Epilogue – Adieux et rencontres (version officielle)
Je sentais mon corps se dérober sous mon poids. Je ne comprenais pas vraiment comment je pouvais être épuisé, ni comment ces migraines avaient pu m’atteindre. Mon crâne résonnait comme Big Ben dans le clocher de la cathédrale de Westminster. C’est alors, en le voyant, que tout me revint à l’esprit.
Il n’était pas là. Alors que je l’avais vu se dévirtualiser en même temps que moi, il n’était pas là. Mais qu’est-ce qui a bien pu se passer ?!
Le monte-charge s’ouvrait sous mes yeux embués. Alors comme ça on n’a pu me rematérialiser qu’après la mission ?
Weird… La tâche fuchsia des cheveux d’Aelita courait vers moi, tandis que Jérémie se dirigeait vers le scanner dans lequel il devait réapparaître. Il était désemparé. Cette fois j’en étais sûr. Je ne l’avais pas ramené parmi nous. Alors que la fille de Franz Hopper se penchait sur moi, je sombrais dans un sommeil sans rêve, agité par la rage et la stupeur.
Je me réveillais allongé sur mon lit, à l’internat. Les fenêtres étaient fermées, les volets clos. Un coup sourd à ma porte finit de me faire émerger de ma torpeur. Odd et Ulrich étaient entrés les premiers, suivis de près par Yumi, William et M. et Mme Einstein. Je me levais, étirant mes membres courbaturés.
« Alors, comment tu te sens ?, me lança le petit génie.
- Où est-ce qu’il est ?, demandais-je d’un ton inquiet.
- Yann, je suis désolé, mais..., commença Jérémie.
- OÙ EST-CE... QU’IL EST ?!, répétai-je en hurlant, près à frapper mon meilleur ami.
- On ne sait pas ce qui s’est passé. Il est tombé dans la Mer Numérique, Yann... Je suis désolée », finit Aelita d’un ton qui se voulait apaisant.
Je les congédiais en claquant la porte, furieux contre eux, et surtout contre moi-même. J’étais sûr pourtant de l’avoir dévirtualisé... Alors comment se faisait-il qu’il ne soit pas là, en train de dormir sur ma chaise de bureau ?! Je me murais dans un mutisme qui ne me ressemblait pas. J’avais pris une décision : jamais je ne sortirais de cette chambre tant que je n’aurais pas trouvé un moyen de ramener Lloyd.
Mais finalement, ma résolution vacilla, au bout de deux heures. Je m’étais rendu compte que mon comportement était ridicule. Si je souhaitais avoir des réponses, je n’y arriverais qu’avec mes amis. J’ouvris la porte, et tout le monde entra. Apparemment, ils m’avaient attendu depuis tout ce temps.
Et ainsi nous parlions de lui, avant de passer à ce qui aurait sans doute été notre dernière mission. J’avais découvert que William avait éclaté des sortes de crocodiles, les Kaïmans, planqués dans un lac d’eau stagnante, avant de se prendre un coup de pince de Skorpion.
Alors qu’il avait volé sur plusieurs mètres, Odd lui tendit la main tandis que le Combattant pendait au-dessus de la Mer Numérique, et Aelita avait détruit le monstre à grands coups de champ de force. Pendant ce temps, Yumi manœuvrait le Skid vers la tour la plus proche, couverte par un Odd plutôt efficace.
Soudain, un immense fracas partit de la Mer Numérique, semblable à un hurlement, et le reste des monstres du territoire explosèrent ensemble. Ils se firent tous les quatre translater simultanément à Sydney, quand lui et moi nous dévirtualisâmes mutuellement. Au lieu de détruire le Super Calculateur hôte du Réplika Marais, ils avaient lancé un formatage des données, car sa destruction ne serait pas passée inaperçue dans l’université la plus prestigieuse d’Australie.
Simultanément, Jérémie avait réussi à mettre notre rematérialisation en suspens, nous laissant sous forme de données latentes, le temps de décrypter le virus qu’il m’avait injecté deux mois auparavant.
Au final, la mission avait été un succès, mis à part la plus grosse frayeur de toutes les vies de mes amis. Frayeur dont j’étais malheureusement la cause.
« Tu nous refais plus jamais un coup pareil ! », m’avait lancé Yumi en me donnant un coup de poing dans l’épaule gauche.
C’est vrai que se rendre intangible pour entrer dans le corps d’un sbire de XANA n’était pas la chose la plus intelligente que j’ai faite dans ma vie, mais l’idée m’avait parue bonne, sur le coup… Et le résultat était là : je l’avais libéré.
« Mais finalement, tout ne s’est pas passé comme prévu... Tu l’as bien libéré de l’emprise de XANA, mais il a activé ta Transparence sur lui quand tu devais le dévirtualiser. Et il a fini dans la Mer Numérique... »
Tout le monde garda le silence aux paroles d’Einstein.
« Par contre, faut qu’on fasse un dernier tour à l’usine…, annonça mon meilleur ami après un certain temps. Je n’ai pas eu le temps de vérifier si l’antivirus a bien marché. Et après, on éteint le Super Calculateur une bonne fois pour toutes. »
J’acquiesçai en silence. Au fond, Jérémie avait raison. Il fallait qu’on en finisse. Tourner la page, malgré le deuil que je devrais à nouveau porter. On avait amputé XANA d’un de ses membres les plus importants et détruit son dernier Réplika. Il n’y avait plus aucune raison pour qu’il revienne nous mettre des bâtons dans les roues.
Une fois à l’usine, Jérémie prit une dernière fois place sur le fauteuil devant les trois écrans d’ordinateur. Il alluma la caméra et prit la parole.
« Samedi 3 novembre 2006. Ça y est. Nous allons enfin mettre un terme à notre ancienne vie. Cet après-midi, nous allons éteindre à nouveau le Super Calculateur. Comme quelqu’un l’avait dit l’an dernier, « nous avons des échecs et des réussites. Des heures de colles et des heures de gloire. Il y a eu la vie avec Lyoko. Désormais, il y aura la vie sans… » Nous n’avons plus rien à faire sur Lyoko. XANA ne reviendra pas tenter d’asservir le monde… Coupez. Rideau. Ceux-ci sont les derniers mots d’un ancien Lyoko-guerrier. »
Puis il effectua la commande d’arrêt de la webcam.
Je descendis descendîmes jusqu’à la salle des scanners. Les trois immenses tubes métalliques, interfaces avec l’ordinateur quantique, allaient me manquer, en fin de compte. Je me plaçais devant l’un d’eux, mais m’arrêtais brusquement… Non, nous n’allions pas détruire Lyoko. Pas si vite.
« Jérémie, virtualise-moi sur le Cinquième Territoire…
- Mais… Je devais juste vérifier si j’avais bien réussi à te retirer le virus. Pourquoi tu veux y retourner ?
- J’ai un dernier truc à faire. Enfin… Lloyd et moi avons un truc à y faire. »
Une fois dans la voûte céleste, l’interface s’ouvrit devant moi. Je tapais dessus comme j’avais vu Aelita le faire si souvent. Une photo y apparut. Une photo de nos parents, oncle Allan et nous deux. Dessus, j’y écrivis tout simplement :
In memoriam. Allan Barett (1957 – 2006), Lloyd Beckett (1990-2006). Rest in Peace.
Là, une sphère lumineuse prit place à ma droite. Lloyd venait de me rejoindre.
« Désolé, frangin... Tu sais très bien que c’était la seule solution. Je n’ai plus rien qui me rattache au monde réel : je suis censé être mort, et depuis ce temps à vivre sur Lyoko, je m’y suis lié. Encore désolé. J’espère que tu comprendras mon geste... »
Cette image d’une famille réunie restera gravée à jamais dans les disques durs du Super Calculateur, de même que celle d’Aelita et de Franz Hopper, ensemble avec Anthéa.
J’entonnais une chanson, les larmes aux yeux. Lloyd me suivit pour les
back-vocals.
À écouter en même temps
As time passes by, direction unknown
You've left us now but we're not alone
Before you know it your cups overflown
You measured no one that I've ever known
And it's quite alright
And goodbye for now
Just look up to the stars
And believe who you are
Cause it's quite alright
And so long, goodbye
We always knew that it'd come to this
It's times like this I forget what I miss
Matters of heart are hard to address
Especially when yours is full of emptiness
And it's quite alright
And goodbye for now
Just look up to the stars
And believe who you are
Cause it's quite alright
And so long, goodbye
As time passes by, direction unknown
You've left us now but we're not alone
Before you know it your cups overflown
You measured no one that I've ever known
And it's quite alright
And goodbye for now
Just look up to the stars
And believe who you are
Cause it's quite alright
And so long, goodbye.
Une fois notre recueillement achevé, ma gorge finit de se nouer. Tous les événements de ces derniers mois m’avaient fait oublier ma tristesse et ma solitude. Mais malgré tout, je m’étais fait de nouveaux amis, et, par-dessus tout, j’avais retrouvé ma famille. Mais cette famille, je venais à nouveau de la perdre, et ce pour toujours.
Jérémie me rematérialisa, et aussitôt nous nous rendions dans la salle du Super Calculateur. Mais avant qu’Einstein n’abaisse le levier, je me raclais la gorge.
« Oui Yann ? Tu veux dire quelque chose ?
- Oui… Il faut que je le dise...
« Dans la vie, il y a les joies et les peines. Il y a les pleurs et les blessures. Les coups bas, les gens qui nous poignardent dans le dos, les croche-pieds.
« Mais au fond, la vie continue. Chaque jour, nous surmontons des épreuves. Chaque jour, nous allons de l’avant. Chaque jour, on en ressort grandis…
« Et nous ne pourrons jamais oublier notre ancienne vie, tant les souvenirs sont grands pour qu’on puisse les oublier. Lyoko est ancré en nous, on ne peut rien y faire. Mais chaque chose a une fin…
« It’s been fun… But we won’t come back… »
À mesure que je discourais, je me rapprochais de Jérémie, et quand j’eus fini mon speech, ce fut moi qui éteignis l’ordinateur quantique. Avec une boule au fond du cœur.
* * *
Depuis ces trois ans, je n’ai toujours pas réussi à ramener Lloyd. Mais je l’ai tout de même retrouvé à plusieurs reprises. Qui sait, peut-être que ma vie est aussi liée à Lyoko que la sienne ?
Je suis entré en école d’ingénieurs, option électronique quantique. J’ai décidé de reprendre les travaux d’oncle Allan et de Franz Hopper. Pour Lloyd. Pour mes amis. Pour la science. Non, en fait, la dernière phrase est inutile, mais je trouvais ça marrant de la poser, comme ça.
XANA est revenu, lui aussi. Mais pas forcément tout le temps de la façon dont on pourrait l’imaginer. Oui, il est revenu. Mais les Lyoko-Guerriers eux aussi étaient là pour l’accueillir.
Ainsi s’achèvent les Mémoires d’un Cyborg.
FIN