avant cela, elle et Jérémie devait néanmoins aller voir leur médecin. Celui qui avait suivi la grossesse.
L’entretien commença par une série de banalités. Pourtant, il semblait évident que le docteur avait quelque chose d’autre à aborder.
- Madame Belpois… Je sais qu’il est sans doute très tôt mais il y a un autre élément dont je me dois de vous informer…
- Oui ? Demanda machinalement Aelita. Jérémie, lui, sortit de la torpeur où il s’était réfugié pour fuir les civilités du médecin.
- Votre… fausse-couche semble cacher un problème plus sérieux. Pour être honnête… la quantité de sang que vous avez perdu, je n’avais jamais vu ça… Ni même lu ou entendu parler. Cependant, j’ai pu, au cours de l’intervention et des derniers jours opérer quelques analyse…
- … Et… ? Jérémie sentit la main d’Aelita serrer la sienne plus fortement que jamais. Déjà les mots « cancer » et « maladie » résonnait dans sa tête.
- J’ai le regret de vous avouer que je n’ai rien obtenu de concluant… Confessa le docteur. Cependant, le scénario le plus probable est que votre organisme ait fait un rejet… immunitaire. C’est la seule chose pouvant expliquer une réaction aussi violente…
- Un rejet, questionna Jérémie alors interloqué… Ce n’est pas ce qui survient lors de greffes, par exemple…
- C’est un des cas de figure… J’ai une question assez embarrassante à vous poser… Êtes-vous sûrs de n’avoir aucun lien de parenté avec M. Belpois ? Cela pourrait être une des causes possibles…
- Nous n’avons aucun lien de parenté, affirma Aelita. »
Elle le savait. Elle avait fait des recherches sur la généalogie de ses parents pour en apprendre un peu plus sur sa famille. Jérémie lui, se mit à réfléchir à toute vitesse, tandis que le médecin s’adressait à Aelita. Il revient sur terre à la question suivante :
- Accepteriez-vous de rester pour faire des analyses plus approfondies ?
- Merci, coupa alors Jérémie. Ma femme a besoin de repos. Nous reconsidérerons votre offre prochainement.
- M. Belpois ! Rétorqua le médecin alors inquiet. Je suis incapable… aucun des collègues que j’ai consulté n’est capable de savoir exactement ce qui s’est passé. Le corps de votre femme a déraillé ! La laisser partir est dangereux. Pour elle. Peut-être même pour vous.
- Comme je vous l’ai dit, – Jérémie s’était levé et avait récupéré sa veste – ma femme requiert du repos. Pas une source de stress supplémentaire ».
Voyant que quelque chose clochait, Aelita suivit Jérémie vers la sortie du cabinet, à contrecœur. Le couple s’apprêtait à prendre la porte…
« Il y a encore autre chose ! Cria l’homme de médecine…
Le couple marqua un arrêt.
- Comme vous m’aviez demandé de ne pas vous révéler le sexe de votre enfant, j’ai respecté votre décision… Mais les choses étaient plus compliquées que ça…
- Comment ça ?
- Lors des échographies, je n’ai pas trouvé de sexe à votre enfant. J’ai mis ça sur le compte d’une défaillance. Ou d’un mauvais positionnement. Mais aujourd’hui, les choses sont plus claires… Votre enfant n’avait pas de sexe quand nous l’avons sorti de votre ventre. »
Un silence de mort tomba sur les quelques mètres carrés de la pièce. A nouveau, Jérémie réfléchit à toute vitesse. Aelita, elle, semblait perdue.
- Comprenez moi, repris le médecin, transpirant. Votre grossesse en était à 7 mois. Les enfants sont sexués depuis longtemps quand ils ont 7 mois… La réaction de votre organisme… Ce rejet violentissime… Est un cas unique. Le fait que votre enfant soit asexué… Cela implique tant de choses… Vous avez peut-être un syndrome ou une pathologie nouvelle. Peut-être qu’un jour, d’autres personnes souffriront de la même chose. Nous devons nous pencher dessus… Si vous voulez avoir un enfant un jour, vous ne pouvez pas simplement prendre le risque de tenter une nouvelle grossesse… Vous devez…
La porte du cabinet claqua.
Ils étaient rentrés sans parler.
La soirée avait vu le retour d’un froid hiémal qui avait fait tomber les températures. Jérémie s’affaira à allumer un feu. Il ne réfléchissait plus aussi bien qu’auparavant. On le tannait souvent sur le fait qu’il exagérait à se considérer trop vieux. Pourtant, c’était un fait. Il réfléchissait moins vite qu’à l’époque où il avait 14 ans. A l’époque où il sauvait le monde. Alors, quand il avait besoin de se concentrer, il allumait un brasier dans la cheminée de l’Ermitage et il regardait la consumation du bois.
Aelita entra timidement dans la pièce. Elle tituba d’une démarche hésitante vers le fauteuil où elle se laissa tomber. Jérémie savait qu’il lui devait des explications. Aelita n’était pas du genre à en réclamer. Cependant, en bonne femme, elle l’avait suivi hors de l’hôpital, contre avis médical. Jérémie, en bon mari, lui devait désormais une explication. En temps normal, il l’aurait fait naturellement. Pourtant, ce soir là, il sentait sa gorge irritée, à la simple idée de commencer à parler. Et la suie de la cheminée n’y était pour rien.
Aelita se décida :
- Qu’est-ce qu’il se passe Jérémie… Qu’est-ce qu’il s’est passé…
Jérémie fit volte-face et s’assit au sol à côté de sa femme.
- Aelita. Nous avons un deuil à porter. Pour la semaine qui vient, la seule chose que nous allons faire, c’est prendre soin de nous. Je vais prendre soin de toi. Et ensuite, nous verrons ce qui cloche. Nous explorerons toutes les pistes.
Il saisit sa main.
- Tu peux me faire confiance encore sur ce coup ? Dit il en la prenant dans ses bras.
Quelques heures plus tard ils étaient au lit. Aelita semblait dormir d’un sommeil tourmenté. Le traumatisme physique qu’elle avait subi l’aidait à sombrer chaque soir. Jérémie n’avait pas cette « chance ».
Les mots du médecin résonnaient dans sa tête. « Cas unique ». « Jamais vu auparavant ». « Personne n’est capable d’expliquer ce qui est arrivé ». Jérémie connaissait ça. Ce qui était arrivé au médecin. Quand un homme de science était confronté à un problème qu’il était dans l’incapacité d’expliquer, c’est ce qu’il se passait. Cette sorte de panique rationnelle incontrôlable.
C’est la raison pour laquelle Jérémie ne s’était pas attardé dans l’hôpital. Il avait reconnu ce tremblement paniqué dans la voix du médecin. L’homme était sans doute plein de bonnes intentions mais il ne leur serait d’aucune utilité. Jérémie ne croyait pas aux coïncidences.
Aelita était un cas unique. Pas parce qu’elle avait contracté le nouveau cancer de la fertilité. Pas parce qu’elle allait être une anomalie médicale. Evidemment qu’Aelita était unique. Elle avait été humaine. Elle avait été virtuelle pendant plus de 10 ans. Elle avait été ramenée sur Terre artificiellement, sans suivre la procédure logique du scanner. Ce faisant, XANA lui avait arraché une partie de son humanité. Franz Hopper le lui avait rendu sur Lyoko, dans un procédé que Jérémie ignorait… et sur lequel il ne s’était jamais réellement penché.
Dans ce parcours du combattant… Dieu sait quel dérèglement, elle avait pu subir. Et même sans chercher si loin… Le simple processus de virtualisation via les scanners… Il y avait tant de possibilité… Aussi… Aelita ne resterait peut-être pas très longtemps un cas unique.
Jérémie serra son oreiller. Il eut une pensée inquiète pour Ulrich, William, Odd… et surtout Yumi…
Avant de s’endormir, il n’avait que deux convictions. La première était qu’aucun docteur sur Terre ne pourrait trouver ce qui avait fait dérailler la grossesse d’Aelita. La seconde était que les réponses se trouvaient dans un chapitre clos. Le chapitre de sa vie lié au Supercalculateur. A XANA.
Jérémie plongea dans les bras de Morphée, espérant que la nuit porte conseil. Pourtant il savait pertinemment que sa décision était déjà prise. Il allait rouvrir ses dossiers sur le Supercalculateur… Et notamment les fichiers du Professeur Hopper… Ceux qu’il n’avait jamais pris le temps de décrypter… Ceux qui traitaient du passé lointain du professeur.
Voilà...
Quelques indications pour la suite.
Le prochain chapitre s'appellera "Franzenstein".
Les 5 chapitres de la fiction sera composé sur un rythme ternaire :
- Une partie du chapitre "Temps présent" sera consacrée à l'action présente (Plutôt point de vue d'Aelita qui se posera des questions sur les activités de Jérémie).
- Une partie du chapitre "La quête de Jérémie" sera consacré aux recherches de Jérémie sur le problème d'Aelita et les dossiers secrets de Franz Hopper.
- Une partie du chapitre "Les mémoires d'Hopper", qui raconteront les parties de la vie de Hopper que Jérémie décrit dans son journal.
Ces trois parties ne seront pas toujours dans le même ordre et leur alternance permettra de jouer sur le fil chronologique de l'histoire... et bien entendu sur l'intrigue... "Mais qu'arrive-t-il donc à Aelita ?"
Voilà... En espérant que quelques lecteurs accrocheront quand même =X ...