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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 14:56   Sujet du message: Répondre en citant  
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- Un café ?

La voix d'Odd raisonna à travers le hall contre les quelques chaises disséminés contre le mir, tirant Mathieu de sa transe. Le jeune homme leva un regard vide vers son ami qui fut frappé par la taille de ses cernes et son teint maladif.

Sans rien ajouté, l'adolescent au béret lui tendit le gobelet en plastique fumant qu'il était parti chercher au distributeur de boisson le plus proche, se laissant tomber sur la chaise la plus proche avec un soupir épuisée, son propre café à peine entamé dans sa main.

Mathieu le remercia d'un hochement de tête distrait, portant le liquide brûlant à ses lèvres, laissant son amertume s'écouler dans sa gorge, revigorant ses membres ankylosés. La caféine lui fit du bien et son visage regagna quelques couleurs, mais son expression demeura aussi triste qu'auparavant.

- C'est qui le type là-bas ? marmonna Odd, désignant du menton un homme à la barbe brune et au crâne dégarni un peu plus loin au fond du couloir, visiblement fébrile, en pleine discussion avec le médecin les ayant interrogé quelques minutes plus tôt.

Les deux hommes parlaient à voix si basse qu'il leur était impossible de comprendre le sens de leur conversation. Le voile devant les yeux de Mathieu sembla se dissiper petit à petit, le ramenant progressivement à la réalité.

- L'oncle de Stéphanie, chuchota-t-il plus à cause de son angoisse que par soucis de discrétion, il est arrivé i peine une ou deux minutes… Je ne crois pas qu'il ait fait le lien entre Stéphanie et moi… Pas encore en tout cas. Tant mieux, je ne saurais pas quoi lui dire.

Le jeune homme marqua un temps de silence, pendant lequel tout son bouleversement vu clairement lisible au fond de ses yeux d'un bleu azur, avant de poursuivre, d'une voix plus faible encore :

- Comment je pourrais lui expliquer que sa nièce est dans le coma par ma faute ?

- Tu ne vas pas t'y mettre toi aussi ! lâcha Odd, un air triste sur le visage, ni toi, ni Aelita, ni personne d'autres n'êtes responsables de ce qui est arrivé à Stéphanie, d'accord ?

Mais Mathieu se contenta de hocher la tête en signe de dénégation, renversant un peu de café sur sa chemise déjà ruinée au passage.

- C'est de ma faute, insista-t-il sans parvenir à reprendre contenance, c'est de ma faute si elle s'est retrouvée embarquée dans toute cette histoire de dingue au sujet de la Green Phoenix… Jamais je n'aurai du la laisser m'aider à récolter des informations sur l'enlèvement d'Angel… Si je ne m'étais pas autant accroché à ce type, tout cela ne serait pas arrivé… Je me dégoûte.

- Arrête ça !

Odd s'interrompit un instant, le temps que le médecin, suivi de l'oncle de Stéphanie, pâle comme un mort, passent devant eux en direction de la chambre de la jeune fille. Il ne reprit que lorsque les deux hommes eurent disparus derrière la double-porte battante du couloir.

- Tu te prends trop la tête, continua-t-il d'un ton plus brusque qu'il ne l'aurait souhaité, je veux dire… Je ne la connaissais pas depuis longtemps mais Stéphanie était une fille têtue et déterminée, tu ne peux pas le nier ! Elle tenait beaucoup à toi qui plus est, j'ai pu le voir au cours des semaines que vous avez passés ensembles… Elle aurait tout fait pour t'aider et te protéger, quel que puisse en être le prix à payer ! Je ne dis pas qu'elle a choisi de finir comme ça mais elle connaissait les risques et elle ne voudrait pas que tu te morfondes à cause de sa décision, j'en suis persuadé. C'était très courageux de sa part de plonger sur Lyokô et on devrait respecter ça je pense, au lieu de penser à ce qui aurait pu se passer si on avait fait telle ou telle chose autrement… Tu ne crois pas ?

Mathieu ne trouva rien à répondre. Il avait épuisé ses dernières forces à se reprocher l'état proche de la mort de sa meilleure amie et les arguments d'Odd avaient eu raison de lui, d'autant plus qu'il ne pouvait réfuter tout ce qu'il avait dit au sujet de Stéphanie. La jeune fille lui aurait très certainement reproché ses paroles si elle avait été en état de le voir en cet instant précis.

Pendant les longues minutes silencieuses qui s'écoulèrent par la suite, seulement rompus par les bruits lointains des malades et des infirmiers de garde, mêlés à ceux de la pluie contre les carreaux, Odd se laissa aller à contempler le visage de son ami de ses pupilles d'un gris légèrement assombri en raison du temps.

Il s'était rarement retrouvé aussi près de lui et c'était la première fois qu'il remarquait en détail la finesse de ses traits et la profondeur de ses yeux tristes. Malgré lui, il sentit son cœur se serré. Quand verrait-il enfin ce regard rire ? Quand aurait-il la chance de lire sur ce visage la joie et la bonheur que Mathieu méritait ? Resterait-il toujours aussi profondément torturé au fond de lui-même, à s'accrocher à un amour impossible, rejeté par celui qu'il aimait comme par ses parents et ceux qu'il avait pris pour ses amis… En cet instant précis, il aurait tout donné pour faire naître ne serait-ce qu'un infime sourire sur ses lèvres.

Odd réalisa subitement à quel point lui et Mathieu s'étaient rapprochés au cours des derniers mois. Qu'importait qu'ils ne se connaissaient que depuis peu ou qu'Eva ne puisse le tolérer ? Quelle importance y avait-il à ce que le jeune homme soit homosexuel ? Cela ne changeait en rien le profond sentiment d'amitié qu'il éprouvait pour lui désormais –peut-être plus fort encore que celui qui s'était forgé entre Ulrich et lui au fils des années à combattre XANA sur Lyokô. Voir l'adolescent aussi perdu, aussi déconfit était une véritable torture pour lui, lui tordant les entrailles et lui nouant la gorge sans qu'il puisse y faire quoi que ce soit.

- On tient beaucoup à toi Mathieu tu sais.

La phrase était sortie de sa bouche d'elle-même, sans qu'il ne sache trop pourquoi. L'adolescent leva ses yeux bleus surpris vers lui. Odd ôta son béret avec lequel il commença à jouer pour se donner contenance, rougissant légèrement.

- Aelita et moi je veux dire, reprit-il précipitamment, comme pour se justifier, si on continue à se battre contre la Green Phoenix ce n'est pas seulement par devoir ou pour sauver un innocent… C'est aussi parce qu'on sait à quel point c'est important pour toi et qu'on tient vraiment à ton bonheur. Je me fiche que tu sois gay et que tu fasses tout ça pour un mec, pour moi tous les risques que tu prends c'est juste une belle preuve d'amour et je te respecte beaucoup pour ça. C'était… C'est aussi le cas de Stéphanie j'en suis sûr ! Bref, tout ça pour dire que tu as le droit de te reposer sur nous quand tu en ressens le besoin, tu comprends ?

Mathieu ne trouva rien à répondre, profondément touché par le discours du jeune homme, bien que celui-ci n'ait pas osé le regarder dans les yeux tout le long de l'échange. Ému aux larmes, il préféra se détourner un instant, masquant son regard embué à Odd comme il le pouvait. Pourtant, un sentiment de malaise avait commencé à naître dans sa poitrine, malgré ses paroles apaisantes. Avec un choc, il prit subitement compte que cette amitié que venait de lui déclarer le jeune homme, au nom de tous les autres, lui importait beaucoup plus que le sauvetage d'Angel. Pour la première fois, le souvenir du regard doré de l'élu de son cœur lui sembla flou, comme issu d'un rêve lointain qui commençait à s'estomper.

- Tu sais, finit-il par lâcher, fixant le plafond uni au dessus de sa tête d'un air songeur, j'ai toujours cru que j'étais prêt à tout pour Angel. Je pensais être prêt à tous les sacrifices pour le sauver ou ne serait-ce que briller à ses yeux l'espace d'une seconde. Pourtant plus le temps passe et plus je doute… Je veux dire, est-ce que mes sentiments pour un type qui est allé jusqu'à me tabasser à cause de ma nature profonde valent vraiment la peine que je sacrifie les autres personnes chers à mon cœur ? Je ne pense pas que j'étais prêt à voir Stéphanie subir le prix de mon entêtement à ce point… Je ne voulais pas que ça se produise ! Et je ne voudrais pas que quelque chose de semblable vous arrive à Aelita ou à toi, même si c'était la condition nécessaire pour libérer Angel !

Odd esquissa un sourire en buvant le reste de son café –froid désormais- silencieusement. Il ne savait trop dire pourquoi mais ce que venait de dire le jeune homme venait de déclencher en lui une profonde félicitée. Peut-être était-il simplement heureux de voir que Mathieu le considérait comme un ami si important, rivalisant même avec Stéphanie.

Avec stupeur, il constata soudain que les mains de l'adolescent tremblaient sous l'effet des émotions qui se bousculaient en lui. Gêné, il préféra baisser ses yeux d'un gris nuageux sur sa chemise maculée de tâches de sang et de café et son estomac se retourna dans son bas-ventre.

- Tu as vu dans quel état tu es… ? ironisa-t-il avec un rictus, se levant de sa chaise où il posa son gobelet, vide désormais, il faut que tu te changes… Laisse-moi faire !

Sans prendre garde à la teinte d'un rouge pivoine prononcé qu'avait subitement prises les joues de Mathieu, il entreprit de déboutonner la chemise fichue, dévoilant le torse pâle et mince de l'adolescent. Après avoir roulé ne boule le bout de tissus violet, il ôta son propre T-shirt au large col en V, montrant à son tour son buste dont les muscles ressortaient à la lueur des néons.

Malgré son inquiétude pour Stéphanie, Mathieu ne put s'empêcher d'admirer les pectoraux et les abdominaux de son ami, se perdant dans la contemplation du torse admirablement proportionné.

- Attrape ! balança l'adolescent en lui jetant son T-shirt, renfilant sa veste mauve au passage qu'il boutonna, masquant à Mathieu la vue de ses muscles saillants.

Reconnaissant, le jeune homme enfila le haut de son ami dans lequel il constata qu'il flottait, se révélant nettement moins bien bâti que lui. Le contact chaud et relativement propre du T-shirt suffit cependant à l'apaiser légèrement et le poids qui pesait depuis des heures sur sa poitrine sembla s'alléger quelque peu.

- Merci Odd, pensa-t-il à balbutier au bout d'un moment, le regard fixé au sol.

- De rien, lui sourit l'adolescent.

Il hésita un instant avant de poursuivre :

- Aelita est allée voir Stéphanie dans sa chambre… Si ça te tente on peut aller la rejoindre, qu'est-ce que tu en dis ?

Mathieu se figea et Odd regretta presque instantanément sa proposition. Pendant un instant, il crut que le jeune homme allait s'effondrer de nouveau, pourtant, lorsque celui-ci lui répondit, ce fut d'une voix franche et décidée :

- D'accord, approuva-t-il en se levant, sans parvenir à dissimuler totalement le tremblement de ses jambes, je voulais la voir de toutes façons…

Le jeune homme au béret hocha gravement la tête avant de lui emboîter le pas en direction de la salle n°132, sans rien ajouter. Au fond de sa tête, sa conversation avec Aelita un peu plus tôt ne cessait de revenir en boucle, comme une litanie suave et envoûtante, à laquelle il ne pouvait se permettre de succomber cependant.

Il suffisait d'utiliser le dernier Retour vers le Passé du Supercalculateur pour sauver Stéphanie… Un simple programme et tout serait réglé.

Pourtant, il ne parvenait pas à aborder le sujet avec Mathieu. Il avait beau avoir décidé d'attendre l'aube pour se lancer, il lui semblait qu'annoncer à son ami qu'il restait un espoir de sauver la jeune fille serait une épreuve insurmontable. Et si quelque chose tournait mal de nouveau ? Et si lui et Aelita se trompaient et que le Retour dans le Temps ne suffisait pas à ramener l'adolescente ? Et si, avec la mise en place du Firewall, le Supercalculateur venait à manquer de puissance pour cet ultime saut temporel ?

Toutes ces questions angoissantes tournèrent dans sa tête, obnubilant ses pensées jusqu'à ce qu'ils s'arrêtent tous deux devant une petite porte bleue à bordure d'acier, ornementée d'une plaquette sur laquelle on pouvait lire le numéro « 132 ».

Un frisson de terreur parcourut l'échine des deux adolescents alors qu'aucun d'eux n'osaient franchir le pas décisif, chacun redoutant ce qu'ils allaient découvrir de l'autre côté du battant.

Enfin, Odd finit par se lancer le premier, après avoir lancé un dernier regard en direction de son compagnon. Inspirant profondément, il posa sa main sur la poignée au contact glacé et poussa la porte, entrant, suivi par un Mathieu plus blême que jamais.

Il leur fallut quelques temps avant de s'habituer à la pénombre ambiante mais, lorsque ce fut fait, tous deux ne purent retenir un haut-le-cœur.

Stéphanie était allongée au milieu d'un long lit de fer, un drap blanc sur lequel pas un seul pli n'était visible reposant sur ses jambes. Elle était si blanche qu'on aurait pu la croire morte et elle paraissait si fragile en cet instant précis qu'un simple souffle de vent aurait pu la briser. Des dizaines d'appareils électroniques étranges, clignotant, ronronnant dans la pénombre, étaient reliées à ses bras, son cou, sa poitrine, maintenant ses fonctions vitales en place en surveillant son état de santé. Un encéphalogramme luisait faiblement sur un écran légèrement surélevé au-dessus de sa tête. Le rythme de son cœur semblait aussi faible et irrégulier que sa respiration, dissimulée par le masque à oxygène qui couvrait une bonne
partie de son visage livide, trempé de sueur.

Mathieu crut qu'il n'allait pas tenir face à la vision de sa meilleure amie, ainsi reliée à la vie par ces câbles et ces électrodes à toutes ces machines. Le poids de la culpabilité se fit plus pesant encore sur ses épaules tandis qu'il s'avançait d'un pas hésitant derrière Odd, incapable de détourner le regard de ce spectacle morbide.

Aelita, assise sur une petite chaise au dossier bleu non loin du lit de Stéphanie qu'aucun des deux garçons n'avaient remarquée, trop choqués par la vision de la jeune fille à demi-morte, tourna la tête dans leur direction. Elle avait les yeux rouges et cernés et semblait plus épuisée que jamais.

Elle préféra ne faire aucun commentaire quant à l'échange de vêtements entre les deux adolescents. La situation ne se prêtait pas à la taquinerie, loin de là…

- Mathieu… murmura-t-elle alors que celui-ci s'arrêtait à quelques centimètres à peine de son amie, perdant son regard dans la contemplation de son visage inconscient, tordu par la douleur, comme figé dans un masque grossier et atroce.

Une unique larme coula de son œil alors qu'il saisissait entre ses doigts la main de Stéphanie. Elle était glaciale, comme celle d'un spectre. Toute vie semblait l'avoir quittée.

- L'oncle de Stéphanie vient de partir, souligna Aelita en se levant, hésitante, il avait l'air bouleversé et il… Il nous a remerciés d'avoir prévenu l'ambulance… Je ne me suis jamais sentie aussi mal de toute ma vie je crois.

Odd eut un haussement de sourcils triste avant de s’asseoir à côté d'elle, tirant à lui une chaise similaire, la prenant dans ses bras en un geste de réconfort. Les deux adolescents reportèrent leur attention vers l'encéphalogramme dont le tintement morbide irrégulier emplissait la salle plongée dans l'obscurité.

Les minutes s'écoulèrent, silencieuses et identiques, seulement interrompues par moment par de brefs gémissements de la part de Stéphanie. Personne n'osait parler, se contentant de la soutenir du regard du mieux qu'il le pouvait, conscient que la jeune fille gisant sur son lit n'en avait peut-être pour plus longtemps à vivre. Tout s'était déroulé si vite, et pourtant cette évidence semblait les frapper avec la violence d'un tir de Mégatank, maintenant qu'il leur était offert de voir l'adolescente ainsi suspendue entre la vie et la mort.

Au bout d'une heure, Odd et Aelita commencèrent à somnoler, la tête de l'une penchée sur l'épaule de l'autre. Mathieu resta lui les yeux grands ouverts, rivés sur le visage de craie de son amie dont il ne parvenait pas à se détacher, comme si rompre le contact visuel aurait suffit à signer son arrêt de mort.

- Courage… ne cessait-il de murmurer sans trop savoir s'il s'adressait à Stéphanie ou à lui-même.

Les minutes se changèrent en heures et, à l'extérieur, l'obscurité sembla se dissoudre peu à peu, comme diluée à travers l'eau de pluie qui ruisselait à flot désormais contre les vitres.

Enfin, vers cinq heures du matin, Odd finit par rouvrir les yeux dans un grognement. Son épaule était douloureuse à force d'être positionné de façon aussi inconfortable. Aelita s'était endormie contre lui, son souffle léger chatouillant sa poitrine. Yumi n'avait pas reparu depuis qu'elle s'était absentée passer un coup de fil à ses parents. Peut-être avait-elle préféré rentrer chez elle entre-temps pour ne pas avoir à subir le poids du désespoir et de la culpabilité, à l'instar d'Eva ?

L'adolescent, encore à demi-plongé dans les limbes du sommeil, se redressa légèrement sur sa chaise, arrachant un froncement de sourcils à Aelita qui entrouvrit les paupières, réveillée par le mouvement. Tous deux se tournèrent instinctivement vers le lit de Stéphanie. Rien n'avait changé depuis la veille : la jeune fille paraissait toujours aussi livide, aussi dépourvue de vie.

Mathieu n'avait pas bougé, les poches sous ses yeux soulignées par l'éclairage des divers appareils électroniques environnant, immobiles, les poings crispés contre le drap d'un blanc immaculé de son amie. Il ne tremblait plus et ne pleurait plus. Il attendait simplement, espérant vainement qu'un miracle se produise. Mais rien n'arriverait et il le savait. Il était impossible de trouver suffisamment de donneurs en si peu de temps et une guérison naturelle était à exclure. Au fond de lui, le sentiment qu'il tentait de réprouver depuis des heures se faisait de plus en plus présent, de plus en plus douloureux : il était en train de passer ses derniers instants avec Stéphanie… Son amie était condamnée.

Odd et Aelita n'eurent même pas besoin d'échanger un regard pour prendre leur décision. Ils n'avaient plus le choix et ne pouvaient plus se permettre d'attendre.

- Mathieu…? entama l'adolescente aux cheveux roses, incertaine.

A cet instant, la porte de la chambre pivota brusquement, faisant sursauter les trois Lyokô-guerriers. Yumi pénétra dans la chambre d'une démarche hésitante, les yeux fixés au sol, ses longs cheveux noirs emmêlés indiquant qu'elle venait à peine de se réveiller. Sur ses talons, restant dans le couloir comme par crainte d'être de trop, se tenait un jeune homme brun à l'air coupable.

Odd étouffa un cri de surprise en reconnaissant Ulrich. Que faisait son compagnon de chambre à l'hôpital avec son ex, et à un moment pareil qui plus était ?

Aelita, bien que tout autant stupéfaire, préféra ne pas se formaliser de la présence du beau brun et se leva précipitamment pour aller soutenir Yumi qui venait de vaciller, prise d'un malaise face à la vision de Stéphanie inconsciente, reliée à toutes ces machines.

Ulrich fut plus rapide cependant, réceptionna la japonaise juste à temps, franchissant au passage le pas de la porte. Un silence gêné s'installa dans la pièce tandis que personne ne parvenait à trouver comment réagir face à sa présence aussi importune qu'inattendue.

- Tu t'es décidé à t'intéresser à nos histoires avec le Supercalculateur finalement...? grinça Odd entre ses dents serrés.

Ulrich, piqué au vif, fronça ses épais sourcils, son regard chocolat lançant des éclairs.

- Je suis venu soutenir une… Des amis qui traversent une épreuve ! J'estime en avoir le droit, non ?

Alors qu'Odd s'apprêtait à répliquer, Aelita le fusilla du regard, désigna Stéphanie, allongée sur son lit, d'un geste discret. Le jeune homme se renfrogna aussitôt, honteux. Provoquer une dispute au chevet d'une mourante n'était clairement pas la meilleur chose à faire en cet instant précis, d'autant plus en présence de Mathieu.

- Ça tombe bien que tu sois là aussi, Ulrich, fit l'adolescente aux cheveux roses d'une voix douce, s'attirant un regard surpris de la part des autres, on s'apprêtait justement à prendre une décision importante et je pense que tu es concerné, comme tous les autres Lyokô-guerriers.

L'adolescent leva un sourcil interrogateur, sans relever le surnom qu'il estimait ne plus mériter de porter. Yumi, qui était restée figée dans ce qui lui restait de dignité japonaise aux côtés de Mathieu, le regard rivé sur Stéphanie, tourna la tête dans leur direction.

Aelita inspira un grand coup avant de se lancer, sentant le poids du regard des autres posés sur elle. Il était temps de prendre une décision crucial : la vie d'une de leurs amies en dépendait.

- Avec Odd, commença-t-elle en jetant un bref coup d'œil à l'adolescent qui continuait à regarder Ulrich d'un œil soupçonneux, on a réfléchi tout à l'heure à un moyen de venir en aide à Stéphanie… On n'était sûr de rien et on ne voulait donner de faux espoirs à personne mais au vu de la situation je pense qu'on n'a plus trop le choix…

Mathieu sembla subitement revenir à la réalité alors que les paroles d'Aelita pénétraient en lui comme une vague de chaleur. Avait-il bien compris ? Existait-il réellement un moyen qu'il n'avait pas envisagé pour secourir sa meilleure amie ?

Malgré l'excitation sourde qui le consumait désormais il préféra se taire, laissant la jeune fille finir. Il voulait avoir tout entendu de ce qu'elle avait à dire avant de se laisser aller à regagner espoir.

- Le Retour vers le Passé, lâcha-t-elle finalement s'attirant le regard surpris des autres, le souci c'est qu'avec sa puissance actuelle, le Supercalculateur ne pourra pas en réaliser plus d'un… Ça veut dire que si on le lance maintenant, plus de retour à la case départ possible. On ne pourra plus se permettre de commettre de nouvelles erreurs comme celles d'hier. C'est risqué mais si ça signifie qu'on peut ramener Stéphanie parmi nous avant qu'il ne soit trop tard, je suis prête à courir le risque. Mais étant donné l'enjeu je pense que c'est une décision collective alors je tenais à avoir votre avis avant de tenter le coup.

Un lourd silence retomba sur la salle une fois qu'elle eut fini d'exposer son idée. Pourtant, cette fois-ci, une lueur d'espoir semblait flotter au dessus de leur tête, indistincte et hésitante, mais bien réelle !

Yumi avait un air atterré. Comment avait-elle pu ne pas penser au Retour vers le Passé ! Il était vrai qu'il n'en avait guère fait usage au cours de l'année précédente, lors de leur lutte acharnée contre la Green Phoenix, pourtant…

Indécise, elle échangea un regard avec Ulrich qui cogitait dur. Il avait beau se sentir exclu de cette conversation, la mention d'un dernier Retour vers le Passé avait éveillé en lui des sentiments enfouis et oubliés. Des sentiments qu'il n'avait éprouvés que du temps où il luttait contre XANA aux côtés des autres.

L'idée de ne plus avoir droit à cette carte maîtresse du Supercalculateur après cette utilisation lui semblait inconcevable. Lui qui s'était toujours reposé sur ce mystérieux pouvoir au cours de ses années collège, allant même jusqu'à s'en servir pour remplir une grille de loto gagnante en Quatrième pour aider la famille de Yumi dans le besoin, se rendait enfin compte d'à quel point ils avaient eu de la chance de pouvoir compter dessus par le passé. Sans le Retour dans le Temps, leurs mésaventures sur Lyokô auraient pu réellement mal tourner. S'en retrouvait priver constituerait un véritable coup dur !

Pourtant, en voyant cette jeune fille qu'il connaissait à peine, pâle et inerte étendue sur son lit, en observant le visage ravagé de Yumi et des autres -plus particulièrement de ce Mathieu- il se rendit compte qu'il n'y avait pas matière à hésiter ne serait-ce qu'une fraction de seconde.

- Je pense qu'il n'y a même pas à poser de question, lâcha-t-il finalement, lui-même surpris par sa propre initiative, je veux dire… Je sais que je ne sais rien de ce que vous endurez en ce moment et que je connais à peine cette fille mais… Mais une vie humaine ce n'est pas négociable, non ?

Il lança un rapide coup d'œil circulaire autours de la pièce en direction de ses congénères. Yumi semblait trop émue pour parler, et Odd, bien que manifestement surpris par sa prise de parole, arborait un petit sourire approbateur.

Mais ce qui lui fendit réellement le cœur, fut le regard empli de gratitude que lui lança ce Mathieu à qui il n'avait qu'adressé quelques mots depuis son arrivée. Gêné, il détourna les yeux, fixant ses chaussures.

- Alors on est tous d'accord, insista Aelita d'un ton grave en s'appuyant contre le rebord de fer du lit de Stéphanie, on sacrifie le dernier Retour vers le Passé pour la sauver ? Vous êtes sûrs de votre décision ?

Mathieu se leva soudain de sa chaise, se tournant d'un air de profonde supplication vers la jeune fille. L'espoir avait fini par le submerger, métamorphosant ses traits. Alors qu'il allait parlé, Yumi s'avança subitement devant lui, lui adressant un geste apaisant d'une main, ses pupilles d'ébènes fixés sur le visage de leur meneuse aux cheveux roses, déterminées.

- S'il-te-plaît Aelita, lâcha la japonaise à la place de Mathieu, lance ce Retour dans le Temps et sauve Stéphanie… C'est notre dernière chance.

A l'extérieur, la pluie cessa enfin de chuter, comme pour aller de paire avec la brusque chaleur qui venait d'envahir la chambre d'hôpital numéro 132. Stéphanie avait peut-être une chance de s'en sortir vivante désormais.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 14:59   Sujet du message: Répondre en citant  
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Localisation: Au beau milieu d'une tempête.
Chapitre 28 :

Épisode 127 : Retour vers le Passé_



Eva entrouvrit ses yeux gonflés de sommeil. Un mince rayon lumineux filtrait à travers les persiennes de sa chambre, rebondissant contre ses draps écarlates, qui avaient glissé de son lit au cours de sa trop courte nuit agitée. L'américaine porta son regard au plafond, en direction de l'horloge numérique de son réveille sur lequel elle était projetée. Il était atrocement tôt pour se réveiller un dimanche matin.

L'adolescente ferma ses yeux un moment, repassant dans sa tête les atroces événements de la veille. Stéphanie s'effondrant en sortant de son scanner, crachant du sang avant de perdre connaissance, l'arrivée de l'ambulance, le transport de la jeune fille à l'hôpital et enfin l'annonce de sa mort imminente à moins d'un véritable miracle.

Sentant qu'elle serait, de toutes manières, incapable de se rendormir, la jeune fille se redressa sur son lit avec un soupir triste. Elle n'avait pas quitté ses vêtements de la veille, s'étant littéralement effondrée d'épuisement une fois rentrée à Kadic, et l'envie d'une bonne douche chaude commençait à se faire sentir, histoire de se vider l'esprit et de se détendre un tant soi peu.

Saisissant sa trousse de toilette et une robe propre dans son armoire, elle fit délicatement pivoter le battant de sa porte, jetant un coup d'œil au couloir désert de l'étage réservé aux filles. Les rares internes restant au lycée le week-end devait encore dormir à poings fermés : mieux valait ne réveiller personne, histoire d'éviter les questions gênantes. La pénombre régnait encore sur le bâtiment en raison de l'heure matinal et la pluie qui avait tambouriné à sa vitre toute la nuit avait quelque peu rafraîchis l'atmosphère, si bien qu'un courant d'air glacé sembla la happer lorsqu'elle se décida à sortir de sa chambre.

Frissonnant, elle se dirigea le plus vite possible vers la salle de bain de l'étage. A l'instant précis où elle refermait la porte de la large salle carrelée et moite avec un soupir de soulagement, un vrombissement sortit de la poche de sa veste froissée, lui arrachant un infime sursaut.

Précautionneusement, l'adolescente saisit son I-phone avec angoisse et alluma l'écran. Son cœur s'accéléra lorsque la mention « 1 message de Odd » s'afficha devant son visage pâle. D'un doigt tremblant, elle afficha le SMS, sous forme de petite bulle. Y avait-il du nouveau quant à l'état de Stéphanie ? Avait-il trouvé un moyen de la sauvé ou était-ce, au contraire, trop tard pour tenter quoi que ce fut ? Le contenu du message était bref mais explicite :

« On a décidé de lancé un retour dans le temps pour la sauver, disait son petit-ami sans user pour une fois des smileys qu'il affectionnait tant, on s'apprête à partir pour l'usine, prépare-toi. Je t'aime. »

Eva eut un léger rictus à la lecture de la dernière mention avant de rengainer son téléphone, frustrée. Machinalement, elle envoya valser ses vêtements propres dans un coin de la salle, un peu plus brutalement qu'elle ne l'aurait souhaité. Ainsi il l'aimait ? Lui qui l'avait fait passé pour une peste égocentrique en la laissant rentrer seule à Kadic la veille, l'aimait malgré tout ? Lui qui avait préféré resté à l'hôpital à soutenir une quasi-inconnue plutôt que la réconforter elle !

Une pensée sauvage anima soudain Eva tandis qu'elle pénétrait dans le box de douche le plus proche, ses pieds nus foulant le carrelage froid. Ce n'était pas Stéphanie que son cher et tendre était resté soutenir mais Mathieu ! Une fois de plus tout la ramenait à cet espèce de sale petit homo refoulé, et cela la mettait hors d'elle !

Eva fit glisser au sol sa veste et son T-shirt d'un geste rageur, bien vite suivies par sa jupe, qu'elle envoya d'un coup de pied à l'autre bout de la salle des douches. Elle savait qu'elle aurait du se sentir coupable d'avoir de telles pensées jalouses alors que Stéphanie était suspendue entre la vie et la mort et qu'un moyen de la sauver avait peut-être été trouvé par ses amies, mais seul son ressentiment envers Mathieu dominait.

Inspirant profondément pour se calmer, elle entreprit de défaire son soutien-gorge d'un geste rendu malhabile et fébrile par sa colère. Le froid matinal mordant autour d'elle lui avait donné la chair de poule et, pour se distraire, elle se surprit à repenser au contenu du SMS de son petit-ami.

Le Retour vers le Passé, hein… N'ayant intégré le groupe des Lyokô-Guerriers que de manière récente –à peine plus d'un an auparavant pour ainsi dire- elle n'avait jamais eu affaire à cette prodigieuse faculté du Supercalculateur, bien qu'Odd et les autres lui en aient souvent vanté les mérites. Elle ne savait donc guère à quoi s'attendre mais à priori cela lui semblait un bon moyen de sauver Stéphanie -à condition que cette dernière n'ait pas succombé à ses blessures avant ! Il leur suffisait de revenir avant sa virtualisation et elle serait comme neuve !

Avec un soupir de soulagement, Eva actionna le pommeau de douche, répandant à la surface de son corps nu un jet d'eau à basse pression mais d'une agréable chaleur. Bien vite, les muscles de son dos et de sa nuque se détendre et elle ferma les yeux, appréciant simplement le contact de l'eau brûlante contre sa peau pâle et douce. Ses cheveux blonds, sales et emmêlés, retrouvèrent rapidement leur souplesse et leur brillant sous l'effet de la douche et du shampoing et bien vite, Eva se sentit de nouveau pleinement satisfaite.

Elle s'accorda ainsi dix minutes de plaisir avant d'enfin émerger du box, désormais fumant de vapeur, revigorée et parfaitement réveillée désormais. Se saisissant de sa serviette d'une couleur lilas, elle dégagea la buée qui recouvrait le miroir le plus proche et se contempla, détaillant avec une certaine satisfaction ses seins parfaits, sa fine silhouette, ses hanches harmonieuses et son beau visage encadré de mèches d'un blond vénitien. Son regard d'un bleu limpide semblait voir aux tréfonds de son âme tandis que ses doigts fins courraient le long de son menton en pointe, à la recherche de la plus infime imperfection. Mais non, malgré cette nuit de laissé-allé, elle demeurait toujours la parfaite petite américaine au corps sculptural et dont la beauté faisait soupiré d'envie bien des stupides petites françaises qui foisonnaient dans ce lycée.

Émergeant de la salle enfumée, sa serviette nouée autours de sa poitrine dans une attitude désinvolte, la jeune fille regagna la salle de bain où elle entreprit d'enfiler sa robe noire échancrée et outrageusement décolletée, l'agrémentant d'une petite veste pourpre lui arrivant à la taille qu'elle noua devant sa poitrine à l'aide d'un fin ruban. Un coup de sèche-cheveux et une légère touche de mascara plus tard, elle était de nouveau parfaite, contemplant une nouvelle-fois son reflet à la surface d'un des nombreux miroirs surplombant l'un des lavabos de la salle.

Un petit sourire étira ses lèvres aguicheuses. Qu'importait Mathieu après tout ? Elle disposait d'arguments de poids que lui-même ne posséderait jamais… Odd n'était pas près de lui échapper, et encore moins pour un garçon, aussi pitoyable qui plus était.

Légèrement rassurée, elle récupéra son téléphone dans sa veste sale et répondit à son petit-ami d'un ton joyeux, lui affirmant de faire ce qu'il avait à faire, non sans-oublier de le gratifier d'un « bonne chance mon amour » fatal.

Puis, satisfaite, elle quitta la salle de bain, une odeur parfumée sur son sillage. Maintenant que sa jalousie maladive avait été quelque peu apaisée par la douche, elle devait bien reconnaître qu'elle attendait le Retour dans le Temps avec une impatience fébrile. Elle savait que ni elle, ni aucun des autres Lyokô-guerriers n'oublieraient les événements ayant eu lieu cependant, étant tous passés au moins une fois aux scanners, ceux-ci enregistrant leur « ligne mémorielle » dans ses données et prenant bien soin de n'effacer leurs souvenirs sous aucun prétexte.

A cette pensée, l'image d'un beau jeune homme aux cheveux et à la barbe sombre s'imposa à son esprit et, pour la première fois, une nuance d'inquiétude vint la troubler. William était le seul encore à Kadic à tout ignorer des événements, Ulrich ayant rejoint Yumi selon toute vraisemblance à l'hôpital au cours de la nuit. Elle avait beau ne le connaître que depuis peu, la complicité liée à leurs cauchemars récurrents communs qu'ils avaient nouée lui avait permis de le cerner quelque peu et elle était sûre d'une chose : il n'aurait pas apprécié subir un Retour vers le Passé sans savoir ni pourquoi ni comment. Pire encore, il risquait de prendre cela comme une insulte personnelle de plus, la trahison de Yumi l'ayant déjà rendu passablement irascible.

Elle hésita une fraction de seconde, seule au milieu du couloir, ses affaires sous le bras. Devait-elle l'informer du plan des autres ou cela serait-il trop risquer d'attiser la colère de la japonaise, à son encontre cette fois-ci ?

L'adolescente pesa encore le pour et le contre quelques instants avant de finalement se décider à admettre qu'elle comprenait bien mieux William et se sentait bien plus proche de lui que de Yumi.

Tournant les talons, elle se dirigea vers la double-portes menant aux escaliers du bâtiment des dortoirs, se hâtant vers l'étage des garçons. Il avait beau être encore tôt, le Retour vers le Passé risquait d'intervenir à tout moment : pas le temps pour elle d'attendre que William sorte de son sommeil. Il fallait qu'elle se dépêche.


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William poussa un grognement de terreur étouffé dans son sommeil, ses bras musclés serrant son oreiller avec tant de force que celui-ci menaçait de craquer à tout instant, libérant ses plumes à travers toute la pièce.

Sa chambre, encore plongée dans le noir, laissait apercevoir de-ci de-là les contours sombres de ses objets personnels, éparpillés un peu partout. Une vieille radio et un réveil reposaient sur des étagères accrochées au mur du fond tandis que, au sol, gisaient de vieux caleçons et vêtements dépareillées en tout genre, au milieu de la carcasse d'un étui de guitare. De vastes affiches ne noir et blanc rappelant des groupes de rocks célèbres ou encore des graffitis recouvraient presque intégralement les murs délavés, au dessus d'un vieux PC qui n'avait pas l'air d'avoir servi depuis des lustres, malgré les excellentes enceintes –probablement propriétés personnelles de William- qui l'encadraient.

L'adolescent se retourna brusquement dans un soubresaut sur son lit, faisant glisser au sol un objet lourd qui rebondit avec fracas, le tirant de son sommeil agité en sursaut.

Le jeune homme mit un moment avant de reconnaître sa petite chambre d'interne solitaire, au sein de laquelle il ne courrait guère de danger. Le responsable de son réveil prématuré –un livre qu'il devait lire pour le cours de Littérature à peine entamé- attira son regard d'ombre liquide. Le cœur battant toujours à tout rompre, il se passa une main nerveuse dans ses cheveux trempés de sueur, collant à son front, tentant de se rappeler quel rêve avait pu le mettre dans un tel état.

Des bribes d'images lui parvinrent aussitôt à l'esprit. Des images incluant toutes le même sinistre décor : un gigantesque océan carmin s'étendant à perte de vue sans que la surface ne fut visible, dont les profondeurs étaient percées de-ci de-là par ce qui semblait s'apparenter à de gigantesques gratte-ciels retournés. Il s'agissait là d'une vision fugace du Réseau Informatique Mondial, dans lequel XANA l'avait maintenu captif de nombreux mois durant alors que son esprit sombrait de plus en plus sous son contrôle…

La gorge sèche, William se laissa retomber contre le matelas dans un petit bruit mat. Ces souvenirs si âpres ne cesseraient-ils donc jamais de le hanter ? Pourrait-il un jour s'endormir sans craindre de revivre de nouveau ces atroces moments, privé de toute liberté, comme si l'ombre du programme maléfique continuait à l'oppresser ?

Tout à ses sombres pensées, il entendit à peine la porte de sa chambre grincer, s'entrebâillant doucement. Sur le qui-vive, il se redressa brusquement mais se calma presque aussitôt en reconnaissant le regard d'un bleu clair si troublant d'Eva, de l'autre côté du battant.

- Excuse-moi, chuchota la jeune fille, nerveuse, mais il fallait que je te parle, c'est important… Je peux entrer ?

William acquiesça d'un signe de tête et l'américaine se faufila presque aussitôt dans sa chambre, refermant la porte derrière elle, les plongeant de nouveau dans une semi-pénombre.

Une fois que ses yeux se furent habitués à l'obscurité, le jeune homme constata qu'elle devait tout juste sortir de la douche, à en juger son odeur suave de propreté et sa petite robe impeccable. Quoi qu'il en fût, elle n'avait pas l'air de sauter tout juste du lit, éveillée en sursaut par un cauchemar, à son image.

L'adolescente tira la chaise du bureau de William sans y être invitée, prenant place en face de son lit, tentant de ne pas trop s'attarder sur le corps de son vis-à-vis qu'elle devinait parfaitement musclé sous son débardeur tendu et son caleçon moulant. Un peu gêné par la présence de l'américaine, le beau ténébreux releva les couvertures jusqu'à son bas-ventre.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? murmura-t-il, soucieux de ne pas attirer l'attention des surveillants. Si l'un d'entre eux les surprenait dans la même chambre à une heure pareille, ils étaient cuits !

Eva sembla se tâter encore un moment avant de se décider à parler, prenant une grande inspiration histoire de se donner du courage. William avait quelque chose d'intimidant, et plus encore dans l'obscurité de sa chambre.

- Voilà, les autres ont décidé de lancer un Retour vers le Passé qui arrivera d'une minute à l'autre, fit-elle en le fixant de son regard troublant, j'ai pensé que c'était mieux que tu l'apprennes de ma bouche qu'au moment des faits.

William se redressa brusquement, interdit, faisant faire un bon à la jeune fille, qui savait à quel point le jeune homme pouvait être violent sous le coup de la colère. Elle se radoucit en comprenant que l'expression qu'elle lisait au fond de ses yeux n'était pas de la rage, loin de là, mais plutôt de la peur, comme si elle venait d'éveiller en lui une vieille angoisse.

- Un Retour vers le Passé...? répéta-t-il, abasourdi, mais… Pourquoi ? Est-ce qu'il y a eu… Une attaque ?

L'image de XANA, plus puissant, plus menaçant que jamais, venait de s'affirmer à son esprit et le remplissait littéralement de terreur. De tous les Lyokô-guerriers il était le seul à avoir autant souffert de l'influence de ce programme malveillant et, par conséquent, il était également l'un des plus conscients du danger qu'il représentait. Si un Retour dans le Temps s'apprêtait à être lancé, cela ne pouvait être associé qu'à une chose dans son esprit : XANA était de retour et avait de nouveau frappé.

- Non, non pas du tout ! le rassura Eva, comprenant brusquement où il venait en venir, XANA est bel et bien mort… Seulement on a eu un petit souci avec Stéphanie et… Bref, sans entrer dans les détails elle est à l'hôpital en ce moment et la seule façon de la sauver ce serait de revenir en arrière dans le temps, voilà tout !

Le soupçon de soulagement qu'avait commencé à éprouver William se changea brusquement en un vif sentiment d'inquiétude, lui tordant les entrailles. Une des Lyokô-guerrières était à l'hôpital ? Une amie proche de Yumi qui plus était ? Et tout cela à cause du Supercalculateur, une fois de plus ? Qu'avait-il bien pu se passé de si terrible pour qu'ils en arrivent là si XANA n'était pas de retour !?

William fronça les sourcils, se remémorant son altercation avec sa camarades de classe quelques jours plus tôt. A bien y réfléchir, la nouvelle du rallumage du Supercalculateur avait été un tel choc pour lui qu'il n'avait pris la peine de poser de questions à personne quant aux raisons ayant poussé les autres à un tel acte. Une fois de plus, il avait l'impression d'être mis totalement à l'écart, comme à l'époque où plus personne ne lui faisait confiance suite à son passage dans le camp de XANA.

Eva fixa son visage grave, encadré de mèches sombres rebelles, sans trouver quoi dire. La nouvelle du Retour dans le Temps avait l'air d'avoir réveillé les vieux démons de son ami et elle s'en voulait d'être allé aussi loin désormais. Peut-être aurait-il mieux valu le laisser en paix ?

L'instant d'après, elle secoua la tête. Non, elle avait pris la bonne décision. Le laisser dans l'ignorance aurait fini par déclencher une nouvelle crise, à un moment où un autre.

- Ça va ? s'enquit-elle voyant que le jeune homme se murait dans son silence.

-Stéphanie… lâcha-t-il sans l'écouter, ses sourcils barrant son front d'une ride anxieuse, Yumi s'est disputée avec elle à cause de notre rupture, non ? Ça a fait le tour de Kadic mais je m'en fichais un peu… Mais si cette fille est blessée et risque d'y rester, Yumi doit s'en vouloir à mort en ce moment ! Je la connais…

Eva acquiesça en signe d'approbation. L'état de la japonaise ne lui avait pas échappé à l'hôpital.

- Ne t'inquiètes pas pour elle, Ulrich est allé la réconforter de toutes manières, fit-elle d'un ton nonchalant sans trop savoir pourquoi. L'expression qui s'afficha sur le visage de William en guise de réaction en disait long sur son incrédulité.

- Quoi… Ulrich ? souffla-t-il, incapable d'aligner deux idées cohérentes, mais… Ils ne se parlent plus depuis des mois ! Comment c'est possible ?

- Sans compter qu'il a refusé de prendre part à nos escapades sur Lyokô, contrairement aux autres, compléta Eva d'un ton mystérieux, à bien y réfléchir c'est vrai que c'est étrange…

William se laissa de nouveau tomber sur les coussins, atterré. Yumi, son ex-petite-amie, et son plus grand rival à l'époque du collège avait recommencé à se voir ? Elle préférait s'appuyer sur Ulrich plutôt que sur lui dans un moment pareil ? Il ne parvenait pas à y croire, pas après tout ce que le jeune homme lui avait fait subir !

Bien sûr, au fond de lui-même, il ne pouvait blâmer la japonaise. C'était lui qui avait décidé de couper les ponts avec elle, suite à un manque de confiance de trop de sa part… Pourtant savoir son ex en compagnie d'un type aussi arrogant et prétentieux qu'Ulrich ne le laissait pas indifférent, bien au contraire…

Tentant de ravaler la boule glacée qui s'était insinuée dans sa gorge suite aux propos d'Eva, un autre détail s'éclaira dans son esprit, lui faisant froncer les sourcils. Ulrich avait renoncé à son statut de Lyokô-guerrier ! Cette nouvelle était encore plus troublante que la précédente ! Pour quelle raison le fier samouraï virtuel, guerrier intrépide, toujours prêt à risquer sa vie pour ses camarades –même pour lui, il devait le reconnaître – avait-il aussi subitement renoncé à se battre ? Il ne l'avait guère fréquenté au cours des deux dernières années mais il lui semblait presque improbable qu'un garçon aussi téméraire ait pu changer à ce point !

- Pourquoi est-ce qu'il est revenu auprès de Yumi dans ce cas, marmonna-t-il plus pour lui-même que pour Eva, la mine songeuse.

La jeune fille haussa les épaules en signe de désintérêt.

- Quelle importance ? répliqua-t-elle d'une voix égale en le sondant de ses yeux bleus clair, tu l'as larguée de toutes façons non ? Elle peut bien faire ce qu'elle veut avec qui elle veut maintenant que tu n'es plus là pour elle…

Il n'y avait aucune nuance de reproche dans ses paroles, ce n'était rien de plus qu'une simple constatation. Pourtant William reçut la réplique comme un pieu dans le cœur. L'américaine avait raison sur un point : il n'avait aucun droit de juger Yumi étant donné son propre comportement. Cependant, en cet instant précis, l'idée de savoir l'adolescente dans les bras d'un autre que lui le répugnait. Son ressentiment envers la japonaise lui paraissait bien dérisoire, assis dans sa chambre alors que les premières lueurs du jour commençaient à filtrer à travers les volets, Stéphanie agonisant, à quelques kilomètres de là.

- Si tu veux la rejoindre à l'hôpital, c'est le moment ou jamais, conseilla Eva, suivant son cheminement de pensées, le Retour vers le Passé ne devrait plus tarder maintenant…

Pendant une minute folle, William se sentit prêt à accepter la proposition de la jeune fille. Puis, subitement, les paroles si dures qu'il avait lâché à l'encontre de la japonaise au téléphone, ce fameux soir qui avait suivi les révélations de Stéphanie, lui revinrent en mémoire, telle de cuisantes brûlures dans son esprit. Deux choses s'imposèrent alors à lui comme une évidence.

Lorsqu'il avait passé cet appel, il avait brisé quelque chose entre lui et la japonaise et plus rien ne pourrait plus jamais être comme avant entre eux. Il était dérisoire de penser à la réconforter en cet instant précis alors qu'un autre le faisait très bien à sa place, profitant de l'opportunité qu'il lui avait offerte.

La seconde chose, était qu'au fond de lui-même, il avait pensé chacun des mots qu'il avait prononcés à l'encontre de Yumi. Même si la douleur de sa trahison s'était atténuée au fil des semaines –en grande partie grâce au soutien d'Eva- il savait qu'il ne pourrait plus jamais ressentir la même chose pour elle. Trop de choses s'étaient déroulés à cause de Lyokô, creusant peu à peu un fossé entre eux auquel il avait fini par porter le coup de pioche final.

Qu'il rejoigne ou pas Yumi à l'hôpital, cela ne changerait rien. Ni ses sentiments, ni leur relation… Résigné, le jeune homme finit par hocher la tête en signe de dénégation en direction d'Eva. L'américaine leva les yeux au ciel mais s'abstint de tout commentaire. Pour elle, en choisissant de rester loin de la japonaise, William venait de condamner le reste d'amour qui perdurait entre eux malgré tout. C'était son choix cependant, que pouvait-elle y faire ? N'aurait-il pas paru déplacé de s'immiscer dans ses histoires de cœur après tout ?

Sans ajouter un mot, l'adolescente se leva, se préparant à quitter la pièce. Tout avait été dit et elle ne souhaitait pas s'éterniser dans la chambre du beau brun, autant de crainte d'attirer un surveillant que de celle d'avoir affaire à William dans un tel état d'incertitude.

Le jeune homme ne la retint pas et Eva se glissa à travers la porte, balançant un simple « A plus tard dans le passé » mystérieux avant de s'éclipser, laissant l'adolescent seul avec son désarroi, des questions douloureuses plein la tête, et l'écho de son cauchemar résonnant encore au fond de son cœur.


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Une mince ligne dorée annonçant l'aube commençait à scinder l'horizon en deux au loin. Une légère brume, résidus de la pluie qui avait cogné dur pendant la nuit, s'immisçait entre les immeubles, les ruelles et les arbres secs, noyant les phares des rares voitures des usagers les plus matinaux.

La moto d'Ulrich fendit brusquement l'air, semblant déchirer le brouillard diffus entre ses roues furieuses, le bruit pétaradant la précédent presque indécent à une heure aussi matinale pour la Ville de la Tour de Fer.

Aelita raffermit sa prise autours des hanches du jeune homme au blouson de cuir, ses cheveux roses virevoltant derrière elle, lui foutant le visage. Contrairement au conducteur, elle n'avait pas de casque et devait s'en remettre entièrement à Ulrich pour la mener à destination indemne. Une seule blessée dans le groupe suffisait amplement.

Malgré les bourrasques de vent, l'adolescente se risqua à ouvrir ses grands yeux d'un vert si doux. Au loin, là où la brume se raréfiait, commençaient à scintiller les premières vagues du fleuve, à la lueur du soleil levant. L'usine était encore loin mais la moto d'Ulrich était un allier de poids contre le temps, ils ne pouvaient le nier. Après mûre réflexion, il avait été décidé qu'il valait mieux que seuls Aelita et le jeune homme –seul possesseur d'un deux-roues à portée de main dans l'équipe- se rendent jusqu'au Supercalculateur afin de tenter ce qui serait peut-être le dernier Retour dans le Temps de leur histoire. A la surprise générale, Ulrich n'avait émis aucune réserve, se contentant de suivre les directives des autres, comme pour rattraper sa lâcheté passée. Il était difficile de lui en vouloir de toute manière, pas après tout ce qu'ils avaient vécu ensembles à l'époque du collège !

Involontairement, les pensées d'Aelita dérivèrent vers le discours qu'elle venait de tenir face à ses camarades Lyokô-guerriers, tous réunis autours du lit de Stéphanie, qui gémissait de plus en plus faiblement à mesure que les minutes s'écoulaient.

- Il nous faudra faire vite, avant que les dégâts psychologiques soient irréparables, avait-elle affirmé en déglutissant bruyamment, le mieux ce serait de partir tout de suite ! Pas de temps à perdre !

- Mais, j'y pense, avait subitement fait remarquer Odd, comme illuminé par une idée brillante, on pourrait profiter de ce Retour vers le Passé pour sauver plus d'une personne !

Il s'était empressé de poursuivre, face aux regards incrédules de ses amis.

- Réfléchissez ! s'était-il écrié, comme s'il s'était agi d'une évidence, Madame Hertz ! On pourrait remonter le temps juste avant son assassinat et envoyer la police dans la rue où elle a été tuée avec un coup de fil anonyme. Tout rentrerait dans l'ordre !

L'idée séduisante avait flotté dans l'air pendant un instant mais Aelita n'avait pas tardé à contester la proposition, ramenant les autres à la réalité.

- Je te rappelle qu'on ne peut pas ramener les morts à la vie avec ce programme, avait-elle lâché d'une voix douce, sinon je l'aurais déjà proposé crois-moi ! Mais une fois que l'esprit est atteint, réparer cela est irréparable : même pour le Supercalculateur de mon père ! C'est pour ça qu'il faut qu'on agisse avant qu'il ne soit trop tard pour Stéphanie. Sans compter qu'avec la puissance dont on dispose actuellement, je ne pense pas qu'on puisse revenir plus loin d'une semaine en arrière. Quinze jours grand maximum !

Un silence lourd de résignation avait répondu à son affirmation, à peine rompu par le tintement irrégulier des machines auxquelles Stéphanie était reliée.

- Autre chose, avait-elle ajouté, estimant qu'il valait mieux éclaircir les derniers détails maintenant, le Supercalculateur a du dépenser beaucoup d'énergie pour la mise ne place et le maintien du Firewall sur la Faille. Par conséquent, je vais sans doute devoir le supprimer pour pouvoir lancer le Retour vers le Passé !

Des cris de protestations n'avaient guère tardé à jaillir mais elle avait apaisé les autres d'un geste de la main, préférant aller jusqu'au bout de sa pensée avant d'être interrompue.

- Ce serait seulement temporaire, les avait-elle rassurés immédiatement, il me suffira de tout réinstaller une fois de retour en arrière dans le temps. J'aurais même le temps de travailler sur le programme suffisamment longtemps pour assurer sa stabilité cette fois-ci et la Green Phoenix ne pourra pas renouveler l'attaque de la dernière fois. Si tout se passe bien et que je remonte suffisamment loin en arrière on ne risque rien !

Avec réticence, les autres –Odd notamment- avaient fini par acquiescer et Ulrich et Aelita étaient aussitôt partis avant que le jour ne se lève et que les visites ne recommencent à affluer à l'hôpital, histoire de ne pas attirer l'attention sur eux.

Un dérapage contrôlé de la part de la moto du jeune homme ramena brusquement l'adolescente aux cheveux roses à l'instant présent et elle releva la tête vers la silhouette sombre de la haute bâtisse qui se dressait désormais face à eux, au beau milieu du fleuve.

Ulrich venait de piler à quelques mètres du pont menant à la vieille usine désaffectée, perdant son regard dans sa direction un bref instant, un pied à terre, l'autre encore sur sa moto.

Aelita ne pouvait voir son expression à travers la visière de son casque opaque mais elle devinait, face à son long silence, que le jeune homme était en cet instant précis aussi assailli de souvenirs qu'elle et Odd l'avait été lors du rallumage du Supercalculateur, quelques mois plus tôt.

Un flot de sentiments contradictoires animait effectivement le jeune homme, face à la vision de ce vieux bâtiment, en apparence inoffensif, dans lequel il avait passé tant de temps à risquer sa vie au cours des quatre années précédentes. Qui était-il en cet instant précis, à moitié debout sur sa moto à contempler cette usine en ruine ? Le héros d'un monde virtuel qui avait su, à de maintes reprises, préserver le monde de l'horreur cachée derrière ses murs, ou bien l'adolescent craintif qui avait préféré un semblant de vie normale à rendosser son rôle de protecteur de l'humanité qu'il avait si bien tenu étant plus jeune.

Sa peur et sa lâcheté s'étaient-elles développées au cours de l'année passée ou avait-il tout simplement pris conscience des risques qu'il encourrait pour une histoire qui n'était pas la sienne ? Aucune de ces deux explications ne suffisaient à apaiser le poids de la culpabilité qui avait commencé à lui écraser les épaules dés l'instant où il avait franchit la porte de l'hôpital pour retrouver Yumi…

Une main douce lui effleura l'épaule, l'arrachant à ses pensées tumultueuses. Il tourna la tête en direction d'Aelita qui le contemplait de ses étonnants yeux verts, un sourire -identique malgré les années- au coin des lèvres, calme et posé. Croiser son regard lui suffit à comprendre qu'elle était parfaitement consciente de son état d'esprit actuel.

Curieusement, au lieu de le rassurer, cela ne servait qu'à l'irriter davantage. Était-il le seul à avoir changé au cours de ces nombreuses années à jouer les héros ?

- Ulrich ? interrogea-t-elle d'une voix douce alors qu'une brise matinale faisait s'envoler ses cheveux autours d'elle telle une étrange couronne rose, quand tout sera fini… Je veux dire, après le Retour vers le Passé et une fois sûrs que Stéphanie va bien, est-ce que tu souhaiterais… Nous apporter ton aide de nouveau ?

Le jeune homme ouvrit la bouche à travers son casque, incrédule. Aelita ne pouvait pas être sérieuse. Pas après tout ce temps passé à les ignorer superbement ! La jeune fille n'attendit pas qu'il réponde pour poursuivre.

- Je sais que je t'ai laissé le choix ce jour-là au Kiwi Bleu, comme aux autres, fit-elle en fixant le sol goudronné, ses pieds battant l'air en dessous de la selle de la moto, néanmoins en ce moment on a plus que jamais besoin de toi… Si tu avais été là hier, les choses auraient peut-être pu tourner différemment… Ce n'est pas un reproche que je te fais, je respecte entièrement ta décision de te tenir à l'écart, je dis simplement que sur Lyokô tu as toujours été le plus fort de nous tous et que ton aide serait la bienvenue…

- Aelita…

Ulrich ne trouvait rien à répondre face au déluge de confiance que lui accordait la jeune fille. Elle le surestimait. Il n'avait jamais été le plus fort dans le monde virtuel, loin de là ! Il avait peut-être une ou deux capacités avantageuses par rapport aux autres et il avait peut-être été le premier à parvenir à venir à bout d'un monstre de XANA, mais cela ne faisait pas de lui quelqu'un d'indestructible, bien au contraire. Pas un seul moment, du début à la fin de cette folle aventure, il n'avait cessé d'avoir peur au plus profond de lui-même.

Bien sûr, il avait veillé à n'en rien montré, à toujours faire bonne figure face aux autres. A certains moments, il avait même réussi à oublier ses angoisses, ne laissant plus parler que l'adrénaline. Il était jeune aussi à l'époque, il lui était facile de surmonter ses émotions. Plus maintenant. Il fallait se rendre à l'évidence, avec l'âge adulte qui approchait, il était devenu lâche. Ce n'était pas qu'il s'était subitement mis à avoir peur, c'était qu'il s'était tout simplement retrouvé incapable de la contenir. Peut-être le divorce de ses parents avait-il joué un rôle dans l'effondrement de sa carapace ? Toujours était-il qu'il n'était plus le samouraï imperturbable d'autrefois. Il n'était rien d'autre qu'Ulrich, un adolescent éperdu se raccrochant à sa vie superficielle de lycéen comme à une bouée de sauvetage tout en sachant pertinemment bien que le poids de son passé continuerait à l’entraîner vers le fond à jamais.

Silencieux, il défit la lanière de son casque et l'ôta, laissant ses épais cheveux bruns flotter au vent, plantant son regard chocolat dans celui d'Aelita.

Au loin, une lueur rose soulignait la séparation entre le noir du ciel nocturne et le bleu pâle, comme dilué à l'encre, du petit jour, nimbant la Ville de la Tour de Fer d'une étrange lueur fantomatique, un peu rêveuse. Le fleuve semble scintiller devant eux face aux premiers rayons du soleil, nimbant la surface de l'usine d'étranges volutes mouvantes. Le décor aurait pu être parfait sans cette angoisse, cette peur permanente pesant au dessus d'eux.

- Je sais que tu peux le faire, murmura Aelita en portant sa main au beau visage de son ancien ami, le faisant légèrement tressauter, tu es capable de surmonter ce qui te fait si peur…

Le jeune homme resta interdit. L'adolescente aux cheveux roses auraient-elles gagné des pouvoirs de télépathie au cours des mois passées loin d'elle ? Sinon, comment expliquer qu'elle ait pu lire aussi clairement dans son cœur… ?

- Tu te trompes, ne put-il s'empêcher de lâcher d'une voix éteinte, sans chercher à nier, tout ça c'est derrière moi maintenant… Tu crois vraiment qu'en un claquement de doigt je peux redevenir le Ulrich d'il y a deux ans ? Aelita…

- Et si tu étais resté le même tout ce temps ? sourit-elle simplement d'un air mystérieux en descendant de la moto, faisant quelques pas le long du fleuve, perdant son regard vers l'horizon encore brumeux.

Elle se retourna subitement vers lui, toute trace de sourire effacée de son visage pour ne plus laisser place qu'à une profonde mélancolie qui frappa l'adolescent comme un boulet de canon. Pour la première fois, Ulrich se rendit compte à quel point son amie avait changé depuis ce fameux jour où elle était apparue face à lui en chair et en os, si frêle et si fragile dans ses vêtements d'un autre âge, pelotonnée au fond de son scanner. Peut-être n'était-il pas le seul que les dernières années avait marqué finalement ? Jamais il n'aurait cru pouvoir lire une telle assurance, une telle détermination sur le visage en forme de cœur de la jeune fille quatre ans plus tôt.

- S'il-te-plaît, lâcha-t-elle une dernière fois, la lueur du fleuve scintillant au fond de ses yeux, si tu ne le fais pas pour Mathieu et Stéphanie ou pour moi, ou même pour Odd, fait-le au moins pour toi. On a tous besoin de toi, et tu le sais. Yumi plus que jamais ces derniers temps…

Ce fut cette dernière phrase qui acheva de faire vaciller la faible résolution du jeune homme. Était-ce du à un reste des sentiments qu'il avait éprouvé –des siècles auparavant lui semblait-il- pour la japonaise ? Toujours était-il que l'idée de laisser de côté des personnes auxquelles il tenait lui apparaissait soudain comme intolérable. Avec un pincement au cœur, l'image de Sissi refusant de se confier à lui quant au mystérieux secret liant mademoiselle Soprano et sa mère lui revint en mémoire. Il ne pouvait l'aider elle puisqu'elle ne le souhaitait pas… Pouvait-il en être autrement pour ceux à qui il avait décidé de tourner le dos ?

- Aelita je ne sais pas… lâcha-t-il finalement, en proie à un véritable conflit intérieur, je ne sais plus où j'en suis, d'accord ? Laisse-moi du temps pour y réfléchir…

La jeune fille acquiesça d'un signe de tête apaisant. C'était plus que ce qu'elle avait osé espérer de la part de son ancien ami.

Après avoir enchaîné la moto à la borne la plus proche, les deux adolescents se mirent en route vers le pont d'un pas traînant, le nez rivé vers le ciel, silencieux, sans échanger un mot. La silhouette haute et musclée d'Ulrich paraissait curieusement faible en comparaison de celle, lui fine et plus petite, d'Aelita en cet instant précis, perdus entre deux heures comme ils l'étaient, au milieu de la brume légère.

Pendant un bref instant, il leur sembla que le Retour vers le Passé avait eu lieu et qu'ils étaient de nouveau de jeunes adolescents de 13 ans, persuadés que rien ne les séparerait jamais.


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Le monte-charge s'enfonça dans les profondeurs de l'usine avec un long grincement métallique qui sembla résonner à travers les années pour Ulrich. Combien de fois déjà avait-il emprunté cet ascenseur vétuste ? S'y retrouver de nouveau après tant de temps avait fait monter en lui en vague de nostalgie et il se surprit à rêver de ce monde mystérieux et immatériel qu'était Lyokô.

Aelita ne fit rien pour le tirer de ses souvenirs, appuyée contre la cloison opposée à celle du jeune homme, non loin du panneau de contrôle.

Enfin, après un temps qui sembla infiniment long à Ulrich, l'appareil s'immobilisa et l'adolescente tapa le code d'ouverture de la porte. Celle-ci coulissa en protestant violemment et quelques étincelles jaillirent de ses rouages anciens, comme à leur habitude. Ulrich fut surpris de constater que le chuintement qui en résulta était toujours le même après tout ce temps.

- Bien, fit Aelita en s'avançant dans la salle de contrôle du Supercalculateur, plongée dans la pénombre, maintenant il ne reste plus qu'à lancer le Retour vers le Passé et tout rentrera…

Mais elle s'interrompit subitement, bouche bée, les yeux fixés par-dessus l'ancien dispositif, hors d'usage désormais, de l'Holomap. Ulrich, intrigué par l'attitude de la jeune fille, s'avança à son tour dans la lueur verdâtre projetée par les écrans avant de s'arrêter brusquement, tous les muscles de son corps tendu.

Il y avait déjà une personne installée au pupitre du Supercalculateur !

Lentement, cette personne fit pivoter son siège en direction des deux adolescents figés sur place, dévoilant ses grands yeux bleus tristes et ses longs cheveux d'un rose très pâle, presque blanc, tombant en cascade de chaque côté de son beau visage, abîmé par le temps.

-Je crois que tu me dois une petite explication ma chérie… résonna la voix froide d'Anthéa Stones à travers la pièce.

-M-Maman !? s'exclama enfin Aelita, sortie de sa stupeur, mais qu'est-ce que… Qu'est-ce que tu fais ici !?

La mère et la fille se toisèrent du regard un moment, laissant de côté un Ulrich pantois qui commençait à se demander s'il n'était pas de trop. Son ancienne amie finit par rompre le silence pesant qui venait de s'installer, ses yeux verts scintillant de colère à travers la pénombre.

- Pourquoi est-ce que tu es venue ici !? s'exclama-t-elle , et puis comment est-ce que tu as su…

- …Que toi et tes amis avaient recommencé à jouer les héros ? l'interrompit la femme d'un ton glacial, tu me prends pour une idiote peut-être ? Tu crois que je n'ai pas fait le rapprochement entre le meurtre de Susan, tes petites escapades et ton amie qui se retrouve subitement à l'hôpital sans raison ? C'est moi qui t’ai conçue ma fille… Tu ne peux pas me cacher des choses indéfiniment !

Aelita se mordit sa lèvre déjà fendue. Elle qui croyait avoir été un modèle de discrétion ! Comment sa mère avait-elle pu voir aussi clairement dans son jeu ?

- Il m'a suffit de vérifier ton ordinateur portable pour confirmer mes soupçons après ton appel d'hier soir, poursuivit Anthéa, savourant manifestement le désarroi de sa fille, je n'arrivais pas à en croire mes yeux alors j'ai préférer foncer directement à l'usine voir si le Supercalculateur de ton père était toujours éteint… Et voilà ce que je trouve. Franchement, tu me déçois profondément Aelita…

- Je te déçois !?

Cette phrase avait agit comme un électrochoc pour la jeune fille. L'aura de colère l'entourant était telle qu'Ulrich se surprit à reculer de quelques pas, effrayé.

- Oui on a rallumé le Supercalculateur ! fulmina-t-elle, et tu crois vraiment qu'on l'aurait fait sans une bonne raison !? Tu n'avais aucun droit de fouiller dans mon ordinateur pour dénicher mes secrets ! Je vois que malgré tout ce temps passé ensemble tu ne me fais toujours pas confiance…

- Et à raison ! implosa Anthéa en se levant brusquement de son siège, mais franchement Aelita, qu'est-ce qui t'es passé par la tête !? Rallumer le Supercalculateur de ton père sur un coup de tête ! Tu imagines les conséquences que cela aurait pu avoir !? Cette machine est tout aussi dangereuse que ce qu'elle renferme, je pensais que tu le savais…

- Je le sais maman !

La voix d'Aelita augmentait d'une octave à chaque mot, faisant grimacer Ulrich.

- Je le sais très bien ! Mais je n'avais pas le choix ! C'était soit ça, soit laisser la Green Phoenix s'emparer du Projet Carthage ! Qu'est-ce que tu aurais fait à ma place !?

- Là n'est pas la question ! trancha Anthéa, aussi froidement calme que sa fille menaçait d'exploser à tout instant, cette histoire te dépasse ! Ce n'est pas le souci d'un groupe d'adolescent ! Il fallait prévenir le gouvernement dés que tu as remarqué qu'il se passait quelque chose d'inhabituel… Ou au moins m'en parler ! J'aurai pu faire le nécessaire avec les Hommes en Noir ! Ils…

- …Ils en auraient profité pour tous nous faire tomber ! répliqua Aelita sauvagement, et tu le sais très bien ! La seule raison pour laquelle ils nous fichent la paix à l'heure actuelle c'est parce qu'on a aidé à défaire la Green Phoenix une fois ! S'ils découvrent que celle-ci est toujours en activité on risque de gros ennuis ! Je te rappelle que nous sommes coupables de crime contre l'humanité pour avoir laisser XANA libre d'agir pendant des années ! Pas seulement toi et moi d'ailleurs, mais aussi Ulrich et les autres ! Je n'allais pas précipiter tout le monde à sa perte simplement sous le prétexte que je suis trop jeune pour faire face à la situation selon toi !

Pendant un instant, Anthéa sembla se trouver à court d'arguments, désarçonnée par la virulence de sa fille. Celle-ci en profita pour poursuivre sur le même ton, crachant sa bile, déversant le flot de sentiments qui l'étreignait en cet instant précis.

- Ça va faire bientôt 15 ans que j'ai perdu le droit d'être une enfant maman, fit-elle d'une voix sombre, depuis que papa et toi avez décidés de ruiner nos vies à tous les trois en jouant les apprentis sorciers avec le Programme Carthage, sans vous soucier des conséquences !

- Comment oses-tu…

Mais Aelita ne lui laissa pas le temps de poursuivre. Il fallait que ce qu'elle avait sur le cœur depuis tant d'années sorte.

- PENDANT 10 ANS ! s'exclama-t-elle faisant sursauter à la fois sa mère et Ulrich, pendant 10 ans je suis restée enfermée au sein de cette machine de malheur sous forme de programme informatique simplement à cause de votre folie des grandeurs à tous les deux ! Je n'étais qu'une petite fille, une petite fille effrayée qui ne comprenait pas ce qui lui arrivait ni pourquoi sa famille était subitement déchirée ! Et pourtant, à seulement 13 ans j'ai du assumer les responsabilités de VOS actes, veiller à ce que tout rentre dans l'ordre tout en cherchant vainement des réponses aux questions que vous m'aviez laissée… Je suis restée coincée dans un corps de gamine alors que mon esprit ne cessait de mûrir simplement pour réparer vos fautes ! J'ai souffert presque autant que vous deux, voire plus, alors que toute cette histoire ne me concernait absolument pas, comme tu l'as si bien fait remarquer…

- Dans ce cas éteint tout si c'est si dur ! explosa Anthéa, piquée au vif par les accusations de sa fille, éteint tout et laisse des personnes plus compétentes se charger de tout ça ! Tu ne vois donc pas le mal que ça me fait de savoir que tu risques ta vie à cause de mes erreurs passées… ?

Sa voix avait vacillé sur ces derniers mots. Pourtant, le regard qu'Aelita lui rendit en réponse était neutre et ampli de froide détermination. Le regard d'une femme adulte ayant trop vite grandi.

- Tu ne comprends vraiment rien n'est-ce pas ? murmura-t-elle en secouant la tête tristement, c'est trop tard. J'ai été impliquée à l'instant même où j'ai choisi de réparer vos erreurs. Et j'en ai entraîné d'autres dans cette histoire de dingue. Il est trop tard pour faire machine arrière : je suis la gardienne de Lyokô, maman. C'est à moi de protéger l'œuvre de papa et votre création à tous les deux, que ce soit au péril de ma vie ou pas. Si je fais tout ça ce n'est pas une question de satisfaction personnelle comme tu sembles le croire, c'est par amour pour vous… Vous en avez bien assez fait et maintenant c'est à moi… A nous de prendre le relais ! Laisse-nous régler ça maman, une fois de plus.

Anthéa vacilla sur place, bouleversée par le discours de sa fille. Ulrich se précipita mais elle se réceptionna sur le siège du Supercalculateur juste à temps, profondément secouée.

- Je… parvint-elle finalement à lâcher, la respiration haletante, je regrette mais c'est hors de question. Je ne peux pas laisser ma propre fille payer à ma place, tu as déjà assez souffert. Trop de monde a souffert à cause de ton père et moi. Je ne peux plus laisser faire ça, c'est terminé.

La jeune fille aux cheveux roses échangea un regard désespéré avec Ulrich. Le temps pressait et ce n'étaient pas le moment d'entamer une discussion aussi importante avec sa mère ! Stéphanie pouvait très bien y rester pendant le laps du temps qu'ils passaient à échanger des arguments !

- Madame Schaeffer… finit par entamer Ulrich, lui-même surpris par sa propre audace.

Anthéa leva vers lui un regard d'un bleu étincelant de colère.

- Je ne réponds plus à ce nom, répondit-elle froidement…

- Très bien, madame Stones ! corrigea le jeune homme, agacé, votre fille est bien plus forte que vous ne le croyiez ! Je l'ai fréquentée pendant plus de quatre ans maintenant et je pense être bien placé pour dire que vous la sous-estimer. Elle… Nous avons eu affaire à des horreurs que vous oseriez à peine imaginer ! Protéger le monde de ce que vous avez créé –sans mauvaise intention, j'en suis bien conscient- c'est notre mission depuis longtemps maintenant. Nous l'avons acceptée et nous savons très bien les risques que nous encourrons. Et si c'est pour votre fille que vous vous inquiétez j'ai déjà fait le serment de la protéger il y a des années, je peux le renouveler ici et maintenant si vous le souhaitez… Vous n'avez qu'un mot à dire.

Anthéa balaya la remarque d'un geste de la main, agacée. Pour qui se prenait ce jeune homme ignorant qu'elle connaissait à peine ! Que croyait-il comprendre à l'histoire du Supercalculateur et de tout ce qui lui était lié ? Il était aussi sot et imprudent que sa fille, rien de plus…

- Si vous tenez vraiment à la protéger, siffla-t-elle entre ses dents, alors faites en sortes qu'elle n'approche plus jamais cet engin démoniaque !

Aelita interrompit Ulrich, qui s'apprêtait à répliquer, d'un signe de tête. Ils n'avaient plus le temps pour de tels enfantillages et sa mère, de par son attitude subitement sur-protectrice après tant d'années de séparations, commençait singulièrement à lui taper sur les nerfs. Pensait-elle qu'elle n'était pas capable de se débrouiller toute seule, après tout ce temps loin d'elle ?

- Maman, écoutes-moi ! fit-elle d'un ton brusque en se rapprochant du panneau de contrôle, pour le moment ce qui importe c'est qu'une de nos amis est entre la vie et la mort ! Seul un Retour vers le Passé peut la sauver, c'est son seul espoir tu comprends ! Laisse-moi lancer ce programme et on discutera de tout ça après autant que tu le désires ! Je te le promets !

Anthéa fusilla sa fille du regard, utilisant son corps comme barrière entre le clavier et l'adolescente.

- Pour en profiter pour m'effacer la mémoire et faire comme si je n'avais jamais rien découvert ? raya-t-elle d'un ton ironique, je ne crois pas non… Ne me prends pas pour plus bête que je ne le suis ma chérie… Je sais très bien comment fonctionne les inventions de ton père, j'ai contribué à leur création avait d'être enlevée figure-toi !

Une nuance d'agacement était désormais clairement lisible sur le visage en forme de cœur d'Aelita.

- Si ce n'est que ça tu n'as qu'à descendre aux scanners que j'enregistre ta ligne mémorielle dans l'ordinateur ! soupira-t-elle, maman s'il-te-plaît… Une vie est en jeu !

Anthéa fronça les sourcils. Pendant une minute interminable, elle sembla peser le pour et le contre dans sa tête, dissimulant toute expression sur son visage de marbre. Enfin, non sans une certaine réticence, elle se leva du siège, s'éloignant du panneau de contrôle en acquiesçant légèrement.

Aelita ne put retenir un soupir de soulagement.

- J'ai ta parole ? questionna Anthéa tandis que sa fille prenait sa place sur le siège, commençant déjà à pianoter sur le clavier, tu vas enregistrer ma mémoire et ensuite simplement lancer un Retour dans le Temps ?

- Je te le jure, affirma Aelita sans détourner les yeux, maintenant descend à l'étage inférieur et positionne-toi dans un des scanners que je puisse le faire ! Vite, le temps presse.

Après un dernier haussement de sourcils soupçonneux, Anthéa s'éloigna vers le monte-charge d'un pas digne, sous le regard inquiet d'Ulrich. Ce ne fut que lorsqu'elle eut disparu derrière la porte et que l'appareil eut commencé à s'ébranler vers les profondeurs de l'usine qu'il osa se retourner vers Aelita précipitamment, incrédule.

- Sérieusement, tu vas vraiment enregistrer la mémoire de ta mère dans le Supercalculateur ? chuchota-t-il, dépassé par les évènements.

- Bien sûr que non ! répliqua Aelita entre ses dents sans se détourner des écrans illuminant son visage, mais il fallait que je trouve un moyen de me débarrasser d'elle ! Je n'arrive pas à croire qu'elle ait marché !

Ulrich ne put retenir un petit sourire. Il découvrait une nouvelle facette de la personnalité de son amie en cet instant précis : jamais il ne l'aurait cru capable de mentir de façon aussi éhontée à sa propre mère auparavant ! Force était de constater qu'Aelita était une fille indépendante et qu'elle n'était pas du genre à se laisser intimider par les liens paternels, bien au contraire. Elle avait vécu seule bien trop longtemps pour cela…

- Tu remontes jusqu'à quand ? questionna Ulrich en regardant la fenêtre affichant les contours d'une mappemonde en trois-dimensions s'afficher à l'écran, précédée d'une sorte de compteur.

- Un peu moins d'une semaine, répondit Aelita qui pianotait désormais sur le clavier comme si sa vie en dépendait, tellement vite que ses doigts en paraissaient flous, on sera le mardi après-midi vers 14h, pendant une heure de trou en commun entre les S, les ES et les Terminale L. Comme ça on pourra vite s'assurer que Stéphanie va bien vu qu'on était tous au foyer à ce moment-là…

- Je suis en cours d'anglais à cette heure-là, grogna Ulrich tandis que le compteur se déclenchait subitement devant ses yeux, j'espère que ça ne va pas trop me perturber…

Au fond de lui, il ressentit également comme un pincement au cœur. C'était également à cet instant précis que Sissi s'était rendue face à Hyacinthe Soprano et à son père afin de leur demander des explications. Peut-être pourrait-il lui venir en aide cette fois-ci… ?

Aelita esquissa un demi-sourire, le doigt figé au dessus de la touche Enter.

- Cramponne-toi ! conseilla-t-elle simplement avant de l'enfoncer, priant au fond d'elle-même pour que tout se déroule comme prévu.

Un grondement prometteur jaillit brusquement de l'énorme appareil circulaire au centre de la pièce et la jeune fille aux cheveux roses su en une fraction de seconde que le programme avait fonctionné.

Brusquement, une colonne de lumière incandescente jaillit de l'engin, blanche et pure, aveuglant les deux adolescents qui se protégèrent les yeux de leur bras. Très vite, la colonne ne cessa de croître, prenant la forme d'un dôme gigantesque en pleine expansion qui engloba les Lyokô-guerriers, puis l'usine, l'hôpital, la ville, le monde…

Aelita eut tout juste le temps de penser « pardon maman », avant d'être entièrement noyée sous la lumière du Retour dans le Temps, son esprit se faisant subitement happer en arrière comme si rien de tout ce qu'elle avait vécu jusqu'à présent n'avait été plus qu'un rêve.


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Mathieu redressa la tête brusquement. Des rayons d'une étrange lumière bien trop vive pour l'heure matinale venaient de filtrer à travers les fenêtres de la chambre de Stéphanie. Yumi s'était levée, fixant l'horizon d'un œil incertain, sa main pressant celle de son amie inconsciente. Son rythme cardiaque n'avait cessé de diminuer depuis le départ d'Aelita et d'Ulrich…

- Ils ont réussi, murmura la japonaise dans un souffle de soulagement.

Le jeune homme s'avança vers la fenêtre, intrigué, avant de rester bouche bée face au spectacle des plus incroyable qui se déroulait devant ses yeux. Au loin, un gigantesque bulle de lumière enflait à l'horizon, engloutissant à une vitesse affolante les maisons et les ruelles sur son chemin, obscurcissant même l'éclat du soleil levant.

Tout à sa contemplation, il ne remarqua pas Odd qui se glissa subrepticement à côté de lui.

- Magnifique, hein ? lâcha-t-il dans un souffle, le faisant sursauter, j'ai toujours aimer voir le Retour dans le Temps…

Le dôme était presque sur eux désormais. Sans trop savoir pourquoi, Mathieu agrippa brusquement les doigts de son ami, amorçant un mouvement de recul. Surpris dans un premier temps, Odd finit par lui serrer la main dans une attitude protectrice à son tour.

- Tout va bien se passer, lui murmura-t-il à l'oreille.

Et soudain, la bulle de lumière fut sur eux, les engloutissant en un instant. La sphère finit par recouvrir les doigts entrelacés de Yumi et Stéphanie, effaçant les machines auxquelles cette dernière était reliée, effaçant tout, les projetant brusquement à travers le temps.

Alors que la japonaise sentait son corps disparaître et la sensation froide de la paume de son amie s'estomper sous sa main, elle ne put s'empêcher de murmurer une dernière phrase à son intention, avant d'être effacée définitivement :

- Courage Stéphanie, on va te sauver tu vas voir…

L'instant d'après, le Retour dans le Temps achevait d'absorber le monde sous sa lumière bénéfique, happant les Lyokô-guerriers en direction de leur passé.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:00   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 29 :

Épisode 128 : Le réfugié du temps_



Le jeune homme aux lunettes à l'épaisse monture noire cligna des yeux un bref instant, le temps que les flashs de lumières s'éloignent de ses yeux. Le couloir dans lequel il se trouvait grouillait d'élèves, bavardant de façon insouciante ou révisant leurs cours de manière fébrile, inconscient du phénomène qui venait de se produire. En réalité, lui seul avait été témoin de l'énorme sphère de lumière qui avait brusquement enveloppé le lycée Stendhal avant de subitement disparaître, comme si de rien n'était. Lui seul avait eu conscience du retour dans le temps qui venait d'avoir lieu…

D'un geste machinal, Jérémie Belpois porta la main à son portable, scrutant la date sur le petit écran tactile. Mardi 12 avril, 14h02. Soit presque une semaine avant que la sphère de lumière ne l'arrache subitement de son lit à l'internat du lycée, alors qu'il entrouvrait à peine les yeux, émergeant de son sommeil.

Rengainant son téléphone, Jérémie perdit son regard dans la vitre ruisselante de pluie lui faisant face. Les lourds nuages au dessus de l'établissement privé perdu en pleine forêt obscurcissaient tellement le ciel qu'on aurait pu se croire en pleine nuit. Un éclair zébra l'horizon, éclairant son reflet pâle et maigre à la surface du verre. Ses cheveux blonds étaient toujours aussi en bataille et il arborait toujours le même petit air supérieur, cependant les poches sous ses yeux semblaient s'être accentuée.

La surcharge de travail résultant de son intégration au sein d'une des plus prestigieuses écoles pour surdoués de France n'était pour rien dans ce phénomène cependant. Depuis qu'il était arrivé au lycée Stendhal, ses pensées n'avaient cessées de tourner autours de ce qu'il avait laissé derrière lui.

« Pourquoi un Retour dans le Temps ? ne put-il s'empêcher de se demander en s'adossant contre le rebord de la fenêtre, indifférent aux va-et-viens des autres élèves, qu'est-ce qui a bien pu se passer pour qu'ils en arrivent à prendre une telle décision… ? ».

Une voix claire s'éleva brusquement derrière lui, le ramenant loin de Kadic et de ses occupants :

- Jérémie, tout va bien ?

Le jeune homme se retourna aussitôt vers la jeune fille qui venait de l'interpeller.

- Tallia… lâcha-t-il avec une pointe de soulagement en la reconnaissant.

Comme à chaque fois qu'il se trouvait face à elle, il ne pouvait s'empêcher de faire le rapprochement avec son ex-petite-amie, Aelita. Même stature, même visage en forme de cœur, même nez. Pourtant, à y regarder de plus prêt, il était impossible de les confondre. Aelita avait des cheveux longs d'un rose très pâle et des yeux doux d'un vert profond tandis que Tallia, qui lui faisait face, arborait constamment une coupe à la garçonne, très courte, d'un mauve prononcé tout sauf naturel, et ses yeux, non dénué d'une certaine froideur intelligente, étaient d'une jolie couleur noisette.

Tallia était également aussi sombre que son sosie était joyeux, autant dans le comportement que dans sa façon de se vêtir, avec son pull noir à col montant, son jean long de couleur pourpre et la multitude de bracelets pendant à ses bras. Sur le point comportemental, il était plus facile de l'associer à Jérémie qu'à Aelita.

Jérémie et Tallia s'étaient rencontrés pour la première fois bien des années auparavant, lorsque l'adolescente, orpheline, avait été transférée à Kadic un beau jour durant son année de Quatrième. Sa ressemblance frappante avec Aelita, à l'époque toujours enfermée dans le Supercalculateur, avait rapidement induit le jeune homme en erreur et les conséquences de cette confusion auraient pu être dramatiques sans un Retour vers le Passé bien placé.

Leurs retrouvailles ici, à l'institution pour élèves surdoués Stendhal, n'avait pas été sans leur causer une vive surprise. Très vite, les deux adolescents avaient appris à se connaître –chose qu'ils n'avaient jamais pris la peine de faire lors du cours séjour de Tallia à Kadic- et s'étaient découverts rapidement plus de points communs qu'ils n'auraient pu le croire, à commencer par une passion prononcée pour l'informatique et la solitude. Au final, une certaine forme d'amitié polie avait fini par naître entre eux au fil des mois.

La jeune fille, si semblable à Aelita par le passé mais dont les traits de ressemblance commençaient à s'estomper avec l'âge, s'avança vers Jérémie, sa sacoche sur l'épaule, s'adossant à son tour contre la fenêtre.

- A quoi tu pensais ? questionna-t-elle avec un demi-sourire, tu avais l'air… Nostalgique !

Le jeune homme étouffa un ricanement en détournant le regard. Pourquoi fallait-il que, malgré tout ce temps, elle lui fasse toujours autant penser à Aelita ? Après le Retour vers le Passé dont il venait d'être témoin, il avait besoin de tout sauf de se rappeler de sa vie passée de Kadicien, aux côtés de celle qu'il avait toujours aimé depuis la première seconde.

- Ce n'est rien, bougonna-t-il, juste… Une impression de déjà-vu… On ferait mieux d'aller en cours !

Tallia fronça les sourcils, dubitative, mais ces quelques mois passés en compagnie du petit génie lui avait appris à ne pas insister dans ce genre de situation.

- Vas-y sans moi, commenta-t-elle, j'ai quelque chose à faire avant, je risque d'être un peu en retard… Présente mes excuses au prof au pire !

L'adolescent acquiesça et la jeune fille aux cheveux mauves tourna les talons, disparaissant rapidement dans la foule compacte d'élèves. Jérémie s'accorda encore quelques secondes d'intense réflexion avant de se mettre en marche à son tour, en direction de sa salle de classe. Suivre les cours de cette semaine une deuxième fois allait être d'un ennui mortel, il le sentait… Par ailleurs, il savait bien qu'autre chose allait lui occuper l'esprit pendant ce temps, à savoir : à quel point la situation était-elle dramatique pour ses anciens amis ?


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Stéphanie se sentait flotter, comme enveloppée d'une mystérieuse brume blanche s'étendant à l'infinie autour d'elle. Elle ne sentait plus son corps, du bout de ses doigts jusqu'à la plante de ses pieds, n'entendait plus rien… Comme si son esprit dérivait de façon aléatoire, quelque part dans ces étranges limbes qu'elle ne parvenait pas à identifier. Réfléchir lui demandait un effort considérable, comme si elle venait de s'éveiller d'un long sommeil dans lequel elle serait volontiers restée quelques heures de plus.

Pendant un instant, elle se crut de retour sur Lyokô. Puis une pensée atroce commença à s'insinuer en elle, telle un poison mortel s'écoulant dans ses veines : était-elle morte ?

A peine cette sinistre idée lui traversa l'esprit qu'un brouhaha insupportable envahit ses oreilles, manquant de l'assourdir. Hébété, elle cligna des yeux et le brouillard flou s'effaça aussitôt, laissant place à une vague de formes et de couleur qu'elle ne parvenait pas à identifier. Elle remarque, un peu tard, que son corps était de nouveau opérationnel, en sentant le contact soyeux de quelque chose de chaud sous elle. Visiblement, on l'avait assise quelque part.

- Stéphanie ?

L'appel de son nom par une voix familière acheva de lui remettre les idées en place et son cerveau parvint enfin à identifier l'endroit où elle se trouvait. Il s'agissait du foyer des élèves de Kadic : bondé de monde, un soleil hésitant filtrant à travers ses hautes fenêtres. La surface confortable sur laquelle elle était assise n'était autre qu'un des canapés rouges parsemant la salle. Face à elle, sur un sofa similaire, étaient alignés Yumi, Eva, Odd et Mathieu, tous la fixant d'un air inquiet. Ce dernier avait l'air particulièrement pâle.

Tentant de rassembler ses souvenirs, la jeune fille se redressa, se massant le front. Un mal de tête lancinant commençait à cogner contre ses tempes mais, en dehors de ça, elle se sentait étonnamment bien.

- Tu…Tu te sens bien ? lança Odd d'un ton hésitant.

- Quand est-ce qu'on est retourné à Kadic ? bredouilla-t-elle en guise de réponse, je me souviens juste être retournée dans le scanner et puis après… Le trou noir !

Les images de ses exploits sur le monde virtuel lui revinrent subitement en mémoire et un sourire étira ses lèvres alors qu'elle se remémorait sa splendide tenue de gothic lolita.

- La vache ce que c'était cool sur Lyokô ! s'exclama-t-elle avec excitation, faudra que je remette ça !

A l'instant même où elle finissait sa phrase, un grand coup de sac s'abattit sur elle, lui arrachant un glapissement de surprise.

- Mathieu !? s'exclama-t-elle, décontenancée, mais qu'est-ce que… ?

Le jeune homme s'affairait à la rouer de coup désormais, une véritable expression de fureur sur le visage. Le spectacle était tellement inhabituel que la plupart des occupants du foyer s'étaient tournés dans leur direction, intrigués. Mathieu n'était pas connu pour son caractère impulsif après tout !

- Ne…dit…plus…jamais…une…connerie…pareille ! haleta l'adolescent entre deux coups de sacs avant qu'Odd n'ait la présence d'esprit de se lever et de l'arrêter, un peu tardivement.

Stéphanie hocha la tête sans chercher à comprendre, sans pour autant se détendre, les mains levées dans une attitude protectrice devant son visage. Eva eut un petit soupir. Le comportement de ces deux là était décidément bien trop pathétique à son goût.

- Je vais enfin savoir ce qui s'est passé ? finit par marmonner la jeune fille aux yeux violets, gardant un œil suspicieux sur le sac de son ami, ou bien ça aussi c'est sous peine de se faire battre ?

Yumi prit la peine de chasser quelques curieux encore tournés vers eux avant de répondre, baissant d'un ton par mesure de précaution.

- Il y a eu un souci lors de la rematérialisation, fit-elle d'un ton grave, tu… Bref, sans entrer dans les détails tu as failli y rester et on n'a pas eu d'autre choix que de lancer un Retour vers le Passé pour te sauver.

Stéphanie fixait la japonaise avec de grands yeux ronds désormais, incapable d'assimiler ses paroles. Elle se souvenait vaguement du malaise qu'elle avait ressenti à la sortie du scanner mais elle était loin de se douter que cela avait été aussi grave ! Cela expliquait sa perte de mémoire cependant…

- Attendez, un Retour dans le Temps ? lâcha-t-elle subitement, estomaquée, alors que l'information remontait enfin à son cerveau, ça veut dire qu'on est… ? Quel jour on est ?

- Mardi dernier à un peu plus de 14h, répondit Odd en scrutant son téléphone, visiblement les réglages d'Aelita étaient au poil ! Tout a bien fonctionné !

Stéphanie allait ouvrir la bouche pour poser d'autre question mais, soudain, une masse violette lui tomba brusquement dessus, bien vite suivi par une cascade de cheveux noirs. Mathieu et Yumi, n'y tenant plus, venaient de se jeter à son coup à sa grande surprise !

- Je suis désolée, si tu savais… murmura la japonaise qui semblait retenir ses larmes à grand peine, je n'aurai jamais du t'en vouloir à ce point à cause de William, c'était stupide… Pardonne-moi s'il-te-plaît !

- Je…Non ! répliqua l'adolescente sans parvenir à se défaire de l'étreinte de ses amis, un peu gênée, tu avais toutes les raisons du monde de m'en vouloir ! C'est moi qui suis désolée !

- Oh la ferme toute les deux ! rit Mathieu en la serrant dans ses bras de plus belle, l'essentiel c'est que tu sois saine et sauve !

Odd esquissa un sourire, attendrit par la scène et en même temps profondément soulagé. Même Eva s'abstint de tout commentaire désobligeant pour une fois. Les murmures intrigués avaient repris tout autour d'eux mais aucun des Lyokô-guerriers n'y prenait garde, trop heureux que tout ait fini par s'arranger ! Tout à la joie de leurs retrouvailles, ils remarquèrent à peine la porte du foyer grincer sur ses gonds et une jeune fille aux cheveux roses s'avancer vers eux, la mine légèrement dépitée.

L'air morose d'Aelita se changea en un sourire rayonnant lorsqu'elle se rendit compte que Stéphanie allait parfaitement bien et l'adolescente ne tarda pas à se joindre aux étreintes, son cœur battant à tout rompre sous l'effet du soulagement.

- J'ai largué Thomas, finit-elle par annoncer une fois que l'effervescence générale fut un peu redescendue et que tous eurent repris place sur le canapé respectif.

La nouvelle jeta un froid sur le groupe et Mathieu mit même plusieurs secondes avant de comprendre ce que venait de dire leur meneuse.

- Quoi mais… ? Entama-t-il.

- …Pourquoi !? acheva Odd à sa place, exprimant à la place des autres leur incrédulité.

Aelita poussa un profond soupir triste, entortillant nerveusement une mèche de cheveux roses au bout de son doigt.

- Disons que j'ai réalisé certaines choses pendant que Stéphanie était à l'hôpital, commenta-t-elle sans chercher à s'étendre, et puis ne nous voilons pas la face : le fait d'être en couple avec un non-Lyokô-guerrier ça aurait fini par nous exploser en pleine face un jour ou l'autre… C'était la meilleure décision possible.

Elle se garda bien d'ajouter que leur dernière mésaventure lui avait rappelé à quel point elle avait cruellement besoin de Jérémie et à quel point jamais Thomas ne pourrait le remplacer dans son cœur, mais Odd n'était pas dupe. Cependant, il s'abstint de tout commentaire, se contenant de consoler son amie d'une petite tape sur l'épaule, lui arrachant un bref sourire.

- Comment il a réagi ? questionna-t-il sans prêter garde au regard jaloux de sa petite-amie.

- Mal, soupira Aelita, chassant ce souvenir d'un geste, il a commencé à s'énerver, à me dire que j'avais manipulé ses sentiments simplement pour compenser le vide laissé par Jérémie et que maintenant que ça allait mieux je le jetais comme si de rien n'était, que j'étais une espèce de salope égoïste… Ce genre de chose ! Au fond je ne peux pas vraiment lui en vouloir…

« Peut-être parce qu'il n'a pas totalement tord » ne put-elle s'empêcher de penser. Bien qu'elle ne l'ait pas énoncé à haute voix, Odd la fusilla subitement du regard, comme s'il avait deviné le fond de sa pensée. Stéphanie, elle affichait un air indigné.

- Beh tu ne perds pas grand-chose s'il te traite comme ça ! affirma-t-elle avec ferveur, inconsciente du fait que ses paroles, bien loin d'apaiser Aelita, la mettait mal à l'aise, comme on dit : « mieux vaut être seule que mal accompagnée » !

La jeune fille laissa échapper un petit rire sans pour autant parvenir à se défaire de sa culpabilité. Elle s'en voulait d'avoir causé autant de peine à un autre garçon après Jérémie. Peut-être n'était-elle tout simplement pas faite pour être en couple ?

Ravalant ses sombres pensées, elle releva la tête vers ses amis et se rendit compte que tous la dévisageait d'un air inquiet. Son sentiment de honte augmenta encore d'un cran.

- C'est bon, assura-t-elle, c'est moi qui l'ai largué, pas l'inverse ! Et puis il y a plus urgent à penser pour le moment…

- Le Firewall ! se rappela brusquement Odd en se frappant le front, il faut que tu le réinstalles !

-On a le temps, la Green Phoenix ne lancera pas son attaque avant ce week-end et grâce au Retour dans le Temps on a une possibilité de faire avorter leur tentative sans trop de problème cette fois-ci, le rassura Aelita, retaper le programme ne me prendra pas plus de quelques minutes maintenant… Alors c'est plutôt l'occasion pour nous de lancer l'offensive cette fois-ci !

Tous firent silence brusquement, incrédules. Autours d'eux, le bourdonnement incessant des conversations et des jeux des lycéens semblait les envelopper comme une bulle protectrice.

- Et comment tu comptes t'y prendre ? ironisa Eva alors que la tension s'épaississait.

- J'y ai pas mal réfléchi pendant la nuit qu'on a passé à l'hôpital, répondit l'adolescente, dardant ses yeux verts dans le bleu limpide de ceux de l'américaine, au plan de la Green Phoenix, je veux dire. Ce qu'on suppose jusqu'à présent c'est que, après avoir reconstitué leur base de données on ne sait trop comment, ils se sont servis d'Angel pour créer une sorte d'intelligence à la XANA programmée pour envoyer des monstres sur Lyokô afin d'en détruire le cœur et ainsi avoir accès au Projet Carthage de mes parents, le tout en passant par une Brèche dans les défenses du monde virtuel… Maintenant écoutez ma théorie.

Elle marqua une pause avant de poursuivre. Face à elle, les autres Lyokô-guerriers buvaient ses paroles.

- Et si –je parle bien au conditionnel- et si la Green Phoenix avait trouvé le moyen de concevoir un monde virtuel à l'image de Lyokô pour entreposer leurs données… Un monde virtuel dans lequel Angel serait enfermé et depuis lequel il enverrait ses monstres…

Odd se redressa d'un bond, une lueur de compréhension dans le regard.

- Tu veux dire… Un Lyokô bis qui serait connecté à nôtre Supercalculateur par…

- …La Faille, oui c'est ce que je pense ! compléta Aelita avec un rictus, si c'est le cas on a un moyen de pénétrer leur système, trouver Angel et peut-être même réduire à néant leur propre Supercalculateur et ça, ça changerait carrément la donne !

Un silence religieux accueillit ses propos. Tous voyaient miroiter devant eux l'espoir que représentait cette théorie. Seule Eva paraissait peu convaincue.

- Aelita, entama-t-elle d'un ton lent et calculer, franchement c'est difficile à croire, ce serait trop pratique… Et puis comment la Green Phoenix aurait pu réussir à créer un second Lyokô sans ton père pour les épauler ?

- XANA a bien réussi à l'époque, répondit Yumi à la place de leur meneuse avant de se tourner vers cette dernière d'un air interrogateur, tu penses à une sorte de Réplika c'est ça ?

- C'est ça, approuva Aelita en hochant légèrement la tête, s'ils ont eu accès aux données des monstres de XANA, pourquoi pas au reste ? Et puis cette Faille doit bien mener quelque part ! Reste à savoir si ce « quelque part » est effectivement une réplique de Lyokô et, si oui, ce qui s'y trouve…

Eva se renfrogna en voyant le regard brillant d'espoir de Mathieu. Elle pouvait difficilement aller contre l'opinion générale du groupe, malgré ses réticences.

- Admettons, lança-t-elle dans une tentative désespérée tout en se renfonçant dans son sofa, même si c'est le cas, comment est-ce que tu comptes nous envoyer dans cet autre monde virtuel hypothétique ?

La remarque ramena les adolescents à la réalité. Mathieu perdit aussitôt son air enjoué.

- On pourrait recréer le Skid –notre sous-marin numérique qui nous permettait de voyager à travers le réseau à l'époque- ? proposa Odd, sans trop y croire.

- Sans Jérémie ? Impensable ! coupa Aelita sans se défaire de son sourire, ça prendrait trop de temps et la Green Phoenix aurait le temps de détruire Lyokô une bonne dizaine de fois ! Non, il existe un point d'accès bien plus direct…

Elle n'eut pas besoin de poursuivre pour que les autres comprennent.

- Tu veux nous faire passer par la Faille !? s'étrangla Yumi, sous le choc, Aelita c'est…

- …Brillant ! l'interrompit Stéphanie lui arrachant une grimace agacée, on fait ça quand !?

- Dangereux ! reprit la japonaise comme si personne ne l'avait interrompue, sérieusement Aelita ! On ne sait pas ce qui nous attend de l'autre côté ! Et qui te dit qu'il y ait vraiment un passage à travers ce truc ?

- Oui princesse, surenchérit Odd, peu convaincu lui aussi, tu as vu comme moi à quoi ça ressemble en plus cette horreur ! Pas question que je rentre à l'intérieur de ce machin, même sous forme virtuelle !

La jeune fille aux cheveux roses fronça les sourcils d'un air agacé.

- Écoutez, je comprends vos réticences, commença-t-elle, cependant c'est soit on tente le coup, soit on y est encore l'année prochaine ! Et avec le bon programme je suis certaine qu'il n'y aura aucun souci : après tout, la Green Phoenix doit bien avoir un passage au point pour pouvoir emmener ses monstres sur Lyokô ! Il vous suffira de l'emprunter en sens inverse ! Tout ça, c'est l'affaire de quelques lignes de codes !

Personne ne sembla trouver quoi répondre mais on pouvait lire dans le regard de chacun leur vive appréhension. Plonger ainsi vers l'inconnu sur la base d'une simple intuition n'était pas pour les réjouir. Aelita tourna la tête vers chacun d'entre eux en quête de la plus infime trace d'approbation mais même Mathieu semblait réticent pour le coup. Désespérée, elle se massa le front, qui commençait légèrement à la lancer sous le coup de son excitation contenue et des sentiments contradictoires qui l'animaient depuis sa rupture.

- Très bien, abdiqua-t-elle en se laissant de nouveau tomber sur le canapé à côté de Stéphanie, laissez-moi le temps de mener des recherches supplémentaires sur les données de la Faille qu'on a récolté la dernière fois, ça devrait suffire à confirmer ma théorie. Mais s'il s'avère que j'ai raison il faudra bien qu'on se lance à un moment ou à un autre ! On ne peut pas laisser la Green Phoenix mener la danse éternellement, il faut contre-attaquer.

Tous approuvèrent d'un signe de tête. Le fiasco qui avait eu lieu juste avant le Retour dans le Temps était encore trop présent dans leurs esprits pour qu'ils puissent se permettre de protester. Voyant que sa proposition ne soulevait pas de nouvelles objections, Aelita choisit de poursuivre sur sa lancée, tout en prenant garde aux éventuelles oreilles indiscrètes du foyer :

- Enfin bref… La priorité pour le moment c'est surtout le programme de virtualisation ! Ce qui est arrivé à Stéphanie doit nous servir de leçon : on ne peut plus se permettre de vivre une situation pareille…

La jeune fille aux épais cheveux bruns baissa la tête, confuse.

- …Cependant on a besoin de tout le monde sur Lyokô, en ce moment plus que jamais, continua l'adolescente en dégageant une mèche rose de son front, sans compter qu'on approche tous plus ou moins de nos 18 ans ! Plus le temps passe et plus la virtualisation devient risquée pour chacun d'entre nous ! Raison pour laquelle je pense m'atteler à une refonte complète de ce programme…

Des cris de stupeur accueillirent cette annonce. Odd et Yumi échangèrent un regard interloqué : depuis l'époque du collège, c'était de loin le projet le plus audacieux dont Aelita leur ait jamais fait part !

- Tu…Tu penses vraiment pouvoir faire mieux que ton père ? objecta Eva en haussant un sourcil, c'est… Aelita je pense honnêtement que même pour toi ça relève du miracle !

- Elle a raison, surenchérit son petit-ami, cette fois-ci il ne s'agit pas d'extraire de trouver le bon programme du Supercalculateur comme la Matérialisation ou le Retour vers le Passé ou le Code Scipion pour aller dans le 5ème territoire ! Là tu vas vraiment devoir réinventer tout le système de la Virutalisation ! Et seule qui plus est !

L'adolescente aux cheveux roses pinça les lèvres. Elle avait beau être entièrement d'accord avec ce qui lui disaient ses amis, s'entendre ainsi reprocher son manque d'efficacité de façon aussi directe avait quelque chose de blessant…

- J'ai bien conscience du fait que ce soit compliqué ! s'exclama-t-elle, d'accord, peut-être même impossible –corrigea-t-elle en croisant le regard d'Odd- mais il faut tenter le coup ! Sinon dans quelques mois la Green Phoenix va se retrouver avec le champ libre pour agir et cette fois pas de Retour vers le Passé possible pour sauver quelqu'un s'il y a un souci avec la rematérialisation !

Yumi fronça les sourcils, interpellée.

- Attends voir un peu Aelita, je crois que tu trompes d'objectif.

La jeune fille aux cheveux roses se tourna vers la japonaise, surprise. Celle-ci affichait le même visage dur que celui qu'elle avait eu lorsqu'elle lui avait annoncé le rallumage du Supercalculateur, au Kiwi Bleu.

- Le priorité c'est de parvenir à vaincre la Green Phoenix le plus vite possible ! Après ce qui est arrivé avec Stéphanie je pensais que ce serait clair ? –l'interpellée se renfonça dans son fauteuil, gênée- D'accord pour agir vite mais pas pour réfléchir à un moyen de faire durer l'aventure encore plus longtemps ! On ferait mieux d'accélérer le mouvement pour libérer Angel et en finir une bonne fois pour toute avec cette histoire avant qu'on n'en ait plus la possibilité ! Non ?

Aelita s'apprêtait à répliquer mais Odd préféra l'interrompre une fois de plus.

- Yumi n'a pas tord, lui lança-t-il avec un regard coupable, à t'entendre on dirait que tu penses qu'on va continuer à se battre jusqu'à nos 50 ans ! Il faut mettre un terme à cette histoire au plus vite…

La remarque du jeune homme au béret frappa l'adolescente avec la violence d'un coup de poing. Les semaines passant, elle avait fini par prendre pour acquis le fait que ses amis seraient toujours à ses côtés dans cette histoire de Supercalculateur et de Green Phoenix. Elle avait oublié qu'avant que Stéphanie et Mathieu ne rallument l'ordinateur, tous souhaitaient oublier leur passé de Lyokô-guerriers le plus vite possible. La plupart ne se parlaient même plus depuis des mois ! Yumi comme Odd et Eva s'étaient lassés de jouer les héros depuis bien longtemps…

Elle seule avait conservé cette rage, cette volonté de se battre contre ce qui avait ruiné sa vie et celle de ses parents. Elle ne pouvait se permettre d'en exiger autant de la part de ses amis après tout… Ils avaient beau se sentir aussi responsables qu'elle, aucun ne serait jamais autant concerné qu'elle l'était.

Avec un hochement de tête triste, elle abdiqua face aux regards des autres.

- Très bien… admit-elle avec difficulté, dans ce cas je vais m'acharner à trouver un moyen d'infiltrer la Faille. On verra pour le reste ensuite.

Odd lui adressa un sourire désolé tandis que Yumi affichait un air soulagé.

- Mais, poursuivit Aelita, pas décidée à abandonner la partie pour autant, dans ce cas je pense qu'on devrait pousser Ulrich à rejoindre nos rangs de nouveau. On a besoin d'un combattant de plus, vous ne pouvez pas le nier !

Le soulagement de la japonaise s'effaça aussitôt de son visage. Mathieu, lui, avait rougit violemment à l'idée de se retrouver plus souvent en contact avec le beau gosse de Première L. Ce fut Odd qui finit par rompre le silence consterné, les sourcils froncés en une expression contrariée.

- Aelita, même s'il nous a aidé pendant que Stéphanie était à l'hôpital je doute que ce soit une bonne idée… Tu l'as entendu au Kiwi Bleu la dernière fois en plus : il ne veut plus avoir affaire à quoi que ce soit qui ait trait à Lyokô ! Et il sort avec Sissi ! Ça serait plus un poids qu'autre chose d'avoir la fille du principal sur le dos, tu ne crois pas ?

- En fait, je pense qu'Aelita a peut-être raison pour le coup, répliqua Yumi à l'incrédulité générale avant de rosir légèrement face à ses propres paroles, je veux dire… Quand je lui ais parlé avant le Retour vers le Passé la dernière fois il n'avait plus l'air aussi sûr de son choix qu'à l'origine, il m'a même posé des questions sur Lyokô ! Et on ne peut pas nier qu'il a toujours été un excellent combattant…

La japonaise était bien placée pour le savoir, ayant rencontré Ulrich à leur cours commun de Penchak Silat au collège et celui-ci ayant réussi à l'égaler niveau puissance plus d'une fois !

- J'ai senti son hésitation à l'hôpital aussi, affirma Eva avant de se rétracter face au regard de reproche de son petit ami, enfin… Quoi qu'il en soit c'est à lui de voir ! S'il a décidé de ne plus nous rejoindre on n'y peut rien.

Une sonnerie retentissante empêcha Aelita de répliquer. La reprise des cours venait d'être annoncée par la cloche et, déjà, la plupart des élèves se pressaient en rechignant en direction de la sortie du foyer, laissant en place babyfoot et télé allumée. La jeune fille aux cheveux roses soupira et se leva, s'emparant de la télécommande qui gisait dans le renfoncement d'un canapé pour éteindre l'appareil, gagnant ainsi du temps. Les autres Lyokô-guerriers traînèrent également du pied si bien qu'ils se retrouvèrent rapidement seuls au milieu du foyer désert, leur sac respectif sur les épaules.

- Écoutez, reprit Aelita une fois que la clameur de la foule des élèves se fut un peu atténuée, on vient juste de subir un gros choc émotionnel avec ce qui est arrivé à Stéphanie et j'ai peut-être eut tord de vouloir aborder la suite des événements avec vous aussi tôt… On va en reste là pour le moment ! Essayez de bien vous reposer ce soir parce que demain il faut qu'on mette au point un plan de façon définitive !

Tous approuvèrent avant de sortir à leur tour du foyer des internes, Eva et Odd partant en direction des salles d'SES, Yumi et Stéphanie –plus amicales que jamais malgré une certaine gêne- en direction du bâtiment des langues et Mathieu attendant Aelita sur le pas de la porte.

La jeune fille jeta un dernier coup d'œil circulaire à la pièce chaleureuse avant de sortir à son tour et de rejoindre son camarade qui la dévisageait d'un œil inquiet.

- Tout va bien ? s'enquit-il alors que l'adolescente refermait la porte derrière elle, tu avais l'air plutôt stressée… C'est à cause de ta rupture ?

- Pas vraiment, soupira Aelita en se grattant la tête, je pense plus à la Green Phoenix qu'à mon ex-petit-ami en ce moment…

Devant le regard dubitatif de Mathieu, elle finit cependant par céder, alors qu'ils s'enfonçaient sous les colonnes de Kadic, en direction de la salle de mathématiques.

- En fait j'ai déjà demandé à Ulrich de revenir avec nous, soupira-t-elle d'un ton coupable, juste avant le Retour vers le Passé… J'espère que j'ai eu raison.

Le jeune homme ne répondit pas tout de suite, se contentant de fixer le sol dallé défilant sous ses pieds d'un air songeur. Il laissa passer quelques secondes avant de finalement reprendre la parole, pesant chaque mot.

- Je pense, dit-il sans une once d'hésitation dans la voix, que tu es une bonne meneuse. Sincèrement. Tu prends toujours les meilleures décisions pour nous et tu fais de ton mieux pour tous nous aider. Tu devrais te poser moins de questions et avoir un peu plus confiance en ton jugement.

Son discours bouleversa profondément la jeune fille qui se stoppa subitement sur place, écarquillant ses grands yeux verts de surprise. Comment avait-il pu lire en elle si facilement ? Déceler ses doutes et ses interrogations alors qu'elle avait tout fait pour ne rien laisser transparaître depuis sa crise de nerfs face à Odd à l'hôpital ?

Interdite, elle se contenta de le suivre dans la salle de classe où leur professeur était déjà installé à son bureau, prêt à faire cours. Thomas lui lança un bref regard assassin depuis sa place avant de fixer obstinément le tableau derrière elle. Aelita réprima un froncement de sourcil agacé et suivit Mathieu jusqu'à leur place dans le coin opposé. Cela faisait longtemps qu'elle et le jeune homme ne s'étaient pas retrouver assis côte à côte en cours et la jeune fille commençait à se rendre compte à quel point cela lui avait manqué.

Discrètement, elle jeta un coup d'œil en biais à son ex-petit-ami mais celui-ci continuait à l'ignorer avec superbe. Aucune trace de larmes n'était visible sur son visage. Au moins avait-elle la confirmation que sa décision ne l'avait pas plus fait souffrir que cela…

- Tu crois que j'ai eu tord… ? murmura-t-elle à l'adresse de son voisin de table tandis que Monsieur Chardin entamait d'une voix monocorde son cours sur la Décolonisation, de larguer Thomas je veux dire…

Mathieu fit mine de se pencher vers son sac pour y rechercher quelque chose afin de répondre en toute discrétion :

- Si ça avait été pour les raisons que tu as énoncées aux autres –ces histoires de Supercalculateur et tout ça- oui je penserais que ce serait une erreur. Mais on sait tous les deux que tu avais autre chose en tête lorsque tu l'as plaqué, n'est-ce pas ? Ou plutôt quelqu'un d'autre !

Aelita le dévisagea d'un air surpris, feignant l'incompréhension. Pas dupe, l'adolescent se redressa, pressant la paume de sa main un petit carré de papier brillant, aux bords jaunis, visiblement froissé. Le cœur de la jeune fille rata un battement sans qu'elle ne comprenne pourquoi. Ce ne fut que lorsque le jeune homme lui tendit l'objet que le flux de sentiments la submergea, manquant de lui arracher un sanglot. Face à elle, lui souriait la photo légèrement décolorée de deux enfants d'à peine plus d'une douzaine d'années, deux enfants qu'elle identifia sans peine par ses cheveux roses pour l'une et par sa raie blonde impeccable pour l'autre. Elle et Jérémie le soir de sa matérialisation sur terre, près de quatre ans auparavant. Il s'agissait de la fameuse photo qui avait causé à la fois le début et la fin de sa relation avec la personne qui restait toujours aujourd'hui un des êtres les plus importants à ses yeux.

Ses doigts se refermèrent de manière compulsive autours de la photo, sans qu'elle parvienne à les desserrer, comme si s'y accrocher pourrait faire revenir Jérémie auprès d'elle, l'aider à revenir en arrière pour tout arranger. Comme si ce simple rectangle de papier glacé pouvait avoir plus d'effet qu'un Retour dans le Temps du Supercalculateur.

En cet instant précis, ne le regard froid de Thomas dans son dos, ni le cours de leur professeur, ni l'air condescendant de Mathieu n'importaient plus que ces deux simples visages d'enfants, riant à gorge déployée, figés dans le temps à la surface froissée de cette photo. Toute la colère qu'elle avait pu éprouver pour ce témoignage de leur passé inexistant semblait s'être envolé au cours des quelques mois d'absence de Jérémie pour ne plus laisser place qu'à un profond regret au fond de son cœur, meurtris par l'amour et la vie dont on l'avait privée.

- Jérémie l'avait jetée à la poubelle le soir de son départ de Kadic, mais j'ai préféré le récupérer, se justifia Mathieu alors qu'Aelita l'écoutait à peine, plongée dans la contemplation de ce moment heureux qui lui semblait si lointain désormais, je me suis dit que tu pourrais en avoir besoin un de ces quatre, ou au moins vouloir la revoir une dernière fois…

Aelita ouvrit la bouche sans parvenir à répondre quoi que ce soit. Elle aurait voulu dire à Mathieu à quel point cette attention la touchait. A quel point elle la troublait aussi, embrouillant encore plus ses sentiments déjà mis à mal. Comment pouvait-elle ressentir à la fois tant de peine et de joie à la vue d'une simple photo, qu'elle avait par ailleurs si ouvertement abhorrée auparavant ? Les raisons l'ayant poussée à critiquer cette empreinte de son passé lui paraissaient bien obscures aujourd'hui… Qu'avait-elle eu à reprocher à Jérémie au juste ?

- Merci… parvint-elle finalement à lâcher en pressant la photo contre son cœur.

Un rappel à l'ordre de leur professeur empêcha Mathieu de répondre et les deux adolescents se tinrent à carreau durant le reste de l'heure, évitant de s'attirer les foudres de l'enseignant. Pourtant, aucun des deux ne parvenait véritablement à s'intéresser au cours. En effet quel poids pouvait bien avoir un lointain colonialisme passé sur le cœur de deux jeunes adultes en pleine remise en question ?


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Ce soir-là, alors que la lumière du soleil commençait à décliner à l'horizon, Aelita choisit de faire un détour pour rentrer chez elle. Pour la première fois depuis des années, elle s'aventura dans cette petite ruelle bordée d'épais massifs de fleurs qu'elle et Jérémie avait emprunté ce fameux soir –le premier de sa nouvelle vie sur Terre.

Le temps avait suivi son cours tandis qu'Aelita s'affairait à oublier cette sombre et magnifique époque, et elle eut du mal à retrouver son chemin dans un premier temps, hésitant à chaque embranchement de longues minutes, la photo jaunie toujours serrées dans son poing, son sac en bandoulière sur l'épaule. L'endroit était aussi calme que dans ses souvenirs, et l'air embaumait sous l'effluve des jardins soigneusement entretenus.

Pendant un bref instant d'égarement, la jeune fille se demanda comment les fleurs pouvaient être aussi nombreuses en cette période de l'année. L'entretien régulier des habitants n'expliquait pas tout…

Un bruit de voiture la tira de ses réflexions et elle déboucha dans une rue fortement fréquentée, bordée d'immeubles et de centres commerciaux. Son cœur s'emballa alors qu'elle reconnaissait les deux petites échoppes de l'autre côté de la route. Comment aurait-elle pu les oublier ? Ce lieu était à jamais graver dans son esprit.

Aelita dut trépigner d'impatience encore quelques secondes, fébrile, ses doigts tremblant nerveusement autours de la photo, avant que le feu ne passe au vert, lui permettant de traverser. La première fois qu'elle s'était rendue ici, il faisait nuit depuis plusieurs heurs et la circulation était si peu importante que Jérémie et elle ne s'étaient guère encombrés avec des détails tels qu'un feu tricolore ou un passage pour piétons.

La jeune fille ralentit l'allure alors que les contours de l'habitacle de métal rectangulaire se dessinait face à elle, son rideau rouge, légèrement rapiécé, flottant légèrement au vent. Des carrés de photos avait été accrochés à la surface du photomaton. Dans les souvenirs d'Aelita, ils étaient moins nombreux… Les clients avaient du enrichir la collection au fil des années.

Du bout des doigts, l'adolescente aux cheveux roses effleura l'étoffe, frissonnant au contact doux du tissu. A bien y regarder, c'était un vieil appareil, probablement peu utilisé. Les coins de la porte commençaient à rouiller légèrement face à l'humidité de la ville.

Se laissant guider par la douloureuse vague de nostalgie qui l'envahissait à mesure qu'elle redécouvrait le vieux photomaton, elle laissa sa main introduire les quelques pièces nécessaires dans la fente de l'appareil, avant de se glisser dans l'habitacle, un peu hébétée. Celui-ci, avec sa lumière jaunâtre hésitante, lui paraissait bien plus étroit qu'à l'époque.

Une série de flash retentit, éblouissant la jeune fille avant qu'elle n'ait eu le temps de se raviser. Des phosphènes flottant devant ses yeux, elle resta immobile encore de longues minutes sur le siège du photomaton, l'écho des rires de son passé ayant résonné dans cette même cabine retentissant dans sa tête. Tant d'années avaient passé et tant de choses avaient changé entre-temps… Cette petite fille naïve qui avait su rire si facilement ce soir-là avait-elle réellement un quelconque rapport avec elle ?

Ce ne fut que lorsque ses jambes commencèrent à s'engourdir qu'Aelita prit conscience de la pression qu'elle exerçait sur ses genoux avec ses poings crispés. Dans un ultime effort, elle se releva et écarta le rideau vivement, désireuse de fuir au plus vite ce lieu empli de souvenirs si heureux qu'ils se changeaient en une véritable torture pour elle.

Clignant des yeux à la lueur du soleil couchant, elle attrapa le rectangle de papier photo qui venait de glisser d'une des fentes du photomaton. La Aelita qui lui rendit son regard lui parut subitement avoir une dizaine d'année de plus, tant elle semblait triste et fatiguée. Mais ce qui la frappa le plus fut ses lèvres. Serrées, tremblotantes, désespérément figées dans ce masque de désespoir. Le sourire de sa version passé lui semblait tellement inaccessible désormais…

- Pitoyable, souffla-t-elle avec colère, froissant ne boule la série de photos avant de la jeter dans la poubelle la plus proche. Elle n'avait pas besoin d'un autre souvenir douloureux.

Fourrant la photo de Jérémie dans la poche de son blouson, elle se hâta en direction de son immeuble, la tête baissée pour se protéger du froid mordant, mettant un maximum de distance entre elle et le photomaton le plus vite possible. Elle ne voulait pas affronter son passé, pas plus que ses sentiments. Pas ce soir… Elle s'était déjà suffisamment remise en question avant le Retour vers le Passé après tout ! Pourquoi une bête photo devait-elle avoir un tel impact sur elle ?

« C'est justement ça le problème, ne put-elle s'empêcher de penser en tournant à un carrefour, si ce n'est qu'une bête photo, pourquoi a-t-il fallu que je m'énerve à ce point contre Jérémie à cause d'elle ? Au point de rompre… ».

Elle n'eut guère d'occasion de pousser sa réflexion plus loin, ayant atteint le pas de la porte de son HLM. Sans prendre la peine d'user de sa clef, elle fit coulisser le battant, dont la serrure était cassée depuis des semaines, et préféra emprunter l'escalier à l'odeur miteuse plutôt que prendre l'ascenseur. Marcher l'aidait à occuper son esprit.

Perturbée comme elle l'était, elle ne se rendit pas tout de suite compte que quelque chose clochait en rentrant dans son appartement. Ce ne fut qu'une fois qu'elle eut traversé le couloir qu'elle se rendit compte que l'habitation était plongée dans la pénombre. Une vague d'inquiétude la submergea subitement. La première fois qu'elle avait vécu cette journée avant le Retour dans le temps, les choses ne s'étaient pas déroulées ainsi… Le cœur battant si fort qu'il menaçait de lui fêler une côte, elle consulta l'heure sur son téléphone. Sa mère aurait déjà du être rentrée du travail à cette heure-ci ! Pourquoi tout était-il éteint dans ce cas-là cette fois ?

Tentant tant bien que mal de ne pas céder à la panique, elle se rua vers le salon avant de laisser échapper un soupir rassuré. Anthéa Stones était bien là, installée sur une chaise, un verre de vin à moitié vide posé sur la table en face d'elle.

Le bref soulagement qu'avait éprouvé Aelita en voyant sa mère s'estompa aussitôt. Là aussi il y avait quelque chose de bizarre. Elle ne se souvenait pas avoir retrouvé sa mère dans cette étrange position lors de l'autre mardi. Et pourquoi y avait-il une bouteille d'alcool en face d'elle ?

En l'entendant pénétrer dans la pièce, la femme aux longs cheveux roses emmêlés leva un regard vitreux vers sa fille. Elle paraissait perdue.

- Maman… ? murmura Aelita d'un ton inquiet en s'approchant lentement, ça ne va pas ?

- Je crois qu'il faut que nous discutions jeune fille… lâcha Anthéa d'une voix parfaitement claire malgré son trouble apparent.

L'adolescente fronça les sourcils. Il y avait quelque chose d'intrigant dans le son de la voix de sa mère. Quelque chose de lugubre.

- A…A quel sujet ? s'enquit-elle sans oser s'approcher, brusquement soupçonneuse.

Le regard que lui lança sa mère en réponse la glaça d'horreur tandis que la réponse s'échappait de sa bouche, la transperçant de part en part tel un épieu glacé :

- A propos du Retour dans le Temps que tu viens de lancer.


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Scarlet traversa le couloir immaculé d'un pas brusque, ses hauts talons noirs claquant sur le sol. La porte d'un blanc nacré coulissa et elle se retrouva dans son bureau. Elle y accorda à peine un regard cependant et rejoignit le panneau d'un noir profond à l'autre bout, qu'elle entreprit d'ouvrir d'un geste rapide, presque instinctif.

Franchir le boyau plongé dans la pénombre ne lui prit que quelques secondes et elle ne tarda pas à déboucher dans la gigantesque salle du Supercalculateur, dans laquelle une effervescence rare régnait. Des dizaines de scientifiques discutaient à voix hautes entre eux, d'un ton paniqué pour la plupart. Sur l'écran géant au centre de la pièce, défilaient des colonnes de chiffres qui clignotait d'une lueur sanguine, accompagnant un son d'alarme tonitruant.

Sans prendre garde à la panique de ses employée, la meneuse de la Green Phoenix s'approcha de l'interface auxiliaire la plus proche et entreprit de couper la sirène, ramenant le calme au sein de la pièce. Aussitôt, les informaticiens se turent, et un silence glacé envahit le lieu.

Scarlet se redressa lentement, toisant de son éternel regard froid le visage, sous le choc, de ses employés. Aucun n'osait prononcer un mot, ni même esquisser le moindre mouvement, de peur de s'attirer son courroux. Pas un souffle ne se faisait entendre.

La jeune femme prit quelques secondes pour apprécier l'effet que sa présence pouvait avoir sur l'ensemble de la Green Phoenix avant de héler l'informaticien le plus proche. Il s'agissait du même jeune homme aux lunettes qui avait dirigé la virtualisation d'Angel Mower.

- Que s'est-il passé ? questionna-t-elle d'une voix dénué de toute expression, plus effrayante encore que si elle avait été emplie de colère, pourquoi cette alarme ?

- Les capteurs d'un de nos Supercalculateur ont détecté quelque chose, répondit l'employé sans se laisser démonter, pianotant sur l'écran tactile face à lui pour afficher l'historique de l'ordinateur, une sorte d'anomalie dans la courbe de l'espace-temps… Ça n'a durer qu'une seconde mais c'était bien présent !

- C'est la première fois dans toute l'histoire de la Green Phoenix que nous sommes à même d'identifier un tel phénomène ! continua une femme entre deux âges vêtue d'une blouse blanche, enhardie par l'attitude de son collègue, pour le moment nous ne pouvons que supposer bien sûr, mais selon toute vraisemblance il s'agirait…

- …D'un Retour dans le temps, acheva à sa place Scarlet, une étrange expression sur le visage, presque amoureuse, proche de la fascination, comment a réagi le sujet Angel face à ce phénomène ?

L'informaticien à lunettes pianota un instant sur un clavier annexe, les lèvres pincées, visiblement vexé d'avoir été interrompu dans son discours par sa collègue. Une nouvelle série de chiffres incompréhensibles pour un néophyte apparut sur l'écran principal.

- Il a subi une brusque perte de puissance à l'instant précis où nos capteurs ont détecté cette anomalie, commenta-t-il, le visage à ras de l'écran, analysant les données se reflétant à la surface des verres de ses lunettes, et n'a pas récupéré depuis…

Une seconde femme en blouse blanche, qui se tenait jusqu'à présent en retrait du côté des deux prototypes de scanners, s'avança en direction de Scarlet, s'adressant à elle d'un ton ampoulée :

- En fait mon équipe –chargée de surveiller le sujet et son évolution dans le monde virtuel- est parvenue à une conclusion différente mademoiselle.

Elle prit le temps d'adresser un sourire goguenard à l'informaticien qui la fusilla du regard. Scarlet s'éclaircit la gorge. Elle n'avait pas le temps pour ces enfantillages.

- Poursuivez ! ordonna-t-elle d'un ton sec.

Le sourire disparut aussitôt des lèvres de la scientifique et se fut sur un ton nettement plus humble qu'elle continua son exposé, feuilletant fébrilement les pages d'un rapport qu'elle tenait entre ses doigts en forme de serres.

- Depuis la détection de l'anomalie, nos ordinateurs ont enregistré une légère augmentation de la puissance d'Angel. Celle-ci est d'ailleurs en train de croître de manière régulière d'après nos derniers relevés… Comme s'il venait de lancer une attaque contre Lyokô. Pourtant nous ne lui en avons aucunement donné l'ordre !

- Non, bien sûr que non… Pas dans cet espace-temps, murmura Scarlet plus pour elle-même que pour ses hommes.

Son brillant esprit avait de lui-même analysé la situation, lui permettant de tirer au clair toute cette histoire. Il était évident que la fille de Schaeffer avait reprit du service, de l'autre côté de la Faille, cela ils avaient pu le découvrir lors de leurs deux précédentes attaques avortées. Rien ne l'empêchait par ailleurs d'user des fantastiques capacités du Supercalculateur de son père qu'eux-même, la Green Phoenix, ne parvenaient à reproduire qu'avec difficulté et de façon amoindris. Le Retour dans le Temps restait de loin le programme le plus complexe auquel ils aient pu avoir affaire et aucun de ses chercheurs n'avait été en mesure de procéder à sa conception au cours des mois passés.

Un rictus étira les lèvres de la jeune femme alors qu'une nouvelle idée germait dans sa tête. Si sa théorie se révélait exact, cela voulait dire qu'ils avaient été en mesure de porter un coup efficace à la fille de Schaeffer ! La victoire n'avait été que repoussée pour cette fois mais cela n'était plus qu'une question de temps désormais…

- Pensez-vous qu'Angel ait pu agir de son propre chef malgré nos programmes inhibiteurs ? s'enquit la scientifique en dévisageant Scarlet d'un air interrogateur.

- Impossible ! rétorqua l'informaticien aux lunettes à la place de sa patronne, nous avons effectués des simulations plus d'une centaine de fois avant de les valider ! Un simple adolescent, aussi déterminé soit-il, serait incapable de lutter contre eux une fois dans la matrice de nos Supercalculateurs… Le Projet ENDO est parfait en tout point !

- Je suis d'accord, approuva Scarlet avant que la femme n'ait pu répliquer avec hargne, pour moi c'est un coup de la fille de Schaeffer… Nous avons du lancer une attaque avant qu'elle-même n'use du Retour dans le Temps du Supercalculateur abritant Carthage, voilà tout.

Un murmure d'approbation parcourut le rang des scientifiques.

- Ça expliquerait la perte de puissance d'Angel, surenchérit le jeune informaticien, essuyant les traces de sueur sur ses lunettes à l'aide de sa blouse, les données volées au Supercalculateur de Lyokô ont pu nous confirmer il y a déjà bien longtemps qu'aucun monde virtuel n'est affecté par les courbures de l'espace-temps de notre monde à nous.

Scarlet hocha la tête d'un air grave. Le sujet Angel aurait tôt fait de récupérer sa puissance. En attendant, cela les empêchait de lancer une nouvelle attaque pour plusieurs jours… Il fallait réfléchir à une nouvelle approche d'urgence…

- Je vous laisse régler les derniers détails techniques, affirma-t-elle en faisant volte-face, ses cheveux étincelant à la lueur des néons, prévenez-moi s'il y a du nouveau… Et à l'avenir ne me dérangez plus pour une alerte aussi futile et apprenez à vous servir de vos têtes. Nos adversaires ne manquent pas de ressources, même s'ils ne sont que des adolescents, souvenez-vous en !

Et, sur ces sèches paroles, elle s'éloigna en direction du couloir menant à son bureau, suivis des yeux par ses employés, interdits et apeurés. Une ambiance glaciale venait de tomber sur les scientifiques et cela n'avait rien à voir avec le froid mordant de la pièce cette fois-ci. Il s'était dégagé de la voix de la dirigeante de la Green Phoenix une véritable menace, quelque chose de profondément inquiétant. Tous sentaient que si la prochaine attaque avortait comme les précédentes, la colère de Scarlet serait terrible, et des têtes tomberaient sans nul doute !

En proie à leur terreur sourde, aucun des scientifiques ne prit garde à l'écran de veille qui venait de s'afficher sur leur ordinateur, faisant défiler en boucle toujours les mêmes photos : celles d'une jeune fille aux cheveux roses, d'un jeune homme blond doté d'une paire de lunette, d'un adolescent au look bigarré, d'un lycéen au look d'athlète, d'une japonaise à l'air sombre, et d'une américaine aux yeux d'un bleu troublant.

La mention « à éliminer » figurait juste en dessous de chacune de ces têtes, clignotant avec autant d'intensité qu'un signal d'alarme, tel un sinistre présage pour les Lyokô-guerriers, à cent lieux d'imaginer les dangers qu'ils encourraient.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:01   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 30 :

Épisode 129 : Le retour des atouts_



Aelita resta figée sur place, profondément choquée. Les paroles de sa mère mirent un moment avant de pénétrer son esprit embrumé. Comment pouvait-elle se souvenir du Retour vers le Passé ? Elle avait bien prit soin de ne pas enregistrer sa ligne de mémorielle, comme elle l'avait expliqué à Ulrich… Alors pourquoi ?

Une lueur de compréhension traversa soudain son regard vert.

- Tu m'as piégée ! s'exclama-t-elle alors que la colère supplantait de nouveau la surprise, tu t'étais déjà enregistrée dans les scanners avant qu'on arrive et tu voulais me tester en me demandant de le faire ! Tu n'avais pas confiance en moi dés le début !

- J'ai eu raison, il me semble ! répliqua Anthéa Stones en faisant grincer les pieds de sa chaise sur le parquet, si je n'avais pas pris cette précaution tu n'aurais pas hésité à m'effacer la mémoire ! C'est plutôt toi qui n'avait pas confiance en moi…

Aelita ravala bien vite le sentiment de culpabilité qui commençait à l'étreindre, agacée par les paroles de sa mère.

- Tu ne m'as pas laissé le choix je te signale ! s'offusqua-t-elle en croisant les bras, ses yeux lançant des éclairs, tu voulais éteindre le Supercalculateur et tout raconter au gouvernement ! Je ne pouvais pas te laisser mettre tout le monde dans le pétrin, pas après toutes ces années !

Pendant un instant, il lui sembla qu'Anthéa, rougissant sous l'effet de la colère, allait répliquer. Mais celle-ci se contenta, à sa grande surprise, de se laisser retomber sur sa chaise, fixant son verre d'un regard las.

- Tu ne changeras pas d'avis je suppose ? railla l'ancienne informaticienne d'un ton triste, tu voudras nous protéger nous deux et tes amis jusqu'à la fin, n'est-ce pas ?

Pour le coup, la colère d'Aelita s'estompa quelque peu, sans disparaître pour autant. Elle ne s'était pas attendue à voir sa mère capituler aussi vite ! Pour la première fois, elle voyait à quel point sa mère avait pris de l'âge pendant qu'elle-même restait prisonnière de son corps d'enfant pendant prêt de dix ans. Elle lui paraissait nettement plus âgée en cet instant précis, avec cet air épuisé sur le visage.

Aelita réalisa brusquement qu'Anthéa avait eut tout le loisir de réfléchir après le Retour dans le Temps, pendant qu'elle-même était bloquée au lycée.

- Au moins tu as fini par comprendre ça, répliqua-t-elle en tirant une chaise à elle avant de s'y laisser tomber.

Sa mère eut un léger rictus.

- Ce n'est pas pour autant que j'approuve ta décision… Cette histoire reste trop dangereuse pour de simples adolescents, tu crois peut-être savoir dans quoi tu t'embarques mais tu te trompes… Tu n'as pas travaillé pour la conception du Projet Carthage ni été enrôlée de force comme agent de la Green Phoenix pendant 15 ans ! Tu ne sais pas qui sont tes adversaires ni ce dont ils sont capables !

- Je sais en tout cas qu'ils sont suffisamment sans pitié pour faire subir des lavages de cerveaux à ceux dont ils ont besoin ou pour enlever un adolescent, simplement pour arriver à leurs fins ! répliqua Aelita, ou même pour assassiner une personne se mettant en travers de leur route… J'ai été autant affectée que toi par l'assassinat de Madame Hertz, maman.

L'allusion à sa vieille amie secoua profondément Anthéa qui resserra sa prise sur son verre, menaçant de le briser. Malgré la pénombre ambiante, on pouvait très clairement voir qu'elle avait pâli.

Aelita, qui avait prévu de profiter de la transition pour aborder le sujet qui la préoccupait depuis longtemps, préféra s'abstenir. Elle ne voulait pas bouleverser sa mère plus que nécessaire en lui demandait quelle était cette chose qu'elle avait demandé à l'ancienne professeur de Sciences de rechercher.

Anthéa releva brusquement les yeux, une lueur songeuse au fond de ses iris bleus. Quelque chose semblait venir de l’interpeller.

- « Enlever un adolescent » tu dis… Comment ça ? questionna-t-elle d'un ton soupçonneux.

La jeune fille aux cheveux roses se mordit la lèvre. Elle en avait trop laissé échapper par inadvertance ! Un bref instant de réflexion suffit à la convaincre de tout déballer. Après tout, au stade où ils en étaient, sa mère serait rapidement au courant de toute l'histoire et il lui était impossible de revenir en arrière désormais

- Tu te souviens de Mathieu, le nouveau de ma classe ? lâcha-t-elle à contrecœur, sa mère approuva d'un bref signe de tête, en fait c'est lui qui a rallumé le Supercalculateur de papa. Une de ses connaissances de son ancien lycée, un prénommé Angel, a été enlevé par la Green Phoenix et, de fil en aiguille, il a fini par faire le lien avec l'usine.

Un vague de surprise traversa le visage d'Anthéa. Malgré elle, cette histoire l'intriguait.

- Un adolescent ? répéta-t-elle, consternée, mais pourquoi la Green Phoenix l'aurait-il enlevé ? Et puis d'abord comment se fait-il qu'elle soit de nouveau opérationnelle ? Elle est sensée avoir été entièrement démantelée après l'utilisation du Code Down sur leur base de données et l'arrestation d'Hannibal Mago.

Aelita poussa un profond soupir. Il y avait tant de choses que sa mère ignorait. Était-il réellement sage de tout lui expliquer ? Elle avait le sentiment que moins Anthéa en saurait et plus elle serait en sécurité. Sa génitrice avait au moins raison sur un point : trop de monde avait été impliqué dans cette affaire déjà par sa faute.

La femme aux longs cheveux roses pâles poussa un soupir, repoussant son verre de vin après une longue gorgée, pour se donner contenance.

- Aelita, si tu veux que je me forge une opinion globale de la chose, tu dois me dire tout ce que tu sais, expliqua-t-elle avec patience, et en échange j'en ferais autant… Dans un moment pareil nous avons besoin de tout sauf de nous disputer alors essayons de discuter entre adultes pour une fois, si tu le veux bien ?

L'adolescente redressa la tête, surprise. Si elle n'avait pas vu la bouche de sa mère bouger ainsi, elle n'aurait jamais cru que ces paroles aient pu venir d'elle. Elle qui tendait à la considérer comme l'enfant en bas âge qu'elle avait perdue des années auparavant depuis leurs retrouvailles ! Pourquoi un tel revirement ?

Les pupilles d'émeraude croisèrent celles, d'azur, d'Anthéa. Cette dernière se détourna rapidement, visiblement mal à l'aise. Nul ne doutait que prendre une telle décision avait du lui demander un effort exceptionnel.

- Quand je t'ai vue dans l'usine de ton père tout à l'heure – je veux dire, avant le Retour dans le Temps –, tenta de se justifier l'ancienne scientifique maladroitement, c'était la première fois que je te voyais aussi sérieuse, aussi déterminée… Pendant un bref instant j'ai découvert la jeune femme pleinement consciente de ses actes que je tentais de rejeter dans un coin de ma tête depuis des mois. Tu n'étais plus ma petite fille et j'ai pris peur. Je me suis rendu compte à quel point toute cette histoire de Projet Carthage m'avait empêché de te voir grandir, et j'ai craint de te perdre une fois de plus en laissant ce Supercalculateur allumé.

Aelita ouvrit de grands yeux, emplis de surprise. Elle avait beau réfléchir, c'était la première fois que sa mère se livrait à elle à ce point. Celle-ci continua sur sa lancée, déversant tout ce qu'elle avait sur le cœur avant de changer d'avis :

- Mais une fois de retour dans cet appartement j'ai fini par comprendre, poursuivit-elle, il est déjà trop tard pour rattraper les années perdues… Et m'opposer à ta décision ne servirait qu'à nous éloigner l'une de l'autre une fois de plus. Je dois accepter que les choses ont changé et mettre un terme à cette histoire une bonne fois pour toute ! C'est à cette seule condition que nous pourrons enfin être heureuses toutes les deux… Mais ça tu l'as déjà compris depuis longtemps, pas vrai ?

Un petit rire nerveux lui échappa. Aelita resta interdite, incapable de trouver quoi répondre à ce déluge de sentiments. Était-ce véritablement sa mère qui lui parlait en face d'elle ? Jamais elle ne l'avait vue aussi sûre d'elle, aussi prête à aller de l'avant…

Ce fut à ce moment précis que la jeune fille mit le doigt sur ce qui la tracassait depuis son retour dans l'appartement, en dehors de la lumière éteinte. Les photos de leur vie passée avaient disparues des murs et des meubles. Toutes sans exception. Celle d'elle et de son père assis côte à côte devant un piano, riant à pleine, celle prise un matin de noël alors qu'elle serrait dans ses bras un Mr. Puck tout neuf, celle où sa mère et son père se tenaient dans les bras l'un de l'autre, souriant à la vie.

Aelita se retourna brusquement vers sa génitrice, qui eut un petit haussement d'épaule triste. Son pendentif, celui ornementé aux initiales d'Anthéa Ael et de Waldo Schaeffer, avait disparu lui aussi de son cou.

- Maman… balbutia la jeune fille, incrédule, tu…

Mais l'ancienne scientifique l'interrompit d'un geste, laissant un sourire sincère poindre sur ses lèvres. Était-ce seulement la pénombre ou les rides d'Anthéa semblaient-elles s'être légèrement estompées, à l'image de ses blessures intérieures ? En cet instant précis, elle ressemblait plus à la mère dont elle se souvenait, figure rassurante et protectrice, qu'à cette femme brisée par la vie avec qui elle vivait depuis des mois.

Des larmes commencèrent à piquer les yeux de la jeune fille alors qu'elle réalisait que pour la première fois depuis qu'elles étaient réunies sa mère lui apportait son soutient entier. La phrase que lâcha Anthéa d'un ton doux suffit à l'achever :

- Je veux me battre moi aussi Aelita, je suis prête à vous rejoindre et à vous apporter mon aide. Alors dis-moi tout ce que tu sais, d'accord ?


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Ulrich sortit des douches des garçons en se frottant ses yeux, embrumés de sommeil. Les quelques gouttes d'eau chaude restées accrochés à ses mèches chocolats chutèrent au sol dans un petit « ploc » à peine audible. Il commençait à se faire tard, et les lumières du couloir de l'internat avaient déjà été éteintes, laissant à la lune et aux étoiles le loisir d'éclairer le passage.

Le jeune homme s'adossa un moment contre le battant de la porte, les yeux mi-clos, profitant de la quiétude nocturne qui enveloppait Kadic. Peut-être était-ce un effet secondaire du Retour vers le Passé, toujours était-il qu'il se sentait profondément épuisé ce soir-là.

Sissi l'avait évité tout l'après-midi malgré ses efforts redoublés. Sur ce point, le saut temporel n'avait rien changé : il avait été incapable de lui arracher le moindre mot au sujet de sa confrontation avec Mademoiselle Soprano et son père, à son grand désappointement. A croire qu'une quelconque force céleste s'acharnait contre lui et son couple.

Pour ne rien arranger, les paroles d'Aelita ne cessaient de tourner dans sa tête endolorie.

« Est-ce que tu souhaiterais… Nous apporter ton aide de nouveau ? ».

Il avait pris soin d'éluder la question à ce moment-là mais, contre toute attente, celle-ci ne cessait de revenir à l'attaque d'elle-même, comme si une petite voix au fond de lui s'amusait à la lui répéter constamment, telle une douce litanie. Une petite voix fort semblable à celle de l'adolescent qu'il avait été au collège…

Mais avait-il réellement changé depuis ?

Submergé par une vague de souvenirs dans laquelle les éclats de lame d'un katana virtuel étaient omniprésents, il ne prit pas garde au bruit de pas au bout du couloir se rapprochant de plus en plus.

Ce ne fut que lorsque William fut à hauteur du néon éclairant l'entrée de la salle de bain qu'Ulrich remarqua sa présence. Le jeune homme aux cheveux d'ébène se figea en l'apercevant à son tour, sa serviette sous le bras, et les deux adolescents se toisèrent un instant, visiblement surpris de se retrouver nez à nez.

C'était à peine s'ils avaient échangés quelques mots depuis l'extinction du Supercalculateur, et le fait que William sorte avec Yumi n'avait rien arrangé à leur relation, déjà plus que froide à la base.

Les deux jeunes garçons s'étaient copieusement haïs dés leur première rencontre au collège. Ils n'étaient que des enfants à l'époque, pourtant rien n'avait évolué depuis toutes ces années entre eux. Aimer la même fille avait de quoi éloigner les personnes aux caractères les plus semblables… Même la fin de la relation entre Yumi et Ulrich n'avait rien changé à cela : William resterait à jamais l'archétype du rival pour le jeune homme.

Un silence gênant s'installa, à peine rompu par le bruit discret des gouttelettes d'eau tombant des cheveux du beau brun.

- Tu allais à la douche à cette heure ? finit par lâcher Ulrich le premier, toisant son vis-à-vis de son regard glacé.

Son entrée au lycée lui avait assuré quelques centimètres supplémentaires et tous deux étaient de taille égale désormais. Pour une raison qu'il ignorait, William sembla gêné par cette remarque.

- Oui… répondit-il en détournant les yeux, je ne pensais pas croiser quelqu'un aussi tard… Il faut croire que même sur ce point j'ai eu tort. Désolé…

Ulrich haussa un sourcil surpris. Il n'y avait aucune trace d'animosité dans la voix du beau ténébreux, pour la première fois depuis des années. Il lui vint subitement à l'esprit que si lui n'avait pas tourné la page du point de vue de la compétition malgré tout ce temps passé, c'était peut-être le cas de William.

- C'était bizarre, hein ? ne put se retenir de lancer le jeune homme, toujours fuyant le regard de son ancien rival. Il y avait une consonance étrange dans sa voix, presque folle, le Retour dans le Temps…

Ulrich se figea. De tout ce dont il pensait pouvoir discuter avec William, le sujet du Supercalculateur restait celui auquel il s'était le moins attendu ! Désarçonné, il se contenta d'approuver vaguement, sans quitter le jeune homme des yeux. A bien y regarder, le beau brun lui paraissait très fatigué à la lueur des néons, et un peu plus petit que lui… Ou bien était-ce parce qu'il se tenait de façon si voûtée ? Comme accablé par une indicible douleur.

- J'ai vu que Stéphanie allait mieux en cours tout à l'heure, poursuivit-il sans se défaire de son ton éperdu, c'est une bonne chose… Yumi avait l'air heureuse !

Ulrich leva les yeux au plafond. C'était trop beau pour durer… A chaque fois qu'ils se croisaient ils ne pouvaient s'empêcher d'aborder l'épineux sujet de la japonaise à un moment ou à un autre !

La frustration accumulée tout au long de la journée finit par déborder en lui et il ne put s'empêcher de répliquer cette fois d'un ton cinglant :

- Pourquoi est-ce que tu l'as larguée ? Elle avait besoin de toi avec le rallumage du Supercalculateur et tout ça ! Tu n'es même pas venu à l'hôpital quand son amie était au plus mal !

William tourna un regard surpris en direction du jeune homme. Ses épais sourcils étaient froncés en une expression mêlant reproche et incrédulité… Les mêmes sentiments qu'il éprouvait pour lui-même ! Un soupir lui échappa.

- C'est elle qui ne voulait pas de moins dans l'aventure je te signale, répliqua-t-il d'une voix très calme, ça a toujours été le cas depuis le début, non ? Comment aurais-tu réagi toi-même si tu avais appris que ta petite-amie te cachait un truc aussi important que le rallumage de cet engin diabolique... ? J'en ai eu assez de me battre contre son manque de confiance en moi, voilà tout…

Une fois de plus, Ulrich se retrouva sans réponse. Après tout, c'était le manque de communication qui avait tué leur relation quelques mois auparavant ! Il ne comprenait que trop bien les sentiments de William… Yumi était une fille forte, gentille et profondément aimante… Mais c'était aussi quelqu'un de solitaire, une facette de sa personnalité parfois difficile à supporter, particulièrement dans une situation comme la leur. Même l'amour le plus profond et le plus sincère n'y avait pas survécu. Comment la résolution de William aurait-elle pu faire mieux que ses propres sentiments ?

Au fond de lui, il était désolé pour le jeune homme. C'était eux, les Lyokô-guerriers, qui lui avaient infligé de nombreux mois de souffrances en lui révélant l'existence du Supercalculateur, avant de lui tourner le dos sans le moindre remord. Un comportement bien puéril dont il avait honte aujourd'hui, bien qu'il eût préféré mourir plutôt que de lui avouer !

Une moue indécise vint étirer ses lèvres. L'attitude de William vis-à-vis de Yumi et des autres était facilement excusable, mais cet air de profonde souffrance qu'il arborait constamment depuis des mois lui était insupportable. Ils avaient tous soufferts à cause de Lyokô, pourquoi l'ex XANA-guerrier ressentait-il le besoin de se placer en victime dans ce cas ? Peu importait ses raisons, son comportement continuait à lui taper sur les nerfs !

- Aelita m'a proposé de me joindre au groupe de nouveau, lâcha-t-il avant d'avoir réussi à contrôler ses pensées.

William adopta un air incrédule. Il savait par Eva que le jeune homme ne s'était pas joint aux Lyokô-guerrier pour poursuivre la lutte, à son image. Pourquoi l'adolescente aux cheveux roses avait-elle cru bon de renouveler sa demande auprès de lui ?

- Et alors ? répliqua-t-il d'un ton ironique, qu'est-ce que tu comptes faire ?

La réponse franchit les lèvres d'Ulrich comme si, au fond de son cœur, il l'avait toujours sue, n'attendant que le bon moment pour l'accepter.

- J'ai eu le temps d'y réfléchir et… Je crois que je vais revoir mon jugement et accepté ! lâcha-t-il d'un ton décidé, je ne peux plus me soustraire aux responsabilités que j'ai décidé d'endosser il y a presque cinq ans aujourd'hui…

William marqua une pause avant de répondre, dévisagea de son regard d'un noir profond la silhouette musclée du jeune homme qui se trouvait face à lui. La détermination de son passé semblait de nouveau suinter par chaque pore de sa peau… Et cela le dégoûtait profondément !

- Super… lâcha-t-il en grinçant des dents, je te souhaite bien du plaisir… Maintenant tu m'excuseras, mais j'étais parti pour me doucher à la base.

Ulrich suivit des yeux le jeune homme le contourner pour atteindre la porte de la salle de bain, le frôlant de peu. La tension était palpable entre eux, pourtant, pour la première fois depuis des années, Yumi n'en était pas la cause.

- Je t'ai toujours respecté tu sais, balança Ulrich juste avant que William ne referme la porte derrière lui. Celle-ci s'immobilisa à quelques centimètres à peine de l'encadreur. On pouvait deviner le souffle roque du jeune homme de l'autre côté du battant, et détesté aussi c'est vrai, avec tes airs de charmeur et ta tendance à te donner le beau rôle, mais s'il y avait bien une chose que je respectais chez toi c'était ton courage… C'est bien pour ça que j'ai accepté de te laissé rejoindre notre bande malgré nos différents ! Ne me fait pas regretter cette décision.

La porte se rouvrit brusquement sur un William au visage déformé par la rage. Sa serviette et ses affaires avaient été violemment jetés au sol. Le bruit du battant propulsé contre le mur raisonna longtemps à travers le couloir.

- Qu'est-ce que c'est supposer vouloir dire, que je te parait lâche juste parce que je veux me tenir éloigné de toute cette merde !? éructa-t-il tandis qu'Ulrich supportait son regard empli de colère sans ciller.

- Peut-être bien… répliqua-t-il d'un ton aussi calme que possible, ou peut-être que j'essaye simplement de te faire comprendre ce que j'ai mis plusieurs mois à accepter moi-même. Réfléchis bien William, c'est tout…

Pendant un instant, l'adolescent ouvrit la bouche comme pour répliquer. Puis, au dernier moment, il se ravisa, semblant s'affaisser sur lui-même, recouvrant ce masque de désespoir qu'il portait depuis que ses cauchemars le hantaient. L'instant d'après, la porte de la salle de bain des internes se referma sur lui dans un ultime « clac » sonore.

Ulrich resta un moment seul face à la porte, alors que le néon au dessus de lui grésillait, semblant hésité à s'éteindre, avant de s'éclipser vers le dortoir qu'il partageait avec Odd, craignant l'arrivée d'un quelconque pion, attiré par le raffut.

Il retrouva son compagnon de chambre affalé sur son lit, les écouteurs d'un I-pod violet branchés à plein volume dans les oreilles, un devoir d'SES à moitié bâclé posé devant lui sur le coussin. L'adolescent aux cheveux blond, ordinairement enduits de gel, ne prit pas la peine de relever la tête à son arrivée, se contentant de rayer négligemment une phrase sur son bout de papier, déjà abondamment raturé.

Voir Odd travailler, ne serait-ce qu'à moitié, était un spectacle suffisamment rare en lui-même pour interpeler l'attention d'Ulrich. Celui-ci émit un discret raclement de gorge pour attirer l'attention de son ancien ami. Le jeune homme fit mine de se concentrer encore quelques minutes sur son devoir avant de pousser un profond soupir et de tourner son regard d'un gris perlé vers l'adolescent aux cheveux broussailleux, ôtant un écouteur de son oreille. Ulrich préféra ne pas passer par quatre chemins, aux vues de l'air agacé de son interlocuteur.

- Je pense rejoindre le groupe des Lyokô-guerriers, lâcha-t-il d'une voix plus timide qu'il ne l'aurait escompté, de nouveau…

Odd resta silencieux face à l'annonce, son visage dépourvu de toute forme d'expression. Impossible de deviner son ressentiment face à sa décision. Le jeune homme aux cheveux bruns surprit son cœur à s'emballer sous l'effet de l'angoisse. Depuis quand une simple confrontation avec son ancien ami était-elle aussi éprouvante ?

« Depuis que j'ai changé… » ne put-il s'empêcher de penser.

L'adolescent prit encore le temps de détailler son compagnon de chambre quelques minutes. Quelque chose d'indicible semblait s'être modifié au fond de lui, ou plutôt avoir recouvré son aspect initial. Au fond de son regard chocolat fuyant, il parvenait de nouveau à distinguer le Ulrich du collège, avec ses peurs et ses doutes, mais aussi toute sa force.

- Il t'en aura fallu du temps, finit-il par lancer d'une voix neutre.

Son vis-à-vis eut un petit rire nerveux, dépourvu de toute joie. Gêné, il rajusta la bretelle de son débardeur blanc qui commençait à glisser de son épaule musculeuse. Odd se surprit à suivre ce geste d'un air songeur.

Il aurait voulu engueuler Ulrich de toutes ses forces, lui dire qu'il pouvait repartir aussi sec, qu'il n'était pas aussi facile que cela de se faire pardonner et de changer d'opinion après les avoir tous « trahis » ! Pourtant il en était incapable… Toute sa colère semblait s'être envolée en croisant simplement son regard.

« Aelita a peut-être eu raison après tout… » pensa-t-il en mettant son lecteur MP3 en pause, se redressant légèrement sur les draps bleutés, à peine éclairés par sa lampe de chevet.

A travers la pénombre ambiante, il lui sembla voir Ulrich se tortiller sur place, gêné, en attente de sa réaction. Un sourire à peine perceptible vint étirer ses lèvres. Voir le jeune homme aussi démuni après tant de moi à passer pour le garçon le plus superficiel possible lui procurait une joie sauvage !

- Tu ne comptes pas voir Sissi ce soir ? railla-t-il contre toute attente, s'attirant un regard noir de la part de son ancien comparse, je doute qu'elle prenne l'excuse du « j'ai de nouveau un monde à sauver » comme il faut…

- Elle a préféré rester seule un peu ce soir, pour réfléchir, lâcha Ulrich d'un ton blessé, comme elle le fera pour le reste de la semaine d'ailleurs… De toute façon elle n'a rien à voir avec cette affaire.

C'était la réponse que Odd attendait, la preuve formelle que l'ancien Ulrich, celui qui avait un jour été son meilleur ami, n'avait pas totalement disparu et s'était finalement décidé à leur apporter son aide.

Envoyant valser la feuille, maigrement remplie, de son devoir d'SES, l'adolescent se redressa brusquement, un sourire malicieux sur le visage. Son compagnon de chambre lui adressa un haussement de sourcils surpris.

- Bon ! fit-il, quitte à m'occuper l'esprit, autant le faire d'une façon vraiment utile plutôt qu'en travaillant… Si tu veux vraiment nous rejoindre de nouveau il va falloir que je te briefe sur tout ce qui s'est passé depuis le rendez-vous au Kiwi Bleu, et ça risque de prendre un moment ! Ça te va ?

A son tour, Ulrich ne put retenir un sourire. Dans le regard empli de malice d'Odd, il lui avait semblé reconnaître un bref instant l'adolescent maigrichon à la coupe de cheveux en pétard qu'il avait si longtemps côtoyé. En cet instant précis, il lui semblait être de retour au collège, lors d'une de ces fameuses soirées entre Lyokô-guerriers qu'il avait tant chéri… Comment avait-il pu oublier un tel sentiment ?

- Ça me va ! lança-t-il joyeusement en calant sa tête contre son coussin, s'installant confortablement sur son lit, j'ai toute la nuit de toutes façons…


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- Ta mère a accepté de nous aider avec le… !?

Aelita plaqua sa main contre la bouche d'Odd juste à temps. Déjà, les regards curieux de quelques collégiens se tournaient dans leur direction. Le jeune homme, accompagné de sa petite amie, de Mathieu et –à la grande surprise de la jeune fille aux cheveux roses- d'un Ulrich revigoré, sortaient à peine des préfabriqués servant de réfectoire à l'établissement.

La matinée était fraîche et un lourd ciel blanc pesait sur Kadic, alors que les cours s'apprêtaient à commencer. Odd et Eva échangèrent un regard stupéfait tandis qu'Aelita, furibonde, les entraînaient sous le couverts des arcades du préau des bâtiments principaux, à l'abri des oreilles indiscrètes. Au loin, Sissi suivit à peine son petit ami des yeux avant de se détourner et de pénétrer à son tour dans le réfectoire, échappant au regard inquiet d'Ulrich. Le maquillage dont elle s'était tartiné ce matin ne suffisait pas à dissimuler ses yeux gonflés. Sa nuit avait du être éprouvante et Ulrich se sentait pris en tenaille entre son désir de la réconforter et celui d'assurer son rôle de Lyokô-guerrier, fraichement de retour !

- Ça ne va pas de crier un truc pareil au beau milieu de la cour ! siffla Aelita à l'adresse du jeune homme au béret une fois certaine d'être suffisamment à l'écart, combien de fois je devrai te répéter d'être discret pour tout ce qui a trait à Lyokô !

- Désolé, s'excusa Odd en se dandinant d'un pied sur l'autre, coupable, c'est juste… Tu m'as surpris ! Nous annoncer que ta mère va se joindre à nous de but en blanc, dés le matin, juste après le petit déjeuner !

Aelita poussa un soupir, écartant les mèches roses de son front.

- Crois-moi j'ai été la première à ne pas en croire mes oreilles quand elle m'a annoncé ça hier soir, fit-elle, je m'attendais à ce qu'elle essaye de me convaincre de tout laisser tomber une seconde fois !

- Alors comme ça elle avait déjà enregistré sa mémoire dans le Supercalculateur avant le Retour vers le Passé ? commenta Ulrich après un dernier coup d'œil en direction du réfectoire, si je m'y attendais ! J'aurais du me dire que sa façon de te faire confiance n'était pas naturelle…

Mathieu, Odd et Eva assistèrent à l'échange avec incrédulité. Après tout, ils n'avaient pas été présents lors du Retour vers le Passé et Aelita s'était bien gardé de mentionné à la présence de sa mère à l'usine à ce moment-là.

La jeune fille aux cheveux roses, constatant leur désarroi, leur fit un bref résumé avant de poursuivre, d'un ton songeur.

- Après que je lui ais tout raconté hier soir, on a fait un détour jusqu'à l'usine, expliqua-t-elle à l'assemblée, elle s'était assise devant le clavier et là… Je l'ai vue taper ce programme à une allure folle, sans même regarder les touches. Les lignes de code défilaient si vite à l'écran que je n'arrivais à en capter quelques bribes ! Et elle avait ce regard… Pendant un instant j'ai cru voir Memory, l'agent de la Green Phoenix qu'a été ma mère pendant prêt de 15 ans. C'était la première fois que je me rendais compte à quel point elle est diaboliquement douée en temps qu'informaticienne, son champ de compétence dépasse largement le mien ou celui de Jérémie, c'était… Impressionnant. Parfois j'oublie qu'elle a travaillé sur le Projet Carthage avec mon père…

Il émanait de sa voix un mélange de profond respect et d'incrédulité. Quoi qu'ait pu faire Anthéa dans ce laboratoire obscur et poussiéreux, cela avait eut un fort effet sur sa fille ! Celle-ci se racla la gorge bruyamment, essayant de se reprendre.

- Enfin bref, en tout cas en une dizaine de minutes à peine, elle a réussi à concevoir un Firewall bien plus puissant que le mien et à l'installer directement sur la Faille ! On est tranquille pour un moment maintenant…

- Du moins, jusqu'à ce que la Green Phoenix ne parvienne à traverser votre pare-feu, répliqua Eva d'un ton froid, la question c'est « qu'est-ce qu'on fait maintenant » ?

Odd lui adressa un regard de reproche alors qu'un silence pesant s'imposait aux Lyokô-guerrier. L'américaine enfonça ses mains dans les poches de sa veste, un air de défi sur son beau visage.

- Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit : c'est vraiment génial que ta mère nous apporte son aide, c'est un véritable atout ! Mais il reste qu'on n'est pas plus avancé sur la manière d'affronter la Green Phoenix et encore moins sur une façon de sauver cet Angel !

Mathieu sentit un élancement dans sa poitrine à la mention de celui pour qui il était prêt à tout. Le petit-ami d'Eva l'observa du coin de l'œil, guettant le moindre signe de faiblesse, mais il tint bon.

Pour le moment l'essentiel c'est qu'on a réussi à bloquer les attaques de la Green Phoenix pour un temps ! répliqua Aelita d'un ton aussi glacial que celui de la belle blonde, pour le reste, ma mère nous a donné rendez-vous à tous à l'usine cet après-midi. Vu qu'on est mercredi on aura la journée de libre une fois midi passé et elle ne travaille pas au Kiwi Bleu aujourd'hui, ça nous permettra d'élaborer un plan d'action, si ça peut te rassurer.

L'agacement pointait dans chaque syllabe de cette dernière mention et Eva préféra ne rien ajouter, acquiesçant d'un bref signe de tête en se réfugiant dans les bras d'Odd, qui lui accorda à peine un regard.

Satisfaite, Aelita se laissa aller à sourire.

- En tout cas c'est génial que tu ais fini par accepter de nous rejoindre de nouveau Ulrich, fit-il en se tournant vers le jeune homme en question, vraiment ! Ça me fait plaisir.

L'adolescent aux cheveux couleur chocolat se surprit à rougir légèrement. Il avait du mal à l'admettre lui-même mais cette atmosphère de complicité si particulière entre Lyokô-guerriers, qu'il avait tant su apprécier autrefois, agissait comme un baume sur son cœur meurtri. Même le divorce de ses parents et les problèmes de sa petite-amie lui paraissaient bien lointains en cet instant. Peut-être à cause du fait que la menace du Supercalculateur valait bien mille fois plus que les petits tracas de la vie quotidienne ? Toujours était-il qu'il se sentait bien, en compagnie d'Odd, Eva et Aelita. Même Mathieu, qu'il connaissait à peine, se montrait relativement amical avec lui. Cela changeait agréablement des amis superficiels et sans cervelle que lui imposait Sissi par moment !

« Un mal pour un bien… » pensa-t-il en retenant de justesse un sourire ironique.


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Stéphanie filait à toute allure sur son vélo, laissant les roues tourner toutes seules dans la légère pente menant au lycée Kadic, ses couettes fouettant l'air dans son dos.

De loin, elle aperçut la longue chevelure d'encre de Yumi et lui adressa un bref salut, lâchant le guidon momentanément. La japonaise lui répondit alors que la jeune fille dérapait en face du portail, s'arrêtant juste à temps pour ne pas heurter un petit de Cinquième qui glapit de terreur, un large sourire étalé sur le visage.

- Salut ! fit-elle en sautant lestement de son engin, comment tu vas ce matin ?

- Pas mal, répondit Yumi en regardant son amie attacher son vélo au poteau le plus proche, disons que savoir une des personnes les plus chères à mon cœur hors de danger contribue à un certain bonheur !

Stéphanie eut un sourire coupable mais le rire franc de la japonaise la dérida bien vite. Les deux amies avaient préféré choisir de rire de toute cette mésaventure avec Lyokô, plutôt que de continuer à ressasser le passé. Aucune ne gardait la moindre rancune envers l'autre, que ce soit au sujet de William ou de la virtualisation ratée qui avait bien failli mener à la mort de l'adolescente aux yeux d'améthyste. En un sens, c'était comme si aucun problème n'était jamais venu entacher leur amitié, comme si le Retour vers le Passé avait suffit pour remettre les compteurs à zéro.

Des deux, Stéphanie était celle dont le brusque changement d'attitude de Yumi profitait le plus. Elle avait retrouvé sa nature enjouée en un instant, contrairement à la jeune fille aux yeux en amande qui restait quelque peu ébranlé encore par son séjour à l'hôpital.

- J'arrive ! lâcha l'adolescente aux couettes brunes, s'acharnant avec difficulté sur le cadenas de sa chaîne, récalcitrant.

Elle courut rejoindre Yumi près du portail au moment précis où le bus de ramassage scolaire qui passait devant Kadic à heure fixe, venait se garer devant eux dans un crissement de pneus sur l'asphalte.

Occupée à converser gaiement avec son amie, la japonaise faillit ne pas prendre garde au jeune homme qui descendit du véhicule en dernier, s'attardant un bref instant sur le marchepied, comme hésitant.

Ce fut l'éclat du soleil dans ses lunettes qui attira le regard de Yumi. Elle marqua une pause en reconnaissant les cheveux blonds en bataille, la chemise bleue classieuse et la monture de lunettes coûteuse de l'adolescent qui lui faisait face.

- C'est pas vrai… souffla-t-elle, consternée.

Interpellée par la pâleur de son amie, Stéphanie suivit le regard de Yumi avant d'ouvrir grand la bouche, littéralement estomaquée à son tour face à l'intriguant jeune homme.

- Toi… ? parvint-elle à balbutier alors que ses pupilles d'un bleu marine profond se posaient sur elle.


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La sonnerie retentit sur tout Kadic avec fracas, annonçant le début des cours. La matinée s'annonçait longue pour les Lyokô-guerriers, que le rendez-vous fixé par Anthéa à l'usine faisait vibrer d'impatience. Aelita et Ulrich conversaient joyeusement, le jeune homme demandant des précisions sur leurs dernières batailles virtuelles, sur lesquelles Odd n'avait pas tari de détails la veille. Mathieu restait, comme à son habitude, un peu à l'écart, observant avec un intérêt à peine dissimuler la silhouette musculeuse du nouveau venu dans la bande.

Le jeune homme au béret observait son petit manège du coin de l'œil, se gardant bien de tout commentaire. Il était peut-être plus sain pour son ami de s'intéresser à un autre garçon plutôt que de poursuivre son obsession pour Angel, qui n'avait servi qu'à le faire souffrir depuis le début. Même si Ulrich était hétéro, cela restait moins douloureux que d'aimer une personne qui ne serait jamais capable que de lui rendre de la haine. Oui, plus il y réfléchissait et plus le retour de son compagnon de chambre dans l'équipe lui semblait une bonne chose.

Dans ce cas pourquoi ressentait-il un tel pincement au cœur en observant Mathieu le dévorer ainsi du regard ?

- Tout va bien, Honey ? questionna Eva d'un ton plus soupçonneux qu'inquiet.

Elle n'avait pas lâché le bras de son petit ami depuis sa légère altercation avec Aelita, s'enroulant autour de lui à la manière d'un serpent.

- Oui… répondit-il avec amertume en se retournant vers la cour, qui commençait à se vider, on ferait mieux de rejoindre notre salle de classe au lieu de traîner, vous ne croyez pas ?

Aelita approuva, cessant de parler de sa mère pour un temps, et le groupe d'adolescents tourna les talons, se préparant à quitter les arcades pour rejoindre les bâtiments principaux.

Au loin, du côté du haut portail de fer, les derniers retardataires externes pénétraient dans la cour, pressant le pas à l'ombre des platanes. L'œil de la jeune fille aux cheveux roses crut brusquement déceler un éclat blond au milieu de cette masse. Intriguée, elle releva la tête, se détournant d'Ulrich un bref instant. Ce fut le moment que choisit le temps pour se figer.

La cohue des élèves sans visage lui parut subitement floue, lointaine, indistincte. Une seule personne s'en dégageait, se rapprochant de plus en plus, sa silhouette fine désespérément nette au centre de cette masse informe de sons et de couleur, ses lunettes miroitant au soleil pointant timidement à travers les lourds nuages blancs.

Odd ne réalisa le trouble de son amie qu'au bout de quelques secondes, perdu dans ses pensées. Surpris, il suivit son regard, suivi de prêt par sa petite-amie, son compagnon de chambre, et Mathieu, et resta bouche-bée, tout comme les autres.

Précédent une Yumi et une Stéphanie vraisemblablement incrédules, marchant d'un pas fier dans leur direction, se dressait Jérémie de toute sa hauteur, son visage pâle figé en une indéchiffrable expression.

Il s'arrêta à quelques mètres d'eux, fixant ses fiers yeux bleus marine sur leur petit groupe, comme s'il n'avait jamais détourné le regard de Kadic, des mois auparavant.

La japonaise hésita un bref instant avant de le dépasser et de rejoindre les Lyokô-guerriers, précédée par une Stéphanie dont les pupilles violacées semblaient lancer des éclairs en direction de l'ex-petit-ami d'Aelita.

Yumi eut un bref sursaut en découvrant Ulrich juste à côté d'elle mais ne pipa mot. Cela faisait trop à assimiler pour elle en une seule matinée. Le jeune homme lui accorda à peine un coup d'œil gêné.

Ils restèrent là un instant, les Lyokô-guerriers toisant leur ancien meneur comme s'il s'était agi d'un étranger. La tension était si palpable entre eux que les autres élèves de Kadic prenaient bien soin de les contourner à bonne distance. Un ange passa tandis que la cour se vidait peu à peu et que la seconde sonnerie retentissait à travers le préau.

- Voilà… Je suis de retour, finit par lâcher Jérémie sans esquisser le moindre sourire, plongeant son regard dans le vert des iris d'Aelita.

La jeune fille n'eut pas la moindre réaction. Jamais elle n'avait paru aussi froide, aussi distante à l'adolescent aux lunettes. Il était impossible de déchiffrer le moindre sentiment sur le visage de son ancienne petite-amie.

Aucun des autres jeunes gens n'osa prononcer quelque chose. Ce moment n'appartenait qu'à Jérémie et Aelita et ils avaient peur de le briser par une parole malheureuse. Même Eva resta silencieuse pour une fois, ravalant ses répliques acerbes, se contentant de caresser doucement le bras tremblant de colère d'Odd.

- Je vois ça, finit par répondre l'adolescente aux cheveux roses d'un ton égal, glacé d'indifférence, il faut qu'on aille en cours pour le moment… Et après ça il faudra qu'on parle toi et moi, Jérémie. En privé.

Le jeune homme acquiesça doucement. Étant donné sa trahison passée, c'était tout ce qu'il pouvait espérer en matière de bienvenue de la part de la jeune fille. Sans rien ajouter, celle-ci fit volte-face et s'éloigna vers les bâtiments, sa chevelure rose fouettant l'air sur son passage.

Odd eut un dernier regard haineux en direction du blond avant de s'éloigner à son tour, Eva sur ses talons.

Ulrich, un peu perdu dans cette ambiance tendue, se tourna vers Yumi en quête de soutient mais celle-ci disparaissait déjà derrière la porte menant aux étages, suivie par une Stéphanie qui se laissa aller à tirer la langue en direction de Jérémie avant de disparaître à son tour.

Haussant les épaules, le beau brun partit rejoindre le groupe d'amis de Sissi en Première L , non sans adresser un regard d'excuse à son ancien ami au passage.

Seul Mathieu resta sur place quelques secondes, hésitant visiblement à prendre la parole. Finalement, le visage figé de Jérémie le dissuada et il courut rejoindre Aelita, sans oser lui adresser un mot.

Le jeune homme resta donc seul au milieu de la cours, ses joues pâles et osseuses fouettées par le vent frais. Un bref soupir lui échappa alors que ses jambes se mettaient en marche d'elle-même vers le bâtiment administratif de Kadic. Il lui restait des détails techniques à fixer avec le proviseur concernant sa réinsertion dans l'internat… Il aurait tout le temps de régler ses problèmes d'ordre relationnel avec les autres plus tard ! Il ne s'était guère attendu à un meilleur accueil par ailleurs.

Jérémie regarda ses pieds tout le long du trajet, perdu dans ses sombres pensées. Regarder Kadic directement lui était encore trop douloureux. Il se sentait honteux, comme un intrus dans ce lycée qui avait été autrefois sa maison.

Y retourner n'avait pas été un choix facile. Il avait même dû supplier son père qui, lui, s'était pratiquement prosterné à travers le téléphone devant le proviseur Delmas pour le faire plier aussi rapidement et permettre à son fils de regagner Kadic. Par chance, la scolarité sans tâche du jeune homme avait su jouer en sa faveur !

Il regrettait juste d'être parti sans dire au revoir à Tallia, sans même lui fournir d'explication. Elle n'aurait pas compris de toute manière. Lui-même avait du mal à se reconnaître dans ce choix aussi fou que précipité.

« Le Retour dans le Temps m'a peut-être rendu dingue après tout ? » ironisa-t-il en poussant la porte du hall de l'administration, « ou peut-être que je le suis tout simplement depuis le début de cette histoire… ? ».

Le battant se referma dans un claquement sonore derrière lui, raisonnant à travers le marbre de la large pièce. Jérémie inspira un grand coup en empruntant le couloir qu'il connaissait depuis si longtemps. Il était temps pour lui de revenir à son ancienne vie, celle qu'il avait vainement tenté de fuir et qui avait fini par le rattraper.


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Stéphanie fit doucement coulisser la porte de la chambre d'Ulrich, et se faufila à l'intérieur, la refermant bien vite sur elle avant qu'un pion quelconque ne remarque sa présence au sein des dortoirs des garçons. La pièce étroite était bondée en ce début d'après-midi. Le soleil commençait à taper dur contre les carreaux et quelqu'un avait fermé les volets, ne laissant qu'un mince interstice à travers lequel s'écoulait un rayon de lumière. Mathieu suivait des yeux les grains de poussière tourbillonnant en volutes en son sein, un air rêveur sur le visage.

Il s'était installé à côté de Yumi sur le lit d'Ulrich, s'allongeant sur le ventre, les pieds en l'air et la tête reposant sur ses mains. La japonaise s'était recroquevillée dans un coin contre l'oreiller et fixait les draps de façon obstinée, bien que son regard se détourne de temps à autre de façon presque imperceptible en direction d'Ulrich, adossé contre l'armoire au fond de la pièce.

Odd et Eva, enfin, occupaient le lit restant, dans les bras l'un de l'autre, le jeune homme caressant distraitement les cheveux platines de sa petite-amie, croquant avec avidité dans une pomme qu'il tenait de l'autre main au passage. Son béret et ses chaussures gisaient par terre, au milieu d'une demi-douzaine d'autres paires.

Stéphanie se laissa tomber entre Yumi et Mathieu, s'enfonçant profondément dans le matelas la tête en bas, ses interminables cheveux bruns frottant contre le sol.

- Alors ? questionna-t-elle en direction de l'assemblée d'un ton anxieux, qu'est-ce que j'ai raté ?

- Pas grand-chose, souligna Mathieu en se redressant légèrement sur un coude, Aelita a entraîné Jérémie dans ma chambre dés la sonnerie de midi et ils n'en sont pas ressortis depuis.

Stéphanie eut une grimace.

- Ça va clasher je sens ! rit-elle nerveusement, j'espère qu'Aelita va le laisser en vie !

Personne ne réagit au pic de la jeune fille. Les pensées de tous étaient tournées vers le deux adolescents, cloîtrés ensemble dans une chambre depuis plus d'une heure après des mois de séparation. Malgré le cadre, l'ambiance semblait tout sauf romantique. Électrique tout au plus ?

- Je ne pense pas qu'ils s'engueulent, fit remarquer Ulrich d'un air songeur, le regard fixé en direction de la cloison lui faisant face, on les entendrait d'ici sinon, la chambre de Mathieu n'est pas si loin de la nôtre… Et puis Odd a essayé de les espionner tout à l'heure et il n'a rien pu entendre !

L’interpellé fronça ses sourcils blonds dans une attitude vexée.

- Aelita m'a repéré tout de suite et empressé de partir, poursuivit-il d'un ton grincheux, qu'est-ce qu'ils peuvent bien fabriquer pour nous tenir à l'écart comme ça !? J'ai juste pu glaner quelques mots comme « Green Phoenix » et « Angel » avant de me faire virer !

- Essaye de les comprendre, Odd, lâcha Yumi, ramenant une mèche de longs cheveux noirs derrière son oreille, ça doit faire des mois qu'ils ne se sont plus parlé et la dernière fois qu'ils se sont quittés, ils venaient juste de rompre ! C'est dur pour tous les deux… Sans compter qu'Aelita est sortie avec un autre type entre-temps et que Jérémie a probablement fait de même de son côté… Il leur faut du temps pour mettre leurs idées au clair.

Un silence dubitatif accueillit ces paroles. La japonaise soupira avant de reprendre, d'un air légèrement plus excité.

- Quoi qu'il en soit maintenant que Jérémie est de retour, ça veut dire qu'il va rejoindre l'équipe lui aussi ! Non ? En tout cas ça expliquerait qu'Aelita lui fasse un topo détaillé de la situation (les autres approuvèrent d'un signe de tête) ! Avec Anthéa et Ulrich qui se joignent à nous ça fait que l'équipe est au complet maintenant ! C'est plutôt une bonne chose…

Eva étouffa un rire ironique. La japonaise et son attitude tantôt distante vis-à-vis de Lyokô, tantôt investie dans la lutte contre la Green Phoenix commençait à singulièrement lui taper sur les nerfs.

- Quand tu dis que « l'équipe est au complet » je crois que tu oublies quelqu'un chérie, railla-t-elle, s'attira plusieurs paires de regards courroucés, ce qui ne l'empêcha pas de poursuivre sur sa lancée : je ne vois William nulle part dans cette pièce !

Sa phrase raisonna comme un coup de canon à travers la chambre. Les pupilles de Yumi s’étrécirent sous l'effet de la colère alors qu'elle se relevait brusquement, la toisant de toute sa hauteur, fulminant de rage. Pour qui se prenait-elle, cette espèce de pimbêche américaine, pour lui faire la leçon ainsi ?

- Très bien ! cracha-t-elle d'un ton furieux sous le regard imperturbable d'Eva, puisque tu penses que ton très cher ami William devrait nous rejoindre tu n'as qu'à l'appeler ! On verra sa réaction quand tu lui proposeras de venir rejoindre l'équipe de ceux qui ont ruiné sa vie !

L'américaine resta bouche bée. C'était la déferlante de fureur de Yumi qui la troublait, plus que ses paroles. Elle ne se souvenait pas avoir vu la froide jeune fille se défaire de sa maîtrise habituelle pour crier contre quelqu'un – mis à part Stéphanie suite à sa rupture avec William.

- Ne prétends pas te soucier de ce qu'il ressent ! répliqua-t-elle avec la même véhémence, s'arrachant aux bras de son petit-ami, trop stupéfait pour songer à les séparer, depuis le début c'est toi qui le fait souffrir en lui cachant la vérité, même aujourd'hui alors qu'il la connaît tu cherches à le tenir éloigner…

- Pour le protéger, rien de plus ! tempêta Yumi alors que Stéphanie se levait d'un bond pour tenter de l'apaiser, sans succès, Lyokô ne lui a apporté que des emmerdes depuis le début ! Tu penses vraiment que ça lui ferait du bien de revenir !?

- Moi aussi j'ai souffert à cause de votre fuckin' monde virtuel ! s'énerva Eva sans même prendre la peine de dissimuler son accent cette fois-ci, je sais mieux que quiconque ce qu'il peut ressentir ! Ce n'est pas toi qui vit avec des cauchemars insupportables toutes les nuits ! Je sais que ce n'est pas ne tournant le dos à ses peurs qu'on peut s'en guérir…

- Fermez-la un peu, les filles !

La voix grave d'Ulrich résonna à travers toute la pièce, imposant le silence. Les deux adolescentes se tournèrent comme une seule femme vers le jeune homme, surprises. Yumi paraissait particulièrement troublée par ce brusque rappel à la réalité. Peut-être était-ce parce que c'était son premier petit-ami, parmi tous les autres, qui avait choisi d'intervenir alors qu'elle parlait de son ex le plus récent ?

Celui-ci secoua la tête dans une attitude dépitée, faisant miroiter ses mèches chocolat de milles reflets d'or au soleil filtrant à travers les persiennes à demi-closes.

- Même après tout ce temps vous n'avez toujours pas réussi à comprendre William, pas vrai ? lâcha-t-il sous le regard stupéfait de ses compagnons, il fera les choses à sa façon et ce peu importe ce que vous désirez pour son bien ! C'est encore à lui de prendre la décision, comme j'ai fini par prendre la mienne et Jérémie la sienne, non ?

Ni Yumi, ni Eva ne trouva quoi répondre. Gênées, elles échangèrent un regard avant de se rasseoir sur leur lit respectif, s'ignorant avec le plus de superbe possible. Odd eut un petit rire.

- Ulrich qui défend William… Moi qui commençait à me dire que tu n'avais pas tant changé que ça ! fit-il avec un léger rictus au coin des lèvres.

Son compagnon de chambre lui adressa un regard courroucé plus feint qu'autre chose, mais les paroles du jeune homme s'infiltrèrent dans la tête de la japonaise. L'attitude du petit ami de Sissi était effectivement des plus surprenantes, quand on savait à quel point il avait pu se montrer jaloux par le passé… Il était évident que la page « Yumi » était tournée depuis longtemps au sein de son cœur !

Avant qu'elle ait pu mener plus à même sa réflexion, la porte de la chambre coulissa brusquement, leur faisant tous tourner la tête dans un sursaut.

Aelita se trouvait sur le seuil, dévisageant d'un air surpris la petite bande. Jérémie était juste derrière elle, fixant la fenêtre plutôt que les visages familiers, comme désireux de fuir la réalité.

- Je vois que tout le monde s'est réuni ici, ironisa la jeune fille en refermant derrière elle, une fois qu'ils furent tous les deux rentrés dans la chambre, parfait, ça sera plus pratique comme ça…

- Alors ? interrogea Stéphanie la première, n'y tenant plus, de quoi vous avez discuté tous les deux ?

Elle en profita pour lancer un coup d'œil en coin meurtrier à Jérémie qui ne la remarqua même pas, restant planté au centre de la pièce, sans trop savoir où se mettre. Aelita esquissa un demi-sourire. Le manque de tact et les manières directes de la jeune fille l'amusaient plus qu'autre chose.

- On a fait une visioconférence avec ma mère depuis le PC, expliqua-t-elle en prenant place sur la chaise de l'unique bureau présent, occupant ainsi le peu d'espace restant, histoire de mettre au point la stratégie à adopter pour la suite désormais. Il fallait que je les briefe tous les deux sur ce qu'on sait des actions de la Green Phoenix jusqu'à présent.

- Et c'est tout ? s'étonna l'adolescente aux yeux tirant sur le violet, déconcertée, des mois que vous ne vous êtes pas vus et tout ce dont vous trouver à discuter c'est encore ces histoires de Supercalculateur ? C'est…

Le coup de coude dans les côtes que lui administra Yumi la dissuada de poursuivre. Et elle baissa la tête d'un air coupable. Aelita fit semblant de ne pas l'avoir entendue, bien que son regard se fut légèrement durci. Jérémie demeurait étrangement silencieux dans son coin. C'était une chose assez curieuse pour les Lyokô-guerriers de longue date que de voir la jeune fille aux cheveux roses prendre l'ascendant sur son ex-petit-ami en matière de directives.

Mathieu préféra rompre le silence qui continuait à s'épaissir au fil des secondes, se raclant légèrement la gorge pour attirer l'attention.

- Hum… Alors, quel est le plan ?

Aelita ne se fit pas prier pour répondre, profitant de l'ouverture offerte par son ami pour changer de sujet :

- Nous sommes tous les trois tombés d'accord sur un point : il faut cerner ce que prépare la Green Phoenix avec Angel. Il y a trop de flous dans cette histoire encore. C'est pour cette raison que nous avons pris la décision suivante…

La meneuse prit le temps d'embrasser le groupe du regard avant de poursuivre. Tous étaient suspendus à ses lèvres, en attente du verdict. Elle reprit la parole :

- Jérémie, ma mère et moi allons, dans les semaines à venir, mettre au point un moyen de traverser la Faille pour infiltrer le Supercalculateur de la Green Phoenix. Le but est de retrouver Angel, et le libérer si possible, avant de détruire leur base de données une fois de plus. Cette fois-ci, c'est nous qui lanceront l'offensive !

Le silence choqué qui fit place à cette déclaration en disait long sur la réaction des Lyokô-guerriers face à ce plan mais ni Jérémie, ni Aelita ne cillèrent. Leur décision était prise : il était plus que temps de rendre à la Green Phoenix la monnaie de sa pièce !
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:01   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 31 :

Épisode 130 : Infiltration_



Mathieu eut tout juste le temps de faire un bond de côté pour éviter le sabre qui fendit l'air dans une traînée d'un bleu métallique, manquant les oreilles de lapin de sa capuche de peu. Roulant contre le sol accidenté de Lyokô, il eut à peine conscience de la lame qui vint se ficher à quelques centimètres de sa jambe, envoyée d'une main experte telle une arme de jet.

Le jeune homme en profita pour se redresser vivement alors que son adversaire retirait son katana du sol d'un geste ample, les boules métalliques à ses poignets luisant d'un éclat bleuté à la lueur de la Voûte Céleste. Leurs sept segments respectifs étaient d'un noir d'encre.

- Bon, temps mort ! fit la voix étrangement déformée par la virtualisation d'Ulrich, temps mort !

Mathieu se laissa tomber à terre, poussant un soupir de soulagement. Il avait bien cru y passer cette fois. Son adversaire se retourna dans sa direction, rengainant ses deux katanas dans le fourreau circulaire dans son dos, avant de lui proposer une main pour l'aider à se relever.

Le jeune homme lui adressa un sourire reconnaissant, timide, et accepta son aide, en profitant au passage pour détailler une nouvelle fois l'apparence virtuelle du compagnon de chambre d'Odd.

A l'image de ce dernier, Ulrich paraissait plus jeune, plus petit que dans le monde réel. Mathieu et lui ne faisaient plus une bonne tête de différence sur Lyokô, ce qui n'avantageait en rien le novice durant les combats. Contrairement à Odd cependant, sa voix ne demeurait que très peu modifiée, à peine plus éraillée que sur Terre. Il avait déjà dû muer à l'époque de sa première virtualisation.

Sa tenue était constituée d'une combinaison moulante d'un jaune vif, entrecoupée de bandes brunes, de la même couleur que ses bottes montantes. Des protections, agrémentées de mitaines, venaient ganter ses mains et un bandeau tout aussi jaune que le reste de sa tenue maintenait ses cheveux en place, étrangement plus lisses et uniforme qu'à l'accoutumé. On pouvait y distinguer un symbole blanc circulaire qui ne rappelait rien de connu à Mathieu.

L'aspect très près du corps de l'ensemble permettait à l'adolescent d'admirer chaque détail de sa musculature virtuelle, quoique moins apparente que son alter-ego terrestre. L'ensemble faisait penser à une sorte de samouraï ou de ninja, échappé d'une quelconque époque futuriste. Cela était d'autant plus frappant lorsque l'on associait Ulrich à ses armes : une paire de katanas si fins qu'ils semblaient capables de transpercer n'importe quelle matière.

- Eva, sort de ta cachette ! intima le samouraï virtuel une fois que Mathieu fut relevé.

Après un bref instant d'hésitation, l'américaine émergea de derrière un énorme bloc bleu nuit couvert de stries, s'avançant dans leur direction d'un pas traînant. Ulrich la toisa de son regard –curieusement plus sombre que sur Terre- jusqu'à ce qu'elle les ait rejoints, inquisiteur.

- Très bien, est-ce que l'un de vous deux pourrait me dire à quel moment ça à clocher pendant que vous vous battiez contre moi ?

Eva et Mathieu échangèrent un coup d'œil mais ne répondirent rien, gênés, baissant la tête vers le sol. Le samouraï poussa un soupir désespéré.

- La même chose que les dernières fois, répondit-il à leur place, le travail d'équipe ! Toi – il pointa un index accusateur en direction de la petite-amie d'Odd qui loucha dessus sans sourciller – tu étais où au moment où ton acolyte était en manque de munition ?

- J'attendais qu'il t'occupe pour attaquer par derrière, répliqua-t-elle d'un ton furibond.

Ulrich haussa un sourcil peu convaincu. Connaissant l'américaine, elle avait plutôt prévu de rester cacher suffisamment longtemps pour lui échapper en laissant Mathieu faire le sale boulot. Ils avaient beau s’entraîner ensemble depuis près de deux semaines, l'ambiance entre les deux Lyokô-guerriers ne s'était toujours pas adoucie, loin de là !

Aelita et Jérémie avaient jugé bon de mettre à profit le cours répit que leur offrait le Firewall d'Anthéa pour organiser régulièrement des séances d'entrainement au combat, au sein desquelles Ulrich se trouvait souvent à jouer le rôle d'instructeur pour Mathieu et Eva, le premier n'étant un Lyokô-guerrier que depuis quelques mois et la seconde n'ayant combattu en tout et pour tout qu'une dizaine de fois sur Lyokô au cours de l'année passée.

Les deux adolescents, en dépit de leurs relations tendues, manquaient effectivement de pratique et il s'était avéré au bout d'une heure seulement qu'ils étaient tout simplement incapables de tenir tête au jeune homme, combattant de longue date. Celui-ci avait par ailleurs très vite retrouvé ses marques dans le monde virtuel, bien que son aspect dévasté l'ait surpris au plus haut point de prime abord.

Songeur, le jeune homme tourna un instant la tête vers la Faille, pulsant toujours loin au dessus de leur tête. Malgré le symbole de XANA gigantesque qui l'obstruait désormais, l'illuminant de blanc, elle paraissait toujours aussi menaçante, aussi écœurante… Comme si toute la malveillance de la Green Phoenix pouvait suinter à travers elle, pare-feu ou non !

- Bon ! fit Ulrich en se reprenant, ravalant la bouffée de colère contre l'organisation qui commençait à l'envahir, on reprend, et tâchez de vous entraider un peu cette fois !

Eva marmonna des paroles incompréhensibles – probablement bon nombre de jurons – tandis que Mathieu lui adressait un sourire coupable. Une dizaine de cris plus tard, le jeune homme se trouva rechargé à bloc, les segments des sphères à ses poignets teintés d'une lueur rouge.

Les deux novices se mirent en place, à bonne distance d'Ulrich, guettant le moindre de ses mouvements.

L'adolescent porta négligemment une main à l'un de ses katanas. Eva n'attendit pas plus longtemps. Accompagnée de Mathieu, elle fit pleuvoir sur leur adversaire une série de notes colorées à toute vitesse, le bombardant littéralement.

Ulrich para aisément chacun d'un coup avec la lame de son sabre, le faisant danser devant lui en un écran protecteur à une vitesse tout bonnement hallucinante. De temps à autre, une note ricochait contre le métal virtuel qui s'illuminait de bleu, manquant d'atteindre les deux attaquants.

Changeant brusquement de tactique, Eva roula sur le côté, se mettant à décrire un arc de cercle en courant en direction d'Ulrich tandis que Mathieu continuait à le distraire avec ses faibles munitions.

Le samouraï leva les yeux au ciel, avant de se propulse brusquement en avant, à la grande surprise des adolescents.

- Supersprint ! s'écria-t-il.

Aussitôt, sa vitesse fut décuplée et il fut sur Mathieu en un rien de temps, ne laissant qu'une traînée jaune sur son sillage, laissant une Eva déconfite derrière lui.

Le jeune homme à oreille de lapin étouffa un cri de surprise et parvint de justesse à parer le katana de son adversaire avec l'une de ses sphères. Des étincelles bleutés jaillirent au contact des deux armes métalliques.

- Ne te contente pas de parer ! le réprimanda Ulrich en lui assénant une série de coups plus vifs les uns que les autres, répliqua !

A cet instant, un grand hurlement retentit derrière lui et une volée de notes roses fondirent sur lui à toute allure. De sa main libre, Ulrich dégaina son second katana et para l'attaque d'Eva sans même se retourner.

- Trop facile ! lâcha-t-il dans le simple but de motiver les deux adolescents, Eva, tes offensives sont trop prévisibles avec ton cris ! N'attaque que si tu es sûre de me toucher !

D'un soigneux revers de lame, Ulrich frôla la joue de Mathieu de peu. Celui-ci releva les mains devant lui de façon instinctive, arrachant un demi-sourire à son adversaire. Si prévisible !

Alors que le jeune homme suivait son sabre des yeux, se protégeant avec ses bras, le samouraï lui décocha un savant coup de pied contre le flanc, resté exposé.

Mathieu perdit l'équilibre sous la violence du coup et se retrouva incapable d'éviter le soigneux coup que lui décocha Ulrich au visage, à l'aide du manche de son arme. L'adolescent valsa dans le décor, complètement dominé par son adversaire.

La panique commença à l'envahir, à terre il était vulnérable : il fallait qu'il réagisse et vite ! Le jeune homme releva brusquement le bras, prêt à faire feu, mais il était trop tard. Ulrich était déjà sur lui, le menaçant de son épée, un sourire en coin sur le visage.

- Dommage ! fit-il d'un ton ironique, peut-être la prochaine f…

Il s'interrompit brusquement, l'oreille aux aguets, avant de sauter sur le côté sans le moindre préavis. Un sifflement fendit l'air et, une fraction de seconde plus tard, une note explosive venait se ficher dans le sol à l'endroit précis où il se tenait un instant plus tôt, manquant Mathieu de peu.

- Pas mal Eva ! s'exclama Ulrich en direction de l'américaine qui disparaissait déjà de nouveau derrière un cube du décor, quant à toi…

Sa lame décrivit un arc de cercle, fauchant Mathieu au passage qui avait profité de la diversion pour se relever et foncer sur Ulrich afin de le prendre par surprise, sans succès.

Le jeune homme s'effondra de nouveau en grimaçant, une longue traînée d'étincelles s'échappant de son torse. Il ne devait plus lui rester beaucoup de point de vie…

- …N'essaye pas les attaques au corps à corps, poursuivit le samouraï virtuel comme si de rien n'était, tu aurais dû essayer de m'attaquer avec une des notes d'Eva qui te reste !

Mathieu ne se fit pas prier et enclencha son arme dans un déclic, déchargeant un jet de lumière verte en direction de son adversaire, qui para aisément. L'adolescent étouffa un juron. Il savait bien qu'il n'avait eu aucune chance de le toucher dés le début, mais son manque d'efficacité commençait légèrement à le frustrer.

- Relève-toi ! lui intima Ulrich en sautant d'un pied sur l'autre dans une attitude provocante, allez, montres-moi ce que tu sais faire, Scillas !

Le jeune homme exécuta une roulade arrière pour se redresser et déchargea les dernières munitions de sa sphère gauche sur le samouraï à l'instant précis où Eva lançait une nouvelle série de cris explosive dans sa direction.

Pris entre deux feux, Ulrich n'eut d'autre choix que d'effectuer un bond prodigieux dans les airs, laissant une traînée jaunâtre sur son passage, profitant de la propulsion de son « Supersprint » pour s'élever bien au dessus du champ de bataille.

Les notes d'Eva manquèrent d'atteindre Mathieu une fois de plus. Profitant de ce court moment de répit, Ulrich envoya l'un de ses katanas comme un poignard en direction de l'américaine, lui faisant fendre l'air dans un éclat bleuté. La rockeuse virtuelle n'eut d'autre choix que de se jeter hors de sa cachette, esquivant la lame de peu.

Le samouraï retomba juste devant elle contre toute attente, la menaçant de son sabre restant, un genou à terre, la pointe de sa lame à quelques centimètres de sa gorge.

- Essaye encore ! se moqua-t-il tandis qu'elle déglutissait, n'osant plus faire un geste.

- Hey !

Ulrich fit volte-face en direction de Mathieu, qui s'était glissé sur son côté gauche pendant qu'il menaçait Eva de son arme.

La sphère à son poignet droit s'ouvrit dans un déclic et le jeune homme put voir arriver vers lui ses munitions restantes à toute allure, dans une multitude de flashs colorés. Il n'eut d'autre choix que de détourner son sabre de la gorge d'Eva pour se protéger, bondissant en arrière dans un éclair doré afin de s'extraire de la salve de tirs.

Son pied butta contre un bloc composant le terrain. Un air satisfait s'afficha sur son visage : ils avaient réussi à l'acculer. Un progrès impressionnant comparé à leurs exploits des deux semaines passées ! Cependant cela était encore loin de suffire !

Eva ouvrit la bouche, prête à attaquer de nouveau… Tout ce qu'il attendait ! Ulrich n'eut qu'à se baisser lorsque les notes bleues, vertes et jaunes fondirent sur lui, explosant dans son dos juste contre l'obstacle bloquant sa route… Le faisant exploser sous le choc en un millier de pixels !

- Et merde ! s'exclama Eva en réalisant son erreur, Mathieu, prends-le à revers !

L'adolescent s'exécuta, dérapant à moitié contre le sol sombre du territoire. Ulrich le suivit d'un œil amusé.

- A quoi bon ? questionna-t-il tout haut en direction du jeune homme, tes armes sont vides !

Mathieu, méfiant, baissa la tête vers les sphères à ses poignets et pu constater, avec un grognement, que son adversaire avait dit vrai : les segments étaient tous bleus.

- Vérifie toujours ton stock de munitions en combat ! lui conseilla Ulrich en levant son sabre dans sa direction, c'était ce qui perdait Odd la plupart du temps à l'époque…

- Arrête un peu de te la péter juste parce que tu es allé sur Lyokô avant nous ! lâcha Eva derrière lui, n'y tenant plus. Le manque de succès de ses tentatives commençait à porter sur ses nerfs, à l'instar de Mathieu, on sait se battre aussi ! Et on n'a pas hésité à rejoindre l'équipe, contrairement à toi.

A peine froissé par la remarque de la jeune fille, l'adolescent tourna son regard chocolat dans sa direction, les sourcils haussés en une attitude moqueuse.

- En attendant ce sont les grands chefs – il faisait ici allusion à Jérémie et Aelita – qui ont pensé, aux vues des résultats du programme de statistiques du Supercalculateur, que vous aviez besoin d'une petite remise à niveau et que j'étais le mieux placé pour vous former ! Ce sont les chiffres qui parlent, pas moi !

- Un littéraire qui se refère aux stats', on aura tout vu, marmonna Mathieu en bon S qu'il était, de façon presque inaudible.

Ulrich ne parut pas beaucoup plus vexé par cette réflexion que par celle d'Eva. Cette dernière fulminait littéralement derrière son visage concentré. Le samouraï leur fit signe d'attaquer. Il avait l'air tellement confiant… Cela la mettait hors d'elle !

Pourtant force était de constater qu'il avait, encore et toujours, largement l'ascendant sur eux. Mathieu était à court de munition et ses points de vue étaient au plus bas. Quand à elle, impossible d'atteindre Ulrich directement ! C'était comme s'il voyait venir chacun de ses tirs, parvenant à les parer à chaque instant. Tant qu'il ne serait pas distrait ou qu'il aurait ses katanas à portée de main elle n'avait aucune chance de le toucher ! L'une de ses armes gisait au sol quelques mètres plus loin mais la seconde restait fermement campée dans sa main, sa lame illuminée de bleu… Ce n'était pas suffisant ! Il fallait trouver quelque chose pour passer outre son attention sans faille !

Les trois adolescents se toisèrent un moment, chacun attendant que l'autre fasse le premier geste. Eva croisa un bref instant le regard bleu de Mathieu derrière Ulrich. Celui-ci avait les mains légèrement levées, comme pour lui suggérer quelque chose de façon subtile. Mais quoi ?

Brusquement, ses iris limpide s'écarquillèrent : elle avait compris ! L'américaine retint de justesse un léger sourire. Si le samouraï voulait du travail d'équipe, il allait être servi !

- Allez, bas-toi ! lui intima le jeune homme, son katana brandit.

Eva n'hésita pas. Se bouche s'ouvrit brusquement, modulant une série de sons inhumains à une vitesse impressionnante, chacun générant une nouvelle note de musique explosive qui se mettait à filer en direction de leur cible..

Cette fois-ci, Ulrich n'eut qu'à faire un pas de côté pour éviter l'ensemble des tirs, qui vinrent se perdre derrière lui. Un air déçu s'afficha sur le visage de son enveloppe virtuelle.

- C'est tout ce que tu peux faire ? fit-il remarqué avec une légère moue, c'est…

Le tir violent qu'il se reçut dans le dos l'empêcha de continuer. En une fraction de seconde, il se trouva projeté à terre, fixant d'un air surpris les étincelles azur s'échapper de son épaule meurtrie.

Incrédule, il releva la tête en direction de Mathieu juste à temps pour voir l'une de ses armes se refermer dans un petit cliquetis. Les segments la parsemant étaient toujours bleus pourtant… Alors comment avait-il réussi à le toucher ? Une lueur de compréhension lui traversa brusquement le regard.

- Tu ne me visais pas Eva, pas vrai ? fit-il en se redressant, s'appuyant sur son katana comme sur une canne. La rockeuse affichait un sourire fier.

- Exact, répliqua-t-elle, manifestement satisfaite, je voulais simplement fournir suffisamment de munitions à Mathieu pour lui permettre de t'attaquer par derrière… Tu vois que je peux jouer en équipe quand je veux !

Elle eut un clin d'œil éblouissant en direction de son partenaire d'infortune qui lui sourit en retour, timidement. Il avait bien failli rater les notes envoyées par Eva dans sa direction, sa sphère ne s'était refermée sur elles que de justesse ! Tout s'était joué en un instant…

Ulrich, malgré l'humiliation d'avoir été touché, paraissait tout aussi satisfait que l'américaine. En presque deux semaines d’entraînement, c'était la première fois que le duo hétéroclite parvenait à le toucher ! Décidément, ils ne cessaient de le surprendre aujourd'hui !

- Très bien, lâcha-t-il en direction des deux adolescents d'un air malicieux, vraiment… Dans ce cas je pense que je peux passer aux choses sérieuses moi aussi !

Une aura jaunâtre commença brusquement à l'envelopper. Mathieu et Eva se postèrent aussitôt en position de défense, se demandant ce qui allait suivre. Mais au moment précis où le jeune homme ouvrait la bouche dans le but de crier le nom de son pouvoir et ainsi l'activer, une voix raisonna à travers l'ensemble du territoire, l'interrompant net.

- Eva, il est 16 heures, claironna Jérémie à travers la brume grésillante de son micro, tu nous avais dit de te prévenir…

- Ah oui ! lâcha l'américaine tandis que le halo de lumière autours d'Ulrich décroissait subitement, désolé les garçons mais je vais devoir vous abandonner… Odd et Aelita m'attendent, des histoires de groupe de musique… Tu viens avec moi Mathieu ?

L'adolescent en question hocha la tête en signe de dénégation, faisant voler ses oreilles de lapin au passage.

- Non merci, je pense que je vais rester ici pour m’entraîner avec Ulrich encore un peu. J'ai rendez-vous avec Stéphanie dans une heure de toute façon !

Eva haussa les épaules en signe d'indifférence tout en rejoignant les deux garçons qui s'étaient regroupés. Le samouraï en profita pour récupérer son katana manquant et le rengainer.

- Dans ce cas à ce soir au dîner, lâcha l'américaine sans une ombre de sympathie.

Son regard se fit subitement vague, comme si elle hésitait à faire quelque chose. Puis, soudain, à la grande surprise de Mathieu, elle leva la paume de sa main.

- Allez tope-là, pour le succès de notre travail en équipe pour une fois !

Abasourdi, le jeune homme prit quelques secondes avant de s'exécuter, maladroitement. C'était bien la première fois qu'Eva daignait se montrer un temps soit peu amicale avec lui ! Il fallait croire que ces jours d’entraînement à ses côtés avaient fini par avoir un aspect positif sur leur relation.

Ulrich observa l'échange avec intérêt, adossé contre un bloc. Il était convaincu, aux vues de leurs prouesses du jour, que les deux jeunes gens pouvaient former un puissant duo de combattant, à l'image de celui qu'il avait autrefois formé avec Yumi, avant que son entrée dans la majorité ne lui interdise toute virtualisation. Un élan de nostalgie menaça de l'envahir alors que l'image d'une superbe geisha numérique dansait devant ses yeux et il préféra se détourner tandis que l'américaine retrouvait bien vite son masque de marbre.

- Anthéa, pouvez-vous me rematérialiser je vous prie ? quémanda-t-elle en levant ses yeux incroyablement clairs en direction de la Voûte Céleste.

- Je m'en occupe, mademoiselle Skinner, répondit la voix désincarnée par le micro de la mère d'Aelita, laissez-moi juste une minute…

La jeune fille tapota du pied un instant avant que celui-ci ne commence brusquement à s'effacer, ne laissant qu'un contour bleu flou. Elle eut un dernier geste de la main en direction d'Ulrich et de Mathieu avant de disparaître totalement, les laissant seuls tous les deux dans l'immensité morbide de Lyokô.

- Attrape ! intima Ulrich en jetant son second katana à Mathieu, qui le rattrapa de justesse, voyons un peu ce que tu vaux au corps à corps !

Le jeune homme à la capuche aux oreilles de lapin crispa ses doigts autours du manche. Il allait encore en baver pendant un moment !


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Le bruit assourdissant provoqué par les portes des scanners vrilla les tympans d'Eva avec violence. Toussant sous l'effet de la poussière, elle s'agrippa aux parois du scanner pour s'aider à se redresser, haletante, grimaçant au contact légèrement bourdonnant de l'habitacle. Le retour sur Terre était toujours aussi difficile : il lui semblait que chacun de ses nerfs étaient à fleur de peau et elle était couverte de sueur.

S'extirpant du cylindre de métal, elle s'affaira un moment à lisser sa jupe plissée et à remettre en ordre ses cheveux trempés, collant sur son front. Elle devait lutter pour ne pas laisser ses jambes se dérober sous son poids qui lui semblait presque insoutenable, en comparaison de la légèreté que lui offrait son enveloppe virtuelle dépourvue de sensations. Le transit entre les deux mondes se faisait de plus en plus difficile, même pour elle ! Mine de rien, elle commençait à se demander si trouver une nouvelle méthode de virtualisation ne serait pas une bonne idée…

Une fois que sa respiration fut un peu moins saccadée, la jeune fille empoigna son courage à deux mains et s'affaira à gravir les échelons menant à l'étage supérieur, veillant bien à ne pas glisser avec ses mains moites.

Elle dut cligner un moment des yeux une fois la trappe aménagée dans le plafond pour s'habituer à la pénombre de la salle de contrôle du Supercalculateur, contrastant avec la clarté de celle des scanners.

Anthéa était assise sur le fauteuil principal, pianotant si rapidement sur le clavier que ses doigts en paraissaient flous, des lignes et des lignes de code défilant devant ses yeux bleus écarquillés. Une tasse de café froid était posée sur l'accoudoir à côté d'elle.

Jérémie se trouvait un peu à l'écart, l'air tout aussi concentré, l'écran de son I-pad branché à l'un des innombrables câbles sortant du panneau de contrôle se reflétant à la surface de ses lunettes. D'un geste nonchalant, il avala une gorgée de son Schweppes à l'orange avant de reprendre ses complexes manipulations informatiques.

Eva s'extirpa de la trappe toute seule, s'appuyant sur un des gros fils électriques la recouvrant à moitié pour se hisser à l'intérieur de la pièce. Anthéa lui accorda à peine un sourire en l'entendant arriver avant de se remettre à ses calculs.

- Bon, j'y vais ! fit-elle en s'emparant de son sac, reposant aux côtés de ceux d'Odd et de Mathieu dans un coin poussiéreux à côté du dispositif de Retour vers le Passé, désormais hors d'usage, Aelita m'attend au lycée.

Elle préférait quitter cette ambiance morbide au plus vite. Jérémie l'intercepta alors qu'elle se dirigeait à grands pas vers le monte-charge, manquant de s'étouffer avec sa boisson qu'il avala trop vite.

- Humpf ! Eva ? fit-il alors qu'elle tournait la tête dans sa direction d'un air hautain, est-ce que tu pourrais demander à Aelita de nous rejoindre ici quand elle aura terminé ? On a besoin d'elle pour compiler les dernières données.

- Compte sur moi, lâcha l'américaine en pressant hâtivement le bouton commandant l'élévation du monte-charge, bon courage !

La porte se referma dans un chuintement métallique et Eva se laissa tomber contre la cloison, inspirant profondément. Depuis son retour, Jérémie la mettait mal à l'aise, elle devait bien l'admettre. Quelque chose semblait s'être brisé en lui pendant le temps qu'il avait passé loin d'Aelita, et la compagnie d'Anthéa n'était guère plus sympathique !

En fait, depuis ce fameux jour où la décision d'infiltrer le Supercalculateur de la Green Phoenix avait été faite, le trio d'informaticien n'avait pratiquement fait que travailler sur un programme leur permettant de passer à travers la Faille sans dommage. La progression était rapide, notamment en raison de la présence d'Anthéa dont les capacités dépassaient de loin celles des deux adolescents, mais la procédure restait longue malgré tout en elle-même.

Tandis que le monte-charge s'élevait jusqu'à la salle cathédrale de l'usine, Eva se surprit à repenser aux deux semaines qui venaient de s'écouler.

Le retour de Jérémie avait été un choc pour tout le monde, et pas seulement pour elle. Ni Odd, ni Yumi ne s'étaient décidés à lui pardonner jusqu'à présent, se contentant de le tolérer lors des rares occasions où ils se croisaient. Stéphanie, à l'inverse, faisait tout pour lui rappeler à quel point il s'était montré odieux envers eux tous, et plus particulièrement Aelita, ce qui avait tendance à singulièrement taper sur les nerfs de tout le monde.

Seul Mathieu restait neutre : bien que fuyant régulièrement la compagnie de Jérémie, il se gardait bien de faire la moindre réflexion et tempérait souvent son amie aux yeux violets lorsqu'il estimait que celle-ci allait trop loin dans ses remontrances.

Ulrich quant à lui, souffrant du même sentiment d'isolement suite à son retour impromptu, préférait apparemment soutenir son ancien ami bien qu'il fasse tout pour ne pas l'afficher en public – Eva l'avait cependant surpris à plusieurs reprises en train de discuter avec Jérémie à voix basse avant leur séance d’entraînement, mais tous deux s'interrompaient vite en l'entendant arriver et feignaient aussitôt l'ignorance.

Mais le comportement le plus étrange, parmi ceux de ses camarades, restait celui d'Aelita. Malgré tous les efforts de son père, Jérémie n'avait pas pu réintégrer Kadic directement et un délai d'attente de quelques semaines lui avait été imposé, le temps que le proviseur règle des détails techniques avec son autre établissement. N'ayant nulle part où loger en attendant et ne souhaitant pas retourner chez ses parents alors que la lutte contre la Green Phoenix battait son plein, il avait fini par emménager de façon temporaire dans l'appartement des Stones, à la stupéfaction générale. Selon Mathieu, c'était même Aelita qui lui en avait fait la proposition, plutôt que de le laisser prendre une chambre d'hôtel ou dormir à l'usine.

Pourtant, et contre toute attente, aucun conflit n'avait éclaté entre les deux anciens amants. La jeune fille aux cheveux roses restait aussi cordiale que possible avec Jérémie lorsqu'ils travaillaient ensembles sur le programme d'invasion de la Faille, et Anthéa n'avait fait état d'aucune dispute à ce jour.

Pourtant il demeurait une certaine tension, comme si une barrière invisible s'était subitement dressée entre eux suite à ces longs mois de séparation. Pour Eva, il était évident que Jérémie et Aelita n'agiraient plus jamais de la même façon l'un envers l'autre, se contentant d'un étonnant professionnalisme pour de simples lycéens. Comme si leur relation se limitait à travailler sur le Supercalculateur, et rien de plus.

Le rideau de fer du monte-charge coulissa brusquement dans un froissement de métal, tirant l'américaine de ses réflexions. La lumière du jour s'infiltra dans l'habitacle, la faisant cligner des yeux. Elle sortit à l'air libre, se dirigeant lentement vers les cordages menant à l'étage supérieur et permettant d'accéder à la sortie.

Une chose était sûre, le fragile équilibre qu'avaient instauré Aelita et Jérémie ne pourrait pas durer. Tôt ou tard, les deux adolescents allaient devoir confronter leurs sentiments, et le retour du jeune homme à Kadic ne ferait que précipiter les choses.


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Eva poussa la porte de la salle A23, faisant voltiger un flot de poussière au passage. Odd et Aelita, déjà présents dans la pièce, tournèrent la tête vers elle, le sourire aux lèvres.

Les piles de cartons qui envahissaient le sol avaient été poussées dans un coin, libérant suffisamment d'espace pour installer la table de mixage, ainsi que quelques chaises supplémentaires.

La jeune fille aux cheveux roses était attablée à l'une d'entre elle, faisant défiler un document Word devant ses yeux sur son ordinateur personnel. Odd, quant à lui, venait toujours de reposer une feuille blanche devant lui. Sa petite-amie remarqua au passage qu'une demi-douzaine de dessins avait été froissée et éparpillée un peu partout à travers la pièce, ainsi que quelques crayons de couleur usés.

- Ah ! Eva, s'exclama le jeune homme en se levant brusquement de sa chaise pour venir la saluer dignement d'un léger baiser, tu tombes bien ! Je viens juste de finir le prototype du logo du groupe, qu'est-ce que tu en penses ?

Surprise par l'état légèrement surexcité de son copain, l'américaine prit néanmoins le temps de jeter un œil à la feuille de papier que lui tendait le jeune homme. Une rose stylisée entouraient de ses épines les lettres « Miss Pück » écrites dans un rose assez flashy, s'entrelaçant sans cesse jusqu'à la fleur en elle-même, rouge vif, qui couronnait la tête de la célèbre peluche d'Aelita, dessinée elle aussi avec un soin tout particulier.

- C'est sympa ! approuva-t-elle en retournant la feuille dans tous les sens, jugeant le logo d'un œil critique, je pense que ça interpellera les autres élèves si on met ça sur des affichettes, exactement ce qu'il nous fallait ! Il te plaît Aelita ?

La jeune fille se retourna vers le dessin qu'Eva lui tendait, son regard vert brillant d'excitation.

- C'est parfait ! fit-elle en s'adressant à Odd qui affichait un petit air satisfait, tu t'es vraiment surpassé pour le coup !

- Dans ce cas je vous réalise une version numérique de ce logo à Photoshop dés ce soir, approuva Eva en rangeant le prototype dans son sac, et niveau chanson, ça avance ?

L'américaine fit mine de se pencher par-dessus l'épaule d'Aelita, jetant un bref coup d'œil aux paroles défilant sur l'écran. Elle reconnut, avec surprise, quelques bribes de phrases.

- J'ai pensé qu'on pourrait reprendre certaines chansons des Ceb-digitals, affirma l'adolescente aux cheveux roses en rougissant légèrement, pour commencer en tout cas, histoire d'avoir une base… Avec Odd, on est tombé d'accord pour Luv Luv Punka et Break Away pour l'instant, qu'est-ce que tu en penses ?

Eva réprima un frisson. C'était à l'occasion d'une représentation du single Luv Luv Punka dans son établissement, en Amérique, que XANA était parvenu à prendre son contrôle. De fait, la chanson ne cessait de hanter ses nuits tel un requiem lugubre, raisonnant en elle comme une sombre menace.

Odd s'aperçut du changement d'attitude de sa petite-amie du coin de l'œil et s'empressa de rectifier le tir.

- On a encore le temps d'y penser de toutes manières, fit-il d'un ton un peu trop joyeux pour être honnête, attirant Eva dans ses bras, c'est déjà bien qu'on puisse continuer à bosser sur le groupe…

Aelita esquissa un sourire. Le retour de Jérémie dans la bande et l'aide précieuse apportée par sa mère s'étaient révélée une chance inespérée pour elle de poursuive ses passions. En effet, même sans elle, les deux génies avançaient deux fois plus vite en matière de programmation qu'à l'accoutumée. Bien que réticente de prime abord, elle s'était finalement laissée convaincre par Odd qu'ils pouvaient très bien se débrouiller sans elle pendant quelques heures chaque jour et qu'elle avait le droit de souffler un peu, après ces longs mois de lutte intensive contre la Green Phoenix, seule.

C'était ainsi que Miss. Pück avait été remise sur les rails et que les trois adolescents s'étaient rapidement affairé à mettre sur pied une seconde fois le groupe de musique, avec l'aval du proviseur bien entendu, à l'image de ce qui s'était déroulé avant le Retour vers le Passé. Une façon pour eux de décompresser entre les cours et les préparatifs de leur future incursion dans le Supercalculateur de la Green Phoenix, à la recherche d'Angel. Ce groupe était devenu comme un refuge pour eux, une manière de se raccrocher à ce qu'ils étaient encore et malgré tout : de simples lycéens. Pendant ces heures bénies de préparatifs, ils pouvaient oublier leur état de Lyokô-guerrier et se plonger pleinement dans la musique, s'évadant de la réalité avec un plaisir à peine dissimulé.

Si Jérémie pinçait les lèvres à chaque fois qu'Aelita quittait l'usine pour s'exercer avec Miss. Pück, il se gardait bien de faire la moindre réflexion désormais. Il était mal placé pour critiquer qui que ce fut après tout !

- Comment ça s'est passé l’entraînement ? s'enquit Odd en emmenant sa petite amie à l'écart, laissant leur meneuse se pencher de nouveau sur les textes de ses compositions originales, Mathieu n'a toujours pas eu de réaction ?

- Toujours pas, soupira Eva en dissimulant comme elle le pouvait son agacement de devoir parlé du jeune homme, aucune prédiction, rien ! Anthéa pense qu'il faut que suffisamment de conditions soient réunies pour mener à un futur à peu près stable pour que son pouvoir se déclenche. Ou quelque chose dans le genre…

L'adolescent eut une petite moue déçue. La raison pour laquelle son ami s’entraînait avec autant d'intensité auprès d'Ulrich depuis deux semaines ne tenait pas seulement à un manque de puissance de sa part, mais également de l'étrange prédiction qu'il avait eu à l'occasion de sa dernière plongée dans le monde virtuel. Prédiction qui, ils devaient bien le reconnaître, s'était révélée exacte dans les moindres détails, le retour de Jérémie à Kadic en raison du Retour vers le Passé l'ayant fait changé d'avis en étant la conclusion, de l'avis de tous.

Dés lors, Anthéa et sa fille s'était mise d'accord sur un point : mettre à profit ce pouvoir si particulier afin de prendre une longueur d'avance sur la Green Phoenix. A cause de cela, Mathieu devait passer au moins une à deux heures par jour sur Lyokô à s’entraîner mais également à tenter de passer dans cet étrange état divinatoire, sans succès jusqu'à présent.

Odd s'était farouchement opposé à cette idée aux termes des premiers jours, tant son ami rentrait malade et épuisé de ses virées dans le monde virtuel. La rematérialisation était définitivement néfaste pour son organisme et le pauvre jeune homme semblait s'affaiblir un peu plus à chaque nouvelle virtualisation, ses traits se creusant, son visage pâlissant, ses yeux se faisant hagards, presque fous.

Pourtant, et malgré les véhémences d'Odd, Mathieu était resté inflexible et avait continué à s'infliger ce douloureux traitement chaque jour, sans relâche et sans broncher. Supplier Anthéa de l'arrêter n'avait servi à rien. Leur nouvelle meneuse, en effet, s'était fixée pour objectif de n'agir qu'en fonction des désirs de chaque personne. C'était à cette seule condition qu'elle parvenait à faire face à la culpabilité qui la rongeait, de devoir entraîner tant de jeunes gens dans une aventure aussi périlleuse. C'était ce froid sentiment, logique et implacable, qui lui permettait d'avancer chaque jour, de faire face à son passé. C'était pour cette raison qu'elle avait refusé de s'opposer à la décision de Mathieu, malgré les supplications de ses amis.

L'adolescent au béret avait fini par devoir se rendre à l'évidence : tant qu'il resterait ne serait-ce qu'un mince espoir de retrouver Angel, son ami ferait tout pour s'y raccrocher, quitte à se mettre en danger. Quelque part, cela le minait de voir Mathieu souffrir à ce point, sans pouvoir faire quoi que ce soit pour l'apaiser.

- Oh, en parlant de l’entraînement, j'y pense ! fit Eva à voix haute, interrompant le flot de pensées de son petit-ami, Aelita, Jérémie voudrait que tu les rejoignes à l'usine dés que possible. Le programme est presque fini apparemment.

La jeune fille aux cheveux roses jeta un rapide coup d'œil à l'heure affichée en bas de son écran, les sourcils froncés. Cela faisait déjà plusieurs heurs qu'elle était là avec Odd à travailler sur ses futures chansons, l'informaticien devait s'impatienter à force.

Avec un soupir, elle repoussa sa chaise, se levant en s'étirant.

- Je vais faire un saut à l'usine tout de suite dans ce cas, affirma-t-elle avec une petite grimace déçue, vous pouvez bosser sur le logo pendant mon absence ?

Chassant Mathieu de ses pensées, Odd lui adressa un grand sourire approbatif.

- Ne t'inquiètes pas, princesse ! On se charge de tout ici, va aider à sauver le monde toi !

Aelita réprima un éclat de rire avant de quitter la pièce, non sans gratifier son ami d'un tirage de langue taquin, son PC portable sous le bras. Eva la suivit du regard jusqu'à ce qu'elle ait disparu derrière la porte d'un air sombre. La complicité qui unissait son petit-ami et cette jeune fille l'agaçait par moment. Jamais Odd ne s'était montré aussi familier, aussi amical avec elle ! Malgré leurs longues soirées passées ensembles, elle avait l'impression que leurs deux cœurs étaient parfois à des kilomètres de distance.

Songeuse, elle l'observa depuis sa chaise s’affairer autours de ses croquis, rectifiant un trait par-ci par-là, lançant un commentaire à voix haute par moment auquel Eva se contentait de répondre d'un hochement de tête.

Plus les mois passaient depuis le rallumage du Supercalculateur et plus elle sentait Odd lui glisser entre les doigts, s'éloigner d'elle. Il n'y avait pas que cela par ailleurs ! Il lui semblait plus joyeux, plus heureux depuis quelques temps, comme si le vide dans sa vie avait été enfin comblé, et pas par elle, à son grand dépit.

Lyokô était en train de tous les changer, c'était indéniable. Odd semblait plus vivant que jamais, Yumi s'était séparée de William et commençait à se rapprocher d'Ulrich de nouveau, la relation unissant Jérémie et Aelita n'avait jamais été aussi mauvaise…

Quant à elle, c'était ses cauchemars qui empiraient un peu plus chaque jour, la rendant un peu plus irascible à chaque minute de sommeil perdue supplémentaire. Elle se sentait à part, prisonnière de ce monde délirant dans lequel elle avait été embarquée de force l'année passée. Un monde qu'elle avait apprit à haïr de tout son être au fil du temps.

Eva rejeta ses mèches blondes en arrière, retenant un soupir las. Avec un peu de chance, la Green Phoenix et Lyokô ne seraient plus qu'un lointain souvenir d'ici quelques semaines, après leur incursion dans le Supercalculateur de l'organisation. Alors elle et Odd pourraient reprendre leur relation là où ils l'avaient laissée. D'ici là il ne servait à rien de se morfondre ! Elle devait simplement prendre son mal en patience et attendre que les choses s'améliorent.

Silencieuse, elle se glissa jusqu'au carton sur lequel s'était assis Odd et l'enlaça doucement, le faisant légèrement sursauter, avant de déposer un léger baiser au creux de son cou. Elle se sentait si seule, elle avant tant besoin de sentir sa présence en cet instant précis… L'occasion était trop belle ! Cela faisait des semaines qu'ils n'avaient plus eu l'occasion de passer un peu de temps juste tous les deux. Malgré la chaleur de son corps entre ses bras, la douceur de sa peau et de son odeur, jamais Eva ne s'était sentie si éloignée de son petit-ami. Elle avait besoin de plus !

Presque involontairement, sa main dériva jusqu'au pantalon du jeune homme, caressant son entrejambe de ses doigts fins. Odd frissonna mais ne repoussa pas les avances de la jeune fille pour autant, laissant son crayon glisser à terre.

- Ici ? souffla-t-il alors que sa respiration se faisait légèrement haletante, tu es sûre que c'est prudent ?

Pour toute réponse, l'américaine le fit basculer en arrière et déposa un baiser langoureux sur ses lèvres en feu. Le carnet de croquis ne tarda pas à rejoindre le crayon au sol, suivit par les corps enlacés des deux adolescents, unis dans une fusion charnelle étouffante. Pourtant, malgré la chaleur de leur étreinte, Eva ne pouvait s'empêcher de ressentir la même distance, la même cruelle froideur qui l'étreignait à chaque fois qu'elle et Odd se trouvaient ensembles depuis quelques temps. Même le sexe ne suffisait plus à le garder auprès d'elle.

Une larme salée perla du coin des cils de l'américaine, se perdant au milieu de la sueur et des gémissements de plaisir, tel le témoin silencieux de sa profonde détresse amoureuse.


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Les jours filèrent à une allure étonnement rapide, tous semblables aux autres. Anthéa, Aelita et Jérémie passaient le plus clair de leur temps libre à l'usine à coder, étudiant la Faille avec intérêt, notant scrupuleusement ses points faibles et passant outre ses défenses avec une rapidité impressionnante.

Alors que le soleil s'imposait de nouveau dans le ciel à travers les lourds nuages cotonneux et que le rythme des cours s'accélérait pour les lycéens, la clef de l'infiltration de la Faille se précisait de plus en plus pour les Lyokô-guerriers.

Enfin, au bout de deux longues semaines de travail acharné, les premiers résultats se firent ressentir.

La voix d'Anthéa raisonna à travers l'ensemble de Lyokô au moment précis ou deux katanas s'entrechoquaient dans une gerbe d'étincelles bleues sous le ciel parcourut de données de la Voûte Céleste.

- Ulrich, Mathieu ? fit la mère d'Aelita, interrompant la séance d’entraînement des deux jeunes gens, nous venons d'achever le programme d'infiltration, il ne manque plus que la phase de test désormais… J'aurai besoin que vous reveniez sur Terre pour y procéder s'il-vous-plaît !

Le samouraï virtuel baissa son arme, accordant enfin un break à son adversaire qui aurait été très probablement à bout de souffle si cette sensation avait existé sur Lyokô. Mathieu poussa un soupir de soulagement avant de tendre à son mentor son second katana, emprunté pour l’entraînement afin de le former au corps à corps –une méthode qu'ils avaient pris l'habitude d'employer régulièrement.

- Très bien mademoiselle Stone, approuva Ulrich dans les airs sans oser appeler la mère d'Aelita par son prénom, ça fait bien deux heures qu'on s’entraîne de toutes façons, j'allais proposer une pause… Vous pouvez nous ramener !

Instinctivement, le jeune homme se tourna en direction de la Faille pulsant à plusieurs dizaines de mètres au dessus d'eux, emprisonné sous son firewall. La Brèche avait bien changée au fil de l'évolution du programme des trois génies du groupe. Des centaines de tiges rêches d'un noir métallique sale partaient désormais de sa base, s'entremêlant dans tous les sens en un joyeux ensemble à priori dénué de sens, s'arquant jusqu'au sol accidenté du territoire, sur lequel se dessinait désormais cinq plaques circulaires d'un blanc laiteux, ornementés de cercles concentriques rappelant l'ancien symbole de XANA.

Des plots d'embarquement, comme le savait Ulrich pour en avoir déjà emprunté deux ans auparavant, à l'époque où le Skidbladnir -leur vaisseau numérique- était encore entier, destinés à les envoyer directement dans le Réseau sous forme de données. Jérémie avait du calquer ce nouveau modèle sur ses prédécesseurs…

De temps à autre, une série de pulses d'énergie blanche parcourraient les tiges, battant en cœur avec la Faille dans un spectacle assez perturbant à regarder.

Sentant le regard de Mathieu sur lui, le Lyokô-guerrier se détourna de l'étrange appareillage, adressant un petit sourire à son élève qui eut subitement l'air extrêmement gêné.

- Tu t'en es bien sorti aujourd'hui ! approuva le samouraï en rengainant ses sabres dans un crissement métallique, c'est dingue les progrès que tu as pu faire depuis qu'on se connaît !

Mathieu eut un petit rire nerveux mais ne trouva rien à répondre. Les flatteries d'Ulrich avaient toujours cet effet sur lui : il se sentait tellement bête à réagir ainsi en présence d'un joli garçon ! Il n'avait pas le temps d'être futile, avec le combat contre la Green Phoenix qui battait son plein… Pourquoi fallait-il que se retrouver seul à seul avec le beau brun le mette aussi mal à l'aise ? S'était-il réellement laissé allé à ce point au cours des derniers mois écoulés ?

Le jeune homme se rembrunit. Il ne devait pas perdre de vue son objectif ! Ulrich n'était qu'un outil de plus sur sa route vers Angel, rien de plus. Il ne devait pas s'attacher aux Kadiciens qu'ils fréquentaient depuis peu plus que de raison : il avait déjà suffisamment souffert à cause de personnes qu'il considérait comme des amis auparavant…


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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:03   Sujet du message: Répondre en citant  
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Une série de cliquetis de clavier plus tard, la silhouette virtuelle des deux adolescents s'effaçait du sol de Lyokô pour se rematérialiser sous forme réelle dans un panache de fumée au sein de la salle des scanners.

Mathieu se laissa tomber du cylindre luminescent en haletant, une furieuse envie de vomir au bord des lèvres. Ulrich faisait meilleur figure, malgré son teint pâle et ses mèches chocolat trempées de sueur, trahissant la souffrance qu'il tentait de refouler.

- C'est vraiment de plus en plus désagréable, grogna le jeune homme une fois que les nuages de vapeur se furent dissipés, faut croire que je me fais vraiment trop vieux pour ce genre de choses…

Incapable de prononcer le moindre mot, Mathieu se contenta d'approuver d'un vif signe de tête qui suffit à lui redonner la nausée. Il prit le temps de s’asseoir un instant contre l'habitacle de son scanner, tâchant de calmer sa respiration et les rythmes de son cœur.

Ulrich le contempla récupérer ses forces d'un air songeur, adossé contre son propre cylindre, patient. Ce jeune homme l'intriguait, il devait bien le reconnaître. Si ni Eva, ni Jérémie ne semblaient le tolérer, Odd comme Aelita avaient l'air de beaucoup l'apprécier, passant le plus clair de leur temps en sa compagnie entre les cours. Sans compter Stéphanie qui n'avait pas hésité à changer de lycée en laissant sa famille derrière elle pour le rejoindre et lui apporter son aide ! Ulrich n'était pas sûr que quiconque dans son entourage actuel ait été près à en faire autant… Il était clair et net que Mathieu, sous son apparente banalité, ne laissait personne indifférent autours de lui. Il y avait quelque chose de fascinant en lui qui donnait envie de le connaître, comme s'il renfermait en lui quelque chose d'infiniment plus profond et précieux que n'importe qui.

Mais ce qui intriguait le plus Ulrich était l'air triste qu'arborait le jeune homme en permanence. Bien sûr, au cours de leurs séances d’entraînement quotidienne il veillait à conserver un visage égal, mais il lui arrivait de surprendre du coin de l'œil cette détresse fugace sur son visage, qui avait tôt fait de disparaître l'instant suivant.

Pourquoi, alors que tout semblait lui sourire à Kadic, le jeune homme avait-il l'air de souffrir à ce point au fond de lui-même ?

Ulrich savait que c'était l'enlèvement par la Green Phoenix d'un certain Angel Mower, une des connaissances de Mathieu dans son ancien lycée, qui l'avait motivé à rejoindre les rangs des Lyokô-guerriers. Mais qui était réellement ce type pour qui tous se démenaient ? Quel lien avait-il réellement avec Mathieu ? Il ne pouvait croire à une simple amitié aux vues du ton de mépris qu'avait emprunté Stéphanie les rares fois où ils avaient discuté de son cas ensembles…

En temps normal, Ulrich n'aurait pas fait tant de formalités vis-à-vis de cet Angel, mais il voulait savoir pour qui il se préparait à risquer sa vie véritablement.

Alors que Mathieu reprenait peu à peu des couleurs, le jeune homme finit par céder, interpellant son camarade d'un signe de tête.

- Dis-moi Mathieu, ça fait un moment que je me demandais… commença-t-il en haussant un sourcil interrogateur, c'est qui cet Angel qu'on va essayer de retrouver dans le Supercalculateur de la Green Phoenix ? Je veux dire… C'est qui pour toi exactement ?

La question désarçonna l'adolescent. Il détourna précipitamment la tête, rougissant légèrement. Était-il sage de parler d'Angel à Ulrich ? Même si lui et le jeune homme s'étaient beaucoup rapprochés au cours de leurs séances d’entraînement, le souvenir cuisant de la trahison de ses amis de Sainte Bénédicte continuait à le hanter. Il ne pourrait supporter de vivre cela une nouvelle fois, de se sentir à ce point rejeté pour ce qu'il était.

Dans un ultime effort, il se força à croiser le regard de son vis-à-vis, plantant ses prunelles d'un bleu nuageux à l'intérieur, comme pour sonder ses intentions. Il n'y décela aucune trace d'hostilité, juste une franche curiosité… Après tout, Ulrich avait été l'ami d'Aelita et d'Odd pendant de nombreuses années. Devait-il vraiment craindre quelque chose de la part d'une personne en qui ses deux premiers véritables amis à Kadic avait choisi de placer leur confiance ?

Finalement, l'épuisement résultant de sa rematérialisation eut raison de ses dernières volontés et les mots jaillirent d'eux-mêmes de sa bouche, aussi lointain que s'ils avaient été lancés par un étranger :

- Angel est la personne que j'aime… fit-il dans un souffle en s'empourprant de plus belles, je veux dire par là… Celui pour qui je serais près à tout faire, même à donner ma propre vie.

- Oh…

Ulrich resta bouche-bée face à la révélation de Mathieu. Il dut se repasser ses paroles dans sa tête plusieurs fois avant d'en saisir réellement le sens. Quelque part, il s'était attendu à quelque chose de semblable, mais il y avait un grand pas entre de simples soupçons et un coming-out authentique.

- Alors comme ça tu es… Gay ? lança-t-il maladroitement.

Le hochement de tête affirmatif du jeune homme acheva de le mettre dans l'embarras. Avec Sissi et sa bande, ils avaient pris l'habitude de se moquer des quelques homosexuels réputés du lycée, mais se retrouver ainsi face à une personne qu'il avait fini par considérer comme un ami le mettait franchement mal à l'aise. Il ne savait plus trop quoi penser exactement.

- Je sais, c'est bizarre, grimaça Mathieu, tout aussi gêné, oublie ce que je viens de dire…

- Non ! protesta vivement Ulrich, subitement inquiet à l'idée d'avoir froissé le jeune homme, ce n'est pas bizarre ! C'est juste que ça m'a surpris…

Ulrich eut brusquement un froncement de sourcil songeur.

- …Cela dit ça explique l'attitude d'Eva à ton égard ! Cette folle d'américaine serait capable d'être jalouse du chien d'Odd s'il avait été encore parmi nous !

Mathieu eut un petit rire soulagé, plus par rapport à la tolérance du jeune homme qu'en référence à sa blague.

- Qui d'autre est au courant ? questionna Ulrich en aidant l'adolescent à se relever, esquissant un petit sourire à son tour.

- Tout le monde sauf Jérémie je crois ? répondit Mathieu en réfléchissant légèrement, Aelita a été la première au courant ici… La première a vraiment me tolérer comme j'étais aussi. Sans compter Stéphanie bien sûr, mais elle est spéciale elle !

- Et tes parents dans tout ça ? poursuivit le beau brun sur sa lancée, ils le savent ? Comment ils le prennent ?

A la mention de ses géniteurs, le visage de Mathieu s'assombrit. Sa vie avait été tellement chargée depuis son arrivée à Kadic qu'il avait à peine eut le temps de penser à sa famille… Pourtant, maintenant qu'Ulrich le mentionnait, il se rendait compte que cela faisait des mois qu'ils n'avaient plus aucune nouvelle de leur part. Ni sa mère, ni son père n'avaient pris la peine de le contacter ne serait-ce que par téléphone, se contenant de payer l'internat sans discuter.

Pour la première fois depuis des mois, l'adolescent se rendit compte que ses parents lui manquaient. Pas les êtres froids et distants qui l'avaient laissé partir sans discuter et n'avait même pas cherché à le protéger le jour où il s'était fait tabasser, mais les personnes aimantes et attentionnés qu'il avait connu pendant seize ans, avant ce fameux soir de bal qui avait bouleversé sa vie.

- On a rompu le contact depuis mon coming-out au lycée de Sainte Bénédicte, répondit-il amèrement en luttant contre les larmes qui commençaient à embuer ses yeux, en fait on n'en a jamais réellement discuté… Je crois que je leur fais honte quelque part, c'est pour ça qu'ils m'ont laissé partir à Kadic sans broncher quand ça commençait à devenir trop difficile pour moi au lycée. Enfin bref…

Ulrich se mordit la langue dans sa bouche, coupable. Il avait encore gaffé ! Pourquoi fallait-il qu'il manque toujours de délicatesse à ce point ? Autant il n'appréciait pas particulièrement l'homosexualité, autant voir des parents abandonner ainsi leur fils pour si peu lui paraissait une idée révoltante ! Rien ne pouvait pardonner une telle indifférence de la part d'un père et d'une mère, pas même un sujet aussi complexe que l'orientation sexuel de leur progéniture !

Il hésita un bref instant au milieu de la salle des scanners tandis que Mathieu rejoignait le monte-charge, silencieux, tachant de refouler les souvenirs douloureux qui recommençaient à surgir des tréfonds de son esprit. Ulrich finit par franchir les derniers pas le séparant de l'habitacle de la cage de fer, encore un peu sonné par les paroles de son ami.

Mathieu pressa le bouton de la paume de sa main et l'appareil se mis en branle, s'élevant jusqu'à la salle de contrôle. Ulrich resta immobile, adosser contre une paroi de bois dans son coin, perdu dans ses pensées.

Il n'avait aucune idée de ce que pouvait ressentir un adolescent face à ses sentiments amoureux vis-à-vis d'autres hommes, mais le fait d'être ainsi rejeté par ses parents, c'était quelque chose qu'il connaissait.

- Tu sais, se décida-t-il enfin à sortir rompant ainsi le silence pesant qui commençait à s'installer dans l'habitacle, mes parents ne sont pas des anges non plus. Depuis des années mon père passe son temps à me rabaisser, à me rappeler à quel point je suis un bon à rien et à quel point je le déçois sur tous les points. Sur mes notes, sur mes fréquentations, sur ma petite-amie… Je n'ose même pas imaginer sa réaction si c'était moi qui étais gay ici ! Et ma mère n'est pas mieux, trop occupée à s'engueuler avec mon père pour prendre garde à ce qu'il dit et à ce que je peux ressentir. Je sais ce que ça fait d'avoir l'impression de n'être qu'un minable pour eux, crois-moi.

Il avait dit cela sur un ton égal, pourtant la nuance de tristesse au fond de son regard venait démentir cette apparente indifférence.

Mathieu écarquilla les yeux de surprise. Savoir qu'Ulrich, un garçon aussi populaire, aussi charismatique, puisse renfermer une souffrance aussi similaire à la sienne au fond de lui lui paraissait totalement insensé ! C'était comme si on venait subitement de calquer l'image d'une autre personne par-dessus celle de l'adolescent affirmé et sûr de lui qu'il fréquentait depuis quelques semaines. Pour la première fois, Ulrich lui paraissait aussi vulnérable que lui.

- Ils sont en plein divorce en ce moment, poursuivit le jeune homme en tournant la tête vers Mathieu d'un air sombre, et ni l'un ni l'autre ne se soucie de ce que leur séparation peut me faire ressentir. Tout ce qui leur importe, c'est qui héritera du boulet –moi- au terme de cette affaire. Personnellement, je ne pourrai supporter d'être avec aucun des deux ! C'est hors de question que je me laisse une nouvelle fois manipuler par leurs paroles…

- Je… Je ne savais pas, bredouilla Mathieu, honteux, je suis désolé…

Ulrich mit quelques secondes à se reprendre avant de lui adresser un petit sourire rassurant, lui indiquant qu'il n'avait rien à se reprocher.

- Je ne veux pas de ta pitié ou quoi, et je me doute que tu ne veux pas de la mienne non plus, corrigea-t-il, c'est juste que… Aelita a été habituée à grandir et à mûrir sans ses parents. Elle peut très bien vivre sans eux, même s'ils n'ont jamais reflété qu'une image d'amour à ses yeux. Quant à Odd, ses parents sont tous les deux des artistes hyper-tolérants qui passent leur temps à le gâter ! Son souhait le plus vif, c'est de pouvoir enfin se disputer avec eux comme tous les autres adolescents « normaux ». Il est incapable de saisir ce que cela fait d'être vraiment en conflit avec eux…

Ulrich poussa un profond soupir, laissant sa tête reposer contre la paroi vibrante du monte-charge. Se livrer ainsi auprès de Mathieu l'avait épuisé.

- Ce que j'essaye de te dire, continua-t-il en fermant les yeux, c'est que je suis sûrement plus à même de te comprendre sur ce point que n'importe qui dans la bande, et qui si tu as besoin d'en parler ou que ça devient vraiment trop dur pour toi, je suis là… D'accord ?

Mathieu resta interdit, incapable de répondre quoi que ce soit. Le discours du jeune homme l'avait profondément touché, plus qu'il ne l'admettrait jamais par ailleurs ! Pour la première fois depuis son coming-out, il avait l'impression de parler à quelqu'un qui saisissait pleinement l'ampleur de ses sentiments actuels.

Ni Odd, ni Aelita ou ni même Stéphanie n'avait été capables d'une telle prouesse jusqu'à présents. Ils étaient compréhensifs, certes, et cela lui faisait énormément de bien, mais aucun des trois n'avait la capacité de se mettre à sa place comme Ulrich.

- Merci, souffla-t-il finalement alors que la cage d'ascenseur s'immobilisait enfin avec fracas, ça… Ça m'aide beaucoup déjà ce que tu viens de me dire… Merci infiniment.

Il était sincère. Parler avec Ulrich avait contribué à alléger quelque peu le poids qui pesait sur son cœur depuis janvier dernier. Une prouesse que de simples remerciements ne suffirait jamais à rembourser.

Le jeune homme aux cheveux bruns lui adressa un ultime clin d'œil avant de franchir la porte du monte-charge, s'avançant dans la lueur verdâtre de la salle de contrôle du Supercalculateur.

Aelita et Jérémie étaient chacun adossés à une extrémité opposée du dispositif de Retour dans le temps, les yeux rivés pour l'une sur son ordinateur portable, pour l'autre sur son I-pad, évitant soigneusement de se parler.

Anthéa était, comme à son habitude, assise devant le pupitre au centre de la pièce, faisant défiler d'un œil attentif une liste de codes incompréhensibles à l'écran principal.

Il semblait à Mathieu que les trois génies passaient leur vie dans cette même position, comme prisonnier d'une boucle temporelle, tant il avait pris l'habitude de les voir travailler ainsi de concert au fil des dernières semaines.

Le seul élément venant modifier ce sempiternel décor ce jour-ci était un lourd sac de voyage calé entre deux câbles, non loin de Jérémie. Le jeune homme devait en effet ré-emménager à Kadic le soir même, libérant enfin les Stones de sa présence.

Même si Aelita n'en laissait rien paraître, Mathieu savait que cela la soulageait. Dormir avec son ancien petit-ami sous le même toit avait été une situation pour le moins inconfortable pour elle ces derniers temps.

Cependant, l'adolescent redoutait le retour de Jérémie dans la chambre 043. Quels allaient être leurs rapports après tout ce qui s'était passé dernièrement ? Ils avaient à peine eut l'occasion d'échanger quelques mots au cours des dernières semaines, s'évitant au maximum lors de leurs passages en commun à l'usine, s'ignorant dans le meilleur des cas. Aucun des deux ne souhaitait se retrouver seul à seul avec l'autre. La soirée à venir promettait d'être oppressante…

- Tout est OK de mon côté ! lâcha finalement Anthéa en se renfonçant dans son siège, le faisant pivoter vers les deux adolescents au sol, et pour vous ?

- Tout va bien, répondit Jérémie en rajustant ses lunettes, je n'ai décelé aucune erreur.

- Idem, surenchérit Aelita, on peut lancer la phase de test, maman !

La femme aux longs cheveux roses approuva d'un bref signe de tête avant de se retourner vers ses écrans, projetant leur lueur blafarde sur son visage. Après un ultime échange de regards, les trois informaticiens pressèrent d'un même mouvement la touche « enter » de leur clavier respectif. Mathieu et Ulrich retinrent leur souffle, n'osant s'approcher.

Pendant un instant, rien ne se produisit. Les lignes de programme se contentèrent de défiler de manière hasardeuse, semblant hésiter à s'organiser. Les adolescent surprirent Anthéa crisper ses poings sur les dossiers de sa chaise.

Puis, soudain, tout s'accéléra à l'écran qui se mit à grésiller furieusement. Le dispositif de Retour dans le Temps se mit à ronronner dans un brut d'enfer et Aelita comme Jérémie s'en éloignèrent précipitamment, haussant un sourcil inquiet.

- Pourvu que le Supercalculateur tienne le coup, siffla la jeune fille aux cheveux roses entre ses dents.

Ses inquiétudes s'estompèrent cependant rapidement en même temps que le bruit des machines et, l'instant d'après, une nouvelle fenêtre s'affichait à l'écran face à Anthéa, ornementé d'un « plus » vert clignotant.

- Ça fonctionne ! jubila Jérémie le premier en se précipitant devant le pupitre de l'ordinateur, Anthéa vous êtes… Brillante, vraiment ! Sans vous infiltrer la Faille aurait pris des mois !

- Vous y êtes pour beaucoup aussi, sourit la jeune femme en se détendant pour la première fois depuis plusieurs semaines, se laissant même aller à sourire, je dois avouer que toi et Aelita m'avez tous les deux impressionnés en matière de programmation ! Tu avais raison ma chérie, je vous ais sous-estimés pendant tout ce temps…

L'adolescente eut un sourire penaud qui ne suffit cependant pas à masquer l'éclat de satisfaction au sein de ses pupilles vertes. La tension accumulée tout au long des semaines passées venait subitement de s'estomper laissant place à un étrange sentiment d'euphorie, entêtant. Ils avaient enfin réussi à prendre l'ascendant pour la Green Phoenix !

- C'est surtout Jérémie qui s'est montré impressionnant ! corrigea Aelita malgré tout humblement en se tournant vers le jeune homme qui écarquilla les yeux de surprise, je ne pensais pas que tu avais à ce point progressé depuis l'année dernière ! Cela faisait longtemps qu'on n'avait pas codé ensembles…

Jérémie marmonna quelque chose d'inaudible en guise de remerciement et la jeune fille, consciente qu'elle s'était quelque peu laissée emportée par la joie, détourna prestement le regard, gêné

- C'est quoi le plan maintenant ? questionna Ulrich, soucieux d'éviter un nouveau sentiment de malaise général, quand est-ce qu'on infiltre le Supercalculateur de la Green Phoenix ? Et qui sera de la partie ?

Jérémie et Aelita se tournèrent tous deux vers la mère de la jeune fille, un air interrogateur sur le visage. Petit à petit, Anthéa avait fini par s'imposer en temps que leader de leur petit groupe, autant en raison de son âge que de ses connaissances, nettement plus avancées que celles de simples adolescents.

La femme aux longs cheveux pâles poussa un profond soupir.

- Puisque le programme est au point, je ne vois pas de raisons de repousser l'expédition… Vous êtes en week-end dés demain, non ? Dans ce cas que diriez-vous de tous nous retrouver à l'usine dans la matinée pour mettre au point la stratégie d'attaque et par la suite passer à l'action ? Nous sommes tous épuisés pour l'instant et nous avons tous droit à une bonne nuit de sommeil après avoir travaillé si dur !

Ulrich approuva d'un signe de tête.

- Très bien, dans ce cas je me charge de prévenir Odd et Eva ce soir, affirma-t-il en se dirigeant de nouveau vers le monte-charge, tu te charges de Stéphanie et Yumi, Mathieu ?

Le jeune homme acquiesça en le rejoignant dans l'habitacle, réprouvant son excitation comme il le pouvait. Pour lui, ce plus vert clignotant à l'écran signifiait bien plus que pour toutes les personnes présentes dans la pièce : c'était une véritable lueur d'espoir dans sa quête pour libérer Angel !

Jérémie hésita un instant avant de charger son sac sur son épaule et de rejoindre les deux adolescents.

- Attendez-moi ! Je retourne à Kadic moi aussi, il faut que je m'installe dans ma…. Notre chambre, fit-il en jetant un bref coup d'œil en coin en direction de Mathieu.

Ulrich haussa les épaules en signe d'indifférence.

- Tu viens avec nous, princesse ? lança-t-il à l'adresse d'Aelita, restée en retrait du côté du pupitre de commande

- Partez devant ! répondit-elle avec un bref sourire, je rentrerai avec ma mère… On se voit demain !

Le jeune homme croisa le regard de son amie et n'insista pas, comprenant qu'elle désirait rester seule avec Anthéa un petit moment. Sans plus de préambule, il appuya sur le bouton de montée de l'ascenseur et celui-ci ne tarda pas à disparaître derrière la lourde porte mécanisée, laissa à la mère et la fille leur intimité. Un silence gêné s'installa, à peine rompu par le ronronnement des machines.

- Tu sais, j'ai encore quelques vérifications de routine à faire avant de pouvoir rentrer ma chérie,
lâcha Anthéa au bout d'un moment en pianotant nerveusement sur l'accoudoir de son siège, tu devrais peut-être rentrer et te reposer un peu…

- En fait je voulais te parler un peu avant de partir, avoua Aelita, entortillant une mèche de cheveux roses d'un air distrait autours de son doigt, on n'a pas vraiment eu l'occasion de discuter ces dernières semaines avec les cours, Miss. Pück, ce programme sur lequel on travaillait et Jérémie à la maison…

Anthéa se figea. Une confrontation en seule à seule avec sa fille était précisément ce qu'elle redoutait. Au cours des dernières semaines, elle s'était adonnée corps et âme à la création du programme d'infiltration, mettant de côté ses ressentis personnels et renouant avec ses racines d'informaticienne pour la première fois depuis des années. Cela avait été psychologiquement très difficile pour elle et elle avait bien cru s'écrouler plus d'une fois, tant l'idée de mêler un groupe d'adolescents –dont sa propre fille qu'elle venait à peine de retrouver- à cette histoire lui paraissait absurde et irresponsable !

En temps qu'adulte, elle tenait à contrôler les ardeurs des « Lyokô-guerriers », comme elle les avait surpris à s'appeler pompeusement par moments en sa présence. Pourtant, bien souvent c'était Aelita et Jérémie qui faisaient preuve de la plus grande maturité lors de leurs séances de travail quotidienne. Le simple fait de les voir parvenir à se supporter mutuellement lui paraissait impressionnant ! Elle se sentait terriblement inférieure en comparaison, elle qui n'avait réussi qu'à tenir tête à la personne la plus chère à son cœur par pur égoïsme.

C'était pour ces raisons qu'elle avait tenu à éviter au maximum sa fille au cours des derniers jours écoulés : par honte vis-à-vis de son comportement passé et par peur de revenir sur sa décision.

Sentant son trouble, Aelita se força à adresser un sourire rassurant à sa mère.

- Ne t'inquiètes pas maman, fit-elle d'un ton apaisant, je voulais juste te dire merci pour tous les sacrifices que tu as fait pour nous dernièrement… Je n'ai pas été juste avec toi il y a quelques semaines : il était normal pour toi d'avoir peur pour nous… Pour moi ! Je pense qu'à ta place j'aurais agi exactement de la même façon, ça doit être pour ça que j'ai préféré ne pas te parler du retour de la Green Phoenix d'ailleurs. Dans tous les cas je suis consciente d'à quel point tu prends sur toi en nous aidant et je t'en remercie ! C'est important pour moi de savoir que tu continues à te battre à mes côtés.

- Aelita… souffla Anthéa, trop surprise par les paroles de sa fille pour dire quoi que ce soit d'autre. Une fois de plus, la jeune femme derrière l'adolescente transparaissait.

Celle-ci eut un léger haussement d'épaules.

- C'est la première fois, reprit-elle d'un ton hésitant, que je ne me sens pas seule dans ce combat. Bien sûr, il y a toujours eu Jérémie et les autres mais… Mais avec toi c'est différent ! Tu es… Tu es ma mère quoi ! L'idée d'avoir ton soutient est plus rassurant que n'importe quoi d'autre, maman.

En lâchant ces derniers mots, Aelita sentit ses yeux s'embuer de larmes. Elle fit mine de les essuyer et, l'instant d'après, une étreinte chaleureuse l'enlaçait. Sans réfléchir, sans même chercher à la repousser, l'adolescente plongeant son visage contre l'épaule de sa mère. Aucun mot ne jaillit de leur bouche respective : cette embrassade valait plus que toutes les paroles du monde. Il leur semblait, en ce moment précis, qu'elles venaient enfin de se retrouver véritablement l'une l'autre !

Anthéa et Aelita restèrent dans les bras l'un de l'autre de longues minutes, profitant simplement de la chaleur et de la douceur de cette étreinte maternelle, si longtemps oubliée pour chacune d'entre elle.


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Mathieu et Jérémie fixaient en silence le panneau de la porte de leur chambre, immobiles au milieu du couloir désert. Ni l'un ni l'autre ne semblait pressé d'y entrer, redoutant de se retrouver seul à seul dans un espace confiné.

Ce ne fut que lorsque la sangle du sac de Jérémie commença à lui cisailler l'épaule que celui-ci craqua, se tournant d'un air agacé vers son compagnon d'infortune.

- C'est toi qui a la clef, fit-il remarquer d'un ton tranchant, dépêche-toi qu'on en finisse.

Mathieu se confondit en excuses, sortant enfin de sa torpeur, et déverrouilla la serrure l'instant d'après d'une main hésitante, faisant pivoter le battant.

Le second lit destiné à Jérémie avait été réinstallé en face du sien dans le courant de l'après-midi et une liasse de papier incluant emploi du temps, règlement de l'école et autre reposait sur le sommier, entre les draps impeccablement pliés.

Jérémie ne put s'empêcher d'embrasser la pièce du regard, brusquement envahi d'une vague de nostalgie. Cette petite chambre qu'il avait occupée pendant tant d'années lui avait plus manqué qu'il ne voulait bien l'admettre… Curieusement, même la présence du lit de Mathieu en son sein ne suffisait pas à étouffer la vague de souvenirs qui venait de l'assaillir.

Son compagnon de chambre décela avec surprise un sourire au coin de ses lèvres. Sourire qui disparut en un éclair, bien vite remplacé par l'habituel masque de froideur du jeune homme.

Sans un mot, Jérémie s'avança et commença à vider son sac, rangeant ses maigres affaires dans l'armoire commune de la pièce. Celle-ci lui semblait curieusement vide, dépourvue des vieux plans de robots et manuels d'informatiques qui s'y empilaient depuis des années avant son départ.

- Qu'est-ce que vous avez fait de mes vieilles affaires ? s'enquit-il d'un ton machinal en rangeant une pile de jean à côté des T-shirt de Mathieu.

- Je crois que les pions les ont jetées… répondit le jeune homme d'un ton coupable, tu es parti en n'emportant que le strict nécessaire et c'est dans la politique de l'établissement de ne pas laisser s'entasser les affaires personnelles oubliées par les anciens occupants des chambres.

- Bien sûr, lâchant Jérémie d'un ton égal sans parvenir à réprimer la petite pointe qui venait de transpercer son cœur. C'était comme si sa vie à Kadic avait été jetée aux ordures en même temps que ses affaires à ses yeux.

A son grand dépit, vider son sac ne lui prit pas plus de quelques minutes et, après avoir gagné une poignée de secondes supplémentaires à fermer les volets de la chambre, Jérémie n'eut bientôt plus d'autres choix que de se tourner de nouveau vers Mathieu, toujours immobile sur son lit. L'adolescent aux lunettes retint une grimace : la simple présence du jeune homme dans sa chambre le répugnait !

Il pouvait toujours feindre l'envie de prendre une douche : cela laisserait à Mathieu l'occasion de faire semblant de se coucher et de dormir d'ici son retour, ce qui leur éviterait à tous les deux bien des désagréments. Pourtant Jérémie ne pouvait s'y résoudre. Il y avait des choses dont il avait besoin de parler avec son compagnon de chambre. Des choses qui ne pouvaient pas attendre plus longtemps.

Le jeune homme s'éclaircit la gorge, attirant l'attention de Mathieu :

- Certaines personnes de la classe m'ont fait part de certaines rumeurs, commença-t-il d'un ton qui se voulait assuré mais derrière lequel transparaissait l'hésitation, des rumeurs selon lesquelles Aelita n'aurait pas attendu très longtemps après mon départ pour se caser… Il paraîtrait même qu'elle serait sortie avec un garçon entre-temps.

Mathieu ne répondit rien, se contentant de fixer ses pieds d'un air coupable. Cette simple vision suffit à faire enfler le sentiment de colère et de jalousie qui étreignait Jérémie depuis quelques temps désormais.

- Est-ce que c'était toi ? questionna-t-il abruptement sans faire de détour.

L'adolescent visé manqua s'étouffer face à l'absurdité de la remarque de son compagnon de chambre. Après tous ces mois d'absence il n'avait toujours pas laissé tomber sa jalousie mal placée semblait-il…

- Pardon !? lâcha Mathieu, complètement abasourdi.

- Tu m'as bien compris, fulmina Jérémie, s'empourprant violemment, est-ce que toi et Aelita avez eu une relation ?

Pendant un instant, une furieuse envie de rire assaillit le jeune homme mais il parvint à la refréner de justesse, en croisant le regard glacial de colère de son compagnon de chambre. Ricaner bêtement n'aurait fait qu'ajouter de l'huile sur le feu. Mieux valait clarifier les choses une bonne fois pour toute.

Mathieu prit une profonde inspiration avant de répondre :

- Non, fit-il tout simplement, plantant ses yeux dans ceux de Jérémie avec ferveur, Aelita est juste une amie pour moi, c'était déjà le cas avant ton départ et ça n'a pas changé depuis. Rien ne s'est passé et rien ne se passera jamais entre nous. Ça te va ?

- Comme si j'allais te croire sur parole, marmonna Jérémie malgré lui en se laissant tomber sur son propre lit.

Ce fut le tour de Mathieu de s'embraser sous l'effet de la colère cette fois-ci. L'attitude de son compagnon de chambre commençait à l'agacer profondément.

- Si tu veux tout savoir, elle est sortie avec Thomas Jolivet, lâcha-t-il d'un ton hargneux, ils ont rompu quelques temps avant ton retour… Si tu veux plus de détails tu n'as qu'à lui en demander ! Elle te confirmera ce que j'ai dit…

Jérémie écarquilla les yeux de stupeur. Trop surpris pour répliquer. Thomas ? Pourquoi Aelita serait-elle sortie avec ce type qu'elle fréquentait à peine avant son départ ? Cela n'avait pas le moindre sens ! Pourtant Mathieu ne semblait pas mentir, à en juger son regard et son ton colérique.

Un poids énorme s'abattit subitement sur sa poitrine, lui coupant le souffle, alors que l'image d'une Aelita, radieuse, enlaçant un Thomas aux traits flous s'imposait à son esprit. Le premier garçon venu valait-il ainsi tellement mieux que lui ? Ou n'avait-il été qu'un fardeau pour la jeune fille tout ce temps ? A tel point qu'un type comme ce Thomas lui avait paru une échappatoire agréable ? Il ne pouvait le croire…

Imaginer SA Aelita dans les bras d'un être aussi quelconque lui était plus douloureux encore que de supposer une amourette entre elle et Mathieu.

Les jambes fauchées, Jérémie se laissa tomber sur son lit, interdit. Son compagnon de chambre, bien que toujours aussi agacé, ne put s'empêcher de ressentir une pointe de pitié face à l'air subitement désespéré du jeune homme. Comme si son univers venait soudain de s'effondrer… Un regard qu'il n'avait que trop croisé dans le miroir au cours des semaines passées.

Mathieu retint un soupir. Au final, l'amour déchirant qu'éprouvait Jérémie pour Aelita n'était guère différent de celui que lui-même ressentait à l'égard d'Angel. N'était-il pas allé jusqu'à boire plus que de raison par pure jalousie lui-même ?

Un rictus étira ses lèvres. N'étaient-ils pas pitoyables les occupants de la chambre 043 ? A se torturer ainsi l'esprit pour de simples histoires de cœur, à s’entre-déchirer sans laisser le temps à leur raison de prendre le dessus sur leurs sentiments ?

- Elle se sentait seule, lâcha-t-il sans réfléchir, le regard dans le vide, elle a très mal vécu ton départ tu sais ? C'est pour ça qu'elle a sauté sur la déclaration de Thomas… Pour se vider l'esprit…

Jérémie releva légèrement la tête, fixant Mathieu d'un air suspicieux. Pourquoi lui racontait-il tout cela ? Cherchait-il à l'enfoncer plus encore ? L'adolescent eut un petit rire nerveux avant de poursuivre.

- Pour tout te dire je n'ai pas vraiment cherché à l'arrêter, au contraire ! Je pensais sincèrement que c'était mieux pour elle… Mais j'avais tord. Ça n'a pas marché avec Thomas et ils ont fini par rompre, tu veux savoir pourquoi ?

Le jeune homme aux lunettes de répondit pas, se contentant de dévisager d'un air égal son compagnon de chambre. Celui-ci soutint son regard. Maintenant qu'il avait commencé, il devait aller jusqu'au bout : quitte à troubler le jeune homme.

- Parce que, tout au fond d'elle, au fond de son cœur, il y a toujours une petite place dans laquelle tu te trouves, acheva-t-il sans ciller, c'est parce qu'elle ne peut pas t'oublier, parce que tu as eu une telle importance dans sa vie que tous les Thomas du monde ne pourront jamais te remplacer.

Jérémie crispa les poings sur ses draps. Son cœur lui faisait mal à un point inimaginable en cet instant précis, comme si quelqu'un s'était appliqué à le transpercer d'une centaine d'aiguilles. Il n'avait même plus la force de répondre, ni de s'énerver. Mathieu marqua un silence avant d'ajouter, un air triste sur le visage :

- Au départ j'avoue que je ne saisissais pas tout de votre relation… Je ne comprenais pas pourquoi une fille aussi douce et candide qu'Aelita se retrouvait avec quelqu'un d'aussi froid et distant que toi, à mes yeux tout du moins. Et puis j'ai fini par apprendre à vous connaître tous les deux. J'ai fini par voir la nature complexe et torturée de celle que je pensais si simple, et le cœur pur de celui qui, pendant des années, n'a eu d'autres objectifs que la libérer des démons de son passé, allant jusqu'à sacrifier son innocence par amour. Vous êtes complémentaires tous les deux, et bien plus profonds que ce qu'on pourrait penser en vous voyant à première vue. C'est pour cette raison…

Il hésita une fraction de seconde avant de poursuivre. N'allait-il pas trop loin avec son compagnon de chambre ? Ne risquait-il pas de s'attirer encore plus ses foudres en parlant avec autant de franchise ? Finalement, les mots sortirent de sa bouche d'eux-mêmes, sans qu'il puisse les retenir. Il fallait simplement que quelqu'un les disent, et ce quelqu'un devait être lui pour plus d'une raison :

- C'est pour cette raison, lâcha-t-il d'un ton plus assuré, que tu ne dois plus jamais l'abandonner. N'abandonne ni Aelita, ni tes sentiments car vous êtes faits pour être ensembles à mes yeux. Maintenant que tu es revenu, tout est possible après tout ! Alors prend le temps de lui parler avec ton cœur un de ces quatre. Et arrête de te prendre la tête en te faisant des films : c'est ce genre de chose qui a ruiné votre relation.

A la lueur de sa lampe de chevet, Jérémie semblait plus pâle que jamais et, l'espace d'un instant, Mathieu prit peur. Avait-il franchit une limite avec son compagnon de chambre ?

- Il est tard, lança finalement ce dernier, la mâchoire crispée, on ferait mieux de se coucher. Demain sera une dure journée.

Il était inutile d'insister : la discussion était close pour lui. Mal à l'aise, Mathieu approuva d'un bref signe de tête et se leva de son lit, s'empara de sa trousse de toilette et d'un pyjama au passage, se préparant à aller se doucher. Alors qu'il s'apprêtait à franchir la porte de la chambre, sa main déjà sur la poignée, la voix de Jérémie retentit soudain dans son dos, étrangement distante.

- Merci Mathieu…

Ces deux mots avaient été crachés avec un infini dégoût, comme si remercier son compagnon de chambre suffisait à écorcher la bouche du jeune homme. Pourtant, elle suffit à faire naître un sourire sur les lèvres de Mathieu. Depuis qu'ils se connaissaient, c'était la première fois que Jérémie se montrait aussi cordial. Prononcer cette simple phrase avait du énormément lui coûter.

L'adolescent eut un bref signe de tête, avant de disparaître dans le couloir, sans ajouter un mot. Une fois de l'autre côté de la porte, il s'adossa contre le battant, perdant son regard dans les méandres du plafond éclairé par la lueur hésitante des néons. Cette discussion avait eu un étrange effet sur lui comme sur Jérémie… Peut-être tout n'était-il pas perdu entre eux en fin de compte ?


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Une ambiance étonnamment tendue régnait sur l'usine ce samedi matin. Personne ne pipait mot, se contentant de se lancer de brefs regards, mêlant appréhension et excitation. Odd et Eva se serraient la main comme si leur vie en dépendait, adossés non-loin du monte-charge. Mathieu et Ulrich s'étaient assis autours du dispositif hors d'usage de Retour dans le Temps, le premier tremblant de nervosité, l'autre de marbre, son regard déterminé fixé en direction du poste de commande. Aelita et Jérémie se trouvaient de part et d'autre de se dernier, évitant soigneusement de croiser le regard de l'autre. Anthéa, enfin, siégeait devant le pupitre comme à son habitude, très droite, la lèvre du bas crispée et les jointures blanches autours des accoudoirs, malgré un regard plus neutre que jamais.

La porte du monte-charge coulissa dans un bruit d'enfer, rompant le silence épais de la pièce, laissant Stéphanie et Yumi rejoindre le groupe.

- Désolées pour le retard, lâcha la première en partant rejoindre Mathieu en quelques enjambées, un sourire volontaire sur le visage, tout le monde est là ?

Anthéa embrassa l'assemblée du regard, s'attardant sur chacun des adolescents qui lui faisait face, avant de prendre le temps de répondre. Au fond d'elle, elle avait l'impression de faire une erreur en les impliquant tous ainsi de façon si irresponsable. Pourtant il y avait quelque chose dans leur regard contre lequel elle ne pouvait lutter…

- Oui, fit-elle en se forçant à se détendre sur sa chaise, on peut désormais fixer les objectifs… Je suppose que tous ceux à même d'être virtualisés dans cette pièce souhaitent prendre part à l'infiltration ?

Eva, Odd, Mathieu, Ulrich et Aelita hochèrent la tête comme un seul homme en signe d'approbation. Stéphanie eut un mouvement étrange avant de regarder le plafond plongé dans la pénombre d'un air innocent. Yumi lui jeta un regard soupçonneux en coin. S'était-elle imaginée pendant un instant rejoindre l'opération sur Lyokô ? Il était hors de question qu'elle la laisse risquer sa vie une fois de plus !

Sentant le regard de son amie posée sur elle, Stéphanie tourna la tête dans sa direction et lui adressa un sourire rassurant. Elle n'était pas inconsciente : elle savait à quelle point la japonaise comme les autres s'étaient inquiétés pour elle lors de son hospitalisation, bien qu'elle n'en gardait aucun souvenir. Elle ne tenait pas à être un poids pour eux une fois de plus.

Anthéa retint un soupir.

- Très bien, inutile que j'insiste dans ce cas. Laissez-moi juste faire le point sur ce qu'il conviendra de faire une fois transférés dans le Supercalculateur de la Green Phoenix.

Elle déplia trois doigts, captivant ainsi son auditoire d'un geste solennel.

- Premièrement, fit-elle en abaissant le premier doigt, on ne sait pas ce qui vous attend de l'autre côté de la Faille alors veillez à rester grouper quoi qu'il arrive. Deuxièmement – elle baissa le deuxième doigt – le programme de Transfert vous assurera une liaison permanente avec Lyokô : si vous êtes dévirtualisés là-bas, vous reviendrez instantanément dans les scanners et Jérémie comme moi seront en mesure de vous joindre quoi qu'il arrive, donc vous ne serez pas livrez à vous-même. De plus, nous accéderons aux données de leur Supercalculateur à l'instant où vous y poserez les pieds donc nous pourrons vous guider son difficulté. Enfin troisièmement et pour finir –elle abaissa le dernier doigt d'un air grave- il est fort possible que la Green Phoenix vous repère et tente de vous attaquer et de bloquer le système de Transfert, ce qui fait que nous devons garder à l'esprit que cette intrusion dans leur ordinateur pourrait bien être notre dernière. Si vous trouvez Angel, faite tout votre possible pour le ramener immédiatement sur Lyokô afin que nous puissions le rematérialiser ici. Et si l'occasion vous est donnée de détruire leur base de données, surtout ne vous en privez pas ! C'est bien compris ?

Un nouveau hochement de tête général lui répondit. Anthéa ne put s'empêcher de déglutir pour faire passer la boule d'angoisse qui commençait à lui étreindre la gorge avant de continuer :

- Très bien, dans ce cas, inutile de repousser l'opération plus longtemps… Tous à la salle des scanners, je prépare la virtualisation. Mathieu et Eva, vous passerez après les trois autres.

Cette simple phrase agit comme un stimulant sur les Lyokô-guerriers. Odd et sa petite-amie les premiers se dirigèrent vers le monte-charge tandis qu'Ulrich et Mathieu se relevaient d'un bond un peu raide, trahissant leur angoisse.

Stéphanie intercepta Mathieu à mi-chemin, lui indiquant d'un signe de tête de se mettre un peu à l'écart. Son regard subitement sérieux interpella le jeune homme qui s'exécuta, inquiet.

- Qu'est-ce qui t'arrive ? questionna-t-il une fois sûr d'être à l’abri des oreilles indiscrètes.

- Eh bien… fit la jeune fille en se mordillant nerveusement une mèche de cheveux de sa couette, si tu te retrouves face à Angel là-bas… Promets-moi de garder la tête froide quoi qu'il arrive ! Ne fait rien d'inconsidéré, d'accord ?

Mathieu haussa un sourcil incrédule. Pourquoi lui dire une telle chose ? Sentant sa surprise, Stéphanie se reprit rapidement, se forçant à plonger son regard aux reflets violets dans le bleu de celui de son ami.

- Je sais comment tu es et je veux juste m'assurer que tu me reviennes sain et sauf alors promet-le moi ! dit-elle d'un ton étonnement ferme.

Face à l'insistance de l'adolescente, le jeune homme n'eut d'autre choix que de céder, plus touché par son inquiétude qu'il ne voulait l'admettre.

- Très bien, je te promets d'être prudent, assura-t-il avec un sourire crispé.

Cette déclaration sembla détendre quelque peu Stéphanie qui lui rendit son sourire, avant de brusquement se jeter à son cou, manquant de le désarçonner sous la force de l'étreinte.

- C'est tellement frustrant de ne pas pouvoir t'accompagner dans un moment aussi important, souffla-t-elle en l'étreignant de toutes ses forces, courage Mathieu !

Puis sans crier gare, elle le relâcha et courut d'un pas léger rejoindre Anthéa et Jérémie devant les écrans.

Mathieu resta interdit un moment, encore troublé par le subit débordement d'affection de son amie. Avec stupeur, il constata que le poids qui pesait sur son estomac depuis l'annonce de la mission s'était quelque peu alléger. Définitivement, Stéphanie était bien la seule capable de l'apaiser avec autant de facilité !

Trop troublé pour faire attention à ce qui l'entourait, il ne vit pas Yumi agripper le bras d'Ulrich au moment où celui-ci s'apprêtait à pénétrer à son tour dans le monte-charge.

- Ulrich, attends !

Le jeune homme leva un sourcil interrogateur en direction de la japonaise. Celle-ci ne put retenir un léger rougissement.

- Je voulais juste te souhaiter bonne chance, lâcha-t-elle d'un ton gêné en retirant précipitamment sa main, et te remercier encore une fois d'avoir rejoint le combat, une fois de plus. Je n'aurais pas du douter de toi à ce point…

- Eh bien… Merci ! souffla Ulrich, désarçonné par la réaction de son ex, on se retrouve tout à l'heure alors ?

Yumi dégagea une mèche de cheveux de son front, la calant derrière une oreille, un pâle sourire sur le visage.

- Oui… Bye !

Sans rien ajouter, elle s'éloigna de quelques pas, laissant le jeune homme rejoindre Odd et Eva en même temps que Mathieu, finalement sortit de sa torpeur.

Il ignora le regard suspicieux du couple pour aller se caler au fond de l'habitacle, ses sourcils plissés en une expression pensive. Pourquoi son estomac avait-il bondit ainsi lorsque la japonaise l'avait ainsi agrippé ?

Aelita ne tarda pas à rejoindre le groupe, non sans avoir déposé un léger baiser sur le front de sa mère.

- Tout va bien se passer, lui souffla-t-elle avant de s'éclipser, fais-moi confiance !

Le cœur déchiré, Anthéa observa sa fille disparaître derrière le panneau coulissant du monte-charge, dans un concert de grincements. Il lui semblait, en cet instant précis, qu'on lui arrachait la personne la plus chère à ses yeux une fois de plus.

Juste avant que la porte ne se referme, l'informaticienne eut le temps de capter un éclat dans le vert profond du regard de sa fille. Un éclat qu'elle n'avait plus vu depuis des années…

« Ah, c'était donc ça… » soupira-t-elle intérieurement en repensant à cette chose indéterminable qui faisait qu'elle avait envie de croire en ces enfants, « ils ont le même regard que Waldo à l'époque… ».

Penser à son défunt mari suffit à lui redonner l'énergie nécessaire pour se reprendre. Se tournant vers Jérémie, Stéphanie et Yumi qui attendaient patiemment à ses côtés, elle ne put s'empêcher de lancer d'un ton théâtral :

- Bien, que l'opération d'infiltration de la Faille commence !


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Les silhouettes de la rockeuse et de l'homme-lapin virtuels se dessinèrent dans la Voûte Céleste dans un grésillement, avant de chuter de plusieurs mètres en direction du sol.

Eva et Mathieu se réceptionnèrent sans soucis, se redressant presque aussitôt. Une fois de plus, le jeune homme du attendre une fraction de seconde avant que ses deux seuls sens restant s'habituent à l'environnement numérique. Aelita, Ulrich et Odd étaient déjà en position non loin de l'impressionnant système d'infiltration, respectivement sous l'aspect d'elfe rose, de samouraï jaune et d'homme-félin violet.

- Mettez-vous en place sur les plots, expliqua la meneuse en s'exécutant elle-même, se positionnant sur la plaque centrale de l'appareillage.

Odd et Eva l'imitèrent aussitôt, bien vite suivis par Ulrich, se répartissant tout autours de la jeune fille.

Mathieu hésita un instant, levant le regard vers la Faille, désormais bardés de câbles et de filins, pulsant toujours faiblement à la surface de la Voûte. De l'autre côté de cette immonde brèche, se trouvait peut-être celui qu'il désirait tant secourir. Peut-être que dans quelques minutes, lui et Angel seraient enfin réunis. Ce qui arriverait lors de leurs retrouvailles, il ne voulait pas y penser… L'envie de le revoir était plus forte que toutes les appréhensions qu'il pouvait ressentir à cet instant.

- Mathieu ! l'interpela Odd de l'étrange voix fluette qui lui conférait son avatar virtuel.

Tiré de ses pensées, le jeune homme se tourna vers son ami. Celui-ci lui tendait la patte depuis sa plaque, un sourire aux lèvres.

- Il est temps… murmura-t-il comme dans un ultime encouragement.

Galvanisé, Mathieu saisit sa main et se laissa tirer jusqu'au dernier plot restant, prenant place entre l'adolescent et Ulrich, ignora avec superbe le regard noir lancé par Eva du coin opposé.

Aelita leva la tête vers le ciel.

- On est en place, maman, tu peux lancer la procédure ! lâcha-t-elle à l'adresse d'Anthéa.

- Dans ce cas c'est parti, répondit l'interpellée, sa voix déformée et amplifiée par le micro, je lance la procédure… Accrochez-vous, et à dans un instant !

Un instant plus tard, les cercles constituant les plaques s'illuminèrent les uns après les autres, éblouissant les Lyokô-guerriers. Au dessus de leur tête, le symbole de Lyokô servant à emprisonner la Faille s'élargit subitement sous l'effet des câbles, désormais parcourus d'étincelles. La Brèche sembla pulser de plus belle.

- Infiltration ! rugit la voix d'Anthéa à travers l'ensemble de la Voûte Céleste.

Mathieu eut à peine le temps de fermer les yeux, les pieds fermement campés sur sa position, qu'une colonne de lumière s'élevait de son plot, défragmentant son corps en millier de pixels. Le phénomène se répéta tout autours du l'appareil, enveloppant tour à tour Odd, Eva, Ulrich, et enfin Aelita.

Dans un bel ensemble, les particules de lumière qu'ils étaient devenus convergèrent vers les câbles, se frayant un chemin à toute vitesse vers la Faille qui se rapprochait de plus en plus, malsaine, terrifiante, dangereuse.

Plus que trois mètres, deux mètres, un seul…

Enfin, dans un ultime éclat de lumière blanche, les cinq ensembles de particules traversèrent la paroi suintante de la brèche, s'évanouissant de l'autre côté de la Voûte Céleste dans un souffle. Ils étaient en route vers l'inconnu désormais.


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Sur Terre, une série de chiffres défilait à toute allure sur les écrans, Anthéa pianotant de temps à autres sur le clavier, assistée par les directions de Jérémie.

Silencieuses, Yumi et Stéphanie suivaient des yeux les cinq points de leurs amis progresser à travers le réseau sur l'Holomap, affichée dans un coin de l'écran de gauche. La tension était palpable.

Une goutte de sueur glissa du front de la femme aux cheveux roses, dessinant la courbe de son visage jusqu'à son menton.

- Tout semble bien se passer, murmura-t-elle, le programme fonctionne, ils devraient être dans le Supercalculateur de la Green Phoenix d'ici un instant…

Brusquement, une sonnerie d'alerte tonitruante s'échappa de l'ordinateur, vrillant les oreilles des personnes présentes. En une fraction de seconde, l'ensemble des écrans se retrouva recouvert de messages d'erreur, clignotant dans un tintamarre assourdissant.

Un cri d'horreur s'échappa des lèvres d'Anthéa qui se précipita aussitôt sur le clavier, affichant un rapport d'erreur. Jérémie ouvrit d'un geste brusque le portable d'Aelita, déjà connecté, se mordant la lèvre inférieur avec angoisse.

- Qu'est-ce qui se passe !? s'écria Stéphanie en se couvrant les oreilles, grimaçant de douleur.

- Je ne sais pas… Je n'y comprends rien ! jura Anthéa, cédant à la panique, j'avais leur signal il y a un instant, ils ont atteint le Supercalculateur de la Green Phoenix et puis… Plus rien ! Je ne comprends pas, où sont-ils passés !? On devrait déjà avoir la liaison !

Folle d'inquiétude, l'informaticienne agrippa le micro de son casque de toutes ses forces, hurlant presque dedans :

- Aelita !? Aelita est-ce que tu me reçois !? Où êtes-vous, qu'est-ce qui s'est passé ?

Mais seul un silence radio lui répondit, plus assourdissant encore que les sonneries des alarmes devant elle.

Lentement, elle se laissa retombée contre le dossier de la chaise, plongeant sa tête dans ses mains sous l'effet du désespoir.

Sans un mot, Jérémie prit les commandes à sa place depuis son ordinateur, fermant toutes les fenêtres d'erreurs à l'écran les unes après les autres, jusqu'à ce que le silence tombe de nouveau sur la pièce. Yumi crispa les poings : jamais le jeune homme ne lui avait semblé si pâle, si dépité.

- Jérémie, murmura-t-elle en s'accroupissant à côté de lui, tu sais ce qui s'est passé pas vrai… ?

Le jeune homme hocha la tête avec gravité.

- Nous avons été stupides… cracha-t-il avec amertume en se recroquevillant au sol, la Green Phoenix avait du prévoir depuis longtemps qu'on tenterait de passer par la Faille pour les infiltrer… C'était naïf de notre part d'imaginer qu'ils n'avaient rien prévu pour se protéger !

Yumi esquissa un mouvement de recul horrifié…

- Qu'est-ce que tu veux dire… ? lâcha-t-elle, incapable d'admettre ce qu'il sous-entendait, tu penses que… ?

Le regard que lui lança l'adolescent suffit à lui répondre. Un regard empli de la douleur et du désespoir les plus profonds.

Ébranlée, la japonaise vacilla. Stéphanie eut tout juste le temps de la rattraper.

- Quoi ? Qu'est-ce qui se passe !? Qu'est-ce que vous avez compris tous les deux ? questionna cette dernière d'un ton vif, empli d'inquiétude.

Aucun des deux jeunes gens n'eut la force de répondre, se contentant de se murer dans un silence lourd de sous-entendus.

- Anthéa… ? lâcha Stéphanie, désespérée, en se tournant vers leur meneuse.

Celle-ci releva la tête d'entre ses bras et la jeune fille pu alors croiser avec stupeur ses yeux rouges, remplis de larme.

- Ils sont piégés, expliqua-t-elle dans un souffle, piégés dans le Supercalculateur de la Green Phoenix, exactement comme Angel, et nous n'avons aucun moyen de les joindre cette fois… Ils ont gagné, Stéphanie.

D'un coup, le monde sembla se dérober sous les pieds de l'adolescente. Tout s'était terminé en une fraction de secondes. Aelita, Odd, Eva, Ulrich et Mathieu était désormais perdus à jamais, prisonniers du Supercalculateur de la Green Phoenix. Et cette fois, songer à les sauver était inenvisageable. En un instant, ils avaient perdu la guerre.

A l'écran désormais, ne s'affichait plus qu'un seul message, résonnant dans leur tête d'une façon plus sinistre que jamais :


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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:06   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 32 :

Épisode 131 : Bienvenue a ENDO_



Mathieu ouvrit les yeux avec difficulté, étourdi. Que s'était-il passé ? Il se souvenait d'un grand choc peu de temps après le lancement du programme d'Infiltration, comme si on l'avait subitement attiré ailleurs contre son gré, puis le néant. Avait-il perdu connaissance, même à l'état virtuel ? Et où se trouvait-il désormais ?

Pantelant, il se redressa légèrement, relevant la tête, et resta bouche bée.

- Que…Qu'est-ce que c'est que cet endroit… ? balbutia-t-il, incrédule.

En effet, le décor dans lequel il se trouvait ne ressemblait en rien à ce qu'il avait pu voir jusqu'à présent sur Lyokô.

Sous un ciel d'un rouge sanguin, s'étendait à perte de vue des centaines de plateaux gigantesques d'un noir de souffre, flottant dans le vide comme suspendus par une force invisible. Ça et là, des crevasses orangées, d'allure brûlantes, fissuraient le paysage, lui donnant un aspect accidenté des plus cauchemardesques. S'ajoutait à ce sinistre décor des sortes de gros rochers en suspensions, crachant à intervalle régulier des jets de pixels aussi sombres que du charbon, rappelant des sortes de volcans miniatures. Le tout s'étendait à perte de vue devant Mathieu, ne lui offrant qu'un paysage dévasté des plus inhospitaliers.

Ahuri, le jeune homme se releva, ses oreilles de lapin battant l'air. Si son avatar avait eu accès à d'autres sens que l'ouïe et la vue, il aurait juré que l'atmosphère de ce gigantesque territoire aurait été des plus âpres et suffocantes, emplie d'une odeur de souffres et de gaz brûlants mêlés.

- On est dans le Supercalculateur de la Green Phoenix, réalisa soudain Mathieu dans un souffle, ça a marché.

Une vague d'excitation l'envahie subitement : jamais Angel n'avait été si prêt de lui ! Son cœur aurait pu tambouriner dans sa poitrine à toute allure en cet instant précis s'il s'était retrouvé dans le monde réel.

Il ne tarda pas à se renfrogner en se rendant compte du silence inhabituellement oppressant qui l'entourait. Se retournant sur lui-même, il constata subitement qu'il était seul : aucun de ses compagnons Lyokô-guerriers n'étaient visibles dans les environs.

- Odd ? appela-t-il d'un ton incertain, Aelita ?

Personne ne répondit à son appel, pas plus le félin et l'elfe virtuel qu'Eva ou Ulrich. Au bout de plusieurs minutes de cris désespérés à travers le territoire, il dut se rendre à l'évidence : il était seul.

- On a du être séparé par le transfert… jura-t-il entre ses dents, sentant une bouffée d'angoisse le submerger, le territoire a l'air gigantesque vu d'ici… Ça craint !

Levant les yeux vers le ciel cauchemardesque qui le surplombait, il se mit à crier :

- Anthéa !? Est-ce que vous arrivez à localiser les autres depuis vos écrans ?

Cependant, une fois de plus, ce fut le silence le plus total qui lui répondit. La panique commença à le submerger. Le contact avait-il également été coupé avec le Supercalculateur ? Dans ce cas comment pouvait-il espérer rentrer ou retrouver les autres ? Plus il y réfléchissait et plus la situation lui paraissait critique.

Alors qu'une foultitude de scénarii, plus dramatiques les uns que les autres, commençaient à envahir son esprit, un cliquetis métallique retentit dans son dos, le figeant sur place.

- Oh non… murmura-t-il en se retournant lentement.

Face à lui, se dressaient désormais deux gigantesques créatures d'aspect arachnéen. Leur corps, souple et filliforme, se prolongeait en une longue tête effilée couverte d'une carapace beige, ornementée du symbole d'Angel. Elles se tenaient debout sur quatre longues pattes arquées, agrémentées de fins canons métalliques à leur extrémité.

« Des Tarentules » reconnut le jeune homme dans sa tête en esquissant un pas de recul. Odd avait en effet pris le temps de lui présenter l'ensemble des anciens monstres de XANA au cours des semaines passées dans le cadre de son entraînement, ce par le biais de dessins et de croquis détaillés réalisés par ses soins.

Sans crier gare, le monstre le plus proche leva ses pattes avant devant l'adolescent, présentant l'extrémité de ses armes rougeoyantes devant lui.

Mathieu eut tout juste le temps de lever les poignets qu'une salve de lasers se mit à pleuvoir sur lui. En un flash de lumière, ses armes englobèrent l'ensemble des rayons, les absorbant sans difficulté. Le Lyokô-guerrier en herbe n'attendit pas pour répliquer, ripostant en déchargeant ses sphères à toute allure sur les Tarentules, calquant tant bien que mal la cadence de ses tirs sur les leurs.

Un instant d'inattention lui valut un laser en plein dans l'épaule et il se retrouva projeté en arrière sur le coup, laissant derrière lui une traînée d'étincelles.

Jurant, il se releva tant bien que mal et se mit à courir à perdre haleine, fuyant les créatures qui furent contraintes de cesser leurs tirs afin de se lancer à sa poursuite, dans un cri rauque qui déchira le ciel du territoire.

« Oblige-les à courir » se rappela-t-il en dérapant à moitié sur le plateau à texture rocheuse, « ils ne peuvent pas utiliser leurs canons s'ils doivent te poursuivre ! ».

Avisant le panache de pixels d'un des minuscules volcans parcourant le paysage, il se jeta derrière celui-ci, profitant d'un crachas de fumée numérique pour échapper temporairement à la vue de ses poursuivants.

Paniqué, il jeta un bref coup d'œil à ses armes. Quatre segments sur quatorze étaient illuminés de rouge. C'était peu mais suffisant s'il se montrait précis…

Retenant sa respiration comme il le pouvait, plaqué contre la paroi rocheuse, il attendit, l'oreille aux aguets. Le souffle rauque des créatures se faisait de plus en plus proche à mesure que le bruit de leurs canons s'entrechoquant sur le sol s'espaçait. Eux aussi étaient prudents semblait-il…

Lentement, le museau filiforme de la première Tarentule émergea à côté de rocher, sondant la zone avec appréhension. Mathieu ne lui laissa pas le temps de le repérer.

- Bye bye, fit-il avec un rictus en pointant son arme dans sa direction.

La sphère s'ouvrit en un cliquetis et le monstre ne put que se recevoir de plein fouet son propre laser, implosant sur le coup dans un cri d'agonie.

Mathieu fut projeté hors de sa cachette par l'explosion, désarçonné. Il eut tout juste le temps de rouler sur le côté que déjà la seconde Tarentule le canardait de nouveau, faisant pleuvoir sur lui salves sur salves. L'homme-lapin virtuel n'eut d'autre choix que de se remettre à courir, esquivant les lasers de justesse qui le frôlaient à chaque fois. Une des oreilles de sa capuche fut subitement touchée, lui arrachant un cri de surprise.

Ignorant les étincelles tant bien que mal, il se jeta du haut d'une dénivellation rocheuse, roulant au sol pour se rétablir et poursuivant sa course à toute jambe, jetant un regard derrière lui au passage. La Tarentule était toujours sur ses talons, se rapprochant de plus en plus.

- Dégage, toi ! cria-t-il en vidant son chargeur dans sa direction, sans résultat.

Trop occupé à surveiller son assaillant, il ne se rendit pas tout de suite compte de la falaise qui se profilait à l'extrémité de son chemin et manqua de chuter dans le vide, s'agrippant de justesse à l'un des volcans sur le passage.

Le souffle court, il loucha un instant sur la gigantesque mer de lave en fusion qui s'étendait sous lui, plus d'une centaine de mètres en contrebas, s'étendant à perte de vue. Apparemment, cet océan irréel couvrait toute la zone sous l'ensemble des plateaux…

Perdu dans sa contemplation, Mathieu manqua de se faire atteindre par un nouveau laser et eut à peine le temps de se retourner pour absorber la salve de la Tarentule, alerté par le bruit.

Réagissant au quart de tour, il déchargea presque aussitôt sa sphère de métal sur le monstre qui, trop prêt du Lyokô-guerrier, ne put que rejoindre sa sœur dans un néant de pixels rougeâtres.

Mathieu observa les restes de la créature grésiller un moment sur le sol d'un noir de souffre avant de disparaître, haletant. Il s'en était fallu de peu !

Se forçant à relever la tête, le jeune homme écarquilla brusquement les yeux de stupeur. Comment avait-il put ne pas la remarquer plus tôt !? Là, à des centaines de mètre au dessus de lui, déchirant le ciel d'un rouge carmin telle une immonde plaie d'un noir profond, se trouvait la Faille, plus repoussante et plus immonde que jamais, pulsant de sa lueur malsaine.

Une lueur d'espoir s'alluma soudain dans le regard de Mathieu. A peine visibles au milieu de la noirceur de la brèche, se dessinaient cinq tubes métalliques luisant faiblement d'une lueur bleutée, tranchant sur le rouge sanguin du ciel. Le programme d'intrusion était toujours présent… Il pouvait repartir pour Lyokô !

Le visage de l'adolescent s'assombrit subitement. Il était trop tôt pour crier victoire. Il ne savait toujours pas où les autres avaient atterris ni même s'ils étaient encore en vie à l'heure actuelle ! Sans compter que sans liaison avec le Supercalculateur, il était inutile d'espérer atteindre la Faille ou lancer le programme dans l'autre sens…

Un raclement métallique dans son dos lui fit subitement dresser l'oreille. Il fit volte-face juste à temps pour voir deux gigantesques sphères d'un noir délavé rouler jusqu'à lui, l'acculant à l'extrémité de la falaise. De concert, les deux créatures se fendirent subitement en deux sur la longueur, dévoilant un œil unique ornementé du symbole d'Angel, rougeoyant un milieu d'un assemblage complexe de tuyaux et d'organes répugnants. Des Mégatanks !

Alarmé, Mathieu brandit les poings, ouvrant ses armes à la volée, mais seul un cliquetis métallique en sortit. Avec horreur, il constata que l'ensemble des 14 segments à leur surface étaient colorés de bleu. Il avait tout déchargé sur les Tarentules ! Face à ces nouveaux monstres, il n'avait aucun moyen de se défendre ! D'autant plus que ses sphères n'avaient pas la capacité d'absorber leur laser elliptique surdimensionné !

Un frisson d'angoisse le parcourut alors qu'il ne pouvait que voir les yeux des deux monstres rougeoyer de plus en plus, se préparant à faire feu. S'il était dévirtualisé dans ce monde virtuel-ci, que se passerait-il ? Il était prêt à mettre sa main à couper qu'il ne retournerait pas gentiment dans les scanners de l'usine, avec la liaison ainsi coupée avec la Supercalculateur… Mais dans ce cas où reviendrait-il ? Aurait-il seulement la possibilité de retourner sur Terre ? Il ne jouait plus désormais… C'était pour sa vie qu'il se battait !

Une détonation, et les deux murs de feu jaillirent des yeux des Mégatanks, fondant sur lui à toute allure. Mathieu eut un bref coup d'œil derrière lui. Il n'avait pas le choix. En une fraction de seconde, sa décision fut prise et il se jeta en arrière, passant de justesse entre les deux rayons incandescents, avant de chuter vers les profondeurs écarlates de la Mer Numérique de lave en contrebas.


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Eva entrouvrit les paupières, clignant des yeux d'un air hébété. Il lui fallut quelques secondes avant de remettre ses idées en place. Que s'était-il passé ? Elle se souvenait d'un grand choc au moment du passage à travers la Faille et puis plus rien…

Reprenant rapidement contenance, elle leva la tête vers un ciel d'un bleu si pur qu'il en paraissait blanc, s'étendant à perte de vue au dessus d'elle. Rien à voir avec la Voûte Céleste parsemée de fichiers qu'elle venait de quitter : elle n'était plus Lyokô, cela lui faisait déjà une certitude !

- Odd ? bredouilla-t-elle d'un ton incertain en prenant appui sur un pic rocheux dans son dos pour se redresser.

Personne ne lui répondit. Seul un épais silence l'entourait, l'oppressant plus que jamais. Elle avait l'impression de se retrouver prisonnière d'un de ses éternels cauchemars en cet instant précis.

- Ressaisis-toi ma vieille, grommela-t-elle entre ses dents, retenant une crise d'angoisse comme elle le pouvait, tu es seule dans cette galère…

D'un pas hésitant, elle se mit à avancer droit devant-elle avec méfiance, avançant prudemment sur le gigantesque plateau d'un brun grisâtre d'aspect rocheux sur lequel elle se trouvait. Avec du recul, elle se rendit compte que le sorte d'aplomb sur lequel elle avait pris appui un peu plus tôt était en réalité de proportion titanesque, s'élevant vers le ciel à perte de vue, disparaissant derrière d'étranges nuages blancs pixelisés qui flottaient tout autours du territoire. Il constituait là le seul élément de décoration de ce lieu austère par ailleurs : en dehors de lui, seuls quelques minuscules gravats et rochers numériques parsemaient le plateau de-ci de-là, entre deux crevasses.

- Qu'est-ce que c'est que cet endroit… ? grommela Eva, l'œil aux aguets, on dirait vaguement le territoire des Montagnes de l'ancien Lyokô mais…

Elle s'interrompit brusquement, se stoppant net. Sans s'en rendre compte, elle était arrivée à l'extrémité du plateau. Sous elle, ne s'étendait plus qu'un océan de nuages de pixels à perte de vue, lui brouillant la vue. Il n'y avait rien d'autre mis à part une masse informe, à peine visible sous l'amas blanchâtre.

- Allez, écartez-vous saletés… jura la rockeuse virtuelle à l'encontre des cumulus numériques.

Comme désireux d'exaucer son souhait, ceux-ci se mirent subitement en mouvement, glissant sur le côté avec grâce et lenteur, dévoilant le paysage qu'ils masquaient jusqu'à présent à Eva qui ne put retenir un cri de surprise.

Sous elle, jaillissait des nuages, s'élevaient des centaines, voire des milliers de pics rocheux similaires à celui qu'elle venait de quitter, fendant le ciel d'un blanc laiteux. Accrochés à leur base telles d'étranges excroissances, s'étendaient dans tous les directions de gigantesques plateaux semblables à celui sur lequel elle se tenait en cet instant précis.

- Incroyable… souffla-t-elle en se penchant un peu plus pour mieux admirer ce décor saisissant, ça n'a vraiment rien à voir avec Lyokô…

En dessus de la première couche de nuages blancs, semblaient se mouvoir d'autres masses de pixels, plus sombres cette fois-ci. Eva crut discerner du coin de l'œil un arc électrique zébrer l'un d'entre eux pendant un bref instant.

- On dirait que plus on descend de niveau et plus il fait mauvais temps, sourit-elle avec ironie en fronçant les sourcils.

Elle fut subitement tirée de sa contemplation part un vrombissement indistinct au dessus d'elle.

Réagissant au quart de tour, elle eut à peine le temps de se jeter en arrière avant qu'une pluie de lasers ne s'abatte sur elle, la manquant de peu.

- Et merde jura Eva en levant ses yeux clairs dans les airs, en quête d'un ennemi.

Un instant plus tard, un essaim de Frôlions jaillissait des nuages au dessus de sa tête, fendant l'air à tire d'ailes dans sa direction. Eva n'attendit pas une nouvelle salve de tir pour répliquer, lançant une série de cris suraigus qui déchirèrent le ciel, projetant leurs notes de couleur à toute allure vers les monstres.

Un bon nombre d'entre eux implosèrent, fauchés sur le coup, mais la plupart, plus malins, se réfugièrent de nouveau dans les nuages, échappant à sa vue.

- Où êtes-vous… ? grinça entre ses dents la jeune fille, fouillant frénétiquement l'étendue d'un blanc opaque du regard.

Celle-ci rougeoya brutalement et de nouveaux lasers se mirent à pleuvoir sur elle dans toutes les directions !

« Ils m'ont encerclés… ! » comprit-elle trop tard en se recroquevillant sur elle-même, en position défensive.

Malgré sa vitesse, elle ne put échapper à l'ensemble des tirs cette fois et son corps fut bientôt parcourut d'étincelles.

De rage et à moitié aveuglé, elle cria de toutes ses forces, expulsant une dizaine de rayon coloré en direction du ciel, visant au hasard. Une seule explosion retentit au loin, puis le silence retomba.

- Saloperie de Green Phoenix… jura-t-elle, submergée par la rage, en amorçant un pas de recul.

La nouvelle vague d'attaques n'allait pas tarder à retentir et cette fois elle risquait la dévirtualisation à coup sûr !

D'un bref coup d'œil, elle balaya le territoire du regard : aucun endroit où se cacher ou se réfugier ! Juste cette vaste et interminable étendue rocheuse : elle n'avait aucun moyen d'échapper à ses assaillants !

Elle posa alors les yeux sur les plateaux en contrebas, transparaissant à travers les nuages. Il lui restait une échappatoire ! C'était risqué, mais elle n'avait pas le choix.

Les sourcils arqués par la concentration, elle recula de quelques pas jusqu'à atteindre l'extrémité du territoire et attendit, ses yeux d'un bleu translucide scrutés vers le ciel couverts. Les lasers ne se firent pas attendre, déchirant les nuages avec violence. Elle eut à peine le temps d'esquisser un salto arrière magistral, tombant en direction du vide à toute allure que déjà les tirs s'écrasaient sur la parcelle de terrain où elle s'était tenue un instant plus tôt.

Aussitôt, les Frôlions jaillirent du ciel, se découvrant de nouveau, fonçant dans sa direction, leur dard illuminé de rouge. Eva esquissa un sourire alors que ses mèches numériques fouettaient l'air : elle avait réussi à les faire sortir !

Tourbillonnant sur elle-même en chute libre, elle poussa une longue plainte, laissant une traînée de notes violettes sur son sillage. Surpris, les monstres ailés ne purent que se laisser atteindre, explosant dans les airs tandis que la rockeuse se réceptionnait dans une roulade impeccable sur le sol du plateau en contrebas, les jambes flageolantes. Elle avait bien calculé son coup par un quelconque miracle : quelques centimètres plus à droit et elle aurait continué sa chute mortelle vers le vide !

N'attendant pas que les monstres survivants la pourchassent, elle se mit à courir à travers le plateau, fonçant jusqu'à une nouvelle extrémité rocheuse d'où elle sauta aussitôt, esquivant une énième pluie de laser. Elle atterrit impeccablement sur une nouvelle parcelle de terrain un peu plus bas, plus petit que les deux précédents, et courut se réfugier sous le pic rocheux fendant le ciel.

Une marre d'acide atterrit subitement à ses pieds, lui coupant la route. Elle ne dut sa survie qu'à ses prodigieux réflexes. Excédée, elle cracha une note bleutée en direction de l'insecte importun qui venait de lui tirer dessus, le manquant de peu mais parvenant ainsi à le faire fuir.

Profitant de cette brève accalmie, elle releva la tête en direction du haut plateau sur lequel elle se trouvait à l'origine. Dans sa chute, elle avait parcouru plusieurs dizaines de mètres vers le bas et les nuages l'environnant s'étaient nettement assombris. Vu d'ici, elle comprenait désormais que la plaque rocheuse sur laquelle elle avait atterrie en sortant de la Faille était sans nul doute une des plus hautes du territoire.

Adossée contre l'aplomb rocheux, elle jeta un regard incertain vers le bas. Les nuages de pixels qui s'étendaient sous elle étaient désormais d'un gris si sombre qu'ils en paraissaient noirs et on pouvait désormais nettement distinguer les éclaires zébrer leur surface. Il était presque impossible de discerner les plateaux en dessous désormais.

Eva ne put s'empêcher de déglutir alors qu'un nouveau vrombissement emplissait le ciel derrière elle. Les Frôlions revenaient à la charge ! Si elle voulait continuer à leur échapper il allait falloir qu'elle plonge dans cette mer sombre, nettement plus menaçante que la couche de nuages clairs supérieurs. Elle ne pouvait se permettre le luxe d'hésiter !

Gagnant du temps en crachant un cercle de notes multicolores en direction des monstres, Eva inspira un grand coup et bondit de nouveau en avant, tombant vers l'inconnu.


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- Mathieu ? appela Odd de l'étrange voix aiguë que lui conférait son avatar virtuel, Eva ? Ulrich ?

Personne ne lui répondit. Dépité, le jeune homme se laissa tomber sur un rocher non loin de là, contemplant l'étrange territoire sur lequel il s'était réveillé quelques instants plus tôt.

D'un vert de vase, il s'étendait de tout son long en chemins serpentant en dessous d'un ciel d'un bleu très sombre. A sa surface, miroitaient d'étranges reflets, comme s'il s'était retrouvé sous une vaste étendue d'eau. Par endroit, d'étranges plantes dépourvues de texture ondulaient dans les airs, similaires à des algues géantes et difformes. Le tout dégageait une impression malsaine et oppressante, à tel point qu'Odd en avait la nausée.

- Qu'est-ce que je fous ici, putain… ? ragea-t-il en donnant un coup de patte dans un petit caillou numérique devant lui, où sont passés les autres… ? Qu'est-ce qui n'a pas marché ?

Une dernière fois, il tenta d'obtenir une réponse d'Anthéa ou de Jérémie dans le ciel, sans succès. La liaison avait été définitivement coupée avec le Supercalculateur.

« Ça ne sert à rien d'attendre ici, se reprit Odd en s'administrant une petit claque avec ses pattes, histoire de se redonner du tonus, si je vais bien alors les autres aussi ! Il faut les retrouver et ensuite mettre la main sur Angel ! La mission tient toujours ! ».

Revigoré, Odd se releva aussitôt prestement et s'engagea sur le premier chemin sinueux face à lui, explorant le territoire au hasard, sans savoir où aller.

Le terrain était en pente douce aussi plus l'homme-chat avançait et plus la mer infinie s'étendant sous le territoire, aussi bleue et sombre que le ciel, se rapprochait à chacun de ses pas.

« On dirait vraiment une sorte de Lyokô alternatif, ne put s'empêcher de penser le jeune homme en fronçant les sourcils, jetant un œil aux autres plateaux s'étendant au dessus de lui, un Lyokô qui aurait encore toute sa puissance ».

De temps à autres, le jeune homme croisait de gigantesques racines brunâtres tirant sur le noir, végétation curieusement déplacé dans ce décor aquatique. Plus les eaux virtuelles se faisaient proches et plus la présence de ces immenses excroissances câblées se faisait importante.

Enfin, Odd n'eut plus d'autre choix que de se stopper, ayant atteint l'extrémité du chemin. Un cul-de-sac !

Face à lui, ne s'étendait plus que l'immense étendue aqueuse à perte de vue, clapotant doucement, venant lécher la roche verdâtre virtuelle de ses vagues calmes.

Déconcerté, le félin virtuel releva la tête vers le ciel chargé de nuages sombres. L'ensemble des terrains bosselés semblaient s'arrêter à peu près au même niveau que ce chemin, comme s'il avait atteint l'extrémité du territoire.

Pris d'un doute, Odd ramassa le premier petit caillou à portée de main et le jeta dans les eaux sombres. Presque aussitôt, une mince colonne de lumière jaillit des vaguelettes laissées par le galet virtuel avant de s'évaporer dans les airs, sous le regard interloqué de l'adolescent.

- La Mer Numérique !? s'exclama-t-il en identifiant subitement l'océan s'étendant devant lui, amorçant un mouvement de recul épouvanté. Une seule chute dans ses eaux et il se retrouverait piégé à jamais dans le réseau à l'état de données informatiques, sans possibilité de retour sur Terre ! Tout était définitivement comme sur le Lyokô d'antan !

Dans sa retraite en arrière, il buta malencontreusement contre une des racines parsemant le chemin et se figea subitement, l'effleurant d'une griffe. Ces racines… Il les avait déjà vues auparavant…

- Les racines des Tours ! s'exclama-t-il dans un cri de triomphe ! Si cet endroit est similaire à Lyokô au point d'imiter la Mer Numérique et les racines, il doit forcément y avoir des Tours quelque part !

Un sentiment de pure exaltation se mit à le parcourir des pieds à la tête. S'il parvenait à atteindre une Tour il aurait accès au réseau comme depuis un ordinateur et pourrait envoyer un message à Anthéa et aux autres afin d'obtenir une liaison ! Mieux encore, si ses amis pensaient la même chose que lui, ils pourraient tous se retrouver dans une des Tours de Passage ! Après tout, si cet endroit agissait comme un Lyokô-bis, il devait bien y avoir d'autres territoires en dehors de celui sur lequel il se trouvait et il y avait de grandes choses pour que ses amis y aient été dispersés ! La Tour de Passage restait donc sa meilleure option pour les retrouver.

- Seul problème : comment trouver la Tour en question ? se demanda Odd à voix haute, bah ! Je vais commencer par suivre les racines et on avisera ensuite !

Tout occupé à jubiler face à son raisonnement, il ne vit pas une masse noire jaillir lentement de la Mer Numérique dans son dos, avant d'y replonger.

Sentant un mouvement derrière lui, il se retourna et scruta de ses yeux clairs la surface de l'eau. Rien. Avait-il rêvé ?

Brusquement, son regard s'accrocha à un détail flottant entre les vagues et il étouffa un cri de surprise. Des ailerons émergeaient petit à petit de l'eau, tournant autours du chemin dans une danse sinueuse. Lentement, la forme d'un long requin noir effilé, dépourvu d'yeux et de nageoire, émergea des profondeurs toute entière, s'élevant dans les airs en serpentant.

Odd resta bouche bée.

- Un… Un Rekin !? s'exclama-t-il en reconnaissant le monstre, se postant en position défensive, mais… XANA ne les envoyaient que dans le Réseau pour nous attaquer quand on était dans le Skid !? Comment peuvent-ils se déplacer à l'air libre tout à coup ?

Sans crier garre, le monstre ouvrit une bouche hérissée de crocs de laquelle jaillit un missile à toute allure, fusant vers Odd. L'adolescent eut à peine le temps d'activer son Bouclier que l'arme s'écrasait à sa surface, le projetant en arrière dans une violente explosion.

Soufflé, le jeune homme manqua de peu de rouler jusqu'à la Mer Numérique dans laquelle la créature aquatique eut tôt fait de replonger, échappant au Lyokô-guerrier avant même qu'il n'ait eu le temps de répliquer.

Pour faire bonne mesure, Odd tenta malgré tout de tirer quelques Flèches Lasers en direction des ailerons, sans succès. Celles-ci se désintégrèrent presque aussitôt en colonne de lumière au contact de la Mer Numérique, sans même atteindre leur cible.

« Calme-toi, pensa-t-il en remontant le chemin à reculons, sans quitter des yeux les Rekins qui crevaient de temps à autre la surface, économise tes fléchettes ! Jérémie n'est pas là pour te les recharger en cas de besoin cette fois… »

Subitement, deux nouveaux monstres jaillirent des flots de nouveaux, fendant l'air à toute vitesse dans sa direction, gueule béante prête à faire feu. Renonçant à toute prudence, Odd se mit à courir comme un dératé sur le chemin, esquivant les tirs de missiles de justesse.

- Flèche Laser ! hurla-t-il en visant soigneusement cette fois-ci.

L'encoche partit se ficher tout droit sur le nez d'un des monstres juste avant qu'il n'ait le temps de replonger, le faisant exploser sur le coup. Odd en profita pour remonter en direction du plateau le plus proche, mettant le plus de distance possible entre lui et la Mer Numérique. Apparemment, ces Rekins-ci ne pouvaient tenir très longtemps en dehors des eaux numériques, mieux valait en profiter !

L'adolescent fit un rapide tour sur lui-même, examinant de plus prêt le territoire, à la recherche des racines des Tours. Maintenant qu'il y regardait de plus prêt, il lui semblait que les terrains le constituant se trouvaient anormalement proche de la Mer Numérique : nombre de chemins allaient jusqu'à la frôler même ou s'enfonçaient directement dedans pour ressurgir quelques mètres plus loin.

Étouffant un juron, il constata avec exaspération que la plupart des racines serpentaient à travers les terrains les plus proches de l'océan mortel infesté de monstres. Force était de constater que la Green Phoenix avait bien fait son travail dans le design de ce territoire, chose qui ne l'arrangeait guère… Il allait devoir se mouiller les pattes s'il voulait atteindre ne serait-ce qu'une Tour classique !

- Bon… Bah c'est parti, lâcha-t-il avec un petit rictus, inspirant un grand coup avant de s'élancer sur un nouveau chemin s'élançant en pente directe jusqu'à la Mer Numérique, toutes griffes dehors.

Presque aussitôt, les eaux se mirent à écumer autours de lui et une dizaine de créatures serpentines, au faciès repoussant, jaillirent devant lui, dardant un regard aveugle dans sa direction. Des Kongres cette fois-ci !

Très vite, les Flèches Lasers se mirent à pleuvoir, croisant les lasers jumeaux des deux monstres, projetés par leurs globes oculaires d'un blanc laiteux. L'agilité du félin virtuel lui évita plusieurs coups fatals mais les monstres semblaient aussi à l'aise dans les airs que dans l'eau, aussi les toucher avant qu'ils ne replongent s'avérait être une véritable épreuve !

« Courage Mathieu, Eva, Ulrich et Aelita… » pensa Odd en fichant enfin une fléchette dans la minuscule sphère ornée du symbole d'Angel et flottant au centre de la queue du monstre le plus proche, son unique point faible, « J'arrive ! ».


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La lame du katana d'Ulrich racla le sol dans un crissement métallique, laissant une fine entaille sur son sillage qui se referma au fur et à mesure, comme si de rien n'était.

Le samouraï apposa sa main gantée contre la paroi d'une des gigantesques constructions l'environnant et prit le temps de s'arrêter un instant, levant les yeux vers le ciel d'un bleu azur, éclatant. Au dessus de lui, s'étendaient des immeubles. D'immenses et interminables gratte-ciels virtuels sans portes ni fenêtres obstruant sa vue, le noyant sous leur ombre imposante.

Ulrich suivit un bref instant de son œil chocolat un câble électrique d'un noir d'encre tranchant le ciel en deux jusqu'à se perdre au loin, se divisant en plusieurs extensions, avant de reprendre sa route, dans ce paysage d'un gris absolu. S'il n'y avait pas eut cette absence de textures à la surface des bâtiments et ce silence oppressant, il aurait presque pu se croire sur une ville terrestre. Ce territoire avait quelque chose de malsain, à imiter ainsi la réalité de façon aussi saisissante.

Un cliquetis retentit derrière lui et il ne prit même pas la peine de se retourner pour envoyer fuser son sabre dans son dos d'une main experte, fauchant net le Block qui venait de surgir au coin d'une ruelle, transperçant son œil central de part en part. La créature glissa pitoyablement sur la lame, avant d'imploser avec violence.

Ulrich réceptionna son arme à la volée, projetée par l'explosion, et la rengaina aussitôt dans son fourreau, poussa un petit soupir déçu. Cela faisait des heures qu'il déambulait ainsi à travers cette ville fantôme virtuelle et ce n'était pas le premier monstre à surgir ainsi dans son dos. Le terrain ne lui offrait guère de capacité de mouvement aussi avait-il prit soin d'aiguiser ses sens au maximum, histoire d'éviter de se laisser surprendre.

Sa stratégie avait payé : il avait à peine perdu une dizaine de points de vie depuis son arrivée sur cet étrange monde virtuel décalé. Il s'agissait désormais de retrouver ses amis et de partir d'ici au plus vite… Tant pis pour Angel, ils avaient déjà pris bien assez de risques ! L'essentiel était désormais de rentrer tous sains et saufs sur Lyokô.

Se faufilant dans le mince interstice entre deux immeubles, Ulrich ne put retenir un mince sourire sur ses lèvres.

Face à lui, se dressait désormais, telle une étrange anomalie dans cet océan urbain, une immense tour cylindrique, d'un blanc nacré, parcourue de stries, dont la base était constituée de solides racines sombres, s'enfonçant profondément dans le sol. Un halo de fumée bleu s'envolait de son sommet, diffusant une lueur apaisante à la surface des immeubles l'encadrant.

Une Tour, en tout point semblable à celles qui s'étaient autrefois dressées à travers tout Lyokô. Ce qu'Ulrich recherchait avec assiduité depuis prêt d'une heure désormais !

Une vague de doute assaillit subitement le jeune homme alors qu'il s'en approchait, prudemment. Sur Lyokô, entrer dans une Tour nécessitait de traverser sa paroi mais, pour cela, il fallait posséder une signature numérique humaine. Ces conditions seraient-elles les mêmes pour ce monde virtuel fantasque créé par la Green Phoenix ?

Le samouraï ne tarda pas à regagner son self-control cependant. Il serait vite fixé de toutes manières. Tendant la main, il l'apposa contre la paroi de la Tour, sans rencontrer de résistance, inspira un grand coup en fermant les yeux, puis la traversa complètement, ne laissant sur son sillage que des ondulations bleutés à sa surface.

Lorsqu'il rouvrit les yeux, il se trouvait dans une gigantesque salle circulaire d'un noir d'encre, dont les parois étaient ornementées de centaines de fichiers informatiques, similaires à ceux se trouvant sur la voûte céleste. On ne distinguait en tout et pour tout ni le sol, ni le plafond de la Tour : rien qu'un vide sans fond.

Baissant les yeux, il constata que la plateforme sur laquelle il avait mis les pieds était différente de celles qu'il avait pu voir dans les Tours de Lyokô. Si celles du monde virtuel qu'il avait tant côtoyé étaient une représentation gigantesque de l'ancien symbole de XANA, celle-ci était à coup sûr une représentation du sigle d'Angel.

Silencieux, le jeune homme s'avança jusqu'au cercle central, qui s'illumina sous ses pieds dans un tintement cristallin. Apparemment il pouvait déambuler dans cette Tour avec autant d'aisance que dans celles de Lyokô : une chance ! Allait-il pouvoir aller jusqu'à accéder à internet ?

Priant pour que cela fonctionne, il leva légèrement la main dans les airs devant lui. Presque aussitôt, une interface bleutée apparut dans les airs devant lui, grésillant, lui arrachant un rugissement de triomphe. Les Tours étaient des ponts avec le monde réel : il allait pouvoir joindre les autres restés sur Terre !

Au moment de poser le doigt sur l'interface tactile, il s'interrompit un bref instant, hésitant. L'informatique n'avait jamais été son fort… Qu'allait-il pouvoir dire à Anthéa et Jérémie pour réclamer de l'aide ? Il serait bien incapable de leur transmettre des données utiles afin de rétablir la liaison… Si seulement Aelita avait été avec lui en cet instant précis !

Résigné, il se contenta de taper l'adresse mail du Supercalculateur sur le clavier numérique et de rédiger un bref message avant de l'envoyer, sans rencontrer aucune résistance. Ne restait plus qu'à attendre une réaction de la part de ses camarades…

Circonspect, Ulrich s'assit en tailleur sur la plateforme, les sourcils froncés. Tout cela lui paraissait trop facile… Si la Green Phoenix était parvenue à les piéger et à les séparer aussi facilement en coupant tout lien avec Lyokô, pourquoi était-il si simple d'accéder à une Tour et à ses facultés ? Il y avait quelque chose de louche là derrière… Et pourquoi la Green Phoenix s'était-elle contenter de lui envoyer des monstres ? XANA avait usé à l'époque d'une centaine de méthodes différentes pour les supprimer de Lyokô définitivement depuis l'ordinateur ! Si l'organisation maléfique avait voulu se débarrasser d'eux elle aurait pu le faire sans problème depuis longtemps… Alors pourquoi ?

N'obtenant aucune réponse de la part d'Anthéa, Ulrich finit par se résigner : la liaison n'était probablement possible que dans un sens… Il ne lui restait plus qu'à se débrouiller seul ! Au moins les autres sur Terre étaient-ils désormais au courant de sa situation et pourraient-ils agir en conséquence !

Se relevant souplement, il s'avança jusqu'à l'extrémité de la plateforme, plongeant son regard dans les entrailles impénétrables de la Tour. Jusqu'à présent, celle-ci avait fonctionné de la même manière que ses sœurs sur Lyokô… Il n'y avait pas de raison que sa fonction de liaison ne soit pas opérationnelle !

N'hésitant pas plus longtemps, il écarta les bras avant de se laisser tomber dans ses profondeurs, laissant l'obscurité le happer. Très vite, un véritable tunnel de données informatiques le happa et sa chute se transforma en ascension, l'aspirant vers le haut à toute vitesse, comme si la gravité venait de s'inverser.

L'instant d'après, il posait le pied sur une nouvelle plateforme, en tout point semblable à la précédente, le sourire aux lèvres. Grâce à cette manœuvre, il avait au mieux réussi à changer de territoire, au pire s'était-il transporté dans une autre zone de cette ville titanesque. Dans tous les cas, cela ne pourrait que l'aider à retrouver ses camarades Lyokô-guerriers perdus.

Ulrich tourna la tête vers la paroi opposée. Il avait du récupérer tous ses Points de Vie désormais, à rester aussi longtemps dans la Tour, dont la fonction était également régénératrice, il pouvait se permettre de sortir sans risque.

D'un pas vif, il traversa la plateforme et traversa le mur sans hésiter, ridant sa surface d'ondes. Un battement de paupière plus tard, il se trouvait de nouveau à l'extérieur, sous le même ciel bleu qu'il venait de quitter.

Cette fois-ci cependant, la ville s'étendait à perte de vue juste derrière la Tour de laquelle il venait de sortir, cette dernière se trouvant à l'extrémité d'un gigantesque plateau : il s'était bien déplacé à travers le territoire.

Tournant la tête, il resta bouche bée face au paysage improbable qui s'étalait sous ses yeux.

Au dessus d'une Mer Numérique d'un bleu océan, s'étendait de gigantesques plaques d'un gris métallique, flottant dans les airs à différent niveau. A leur surface, autant sur la face supérieure qu'inférieure se dressaient des centaines de milliers de gratte-ciels, tous plus imposants les uns que les autres. Entre chacun de ces plateaux, s'étendaient les mêmes câbles que le jeune homme avait aperçus plus tôt dans son périple, servant de jonction entre les différents îlots. Le résultat était tout simplement grandiose : c'était comme se retrouver en plein cœur d'une cité de science-fiction !

Ulrich se surprit à perdre son regard dans les méandres de la ville renversée la plus proche. D'ici il pouvait voir le halo d'une autre Tour, également à l'envers, incrusté dans le sol entre deux immeubles.

Une vague de découragement envahit subitement le jeune homme. Comment pouvait-il atteindre des Tours sur les faces renversées des plateaux sans véhicule ? C'était inconcevable ! Et si la Tour de Passage se trouvait sur une de ces faces ?

Un frisson horrifié le parcourut : et si un de ses amis empruntaient une de ses Tours et, sortant à l'air libre, chutait directement dans la Mer Numérique ? Lui-même l'avait échappé belle ! Ce territoire était un piège mortel !

Une vague de colère à l'encontre de la Green Phoenix le submergea subitement. Comment osait-elle les piégeait ainsi ? Faire courir tant de risques aux personnes qui avait tant compté pour lui ? Il ne pouvait leur pardonner !

- Hey, Green Phoenix ! hurla-t-il à pleins poumons en direction du ciel, qu'est-ce que vous attendez !? Je sais que vous nous avez repérés alors arrêtez de jouer avec nous et agissez une bonne fois pour toute qu'on en finisse !

Il se tut, laissa le silence ambiant l'envelopper de nouveau. Brusquement, au moment où il s'y attendait le moins, un rire sardonique, terrifiant, raisonna à travers l'ensemble du territoire, le pétrifiait sur place des pieds à la tête.

- Tu n'as pas la langue dans ta poche, samouraï, fit la voix féminine aux intonations désincarnées par le micro, voix qui n'avait rien à voir avec celle d'Anthéa, tu es le premier à solliciter une intervention de notre part ! Je n'en attendais pas moins de celui que les données de mon prédécesseur listent comme étant « impétueux » et « incontrôlable »… N'est-ce pas, Ulrich Stern ?

- Qui êtes-vous !? rétorqua l'adolescent en direction du ciel, sans se départir de son audace, pourquoi vous acharner ainsi !? Quel est votre plan ?

Un nouvel éclat de rire lui répondit.

- Appelle-moi Scarlet, reprit la femme d'un ton amusée, je suis la nouvelle dirigeante de la Green Phoenix, comme tu t'en doutes… Quand à nos plans, je te trouve bien naïf de penser que je puisse les dévoiler aussi facilement ! Je suis loin d'être idiote !

Une vague de dégoût envahit le jeune homme face à cette femme répugnante qui se jouait ainsi de lui. Pourquoi tant de mystères ? Elle les tenait au creux de sa paume ! Pourquoi continuer ainsi à les titiller avec sadisme… ? Il n'avait qu'une envie en cet instant, trancher la propriétaire de cette voix sournoise de ses katanas une bonne fois pour toute !

- Arrêtez ce petit jeu, espèce de folle furieuse ! s'exclama-t-il, hors de lui, ça vous amuse de capturer des adolescents dans un ordinateur tout ça pour un simple programme !? Vous êtes pathétique ! Vous comme le reste de votre organisation minable ! Nous vous avons déjà vaincu une fois… Qu'est-ce qui vous fait penser que nous ne pouvons pas recommencer !?

Un silence lourd s'imposa. La femme ne riait plus cette fois-ci mais sa colère se ressentait à travers tout le territoire, grondante et terrifiante.

- Ne me provoque pas petit effronté, siffla-t-elle d'une voix cassante, implacable, la vie de tes camarades et la tienne sont entre mes mains… Une simple pression sur un bouton et vous ne serez plus que de la poussière numérique !

Ce fut au tour d'Ulrich d'éclater de rire cette fois-ci. Un rire mauvais et aussi glacial que celui de la prénommée Scarlet.

- Je crois au contraire que vous en êtes incapable justement, répliqua-t-il avec un rictus, vous l'auriez déjà fait depuis longtemps sinon ! Vous pouvez peut-être nous piéger dans votre univers monté de toutes pièces mais votre contrôle dessus n'est pas total ! Tout simplement parce qu'il ne vous appartient pas réellement n'est-ce pas… ?

Le silence qui s'ensuivit conforta le jeune homme dans son idée et il s'empressa de poursuivre, triomphant :

- Ce monde virtuel n'est qu'une copie n'est-ce pas ? Une banale copie de Lyokô reproduite à partir des données laissées par Waldo Schaeffer ! C'est pour cette raison que j'ai été capable d'accéder à vos Tours et que vous n'avez aucun contrôle sur moi ici ! Votre beau monde virtuel dont vous êtes si fier n'est rien de plus qu'un énième Réplika ! Il ne vaut rien, et vos connaissances ne valent rien sans celles de Waldo ! Vous êtes dépendants de nous au final, comme depuis toujours !

Ulrich eut un nouvel éclat de rire moqueur avant de s'interrompre, guettant la réaction de son interlocutrice d'un air satisfait. Celle-ci ne se fit pas attendre :

- Je vois que tu es plus intelligent que tu ne le laisses entendre, souffla Scarlet d'un ton menaçant qui aurait fait fuir n'importe qui, insolent mais intelligent, c'est indéniable… Endo est effectivement conçu sur les bases de données de Waldo Schaeffer. Pour cette raison nous possédons quelques… Handicaps dirons-nous ! Pour avoir le plein contrôle sur vos avatars, il nous manque en effet les données de vos chaînons humains, étant donné que vous êtes arrivés ici par le biais d'autres scanners que les nôtres…

Ulrich haussa un sourcil surpris, notant au passage le nom de l'univers virtuel : « Endo », ainsi que le fait que l'organisation possédait bel et bien ses propres scanners. Ainsi la Green Phoenix admettait volontairement une de leurs faiblesses ! Il avait vu juste ! Pourtant il y avait quelque chose d'inquiétant dans le ton de cette femme, quelque chose qui lui disait de se méfier malgré tout…

- Je vois que tu commences à cogiter de ton côté, raisonna à nouveau sa voix déformée à travers le monde virtuel, ne pouvant retenir une nuance sarcastique cette fois-ci, réfléchit… Qu'est-ce qui pourrait bien prélever vos chaînons humains en vous ? Quelque chose que nous ayons « copié » de façon « banale », comme tu le dis si bien… Réfléchis bien Ulrich Stern, réfléchis… Et adieu !

Un son strident indiquant qu'on avait coupé le micro vrilla les tympans du samouraï virtuel, le faisant grincer des dents. Empli de rage envers cette femme diabolique, il tenta néanmoins de se concentrer sur ses dernières paroles. Quelque chose qu'ils avaient copié… En dehors de Lyokô, ils n'avaient jamais copié que les monstres de XANA… Mais dans ce cas… ?

- Oh merde… jura le jeune homme, écarquillant les yeux d'effrois.

Soudain éprit d'une intuition, il fit volte-face, katanas dégainés mais il était trop tard. Déjà, les longs tentacules de la Méduse se refermaient autours de son torse, l'emprisonnant dans un halo rouge, avant de poser gracieusement leur extrémité sur ses tempes, commençant à absorber le si précieux chaînon humain.

Les yeux écarquillés de surprise, Ulrich ne put que plonger son regard chocolat dans la masse translucide de la créature cauchemardesque, celle qui avait autrefois été l'allier le plus dangereux de XANA, prenant le contrôle des Lyokô-guerriers et absorbant en eux mémoires et données vitales.

Un flot de chiffres complexes s'extirpa des tempes du jeune homme, pulsant sous forme de lueur rouge à l'intérieur des tentacules de la créature pour remonter jusqu'à son cerveau, visible en transparence à travers sa tête grossière. Cette fois-ci, il était perdu et personne, pas même Jérémie, ne pourrait le sortir de là…


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Au sein de la vieille usine désaffectée au milieu de son fleuve, l'ambiance était au désespoir.

Anthéa s'était recroquevillée sur son siège, le visage entre les mains, incapable de se ressaisir à l'idée d'avoir perdu sa fille et précipité avec elle tous ses amis, innocents. Jérémie avait fait pivoter le fauteuil et s'était positionné à la place de l'informaticienne devant le clavier, pianotant dessus à toute vitesse à la recherche d'une solution miracle, mais le cœur n'y était pas. Au fond de lui, il savait très que c'était peine perdue…

Quant à Stéphanie, elle tentait de réconforter comme elle le pouvait une Yumi au comble du désespoir, en tentant de ne pas céder elle-même à la panique.

- Il doit bien y avoir quelque chose qu'on puisse faire non !? finit-elle par lâcher pour la énième fois en prêt de deux heures, vous êtes des génies tous les deux ! Vous ne pouvez pas rétablir la liaison !?

- Pour la dernière fois Stéphanie ça ne fonctionne pas comme ça, siffla Jérémie entre ses dents sans quitter l'écran des yeux, des cernes marquées sous ses paupières, on ne peut pas rétablir la connexion sans désactiver le pare-feu et ça laisserait la porte grande ouverte à la Green Phoenix pour introduire une armée de monstres sur Lyokô, détruire le Cœur et accéder au Projet Carthage sans encombre ! C'est exactement ce qu'ils attendent ! D'un autre côté, rétablir une connexion avec l'autre côté de la Faille avec le Firewall encore actif c'est quasi-mission impossible ! La Green Phoenix a vraiment tout prévu avec son programme d'interception et, quoi que je fasse, la connexion à leur Supercalculateur m'est refusée ! A croire qu'ils ont eu un coup d'avance sur nous cette fois-ci…

De rage, il enfonça ses poings dans le clavier avec violence, ne parvenant qu'à arracher une plainte stridente à la machine. A l'écran, le message « bienvenue à ENDO » continuait à clignoter, les narguant de sa lueur blafarde.

La situation paraissait vraiment sans espoir… A l'heure actuelle, ils n'avaient aucun moyen de savoir si leurs amis étaient toujours en vie de l'autre côté de la Faille, pas plus que l'endroit où ils avaient atterri ! Pour la première fois depuis des années, Jérémie se sentait totalement dépassé par la situation…

- Aelita… murmura-t-il en sentant ses poings trembler, retenant à grand peine des larmes de fureur et de désespoir.

Stéphanie le contempla de loin sans rien dire, berçant doucement Yumi dans ses bras. Depuis qu'elle le connaissait, c'était la première fois qu'elle voyait le jeune homme montrer à ce point ses sentiments. Le voir ainsi démuni avait quelque chose de plus alarmant encore que de savoir les autres Lyokô-guerriers prisonniers d'un autre Supercalculateur : impossible de fuir la réalité.

Jérémie ne tarda pas à se reprendre cependant, séchant ses larmes amères. Il n'avait pas le droit de se laisser aller ! Anthéa étant trop dévastée pour réagir il lui fallait coordonner la mission de sauvetage, trouver une solution coûte que coûte ! Plus les minutes filaient et plus les chances de retrouver ses amis en vie s'amenuisaient !

Retirant ses lunettes, il rejeta la tête en arrière, les paupières mi-closes, son regard bleu marine perdu dans les méandres du plafond poussiéreux, un air d'intense concentration sur le visage. On pouvait presque sentir les rouages de son cerveau se mettre en place. Cela faisait plus d'un an qu'il ne s'était pas livré à une telle gymnastique intellectuelle mais la situation n'était guère pire que celles auxquelles il avait été confronté autrefois lors de sa lutte contre XANA. Si le collégien qu'il avait été aurait été capable de trouver une solution alors il n'y avait aucune raison que le lycéen qu'il était devenu en soit incapable ! Tout ce qui lui manquait, c'était un brin de sang-froid et un soupçon d'imagination…

Pourtant, après d'interminables minutes d'intense réflexion, il fut forcé de baisser les bras, le front couvert de sueur : rien ne lui venait ! Il avait beau penser de toutes ses forces, aucune solution ne lui apparaissait à l'esprit. Pour la première fois depuis qu'il avait rallumé ce vieux Supercalculateur près de cinq ans auparavant il ne savait pas quelle démarche suivre, et cela le terrifiait.

La situation était-elle réellement si critique où avait-il tellement pris l'habitude de se reposer sur ses capacités au cours des dernières années que son esprit d'analyse et de réaction en avaient pâti ? Le problème venait-il de la Green Phoenix, qui le surpassait cette fois-ci, ou de lui-même… ?

En proie à ses doutes, il manqua de ne pas remarquer un nouveau message se juxtaposant subitement à celui d'ENDO. Ce fut le cri de stupeur de Yumi qui le fit brusquement redresser la tête.

La japonaise s'était précipitée à côté de lui, blême, le visage à quelques centimètres à peine de l'écran, les yeux exorbités de surprise et de soulagement.

- Jérémie ce… C'est… bredouilla-t-elle d'une voix éraillée avant de déglutir, reprenant subitement contenance, son habituel masque de froideur placide reprenant sa place sur son visage dévasté jusqu'à présent, c'est un message d'Ulrich !

Le jeune homme écarta la jeune fille de l'écran avec une telle vitesse qu'il manqua de l'envoyer valser dans le décor, enfonçant ses lunettes sur son nez avec tant de force que des marques rouges apparurent aux coins de ses arrêtes. C'était presque trop beau pour y croire ! Était-il possible qu'il ait réussi à les contacter de lui-même après tant de temps ?

Pourtant, l'évidence était là, clignotant devant lui dans une fenêtre de messagerie telle une lueur d'espoir, sublimant le message provocateur d'ENDO de sa lumière.

- « Je vais bien, lut le petit génie d'une voix tremblante tandis que Stéphanie et Anthéa se pressaient à leur tour autours de l'écran, je me trouve actuellement dans une sorte de réplique de Lyokô. J'ai perdu la piste des autres mais je pense qu'ils ont du être dispersés ailleurs lors de l'arrivée sur ce monde virtuel. Des monstres me poursuivent mais j'ai pu trouver refuge dans une Tour et apparemment je peux accéder à ses fonctions sans soucis. Je pense être en sûreté pour le moment mais je ne peux rien garantir pour les autres alors dépêchez-vous de trouver un moyen de nous faire revenir ! Je vais tenter de les retrouver, à plus tard j'espère ! ».

Une vague de soulagement s'abattit sur le groupe une fois que Jérémie eut achevé sa lecture. Ulrich était en vie ! Et si lui l'était alors il n'y avait aucune raison pour que les autres ne le soient pas ! Mieux encore : il avait réussir à établir une liaison avec eux ! Tout n'était pas encore perdu !

- Dépêche-toi de lui répondre qu'est-ce que tu attends !? pressa Yumi en agrippant l'épaule de Jérémie, demande-lui des précisions sur ce monde virtuel, cet « ENDO » dont parle le premier message !

L'adolescent ne se fit pas prier pour s'exécuter, rédigeant une brève réponse en enjoignant le samouraï virtuel à leur livrer plus de détails. Cependant, à peine quelques secondes après l'envoie du mail, un message d'erreur s'afficha à l'écran, arrachant un râle de mécontentement à l'informaticien : l'envoie avait avorté !

Après plusieurs nouvelles tentatives, toutes aussi infructueuses, le jeune homme n'eut d'autre choix que d'abandonner, découragé. Visiblement la liaison n'était possible que dans un sens : seul Ulrich pouvait les joindre depuis Endo, pas l'inverse. La Green Phoenix avait du prévoir cette éventualité !

- Au moins on sait Que l'endroit où lui et les autres se trouvent est semblable à Lyokô et qu'il va bien, c'est déjà un bon point ! fit-il remarqué en tentant de se redonner du courage.

- Mais pour combien de temps ? raya la japonaise en entortillant nerveusement une mèche de ses interminables cheveux noirs, il faut qu'on trouve un moyen de les sortir de là coûte que coûte avant que la Green Phoenix ne trouve un moyen de détruire la Tour dans laquelle il est réfugié, et lui avec !

- Sans compter qu'on n'a aucune nouvelle des autres, poursuivit Stéphanie d'un ton angoissé, Mathieu n'a pas l'habilité d'Ulrich ou même d'Odd… Et s'il s'était fait avoir par les monstres déjà ?

Jérémie lui lança un regard en coin, excédé.

- Ce n'est pas le moment d'être négatif ! s'énerva-t-il, avoir un message d'Ulrich c'était déjà plus que ce qu'on pouvait espérer ! Il ne nous reste plus qu'à agir de notre côté et trouver un moyen de les contacter pour pouvoir les ramener !

Un air songeur s'inscrit subitement sur son visage.

- Je pourrais peut-être me servir de ce mail pour pirater leur système et rétablir la liaison… lâcha-t-il en se caressant le menton, les sourcils froncés, mais…

- Oublie ça, la Green Phoenix a probablement déjà prévu un moyen de contrer cette tactique, l'interrompit Anthéa, s'attirant le regard de tous, sans compter que cela prendrait des jours pour craquer un système aussi complexe et protégé que le leur et nous n'avons pas tout ce temps !

Le message d'Ulrich lui avait visiblement redonné l'énergie que la perte de sa fille lui avait fauché. Elle reprenait sa place de meneuse, guidé par cet espoir muet qu'Aelita était peut-être toujours en vie quelque part derrière la Faille, à l'image du samouraï virtuel.

Jérémie prit en compte la remarque de l'informaticienne aux cheveux roses et se tut, recommençant à réfléchir.

- Si Aelita parvient à rejoindre une Tour elle aussi de son côté, peut-être pourra-t-elle rétablir la liaison de son coté ? suggéra-t-il une nouvelle fois, avec ses facultés ça ne devrait pas poser trop de problèmes, non ?

Mais Anthéa secoua la tête, une fois de plus.

- Ce serait trop se baser sur des suppositions, répliqua-t-elle, peut-être ne parviendra-t-elle jamais à atteindre la Tour et plus nous attendrons qu'elle agisse, plus nous risquons de perdre quelqu'un… Non il faut agir nous-mêmes et ne pas nous reposer sur eux !

Jérémie faillit répliquer mais se retint de justesse. Bien qu'il pensait qu'Anthéa manquait toujours autant de confiance envers sa fille, il devait bien reconnaître que sur le fond elle n'avait pas tord. Lui-même était inquiet pour l'elfe de Lyokô. Combien de temps pourrait-elle tenir sans leur aide ? Il fallait qu'il trouve un moyen de la ramener au plus vite !

La voix de Yumi s'éleva soudain dans son dos, hésitante, s'attirant tous les regards de l'assemblée.

- Hum… On en avait déjà parlé avant que tu ne reviennes, commença-t-elle en cherchant ses mots, le regard fuyant, mais… Est-ce qu'on ne pourrait pas juste recréer le Skid pour accéder à l'univers virtuel de la Green Phoenix, ce « Endo », par la voie du réseau tout simplement ?

- Ça prendrait trop de temps encore une fois, balaya aussitôt Jérémie d'un air agacé, même avec Anthéa il nous faudrait plusieurs jours pour le reprogrammer tout entier et…

Il s'interrompit brusquement, le regard dans le vague. Non… Ça ne pouvait pas être aussi simple.

- Tu as une idée !? le pressa Stéphanie en sentant son changement d'attitude, qu'est-ce que c'est ?

Mais le jeune homme se contenta de marmonner tout bas, calculant dans sa tête, sans se soucier de la présence des autres. Stéphanie ouvrit la bouche pour renouveler sa demande mais Yumi l'interrompit d'un geste, lui faisant signe d'attendre qu'il ait fini son petit manège. Au cours des années précédentes elle l'avait déjà vu se déconnecter ainsi de la réalité, entrant dans cette bulle propre à lui-même pendant quelques instants pour en ressortir avec une nouvelle solution brillante… Elle savait que son ancien ami était sur le point de trouver comment sauver les autres Lyokô-guerriers !

- Oui en théorie c'est faisable… grommela le jeune homme sous les regards interdits des trois jeunes femmes, mais avec si peu d'énergie ? En détournant les boucliers peut-être… ? Oui pour l'aller ça irait largement, mais pour le retour…

Émergeant brutalement, il se retourna vers ses trois acolytes qui l'observaient d'un air anxieux en silence.

- Anthéa, pouvait-vous vérifier l'ancienne base de données du Skidbladnir sur l'ordinateur je vous prie ? commanda-t-il d'un ton impérieux, sans fournir plus d'explication.

Ne cherchant pas à comprendre, la mère d'Aelita s'exécuta, affichant à l'écran l'image d'un superbe vaisseau numérique en trois dimensions, entouré de lignes de code.

Jérémie les parcourut d'une traite, l'air songeur. Ni Yumi, ni Stéphanie n'osèrent prendre la parole, de peur de le déconcentrer. Brusquement, un sourire de triomphe étira les lèvres de l'adolescent.

- Oui ça peut marcher ! lâcha-t-il d'une voix tremblante en se précipitant sur le clavier de son ancien ordinateur portable, toujours relié au Supercalculateur, pianotant à toute allure, un regard un peu fou derrière ses lunettes.

- Qu'est-ce qui peut marcher à la fin !? s'emporta Stéphanie, n'y tenant plus, qu'est-ce que tu as trouvé ?

- Eh bien le Skidbladnir, notre ancien sous-marin virtuel capable de voyager dans le réseau, était doté de petits modules : les « Navskids », expliqua-t-il sans lever les yeux de son écran, programmant à une vitesse phénoménale, programmer le Skid en entier prendrait trop de temps mais si on se focalise seulement sur ces petits modules…

- …Il devrait être possible d'en recréer un en un cours laps de temps ! compléta Anthéa en décodant les données de l'engin sur son écran personnel, c'est brillant Jérémie ! A deux recréer un de ces « Navskids » ne devrait pas prendre plus d'une demi-heure !

- Attendez un peu tous les deux ! s'opposa Yumi en fronçant les sourcils, faisant retomber l'euphorie générale, Jérémie, tu veux envoyer un Navskid dans le Réseau seul !? C'est de la folie ! Sans le Skid pour l'alimenter jamais il n'aura assez d'énergie pour tenir tout le voyage ! Sans compter le nombre d'allers-et-retours qu'il serait nécessaire de faire pour ramener tout le monde ! C'est irréalisable, même en détournant l'énergie des torpilles et des boucliers !

- Je n'ai jamais parlé de plusieurs allers-et-retours, répliqua Jérémie d'un ton sombre, mais bien d'un seul et unique aller.

Un silence pesant tomba sur le groupe suite à cette annonce, à peine rompu par les cliquetis incessants du clavier du jeune homme. Même Anthéa s'était stoppée, dévisageant le jeune homme avec incrédulité.

Jérémie leva la tête et fixa son regard bleu marine sur le groupe, accroupi au sol devant l'ordinateur d'Aelita, plus déterminé que jamais.

- Yumi a raison, fit-il à l'adresse d'Anthéa d'un air grave, même en détournant autant d'énergie que possible jamais un simple Navskid n'aura l'autonomie d'un Skidbladnir complet dans le Réseau. Selon mes calculs, il ne pourra tenir que durant l'aller jusqu'à Endo mais ne pourra pas supporter le retour. Aussi ce n'est pas pour ramener les autres que je compte m'en servir.

- Mais alors pourquoi… ? lâcha Stéphanie, sans comprendre.

Yumi fut plus vive, son regard s'illuminant subitement d'une lueur de compréhension.

- Tu veux simplement établir une nouvelle liaison avec le Supercalculateur… murmura-t-elle en direction de Jérémie, par le biais du Navskid, tu pourras établir une liaison avec les autres et accéder à la map d'Endo, comme avec les Réplikas de XANA auparavant !

Le sourire du jeune homme confirma son affirmation.

- C'est exact, fit-il en recommençant à taper à toute allure, par le biais du Navskid, Anthéa sera capable de joindre les autres et de réactiver le programme d'infiltration de la Faille à l'envers pour ramener tout le monde, une fois qu'on les aura tous réunis. Cela ne devrait pas prendre trop de temps si on enregistre leur signal dans le radar du Navskid, mais il faudra impérativement le protéger dans monstres de la Green Phoenix, sans quoi la liaison sera rompue et cette fois il n'y aura plus aucun moyen de sortir les autres d'Endo.

- C'est un pari risqué, reconnut Anthéa d'un air songeur, mais c'est pour l'instant la seule solution que nous ayons… Ne perdons pas de temps !

Mais Yumi s'interposa brusquement entre le clavier et l'informaticienne, un air consterné sur le visage, au moment précis ou celle-ci s'apprêtait à rejoindre Jérémie dans le codage. Trois paires d'yeux interloqués se posèrent sur elle mais elle ne s'écarta pas, les lèvres tremblantes.

- Vous avez perdu l'esprit ou quoi !? C'est beaucoup trop risqué ! s'exclama-t-elle, littéralement hors d'elle, Anthéa… Je ne peux pas croire que vous allez cautionner un truc pareil !? Vous ne pensez pas qu'on a subi assez de perte aujourd'hui !?

Stéphanie se précipita sur elle, tentant de l'écarter, sans succès.

- Qu'est-ce qui te prends enfin, Yumi !? s'écria-t-elle, incrédule, c'est un plan génial ! Qu'est-ce qui te dérange !?

- Tu ne comprends pas ! éructa-t-elle en la repoussant de toutes ses forces, comme folle, contrairement au Skid complet il n'y a pas de programme de pilotage automatique sur un Navskid ! Il faut un pilote pour le diriger ! Quelqu'un qui serait prêt à se sacrifier si la mission devait échouer une fois de plus, quitte à rester coincer sur Endo avec les autres ! Et il n'y a qu'une seule personne parmi nous quatre qui soit encore en âge de se virtualiser ici !

Comprenant subitement, Stéphanie s'éloigna subitement de son ami, tournant un regard choqué vers Jérémie en même temps qu'Anthéa.

Celui-ci avait relevé la tête de son écran et fixait la japonaise d'un air neutre, un petit sourire sur le visage. Son amie était toujours aussi vive d'esprit apparemment…

- Tu as raison Yumi… fit-il sans se défaire de son rictus étrange, si on veut pouvoir sauver les autres, il va falloir que je me virtualise et que je conduise le Navskid, quitte à me sacrifier si besoin est.


Dernière édition par Zéphyr le Sam 23 Avr 2016 15:08; édité 1 fois
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:07   Sujet du message: Répondre en citant  
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Aelita entrouvrit les yeux pour les refermer aussitôt, aveuglée par une intense lumière blanche. Encore un peu étourdie, elle prit quelques secondes pour se remémorer ce qui venait de se passer. Elle se souvenait d'un grand choc au moment de l'arrivée de l'autre côté de la Faille… Sans doute la Green Phoenix avait-elle réussit à les intercepter ?

Parvenant enfin à reprendre ses esprits, elle se redressa, les yeux grands ouverts. Où se trouvait-elle !?

Elle resta incrédule face au décor qui l'entourait. Elle se trouvait dans une sorte de gigantesque pièce d'un blanc nacré, constitué d'une centaine de milliers de cubes, assemblés de façon anarchique. On aurait dit trait pour trait une des anciennes salles labyrinthiques du 5ème territoire de Lyokô. Seule la couleur, aveuglante, différait.

Avisant un mince couloir sur sa droite, elle se décida à l'emprunter, avançant d'un pas prudent. A chaque fois que sa main effleurait un des cubes à la surface irisée, un cristallin s'en échappait, curieusement apaisant. Pour un peu elle aurait l'impression de se trouver dans un rêve.

« Les autres ont du être éparpillé un peu partout dans cet univers virtuel », raisonna-t-elle en faisant courir ses doigts d'un geste rêveur à la surface du corridor étroit, « mieux vaut essayer de les retrouver en priorité ».

S'arrêtant à un embranchement, elle ferma les yeux, se concentrant afin d'accéder à son don de double-vue, lui permettant d'analyser chaque parcelle d'un territoire sur Lyokô. Cependant, rien ne se produisit et aucune image ne s'imposa à son esprit.

Après quelques minutes d'effort, elle fut contrainte de renoncer, rouvrant ses paupières closes, agacé.

- On dirait que je n'ai pas accès aux mêmes pouvoirs ici que sur l'univers virtuel du mon père…

Résignée, elle reprit sa route jusqu'à déboucher sur une fine plateforme. Celle-ci se trouvait sur tout le pourtour d'une gigantesque salle circulaire au milieu de laquelle, flottant dans le vide à plusieurs dizaines de mètres d'elle, se dressait une immense sphère plus blanche que jamais, à la surface impeccablement lisse, mis à part une longue fente sur la longueur servant visiblement d'ouverture.

Aelita sentit l'excitation la gagner. Avait-elle malgré elle découvert le Cœur de cet étrange mon virtuel ? Si c'était le cas alors au sein de cette sphère devait se trouver…

- Ne te fais pas de faux espoirs, grimaça-t-elle en jetant un rapide coup d'œil alentours, il faudrait déjà trouver un moyen d'accéder à cette foutue sphère…

En effet, l'abîme entre la plateforme sur laquelle elle se trouvait et l'étrange globe était si profond qu'il lui paraissait infranchissable.

Donnant un coup sec sur son bracelet-étoile, elle déplia ses ailes dans un flash de lumière rose… Ailes qui se rétractèrent presque aussitôt, à sa grande surprise, comme soumises à une quelconque force invisible.

Aelita étouffa un juron.

- Cette salle doit être soumise à ses propres lois, la Green Phoenix a vraiment pensé à tout…

Cependant, tous ces dispositifs de précaution ne pouvaient vouloir dire qu'une chose : il y avait bien quelque chose de dissimuler à l'intérieur de cette salle. Quelque chose dont l'organisation ne voulait pas faciliter l'accès !

« Il doit pourtant bien y avoir un moyen d'y accéder, réfléchit Aelita en levant les yeux vers la voûte constellée du cubes du plafond, réfléchissons… Si ce monde est construit sur la base de Lyokô il doit y avoir une clef à activer quelque part pour ouvrir le passage ! ».

L'adolescente n'eut pas à chercher bien longtemps. En effet, à peine visible à l'intérieur de la fente scindant la sphère centrale en deux, pulsait faiblement d'une lueur blanche un étrange interrupteur, dont la forme n'était pas sans rappeler le symbole d'Angel.

Un sourire narquois étira les lèvres de la jeune fille… La clef était hors de portée, bien entendue !

Levant sa paume droite en l'air, elle prit quelques minutes pour viser, ajustant son tir du mieux possible.

- Champ de force… murmura-t-elle en faisant apparaître au creux de sa main tendue une boule d'énergie qu'elle décocha prestement.

La sphère rose fusa à travers tout le territoire, rebondissant habilement contre la paroi de la fente pour venir frapper de plein fouet l'interrupteur qui s'enfonça sous le choc, arrachant un « Yes ! » triomphant à l'elfe virtuelle.

L'instant d'après un grincement métallique retentit, emplissant l'ensemble de la salle, rebondissant contre les parois avec fracas et une longue plaque noire lustrée, qu'Aelita n'avait pas vu jusqu'à présent, se détacha du mur en contrebas et pivota lentement jusqu'à former une passerelle entre la plateforme et la sphère centrale, dans un ultime « clac » retentissant.

Le silence retomba et l'adolescente aux cheveux roses prit quelques secondes à tester du bout du pied la stabilité de l'appareillage avant de s'engager dessus, courant en direction de l'ouverture se dessinant en face d'elle.

Grand bien lui en pris puisqu'à peine un instant après avoir posé le pied sur la plateforme juste à côté de l'interrupteur, la passerelle se remit en branle, disparaissait de nouveau dans la surface du mur opposé dans un grand raclement métallique, coupant toute retraite possible à Aelita.

La jeune fille soupira. Elle n'avait plus d'autres choix que d'aller de l'avant désormais.

S'aventurant dans le couloir sombre, elle pénétra au cœur de la sphère, refoulant son angoisse autant que possible.

La pénombre ne l'enveloppa pas longtemps et elle ne tarda pas à déboucher dans une dernière pièce circulaire, plutôt petite. Une centaine de cubes jaillissaient des parois jusqu'à la seule source de lumière de la salle, située en son centre.

Aelita retint son souffle, incrédule. Flottant dans les airs, enveloppé de deux cercles tourbillonnant d'une matière luminescence, se trouvait, recroquevillée en position fœtale, la silhouette auréolée de lumière d'un jeune homme.

- Angel… murmura la jeune fille, soufflée par sa découverte.

Elle avait réussi ! Elle avait retrouvé le jeune homme pour lequel Mathieu s'était donné corps et âme ! Il était ici, prisonnier de ces étranges disques lumineux au cœur de ce monde virtuel mystérieux conçu par la Green Phoenix !

Estomaquée, elle ne remarqua pas toute de suite l'immense cylindre blanchâtre se dressant au dessus de l'adolescent visiblement inconscient, l'enveloppant de ses racines. Une Tour.

La jeune fille écarquilla brusquement les yeux de stupeur. En lieu et place de la traditionnelle lumière bleutée entourant les Tours désactivée, s'élevait en véritables panaches de fumée tout autour d'elle un halo d'un noir profond.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:08   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 33 :

Épisode 132 : Jérémie virtuel_



Anthéa pressa de l'index un ultime touche et, légèrement essoufflée, s'écarta quelque peu du clavier, appréciant sa création d'un regard critique.

A l'écran central, tournoyant au centre d'une fenêtre, se dressait désormais la silhouette bleutée d'un appareil élancé rappelant vaguement une forme de navette spatiale, encadrée de centaines d'indications complexes et de données chiffrées incompréhensibles. Un Navskid, programmé en un temps record par les doigts de fée de l'informaticienne qu'était la mère d'Aelita.

Yumi dévisageait la femme aux longs cheveux roses pâles d'un air effaré, empli d'un brin d'admiration. Jamais Jérémie n'aurait été capable d'une telle prouesse technique en à peine un quart d'heure ! L'adolescent n'avait eut presque rien à faire de son côté au final, mis à part fournir à Anthéa les informations principales liées à la conception de l'appareil, celle-ci avait aussitôt inféré et s'était très vite appropriée le programme, le complétant avec brio.

Si Franz Hopper avait été un génie, son épouse n'était pas en reste ! Le sang-froid dont elle avait su faire preuve subitement dans cette situation d'urgence avait également de quoi impressionner. En cet instant précis, elle n'avait plus rien à voir avec cette femme brisée effondrée sur son siège quelques instants plus tôt sur sa chaise à l'idée d'avoir précipité sa fille et ses amis vers une mort certaine. La lueur d'espoir qu'avait été le message d'Ulrich l'avait métamorphosée d'une façon saisissante !

Pressant le bouton de son micro, vissé sur ses cheveux roses, Anthéa héla Jérémie, déjà descendu depuis quelques minutes à l'étage inférieur, en compagnie de Stéphanie –pour une raison qui avait échappé à Yumi.

- Jérémie ? Le Navskid est achevé et envoyé sur Lyokô ! Je n'ai plus qu'à te virtualiser… Tu es toujours sûr de ce que tu fais ?

En salle des scanners, l'adolescent inspira un grand coup, jugulant l'angoisse qui commençait à l'envahir depuis quelques minutes, lui provoquant de désagréables picotements au bout des doigts.

- Je suis conscient des risques que j'encours Anthéa, répondit-il d'une voix assurée qui tranchait avec son teint blafard, quelqu'un doit les sortir de là et je suis le seul à en être capable ici… C'est mon devoir de partir dans le réseau jusqu'à Endo, et ce peu importe les risques encourus !

Déglutissant légèrement suite à ces paroles, il fit un pas en avant vers l'immense cylindre doré lui faisant face, le surplombant de toute sa hauteur, sa surface luminescente le baignant de son étrange et menaçante lueur.

Seule une longueur de bras le séparait désormais du scanner, alias, sa plus grande peur du temps du collège.

Pour une raison qui lui échappait, cet engin, depuis qu'il l'avait découvert au fin fond de cette usine sordide, l'avait toujours terrifié, lui procurant des frissons glacés dans le dos à travers un simple coup d'œil. Sa technologie insondable et inimaginable, même pour son esprit génial, le fascinait autant qu'elle l'effrayait depuis toujours. Il avait passé des nuits et des nuits à réfléchir, en vain, aux brillants mécanismes animant cette machinerie à la fois merveilleuse et inconcevable, tentant d'en percer les secrets par tous les moyens de son jeune esprit, encore naïf à l'époque.

Ramener Aelita sur Terre avait été son unique obsession pendant tout ce temps et la peur de ne jamais parvenir à franchir ce fantasque objectif avait fini par transformer sa fascination pour ces scanners, ces portes entre deux univers, en une véritable phobie.

La simple idée de trouver son corps défragmenté à l'intérieur de leur paroi circulaire avait fini par le terrifier au plus profond de son être et, à partir de cet instant, il avait pris soin de ne jamais s'approcher de trop prêt de la seconde salle souterraine de la vieille usine.

A cette peur panique irrationnelle, s'ajoutait la terreur d'un jour piéger ses amis à l'intérieur de ces scanners suite à une erreur de manipulation du programme de virtualisation de sa part. Ni Yumi, ni Odd, ni même Ulrich n'avaient jamais pris conscience de l'état de panique extrême dans laquelle il se trouvait à chaque passage de leur part aux scanners, aveuglés par leur confiance aveugle en ses capacités d'informaticien, inconscient du danger qu'ils encourraient. Lui seul savait à quel point le programme de virtualisation était complexe et à quel point une erreur pouvait être dangereuse à ce stade.

A force d'angoisser, il avait fini par changer, perdant de son innocence et se renfermant sur lui-même et ses capacités, se changeant en machine, intégrant la machine dans le seul but de protéger ceux que, pour la première fois, il avait été capable d'appeler ses « amis », oubliant jusqu'à celui qu'il était au fond de lui à l'origine.

Ces simples scanners, immenses cylindres de métal, avait suffis à changer sa personnalité et sa vie à jamais.

Au cours des cinq interminables années qu'il avait passé au sein de cette usine, il n'avait jamais pris le temps de se virtualiser véritablement que quatre fois !

Une première fois suite à une dispute avec Aelita en quatrième, à l'époque ou la jeune fille n'avait pour elle que son nom et aucune trace de son passé, coincée comme elle l'était à l'intérieur de Lyokô. Sous le coup de la culpabilité, il avait fini par convaincre Yumi de l'envoyer dans le monde virtuel afin de faire ses excuses en personne. Cependant, une erreur de la part de la japonaise l'avait finalement bloqué entre les deux mondes et il s'en était fallu de peu avant que l'ordinateur ne le supprime définitivement. Finalement Aelita avait réussi à franchir la fine barrière séparant les deux univers, le guidant de sa main d'ange jusqu'au scanner de nouveau, lui sauvant la vie et marquant ainsi leur premier contact physique. Cet événement avait profondément marqué le jeune homme et, au lieu d'achever de le traumatiser, lui avait permis de franchir un cap mental et de surpasser une partie de sa peur panique des scanners.

Ces machines diaboliques et effrayantes étaient du jour au lendemain devenues le témoin de sa première rencontre avec l'élue de son cœur. Pendant de nombreuses semaines, le rêve de ce contact l'avait hanté, perturbant son psyché au plus profond, changeant à jamais sa manière de percevoir Lyokô et Aelita. Comment aurait-il pu continuer à éprouver la même peur des scanners suite à cela ?

Pourtant, sa seconde virtualisation avait été tout aussi angoissante pour lui. A ce moment là XANA, le maléfique programme multi-agent, avait réussi à piéger ses amis à l'intérieur d'un « canal fantôme », une bulle virtuelle reproduisant le monde réel à l'identique. Pour les en sortir, Jérémie n'avait eu d'autre choix que de se virtualiser directement à l'intérieur, afin de leur dévoiler la supercherie. Là encore, la mort l'avait frôlé de peu puisque XANA en personne avait choisi de faire le déplacement pour tenter de le stopper, prenant ses traits.

La troisième fois, toujours en quatrième, avait été suite à l'insistance d'Odd et Ulrich face à un événement dramatique durant lequel XANA était parvenu à prendre le contrôle du jeune homme, en raison de son manque d'endurcissement sur Lyokô. Afin de résister à une éventuelle nouvelle tentative de possession, Jérémie avait fini par céder, se rendant dans le monde virtuel sous la forme de son avatar combattant pour la première fois ! L'expérience avait été si atroce que l'adolescent s'était juré de ne plus jamais emprunter un scanner, quitte à se faire posséder de nouveau.

Il avait cependant du rompre ce serment bien malgré lui l'année passée, lorsque la Green Phoenix, cherchant à accéder au Projet Carthage, l'avait forcé à se virtualiser pour eux sur Lyokô. Cette plongée dans le monde virtuel d'une rare violence avait été la dernière et, avec l'extinction du Supercalculateur, il avait cru ne plus jamais devoir faire face à sa peur des scanners à l'avenir. Il fallait croire que le destin aimait jouer avec lui…

Crispé, les dents serrées, Jérémie franchit le dernier pas le séparant de l'appareil et franchit la porte coulissante, se positionnant au centre de la plaque lumineuse d'une manière gauche. Il ne pouvait pas se permettre de faire marche arrière cette fois-ci.

Retenant son souffle, il se retourna vers Stéphanie qui avait observé son manège depuis le centre de la pièce, sans un mot, une étrange expression sur le visage.

- Quoi ? fit-il d'un ton légèrement plus abrupt qu'il ne l'aurait souhaité, en raison du stress.

Fait étrange, l'adolescente ne s'en formalisa pas, conservant son air songeur.

- Rien, lâcha-t-elle au bout d'un moment, enfin… Je trouve ça extrêmement courageux de ta part de foncer comme ça sur Lyokô pour sauver les autres alors que tu n'en as pas l'habitude et surtout étant donné vos… Désaccords du moment, on va dire ! Bref, je ne te pensais pas capable de prendre sur toi à ce point, je me rends compte que je t'avais peut-être mal jugé alors… Désolée ! Et bonne chance !

Et, sans rien ajouter de plus, la jeune fille fit volte-face et disparut à l'intérieur du monte-charge, rouge comme une pivoine, le regard fuyant. Jérémie observa la porte de l'élévateur se refermer d'un air incrédule.

- Qu'est-ce qu'elle croyait… Que j'étais du genre à abandonner mes amis pour une simple dispute ? se fit-il à lui-même avec un rictus, ridicule !

Son sourire s'effaça soudain. C'était pourtant ce qu'il avait fait au cours des semaines précédentes, allant jusqu'à quitter Kadic pour fuir son passé sans tenir compte de ceux qui avaient un jour tant comptés à ses yeux. Il avait été lâche et incroyablement injuste envers Aelita et les autres, il s'en rendait compte désormais, et son ego en prenait un coup.

Une idée atroce lui traversa soudain l'esprit. Et s'il n'arrivait pas à temps sur Endo ? Et si malgré tous ses efforts il se montrait incapable de sauver ses amis ? Aurait-il alors jamais l'occasion de leur dire à quel point il s'en voulait ? A quel point il n'était qu'un sinistre abruti égocentrique incapable d'assumer ses responsabilités ? A quel point ils lui avaient manqués ? A quel point ils comptaient pour lui ?

A quel point il aimait Aelita… ?

La voix d'Anthéa, diffusée à travers les haut-parleurs, le ramena subitement à la réalité.

- Tout est prêt pour le transfert Jérémie, c'est quand tu veux !

Le jeune homme tendit tous les muscles de son corps, fermant les yeux, faisant le vide dans sa tête. Il n'était plus le temps d'avoir des regrets : il fallait agir.

- Vous pouvez lancer la procédure Anthéa, dit-il d'un ton déterminé en rouvrant ses yeux d'un bleu marine profond, éclairé d'une lueur nouvelle, je suis prêt !

Presque aussitôt, les portes de son scanner coulissèrent, l'enfermant dans le sarcophage de métal. Le jeune homme crispa les poings, pâle, mais se força à garder les yeux ouverts. Autours de lui, le bourdonnement produit par la machine s'intensifia, lui vrillant les tympans.

- Transfert Jérémie, résonna la voix d'Anthéa, couvrant le tumulte.

Le socle sur lequel le jeune homme se trouvait s'illumina et des milliers de particules de lumières s'élevèrent des parois, traversant sa peau et ses vêtements de part en part. Un frisson lui parcourut l'échine à leur contact.

- Scanner Jérémie.

Le cercle lumineux s'éleva du socle, tourbillonnant à toute allure autours du jeune homme, l'analysant des pieds à la tête, l'aveuglant presque.

A l'étage, la silhouette numérique de son avatar se dessina à l'écran, s'illuminant peu à peu de vert à mesure du chargement. Anthéa tapa les dernières lignes de code, inspira un grand coup puis, après un ultime regard en direction de Yumi, pressa la touche « Enter ».

- Virtualisation… lâcha-t-elle dans un souffle.

Dans son scanner à l'étage inférieur, Jérémie poussa un cri au moment où la fission nucléaire déchira son corps, le réduisant à l'état de particules et d'atomes. Le hurlement se fondit avec le bruit des machines et, l'instant d'après, les portes du lourd cylindre se rouvrirent, découvrant un intérieur vide désormais. Jérémie était en route pour sa cinquième plongée sur Lyokô.


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La sensation de plonger dans un océan infini envahit Jérémie des pieds à la tête. Ses sens s'engourdirent et il ne put bientôt plus respirer. Pourtant, la sensation de gêne désagréable qu'il éprouva sur le moment s'efface rapidement et l'instant d'après, un flash de lumière blanche remplaçait l'obscurité dans laquelle il venait de s'enfoncer.

Avant d'avoir put reprendre ses esprits, il chuta de plusieurs mètres et s'écrasa face contre terre sur le sol accidenté de Lyokô.

Jurant plus pour la forme que pour une quelconque douleur –inexistante dans l'univers virtuel- il entreprit de se redresser en titubant. Tout était flou et bourdonnant autours de lui, comme s'il avait la tête plongée dans un écran d'ordinateur. Cela avait beau ne plus être sa première virtualisation, il avait toujours autant de mal à se faire à cette sensation.

- Tout va bien, Jérémie ?

La voix d'Anthéa résonna à travers lui, le faisant grimacer. Agacé, il secoua la tête et, brusquement, ses deux sens restants se remirent en place et il put distinguer le décor l'environnant : un vaste paysage de désolation numérique sous une Voûte Céleste d'un bleu infini. Lyokô avait bien changé depuis sa dernière plongée…

Le jeune homme fit mine de se passer une main dans les cheveux mais celle-ci resta bloqué sur la structure statique du crâne de son avatar numérique. Se sentant un peu idiot, il laissa retomber sa main mollement dans le vide. La transition entre son corps réel et sa version virtuelle n'avait jamais été chose aisée pour lui…

- Tout va bien Anthéa, fit-il en grimaçant face à l'intonation subitement niaise et aiguë de sa voix, reliquats de ses années collèges, piégées dans le Supercalculateur, où est le Navskid ?

- A quelques mètres de toi à l'ouest, répondit la mère de sa bien aimée à travers le micro, tu devrais l'apercevoir d'où tu es…

Jérémie se retourna, suivant les indications de l'informaticienne, plissant les yeux, et distingua effectivement au loin une tâche bleue marine flottant à quelques centimètres du sol.

Se mettant en marche, il franchit rapidement les quelques pas le séparant de l'appareil, pestant contre les jambes trop courtes de son avatar. Au passage, il prit bien soin de ne pas jeter un œil à son costume qu'il savait pertinemment comme ridicule et ce depuis la Quatrième. Pourquoi donc n'avait-il pas mis à jour son apparence virtuelle avec celle de ses camarades, deux ans auparavant ?

Chassant de ses pensées son sinistre accoutrement numérique, il perdit son regard dans la contemplation du Navskid, recréé à la perfection par les doigts de fée d'Anthéa. L'engin, d'une apparence hautement technologique, consistait en une sorte de longue capsule bleue et grise élancée, à la surface rutilante. Une capote vitrée sur son dessus laissait apercevoir un intérieur étroit, meublé d'un siège, encastré entre des centaines de boutons et manettes complexes servant à manœuvrer l'appareil.

Jérémie laissa sa main caresser la surface de l'engin, rêveur. Voir sa création en vrai lui procurait une sensation de fierté bien différente de celle qu'il avait ressenti deux ans auparavant, derrière son écran, à l'époque où le Skidbladnir avait enfin été achevé après des mois de dur labeur.

- Je vais t'embarquer, fit la voix d'Anthéa, le ramenant à l'urgence de l'instant présent, ne perdons pas de temps !

L'instant d'après, Jérémie vit sa main grésiller quelques instants, comme parcourue d'électricité statique, avant de disparaître peu à peu. L'instant d'après, il se rematérialisait à l'intérieur du cockpit, un peu étourdi.

- Bon… C'est parti ! siffla-t-il entre ses mains en saisissant le joystick le plus proche, c'est moi qui ait créer ce truc… Le piloter ne devrait pas être si dur que ça !

Effectivement, la prise en main s'avéra bien plus instinctive que ce à quoi il se serait attendu et l'appareil décolla presque aussitôt, obéissant à la moindre injonction de son poignet.

Prudent, Jérémie le manœuvra lentement jusqu'à l'extrémité du territoire, tentant de juguler sa nervosité comme il le pouvait. Contrairement à ses amis, il n'avait jamais piloté de Navskid auparavant et il était hors de question d'envoyer celui-ci se crasher quelque part !

Le jeune homme se pencha sur le côté, observant le paysage extérieur à travers la vitre. Un vide immense se dressait entre les quelques mètres séparant le sol effondré de Lyokô et de la Voûte Céleste. A cette distance, Jérémie discernait avec plus de netteté que jamais les fichiers informatiques à sa surface, clignotant dans un étrange ballet incompréhensible, même pour ses yeux d'informaticien aguerri.

- Tout va bien Jérémie ?

La voix d'Anthéa avait résonné à travers tout le cockpit, faisant légèrement vibrer la surface des panneaux de contrôle. L'adolescent poussa un soupir. A quoi jouait-il ? Pourquoi perdait-il tout ce temps à admirer ce Lyokô qui l'avait toujours laissé profondément indifférent –dans son aspect extérieur du moins ? Avait-il donc si peur que cela de plonger dans le Réseau ? Manquait-il de courage au point de laisser ses amis piégés dans cet autre univers virtuel inconnu ?

Les remerciements de Stéphanie, adressés quelques secondes plus tôt, le submergèrent subitement, telle une gigantesque claque mentale. Non, il ne pouvait plus reculer : il allait plonger au péril de sa vie et sauver les autres, quel qu'en soit le prix à payer ! C'était le moins qu'il pouvait faire pour se racheter…

- Ça va, répondit le jeune homme à l'adresse des haut-parleurs du cockpit, pressant quelques boutons sur les claviers s'étalant devant lui.

Une série d'écrans bleutés transparents jaillirent subitement devant lui. Un simple coup d'œil suffit à confirmer au jeune homme que tout était en place : il pouvait plonger sans danger.

Une nouvelle série de cliquetis sur le clavier plus tard et Jérémie acheva de dériver l'énergie de ses boucliers et de ses torpilles sur la durée de vie du vaisseau. Deux pressages de touches, et l'empreinte numérique d'Aelita, Odd, Eva, Ulrich et Mathieu s'enregistra sur son radar. Ainsi il serait capable de les repérer sans soucis une fois dans Endo, en supposant que tout se déroule bien.

- Désolé Anthéa, je suis vraiment prêt cette fois ! lâcha-t-il finalement en inclinant légèrement le pad directionnel, un froncement de sourcil déterminé barrant son visage.

Lentement, le Navskid s'engagea dans le vide, plongeant sous la surface du territoire dévasté. Le regard songeur, Jérémie regarda s'éloigner au loin la sphère immense effondrée sur elle-même.

En contrebas, au milieu de l'océan de données, était clairement visible une marre d'eaux sombres d'à peine quelques mètres de circonférence et guère plus de profondeur, clapotant doucement. Ce qui restait de la Mer Numérique : le portail entre Lyokô et le Réseau informatique mondial.

Jérémie fit descendre son véhicule jusqu'à n'être plus qu'à quelques centimètres à peine de la surface aqueuse, ridée de vaguelette, noire et menaçante.

- J'y vais, Anthéa… fit-il, les dents serrées, avant de donner un brusque coup vers le bas sur le joystick.

Aussitôt, le Navskid plongea dans la Mer Numérique, traversant sa surface sans y laisser la moindre ride, comme s'il ne s'était agit que d'une illusion. Jérémie ne put s'empêcher de fermer les yeux.

Lorsqu'il les rouvrit, l'appareil se trouvait en plein milieu d'un espace interminable, d'un blanc intense, presque aveuglant. Au dessus de sa tête, continuait à clapoter la Mer Numérique avec innocence.

Baissant la tête, le jeune homme distingua une sorte de sas en dessus de lui, seul élément venant trancher sur ce décor d'une pureté absolue.

Sans hésiter, l'adolescent s'y engagea et le sas s'ouvrit presque aussitôt, lui permettant de déboucher enfin sur le Réseau. Jérémie resta bouche bée : cette fois-ci, il avait vraiment quitté Lyokô.

Tout autour de lui, s'étendait à perte de vue un gigantesque océan d'un bleu azur. De gigantesques cubes, telle une ville renversée, venaient percer ce décor incroyable de part et d'autre, leur surface couverte des centaines de milliers de données contenues dans le Web.

De minuscules cercles lumineux, rappelant des bulles, venaient par moment rebondir mollement à la surface du Navskid, résidus d'informations dispersés dans l'Internet. Être ainsi au cœur du Réseau de façon littéral était une expérience saisissante !

- Tout va bien Jérémie ? fit subitement Anthéa à l'intérieur du cockpit, ramenant l'adolescent à la réalité, le Navskid a tenu le choc ?

- Oui, répondit le Lyokô-guerrier en se détachant de la vision de cet océan incroyable avec dépit.

Se retournant vers l'immense masse sombre et sphérique qu'était Lyokô, flottant au milieu de cette mer infinie comme une anomalie, le jeune homme se figea, interdit.

- …Et je pense pouvoir trouver la route vers Endo sans problème, acheva-t-il d'un ton sombre.

En effet, jaillissant de la paroi striée de l'univers virtuel, serpentant à travers les eaux tel un gigantesque boyau répugnant, se dressait un long tunnel rougeâtre et purulent, disparaissant au loin entre les flux d'informations. La Faille, matérialisée à travers le Réseau, probablement reliée à Endo à l'autre bout.

Si Jérémie voulait retrouver les autres, il lui fallait suivre cet écœurant serpent aqueux.

Sans un mot de plus, le jeune homme activa les moteurs du Navskid et se mit en route, suivant le chemin tracé par le tunnel rougeoyant, baigné par sa lueur malsaine.


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Aelita sortit de sa torpeur, s'avançant de quelque pas dans la minuscule salle circulaire dans laquelle elle venait de déboucher. Angel était à porté de main désormais, elle ne devait pas se laisser distraire. Pas même par cette étrange Tour au halo noir qu'elle n'avait jamais vu auparavant.

S'avançant jusqu'à la silhouette blanchâtre d'un pas rapide, elle tendit la main en direction des cercles tourbillonnant autours d'elle, prudente. Ses doigts eu à peine le temps d'effleurer leur surface qu'une gigantesque déflagration d'énergie jaillit de l'ensemble, la projetant en arrière contre la paroi, lui arrachant un cri de surprise.

- Et merde, un système de protection, hein… ? jura-t-elle en se redressant lentement, ignorant les étincelles qui striaient désormais son corps.

Frustrée par l'échec de son approche furtive, elle activa un champ de force, baignant de rose la pièce sombre et se prépara à le lancer sur les barrières enfermant Angel avant de s'arrêter net. Mieux valait être prudent : en détruisant la protection peut-être risquait-elle de détruire le jeune homme lui-même ! Elle n'avait aucun moyen de s'assurer du nombre de Points de Vie de ces barrières, pas plus que celui de l'adolescent ! Y aller en force n'était pas non plus la solution…

Rengainant sa sphère d'énergie, elle se mit à faire les cents pas, réfléchissant intensément. Elle était si près du but ! Pourquoi était-elle donc incapable d'atteindre Angel alors qu'il était là, devant ses yeux ?

Machinalement, l'elfe rose tourna les yeux vers la Tour emprisonnant le jeune homme dans ses racines. Pourquoi ce halo noir ? Elle avait beau tenter de l'ignorer, cette couleur l'intriguait !

Sur Lyokô autrefois, les Tours au halo bleu correspondaient à des Tours désactivés, celles au halo rouge à des Tours activés par XANA, celles au halo vert à des Tours activées depuis le Supercalculateur et celles au halo blanc à des Tours activées par son père, du temps où ce dernier était encore en vie…

Pourquoi celle-ci était-elle noire dans ce cas ?

- Et si c'était la Green Phoenix qui l'avait activée ? réfléchit-il à voix haute, se perdant la contemplation de l'épaisse fumée sombre, mais dans quel but ?

Ses yeux d'un vert profond suivirent la base de la Tour jusqu'à ses racines, piégeant Angel en leur sein. Pourquoi le jeune homme était-il juste en dessous ? Et si…

- Et si la Tour gérait son conditionnement… ? fit-elle en fronçant ses sourcils roses, dans ce cas la désactiver suffirait à le libérer de l'emprise de la Green Phoenix !

Enthousiasmée par son idée, la jeune fille donna un coup sec sur son bracelet-étoile et laissa ses ailes se déplier… Avant de se rétracter aussi sec dans un claquement sonore ! Aelita jura. Elle avait oublié que cette étrange salle bloquait l'utilisation de certains de ses pouvoirs : il allait falloir trouver une autre solution pour s'élever jusqu'à la Tour.

Se concentrant, Aelita tendit la main en l'air et une sphère de lumière s'y forma, éclairant la pièce avec la puissance d'une lampe torche, projeta sa lumière rosâtre sur la surface irrégulière des murs. La jeune fille ne tarda pas à dénicher ce qu'elle cherchait : à quelques mètres à peine du passage par lequel elle était entré, se trouvait un nouvel interrupteur dont la forme rappelait celui du symbole d'Angel.

Sans hésiter, l'elfe virtuelle s'avança vers lui et l'effleura du doigt. Aussitôt, le bouton s'enfonça de lui-même dans le mur et la silhouette d'un escalier de cubes blancs difformes clignota brusquement au niveau de la tour avant de se matérialiser progressivement, descendant jusqu'aux pieds d'Aelita.

La jeune fille émit un sourire : ce territoire était peut-être différent de l'ancien Carthage de Lyokô mais les deux restaient similaires sur bien des points.

D'un pas léger, l'adolescente aux cheveux roses gravit les marches et se retrouva face à la paroi légèrement luminescente de la Tour, la surplombant de toute sa hauteur. Hésitante, Aelita tendit les doigts et les apposa à sa surface. Sa main traversa le cylindre sans rencontrer le moindre obstacle, ne laissant sur son sillage qu'une vague d'ondulations bleutées. Apparemment les Tours aussi fonctionnaient comme sur Lyokô.

Sans se poser plus de question, la jeune fille fit un pas en avant et traversa la paroi de l'édifice toute entière, pénétrant dans l'espace sombre aux murs couverts de données informatiques qu'elle avait si longtemps fréquenté pendant des années.

Alors qu'elle s'avançait sur la plateforme, levant les yeux en l'air, un cri sortit brusquement de sa bouche et elle fit un bond en arrière, de stupeur. Face à elle, flottant à quelques mètres du sol, les bras en croix, se dressait la silhouette d'un jeune homme. Des centaines de fichiers informatiques s'extrayaient à intervalle régulier de la paroi, tourbillonnant autour de lui dans un étrange ballet pendant un temps avant de réintégrer leur place, chargés de nouvelles données. L'adolescent mystérieux avait les yeux mi-clos, comme plongé dans une sorte de transe, et ne semblait pas conscient de ce qui l'entourait.

Estomaquée, Aelita fit volte-face et traversa de nouveau la paroi de la Tour, rejoignant l'extérieur. Elle se pencha précipitamment vers les racines de l'édifice et ne put que constater qu'Angel s'y trouvait toujours, emprisonner derrière ses barrières d'énergie, inconscient.

- Qu'est-ce que c'est que ce délire…? murmura la jeune fille en sautant à terre pour s'approcher de la silhouette luminescente de l'adolescent, incrédule.

A y regarder de plus près, il lui semblait que les traits de cet Angel étaient grossiers, voire flous : comme si sa virtualisation avait été incomplète. Il n'avait pas d'apparence propre par ailleurs, à l'image d'elle et des autres Lyokô-guerriers. Il n'était qu'une sorte d'humanoïde dessiné grossièrement en position fœtale, à peine réaliste.

L'esprit d'Aelita carburait à toute allure. Plus elle y pensait et plus il lui semblait peu probable que cette personne… Cette chose emprisonnée dans ses anneaux puisse être Angel. Mais alors qu'était-elle… ?

Sous l'effet d'une brusque inspiration, l'elfe virtuelle remonta les marches de l'escalier quatre à quatre, regagnant l'intérieur de la Tour. L'autre jeune homme s'y trouvait toujours, analysé de pied en cap par les parois de l'étrange édifice. Cette fois-ci, Aelita prit son temps pour le détailler du regard. Il avait les cheveux d'un noir profond ornementé de reflets dorés, plaqués en arrière sur son front, et était vêtu d'une grande tunique sombre, cintré par endroit dans des morceaux de cuirasse à la texture rappelant l'or. Des draperies pendaient de ses manches et le sigle d'Angel était frappé sur sa poitrine. Cela ressemblait déjà plus à un avatar virtuel classique…

S'avançant de quelques pas, Aelita pu constater qu'une aile unique, d'un noir de jais, était repliée dans son dos, auquel était accrochée une sorte de faux gigantesque, finement ouvragée en arabesques, dont le tranchant de la lame était illuminé de reflets d'or. En croisant son regard à moitié révulsé, d'un jaune si vif qu'il en rappelait le soleil, la jeune fille n'eut plus aucun doute : elle était face au véritable Angel cette fois-ci.

Mais pourquoi l'avoir piégé dans cette Tour dans ce cas ? Qu'est-ce que la Green Phoenix lui faisait ?

Avisant le centre de la plateforme, juste en dessous du jeune homme, Aelita s'y rendit en quelques foulées. Elle n'eut qu'à lever la main pour faire apparaître une interface. Apparemment les Tours du monde virtuel de la Green Phoenix n'avaient pas seconde plateforme dédiée à cet usage…

L'elfe virtuelle fit défiler les lignes de code devant ses yeux, tentant de les décrypter afin de comprendre ce qui était infligé à Angel en cet instant précis.

Absorbée par les symboles informatiques complexes, elle ne sentit pas le mouvement au dessus de sa tête. Elle ne se figea que lorsqu'un bruit de chute sonore retentit dans son dos, lui glaçant l'échine.

Lentement, elle se retourna, interdite. Là, face à elle, se dressait Angel, parfaitement réveillé, ses yeux d'or liquide fixés sur elle, étrangement vide. Aucune expression n'était lisible sur son beau visage virtuel, rien qu'une froideur peu naturelle, digne d'une machine. Instinctivement, Aelita amorça un mouvement de recul.

- A-Angel… ? l'interpella-t-elle en jetant un bref coup d'œil aux parois de la Tour, sur lesquelles les fichiers étaient redevenus statiques, c'est toi n'est-ce pas ? Tu es Angel Mower ?

Le jeune homme ne répondit pas. Lentement, sa main ganté de métal doré se porta au manche de sa faux qu'il saisit délicatement, presque avec amour, caressant sa surface noire laquée.

- Vous ne devriez pas être ici, lâcha-t-il d'une voix monocorde, d'un timbre de velours liquide à faire froid dans le dos.

- Je suis venue pour te libérer ! insista Aelita sans pour autant baisser sa garde –quelque chose dans l'attitude du jeune homme lui rappelait William à l'époque de sa xanatification, suis-moi, il faut sortir d'ici !

Un sifflement métallique fendit l'air et, l'instant d'après, Angel avait dégainé son arme, se campant dans une position menaçante, son unique aile légèrement déployée.

- Je dois vous chassez, lança-t-il simplement.

Et, en une fraction de seconde, il fondit sur elle, toute lame devant, impitoyable. Aelita eut à peine le temps de pousser un cri de frayeur lorsque la faux s'abattit sur elle dans une trainée d'or lumineuse.


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Jérémie gardait les mains crispées sur les pads directionnels de son Navskid. Bien que l'engin suivait le même cap depuis plusieurs minutes désormais, il s'attendait à voir surgir un monstre sous-marin de la Green Phoenix à chaque instant, se faufilant sans crier gare entre les blocs de données bleus.

Au dessus de lui, le tunnel informatique rougeâtre reliant Lyokô à Endo nimbant la coque de son appareil d'une lueur inquiétante qui n'avait rien pour diminuer son malaise. En cet instant précis, le jeune homme avait pleinement conscience du danger mortel dans lequel il baignait, conservant sans cesse un œil sur la jauge d'énergie du Navskid, qui diminuait à vue d'œil. Lorsqu'elle atteindrait zéro, ses boucliers ne seraient plus qu'un lointain souvenir et son enveloppe virtuelle finirait dissoute dans la Mer Numérique, le virtualisant à jamais à l'intérieur du Réseau.

Le jeune homme ne put s'empêcher de grimacer à cette idée peu réjouissante. Plus le temps passait et plus il avait l'impression que son sacrifice serait voué à l'échec et qu'il allait finir là, coincé dans les eaux numériques sans aucun espoir de retour sur Terre.

Jérémie lâcha un soupir résigné. A ce stade il était trop tard pour faire demi-tour de toute manière : il s'était trop éloigné de Lyokô pour que ses maigres réserves d'énergie lui permettent de rebrousser chemin. Il ne pouvait qu'aller de l'avant, encore et toujours, dans cet univers froid et sombre, sans saveur, qu'il détestait tant.

- Toujours rien en vue ? questionna brusquement la voix d'Anthéa, angoissée, le ramenant à la réalité.

Le jeune homme serra les dents, bien déterminé à ne rien laisser paraître de ses doutes :

- Ça ne devrait plus tarder maintenant, fit-il en scrutant le radar sur lequel les petits points lumineux représentant le signal de ses amis se précisaient de plus en plus.

Tout en parlant il aperçut en contrebas, à peine visible au milieu de la Mer Numérique opaque, comme un reflet rosé.

Déviant légèrement de son cap, il plongea de quelques mètres et pu distinguer la source de cette lumière : une sorte de portail circulaire texturé à partir d'une matière métallique froid, reliés par de longs tubes translucides aux immenses immeubles renversés délimitant la surface de l'océan virtuel. Un Hub, reconnut-il instantanément grâce aux visuels qu'Aelita lui avait transmis, plus de deux ans plus tôt. Un passage liant deux points du Réseau l'un à l'autre.

Un regain d'espoir l'envahit brusquement. De son temps, le Skidbladnir pouvait traverser ces portails sans problème afin de franchir des distances faramineuses en un temps record ! Peut-être y avait-il un moyen d'atteindre Endo plus rapidement en économisant de l'énergie finalement ?

- Anthéa ? questionna-t-il en s'approchant un peu plus de la masse bouillonnante et tourbillonnante au centre du portail, semblable à de la lave en fusion rose et or, pensez-vous que le Navskid résistera à une accélération à haut-débit ?

- Tu comptes emprunter cet Hyper-puits ? comprit aussitôt l'informaticienne de génie, sa voix raisonnant à travers le cockpit, ça me semble faisable… Laisse-moi juste le temps de vérifier où il mène.

- Pas le temps, l'interrompit Jérémie en inclinant le manche de son Navskid, le faisant piquer du nez vers la surface du Hub peut rassurante, mes réserves d'énergie baissent à vue d'œil, la moindre hésitation pourrait nous faire perdre des minutes précieuses… C'est parti !

Et avant qu'Anthéa n'ait pu l'en empêcher, il activa les réacteurs de l'appareil, plongeant la tête la première dans le magma diffus. Aussitôt, il se sentit plaqué en arrière, comme aspiré par un tunnel hautement pressurisé. Son Navskid fusa de lui-même à travers un espace de particules colorées roses et or, à peine discernables à cette vitesse. L'accélération avait été tellement rapide que Jérémie ne voyait plus que des tâches floues défiler devant ses yeux, incapable de s'arracher à son siège, fendant les eaux numériques du Réseau comme une flèche.

Enfant, le magma rosâtre l'entourant s'estompa brusquement et le Hub d'atterrissage recracha le Navskid par une minuscule embouchure, l'envoyant valser quelques mètre plus loin, dans une nuée de particules. Jérémie mit un moment avant de parvenir à regagner le contrôle du véhicule bringuebalé dans tous les sens, étourdi par le voyage.

Lorsqu'enfin l'appareil se stabilisa de nouveau, Jérémie put constater avec horreur que le passage dans le puits à haut-débit avait considérablement consommé ses réserves d'énergie, contrairement aux prédictions d'Anthéa : ses jauges n'étaient plus qu'à 5% !

Désespéré, Jérémie se laissa retomber sur son siège, le regard vitreux. Il avait échoué. Dans un sursaut d'arrogance il avait suivi une intuition et venait de porter un coup fatal à sa mission ! Il était désormais inutile de songer à rebrousser chemin : le Navskid ne survivrait pas à un second passage dans le Hub… Il ne pouvait plus qu'attendre en dérivant lentement dans la Mer Numérique, en attendant la fin.

- Je suis navré Anthéa, lâcha-t-il d'un ton amer, trop déçu de son comportement pour laisser le désespoir d'avoir échoué à sauver Aelita et de devoir mourir dans un ordinateur l'envahir, j'ai…

Mais un éclat rougeâtre à la surface du cockpit lui fit brusquement relevé la tête. Abasourdi, il ouvrit grand la bouche interdit. Là, à quelques mètres à peine au dessus de son Navskid, le tunnel de la Faille traversait une énorme masse sombre, sphérique, détruisant à moitié les constructions informatiques bleutés autours de lui, qui se dépixellisaient et se repixellisaient sans cesse. On aurait cru une gigantesque anomalie au milieu du décor, un bug du Réseau qui n'aurait jamais du se trouver là et qu'un quelconque savant fou aurait implanté là, sans trop savoir ce qu'il faisait.

Juste en dessous de cette sphère titanesque à la surface irrégulière, se profilait comme une excroissance en forme de tunnel juste assez large pour laisser entrer un véhiculé, se terminant par un sas lui-même verrouillé par un étrange symbole stylisé, rappelant un ange. Le sigle d'Angel.

Le cœur de Jérémie aurait sans nul doute fait un bond s'il avait été encore sur Terre. Aucun doute possible : par un miracle quelconque, il venait d'atterrir pile sous Endo, le mystérieux univers virtuel conçu de toute pièce par la Green Phoenix.

- Tu as réussi Jérémie, fit la voix d'Anthéa, stupéfaite, à travers le micro intégré du Navskid.

Elle avait du suivre tout la manœuvre depuis l'Holoweb affiché à ses écrans. Un sourire de triomphe naquit peu à peu sur les lèvres de l'adolescent, bien que toujours aussi incrédule face à la chance dont il venait de faire preuve !

Un nouveau regard à ses batteries l'enjoignit à s'avancer vers le sas d'entrée. Nerveusement, il actionna la manœuvre, se laissant porter par le champ gravitationnel d'Endo afin d'économiser les réserves d'énergie de son Navskid. Le temps jouait toujours contre lui et il avait impérativement besoin que l'appareil reste entier une fois à l'intérieur du monde virtuel mystérieux s'il souhaitait conserver la liaison avec le Supercalculateur de l'usine !

Serrant les dents, il se positionna face au sas d'entrée, soigneusement verrouillé, le symbole d'Angel pulsant d'une lueur blanche malsaine dans la pénombre de la Mer Numérique.

- Vous pouvez le déverrouiller Anthéa ? demanda le jeune homme avec empressement.

- Je suis déjà à l'œuvre, répondit celle-ci tout aussi sec, un vrai jeu d'enfant ce verrou numérique… Ils ne devaient pas s'attendre à une intrusion directe par le Réseau !

« Logique, pensa Jérémie afin de se convaincre lui-même qu'une telle facilité d'accès n'était pas du à un nouveau piège, le Skidbladnir avait déjà été détruit lors de notre premier affrontement avec la Green Phoenix. Ils ne doivent même pas savoir que l'on possède un moyen de voyager à travers le Réseau ! ».

Un cliquetis retentit brusquement, le tirant de ses pensées et, sous ses yeux grands ouverts, le verrou disparut dans un flot de bulles virtuelles et, lentement, le sas commença à s'ouvrir, dévoilant un passage aussi blanc et lumineux que celui par lequel il était passé pour quitter Lyokô.

- On y est… marmonna le jeune homme entre ses dents avant de s'engouffrer dans le tunnel de lumière, juste avant que le portail d'Endo ne se referme derrière lui.

Pendant un moment, il ne put distinguer qu'un interminable espace blanc et vide, similaire à ce qui se trouvait sous la Mer Numérique intérieure de Lyokô. Aucun bruit n'emplissait ce lieu étrange. Seul le grésillement du micro du Navskid lui parvenait, rassurant.

- La liaison est toujours opérationnelle, constata Anthéa avec soulagement. Sa voix était diffuse mais toujours distincte, tu vois quelques choses ?

- Oui, fit Jérémie en avisant au dessus de lui les remous de la surface d'une Mer Numérique similaire à celle de Lyokô, d'un rouge sanguin, je vais émerger d'un instant à l'autre…

Inclinant le pad directionnelle de son appareil, il amorça son ascension, plus crispé que jamais. C'était maintenant que tout allait se jouer, tout reposait sur lui désormais !

- A nous deux, Endo… siffla-t-il avant de jaillir enfin hors des eaux numériques, s'élevant sous un ciel de cauchemar, chargé de souffre.


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La main de Mathieu glissa à la surface du volcan miniature flottant dans les airs auquel il était parvenu à se raccrocher de justesse dans sa chute. Cela lui permit d'éviter de justesse un nouveau laser imparable de Mégatank, mais ses jambes pendaient désormais dans le vide, incapable de se raccrocher à la moindre prise.

En dessous de lui la Mer Numérique, semblable à de la lave, semblait plus proche et plus menaçante que jamais.

Désespéré, le jeune homme releva la tête vers les deux monstres sphériques de métal, le fixant depuis le plateau dont il venait de se jeter. Ce n'était plus qu'une question de temps avant qu'ils ne parviennent à ajuster leurs tirs et à le dévirtualiser une bonne fois pour toute. Sans compter que ses armes étaient incapable ne serait-ce que d'en absorber un seul. Il était pris au piège !

- Non… jura-t-il entre ses dents, fou de rage et de dépit, non ! Pas ici, pas si près du but… Pas avant d'avoir revu Angel une dernière fois…

Sa voix se brisa et il ne put que voir, impuissant, les lasers des Mégatanks se charger petit à petit, prêts à fondre sur lui.

Brusquement, à sa grande stupeur, un bruit d'éclaboussure retentit dans son dos et une ombre le recouvrit brusquement, déconcentrant les créatures qui dévièrent leur tir et ratèrent leur cible de justesse.

Estomaqué, Mathieu se retourna lentement pour découvrir face à lui un gigantesque appareil aux reflets d'un bleu métallique irisé, se découpant sur le ciel rougeâtre du territoire, à travers les crachats de gaz pixelisé du volcan auquel il s'accrochait avec l'énergie du désespoir.

Un grésillement retentit au dessus de lui et il releva la tête juste à temps pour voir une silhouette humaine se dessiner sur le bord du cratère noir le surplombant. Il eut à peine le temps de l'apercevoir que, déjà, le mystérieux nouvel arrivant bondissait dans les airs, effectuant un superbe saut périlleux jusqu'au plateau sur lequel se tenaient les deux Mégatanks, quelque chose dans sa main.

Un éclat métallique éblouit le jeune homme et, l'instant d'après, le premier monstre implosait en une centaine de particules difformes, qui disparurent aussitôt en tressautant.

Le second, tout aussi surpris que Mathieu, tenta de décocher un tir mais le nouveau combattant esquiva aisément l'imposant laser elliptique d'un pas sur le côté.

De là où il était, le Lyokô-guerrier aux oreilles de lapin ne pouvait pas tout distinguer du combat mais une nouvelle détonation lui confirma que le deuxième Mégatank venait de subit le même sors que le premier.

L'instant d'après, son sauver bondit à nouveau sur le cratère et lui tendit une main gantée afin de l'aider à remonter. Empli de reconnaissance, Mathieu la saisit et se laissa hisser, les jambes flageolantes, prenant bien garde à ne pas chuter dans le vide de nouveau en s'agrippant à l'étrange appareil virtuel.

- Merci, lâcha-t-il dans un souffle, encore sous l'effet de la peur sans toi…

- Abrège les politesses, le coupa sèchement une voix enfantine, tu as de la chance que je sois arrivé à temps ! Non mais tu as conscience de ce qui te serait arrivé si tu étais tombé dans la Mer Numérique… !? Sans compter les Mégatanks ! Une chance que j'ai affronté plus d'une dizaine de ces trucs lors de ma première vraie virtualisation, sinon on y passait tous les deux !

Surpris, Mathieu tourna enfin la tête vers son sauveur et resta bouche bée. A en juger son apparence, le garçon qui lui faisait face ne devait pas avoir plus de 12 ou 13 ans. Plus petit que lui de plusieurs têtes, il était vêtu d'un étrange accoutrement vert pomme, constitué d'une tenue d'allure médiévale maintenue par une ceinture brune trop grande pour lui, et de chaussons dont la pointe s'enroulait sur elle-même de façon cocasse.

Ses cheveux blonds, impeccablement plaquée en une raie sur le côté, dépassais sous son chapeau, vert lui aussi, ornementé d'une curieuse plume rapiécée noire, et ses oreilles, anormalement allongées, s'étiraient de chaque côté de son visage rond, évoquant un lutin ridicule.

Un minuscule poignard, fendu sur la longueur de la lame, constituait son unique arme, accrochée à sa ceinture, et il arborait un air maussade, qui contrastait de façon étrange avec son apparence de chérubin.

- Euh… Qui es-tu ? ne put s'empêcher de lâcher Mathieu, sous le choc de l'étrange apparition.

- C'est une blague… ? lui répondit de sa voix aiguë le lutin d'un air plus sombre que jamais.

En croisant le regard noir si caractéristique du jeune garçon virtuel, le Lyokô-guerrier en herbe le reconnut subitement, dans un éclair de génie.

-J-Jérémie !? bredouilla-t-il, incrédule, mais tu… Tu fais encore plus jeune qu'Odd !

- Ça va, rétorqua-t-il d'un ton acerbe, mon avatar a au moins 5 ans et je ne l'ai jamais mis à jour, contrairement à ceux des autres. Figure-toi que j'avais d'autres priorités : comme sauver le monde de XANA par exemple ! Ou ramener Aelita sur Terre ! Ou…

Mathieu l'interrompit d'un geste brusque. Aucun doute possible désormais : vu le caractère du lutin virtuel, il ne pouvait s'agir que du Jérémie qu'il connaissait.

- Peu importe, lâcha-t-il, s'attirant un nouveau regard courroucé, plus important : comment tu es arrivé ici !? Avec cet engin ? Anthéa a trouvé un moyen de nous ramener ?

- Pas exactement, répondit Jérémie en fronçant les sourcils, c'est…

A cet instant, une voix raisonna dans les oreilles des deux adolescents. Une voix que Mathieu avait fini par désespérer pouvoir réentendre un jour.

- Ça y est, la liaison avec Endo est établi ! fit la mère d'Aelita, distante mais bien audible, le Navskid a parfaitement joué son rôle de relais ! Tu vas bien Mathieu ?

- Anthéa ! s'exclama l'adolescent, ému aux larmes, vous… Vous avez réussi à nous retrouver ! Vous savez où sont les autres ?

- Je capte leur signal, répondit-elle après une courte pause, vu le nombre, tout le monde est sain et sauf ! Apparemment cet univers virtuel suis le même schéma que Lyokô : quatre territoires gravitant autours d'un territoire noyau central ! Apparemment vous avez tous été dispersés dans des territoires différents, il va falloir explorer Endo tout entier pour retrouver les autres mais, au moins, je peux vous guider !

- Fantastique, exulta Jérémie.

Se retournant en direction de la Faille purulente dans le ciel du territoire, il ajouta :

- Et la sortie est juste en face de nous, c'est parfait ! On peut renvoyer Mathieu tout de suite et s'occuper des autres après…

- Attends un peu !

Jérémie se retourna vers l'adolescent aux oreilles de lapin, surpris. Celui-ci avait suivi l'échange sans un mot, trop heureux de ne plus se retrouver seul dans cet univers inconnu et effrayant. Cependant, l'affirmation de Jérémie venait de le ramener à la réalité. Il était là pour une mission, pas pour être secouru !

- Tu ne penses quand même pas que je vais simplement retourner sur Terre en laissant les autres derrière moi ? fit-il, déconfit, et on n'a toujours pas retrouvé Angel ! Merci d'être venu me sauver mais je ne peux pas fuir, pas maintenant !

Le lutin virtuel poussa un soupir, désespéré par l'attitude chevaleresque des plus puériles de son compagnon de chambre. Avait-il oublié qu'il aurait très bien pu y passer s'il n'avait pas débarqué au bon moment ? Il était bien trop impétueux, comme les autres…

- Tu es stupide ou quoi ? lâcha-t-il avec un rictus moqueur, à l'heure actuelle tu ne dois même plus avoir ne serait-ce que la moitié de tes Points de Vie ! Je ne cours peut-être aucun danger tant que je suis connecté au Navskid (il désigna l'étrange appareil par lequel il était arrivé) mais pour toi une dévirtualisation serait synonyme de mort ! Il est hors de question que tu cours un danger supplémentaire en m'aidant à trouver les autres, je peux me débrouiller seul. Tu n'es pas assez expérimenté qui plus est !

- Je confirme, surenchérit la voix d'Anthéa dans les oreilles de Mathieu, lointaine, mes écrans m'indiquent que tu n'as plus que 20 Points de Vie. Un tir bien placé et tu es fini, ne joue pas les téméraires ! Tes intentions sont nobles mais tu risques plus d'être une gêne qu'autre chose à ce stade. Ne fait pas l'enfant et rentre tant qu'il en est encore temps.

Sa voix était douce mais ferme, intransigeante. Mathieu serra les poings sous l'effet de la frustration. Il ne pouvait supporter de ce sentir à ce point inutile, une nouvelle fois.

Jérémie le dévisageait, impérieux malgré son apparence d'enfant de 13 ans.

- Très bien, obtempéra-t-il finalement à contrecœur, renvoyez-moi sur Lyokô.

- Sage décision, fit la voix d'Anthéa, visiblement soulagée, je te programme l'Overwing : rejoins-juste la Faille pour que je lance la traversée en sens inverse depuis le programme d'infiltration. Jérémie ?

- Oui ? répondit le jeune homme tandis que les contours bleuté du véhicule aux formes arrondis se dessinaient non loin des deux Lyokô-guerriers, tranchant sur le ciel rougeâtre du territoire.

Mathieu grimpa dessus une fois l'appareil stabilisé, prenant le guidon en main de façon hésitante. La conduite semblait très instinctive. Dans le ciel, Anthéa reprit la parole, s'adressant uniquement au lutin virtuel :

- J'aurais besoin que tu caches le Navskid avant de partir à la recherche des autres, fit-elle tandis que Mathieu s'éloignait lentement du volcan en lévitation à bord de son Overwing, même si le brouilleur que j'ai mis en place masque sa présence à la Green Phoenix il vaut mieux éviter que des monstres tombent dessus. Vu ses réserves d'énergie il ne résisterait pas à plus de quelques tirs et tu te retrouverais piéger sur Endo comme les autres !

Jérémie approuva d'un signe de tête en scrutant le paysage d'un air concentré, à la recherche d'une cachette efficace. Tout autours de lui n'était que désolation noire comme du charbon et souffre pixelisé en suspension. Rien de suffisamment conséquent pour pouvoir dissimuler un engin de la taille de son Navskid !

Baissant les yeux vers le cratère du volcan miniature sur lequel il se tenait, un sourire de triomphe étira ses lèvres. Prudent, il s'accroupit et tendit sa main au dessus du jet de pixels noirs et ocre qui s'en échappait. Ceux-ci le traversèrent sans lui faire le moindre mal. Il ne s'agissait que d'un effet visuel du décor inoffensif… Parfait pour dissimuler le mini-sous-marin virtuel ! De plus, la cavité semblait juste assez large pour l'y caser confortablement.

- Ça irait ce volcan ? questionna-t-il à l'adresse d'Anthéa qui approuva aussitôt.

- C'est parfait ! fit-elle en programmant l'embarquement de Jérémie depuis son poste, une fois cela fait fonce à 18° nord de ta position, en direction d'un plateau un peu surélevé. J'ai repéré la Tour de Passage de ce territoire.

- Je me charge de tout, affirma le jeune homme en se concentrant légèrement, laissant son corps se désintégrer en millier d'étincelles pour réapparaître à l'intérieur du cockpit du Navskid, juste quelques sec-…

Mais un cri venu des haut-parleurs de l'habitacle l'interrompit brusquement, lui vrillant les tympans.

- Mathieu !? Où est-ce que tu vas ? Reviens vers la Faille tout de suite ! s'écria Anthéa à travers son micro.

Estomaqué, Jérémie se redressa brusquement, fixant le ciel à travers la vitre de son appareil juste à temps pour voir l'Overwing virer brusquement de cap pour filer droit dans la direction indiquée par l'informaticienne, sans ralentir. De toute évidence Mathieu avait attendu le bon moment pour désobéir à leur ordre et filer aider ses amis !

- Mais quel con… jura Jérémie en manœuvrant son Navskid à toute vitesse, raclant la carrosserie sur les bords du volcan dans son empressement, dévirtualisez son véhicule Anthéa ! Il va se faire descendre à ce rythme !

- A cette hauteur la chute serait fatale à ses derniers Points de Vie, protesta la mère d'Aelita, affolée, tandis que le lutin virtuel achevait de dissimuler le Navskid au milieu des pixels de souffre artificiel et pressait avec empressement les boutons de débarquement du panneau de contrôle, retournant à l'extérieur, je te programme l'Overbike ! Rattrape-le aussi vite que possible !

Jérémie attendit à peine que la moto virtuelle achève de se dessiner face à lui avant de se jeter dessus, démarrant à toute allure, à la poursuite de Mathieu, fou de rage. Dans son entêtement le jeune homme risquait de ruiner tous ses efforts plus qu'autre chose !

La roue unique de l'Overbike se déplia, crissant sur le sol alors que le jeune homme regagnait le plateau, suivant le fuyant à toute allure, laissant sur son sillage une traînée de poussière numérique sombre.

Jérémie grinça des dents. Il avait beau pousser la poignée de la moto virtuelle le plus fort possible, augmentant la vitesse de son réacteur au maximum, Mathieu avait pris trop d'avance : il ne parvenait pas à le rattraper !

- Quel con, mais quel con ! répéta-t-il, sincèrement agacé désormais, serpentant avec difficulté sur le sentier accentué du territoire, dont les crevasses rougeoyantes venaient piéger sa trajectoire.

Quoi qu'il en dise, il était peut-être bien un des Lyokô-guerriers les moins expérimentés sur un véhicule ! A ce rythme rattraper son compagnon de chambre allait s'avérer mission impossible. Ne restait plus qu'à prier pour qu'aucun autre monstre de la Green Phoenix ne se pointe…

- Anthéa, essayez de prévenir les autres qu'on arrive ! se résigna Jérémie en maintenant son cap, jetant de brefs coups d'œil inquiets autours de lui, à ce rythme Mathieu aura atteint la Tour de Passage avant moi de toutes façons…

L'informaticienne poussa un soupir à travers le micro qui raisonna étrangement aux oreilles de l'adolescent. Elle aussi semblait désespérée par l'attitude de casse-cou du nouveau Lyokô-guerrier. Un cliquetis de clavier plus tard, elle répondit :

- J'ai du mal à accéder aux autres territoires d'ici, fit-elle, déconfite, ça ira mieux une fois que vous y serez. Dépêchez-vous !

Jérémie grimaça. Il s'y était attendu : libérer ses amis d'Endo n'allait pas s'avérer si simple que cela !

Au dessus de lui, l'Overwing amorça sa descente, à sa grande surprise. Il comprit un instant plus tard, lorsque son Overbike freina à quelques centimètres à peine d'un immense cratère plongeant au beau milieu du plateau. Déglutissant, l'adolescent se pencha par-dessus le vide, jetant un coup d'œil en contrebas. Au milieu d'un lac de lave, sur une minuscule plateforme de terre noirâtre, se dressait, haut et fier, un gigantesque cylindre blanchâtre, auréolé de bleu, dont les racines plongeaient profondément entre deux crevasses rougeoyantes. La Tour de Passage.

Au loin, plusieurs mètres en dessous de lui, Mathieu se dirigeait peu à peu vers l'édifice, son Overwing descendant de plus en plus vers l'étendue brûlante.

Décidé, Jérémie rétracta d'une pression sur la poignée la roue de son Overbike et s'envola, plongeant à sa suite dans les profondeurs du cratère. Il ne mit que quelques secondes à rejoindre Mathieu qui s'était arrêté devant la Tour, la fixant d'un air perplexe, son véhicule flottant à quelques centimètres du sol craquelé.

Le lutin virtuel effectua un dérapage contrôlé sur sa moto de manière à se positionner devant lui, avant de le fusilla du regard. L'adolescent aux oreilles de lapin eut un sourire penaud.

- Tu es fier de toi j'espère ? grommela Jérémie, retourne en direction de la Faille tout de suite !

- Non, protesta Mathieu d'un ton ferme, fusillant son compagnon de chambre du regard, si tu crois que je vais abandonner les autres sans protester tu rêves !

Le lutin virtuel se massa le front d'un air découragé.

- Mathieu, pour la dernière fois tu ne nous seras d'aucune utilité ici ! Tu n'es pas assez expérimenté pour te battre en terrain miné comme ici !

- Parce que toi tu l'es peut-être ? ironisa le jeune homme dans un sursaut de défi, tu n'as que deux virtualisations à ton actif, non ? Sur ce point je te bas largement !

Jérémie sentit monter une bouffée de colère en lui tout à coup. Pour qui se prenait cet espèce d'impertinent ? Non content de se dresser entre lui et Aelita depuis son arrivée à Kadic il prétendait être un meilleur Lyokô-guerrier que lui ? Lui qui n'avait été embarqué dans toute cette aventure que depuis quelques mois ? C'était plus qu'il ne pouvait supporter.

Dans un sifflement métallique, l'adolescent dégaina son couteau à la vitesse de l'éclair, le pointant droit devant Mathieu qui se retrouva à loucher à quelques centimètres de la lame, incrédule.

- Je te le dis une dernière fois… fit-il d'un ton froid, sans baisser son arme, ne te mets pas en travers de mon chemin… !

- Si c'est un combat que tu veux… !

Les segments des sphères aux poignets de Mathieu s'illuminèrent aussitôt de rouge, menaçants. Alors que les deux adolescents s'apprêtaient à se jeter l'un sur l'autre, se toisant avec défiance, la voix de Stéphanie résonna subitement dans leur tête, leur vrillant les tympans :

- Mais à quoi est-ce que vous jouez !? fulmina-t-elle, furieuse, Jérémie ! Tu es venu ici pour aider les autres, pas pour t'en débarrasser ! Et toi Mathieu arrête de jouer les fanfarons ! Tu sais très bien que tu es loin d'être au niveau des autres ! Franchement vous agissez comme des gamins et ce n'est vraiment pas le moment ! Bougez-vous !

Les deux rivaux se dévisagèrent avec méfiance encore un bref instant, avant de baisser leurs armes respectives simultanément, à contrecœur.

- On fait une trêve pour l'instant… concéda Jérémie d'un ton vexé, retrouver les autres est la seule priorité. J'y vais !

- Je te suis, s'entêta Mathieu en le défiant du regard, s'attirant un nouveau soupir désespéré.

- Fais ce que tu veux, lâcha l'informaticien en baissant les bras, essaye juste de ne pas me gêner… Ah, et c'est moi qui dirige l'opération, compris ?

Le jeune homme aux oreilles de lapin inclina la tête, sans discuter plus avant. Il avait déjà obtenu plus que ce qu'il pouvait espérer, provoquer Jérémie ne lui servirait à rien, même si son attitude de petit chef, rendue ridicule par sa forme virtuelle à l'aspect si juvénile, l'irritait au plus haut point.

Dans un silence stratégique, les deux jeunes gens s'avancèrent vers la Tour de Passage à bord de leur véhicule respectif et en traversèrent la paroi sans rencontrer aucune résistance. Mathieu ne put s'empêcher de fermer les yeux au contact de la surface apparemment bien solide, attendant le choc, mais rien n'arriva et, lorsqu'il les rouvrit, il se trouvait à l'intérieur d'une vaste pièce sombre, à peine éclairée par quelques fichiers de données bleuté et par les anneaux du plateau sur lequel il venait d'atterrir.

Mathieu ne put s'empêcher d'écarquiller les yeux de stupeur face à la beauté calme et envoûtante de l'intérieur. Il se dégageait de l'ensemble une impression de sérénité des plus agréable. Il aurait pu rester dans cette Tour jusqu'à la fin des temps.

Sans l'attendre, Jérémie s'était avancé à l'extrémité de la plaque en forme de symbole d'Angel géant, la roue de son Overbike n'était plus séparée du vide infini s'étendant sous eux que par quelques millimètres.

Puis, sans crier gare, il décolla et plongea à la verticale dans l’abîme sans fond de la Tour, disparaissant en une fraction de seconde, comme happé par les ténèbres.

Mathieu poussa un cri et se précipita à son tour vers le bord du plateau, submergé par une vague d'inquiétude. Jérémie n'était déjà plus visible.

- C'est comme ça qu'on change de territoire, expliqua la voix d'Anthéa, distante, à ses oreilles, tu peux y aller aussi, tes Points de Vie ont remonté. C'est sans danger ne t'en fais pas !

Mathieu eut une moue dubitative mais s'exécuta malgré tout. Il avait perçu l'agacement dans la voix de la mère d'Aelita : de toute évidence son entêtement à rester dans ce monde virtuel étrange pour venir en aide aux autres était mal passé auprès d'elle également. Elle devait sans nul doute se faire du souci pour eux, voire se sentir coupable !

Le jeune homme s'en voulait de leur infliger un tel comportement mais il ne pouvait pas hésiter. Pas seulement pour sauver ses amis mais également parce qu'il avait l'intime conviction qu'en cherchant plus avant dans cet « Endo » il pourrait enfin mettre la main sur Angel. Faire marche arrière si près du but était hors de question !

Après une ultime inspiration pour se donner du courage, Mathieu se pencha sur la poignée de son Overwing et laissa le véhicule tomber de la plateforme, chutant dans le vide à la suite de Jérémie.

Pendant un instant, il ne fut environné que par les ténèbres, tombant sans cesse dans un abîme à priori sans destination finale, seulement environné de son angoisse grandissante.

Puis, brusquement, un fichier bleuté croisa sa trajectoire, puis un second. Bientôt, se fut une véritable colonne de chiffres qui tourbillonnaient autours de lui à toute vitesse, tâches floues entêtantes à peine discernable. A peine Mathieu eut-il le temps de se laisser fasciner par cet étonnant phénomène, oubliant momentanément sa chute, que celle-ci s'inversa brusquement et qu'il se retrouva à remonter le long des lignes bleues indéchiffrables, ses oreilles de lapin lui battant l'air de chaque côté de son visage sous l'effet de la vitesse.

A peine une seconde plus tard, son ascension se mit à ralentir jusqu'à ce qu'enfin une nouvelle plateforme, identique à celle de laquelle il venait de se jeter, apparaisse au dessus de lui. L'instant d'après, la mystérieuse énergie qui l'avait entraîné jusque là l'y déposa délicatement et il se laissa tomber de son véhicules, les jambes tremblantes, désorientées par l'inversion de gravité.

- Waouh… ! souffla-t-il, encore estomaqué par l'expérience peut commune qu'il venait de traverser, relevant la tête vers l'intérieur de la nouvelle Tour dans laquelle il venait d'être transféré.

La roue de l'Overbike de Jérémie disparaissait déjà de l'autre côté de la passerelle menant à la sortie, le lutin virtuel ne lui prêtant aucune forme d'attention. Grimaçant, Mathieu ordonna à ses jambes de se reprendre avant de trotter à sa suite, traînant son Overwing d'une main, traversant la paroi après lui sans ciller, ne laissant que quelques traînées de lumière circulaire sur son passage.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:10   Sujet du message: Répondre en citant  
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Ulrich ouvrait grand ses yeux vides de toute expression, impuissant, prisonnier des tentacules de la Méduse. Les flux de données de son chaînon humain remontaient peu à peu les longs filaments translucides, pulsant d'une lueur menaçante jusqu'à son cerveau. D'ici quelques instants la Green Phoenix aurait tout récupéré et il suffirait d'une simple pression de touche sur un clavier pour effacer le samouraï de l'ordinateur… Définitivement ! Rien ne pouvait plus le sauver désormais, il était perdu.

- Alors petit arrogant ? résonna dans les airs la voix d'un des scientifiques au service de Scarlet, narquois, tu te croyais malin de nous défier ainsi ? Tu ne diras plus ça d'ici quelques secondes ! Ça fera un gêneur de moins sur notre r…

Mais sa voix s'étrangla brusquement à travers le micro, stupéfaire. L'avatar d'Ulrich, prit entre les tentacules de la Méduse, s'était subitement mis à grésiller avant de disparaître en l'espace d'un claquement de doigt, évanoui dans les airs ! Le Monstre, désorienté dans un premier temps, eut subitement un violent spasme en arrière et se mit à dériver de façon anarchique, ses tentacules battant le vide, comme fous, son cerveau grésillant d'électricité.

Un son de Tour que l'on traverse la fit faire volte-face pour découvrir un Ulrich intact, la toisant du regard, un de ses katanas étincelants pointé dans sa direction.

- Adieu, lâcha-t-il avant de lancer son arme dans sa direction d'un geste précis, la plantant pile dans le minuscule symbole d'Angel présent à la base de sa tête gélatineuse.

Dans un râle d'agonie, le monstre sentit brusquement son cerveau enfler jusqu'à imploser en un millier de particules numériques, ne laissant plus que ses tentacules qui retombèrent mollement au sol, flasques et inertes, avant de disparaître dans un ultime grésillement.

Un second Ulrich jaillit subitement de derrière un des immeubles environnant, s'emparant de l'épée avant de la lancer vers son double qui la réceptionna au vol, la rengainant prestement.

- Merci, fit-il à son adresse en inclinant la tête, beau boulot… Fusion !

Il y eut un éclair jaune et, l'instant d'après, les deux samouraïs virtuels ne faisaient désormais plus qu'un, toisant le ciel les surplombant d'un regard dédaigneux.

- Apprenez à vous renseigner sur votre cible et ses aptitudes la prochaine fois, Green Phoenix ! ironisa-t-il, je sais à quoi m'en tenir maintenant…

Au fond de lui, Ulrich ne put s'empêcher de se dire à quel point il avait été sage d'utiliser son Triplikata, son pouvoir de multiplication, avant de sortir de la Tour, envoyant un de ses clones à sa place en éclaireur. Sans cela, et sans les nombreuses années d'expérience sur Lyokô à son actif, il ne serait probablement plus en vie en cet instant précis !

Aucune voix métallisée ne lui répondit cette fois. A la place, un crissement lui fit brusquement lever la tête en direction de deux immeubles l'encadrant. A leur sommet, deux Krabes venaient subitement d’apparaître, descendant le long de la paroi grise et lisse à l'aide de leur pince aiguisé, s'enfonçant profondément à leur surface. Leur hideuse tête plate était pointée dans sa direction, leurs yeux rougeoyants de la lueur menaçant des lasers, prêts à faire feu !

- Merde ! jura-t-il entre ses dents en esquivant de justesse une première salve de tirs d'une habile roulade en avant.

« Mieux vaut fuir pour le moment… » estima-t-il en apercevant au loin deux Blocks se diriger vers lui sur leurs pattes minuscules, le prenant en tenaille.

Se campant sur sa position, il se concentra un bref instant avant de s'élancer en avant à toute vitesse, s'engouffrant dans le labyrinthe de building qui lui faisait face.

- Supersprint ! cria-t-il alors que les yeux des Krabes au dessus de lui, de plus en plus proche, se mettaient de nouveau à lui.

Aussitôt, une traînée jaune jaillit de ses pieds et sa vitesse fut subitement décuplée, lui permettant de nouveau d'échapper de peu aux lasers des monstres, qu'il distança rapidement, zigzaguant habillement dans la jungle étroite de buildings.

« Il faut que je trouve un endroit où me réfugier ! » se dit-il sans ralentir sa course tandis que de nouveaux Blocks surgissaient à sa suite d'entre les immeubles, impitoyables, « au moins juste assez longtemps pour qu'Anthéa et les autres trouvent un moyen de me contacter ».

A cet instant précis, un grésillement de micro lui vrilla les tympans, manquant de lui faire perdre sa concentration et de rentrer droit dans un mur.

- Ulrich !? Tu m'entends ?

Anthéa. La voix familière sonna comme une délivrance pour le jeune homme, qui se reprit brusquement espoir, une vague de soulagement l'envahissant.

Sans s'arrêter de courir, le jeune homme se projeta brusquement en direction de l'immeuble le plus proche, duquel descendait déjà un Krabe, et se mit à le gravir à la verticale, courant littéralement à sa surface, profitant de l'incroyable propulsion offerte par son Supersprint.

Un glissement de lame hors de son fourreau, et le monstre lui faisant face se retrouva avec les pattes tranchées, chutant dans le vide d'un air surpris avant d'exploser en contrebas.

Ulrich ne rengaina son katana qu'une fois arrivé au sommet du gratte-ciel grisâtre, se réceptionna sur la terrasse en un saut périlleux impeccable. De là, il pouvait voir les Blocks s'agiter vainement en dessous de lui, tentant à leur tour de gravir l'immeuble, sans succès. Cela lui laissait un instant de répit.

- Anthéa ! lâcha-t-il enfin avec un soupir de soulagement, tournant les yeux vers le ciel d'un bleu limpide, entièrement dégagé, ça fait du bien de vous entendre ! Vous avez reçut mon message finalement ?

- Oui, répondit l'informaticienne, une nuance de soulagement dans la voix, et Jérémie a pu s'infiltrer dans Endo, il est en route avec Mathieu ! Tiens le coup encore quelques instants !

- Ça ira, répondit le samouraï en haussant un sourcil virtuel, dubitatif quand à la présence de Jérémie ici, la Green Phoenix ne vous a pas repéré encore ?

- Non, expliqua la mère d'Aelita après une courte pause, j'ai mis en place un brouilleur sur la présence de Jérémie mais ils ne vont pas tarder à comprendre que quelque chose cloche… Raison de plus pour tous vous réunir au plus vite, rejoindre la Faille et filer !

Ulrich approuva d'un signe de tête. La mission avait pris un tournant trop dangereux pour être poursuivie : mieux valait battre en retraite avant que la Green Phoenix ne parvienne à se débarrasser d'eux.

- Oh, j'y pense ! réalisa subitement le jeune homme, frissonnant à l'idée de ce à quoi il venait d'échapper, la Green Phoenix se sert de la Méduse pour absorber nos chaînon humain. C'est tout ce qui leur manque pour nous supprimer depuis l'ordinateur ! Dites aux autres de ne surtout pas se faire prendre !

Un silence inquiet lui répondit. Visiblement, la nouvelle n'avait servi qu'à ajouter à l'angoisse qu'éprouvait la mère d'Aelita depuis le début de cette infiltration ratée.

- Très bien, acquiesça Anthéa au bout d'un moment, j'ai aiguillé Mathieu et Jérémie sur ta position. Ils sont en route ! Je vais tenter de contacter les autres pour les prévenir, merci de ton aide. Bon courage !

L'instant d'après, le micro se coupait, laissant à nouveau Ulrich seul au sommet de son immeuble. Pensif, le jeune homme jeta un coup d'œil par-dessus la rambarde virtuelle, embrassant du regard l'ensemble du territoire, profitant de la vue panoramique que lui offrait sa position élevée. Les immeubles s'étendaient à perte de vue de plateau en plateau, tous semblables aux autres. Seuls quelques halos bleutés de Tour venaient par moment rompre la monotonie de ce paysage gris et insipide.

Ulrich eut un pâle sourire. D'ici il pourrait voir arriver ses deux amis sans problème. Il espérait juste qu'ils ne croiseraient aucune mauvaise surprise sur leur route.


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Aelita fut projetée hors de la Tour avec une rare violence, volant à travers la salle du cœur d'Endo sans parvenir à se raccrocher à quoi que ce soit avant de brusquement s'écraser contre la paroi. Une gerbe d'étincelle jaillit de son corps sous l'effet de l'impact, lui arrachant un cri de stupeur.

Elle eut tout juste le temps de se laisser glisser à terre avant qu'Angel ne jaillisse à sa suite de sa prison auréolée de noire, sa faux pointée vers elle, le regard vide de toutes expressions. La lame dorée s'enfonça dans le mur à l'endroit précis où elle se trouvait quelques secondes plus tôt, lui évitant de justesse une dévirtualisation mortelle.

Prise de court, Aelita eut la présence d'esprit de joindre deux champs de force avant que le jeune homme ne fonde de nouveau sur elle, son unique aile écartée sifflant dans les airs sous l'effet de la vitesse. La faux s'enfonça dans les sphères d'énergie avec violence, forçant l'elfe virtuelle à amorcer un mouvement de recul, mais sa protection teint bon, les milliers d'éclairs roses maintenant la lame à quelques centimètres à peine de son visage.

Avec un sourire sarcastique, Angel asséna un nouveau de son arme avec une vitesse fulgurante qu'Aelita eut à peine le temps de parer cette fois, grimaçant sous la puissance de l'impact.

« Que ce que je dois faire ? » pensa-t-elle sous l'effet de la panique, se protégeant de justesse de chaque nouvel impact, reculant un peu plus à chaque fois, « Répliquer ? Non. Dévirtualiser Angel ne me permettra pas de le libérer, je ne suis même pas sûr que cela soit possible avec les scanners de la Green Phoenix ! Mais alors quoi ? ».

Un brusque coup de lame circulaire qu'elle n'avait pas vu venir la faucha subitement, lui coupant le souffle et l'envoyant valser à l'autre bout du terrain, brisant ses champs de force comme s'il s'était agit de verre. Une roulade arrière lui évita un nouveau coup de faux de peu.

- Champs de force ! hurla-t-elle en se décidant enfin, balançant une sphère d'énergie dans la direction du jeune homme. Il était trop fort pour être prit à la légère. Soit elle répliquait, soit elle y passait !

A son grand dépit, un simple mouvement circulaire du bras suffit à Angel pour parer le champ de force sur le tranchant de sa lame. Des milliers d'étincelles rose et or jaillirent de l'impact, éblouissant momentanément Aelita.

« Merde ! » pensa-t-elle en effectuant d'instinct un saut de côté. Grand bien lui en prit car la faux d'Angel vint brusquement se ficher à quelques centimètres de son pied, la manquant de nouveau de peau.

- Reprends-toi, Angel ! cria-t-elle en prenant ses distances avec son adversaire, chargeant deux nouveaux champs de force au creux de ses paumes, tu n'es pas toi-même ! C'est la Green Phoenix qui te manipule !

Cette phrase n'eut d'autre effet sur l'intéressé que le faire éclater d'un puissant rire sardonique, sans joie. Sans plus attendre, le jeune homme fusa dans la direction d'Aelita, sa faux prête à lui porter un coup final. L'elfe rose amorça un mouvement de recul mais son pied buta contre une irrégularité au sol, la faisant chuter en arrière. Elle était perdue !

Il y eut un éclair doré, la jeune fille poussa un cri, puis il n'y eut plus que le silence, résonnant lourdement dans l'obscurité comme un air de fin du monde.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:10   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 34 :

Épisode 133 : Combattre pour la survie_



Dans l'antichambre glaciale abritant les multiples postes de contrôle du Supercalculateur de la Green Phoenix, une certaine forme d'agitation commençait à naître parmi les scientifiques. Tous déambulaient à toute allure d'un clavier à un autre, sans prêter attention à l'écran géant principal de la pièce, projetant une carte en trois dimensions d'Endo.

A sa surface, quatre petits points verts s'agitaient, apparemment dispersés de part et d'autre des territoires. Cependant, un étrange phénomène se produisait depuis quelques minutes. Bien que savamment désorganisés jusqu'à présent, ces points avaient commencé à agir d'une étrange façon, se rassemblant en faisant fi des monstres qu'on leur envoyait à intervalle régulier avec une habilité hors norme. Deux d'entre eux étaient déjà sur le même territoire et se dirigeait comme un seul homme vers la Tour de passage, sans que rien ne semble pouvoir les arrêter.

Brusquement, une porte coulissant dans un grincement froid et le brouhaha qui régnait sur la pièce depuis un moment déjà s'atténua brusquement, ne laissant plus place qu'à un claquement de talon haut sur le sol dallé.

Scarlet s'avança lentement en direction de ses hommes, sa blouse blanche voltigeant sur son passage, ses cheveux pourpres, fidèles à son nom de code, se parant de reflets mordorés à la lueur des néons. Les informaticiens n'osèrent revenir à leur tâche, la dévisageant avec crainte tandis qu'elle se contentait de les toiser de sa nonchalance habituelle, implacable.

- J'écoute, fit-elle en se dirigeant vers l'informaticien en chef, caractérisé par l'insigne en forme de phénix vert qui scintillait sur sa poitrine, quel est le souci ?

L'homme en question déglutit avant de répondre, anxieux à l'idée de déclencher la colère de sa supérieure.

- Nos ordinateurs ont détecté certaines… Irrégularités dans le comportement de nos prisonniers, fit-il très vite en affichant l'historique à la surface de son écran tactile d'un glissement de pouce, ils se rassemblent et sont peu importe le nombre de monstres que nous leur envoyons, ils semblent toujours avoir un coup d'avance !

- Impossible, trancha-t-elle sèchement en se penchant sur l'écran, ses ongles affûtés pénétrant l'épaule de l'homme avec une sécheresse brusque, lui arrachant une grimace, ils sont totalement coupés du monde extérieur. Personne n'a pu les contacter ! N'oubliez pas que nous avons affaire à des combattants avisés et habitués à ce genre d'environnement hostile. Envoyez plus de monstres ! Combien de Méduse ont pu être générées jusqu'à présent ?

Elle avait lancé cette question à la cantonade. Une jeune femme en blouse blanche s'écarta aussitôt de son écran, un rapport à la main, livide de peur :

- Trois, madame, fit-elle en scrutant ses notes à travers sa paire de lunette en demi-lune, la première a été détruite par l'opposant n°005, Ulrich Stern. La seconde est d'ores et déjà à sa poursuite. Quant à la troisième, elle est sur le territoire des Abysses et ne devrait pas tarder à atteindre sa cible.

En guise de confirmation, elle se saisit d'une télécommande posée non loin de son poste de travail et fit défiler la carte à l'écran principal, zoomant sur un point rouge se rapprochant dangereusement d'un des minuscules curseurs verts, encore isolé des autres.

Scarlet approuva d'un signe de tête.

- Lancez-en une quatrième pour le territoire des Cieux, ordonna-t-elle déclenchant une série de cliquetis de la part d'un groupe d'informaticiens, attablés devant ce qui semblait être une série de modélisation de monstres, tournant lentement sur eux-mêmes, qu'en est-il de la fille ?

Le ton de sa voix s'était fait légèrement hargneux à cette mention. L'informaticien en chef, répondant au nom de Bergson, s'en rendit compte mais se garda de tout commentaire, ouvrant une nouvelle fenêtre de codes sur son écran.

- L'opposante n°002, Aelita Schaeffer, a été neutralisée, affirma-t-il non sans une once de fierté dans la voix, faisant défiler pompeusement l'historique devant les yeux de sa supérieure.

Cette dernière, pour la première fois, esquissa un demi-sourire satisfait, à la grande surprise des autres membres de la Green Phoenix présents dans la pièce.

- Enfin une bonne nouvelle, lâcha-t-elle sans se défaire de son air satisfait avant de tourner les talons, enfilant de nouveau son masque de froideur, prévenez-moi lorsque les Méduses seront parvenus à extraire les chaînons humains de chacun de nos invités, je tiens à m'occuper personnellement de leur suppression.

Et, sans un mot de plus, elle s'éloigna à travers la pénombre de la salle, laissant les informaticiens retourner à leur travail à toute allure, brusquement remotivés. Sur l'écran principal, au niveau où les deux points représentant Ulrich et Mathieu s'étaient réunis, un troisième point clignota l'espace d'une fraction de seconde avant de disparaître aussitôt, sans qu'aucun homme présent ne le remarque.


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L'Overbike roulait à toute allure sous le ciel d'un bleu azur du territoire, son unique roue laissant une traînée de poussière numérique à la surface du gigantesque câble sur lequel il se déplaçait, pendant dangereusement au dessus de la Mer Numérique, dont les vagues calmes mais mortelles clapotaient en contrebas.

Ulrich ralentit légèrement l'allure en sentant la moto virtuelle pencher sur le côté, sans pour autant se défaire de sa vigilance, l'œil aux aguets.

A quelques mètres de lui, Mathieu volait sur l'Overwing, les segments de ses armes luisant de rouge à ses poignets. Il avait eu tout l'occasion de recharger ses sphères en venant chercher le samouraï avec Jérémie, affrontant Krabes et Blocks avec une dextérité nouvelle, acquis lors de son entraînement intensif auprès de lui. Ulrich avait refusé de l'admettre mais la nouvelle combativité de son protégé l'avait impressionné. A croire que se trouvait si proche d'Angel avait suffit à décupler ses facultés ?

- Fais attention Ulrich, râla Jérémie derrière-lui, s'agrippant à la selle de toutes ses forces, son poignard battant à ses flancs sous l'effet de la vitesse, c'est la Mer Numérique juste en dessous je te signale !

Le samouraï leva les yeux au ciel, agacé.

- Écoute Jérémie, je sais ce que je f-… commença-t-il avant de brusquement s'interrompre, tendant l'oreille.

Avait-il rêvé ? Pendant un instant, seul le silence environnant lui parvint. Mathieu et le lutin virtuel le dévisagèrent d'un air inquiet pendant un moment, sans oser troubler sa concentration. Puis, brusquement ce qu'il avait cru capter lui parvint, plus net que jamais : un cri aigu, déchirant les airs.

- Mantas ! hurla-t-il simplement, donnant un brusque coup sur l'accélérateur de son véhicule.

L'Overbike fit une embardée, arrachant un cri de terreur à son co-passager, avant de bondir en avant, plus rapide que jamais, le propulseur de l'appareil laissant une traînée orange sur son sillage.

L'instant d'après, deux gigantesques raies mantas volantes, d'un blanc nacré et aux ailes bordée de bleu marine, jaillir de nulle part à leur suite, ondulant gracieusement dans les airs, prêtes à faire feu.

- Je m'en occupe, hurla Ulrich à l'intention de Mathieu qui s'était déjà retourné sur son Overwing, les poignets levés, prêt à répliquer, Jérémie, prends le volant !

- Hein ? Non ! s'écria le jeune homme tant bien que mal.

Il était déjà trop tard cependant. Dans un bond prodigieux, le samouraï se propulsa hors de la selle du véhicule, dégainant ses katanas au passage. Un salto arrière plus tard et il atterrissait sur le câble électrique gigantesque, ses lames illuminées de bleu. Les deux Mantas qu'il avait fauchées sur son passage émirent un râle rauque avant d'imploser dans les airs, nimbant le ciel de particules rougeâtres.

Une pluie de lasers vengeurs provenant du troisième monstre manqua de l'abattre par derrière mais il parvint, en un volte-face spectaculaire, à parer les coups sur le plat de sa lame de justesse, réorientant les tirs en direction de la créature volante qui ne put qu'exploser à son tour, fauchée sur le coup.

L'Overbike dérapa un moment, manquant de tomber dans la Mer Numérique avant que Jérémie ne parvienne à reprendre le contrôle du véhicule, faisant volte-face juste à temps avant la chute fatale.

- Ne me fais plus jamais ça… souffla le jeune homme en tremblant légèrement tandis que ses compagnons le rejoignaient.

Pendant un bref instant, Jérémie cru distinguer un vague sourire moqueur sur les lèvres de Mathieu ce qui ne fit qu'ajouter à sa furie.

- Pressons, intima Ulrich en rangeant ses armes dans leur fourreau, la Green Phoenix a sûrement d'autres monstres en réserve… La Tour de Passage n'est plus très loin !

Alors que le samouraï s'apprêtait à enfourcher sa moto virtuelle de nouveau, prêt à franchir les quelques mètres le séparant du plateau sur lequel se situait la Tour en question, un cri d'Anthéa à travers le micro le retint brusquement.

- Attention, fit-elle, angoissée, un nouveau monstre vient d’apparaître sur mes écrans face à vous ! D'après les données…

Un bruit de micro arrachée retentit subitement à travers les oreilles des trois garçons, suivis par la voix de Yumi, plus effrayée que jamais :

- …Une nouvelle Méduse ! finit-elle à la place d'Anthéa, bougez, vite !

Ulrich, Mathieu et Jérémie tournèrent la tête comme un seul homme dans la direction du plateau. Là, à l'extrémité du câble sur lequel il se trouvait, flottant à quelques mètres au dessus de lui, ses tentacules ondulant avec grâce, se dressait effectivement l'impitoyable Méduse, déterminée à sceller leur sort en absorber leurs chaînons humains.

- Changement de plan, on bat en retraite ! s'exclama Ulrich en reculant de quelques pas, un de ses katanas fusant hors de son fourreau dans un crissement métallique, si cette bestiole parvient à attraper l'un d'entre nous il est perdu !

- Non, il suffit de la détruire ! protesta Mathieu.

Sans crier gare, il se mit à foncer en direction du monstre, poignet levé, ignorant le cri de protestation de son mentor. La sphère à son extrémité s'ouvrit en deux dans un claquement sourd et une salve de lasers en jaillit, rebondissant pitoyablement à la surface du globe emprisonnant le cerveau de la créature gélatineuse, sans lui causer le moindre dégât.

Décontenancé, Mathieu freina sur son Overwing, trop tard. Un tentacule s'était dors et déjà enroulé autours du guidon, remontant lentement le long de son bras, l'empêchant ainsi de lâcher prise.

Affolé, le jeune homme aux oreilles de lapin tira de toutes ses forces mais ne parvint qu'à s'empêtrer de plus belle dans le mince filament translucide, bien vite suivi par un suivant, autours de son second bras, l'immobilisant totalement.

- Non ! hurla-t-il, cédant à la panique, alors que deux autres tentacules s'enroulaient lentement autours de sa taille, le soulevant délicatement du véhicule sans qu'il puisse opposer la moindre forme de résistance. C'était comme si ces filaments le vidaient littéralement de son énergie !

Brusquement, alors que Mathieu se voyait déjà perdu, il y eut un éclair jaune et la Méduse poussa un cri strident, se reculant brutalement, les tentacules de devant tranchés déversant un flot de pixels rouges.

Ébranlé, Mathieu se laissa tomber de l'Overwing, se faisant réceptionner de justesse par Jérémie.

- Espèce d'idiot ! lui cracha-t-il à la figure en le repoussant une fois qu'il eut repris ses esprits, tu n'écoutes pas quand on te parle !? Tu te crois meilleur que nous ? Quand quelqu'un qui a eu l'habitude d'affronter ce genre de monstres pendant des années te dit de ne pas tenter le diable tu obéis ! Je savais que tu aurais du repartir par la Faille dés que possible…

- Fais attention la prochaine fois, grinça Ulrich entre ses dents sans quitter la Méduse des yeux, la maintenant à distance à l'aide de son katana, menaçant, c'est comme ça que ce con de William a fini au service de XANA pendant des mois ! En jouant les imprudents !

Coupable, Mathieu hocha la tête, battant en retraite à toute allure tandis que Jérémie faisait glisser son coutelas hors de sa ceinture, prudent.

La Méduse, rendue inoffensive par ses tentacules tranchés, se contentait de flotter à quelques mètres d'eux, les toisant de toute sa hauteur avec défiance. Ses membres amputées avaient cessés de cracher leur flux de données et commençaient à grésiller, se reformant peu à peu.

- Remontons sur l'autre plateau ! intima Ulrich en montant à bord de l'Overwing, laissant son Overbike à ses deux amis, on va devoir faire un détour mais c'est plus sûr. Vite, avant que la Méduse ne se soient entièrement régénérée !

Brusquement, une pluie de lasers s'abattit sur eux, leur arrachant un cri de surprise. Ils eurent tout juste le temps de se jeter hors de leur véhicule avant que les tirs ne les réduisent à l'état de poussière numérique. Impuissants, les Lyokô-guerriers ne purent que regarder les contours de l'Overbike et de L'Overwing s'évanouirent dans les airs.

- Ça va être difficile ça aussi, grimaça Mathieu en désignant l'autre côté du câble géant, pointant du doigt les responsables de ce massacre.

Deux nouvelles Mantas ondulaient lentement dans leur direction, leur coupant toute retraite possible. Sans véhicule pour s'échapper, ils étaient cernés !

- Eh merde ! jura Ulrich en dégaina son second katana, en désespoir de cause, Anthéa, qu'est-ce qu'on fait ?

- Affrontez la Méduse ! répondit l'informaticienne après un temps de pause, c'est votre option la plus viable pour l'instant… La priorité est de rejoindre la Tour de Passage et de sauver les autres, ne l'oubliez pas !

Ulrich eut un rictus mauvais. Plus facile à dire qu'à faire ! Il avait certes réussi cet exploit un instant plus tôt mais l'effet de surprise avait beaucoup joué, sans compter sur son surpuissant Triplikata. Il doutait de pouvoir renouveler un tel coup d'éclat en cet instant précis dans une zone de combat aussi réduite qui plus était !

- Je m'en charge ! fit Jérémie, profitant de l'occasion pour revenir sur le devant de la scène, mon arme est plus adaptée que tes katanas Ulrich.

Dans un mouvement leste du poignet, il lança son couteau en direction de la Méduse, visant avec soin. Malheureusement pour lui, l'arme de jet manqua le monstre de quelques centimètres avant de décrire une courbe et de tomber droit vers la Mer Numérique, disparaissait à jamais dans ses flots mortels.

-Bon bah cette fois je crois qu'on est foutu pour de bon ! ironisa le samouraï en parant avec difficulté une salve de tirs des Mantas, protégeant ses compagnons du mieux qu'il le pouvait.

Les lasers ricochèrent avec fracas sur les lames sans les atteindre mais ils furent cependant contraints de reculer de quelques pas. Un nouveau cri de la Méduse fit faire volte-face au groupe des Lyokô-guerriers.

Dans une ultime gerbe de pixels, celle-ci venait d'achever de faire repousser ses tentacules, les claquant dans les airs d'un air satisfait, impatiente de pouvoir les enrouler autours de ses victimes. Cette fois-ci, ils étaient vraiment faits !

- Mathieu, souffla Ulrich, en déviant un nouveau laser, se mettant dos à dos avec ses camarades, le souffle rauque, tu es notre dernier espoir ! Il n'y a que toi qui possède une arme capable d'atteindre le point faible de la Méduse !

- Tu rigoles ? fit Jérémie avec ironie, c'est encore un débutant ! Espérer de lui qu'il détruise un tel monstre ce serait croire aux miracles !

La remarque piqua au vif le Lyokô-guerrier en herbe. Il n'avait pas de leçon à recevoir d'un gamin de 13 ans (en apparence) qui venait juste de lancer son unique arme dans le vide de façon pitoyable !

- Je vais le faire ! affirma-t-il en levant son bras droit, fermant un œil pour plus de précision, où est-ce que je vise ?

Une première Manta arriva sur le groupe, l'orifice sous son ventre s'ouvrant lentement, prêt à déverser ses mines. Ulrich eut le réflexe, de sauter en l'air juste à temps, transperçant la créature de part en part avec son katana juste avant qu'elle ne les bombardes. Le monstre explosa dans un ultime soubresaut, déconcentrant Mathieu momentanément, laissant à la Méduse le loisir d'approcher.

- Le symbole d'Angel au milieu de sa tête ! fit Ulrich en atterrissant, c'est son seul point faible ! Ne gaspille pas tes munitions et vise bien surtout !

Le jeune homme déglutit, reprenant sa position offensive, repérant la cible du regard. Elle était vraiment minuscule ! L'atteindre à cette distance avec une arme aussi peu précise que la sienne était quasiment impossible ! Jérémie n'avait pas tord en disant que ce monstre était peut-être au dessus de ses capacités…

Une série de tirs retentit de nouveau et, cette fois, Ulrich ne put pas tout parer, recevant un laser en plein dans l'épaule. Le jeune homme poussa un cri et se retrouva propulser sur le bord du câble gigantesque, manquant d'en tomber. Jérémie se précipita pour lui venir en aide mais de nouveaux rayons mortels barrèrent son chemin. L'un d'entre eux manqua la tête de Mathieu de peu, frôlant ses oreilles de lapin.

- Fais le Mathieu ! s'écria Ulrich en s'agrippant comme il le pouvait sur les aspérités du câble, ses jambes pendant dangereusement au dessus du vide.

Reboosté par les paroles du samouraï, le jeune homme se retourna précipitamment vers la Méduse, le bras levé, prêt à faire feu. Le court instant de distraction offert par le laser de Manta avait cependant suffit à la créature gélatineuse pour franchir les derniers mètres les séparant et il lui suffit d'un claquement de tentacule pour dévier le tir de l'adolescent, qui vint se perdre dans les méandres de la Mer Numérique.

- Non ! hurla-t-il alors le mince filament translucide commençait à s'enrouler autours de sa taille et de son bras, les enserrant dans un étau implacable.

Jérémie contempla la scène au loin d'un air terrifié, incapable d'agir. Ils étaient perdus et il ne pouvait rien faire pour venir en aide à ses amis, désarmé comme il l'était !

- Mon katana ! lui intima brusquement Ulrich alors qu'une Manta fondait sur lui, manquant de le désarçonner, vite !

Déconcerté, le lutin virtuel tourna la tête précipitamment dans la direction que lui indiquait son ami du regard. Là, à quelques mètres à peine, gisait un de ses sabres, perdu lors de sa chute. Il n'y avait pas à hésiter !

Plongeant pour éviter l'attaque en piqué de la seconde Manta, Jérémie roula juste assez loin pour se saisir de l'épée dont la lame s'illumina de bleu entre ses mains.

- Mathieu, maintenant ! cria-t-il en jetant l'arme dans la direction du jeune homme qui commençait à s'élever légèrement dans les airs, le regard absent.

Le katana décrivit une boucle parfaite et vint trancher juste un des filaments de la Méduse, libérant un des bras du Lyokô-guerriers en herbe en arrachant un râle de douleur au monstre.

Mathieu ne perdit pas plus de temps, pointant droit son arme contre la tête flasque de la créature, profitant de la soudaine proximité offerte par son étreinte.

- Bye bye, fit-il en déclenchant l'ouverture de sa sphère.

Le laser rouge fusa en une fraction de seconde, transperçant le symbole d'Angel minuscule de part en part, à bout portant.

La plaie scintilla un bref instant avant de subitement s'ouvrir en deux, faisant littéralement exploser la Méduse avec une rare violence.

Soufflé par l'implosion, Mathieu vola en l'air, manquant de chuter vers la Mer Numérique de peu avant de se rattraper in extremis au bord du câble électrique, sauf.

Soulagé de le voir intact, Ulrich raffermit sa prise sur son second katana, par miracle resté dans sa main, et transperça d'un coup net sur toute la longueur le dos de la Manta qui tentait de le faire tomber par une série d'assauts répétés.

Le jeune homme se servit de l'explosion qui en résulta pour remonter sur le câble, usant de son Supersprint presque aussitôt pour bondir sur le dos de la seconde Manta et la trancher d'un coup tout aussi précis, la faisant imploser à son tour, dans un râle d'agonie.

- Ne traînons pas ! ordonna-t-il à l'adresse de ses camarades tout en aidant rapidement un Mathieu tout tremblant à remonter sur le câble, la Green Phoenix peut nous envoyer de nouveaux monstres à tout instant…

Ses deux amis acquiescèrent d'un signe de tête avant de courir à sa suite. Ulrich en profita pour récupérer son second katana, tombé un peu plus loin, et le rengainer avant d'enfin atteindre la rive opposé du plateau, talonné par les deux autres Lyokô-guerriers.

Jérémie arborait malgré lui un air sombre, tout en fusillant le dos de son rival du regard. Il s'était montré ridicule face à la Méduse et était désormais désarmé. Si un nouveau monstre se pointait il ne serait d'aucune efficacité, alors qu'il était sensé être le sauveur tant attendu ! Cette situation le frustrait au plus haut point. Pourquoi fallait-il qu'il soit si mauvais au cœur de l'action ? N'était-il donc d'aucune utilité ? Fuyant lorsque ses amis avaient eu le plus besoin de lui, incapable de se battre une fois revenu… Où était sa place parmi les Lyokô-guerriers ? Autant d'incertitudes qui ne cessaient de le dévorer de l'intérieur depuis son retour à Kadic et venaient subitement de prendre une nouvelle dimension.

Silencieux et prisonnier de ses doutes, il laissa ses pas le porter à la suite des autres, courant à perdre haleine jusqu'au centre du plateau, à un carrefour entre quatre rangées d'immeubles, là où la Tour de Passage était érigée.


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Anthéa se laissa tomber contre le dossier de son fauteuil de soulagement, alors que les trois petits points verts qu'elle suivait à son écran depuis plusieurs minutes disparaissaient enfin de la fenêtre indiquant une carte en trois dimensions du territoire sur lequel ils évoluaient depuis un moment désormais.

- Ulrich, Mathieu et Jérémie ont réussi à atteindre la Tour de Passage, lança-t-elle avec un sourire à l'adresse de Yumi et de Stéphanie, trépignant d'inquiétude à côté du dispositif circulaire centrale de la pièce, si j'en crois mes écrans, ils sont en route pour le territoire où se trouve Odd désormais, je devrais pouvoir le contacter d'ici peu.

- C'est génial, approuva la japonaise avec un soupir de soulagement, son cœur tambourinant dans sa poitrine.

Elle avait vraiment eu peur un instant plus tôt en voyant le point rouge symbolisant la Méduse surgir face aux trois adolescents, leur coupant la route. Le coup d'éclat de leur travail d'équipe l'avait impressionné plus qu'elle ne l'aurait pensé mais elle ne pouvait s'empêcher de se dire que, sans l'aide d'Ulrich, ni Mathieu, ni Jérémie ne seraient encore de ce monde. Ils avaient de la chance quelque part d'avoir réussi à le rejoindre.

Elle n'était pas inquiète pour le samouraï. Combien de missions sur Lyokô avait-elle eu l'occasion de partager à ses côtés ? Après tout ce qu'elle avait vécu avec lui, elle était sans doute la mieux placée pour savoir à quel point il était puissant, même poussé dans ses retranchements. N'avait-il pas réussi à vaincre le Kolosse, surpuissant monstre de XANA qui les avait tous mis en déroute pendant une certaine période alors que le programme était au summum de sa puissance ?

Et Odd n'était pas en reste. Dés le début il avait toujours été le plus endurant, résistant jusqu'à la dernière seconde en combat avec seulement une poignée de Points de Vie et pas plus de trois Flèches Lasers au compteur ! Et Aelita, qui n'avait pas subit une seule dévirtualisation en deux ans malgré son incapacité à se défendre au début de leurs aventures ?

Ses anciens compagnons d'arme étaient tout sauf du genre à se laisser surpasser par les événements, elle le savait pertinemment, après ces nombreuses années passées à les côtoyer. La situation était différente pour Eva, Mathieu ou Jérémie. Ni l'un ni l'autre n'était habitué à se battre pour leur vie dans un univers virtuel. Comment pouvait-elle affirmer avec certitude qu'ils jouiraient de la même chance que celle dont ils venaient de faire usage face à la Méduse jusqu'au bout ?

- Ce qui m'inquiète le plus c'est la disparition du signal d'Aelita il y a quelques instants… ne put-elle s'empêcher de lancer à haute voix, frissonnant légèrement.

Stéphanie lui prit la main dans une attitude rassurante, son sourire inépuisable figé sur ses lèvres.

- Ne t'en fais pas, souffla-t-elle à l'adresse de sa première véritable amie, sans se défaire de son optimisme habituel, Anthéa a dit que l'historique n'avait aucune trace de dévirtualisation après tout, et il n'y avait pas non plus de signal de monstres autours d'Aelita lorsque c'est arrivé, non ?

C'est exact, approuva l'informaticienne, qui gardait un œil sur les deux adolescentes sans se détourner des écrans pour autant, j'ai un signal très faible depuis le Navskid de toute façon. Pour un peu qu'elle se trouve dans une zone profonde d'Endo et soit hors de portée du radar… Je suis persuadée qu'il n'y aucun soucis à se faire.

Pourtant, malgré ses paroles, Yumi ne put s'empêcher de déceler une trace d'appréhension dans son regard d'un bleu pâle. Ravalant la boule de stress qui commençait à lui nouer la gorge, la jeune fille s'éloigna de Stéphanie afin de rejoindre Anthéa, se focalisant sur la carte de Jérémie, clignotant faiblement à l'écran.

- Vous devriez reprogrammer son poignard, suggéra-t-elle histoire de se changer les idées, il est trop fier pour vous en faire la demande lui-même.

Anthéa approuva et, se redressant sur son siège, se remit à pianoter sur son clavier, ouvrant une énième fenêtre de codes devant elle tandis que l'image en trois dimension d'un coutelas se dessinait à côté de l'avatar de Jérémie.

Yumi revint s’asseoir à côté de Stéphanie et les trois femmes se murèrent de nouveau dans leur silence respectif, fait d'un mélange confus d'espoir, de doutes et d'appréhensions.


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Odd plongea au sol, amorçant une roulade afin de se relever rapidement et de se remettre aussitôt à courir. Deux missiles décrivirent une courbe dans le ciel sombre du territoire avant de s'écraser au sol, le manquant de peu. Les Rekins le pourchassant claquèrent leurs mâchoires hérissés de crocs d'un air agacé avant de disparaître de nouveau dans la Mer Numérique, attendant leur heure pour surgir de nouveau.

Loin de se prêter à leur jeu, le félin virtuel s'empressa de sauter du chemin étroit sur lequel il évoluait afin de s'agripper à un plateau légèrement surélevé, s'éloignant au plus vite des eaux mortelles, truffées de monstres.

« Bon, les racines… » pensa-t-il, profitant de ce court instant de répit pour jeter un œil au paysage autours de lui. Dans sa fuite, il avait finit par perdre la trace des Tours, seul échappatoire que pourrait lui offrir cet environnement hostile.

Encore sur ses gardes, il mit un moment à apercevoir au loin un halo de fumée claire, tranchant sur le bleu nuit du ciel. Son cœur aurait pu rater un battement s'il n'avait été piégé dans son corps virtuel.

- Enfin… murmura-t-il avant de se remettre à courir, vers une destination précise cette fois-ci.

La Tour était située sur un niveau inférieur au plateau sur lequel il se trouvait, au milieu d'un minuscule îlot planté au centre de la Mer Numérique, si bien que seule sa cime était visible d'où il se trouvait, mais cette vague lueur d'espoir suffisait à lui redonner du courage.

Obnubilé par ce halo bleu salvateur, il ne prit pas garde au léger crissement s'élevant soudain dans son dos, en provenance d'une véritable forêt d'algues virtuelles. Lentement, les tentacules de la Méduse émergèrent des bosquets sombres et ondulés, prêts à fondre sur sa proie.

Odd, sentant brusquement un mouvement dans son dos, fit soudain volte-face, ses poings levés, prêts à faire feu. Il ne dut sa survie qu'à ses formidables réflexes félins, bondissant brusquement en arrière dans un salto arrière impeccable. Les minces filaments manquèrent ses pattes de peu, frôlant sa queue sans parvenir à se refermer dessus.

- Saloperie ! s'écria l'adolescent en bombardant le monstre gélatineux de Flèches Lasers.

Les encoches métalliques ricochèrent à la surface de son globe cérébral, la forçant à reculer sans pour autant la détruire. Odd vrilla son regard gris sur son adversaire, plus concentré que jamais. Il ne savait ce que la Méduse pouvait bien lui vouloir mais il avait déjà eu l'occasion de faire face à ses effets pervers sur ses camarades plus d'une fois par le passé : baisser sa garde était inenvisageable.

Son cerveau carburait désormais à toute allure tandis que sa patte droite, levée, continuait de tenir en joue la créature flottante qui le toisait de toute sa hauteur, aussi méfiante que lui.

Que pouvait-il faire ? Tenter une fuite jusqu'à la Tour était une option mais si un monstre surgissait de la Mer Numérique pour lui barrer le passage, il était perdu. Détruire la Méduse était également une solution mais, à sa connaissance, seule Jérémie avait réussi cet exploit au cours de leurs aventures passées et lui s'était servi d'un programme spécial ! A cette distance, Odd n'était pas sûr de pouvoir viser avec suffisamment de précision pour attendre le symbole d'Angel minuscule de la dangereuse créature, sans compter qu'il ignorait combien de Flèches Lasers il lui restait.

Alors qu'il s'apprêtait à tenter sa chance et tirer, reculant encore de quelques pas, un bruit d'éclaboussures retentit brusquement dans son dos, lui glaçant l'échine.

N'osant se retourner de peur de s'exposer aux tentacules de la Méduse, Odd se risqua néanmoins à jeter un bref coup d'œil dans son dos. Derrière lui, se hissant peu à peu sur le plateau, se dressait un monstre d'une taille gigantesque. Dôté de quatre longues et fines pattes mécaniques articulées, sa tête était constituée d'une gangue de métal allongée ne laissant découvert que le centre, orné d'un œil unique serti du symbole d'Angel, noyé dans un amas de chair à vif.

« Un Kalamar », reconnut Odd en frissonnant, pointant aussitôt sa seconde patte dans sa direction, sous l'effet de la panique.

XANA n'avait eu recours à ce monstre qu'une seule fois dans le Réseau. A cette époque, le Skidbladnir avait bien failli finir détruit sous ses pattes et il s'en était fallu de peu pour qu'Aelita ne finisse noyée dans la Mer Numérique.

« Calme-toi, Odd », s'intima le jeune homme en inspirant un grand coup, pris en tenaille, « tu as réussi à détruire cette chose une fois et même si la dernière fois tu avais accès aux super missiles de ton Navskid, il n'y a pas de raison que tu ais du mal cette fois-ci ! ».

Conscient que chaque minute était précieuse, il n'hésita pas plus longtemps et décocha une Flèche Laser en direction du monstre marin visant la cible centrale. L'encoche la rata de quelques centimètres mais parvint néanmoins à transpercer l'amas de chair à découvert l'environnant, arrachant un cri de douleur au monstre.

Le Kalamar, fou de rage, fusa brusquement sur Odd, faisant preuve d'une étonnante célérité aux vues de sa taille imposante, ses pattes cliquetant à toute allure sur le sol.

L'une d'entre elle fendit l'air, manquant le félin virtuel de peu, qui se baissa juste à temps pour l'esquiver. Une autre, tout aussi rapide, le força à faire un bond en arrière, échappant de peu à la dévirtualisation une fois de plus.

- Saleté ! enragea Odd, profitant de la proximité fortuite créée par le monstre pour lui décocher une nouvelle salve de fléchettes.

A son grand dépit, le monstre n'eut qu'à agiter ses tentacules articulés à toute vitesse devant lui pour faire ricocher ses armes, parant tous les coups avec une efficacité surprenante.

Déconcentré par le ballet des pattes métalliques, Odd ne vit pas un nouveau tentacule fuser du monstre. Dans une tentative désespérée, il amorça un mouvement de recul mais trop tard : la pointe aiguisée terminant le long membre lui avait déjà éraflé la poitrine, lui arrachant une nuée d'étincelles.

Jurant, Odd s'apprêta à répliquer de nouveau lorsqu'un long filament souple vint subitement s'interposer entre lui et sa cible.

Avec horreur, le jeune homme constata que le Kalamar avait réussi à le pousser juste en dessous de la Méduse : il était pris au piège !

Dans un gémissement rauque, la créature entreprit d'enrouler amoureusement ses tentacules autours de son torse, immobilisant ses bras dans une étreinte létale.

- Non ! s'exclama Odd en se tortillant, tentant vainement de s'échapper alors que ses pieds décollaient déjà du sol, en vain.

Lentement, la Méduse vint poser trois de ses filaments contre ses tempes, achevant de l'immobiliser. Une lumière rouge se mit alors à pulser à leur extrémité, remontant jusqu'au cerveau translucide de la créature, pompant peu à peu le chaînon humain du jeune homme. La Green Phoenix serait à même de l'effacer définitivement de leur Supercalculateur d'ici quelques minutes tout au plus.

Incapable de lutter, Odd sentit pour la première fois depuis le début de son aventure avec les autres Lyokô-guerriers sa fin arriver. D'ici peu il ne serait plus qu'un souvenir, un amas de pixels perdus dans le néant. Quelle ironie… Lui qui, au collège, avait toujours tant fait pour briller ! Allait-il réellement finir ainsi ? Sans laisser la moindre trace ? Seul et désemparé…

En une fraction de seconde, une multitude de pensées traversèrent l'esprit de l'homme-chat virtuel. Qu'avait-il vécu jusqu'à présent ? Toute sa vie d'adolescent il l'avait passée à jouer les héros sans se poser de questions, à draguer à droite à gauche sans vraiment réfléchir à ce qu'il voulait faire de sa vie. Et maintenant qu'il était là, à deux doigts de disparaître dans les tentacules d'une créature absurde et à peine réelle, il ne pouvait s'empêcher de remettre ces cinq années de sa vie en question. Pour quoi s'était-il battu tout ce temps ? Pour le « fun » ? Risible consolation…

Puis, brusquement, un visage s'imposa à son esprit, alors que celui-ci s'embrumait de plus en plus, piégé dans les méandres des capacités léthargiques de la Méduse. L'image d'un jeune homme aux grands yeux bleus songeurs et aux cheveux auburn en bataille. Mathieu. Mathieu pour qui il avait eu envie de se battre, qu'il avait voulu aider et protéger, quitte à se lancer de nouveau dans ce monde empli de danger auquel il avait autrefois voulu tourner le dos. Mathieu qui en valait la peine et qui justifiait pleinement les raisons pour lesquelles il risquait sa vie en cet instant précis. Il ne pouvait dire pourquoi mais ce jeune garçon, un peu naïf, qu'il avait appris à connaître depuis quelques mois lui donnait envie de se surpasser et de donner un sens à sa vie, à l'instar d'Aelita lors de leur première rencontre. Aelita, Mathieu… Tous deux étaient des êtres exceptionnels à ses yeux, impressionnants de droiture et de détermination. Des personnes fantastiques pour qui il était prêt à se sacrifier se nécessaire, si cela pouvait leur apporter un peu du bonheur auquel on les avait arraché et qu'ils méritaient. Des personnes qu'il voulait protéger et pour qui il n'avait pas le droit d'abandonner maintenant !

Un cri de douleur lui vrilla brusquement les tympans, le ramenant à la réalité. Une flopée de particules rougeâtre obscurcir momentanément son champ de vision et il se sentit tomber sans parvenir à se raccrocher à quoi que ce soit. Un instant plus tard, son corps était réceptionné par deux mains fines et le visage d'un jeune homme, encadré par des oreilles de lapin, se pencha au dessus de lui, inquiet.

- Odd, tu vas bien ? fit Mathieu en le secouant légèrement, l'aidant à retrouver ses esprits.

Clignant des yeux, le jeune homme se redressa, s'arrachant aux bras du Lyokô-guerrier en herbe qui l'avait rattrapé dans sa chute. La Médusé dérivait dans les airs à quelques mètre d'eux, les tentacules de devant tranchés de façon nette. Un sifflement retentit brusquement dans le dos des deux adolescents et Odd eut tout juste le temps de se retourner pour voir une des pattes articulées du Kalamar s'arrêter à quelques centimètres de son visage, bloquée par la lame d'un Ulrich visiblement de mauvaise humeur.

- Occupez-vous du tas de gelée tous les deux ! grinça-t-il entre ses dents tout en repoussant l'assaut du monstre marin d'un puissant coup d'épée, Jérémie et moi on s'occupe du Kalamar !

- Pas une bonne idée ça… grommela un petit lutin à l'air bougon, tout de vert vêtu, en dégainant néanmoins un couteau qui venait juste d’apparaître à sa ceinture.

- Que… Qu'est-ce que vous foutez tous ici !? s'exclama Odd, abasourdi, sans parvenir à se détourner de ses camarades, surtout toi Jérémie !

- On t'expliquera plus tard, répliqua l’interpellé de la voix fluette de son avatar virtuel, concentré sur sa cible, 'y a plus urgent pour le moment !

Odd approuva d'un signe de tête, avant de se retourner vers la Méduse amputée, un sourire sardonique sur le visage. Avec ses tentacules en moins, le monstre paraissait bien moins impressionnant… Il allait pouvoir se venger de la peur qu'il lui avait fait subir tout à loisir désormais !

- Flèches Lasers ! s'écria-t-il avec un plaisir non dissimulé tandis que Mathieu bombardait simultanément la créature translucide de ses lasers volés.

Piégée entre la multitude de tirs croisés, la Méduse ne put éviter les coups bien longtemps et une fléchette finit par l'atteindre en plein dans la cible, faisant grésiller son globe cérébral avant de la faire imploser d'un coup, ne laissant qu'une traînée de particules virtuelles sur son passage.

De son côté, Jérémie parvint à parer avec difficulté l'assaut des deux pattes avants du Kalamar avec sa lame minuscule, une pluie d'étincelles se dégageant de l'impact, grimaçant sous l'effort. Ulrich en profita pour prendre appuis sur ses épaules et s'élancer dans les airs, jetant l'un de ses katanas droit dans l'œil du monstre marin, lui arrachant un râle horrifié.

Le monstre explosa avec fracas aussitôt, des bouts de sa sombre carapace volant à travers tout le plateau, déséquilibrant Jérémie qui manqua de tomber, surpris par la subite absence de patte articulée à contrer.

Ulrich atterrit souplement juste à côté de son épée, la ramassant avec désinvolture avant de l'envoyer rejoindre sa jumelle dans son fourreau, un air satisfait sur le visage. Odd et Mathieu en profitèrent pour rejoindre les deux jeunes gens.

- Pas mal ! balança Odd, impressionné, tu t'es bien amélioré Jérémie ! Même si je dois bien admettre que cette apparence virtuelle te rend encore plus ridicule maintenant qu'il y a quelques années…

- Tu peux parler, répliqua le lutin virtuel en toisant l'homme-chat violet du regard, s'attardant sur sa queue et ses oreilles, au lieu d'être désobligeant n'oublie pas qu'on vient de te sauver la vie… Une minute de plus et la Green Phoenix récupérait assez de données pour te faire disparaître définitivement !

Odd inclina la tête, penaud. Il ne voulait pas l'admettre face aux autres mais il avait vraiment eu peur à l'instant et les pensées qu'il avait eu alors qu'il se croyait perdu étaient des plus embarrassantes. Mathieu, surpris par son manque de répartie inhabituelle, tenta de l'interroger du regard mais la voix d'Anthéa s'éleva brusquement sur le territoire, l'empêchant d'en savoir plus.

- Dieu merci tu es sain et sauf Odd, fit-elle, il ne reste plus qu'à récupérer Eva et Aelita maintenant. Reprenez la Tour de Passage, je vous envoie les coordonnées de mademoiselle Skinner.

- Anthéa ! s'exclama le félin virtuel, soulagé d'entendre enfin sa voix après ces longues minutes de solitude, vous avez réussi à envoyer Jérémie ici et à rétablir la liaison finalement alors ! Comment vont les filles ?

- Aelita allait bien il y a un instant mais j'ai perdu son signal depuis, expliqua l'informaticienne après un instant de pause, et on dirait qu'Eva est poursuivie par des monstres. Ses Points de Vie sont au plus bas ! Mieux vaux ne pas tarder.

Une appréhension sourde s'éleva brusquement dans le cœur du jeune homme. S'il perdait sa petite-amie et sa meilleure amie ici et maintenant sans avoir réussi à les sauver, il ne pourrait jamais se le pardonner. Cette mission avait réellement viré au cauchemar !

- Dépêchons-nous, intima Ulrich, prenant de nouveau la tête du groupe en se dirigeant vers le bord du plateau, là où la Tour repérée un peu plus tôt par Odd se dressait, plus vite tout le monde sera en sécurité et plus vite on pourra quitter cet univers virtuel de malheurs !

Sans un mot de plus, il se jeta de la falaise, atterrissant sur l'îlot en contrebas avec précision, bien vite suivi par un Jérémie quelque peu plus maladroit, qui manqua de peu de tomber dans la Mer Numérique.

- Tout va bien ? interrogea Mathieu à l'attention de son ami, profitant de ce court instant d'aparté alors que celui-ci s'apprêtait à emboîter le pas de ses camarades, tu as l'air ailleurs…

- Ça va, répondit Odd avec un sourire, dissimulant son angoisse avec habileté, je suis juste content de vous voir… Il y a un instant je n'avais même pas la certitude que vous étiez tous en vie ! Tu devrais plutôt t'en faire pour toi ! Si j'avais su que la mission tournerait comme ça j'aurai insisté pour que tu restes sur Terre.

- Tu penses vraiment que j'aurais écouté ? lança l'adolescent, étouffant un rire sans joie, j'étais conscient des risques en vous accompagnant. Tant que je peux trouver Angel, je suis prêt à donner ma vie s'il le faut.

Odd se figea brusquement à cette parole, le regard dans le vide. Puis, brusquement, sans crier gare, il décocha un violent coup de point à l'adresse de Mathieu, l'envoyant à terre.

Étouffant un cri de surprise, le jeune homme se redressa pour se retrouver nez à nez avec le visage déformé par la rage de son ami, lui coupant le souffle. Jamais l'homme-chat virtuel ne lui avait paru aussi hors de lui !

- Ne dis plus jamais un truc pareil ! éructa-t-il, attirant l'attention d'Ulrich et Jérémie en contrebas, surpris eux aussi par une telle véhémence, aucun mec du monde ne vaut la peine que tu ailles jusqu'à te sacrifier ! Tu as pensé à ce que ça nous ferait si tu disparaissais pour ce type qui ne t'aime même pas ! A ce que ressentirait Stéphanie !? A ce que je ressentirais moi… ? Est-ce qu'on compte si peu à tes yeux par rapport à cet Angel ?

- Odd…

Mathieu ne trouva rien à répondre, choqué par un tel déferlement de colère. Ce qui le perturbait le plus était que cette haine ne semblait pas tournée envers lui mais bien envers Angel, à en juger le ton qu'employait Odd en prononçant son nom, un ton méprisant, comme si chacune des lettres du prénom qu'il aimait tant écorchaient la bouche de son ami.

- Tu sais quoi ? Démerdes-toi avec ce type, cracha l'adolescent sans se départir de sa colère subite, je m'en fous… Tout ça, ça ne me regarde pas.

Et, sans rien ajouter, le jeune homme se laissa tomber du plateau, atterrissant face à un Jérémie et un Ulrich interloqués, les ignorant avec superbe en se dirigeant immédiatement vers la Tour de Passage.

- Bougez-vous, plus vite on aura retrouvé Eva et Aelita et plus vite on en aura fini avec cette merde, cracha-t-il avant de disparaître derrière la paroi inconsistante de l'édifice, ne laissant qu'une traînée de cercles bleus sur son passage.

- …Qu'est-ce qui lui prend ? s'étonna Jérémie, déconcerté.

-Sais pas… répondit Ulrich en fronçant ses épais sourcils avant de se tourner vers Mathieu qui venait de les rejoindre, muré dans le silence, je pense qu'il est juste inquiet, ça joue sur ses nerfs… Ne t'en fais pas Mathieu !

Une seule chose était certaine : il allait avoir une sérieuse conversation avec son compagnon de chambre une fois de retour sur Terre.

Sans prendre la peine de plus s'étendre sur cet incident, les trois adolescents s'enfoncèrent à travers la paroi de la Tour à la suite d'Odd, alors que celui-ci se jetait déjà dans ses profondeurs, disparaissant au moment précis où ils posaient le pied sur la plateforme luminescente.

Haussant les épaules, Ulrich se lança à son tour dans le vide, suivi par Jérémie. Mathieu resta un instant sur place, les bras ballants, fixant les dossiers en mouvement perpétuels sur les parois de la Tour. Était-il réellement devenu si égoïste ? Si obsédé par l'idée de secourir Angel ? Au point de provoquer le courroux de son premier véritable ami masculin…

- Qu'est-ce qui ne va pas chez moi… ? soupira-t-il malgré lui avant de se laisser lui aussi tomber dans le vide, s'enfonçant dans les profondeurs obscures de la Tour de Passage, disparaissant vers une nouvelle destination inconnue et probablement emplie de dangers.


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Eva se tenait recroquevillée entre deux rochers, tétanisée. Autours d'elle, s'abattait de façon continue une véritable pluie d'éclairs, emplissant l'espace de crépitements incessants. Elle était descendue si bas dans le territoire que, désormais, les nuages de pixels, d'un noir intense, couvraient entièrement le ciel, l'empêchant de distinguer le sommet des pics rocheux alentours.

Les Frôlions lancés à sa poursuite volaient à tir d'ailes autours du plateau, désarçonnées, esquivant tant bien que mal les éclairs leur coupant la route, sans même prendre garde à leur cible, tout aussi terrorisée qu'eux.

Un flash de lumière blanche éblouit brusquement l'américaine et, un instant plus tard, une des créatures volantes se fit littéralement foudroyer, implosant sous l'impact de l'éclair.

Eva se força à se lever, se glissant hors de son abri de fortune. Les coups de tonnerre étaient trop présents dans cette zone : elle ne pouvait pas rester ici ! A ce rythme, elle ne pouvait pas espérer tenir plus de quelques secondes avant d'être à son tour foudroyée, à l'image de ses adversaires.

Dans un bond courageux, elle se rua brusquement hors de sa cachette, se précipitant en direction de l'aplomb rocheux le plus proche. Avec un peu de chance, elle aurait le temps de l'escalader avant que la foudre ne tombe de nouveau et pourrait se réfugier dans les hauteurs, sous un ciel plus clément.

Attirés par la fuite de la jeune fille, deux Frôlions tentèrent de se reprendre et fendirent l'air dans sa direction, leur dard illuminé de rouge, prêt à faire feu.

Quelques lasers eurent à peine le temps de lui couper la route que, déjà, de nouveaux nuages de pixels noirs s'amoncelaient au dessus d'eux, déchargeant leurs éclairs à leur niveau, forçant les monstres à fuir.

Eva profita du fracas causé par les éclairs pour pousser un cri puissant, envoyant une note de musique violette droit sur le Frôlion le plus proche, qui ne put que se laisser transpercer dans le dos. Cela lui faisait au moins un gêneur en moins…

Brusquement, un nouveau coup de foudre retentit, s'écrasant à quelques mètres à peine de ses pieds, la manquant de peu.

Désarçonnée par la puissance des éclairs, la jeune fille trébucha et tomba en arrière, apeurée. A cet instant, son regard se posa sur une étrange paire de filaments voluptueux, flottant dans les airs juste au dessus de sa tête, légèrement translucides.

- Qu'est-ce que… ? murmura-t-elle en levant la tête en direction de la nouvelle créature qui venait de se glisser au dessus d'elle, profitant de sa chute.

Ignorant la surprise de sa proie, la Méduse s'empressa d'enrouler ses interminables tentacules autours de sa taille, la ceinturant malgré ses cris de protestations et la soulevant dans les airs aussitôt, prête à accomplir sa sinistre besogne. Ses congénères avaient toutes étaient détruites, elle au moins devait remplir sa mission et se débarrasser d'un des Lyokô-guerriers…

Mais, alors que trois de ses filaments s'apprêtaient à se positionner sur les tempes de sa captives, coupant court à ses protestations, un cri de rage raisonna brusquement au loin, lui faisant lever sa tête gélatineuse.

Un instant plus tard, une planche de surf violette s'écrasait sur son globe cérébrale avec violence, l'envoyant valser plus loin et la forçant à lâcher prise.

Emportée par l'élan de l'Overboard, elle ne put que se laisser dériver jusqu'à un amoncellement de nuages noirs pixelisés qui se firent un plaisir de décharger ses éclairs droit sur son crâne, transperçant son minuscule symbole central de part en part, la faisant exploser sur le coup.

Eva, surprise par la tournure des événements, se laissa tomber au sol avant de se faire brusquement réceptionnée dans les airs par l'homme-félin aux commandes du véhicule, ayant pris soin de sauter au sol juste avant l'impact.

- Odd… lâcha-t-elle en reconnaissant son sauveur, transportée de soulagement et de bonheur.

Son petit-ami lui sourit avant de l'embrasser tendrement, des lèvres sans goût ni texture de son avatar virtuel, un coup de tonnerre en fond sonore.

L'instant d'après, quelques nuages noirs se dissipèrent, laissant apparaître au loin un gigantesque édifice cylindrique, pourvu de racine et enveloppé d'un halo bleu, tranchant dans la pénombre ambiante. Jérémie et Ulrich jaillirent presque aussitôt de sa base, accourant vers Eva et Odd, bien vite suivis par un Mathieu récalcitrant, traînant le pas.

- Vous allez bien ? s'enquit le lutin virtuel de sa voix fluette, inquiet, tandis que les deux adolescents brisaient leur étreinte de retrouvailles à contrecœur.

- Oui… souffla Eva avec soulagement, tentant tant bien que mal de se remettre de ses émotions, Odd m'a sauvée alors que cette espèce de jellyfish volante me tenait entre ses tentacules… Comment vous avez fait pour me retrouver ? Et qu'est-ce que tu fais là Jérémie !?

L'homme-chat virtuel eut un sourire. Il était vrai qu'Eva n'avait jamais eu affaire à la Méduse, contrairement à la plupart de ses amis. En revanche, elle avait eu l'occasion de croiser Jérémie virtualisé auparavant, lors de leur première lutte contre la Green Phoenix. De ce fait, elle était déjà habituée à son apparence incongrue au sein du monde virtuel.

- J'ai réussi à envoyer Jérémie sur Endo par le biais du Réseau, expliqua la voix d'Anthéa pour les autres, arrachant un cri mêlant surprise et soulagement à l'américaine, il me sert de relais entre vous. J'espère que tu vas bien ?

- Ça ne peut qu'aller maintenant, répondit la jeune fille, éperdue, en lançant un regard amoureux à Odd, dont elle refusait de lâcher la patte désormais, où est Aelita ? Il faut qu'on parte d'ici au plus vite ! C'est trop risqué !

- On ne l'a pas encore retrouvée, affirma Jérémie d'un ton inquiet au moment où Mathieu les rejoignait enfin, un air maussade sur le visage, d'après Anthéa sans signal fluctue mais elle est toujours quelque part dans ce monde virtuel… Reste à savoir où !

- J'ai ma petite idée pour ça, fit Ulrich, s'attirant le regard surpris de ses compagnons d'infortune, si cet univers a été construit sur le modèle du Lyokô d'origine, il doit contenir 5 territoires, j'ai raison Anthéa ?

- C'est exact, approuva l'informaticienne à travers son micro, et le signal d'Aelita venait bien d'un autre territoire que les quatre dans lesquels vous avez été respectivement envoyées… Cependant, selon mes écrans la Tour de Passage que vous avez empruntée à l'instant ne semble pas y être lié, c'est très curieux.

- Au contraire c'est normal ! s'exclama Jérémie, comprenant enfin ou Ulrich voulait en venir, Aelita doit se trouver dans le centre d'Endo ! Étant donné que ce territoire a un lien différent avec celui des autres, il n'est pas étonnant que son signal fluctue ! Ce serait comme sur Carthage, le cinquième territoire de Lyokô à l'époque !

Mathieu haussa un sourcil interrogateur, perdu. N'ayant pas connu le Lyokô d'autrefois, il avait du mal à suivre le cheminement de pensées de ses camarades. Odd s'en aperçut mais, pour une fois, se garda de tout commentaire, se contentant de détourner le regard. Il ne pouvait expliquer pourquoi mais il était toujours autant en colère après le jeune homme. Eva observa cet échange muet du coin de l'œil, intéressée. Quoi qu'il ait pu se passer entre son petit-ami et cet imbécile de Mathieu, elle ne pouvait qu'apprécier leur soudaine animosité mutuelle !

- Anthéa, si Aelita est bien dans le centre d'Endo, cela signifie qu'on aura besoin de se rendre à l'extrémité de ce territoire pour y accéder. Il faudra alors craquer un code pour en débloquer l'accès, si tout fonctionne bien comme sur Lyokô. Vous pensez en être capable ?

- Je peux essayer, répondit l'informaticienne d'un ton incertain, dépêchez-vous de vous rendre au bord de ce plateau dans ce cas. Mes écrans indiquent une activité du côté des nuages au dessus de vous et des Frôlions rôdent toujours dans les environs.

- On ferait mieux de se mettre en marche avant que la foudre ne s'abatte sur nous de nouveau, approuva Eva d'un signe de tête, entraînant Odd du bout des doigts à sa suite, vite !


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Au cœur du cinquième territoire d'Endo, dans la minuscule salle obscure renfermant la Tour au halo noir, une lueur ocrée se mit soudain à illuminer les murs, les nimbant de couleurs vagues, ondulant lentement, comme sous l'effet du reflet de l'eau. Nulle trace d'Angel n'était visible. Ne régnait que le silence sur cet étrange monde, empli d'une troublante quiétude.

Aelita gardait les yeux clôt, patiente. Elle avait confiance en ses amis et en sa mère. Elle savait que, d'ici peu, quelqu'un viendrait pour elle et que tous pourrait enfin quitter l'univers virtuel de la Green Phoenix, sains et saufs. D'ici là, elle ne pouvait qu'attendre son heure, et garder espoir, quoi qu'il puisse lui en coûter.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:11   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 35 :

Épisode 134 : Le noyau d'Endo_



Une ambiance glaciale régnait sur le groupe des Lyokô-guerriers. Eva et Odd avançaient silencieusement en tête de file, main dans la main, précédés par un Jérémie au regard maussade, jouant négligemment avec son poignard, ayant l'air de s'ennuyer ferme. Mathieu suivait quelques mètres plus loin, un air triste sur son visage, ses oreilles de lapins battant contre ses tempes au rythme de ses pas. Ulrich enfin, insondable, fermait la marche, l'œil aux aguets, à la recherche d'un quelconque monstre qui aurait pu survivre à la tempête d'éclairs de laquelle ils venaient de réchapper, prêt à en découdre s'il le fallait.

Le silence les environnant n'était rompu que par moment par un coup de tonnerre loin derrière eux, au niveau des autres aplombs rocheux entourant le plateau sur lequel ils se trouvaient, à moitié dissimulés dans la pénombre des nuages de pixels.

- C'est peut-être un peu dangereux de s'enfoncer plus avant dans ce « Endo », non ? finit par lâcher Eva d'un ton plaintif, se tournant vers le reste du groupe sans lâcher la patte de l'homme-chat lui servant de petit ami pour autant, et si c'était précisément ce qu'attendait la Green Phoenix et qu'on tombait dans un piège ? On ferait peut-être mieux de rentrer sur Lyokô tant qu'on le peut ! Le Navskid et la présence de Jérémie peuvent être détectés à tout moment !

- Tu proposes qu'on abandonne Aelita en clair… ? répliqua Mathieu d'un ton acerbe, oubliant toute retenue.

Odd se retourna, le fusillant de son regard gris profond. Il ne trouva cependant rien à répliquer. Lui-même avait été choqué par la proposition de son américaine de petite-amie mais sa dispute encore fraîche dans son esprit avec le Lyokô-guerrier en herbe jouait encore sur ses nerfs et il avait l'impression de ne plus contrôler ses réactions. La réponse d'Eva n'aida en rien à calmer sa confusion :

- Ce que je veux dire, fit-elle en baissant légèrement d'un ton, jetant en œil en direction du ciel couvert au passage, c'est qu'on ne sait même pas où elle se trouve avec précision. On n'a plus de signal d'elle depuis un moment maintenant ! Pour tout ce qu'on sait, elle pourrait très bien être déjà morte. Quoi qu'il en soit, pour moi il y a trop d'incertitudes dans cette équation pour risquer notre peau plus longtemps ! Assurer la survie de cinq personnes est plus important que de tenter d'en sauver une dont on ignore l'état actuel, au risque de perdre l'un des nôtres !

Il y eut un sifflement métallique et, brusquement, le coutelas de Jérémie vint se ficher aux pieds de la rockeuse virtuelle, lui arrachant un cri de frayeur. L'instant d'après, Odd fusait sur le lutin virtuel, l'empoignant au niveau du cou, fou de rage.

- Qu'est-ce qui te prend !? feula-t-il, hors de contrôle, tu veux la tuer ou quoi !?

- Tu l'as entendue !? Elle parlait comme si la vie d'Aelita ne valait rien ! protesta l'adolescent, plus remonté encore que le félin, le repoussant brutalement malgré sa petite taille, je n'arrive pas à croire que tu ais pu la laisser dire un truc pareil et qu'en plus tu la défendes !?

Odd recula d'un pas, comme transpercé par les paroles du génie. Il ne se laissa pas démonter longtemps cependant et répliqua presque aussitôt, piqué au vif :

- Tu peux parler, cracha-t-il, tu es le premier à l'avoir abandonné ta chère petite ange aux cheveux roses ! Si quelqu'un est à blâmer ici c'est bien toi ! SI tu ne t'étais pas barré à la base en laissant Aelita se démerder seule avec nous on n'en serait pas là en ce moment !

Hurlant de colère, Jérémie se jeta brusquement contre Odd, le projetant au sol, sous le regard consterné de Mathieu, impuissant et l'air hautain d'Eva. Alors que l'homme-chat s'apprêtait à lever la patte, prêt à enclencher une Flèche Laser pour riposter, aveuglé par la rage, une lame s'interposa brusquement entre lui et Jérémie, le coupant net dans son élan.

Déglutissant, il remonta le long du katana métallique jusqu'à croiser le regard impérieux d'Ulrich, implacable. Le lutin virtuel était lui aussi tenue en joue par sa seconde épée et semblait bouillir de colère, fusillant son ancien ami du regard.

- C'est pas bientôt fini vos gamineries ? siffla le samouraï entre ses dents, menaçant, faisant cliqueter ses armes, dois-je vous rappeler dans quel situation nous sommes ? On a assez à faire avec la Green Phoenix qui essaye de se débarrasser de nous sans que vous en rajoutiez en essayant de vous entre-tuer ! Si vous avez des différents à régler vous ferez ça une fois qu'on sera tous en sécurité sur Terre et pas avant ! C'est clair… ?

Jérémie acquiesça à contrecœur, se forçant à détourner le regard. Odd ne répondit rien, se contentant de baisser les yeux vert le sol brunâtre du territoire, fuyant le regard de Mathieu et de son compagnon de chambre, une bouffée de honte l'envahissant brusquement. A quoi jouait-il ? Depuis que la Méduse s'était emparée de lui un instant plus tôt il avait les nerfs à fleur de peau… Comment avait-il pu céder ainsi à ses pulsions et agir en parfait abruti ? Était-il donc toujours le même collégien fonceur et puéril qu'à l'origine de leurs aventures ? Non. Même celui-ci ne serait jamais allé jusqu'à insulter Jérémie ou à défendre une personne qui aurait dénigré Aelita –sa meilleure amie !- de la sorte. Qu'était-il donc devenu ? Il se sentait perdu en cet instant précis, sans aucune attache sur ce monde qui lui paraissait de plus en plus flou et incompréhensible. Allait-il pouvoir continuer longtemps à ce rythme… ?

- Quant à toi, poursuivis Ulrich, ignorant les états d'âme de son ami en pointant son katana vers Eva, qui soutint son regard, dédaigneuse, personne ne te force à nous suivre. Si tu veux rentrer, tu rentres, on ne te retient pas.

La jeune fille resta silencieuse quelques secondes, toisant le samouraï d'un regard glacial, avant de brusquement tourner les talons, faisant marche arrière en direction de la Tour de passage. Elle avait fait son choix.

- Tu me suis Odd ? fit-elle, impérieuse, sans se retourner pour autant.

L'homme-félin resta immobile, incapable de se décider, déchirer entre deux partis. Sans l'attendre, les trois autres Lyokô-guerriers se remirent en route vers l'extrémité du territoire, Jérémie ramassant avec hargne son poignard planté au sol, le gratifiant d'un regard noir au passage.

Odd serra ses dents virtuelles. S'il avait été sur Terre, des larmes brûlantes auraient très certainement déjà envahi ses yeux depuis longtemps. Suivre la seule fille qu'il ait jamais véritablement aimée, ou suivre la voie qu'il avait choisi il y avait de cela des années ? Le choix était trop douloureux pour son cœur mis à mal.

Finalement, le sentiment de malaise et de culpabilité qui l'étreignait depuis plusieurs minutes finit par avoir raison de lui et ses jambes se tournèrent naturellement vers Mathieu, Ulrich et Odd, se joignant à leur maussade cortège, sans un mot.

Eva resta seule sous un amoncellement de nuages noirs, son visage couvert d'une texture rappelant un maquillage outrancier crispé dans une expression indéchiffrable. Après plusieurs longues minutes à rester immobile au milieu de cette étendue vide et grise, dépourvue de vie, un vrombissement au loin finit par la ramener à la réalité. Des Frôlions étaient en approche, elle ne pouvait pas perdre plus de temps.

- Anthéa, pouvez-vous me renvoyer l'Overboard s'il-vous-plait ? questionna-t-elle d'une voix d'un calme inattendu, je retourne sur Lyokô.

Au même instant, Jérémie, Odd, Mathieu et Ulrich atteignaient l'extrémité du plateau, penchant dangereusement au dessus d'une mer agitée d'un gris très clair, presque blanc, prêts à se rendre sur le Cinquième Territoire d'Endo afin de sauver celle pour qui il valait la peine de tout risquer.


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- Quelle peste, celle-là ! cracha Stéphanie entre ses dents tandis que l'icône de la planche de surf violette se chargeait peu à peu à l'écran du Supercalculateur.

- Elle a peur, c'est tout, tenta de raisonner Yumi, bien que tout aussi outragée par les propos de l'américaine, contrairement à Ulrich ou à Odd elle n'a pas l'habitude de faire face à un tel danger…

Anthéa acquiesça d'un signe de tête, l'air grave.

- Cela me rassure qu'elle revienne au plus vite à dire vrai, affirma-t-elle, elle n'avait plus qu'une vingtaine de Points de Vie et elle est de loin celle à avoir le moins de raisons de se battre dans ce combat. Je ne veux pas impliquer plus d'innocents que nécessaire.

Les deux adolescents ne répondirent rien, pensives, leur visage plongé aux traits tirés par la fatigue et l'anxiété dissimulé dans la pénombre verdâtre de la salle. Quelques instants plus tard, la voix rajeunie par la virtualisation de Jérémie raisonna à travers le micro d'Anthéa, diffuse.

- Nous sommes à l'extrémité du territoire, fit-il, vous devriez avoir une fenêtre de dialogue qui vient de s'ouvrir à votre écran si cet univers fonctionne comme sur Lyokô.

- C'est exact, confirma Anthéa avec un soupir de soulagement, d'après les indications, un mot de passe est requis pour vous envoyer sur le Cinquième Territoire. Laissez-moi quelques secondes pour le craquer.

Yumi avait profité de l'échange pour se faufiler jusqu'au siège de l'informaticienne, sous le regard à demi vitreux de son amie.

- Essayez « Scipio », conseilla la japonaise en se penchant sur le clavier, ses longs cheveux fins tombant en interminables mèches noires sur les accoudoirs du fauteuil, c'était le code qui libérait l'accès au Cinquième Territoire de Lyokô à l'époque.

Anthéa s'exécuta, ses doigts tapant les six lettres avec habilité. Cependant, un message d'erreur s'afficha presque aussitôt, arrachant une grimace déçue à l'adolescente aux origines nippones.

- On aura essayé, se justifia-t-elle en haussant les épaules, se préparant à retourner s’asseoir prêt de l'ancien dispositif de retour dans le temps, désormais hors d'usage.

Brusquement, un bruit de validation retentit à ses oreilles, la coupant net dans son élan. Incrédule, elle se retourna à l'écran pour voir la fenêtre de code se fermer devant Anthéa, un sourire satisfait sur le visage.

- Code craqué ! affirma-t-elle alors qu'une nouvelle carte se déverrouillait sur l'interface, j'ai eu de la chance !

- Si vite !? s'exclama Stéphanie, impressionnée, waouh ! Vous avez vraiment un de ces niveaux en informatique… Ça dépasse de loin votre fille ou Jérémie !

Yumi approuva d'un sourire mais son regard se fendit d'un éclat de suspicion. Impressionnante performance effectivement… D'autant plus que la japonaise ne se rappelait avoir vu Anthéa ouvrir de fenêtre de déblocage de codes à aucun moment ! Pour un peu, elle aurait juré que la femme aux cheveux roses connaissait l'identifiant depuis le début et avait simplement attendu le bon moment pour le taper. Il y avait de quoi nourrir des doutes, cela était certain.

- Quel était le code ? s'enquit la japonaise, fixant l'informaticienne sans ciller tout en s'efforçant de conserver un ton innocent.

- « Hannibal », répondit Anthéa presque aussitôt, j'ai voulu commencer par tester les mots se rapportant aux guerres Carthaginoises, pour rester dans le thème de « Scipio ». Il faut croire que j'ai eu raison !

Yumi n'insista pas plus avant mais n'oublia pas de ranger soigneusement ses soupçons dans un coin de sa tête. Plus d'une fois son instinct l'avait tiré d'un mauvais pas : mieux valait rester prudente. Sans un bruit, elle retourna s’asseoir à côté de Stéphanie qui, aveugle au manège de son amie, fixait l'écran principal de l'ordinateur avec avidité, guettant la suite des événements.


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Mathieu vit brusquement une forme sphérique blanche apparaître au loin dans le ciel sombre et chargé d'éclair du territoire. Alors qu'il plissait les yeux afin de mieux la distinguer, celle-ci se rapprocha brusquement, grossissant dans son champ de vision jusqu'à ce qu'il parvienne à distinguer le symbole d'Angel d'un noir de jais dessiné à sa surface.

- Le transporteur arrive, commenta Ulrich en se campant sur ses pieds, préparez-vous !

- Hein ? lâcha Mathieu, incrédule.

Il eut à peine le temps de se retourner que, déjà, la sphère mystérieuse de taille humaine –il pouvait le voir désormais- était sur eux. Brusquement, dans un flash de lumière, l'étrange appareil se scinda en deux et engloba le groupe entièrement, les noyant dans un océan de blancheur immaculé.

Mathieu n'eut même pas l'occasion de crier que déjà la sphère se refermait avant de repartir à toute allure à travers le territoire, les emmenant dans une direction inconnue.

Perçant les nuages et les différentes couches stratosphériques, elle atteint finalement le ciel qu'elle traversa brusquement sans ralentir, plongeant dans un véritable océan de données informatiques, droit en direction du 5ème territoire d'Endo.

Bringuebalé dans tous les sens, incapable de déterminer dans quel état était son corps et celui des autres, Mathieu ferma les yeux, terrifié.

Lorsqu'il les rouvrit enfin, se fut pour se retrouver dans une gigantesque salle en forme de dôme, d'un blanc nacré. Les murs, visiblement constituées de centaines de petits cubes irisés, étaient maintenus en place par un enchevêtrement complexe d'une structure vaguement organique, rappelant du corail.

Éberlué par le décor environnant, Mathieu eut tout juste le temps de lever la tête vers le plafond pour voir disparaître le Transporteur à travers la voûte, ne laissant aucune autre trace derrière lui qu'un vague halo de lumière.

Odd, Jérémie et Ulrich se tenaient à ses côtés, tout aussi intéressé par l'architecture de la salle virtuelle, debout au centre d'une gigantesque plaque circulaire ornementé d'un symbole d'Angel d'un noir profond, servant de sol.

- Woh… gémit soudain l'homme-félin en titubant légèrement, rattrapé de justesse par son camarade de chambre, inquiet.

- Tu vas bien Odd ? questionna-t-il en l'aidant à se redresser alors que l'adolescent portait une main à son ventre, visiblement troublé.

- Ouais… grogna-t-il de son étrange voix fluette, envie de vomir quoi, comme à l'époque sur Lyokô ! C'est bizarre maintenant que j'y pense…

- Cette salle a du être construite sur le modèle de l'Aréna du Cinquième Territoire du Lyokô d'origine, commenta Jérémie qui s'était entre-temps approcher de la structure en forme de corail la plus proche, l'effleurant du bout des doigts, étant donné que XANA y résidait à la base, la Green Phoenix a du extraire les données relatives à ce territoire pour construire le cœur de leur Endo.

- On dirait un peu le Lyokô que je connais, confirma Mathieu en se penchant sur un des cubes constituant les murs de la salle, légèrement décalé par rapport aux autres, mais en plus lumineux et en plus… Malsain ! Je ne serais pas trop comment l'expliquer…

Ulrich approuva, portant instinctivement une main à son katana le plus proche. Il y avait quelque chose dans cette salle qui le mettait mal à l'aise, sans qu'il puisse expliquer quoi exactement.

Jérémie, s'arrachant à la contemplation de l'ensemble, se tourna vers la voûte.

- Anthéa ? appela-t-il à voix haute, vous êtes toujours en contact avec nous ?

- Oui... répondit l'interpellée à travers le micro, sa voix plus ténue que jamais, j'ai des soucis à garder la liaison depuis le Navskid mais ça va. J'ai aussi pu capter le signal d'Aelita de façon temporaire à votre arrivée mais il a déjà disparu. Apparemment elle se trouve au centre de ce territoire.

Odd échangea un bref regard avec Jérémie, toute animosité temporairement sortie de son esprit. Savoir que le signal de leur amie commune avait été repéré constituait un véritable soulagement pour eux. Au moins, ils avaient enfin une certitude, quelque chose à quoi s'accroche : Aelita était toujours en vie !

- Comment on y accède à ce centre ? questionna Ulrich, fronçant ses épais sourcils virtuels.

La voix d'Anthéa mis encore plus de temps pour répondre, cette fois comme brouillée par des interférences.

- Prenez le couloir en face de vous, fit-elle, il devrait y avoir un téléporteur qui vous mènera vers une salle labyrinthe. Je vais tâcher de vous guider d'ici là.

Les Lyokô-guerriers avisèrent le passage indiqué par leur meneuse : une simple brèche, tout en longueur, à la surface du mur opposé. Ne perdant pas de temps à hésiter, les quatre jeunes gens s'engagèrent aussitôt dans l'ouverture, plongée dans la pénombre. Ils n'eurent que quelques mètres à parcourir dans un couloir étroit aux parois irisés luisant à chacun de leur pas avant de déboucher dans une minuscule salle annexe, très basse de plafond. En son centre, se dressait une plateforme circulaire pulsant légèrement d'une lueur claire, similaire à celle qu'ils avaient empruntés pour traverser la Faille de Lyokô il y avait, il leur semblait, une éternité.

- On y va, fit Ulrich comme pour donner du courage aux autres, avant de se hisser au centre de la plaque.

Une colonne de lumière jaillit presque aussitôt des cercles illuminés, couvrant entièrement le corps du samouraï. Son avatar grésilla un instant avant de disparaître, ne laissant plus que le vide, plongeant les autres dans la perplexité. Ce téléporteur leur semblait n'être rien de plus qu'un piège monstrueux après tout ce qu'ils avaient vécus dans ce monde virtuel tordu.

- Il est sain et sauf, suivez-le, les encouragea Anthéa, saisissant leur appréhension à travers ses écrans, le temps presse !

Après un ultime regard envers les autres, Jérémie fut le second à franchir le pas, disparaissant à son tour en millier de particules de lumière, suivi bien vite par Mathieu. Odd hésita une fraction de seconde de plus avant de se lancer à son tour, crispant les paupières lorsque le halo de téléportation l'enveloppa. Il était trop tard pour faire marche arrière de toute manière…


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Dans l'antichambre glaciale servant de refuge aux Supercalculateur de la Green Phoenix, une jeune femme se détacha du lot de scientifique, une tablette tactile sous le bras. D'un pas hésitant, elle se dirigea jusqu'au directeur de l'équipe, assis en tailleur devant l'écran principal, suivant du regard les moindres mouvements sur le territoire d'Endo.

- Monsieur ? fit-elle d'une petite voix fluette, timide, nous avons un souci.

L'homme ne se retourna pas, se contentant de l'enjoindre à continuer d'un geste de la main, impatient.

Rouge de confusion, l'informaticienne baissa les yeux sur son rapport et commença à déchiffrer les données, retenant un bégaiement intimidé de justesse.

- Eh bien, le schéma de nos prisonniers se fait de plus en plus organisé, expliqua-t-elle, faisant défiler les pages d'historique devant ses yeux afin de les afficher à l'écran de son superviseur, lui permettant de vérifier ses dires de lui-même, non seulement ils ont tous réussi à se réunir mais, par un phénomène sur lequel nos informaticiens se penchent encore à l'heure actuel, ils ont réussi à se rendre sur le Cinquième Territoire malgré le mot de passe de sécurité et se dirigent vers l'opposante n°002 à l'heure actuelle.

L'homme se figea un instant sur son siège avant de se détendre de nouveau, un sourire serein sur le visage.

- Visiblement nous les avions sous-estimés, ils semblent avoir plus de ressources que prévus, affirma-t-il d'un mielleux, lissant sa blouse blanche ornementé du symbole du phénix vert avec application.

- Il n'y a pas que ça, monsieur, s'excusa la jeune femme, de plus en plus mal à l'aise, observez.

D'un glissement de doigt sur sa tablette, elle fit apparaître à l'écran principal géant une nouvelle fenêtre, indiquant un historique retraçant le trajet des Lyokô-guerriers. L'informaticien en chef se pencha légèrement sur son fauteuil, plissant des yeux sur les colonnes de données.

- Voyez, l'opposante n°008, Eva Skinner de son identité, s'est séparée du groupe il y a quelques minutes. Hors, à l'instant, nos radars ont perdus sa présence. Comme si elle avait disparu ou qu'elle avait…

- …Réussi à s'échapper, coupa l'homme à sa place, cette fois-ci réellement inquiet, je vois cela oui… Voilà qui est des plus fâcheux !

- Devons-nous prévenir Mademoiselle Scarlet ? osa questionner l'informaticienne au bout de plusieurs minutes de silence pesant, se dandinant sur place.

L'homme en blouse blanche secoua la tête négativement, retenant un frisson de terreur.

- Non, affirma-t-il, commencez par lancer des recherches complémentaires sur la disparition de cette Eva... Elle n'a pas pu s'échapper seule ! Elle doit forcément avoir eu recours à une ruse quelconque pour échapper à nos radars et nous plonger dans l'incertitude. Quant au reste du groupe, envoyez des Rampants dans le labyrinthe et laissez-les faire. Si par miracle l'un d'entre eux parvient à se sortir de cette embuscade, il devra de toute manière faire face à notre dernier atout.

Un sourire mesquin naquit sur le visage ridé de l'informaticien en chef. La jeune femme mit quelque temps avant de suivre son cheminement de pensée avant de s'illuminer brusquement, radieux.

- Oh ! Vous voulez parler du sujet Angel ? s'exclama-t-elle, un rictus mauvais au coin des lèvres, fort bien. Je lance l'assaut immédiatement. Merci pour vos directives monsieur.

Et, après une ultime courbette cérémonieuse, la jeune femme disparue en direction de l'équipe des programmateurs, laissant son supérieur en proie à ses interrogations. Prévenir Scarlet était hors de propos : si cette dernière se rendait compte à quel point ils s'étaient laissés dépasser par une bande d'adolescents, il ne donnait pas cher de leur peau ! Mieux valait la laisser dans l'ignorance le temps de régler le problème…


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Odd s'extirpa de la lumière avec soulagement, prenant au passage le temps de faire le décompte de ses membres. Deux pattes, deux jambes, une tête pourvue de petits oreilles de chat et une queue… Tout y était ! La téléportation avec visiblement fonctionné sans soucis.

Poussant un soupir de soulagement, le jeune homme courut rejoindre ses camarades, déjà regroupés à l'entrée de ce qui semblait être un gigantesque labyrinthe de cubes d'un blanc nacré, posé au centre d'une salle haute de plafond. Partout, des couloirs s'étendaient à perte de vue, érigés dans toutes les directions possibles. Garder le regard fixé sur un point était difficile, en raison de l'enchevêtrement complexe constituant l'architecture du lieu et des reflets irisés mouvant constamment à la surface des parois. Le tout déjà une impression psychédélique des plus désagréables.

- Par où passer maintenant ? demande Jérémie à l'adresse d'Anthéa, incertain.

- Commencez par avancer, leur conseilla-t-elle, je vous indiquerais le chemin au fur et à mesure. Soyez prudents !

Le lutin virtuel acquiesça avant de finalement s'engager dans le labyrinthe aux murs si hauts qu'on ne parvenait pas à en discerner le sommet, dégainant son couteau de sa ceinture par mesure de précaution.

Pendant un moment, les Lyokô-guerriers se contentèrent d'avancer en silence, suivant à la lettre les indications d'Anthéa, les vagues couleurs dansant à la surface des murs leur conférant un sentiment de claustrophobie de plus en plus angoissant, à mesure qu'ils s'enfonçaient dans les profondeurs du Labyrinthe.

Odd restait légèrement en arrière, bien conscient que son attitude récente en avait déçu plus d'un. Non seulement il avait vexé Mathieu en insultant ouvertement ses convictions mais il s'était en plus rendu coupable de négligence envers Aelita. Comment avait-il put en arriver là ? Cela avait-il à voir avec ces drôles de pensées qu'il avait eut, prisonnier des tentacules de la Méduse ?

Plus il y réfléchissait et plus ses rapports avec Mathieu lui semblaient étranges. Pourquoi désirait-il tant aider et protéger un garçon qu'il connaissait à peine, au même titre qu'Aelita ? Pourquoi cela lui faisait-il si mal lorsque son ami se focalisait exclusivement sur cet Angel, oubliant tout le reste ? A mesure que le temps passait, une réponse se développait peu à peu dans son esprit. Une réponse impossible à accepter pour lui.

Brusquement, un bruit de rampement lui fit lever la tête.

- Couchez-vous ! eut-il à peine le temps de crier envers ses congénères, activant son Bouclier d'énergie violette juste à temps.

Un instant plus tard, une pluie de lasers s'abattit sur eux, manquant de les dévirtualiser. Ulrich réagit au quart de tour, dégainant ses lames à la vitesse de l'éclair, juste à temps pour parer les coups dirigés vers lui, Mathieu et Jérémie, les déviant à la dernière seconde.

- Des Rampants… siffla-t-il entre ses dents, en identifiant un monstre semblable à un grand verre difforme, la gueule béante, glissant sur une fine queue métallique et tenant en équilibre instable en haut des murs sur deux pattes si fines qu'elles semblaient sur le point de se briser.

La créature répugnante émit un son guttural avant de disparaître derrière la paroi, échappant à la vue du samouraï.

- Il y en a d'autres, affirma Odd en désignant d'une griffe deux bouts de queue s'évanouissant promptement au sommet du mur le plus proche, on ferait mieux de filer au plus vite !

Sans discourir plus avant, les quatre jeunes gens se mirent aussitôt à courir, franchissant le labyrinthe à l'aveuglette, privés des indications d'Anthéa, trop diffuses pour leur parvenir convenablement.

- La liaison est vraiment mauvaise, ragea Jérémie alors qu'un nouveau Rampant émergeait au sommet du mur qu'il longeait, dardant sa tête flasque dans sa direction, sa gueule béante s'illuminant de particules rouges, Anthéa aurait du nous prévenir de l'arrivée des monstres ! On dirait que plus on s'enfonce dans le cœur et plus le signal est faible !

- Exact, approuva Ulrich en parant le tir du Rampant de nouveau pour Jérémie, il va falloir qu'on se débrouille sans elle. Je monte là-haut, Odd, protège-les !

Et, sans rien ajouter, le samouraï enclencha brusquement un surpuissant Supersprint, se propulsant contre le mur le plus proche qu'il gravit à l'horizontal d'une traite. Le monstre qui l'attendait en haut ne fit pas long feu et disparut d'un revers de lame, implosant en un millier de particules.

Campé en équilibre précaire au sommet du mur, Ulrich jeta un coup d'œil circulaire à la salle. La sortie se dessinait à quelques mètres de là, mince rectangle de lumière découpé à travers la paroi de la salle. Cependant, une autre vision retint brusquement son attention, lui arrachant un juron agacé.

Partout, glissant dans un raclement métalliques en haut des murs du labyrinthe, arrivaient de toutes les directions des dizaines de Rampants, lasers chargés, prêt à faire feu.

- On est cernés ! hurla le samouraï virtuel en direction d'Odd, en contrebas, qui s'acharnait à maintenant son Bouclier en place afin de parer les tirs qui commençaient à pleuvoir sur le groupe, il faut qu'on trouve une solution pour se sortir de ce pétrin et vite !

Déconcentré par son avertissement, il n'eut pas le temps d'aviser un Rampant qui venait de surgir face à lui et ne put que recevoir son laser de plein fouet dans l'épaule, l'envoyant chuter au sol.

- Ulrich ! s'écria Odd, paniqué, alors que le jeune homme s'écrasait de l'autre côté du mur, disparaissant à sa vue, pitié, faites qu'il n'ait pas été dévirtualisé…

- Il va bien ! répondit la voix d'Anthéa, tranchant brusquement dans le ciel du territoire, mais il a perdu pas mal de Points de Vie… Dépêchez-vous de continuer ! On ne sait pas combien de temps je pourrais conserver la liaison avant la prochaine coupure !

- Pas le temps, répliqua Jérémie, son regard allant du sommet d'une paroi à un autre, désormais recouverts de Rampants de toutes parts, il faut trouvez une autre solution…

Une pluie de lasers l'interrompit brusquement mais, cette fois-ci, Mathieu se tenait prêt et leva ses sphères presque vides en l'air, absorbant la quasi-totalité des rayons avec une grimace de concentration, dégageant un puissant halo rouge.

- Si on pouvait se débarrasser de ce labyrinthe ce serait déjà bien ! s'écria-t-il alors que ses armes se refermaient sur les lasers dans un claquement métallique.

- Bonne idée ! s'exclama brusquement Jérémie, à sa grande surprise, Anthéa ? Est-ce que vous avez un mécanisme quelque part sur vos écrans ? Une sorte de clef ?

La réponse se fit attendre. Pendant ce temps, Mathieu, profitant de la protection de fortune offerte par le Bouclier d'Odd, tenta de décharger ses armes sur les ennemis, en vain. Ils étaient perchés trop hauts pour lui permettre de viser avec suffisamment de soin.

Finalement la voix d'Anthéa s'éleva de nouveau de nulle part, à peine audible de nouveau.

- Il y a bien quelque chose, fit-elle, redonnant brusquement espoirs aux Lyokô-guerriers vétérans, à quelques blocs de vous… Ulrich est le plus proche ! Je vais le guider, il faut…

Mais, à cet instant, un bruit d'interférence transperçant les tympans des adolescents et, l'instant d'après, la voix de l'informaticienne s'évanouit, les laissant seuls et désemparés.

- NON ! hurla Odd en désactivant son Bouclier momentanément, bombardant de fléchettes les monstres les narguant de leur poste de tir, pas maintenant !

- Ulrich, tu as entendu !? s'époumona Jérémie en tapant contre le mur du poing, il doit y avoir une clef pas loin de ton côté ! Il faut que tu la désactives ! Tu m'entends !? Avec un peu de chance ça va fonctionner comme sur l'ancien Lyokô et désactiver le labyrinthe…

Le samouraï, de l'autre côté de la paroi, esquissa un rictus nerveux. Le lutin virtuel lui demandait la lune ! Comment parvenir à dénicher un objet pareil sans plus d'indication en étant littéralement cerné par une meute de Rampants et avec pas plus de Trente ou Quarante Points de Vie au compteur, selon ses calculs ?

- Je ne garantis rien… grimaça-t-il à l'attention de son camarade, avant d'enclencher de nouveau son Supersprint, filant à travers le corridor, la traînée de lumière sur son passage laissant des reflets d'or à la surface des murs irisés.

Comprenant son intention, les monstres se détournèrent brusquement du groupe d'Odd, le canardant littéralement de lasers. Le samouraï, déconcentré par la vitesse de son pouvoir, ne parvint à parer que quelques coups à l'aide de son épée et de son bracelet protecteur avant de se prendre un nouveau tir dans l'épaule, l'envoyant valser à un embranchement dans une pluie d'étincelles

Jurant, il parvint tout juste à rouler sur le côté avant qu'une nouvelle salve ne s'abatte sur lui, le manquant de peu, se réfugiant dans une minuscule alcôve du labyrinthe.

- C'est pas vrai… marmonna-t-il entre ses dents en se tenant l'épaule, encore meurtrie d'électricité.

Un bruit de micro retentit brusquement à ses oreilles, lui arrachant une grimace de douleur.

- …A ta droite, regarde à te droite… fit la voix de Yumi distinctement dans les airs avant de s'évanouir brusquement, alors que la liaison s'interrompait de nouveau.

« A droite ? ».

Tournant la tête, Ulrich crut s'étrangler sous l'effet de la surprise. Là, à seulement quelques mètres au dessus de sa tête, sortant du mur, se tenait une sorte de gros interrupteur dont la forme n'était pas sans rappeler le symbole d'Angel. La clef ! Il était juste à côté depuis tout ce temps !

A cet instant, un Rampant se laissa brusquement glisser de son poste, tombant lourdement devant le jeune homme, sa gueule ouverte en grand, menaçante, prête à faire feu.

- Oh non pas maintenant…

Dans un réflexe prodigieux, Ulrich parvint à lever sa lame juste à temps alors que le laser fusait dans sa direction, déviant sa trajectoire avec précision. Le rayon incandescent fusa dans les airs avant de venir frapper l'interrupteur de plein fouet, l'illuminant brusquement de lumière.

- Yes ! s'écria Ulrich, un sourire satisfait sur le visage.

Une fraction de seconde plus tard, alors que la clef achevait de s'enfoncer dans le mur, l'ensemble des parois du labyrinthe se mirent à trembler, ébranlant toute la surface de la pièce avec la violence d'un mini-séisme.

Déséquilibré, le samouraï virtuel se laissa tomber à terre tandis que le Rampant fuyait à toute allure, sa queue serpentant maladroitement sur le sol mouvant du territoire. Peu à peu, les murs se mirent à se rétracter dans le sol, comme sous l'action d'un formidable mécanisme, entraînant la plupart des monstres, déstabilisés, dans une chute mortelle. Bien vite, Ulrich se retrouva cerné par les explosions de Rampants, ne pouvait que se protéger le visage comme il le pouvait en croisant ses sabres devant lui, ses yeux chocolat plissés sous la violence des tremblements.

Enfin, après un temps qui lui paru interminables, le sol cessa de bouger et il put rouvrir les yeux pour découvrir face à lui un paysage désertique, constitué d'une vaste étendue d'un blanc irisé sous un plafond en forme de voûte, d'une hauteur impressionnante. Odd, Mathieu et Jérémie se tenaient un peu plus loin, tout aussi estomaqués que lui mais bien vivants. Il n'y avait plus aucune trace du labyrinthe désormais et la voix était claire jusqu'à la sortie de la salle.

- Vite, profitons-en ! s'exclama Ulrich en désignant l'ouverture d'un de ses katanas, avant que le mécanisme ne se réenclenche dans l'autre sens !

En effet, le sol recommençait déjà à trembler et les cubes le constituant s'élevaient déjà de nouveau, menaçant de piéger les Lyokô-guerriers à nouveau.

Sans hésiter, les quatre adolescents virtuels se ruèrent en avant, courant à perdre haleine, oubliant toute prudence. Déjà des crevasses se formaient sous leurs pieds, manquant de les désarçonner.

- Attention Mathieu ! s'écria Odd en entraînant le jeune homme vers lui, juste avant qu'une paroi ne se dresse entre eux, les séparant de peu.

- Merci… murmura-t-il, pantelant, avant de se remettre à courir.

Ulrich avait déjà atteint la sortie et encourageait ses amis, plus crispé que jamais.

- Allez, vite… Vite !

Un instant plus tard, Jérémie se jeta à travers l'ouverture à son tour, suivi par un Mathieu hors d'haleine. La queue d'Odd eut tout juste le temps de franchir le passage avant qu'un énième cube ne se dresse subitement derrière lui, scellant l'entrée vers le labyrinthe.

- C'était juste… souffla l'homme-félin, tremblant sur ses pattes, en dévisageant la porte, désormais close, derrière lui.

Se retournant, il se stoppa net, éberlué. Face à lui, s'étendant un vide gigantesque, dont il était à peine possible de voir le fond. Lui et les autres Lyokô-guerriers se tenaient sur une minuscule plateforme longeant les murs porteurs de la salle aux proportions titanesques, circulaire.

- On dirait qu'il y a quelque chose par là-bas, fit remarquer Mathieu en désigna une sorte de sphère blanche au centre de la salle, flottant dans le vide. A cette distance il était difficile de juger mais ce globe semblait fendu en son centre d'une ouverture, assez large pour permettre à un adolescent moyen de s'y faufiler.

- Sûrement la salle du cœur d'Endo, confirma Jérémie en hochant la tête, il doit y avoir un passage pour y accéder, sûrement une autre clef comme celle qu'Ulrich vient d'activer.

- Bien vu, surenchérit brusquement la voix d'Anthéa, résonnant à travers la pièce circulaire, mes écrans détectent un autre interrupteur au niveau de la sphère centrale… L'atteindre risque d'être difficile !

- Anthéa ! s'exclama Jérémie, une nuance de soulagement dans la voix, levant sa tête coiffée de son ridicule chapeau vers le plafond, vous avez réussi à rétablir la liaison ?

- Pas pour longtemps j'en ai peur, répondit, dépitée, la voix de la mère d'Aelita, déjà un peu plus diffuse, si vous voulez atteindre le noyau il va vous falloir atteindre la clef d'ici quoi qu'il en soit. On dirait qu'un programme bloque la virtualisation des véhicules dans ce territoire…

Odd s'avança, plissant des yeux en direction de la mince fente au loin. Effectivement, maintenant qu'Anthéa le mentionnait, il y avait bien un symbole d'Angel de visible. Probablement la clef en question.

- Je m'en charge, fit-il en levant la patte, la faisant cliqueter, prêt à faire feu.

Il lui fallut deux Flèches Lasers avant de faire mouche, enfonçant l'interrupteur d'un coup bien placé.

Aussitôt, un grincement sourd empli la salle, faisant trembler la mince plateforme sur laquelle ils se trouvaient. L'instant d'après, une mince passerelle de métal noir lustré se détachait de la paroi sous-jacente, venant de positionner en coulissant avec fracas entre eux et la sphère centrale, fabricant un passage de fortune.

Odd n'attendit pas plus longtemps pour s'y engager, suivi de prêt par ses camarades Lyokô-guerriers. La surface du pont était glissante et il fallait avancer avec précaution afin de ne pas risquer une chute fatale dans le vide béant en dessous d'eux. Un grincement sourd s'élevait de la structure à chacun de leur pas, peu rassurant.

Finalement, au moment précis où Ulrich, fermant la marche, posait le pied sur le sol de la sphère centrale, la passerelle coulissa brusquement en sens inverse, s'enfonçant de nouveau dans la paroi opposée où elle disparue aussitôt, coupant toute retraite à nos héros.

- Plus qu'à avancer maintenant, lâcha Ulrich d'un ton dépité en jetant un coup d'œil en direction du vide insondable en contrebas.

En silence, les quatre adolescents s'exécutèrent, s'enfonçant dans les ténèbres du mince corridor. Finalement, après quelques secondes de marche seulement, une lueur orangée vint subitement rebondir sur les irisations à la surface des parois, éblouissant le groupe.

- Qu'est-ce que c'est que ça… ? s'étonna Jérémie en plissant les paupières, franchissant les quelques pas le séparant de la source de lumière.

L'instant d'après, il débouchait dans une minuscule pièce circulaire, à moitié effondrée sur elle-même.

Une immense Tour se dressait en son centre, flottant à quelques mètres du sol, ses racines s'entremêlant en larges grappes jusqu'au sol dans lequel elles s'enfonçaient profondément. En son centre, emprisonnée, s'illuminait une étrange silhouette humanoïde, endormie au milieu d'étranges anneaux d'énergie.

- C'est pas vrai… Est-ce que ce serait… ? balbutia Odd, éberlué, les yeux fixés sur le jeune homme recroquevillé en position fœtale, flottant dans les airs.

- …Angel ? compléta Mathieu, d'une voix blanche, non. Je ne crois pas… Je… Je ne saurais pas dire pourquoi mais je sens que ce n'est pas lui. Il y a quelque chose qui me met mal à l'aise avec cette chose…

- Moi ce qui me préoccupe plus c'est cette Tour, grommela Ulrich, en désignant l'édifice cylindrique du doigt, vous avez vu son halo noir ? Je n'avais jamais vu un truc pareil, même sur Lyokô… Qu'est-ce que tu en penses Jérémie ?

Mais le garçon ne répondit pas, les yeux fixés sur un point derrière les trois adolescents, blême. Surpris par son attitude, les Lyokô-guerriers se retournèrent lentement, avant de se laisser éblouir par la source de la lueur orange les ayant attiré jusqu'à la pièce un instant plus tôt.

Là, à quelques mètres d'eux, flottait une sphère de taille humaine, gigantesque boule de plasma en fusion, crépitant sur toute sa surface ocre légèrement translucide, parcourue d'éclairs dansant. A l'intérieur, lévitant dans une étrange position, les yeux clôt, se dessinait la silhouette d'une petite elfe aux cheveux roses…

- AELITA ! s'écria Jérémie, sortant de sa torpeur, se ruant brusquement en avant vers la prison sphérique.

L'ange virtuelle n'eut pas la moindre réaction, comme profondément endormie. Perdant tout contrôle de ses nerfs, le lutin numérique dégaina son couteau et taillada la surface du globe luminescent, sans parvenir à laisser ne serait-ce qu'une égratignure à sa surface impalpable.

- Arrête Jérémie ! l'interrompit Ulrich en lui retenant le poignet alors qu'il s'apprêtait à frapper de nouveau, fou de rage, ça ne sert à rien ! C'est un Gardien ! Aucune attaque physique ne lui causera le moindre dommage et tu le sais.

Le jeune homme mit quelques secondes à retrouver ses esprits avant de se calmer brusquement, baissant le bras, son poignard pendant tristement au bout de ses doigts, inutile.

- Je n'arrive pas à croire que la Green Phoenix ait pu lui faire un truc pareil, fulmina Odd, apportant son soutient à son ancien ami en partageant sa colère, l'emprisonner dans ce monstre comme ça… Ça explique pourquoi son signal fluctuait pendant tout ce temps, le Gardien devait interférer avec pendant tout ce temps…

Jérémie pencha la tête, un air songeur sur le visage. L'homme-félin venait de mettre la patte sur un détail crucial auquel il n'avait lui-même pas pris la peine de songer, se laissant guider par ses sentiments. Il fallait qu'il se ressaisisse et qu'il agisse avec la même froideur calculatrice que d'habitude !

- Il y a quelque chose qui me préoccupe, fit-il s'approchant de la sphère de plasma d'un air circonspect, pourquoi la Green Phoenix a-t-elle emprisonné Aelita ?

Odd haussa un sourcil, incrédule.

- Eh bien pour l'empêcher de nuire je suppose, comme pour nous, non ? questionna-t-il, ne voyant pas où son camarade Lyokô-guerrier voulait en venir.

Jérémie leva les yeux au ciel. Désespéré par le manque de réactivité de ses compagnons d'infortune.

- Je veux dire, reprit-il en articulant clairement, agacé, pourquoi est-ce que la Green Phoenix n'a pas tenté de la tuer, contrairement à vous ? Depuis que vous êtes arrivés ici des centaines de monstres tentent de vous faire la peau, sans compter les Méduses qui rôdent et qui sont prêtes à pomper tous vos chaînons humains afin de permettre à la Green Phoenix de vous effacer définitivement ! Depuis le début il est clair qu'ils veulent notre perte… Alors pourquoi se contenter d'emprisonner Aelita ? Qu'est-ce qu'elle a de différent ?

Un silence consterné lui répondit. Il n'avait pas tord ! Pourquoi prendre une telle peine pour celle qui représentait sans doute une des plus grandes menaces pour la Green Phoenix ? Il y avait quelque chose de suspect derrière tout cela, c'était indéniable…

- Peu importe pour le moment ! lâcha finalement Mathieu, interrompant les pensées des autres Lyokô-guerriers, la priorité c'est de la sortir de là ! Vu que vous avez déjà eu affaire à cette espèce de prison d'énergie apparemment, vous devez savoir comment vous en débarrasser, non ?

Ulrich hocha la tête en signe d'approbation, un air concentré sur le visage.

- Ça remonte à loin, répondit-il, faisant carburer sa mémoire à toute allure, XANA n'a pas beaucoup utilisé ces monstres. Ils sont devenus inutiles avec la création de la Méduse et je crois pas qu'on ait eu affaire à plus de deux de ces machins ! Dans tous les cas, si mes souvenirs sont exacts, il faut créer une copie de la personne emprisonné pour faire buguer le Gardien et le faire exploser, c'est ça ?

Il s'était adressé à Odd qui opina aussitôt du chef. Lui et Ulrich avaient été le deux seuls à faire face à des Gardiens par deux fois, lors de la seconde année ayant suivie l'allumage du Supercalculateur par Jérémie. Yumi avait été victime de la première et Aelita avait fait usage de son don de création afin de créer un leurre et la libérer. La seconde fois, c'était l'elfe aux cheveux roses en personne qui s'était laissée prendre au piège, comme cette fois-ci…

- Anthéa, vous me recevez ? lança Jérémie en l'air, optimiste.

Quelques instants plus tard, un grésillement de micro résonna à leurs oreilles et la voix de l'informaticienne s'éleva, pleine d'espoir.

- Oui Jérémie, je suis là ! Que se passe-t-il ? Vous avez retrouvez Aelita ?

- Elle est en face de nous, la rassura le lutin virtuel, lui arrachant un cri de soulagement, cependant une entité de XANA copiée par la Green Phoenix la maintient prisonnière. Nous allons avoir besoin d'un leurre pour nous en débarrasser ! Vous pouvez faire ça depuis l'ordinateur ? C'est comme ça que j'ai fait la dernière fois qu'on a eu affaire à ce type de bestiole…

Un silence plein d'appréhension lui répondit, lui arrachant un haussement de sourcils surpris.

- Anthéa ? insista-t-il, inquiet.

- Jérémie il y a un problème, lâcha finalement l'intéressée d'un ton grave, je peux lancer cette opération sans problème… L'ennui c'est qu'une infiltration de ce genre dans Endo ne passera pas inaperçue. Virtualiser vos armes et vos véhicules passe encore, mais un programme aussi complexe qu'un avatar factice…

- …Permettra à la Green Phoenix de tracer le signal du Navskid et de repérer ma présence, compléta Jérémie, d'un air sombre, je sais.

- Attendez un peu ! les interrompit Odd, sous le choc, son regard allant du petit génie au ciel, dans la direction d'une Anthéa hypothétique, cela voudrait dire qu'une fois Aelita libérée la Green Phoenix pourrait repérer le Navskid de Jérémie et le détruire à loisir ! Et alors plus de liaison possible avec l'usine et plus moyen de retourner sur Lyokô… Ce serait Game Over pour nous !

Jérémie se retourna vers l'homme-félin pris de panique, plus sérieux que jamais, le regard intransigeant.

- C'est exact, confirma-t-il, arrachant un cri plaintif au Lyokô-guerrier tout de violet vêtu, mais on n'a pas d'autre solution pour libérer Aelita. Cela veut dire qu'à l'instant précis où le Gardien explosera, il faudra se ruer vers la sortie de ce territoire et regagner la Faille le plus vite possible, avant que la Green Phoenix n'ait eu le temps de détruire le Navskid. En clair, les battre de vitesse.

- Je n'aime pas ça du tout, gronda Ulrich tandis qu'Odd se prenait la tête entre les mains, sa queue fouettant l'air à une vitesse infernale sous l'effet du stress, mais on n'a pas trop le choix de toute façon… On est tous d'accord ?

Les Lyokô-guerriers hésitèrent une fraction de seconde mais un simple regard en direction d'Aelita, inconsciente et prisonnière de sa bulle d'énergie, suffit à faire pencher la balance. D'un même mouvement, Mathieu, Odd et Jérémie acquiescèrent, tendus comme jamais. Ils étaient prêts à courir tous les risques pour leur amie, quelles que puissent être l'issue de cette décision pour eux.

- Je vous envoie vos véhicules, lâcha Anthéa d'un ton ému, bouleversée par l'amitié profonde que vouaient ces quatre jeunes gens à son unique fille, vous pourrez vous échapper plus rapidement ainsi… Bonne chance !

La communication via le micro coupa et, un instant plus tard, une planche violette, une moto à une roue et un véhicule flottant en forme de soucoupe se virtualisèrent à quelques mètres d'eux, leurs contours se découpant un moment dans une lueur bleuté à la pénombre des blocs constituant la salle.

- Préparez-vous, souffla Jérémie entre ses dents, crispé, prêt à sauter sur l'Overwing dés que possible.

A peine eut-il finit de prononcer cette phrase, qu'une silhouette en fil de fer se dessina devant lui, pile entre le Gardien et leur petit groupe. Lentement, la forme indécise se précisa, se couvrant de texture, jusqu'à formée une réplique exacte d'Aelita, de la pointe de ses oreilles jusqu'à celle de ses cheveux roses, coupés courts, un sourire vide sur son visage inexpressif. Jérémie ne put s'empêcher de déglutir, face à cette vision. Son ancienne petite amie était aussi belle que le premier jour de leur rencontre à travers l'écran de son ordinateur, ce fameux 9 octobre, presque 5 ans auparavant.

Pendant quelques secondes tendues, rien ne se passa et Mathieu commença à se dire que ses amis s'étaient trompés sur la manière de vaincre ce monstre. Puis, soudain, la surface de ce dernier se mit brusquement à onduler, comme secouée de spasmes. Brusquement, le Gardien se distordit, perdant sa forme sphérique parfaite. La réplique d'Aelita eut un ultime sourire vide avant que la créature de plasma ne la happe, l'englobant entièrement dans son halo d'énergie.

- Reculez-vous ! conseilla Ulrich en esquissant un pas en arrière, simultanément avec Odd, tous deux préparés à ce qui allait suivre.

Mathieu et Jérémie eurent à peine le temps de suivre son conseil que le Gardien implosait brusquement en une centaine de particules orangées rebondissant contre les parois de la salle, dans un bruit tonitruant, libérant sa proie qui glissa au sol, inerte.

Au même instant, un bruit d'alarme tonitruant se mit à retentir à travers l'ensemble du territoire, explosant aux oreilles des Lyokô-guerriers qui grimacèrent de douleur.

- Je crois que je suis repéré, commenta Jérémie sobrement, énonçant l'évidence.


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Scarlet traversa la salle de contrôle de ses Supercalculateurs d'un pas furibond, ses hauts talons claquant contre le sol glacé avec plus de véhémence que jamais. Sur ses talons, deux gardes du corps solides suivaient ses traces, impassibles montagnes de muscles prêts à s'en prendre à quiconque oserait approcher leur patronne, le phénix vert brillant sur leur poitrine.

Partout autours d'elle, des informaticiens se précipitaient, affolés, se lançant des directives à tout va, chacun de leurs écrans couverts de messages d'alerte écarlate. Du plafond plongé dans la pénombre, s'élevait une sonnerie tonitruante, venant ajouter au chaos qui régnait sur la Green Phoenix.

D'un air décidé, la dirigeante de l'organisation démoniaque fila en ligne droite jusqu'à l'écran géant principal, devant lequel se tenait son informaticien en chef, qui sembla se recroqueviller à son arrivée, blême de terreur.

- Je vous écoute ! fulmina-t-elle d'un ton d'une froideur hivernale, tandis que les deux gardes du corps toisaient le petit homme d'un regard indolent à travers leurs lunettes opaques.

Le scientifique se liquéfia sur place, tordant ses mains dans tous les sens sous l'effet de la peur, livide.

- Eh bien c'est-à-dire… fit-il dans un effort pour se reprendre, vain, nos ordinateurs ont repéré quelque chose à l'instant… Un signal provenant du Cinquième Territoire d'Endo… Nous sommes actuellement en train de tracer sa source et…

- Un signal ? Quel signal ? l'interrompit sèchement la femme aux cheveux écarlates.

Cette question sembla achever l'homme qui recula d'un pas, cherchant visiblement à fuir l'aura de fureur qui émanait de sa supérieure.

- Nous n'en sommes pas encore sûr, se défendit-il, tremblant de terreur, mais il semblerait que la traîtresse Memory, Anthéa Ael Schaeffer de sa véritable identité, ait réussi à s'infiltrer dans notre monde virtuel sans que nous en ayons conscience et par un procédé encore inconnu.

- Quoi !?

Scarlet était littéralement rouge de colère désormais, la peau de ses joues se marbrant de plaques aussi écarlates que ses cheveux.

- Ce n'est pas tout, poursuivit l'informaticien d'un air terrifié, elle aurait également réussi à introduire l'opposant n°003, Jérémie Belpois, dans nos ordinateurs, à notre insu. A ce que nous avons cru comprendre, il agit comme un relais entre nos prisonniers et le Supercalculateur de la Ville de la Tour de Fer. C'est pour cela qu'ils semblaient déjouer nos pièges si facilement et se regrouper ! Ils étaient guidés depuis le début ! Et... Et il semblerait que l'une d'entre elle, l'américaine, ait réussi à s'échapper quelques instants plus tôt... J'ai fait preuve de négligence.

- Depuis combien de temps… ? questionna Scarlet, les yeux exorbités sous l'effet de la fureur.

A cet instant, une des informaticiennes en charge de la surveillance se rua en direction du scientifique en chef, échevelée, un relevé d'information à la main à moitié froissé par la précipitation.

Monsieur ! s'écria-t-elle sans tenir compte de la présence de sa supérieure, nous avons la confirmation de la libération de l'opposante n°002, Aelita Schaeffer. Son Gardien vient d'être détruit par la cause du signal nous ayant permis de repérer l'infiltration d'Anthéa Schaeffer dans nos ordinateurs : un leurre virtuel. Que devons nous faire ?

Scarlet se prit la nuque entre les mains, folle de rage. Cette fois ci s'en était de trop ! Comment la situation avait-elle put virer en leur défaveur en si peu de temps ? Comment avait-ils put se laisser berner aussi facilement ?

Sentant l'aura dangereuse émanant de la dirigeante de la Green Phoenix, l'informaticienne glapit de terreur et s'empressa de s'éclipser, sans attendre la réponse de son supérieur. Ce dernier tenta de reculer de nouveau mais butta contre l'écran principal, acculé. Derrière Scarlet, les deux gardes du corps se mirent à faire craquer leurs phalanges, un air mauvais sur leur visage aux traits durs.

- Emmenez-le, confirma la femme aux cheveux écarlate, arrachant un cri de terreur à son employé, désespéré, étant donné son incompétence dans cette affaire, je pense juste d'estimer qu'il ne nous est plus d'aucune utilité…

- Non… S'il-vous-plaît… !

Mais les supplications de l'homme n'eurent aucune utilité. Grognant d'un air menaçant, les deux gardes du corps l'empoignèrent brusquement et l'emmenèrent en direction de la sortie sous le regard terrifié des autres informaticiens, le soulevant comme s'il n'était pas plus léger qu'une plume, malgré ses protestations.

Silencieuse, Scarlet attendit que les cris du scientifique aient disparu à l'autre bout du couloir avant de se pencher vers son micro, tombé au sol dans l'empoignade, et de l'enfiler.

- Votre attention s'il-vous-plaît, fit-elle d'un ton redevenu neutre et professionnel, sa voix amplifiée par l'appareil, je prends désormais en charge cette opération. Tous à vos postes, nous pouvons encore stopper les opposants et nous en débarrasser ! Dés que vous aurez tracé le signal de la traîtresse Anthéa, mettez tout en œuvre pour en détruire la source ! Ils seront alors incapables de s'échapper et nous n'aurons plus qu'à les cueillir à ce moment là… Le sujet Angel s'occupera du reste.

Un sourire sadique étira ses lèvres alors qu'elle prenait place face à l'écran principal de la pièce, où un point bleu se mettait à clignoter en direction des quatre points verts, et du point jaune représentant ses proies. Bientôt, tout serait terminé et plus aucun gêneur ne viendrait se mettre en travers de son chemin !

Autours d'elle, le vent de panique qui avait pris le dessus sur les informaticiens se dissipaient peu à peu sous ses directives, laissant de nouveau place à la froide et implacable organisation de la Green Phoenix, plus déterminée que jamais à en finir avec ces « Lyokô-guerriers », bien plus tenaces qu'ils ne l'auraient pensés de prime abord.

- C'est maintenant que tout se joue Anthéa, susurra-t-elle en aparté, son regard empli de folie destructrice, voyons quelle génie parviendra à prendre l'ascendant sur l'autre…
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:12   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 36 :

Épisode 135 : Échappatoire_



Aelita entrouvrit les paupières, encore un peu étourdie par son emprisonnement prolongé. Au dessus d'elle, se pencha subitement le visage inquiet et juvénile d'un étrange lutin coiffé d'un chapeau vert ornementé d'une plume virtuelle.

- Qui êtes-vous… ? questionna-t-elle, les pensées floues.

Un éclat de rire aigu résonna au loin, arrachant une moue lassée à l'étrange petit elfe blond.

- Ça va Odd ! J'ai compris que ma tenue virtuelle était ridicule, pas la peine d'en rajouter !

A l'entente de ce ton cinglant, l'esprit d'Aelita sembla brusquement se reconnecter avec son corps et elle se redressa aussitôt, reprenant entièrement conscience cette fois-ci.

- Excuse-moi Jérémie, fit-elle d'un ton nettement plus froid qu'un instant plus tôt en se relevant sur ses jambes encore un peu faible, préférant la main tendue d'Ulrich pour l'aider à celle de son ex-petit-ami, qu'est-ce qui s'est passé… ? Un Gardien n'est-ce pas ?

- C'est exact, répondit la voix de sa mère dans les airs, lui arrachant un haussement de sourcils surpris, dépêchez-vous, la Green Phoenix vient de repérer la présence du Navskid d'après mes écrans et ce n'est qu'une question de minutes avant que les monstres qu'ils viennent d'envoyer ne le réduise ne charpies !

Aelita inféra presque aussitôt, évitant ainsi les questions inutiles. Ainsi sa mère avait réussi à rétablir la liaison et à envoyer Jérémie sur ce monde virtuel étrange pour venir les chercher à partir d'un Navskid… Ingénieux !

- Il faut qu'on file, l'enjoignit Ulrich en se précipitant vers son Overbike, aux côtés d'un Odd déjà campé sur son Overboard et d'un Mathieu aux commandes de l'Overwing, en te libérant notre signal a été repéré par la Green Phoenix. On n'a que très peu de temps avant de perdre la liaison avec le Supercalculateur de nouveau ! On devrait pouvoir passer par l'ouverture là-haut.

Il désigna au passage le trou minuscule perçant le plafond au dessus de la Tour au halo noir, qu'Aelita avait repéré précédemment lors de son arrivée.

La jeune fille aux cheveux roses acquiesça précipitamment, en colère contre elle-même. A cause de sa faiblesse, tous ses amis étaient en danger désormais alors qu'ils avaient réussi à prendre un coup d'avance sur la Green Phoenix jusqu'à présent ! Elle enrageait envers son inutilité, une fois de plus. Le fait d'avoir été ainsi captive d'un Gardien de façon aussi stupide lui rappelait cette horrible période où, piégée sur Lyokô et incapable de se battre, elle devait constamment se faire protéger par ses camarades… N'avait-elle donc pas évolué depuis ? N'était-elle pas plus forte ? Elle ne pouvait plus supporter d'être un tel poids pour les autres.

Alors qu'elle s'apprêtait à presser le bracelet-étoile à son poignet, enclenchant ses ailes, un sifflement retentit soudain dans les airs et, l'instant d'après, une véritable onde de choc dorée s'écrasait à ses pieds, manquant de la faucher de peu.

Sous le choc, les cinq Lyokô-guerriers tournèrent la tête en direction de la source du tir, aux aguets.

Volant à l'aide de son aile unique, accroché d'une main à la paroi de sa tour, se dressait un jeune homme au regard vide, les cheveux sombres, une armure d'or étincelant du même éclat que ses yeux autours de son corps. Dans son autre main, se trouvait une faux gigantesque de métal sombre, mis à part le tranchant, illuminé de lumière. Son visage neutre, vide de toute expression, les toisaient depuis son perchoir, calculant visiblement son prochain coup.

- Ce type… souffla Ulrich en dégainant d'un geste ses katanas, estomaqué, Aelita… ?

- Oui, c'est lui, confirma-t-elle en activant ses champs de force, méfiante, An-…

- Angel…

Mathieu avait terminé sa phrase à sa place d'une voix étrange, insondable. Tournant la tête vers lui, la jeune fille aux cheveux roses poussa un cri, horrifié. Incontrôlable, le Lyokô-guerrier en herbe venait de descendre de son Overwing et s'avançait lentement vers le jeune homme aux yeux de soleil liquide, la démarche hésitante. Il était là. Enfin. Après tant de mois de désespoir à le rechercher il se trouvait enfin face à lui ! Celui pour lequel il était prêt à tout. Celui qu'il aimait d'un amour de fou, défiant toute logique, supplantant sa raison. Angel, l'homme pour qui son cœur battait depuis bien trop longtemps désormais, était à portée de doigts.

- Je t'ai enfin retrouvé, murmura l'adolescent au comble de l'émotion, totalement démuni par l'apparition de l'ange qui hantait ses nuits.

Celui-ci le dévisagea d'un air tranquille, sans répondre. Un sourire incontrôlable naquit sur les lèvres du Lyokô-guerrier en herbe, un peu fou, alors qu'il levait sa main en direction du jeune homme, comme pour le saisir.

- Mathieu ! Attends ! s'écria Odd, horrifié, il y a quelque chose qui cloche !

Mais il était trop tard. D'un geste leste, Angel se laissa brusquement tomber de sa Tour au halo noir, l'aile repliée, fondant littéralement sur Mathieu, prêt à le trancher de sa faux. Il était rapide, beaucoup trop rapide pour que le jeune homme, plongé dans un état second après ces retrouvailles inopinées, parvienne à réagir à temps.

- Mathieu ! hurlèrent les Lyokô-guerriers de concert, impuissants.

La lame s'abattit dans un arc doré, transperçant l'enveloppe virtuelle de part en part. Hébété, Mathieu cligna des yeux face à la silhouette qui venait de se jeter entre la trajectoire de la faux et lui, les bras en croix, le corps empalé.

- Jérémie… ? murmura le jeune homme, incrédule, tandis qu'une flopée de pixels blancs commençait déjà à envelopper le lutin virtuel.

- Fuyez ! parvint ce dernier à articuler tout juste avant que sa silhouette ne s'efface, grésillant un instant dans les airs avant de disparaître, ne laissant plus aucune barrière entre Angel et sa cible, déjà prêt à frapper de nouveau.

Trop choqué pour réagir, Mathieu ne dut sa survie qu'à l'instinct prodigieux d'Odd qui fit une embardée avec son Overboard, saisissant l'adolescent de justesse avant que la lame ne le tranche proprement, comme elle venait de le faire avec Jérémie.

- Accroche-toi espèce de sombre crétin ! s'énerva le félin virtuel en fonçant droit vers l'ouverture dans le plafond, à la suite d'Ulrich sur son Overbike et d'Aelita sur l'Overwing, déjà loin au dessus d'eux.

- Mais… Angel ! protesta Mathieu, désespéré, et Jérémie… ?

- Il ira bien ! répliqua Odd avec colère en enroulant sa queue autours du torse de l'homme à la capuche de lapin, prévenant toute tentative de fuite de sa part en direction de celui qu'il aimait, sur un quelconque coup de folie, le Navskid a du lui permettre de regagner les scanners… J'espère ! Ne laisse pas son sacrifice pour toi être vain, d'accord ?

Pendant un bref instant, Mathieu parut sur le point d'accepter. Puis, subitement, son regard se fit dur et il baissa sa paume vers la queue de son ami, l'air grave.

- Désolé Odd, mais j'ai attendu trop longtemps. Je ne peux pas laisser passer une occasion pareille…

Et, sans préavis, il décocha un de ses lasers emmagasinés droit sur l'appendice caudal de l'homme chat qui hurla de douleur sur le coup, lâchant prise.

Sans plus attendre, Mathieu se jeta dans le vide, s'écrasant droit sur Angel qui s'était lancé à leur poursuite et qui, surpris, n'eut pas le temps de répliquer et ne put que se laisser entraîner dans la chute sous le poids du jeune homme.

- ESPÈCE DE CON ! hurla Odd en faisant aussitôt demi-tour, sa queue secouée d'électricité, reviens ici ! Tu vas te faire tuer !

Mais l'adolescent resta sourd, aveuglé par les sentiments contradictoires se bousculant dans une zone entre son cœur et sa tête. Dans un choc sourd, Mathieu et Angel s'écrasèrent sur le sol du noyau, à quelques mètres de la Tour.

- Reprend tes esprits Angel, supplia Mathieu, comme fou, en empoignant le jeune homme possédé par les épaules, c'est la Green Phoenix qui te manipule… Tu dois lutter !

Une lueur mordorée sur le côté l'éblouit brusquement et, l'instant d'après, Angel le repoussait violemment de sa faux, l'envoyant valser contre le mur d'en face. L'adolescent s'y écrasa avec violence, soufflé par l'impact.

- Les intrus doivent être éliminés… psalmodia de façon mécanique l'ange d'Endo, se redressant, jonglant d'une main avec sa faux.

L'empoignant brusquement, il sembla soudain se concentrer et le tranchant de la lame de son arme s'illumina peu à peu d'une nouvelle lumière d'or, incandescente, comme si le métal numérique s'était subitement retrouvé en fusion.

Fendant l'air dans un sifflement aigu, la faux décrivit brusquement un arc et une onde de choc jaillit violemment de sa trajectoire, fonçant à toute allure sur sa cible, Mathieu, incapable de se reprendre.

Il eut un bruit d'explosion et, l'instant d'après, l'onde dorée se dissipait à la surface violacée du Bouclier d'Odd, se dressant pile entre Angel et sa cible, le visage déformé par la rage.

- Ne le touche pas espèce d'enfoiré ! éructa l'homme-chat tandis que son Overboard, laissé libre, achevait sa trajectoire en explosant en millier de particules virtuelles droit sur la faux d'Angel, érigée en guise de protection de justesse.

Le pion de la Green Phoenix attendit que les pixels numériques du véhicule se soient estompés avant de se retourner vers ses adversaires, son regard de soleil liquide intensifié par son avatar virtuel toujours aussi neutre. Apparemment, l'insulte du Lyokô-guerrier ne lui avait fait ni chaud ni froid.

Hurlant de colère, Odd désactiva son Bouclier pour se mettre à littéralement noyer l'ange d'Endo sous ses Flèches Lasers. Celui-ci n'eut aucun mal à les parer, les faisant rebondir à la surface de sa lame incurvée d'une série de mouvements plus nets et précis encore que ceux d'Ulrich. Sa garde semblait imbattable, boostée par le contrôle exercé par la Tour au halo noir !

- Odd, arrête ! supplia Mathieu, s'agrippant au bras de son ami, le forçant à dévier ses tirs, il ne sait pas ce qu'il fait !

- Toi non plus on dirait ! répliqua-t-il, littéralement hors de lui, sans cesser de décocher ses fléchettes de son bras libre alors qu'Angel approchait de plus en plus malgré la cadences des coups, menaçant, ressaisis-toi bordel ! On n'a pas le temps pour ce type ! C'est trop tard pour cette fois !

Déconcentré par Mathieu, Odd ne vit pas arriver Angel qui, las de se contenter de parer, venait brusquement de foncer sur lui, sa faux brandit. Dans un cri de surprise, le jeune homme réactiva son Bouclier d'un bras de justesse, bloquant l'attaque avec difficulté. Des étincelles violettes et or jaillirent de l'impact, éblouissant les opposants.

- Angel, arrête ! s'écria Mathieu, éperdu, son esprit incapable de lui indiquer comment réagir. Le Bouclier d'Odd commençait à ployer sous la puissance du jeune homme possédé, se fissurant peu à peu.

Au moment où il se brisait, Mathieu se décida finalement à faire quelque chose et, en désespoir de cause, il se jeta contre Angel, s'agrippant au manche de sa faux de toutes ses forces afin de l'empêcher de frapper son ami d'un coup mortel, le cœur déchiré.

L'ange d'Endo n'eut qu'à exécuter un revers de bras pour envoyer valser l'adolescent, le précipitant contre les racines de la Tour à toute vitesse.

Alors qu'il déployait déjà son aile, s'apprêtant à booster sa vitesse pour venir profiter de sa confusion et le frapper, une sphère d'énergie rose s'écrasa brusquement à ses pieds, lui coupant la route.

Au dessus de sa tête, Aelita fusa à toute allure de ses ailes d'énergie déployées, avant de se poser à quelques mètres de lui, le visant de la paume de sa main, menaçante, laissant son Overwing se poser de lui-même devant Odd, encore meurtris par son combat.

Ulrich suivit quelques secondes plus tard, faisant déraper son Overbike sur le sol du territoire, se positionnant en face d'Aelita, achevant d'encercler Angel, ses épées dégainées.

- Mathieu, tu prends l'Overwing avec Odd et vous filez tous les deux, c'est un ordre, balança l'elfe aux cheveux roses, implacable, le regard étincelant, Ulrich et moi on va le retenir.

- Mais… s'apprêta à protester Mathieu, incapable de se décider, tremblant littéralement de tous ses membres, je…

Ulrich grinça des dents, agacés.

- On n'a plus le temps ! l'interrompit-il sans quitter son adversaire du regard qui restait sur sa position, méfiant, attendant une faille dans la garde d'un de ses opposants pour frapper de nouveau, si vous ne partez pas MAINTENANT le Navskid sera foutu avant même qu'on ait rejoint la Faille !

Mathieu se prit sa tête encapuchonnée entre les mains, désespéré. Comment pouvait-il résoudre un tel dilemme ? A la base, il n'avait choisi de plonger dans cet univers virtuel de dingue que pour sauver son unique amour, qui se trouvait désormais en face de lui. Comment pouvait-il choisir entre réaliser son unique but dans la vie et sauver les seuls véritables amis qu'il avait eus ? Il était incapable de prendre une décision en cet instant précis.

- Non… Je ne peux pas abandonner, pas maintenant…

Haletant, le jeune homme se figea brusquement, les doigts crispés autours de son crâne, le regard vide. Surpris, Odd ouvrit la bouche avant de s'interrompre brusquement, bouche bée. Mathieu, dans une explosion de lumières colorées, venait brusquement de s'élever dans les airs, lévitant à quelques mètres du sol, les bras en crois, auréolé d'un étrange halo. Ses yeux, écarquillés, étaient parcourus de flashs lumineux interminables.

- Mais… Qu'est-ce que… ? s'exclama Ulrich, interloqué par le spectacle.

- C'est son pouvoir ! reconnut Aelita, soufflée par le phénomène, il va avoir une prédiction ! A un moment pareil !?

Même Angel sembla se figer un instant, déconcerté par le spectacle qui se déroulait sous ses yeux. Puis, se reprenant brusquement et profitant de l'effet de surprise, il se mit à fondre sur le samouraï virtuel, son aile repliée afin de maximiser sa vitesse. L'adolescent aux cheveux bruns eut tout juste le temps de croiser ses lames pour parer la faux de son adversaire, prenant appuis sur son Overbike en grimaçant afin de tenir sous la puissance du coup.

A cet instant, la voix de Mathieu s'éleva brusquement, étrangement déformée comme passée à travers un synthétiseur vocal, lointaine et mystérieuse :

- Le dénouement approche. L'ange en cage et l'ange innocent devront se battre et l'un d'entre eux tombera au terme. L'ingénu devra plonger pour sauver le perdant et alors seulement tout sera terminé pour lui. Un choix s'imposera alors à lui et de ce choix dépend la survie des mondes en fusion. Puisse-t-il faire le bon…

Lentement, la voix du jeune homme déclina jusqu'à s'éteindre finalement sur le dernier mot.

Dans un hurlement de rage, Ulrich décocha un violent coup de pied à Angel, le forçant à s'éloigner, descendant de l'Overbike rapidement afin de se mettre en position offensive, katanas levés, mortels. Après quelques secondes à se toiser, les deux jeunes gens fusèrent l'un sur l'autre, débutant un échange de coups de lame plus rapides et plus violents que jamais.

Dans un dernier soupir, Mathieu ferma les yeux avant de retomber au sol tel une poupée de chiffon inanimé, littéralement vidé de son énergie, inconscient. Aelita se précipita à ses côtés, profitant de la diversion offerte par Ulrich pour s'occuper de son ami.

- Tu as pu tout enregistrer, maman ? s'enquit la jeune fille sans se pencher plus avant sur le sens des mystérieuses paroles énoncées un instant plus tôt, soulevant Mathieu avec difficulté.

- Oui, répondit la voix distante de sa mère à travers son micro, dépêchez-vous de filer maintenant ! Les monstres sont déjà sur le Navskid et il ne vous reste pas plus de dix minutes avant que sa jauge d'énergie n'atteigne le zéro !

-...Imbécile de Mathieu ! résonna la voix de Stéphanie en fond sonore, visiblement désespérée par l'attitude de son ami le plus proche.

Un souffle dans son dos fit brusquement se redresser Aelita mais il ne s'agissait que d'Odd, qui s'était glissé silencieusement derrière elle entre-temps, montant l'Overwing.

- En attendant, ça nous arrange bien qu'il ait perdu connaissance, affirma-t-il tandis que les assauts, lames contre lames, d'Ulrich et Angel se faisaient de plus en plus retentissant, charge-le sur l'Overwing Aelita, je m'occupe du reste !

La jeune fille s'exécuta avec difficulté, hissant l'adolescent inconscient sur la plateforme circulaire du véhicule, juste derrière son pilote. Au même moment, un cri retentit dans leur dos, les glaçant sur place.

Un coup de la faux d'Angel, plus violent que les autres, venait de faire voler un des katanas d'Ulrich qui s'écrasa avec un tintement métallique quelques mètres plus loin, hors d'atteinte pour la samouraï.

Décontenancé, le jeune homme eut tout juste le temps de lever sa seconde épée avant qu'un nouveau coup de lame ne s'abatte sur lui, manquant de le transpercer. Sous la puissance du coup, Ulrich fut forcé de ployer, grimaçant avec douleur, les genoux tremblants. Une série d'étincelles bleues et or jaillirent du choc dans un crissement insupportable. Lentement, Angel déploya son unique aile, prêt à donner le coup de grâce à son adversaire.

- Flèche Lasers !

Odd avait réagit au quart de tour. Sa fléchette fendit l'air jusqu'aux plumes noires du possédé, les transperçant de part en part, ne laissant à leur surface qu'une traînée d'étincelles. Cet instant suffit à Ulrich pour se dégager de l'assaut, sautant en arrière à l'aide de son Supersprint pour atterrir droit sur son Overbike, qu'il démarra presque aussitôt.

- On se barre ! hurla-t-il en rétractant la roue de son engin, s'élevant dans les airs à toute allure, son propulseur au maximum.

Odd ne se fit pas prier et fit virer son Overwing de bord au quart de tour, s'élançant à la suite du samouraï, Aelita, ses ailes déployées, sur ses talons.

De rage, Angel fendit l'air de sa faux à plusieurs reprises, envoyant une série d'ondes de chocs dorées en direction des jeunes gens qui parvinrent à les éviter sans trop de difficulté, déjà à bonne distance.

- Pourquoi est-ce qu'il ne nous poursuit pas ? s'étonna Odd une fois que les coups eurent cesser de pleuvoir.

- On dirait que le programme qui le contrôle le force à rester dans cette salle, raisonna Aelita en le doublant à tir d'aile, l'ouverture dans le plafond n'étant plus qu'à quelques mètres.

Brusquement, Angel, en contrebas, leva sa main libre dans les airs, paume tendue, un air concentré sur le visage.

- Mantas ! s'écria-t-il d'une voix curieusement déformée.

Presque aussitôt, une sorte de sphère d'énergie bleue si lumineuse que son éclat en était aveuglant naquit au dessus de ses doigts tendus, grossissant à vue d'œil. Aelita s'interrompit dans son vol, surprise.

Brusquement, une véritable armada de Mantas Volantes jaillirent de la lueur bleuté, générées à toute vitesse par les pouvoirs d'Angel, se matérialisant au fur et à mesure, prêtes à se jeter à la poursuite de nos héros.

- Incroyable… murmura l'elfe rose, choquée par la puissance du jeune homme.

- Aelita !

Le cri d'Ulrich au dessus d'elle la ramena brusquement à la réalité. Elle eut tout juste le temps de franchir le trou à la base du plafond avant qu'une pluie de lasers ne fuse dans sa direction, la manquant de peu.

- La sortie est par là ! indiqua le samouraï virtuel en parant la plupart des tirs de son arme restante, désignant une nouvelle ouverture au dessus d'eux sans stopper sa course, illuminée de lumière.

Mais Aelita s'était de nouveau focalisée sur quelque chose d'autre. Là, disposés en hexagones autours du trou par lequel ils s'étaient engouffrés, se dessinaient les contours bleutés de six interfaces, grésillant doucement à la lueur de la salle dans laquelle ils venaient de déboucher.

- Attendez un peu, lança-t-elle à l'adresse de ses amis tandis que les premières Mantas débarquaient dans la pièce, prêtes à faire feu, il y a des interfaces, comme sur Lyokô ! En les piratant je devrais pouvoir récupérer des données intéressantes sur ce monde virtuel et le plan de la Green Phoenix…

- Aelita, on n'a pas le temps, répliqua Odd en faisant exploser d'une Flèche Laser une des créatures volantes qui s'approchaient un peu trop d'eux, on verra ça une autre fois ! Là la priorité c'est de ficher le camps d'ici en vitesse !

La jeune fille hésita encore un bref instant, juste le temps pour qu'une nouvelle salve de laser ne lui rappellent la situation dans laquelle elle se trouvait. Odd avait raison, ils n'avaient pas le temps de s'attarder !

A regret, elle recommença à battre des ailes, fonçant vers la sortie, à la suite du félin et du samouraï virtuels, poursuivie par les Mantas, pugnaces.

Derrière elle, Angel et les interfaces s'éloignèrent jusqu'à disparaître à travers l'ouverture, désormais inaccessible.

Un flash de lumière l'aveugla un instant et, quelques secondes plus tard, elle se retrouva à voler au dessus d'un gigantesque ciel de données informatiques, identique à la Voûte Céleste de Lyokô, grandiose et terrifiant à la fois. En contrebas, le territoire paraissait de plus en plus minuscule et Aelita put admirer sa forme d'ensemble avant d'être déconcentré par un laser.

De forme sphérique, le cinquième territoire d'Endo était comme enchâssé dans un entremêlement complexe de racines irisés, semblables à du corail ou à une quelconque substance organique. Sa surface était striée par endroit, unique témoin de sa structure constituée d'un assemblage complexe de petits cubes. Autours, quatre sphère d'une taille moindre semblaient graviter, à l'image de satellites autours de leur planète.

« On a du arriver dans l'un de ces planétoïdes, raisonna Ulrich, les sourcils froncés, ils doivent contenir une Arena différente selon le territoire duquel on arrive par le transporteur ! Ça expliquerait le téléporteur pour rejoindre la sphère principale… ».

- Comment est-ce qu'on va sortir d'ici ? questionna Odd en zigzaguant avec difficulté entre les lasers de Manta, veillant à ne pas faire tomber Mathieu de son véhicule au passage, la Voûte Céleste a l'air infranchissable !

- Il y a comme des tunnels de données qui jaillissent des satellites, indiqua Aelita en pointant du doigt les passages en question, jaillissant de la voûte jusqu'aux sphères luminescentes, si cela fonctionne comme sur Lyokô il doit y avoir moyen de les ouvrir pour créer un passage ! Maman ? Tu penses pouvoir le faire ?

- Je vais essayer, répondit la voix d'Anthéa, plus nette dans le ciel du territoire qu'à l'intérieur, tenez juste quelques secondes !


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Jérémie se sentait flotter dans un vide incommensurable, dépourvu de toutes propriétés physiques. En dehors de la conscience qu'il avait de son existence, il n'éprouvait rien, ne voyait rien, n'entendait rien… Comme si son esprit s'était déconnecté de toute forme de réalité. La panique commença peu à peu le submerger, étouffante. Que lui arrivait-il ?

Puis, brusquement, le jeune homme ressentit une vive douleur transpercer l'ensemble de son corps. Ses os, ses muscles qui crissaient contre sa peau… Toutes ces sensations lui paraissaient soudain insupportables. Ses jambes, dont les nerfs semblèrent brusquement se reconnecter à son cerveau, rencontrèrent une surface horriblement dure et se dérobèrent soudain sous son poids, incapable de le retenir. Un bruit métallique déchirant retentit à ses oreilles, manquant de lui transpercer les tympans, et une lumière abominablement forte vint transpercer ses paupières en feu, le faisant hurler de douleur.

Tout était tellement confus autours de lui, les sons, les odeurs, les couleurs, qu'il eut du mal à réaliser que son épaule le lançait furieusement. Il était tombé au sol semblait-il. Dans un effort insurmontable, il parvint à ouvrir les yeux pour se retrouver assaillit d'une lueur d'un jaune agressif et de tâche flou. Dépourvu de ses lunettes et encore désorienté, il mit un moment avant de reconnaître la Salle des Scanners, dans laquelle il venait de se rematérialiser. Un atroce sifflement résonnait quelque part au niveau de sa poitrine. Surpris, il se rendit soudain compte qu'il s'agissait de son propre souffle, saccadé et épuisé.

A tâtons, il tendit que le bras en grimaçant sous la sensation de courbature qui lui transperça brusquement le bras, et parvint à saisir finalement ses lunettes tombée un peu plus loin, les enfilant rapidement sur son nez couvert de sueur. Ce retour à la réalité et cette subite reconnexion avec son corps était tout simplement abominable ! En cet instant précis, il ne se sentait même plus capable de se relever et commençait sérieusement à envisager la possibilité de rester étendu là, à moitié dans son scanner au milieu de la vapeur se dissipant peu à peu, le temps de récupérer pour le restant de ses jours.

- Jérémie !

La voix inquiète, pourtant lointaine, transperça ses tympans avec une rare intensité des plus douloureuses. Au prix d'un nouvel effort, il parvint à redresser la tête en direction de l'échelle menant à la salle supérieure, de laquelle Yumi et Stéphanie achevaient de descendre, se précipitant vers lui à toutes jambes.

- Comment tu te sens ? s'enquit la japonaise en le soutenant d'un bras, l'aidant à s’asseoir contre la paroi du scanner tout en lui épongeant le front, ruisselant, d'un mouchoir, tu as une mine affreuse !

- …Crevé… parvint simplement à articuler Jérémie entre deux hoquets, sa voix grave résonnant étrangement à ses oreilles après tout ce temps coincé dans son avatar virtuel juvénile. Il avait fini par perdre l'habitude de son propre corps… Les autres… ?

- Ça ne va pas fort là-bas, répondit Stéphanie en s'accroupissant près de lui, son visage rond transcendé d'inquiétude, apparemment ils se sont fait attaqués et Mathieu a eu une nouvelle prédiction… Il a perdu connaissance. Depuis ta dévirtualisation on a de plus en plus de mal à capter leur signal !

Yumi hocha la tête en signe de confirmation, tendue.

- Où est Eva ? s'étonna soudain Jérémie, dévisageant les deux jeunes filles d'un air interrogateur avant de froncer soudain les sourcils, alarmés, elle n'est pas revenue ?

- Si, si, le rassura Stéphanie d'un geste apaisant, Anthéa a réussi à lui faire passer la Faille sans trop de difficulté. Elle a juste voulu rester sur Lyokô le temps d'attendre le retour des autres.

Jérémie retint une grimace, dubitatif.

- Plutôt gonflé de sa part quand on sait comment elle a abandonné Aelita, commenta-t-il entre ses dents, agacé. Il n'avait toujours pas pardonné à l'américaine sa fuite d'Endo en moment critique un peu plus tôt.

Yumi se garda bien de répondre mais son regard glacé en disait long sur ce qu'elle aussi pensait du comportement de la petit-amie d'Odd, qu'elle avait de plus en plus de mal à supporter depuis qu'elle tournait autour de William.

- Je vais remonter voir où ils en sont, affirma-t-elle soudain en se redressant, laissant son mouchoir à l'adolescent épuisé, Stéphanie, conduis-le au monte-charge dés qu'il ira mieux !

La jeune fille acquiesça, laissant son amie gravir de nouveau les échelons de métal quatre à quatre, disparaissant à travers la trappe du plafond. Jérémie inspira profondément, profitant de chaque bouffée de l'air renfermé du laboratoire, infiniment préférable à celui, sans odeur, du monde virtuel. Son rythme cardiaque commença à ralentir et le bourdonnement qui menaçait de faire exploser ses tympans au moindre son s'estompait de plus en plus.

Stéphanie resta à ses côtés, veillant sur son état en tapant du pied frénétiquement contre le sol, stressée.

- Tu as sauvé Mathieu… finit-elle enfin par lâcher, plantant ses étranges yeux bruns aux reflets violets dans ceux, bleus marine, de Jérémie, pourquoi tu as fait ça ? Je croyais que tu le détestais ?

- Il m'insupporte, confirma Jérémie avec une grimace, dégageant quelques mèches trempées de son large front, s'étonnant de leur texture dont il avait fini par perdre l'habitude, trop longtemps virtualisé, mais je ne suis pas un salopard pour autant ! Je n'allais pas le laisser crever comme un imbécile, il y a des limites à ce qu'un ressenti personnel peut pousser à faire…

Stéphanie ne répondit rien, se contentant de le fixer silencieusement avant de brusquement l'étreindre de toutes ses forces, vidant d'un coup ses poumons qui commençaient tout juste à re-fonctionner normalement. Sous le choc, Jérémie ne parvint même pas à réagir, se laissant faire en grimaçant sous l'effet de la douleur que provoquait l'étreinte sur son épiderme ultra-sensible.

- Merci… murmura Stéphanie sans le lâcher, tremblante, merci infiniment ! Je t'avais mal jugé et je le regrette…

- C'est… C'est normal, répondit l'adolescent gauchement, trop surpris pour la repousser, je sais que je peux agir froidement parfois mais ça ne fait pas de moi un…

Il s'interrompit brusquement, le regard sombre, avant de se redresser avec difficulté, forçant Stéphanie à le lâcher, surprise.

- En fait si, affirma-t-il en s'agrippant aux parois du scanner afin de ne pas tomber au sol de nouveau, je suis un lâche. Je n'aurais jamais du fuir quand vous avez rallumé le Supercalculateur il y a quelques mois. C'était puéril et immature comme réaction et si on en est là aujourd'hui c'est à cause de moi. Odd a raison… Vous avez tous raisons ! Alors le moins que je puisse faire, c'est te présenter mes excuses les plus sincères.

Estomaquée, la jeune fille fut incapable de trouver quoi répondre, se contentant de fixer Jérémie avec des yeux ronds. Elle ne reconnaissait plus ce jeune homme sur lequel elle avait eu tôt fait de coller l'étiquette « abruti congénital ». Le voilait qui s'excusait ? Qui émettait des doutes ? Qui se sacrifiait pour une personne qu'il détestait ? Qu'était-il advenu de cet adolescent arrogant et froid qu'elle avait connu à l'origine ?


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Lentement, dans le ciel du cinquième territoire d'Endo, l'un des quatre tunnels de données relié à un des satellites se rétracta à l'intérieur de la Voûte Céleste, ne laissant plus d'autre trace qu'un trou béant à sa surface, similaire à un gigantesque trou noir.

- Anthéa a réussi à ouvrir le passage ! signala Ulrich, aux prises avec une Manta qui ne cessait de le harceler de tirs, foncez tous les deux ! Je vous couvre !

Aelita ne se fit pas prier pour s'exécuter. Détruisant la créature volante lui barrant le chemin d'un simple champ de force, elle fendit l'air de ses ailes en direction du tunnel, l'Overwing d'Odd sur ses talons. Presque aussitôt, l'ensemble des Mantas convergèrent dans leur direction, dans une ultime tentative afin de les stopper. C'était sans compter sur la réactivité du samouraï virtuel qui s'empressa de faire une embardée à bord de son Overbike, plongeant sous leur ventre ondulant, lame dressée. D'un coup net et précis, il trancha l'ensemble des monstres sur toute la longueur, les forçant à exploser l'une après l'autre. Cette diversion permis à ses compagnons de disparaître à l'intérieur du trou noir, échappant ainsi à leurs poursuivants.

Sans plus attendre et ignorant les Mantas restantes, Ulrich fit volte-face et enclencha l'accélérateur de sa moto virtuelle, se jetant à leur suite à toute allure, sous une pluie de lasers, penché au maximum sur le volant afin de maximiser son esquive. Un des tirs l'atteignit cependant au mollet, faisant jaillir une gerbe d'étincelle à sa surface mais il n'y prit pas garde, poursuivant sur sa trajectoire avec l'énergie du désespoir, le ciel au dessus de lui illuminé du rouge des rayons mortels.

Enfin, et avec un soupir de soulagement, la roue de son Overbike franchit à son tour le tunnel de données, échappant une bonne fois pour toute à ses assaillants. Il avait réussi !

Pendant un moment, il ne fut environné que par les ténèbres insondables du passage. Puis, brusquement, sa trajectoire se mit à grimper et un premier fichier informatique bleuté croisa sa route, suivi par un second. Très vite, il fut environné d'une véritable colonne de codes et de chiffres, défilant autours de lui à toute allure.

Enfin, une plateforme lumineuse se dessina autours de lui et il n'eut qu'à tourner le guidon de son Overbike pour traverser la paroi de la Tour de Passage dans laquelle il venait de débarquer, débouchant droit sur un terrain d'un noir de cendre, surplombé par un ciel d'une lueur sanguine. Aelita et Odd étaient déjà loin, filant au dessus d'une véritable mer de lave.

Un vrombissement dans son dos lui fit tourner la tête alors qu'il s'élevait à leur suite, sans ralentir l'allure. Au loin, dans le ciel ocre aux allures cauchemardesques, se découpaient les silhouettes sombres et grossières d'un véritable essaim de Frôlions, fonçant à tir d'aile droit dans leur direction.

« La Green Phoenix a du comprendre qu'on comptait fuir et tente de nous stopper maintenant, comprit Ulrich en serrant les dents, rejoignant ses compagnons d'une simple pression du poignet sur l'accélérateur, il n'y a plus de temps à perdre à présent ! ».

Une vague de soulagement l'envahie cependant lorsqu'il aperçut, au loin, plantée au beau milieu du ciel à plusieurs mètres des plateaux de cendre noirâtres, la surface purulente et sanguine de la Brèche reliant Endo à Lyokô, pulsant de son éternelle lueur malsaine au dessus de la Mer Numérique de lave.

- On y est presque ! confirma Aelita, qui volait en tête, ses ailes roses à peine visible sur le rouge du ciel, encore un effort !

Un bruit de tirs les firent tous soudainement tressaillirent mais aucun laser ne vint les faucher sur leur route.

Au bout d'un moment d'incertitude, katana levé, à attendre un nouvel assaut, le samouraï virtuel finit par identifier la source des salves, à quelques mètres en-dessous de lui.

Là, réunis autours d'un minuscule volcan flottant dans le vide, se tenaient trois Kankrelats, s'agrippant avec difficultés sur les parois escarpés de leurs minuscules pattes métalliques, leur œil vide de toute expression tourné dans une seule et même direction : le cratère central, dans lequel ils s'acharnaient à tirer avec l'énergie du désespoir.

Plissant les yeux, Ulrich parvint finalement distinguer leur cible véritable au milieu de la fumée de pixels se dégageant du mini-volcan. Là, se trouvait, luisant de reflets bleus métallisés, le Navskid de Jérémie, soigneusement dissimulé. La Green Phoenix l'avait dors et déjà repéré et s'acharnait désormais à le détruire !

Si l'assaut n'était pour l'instant mené que par quelques ridicules Kankrelats, Ulrich pouvait déjà entendre le roulement des Mégatanks à la surface des plateaux au loin, se dirigeant vers le véhicule sous-marin à toute allure. Ils s'agissait désormais d'atteindre la Faille le plus vite possible avant qu'il ne soit trop tard et que le Navskid ne vole en éclat sous la pression des tirs, coupant ainsi leur seule et unique liaison avec Anthéa et les condamnant à l'enfer d'Endo pour toujours.

Un premier laser de Frôlion jaillit brusquement à sa gauche, le déconcentrant et le manquant de peu. Avec horreur, le jeune homme constata que l'essaim s'était grandement rapproché de leur groupe et étaient désormais à portée de tirs.

Odd fit mine de lever sa patte afin de décharger ses Flèches Lasers sur les monstres mais Aelita le retint d'une main.

- Pas le temps pour ça, fit-elle, pressée, on est tout prêt de la Faille ! En se dépêchant on peut échapper aux Frôlions avant qu'ils ne nous canardent !

En effet, l'extrémité du territoire était désormais derrière eux, étendue noire s'éloignant de plus en plus, et seule la Mer Numérique d'un rouge sanguin était visible en contrebas. La Brèche menant à Lyokô, au contraire, se faisait de plus en plus grosse, obscurcissant l'horizon de sa masse purulente.

- On y est presque, maman ! s'écria Aelita dans les airs, accélérant l'allure, prépare le transfert !

Presque aussitôt, en guise de réponse, une centaine de filaments d'argents jaillirent brusquement de la Faille, chauffée au rouge, écartant la gigantesque plaie dans le ciel avec difficulté.

- Ne vous retournez pas ! ordonna la meneuse aux cheveux roses tandis que de nouveaux tirs commençaient à pleuvoir sur eux, foncez jusqu'à la Faille !

Mais, à cet instant précis, un bruit de micro se mit subitement à vriller les tympans des Lyokô-guerriers. Déconcentrée, Aelita oublia d'esquiver un laser qui l'atteignit droit sur le poignet, manquant de déclencher le rétractage de ses ailes, la précipitant droit vers la Mer Numérique.

- Vous ne vous enfuirez pas ! éructa une voix de femme à leurs oreille, froide et menaçante, vous êtes perdus !

- Scarlet… reconnu Ulrich avec fureur, se précipitant entre son amie et les lasers des Frôlions afin de la protéger, katana levé.

Brusquement, un bruit d'éclaboussure en contrebas lui fit baisser la tête, horrifié.

En dessous de lui, les eaux de la Mer Numérique écumait, semblant bouillonné d'un flot de monstres marins incessants. Puis, soudain, une flopée de créatures ondulantes jaillit des vagues, s'envolant à toute vitesse dans leur direction dans une série de cris stridents.

- Des Mantas ! s'écria Odd en décochant aussitôt une fléchette qui vint se ficher dans le dos du premier monstre, le faisant exploser sur le coup.

Aelita se joignit à ses tirs en bombardant les monstres de Champs de Force, en vain. Plus les créatures volantes implosaient sous ses sphères d'énergie et les Flèches Lasers d'Odd et plus il en émergeait des eaux rougeâtre de la Mer Numérique, sans compter les premiers Frôlions qui arrivaient déjà sur eux, laser au dard, prêts à faire feu de plus belle.

Le rire sardonique de Scarlet résonna brusquement à leurs oreilles, les faisant frissonner de terreur.

- Oubliez les monstres ! ordonna Ulrich sous une pluie de rayons, il faut qu'on se barre d'ici !

Exécutant un superbe tonneau afin d'esquiver la charge de deux Mantas qui fonçaient sur elle, Aelita obéit la première et fusa droit en direction de la Faille, plus déterminée que jamais, ignorant les lasers qui la frôlaient de temps à autre, lui faisant perdre Point de Vie sur Point de Vie.

Odd resta sur place un peu plus longtemps, couvrant la fuite d'Ulrich de ses encoches jusqu'à ce qu'un laser perdu n'atteigne Mathieu, inconscient, derrière lui.

- Eh merde ! jura-t-il entre ses dents en exécutant une embardée avec son véhicule, se jetant à la poursuite de ses compagnons d'infortunes, talonné par les Frôlions.

La Faille n'était plus qu'à quelques mètres désormais, remplissant totalement le ciel devant eux. Aelita serra les dents, accélérant encore son allure. Plus que quelques battements d'ailes et ils étaient sauvés !

Deux Mantas tentèrent soudain de s'interposer, jaillissant devant les filaments lumineux s'échappant de la Brèche d'un air menaçant. L'elfe rose ne ralentit pas pour autant, mains dressées devant elle. Un Champ de Force naquit au creux de ses paumes.

- Dégageeeeeeeeez ! hurla-t-elle, folle de rage et de détermination, alors que sa sphère d'énergie rose grossissait de plus en plus, atteignant des proportions démesurées.

Elle le décocha brusquement, l'envoyant fuser droit sur les Mantas qui, apeurées, s'écartèrent aussitôt, libérant le passage.

A cet instant derrière eux, un bruit de détonation retentit, leur glaçant leur sang numérique.

- Des Mégatanks ont commencé à bombarder le Navskid ! s'écria Odd, alarmé, en jetant un coup d'œil derrière son épaule, on n'a plus le temps… FONCEZ !

Aelita ne se fit pas prier et, rétractant brusquement ses ailes, se jeta droit au milieu de l'agglomérat de filaments argentés qui la happèrent aussitôt, la faisant disparaitre en leur sein.

Une pluie de lasers de Frôlions s'abattit brusquement sur L'Overbike d'Ulrich qui commençait à montrer des signes de faiblesse, ralentissant sa course.

Abandonnant son véhicule, le jeune homme prit brusquement appuie sur la selle et usa de son Supersprint afin de s'élancer à son tour dans la Faille à la suite d'Aelita, disparaissant lui aussi dans une traînée de lumière jaune.

- A toi Mathieu, siffla Odd entre ses dents, saisissant son ami inconscient d'une patte.

D'un geste brusque, il l'envoya valser hors de l'Overwing droit en direction de la brèche. Le corps inanimé de l'adolescent fendit l'air entre les monstres, ses oreilles de lapin au vent, avant de se faire réceptionner par les filaments de lumière à son tour et de disparaître en direction de Lyokô.

- Yes ! Jubila Odd alors qu'un nouveau tir de Mégatank résonnait au loin.

Brusquement, un jet d'acide s'abattit droit sur son véhicule, pile à l'endroit où s'était trouvé Mathieu un instant plus tôt, dissolvant la structure de l'appareil.

En une fraction de seconde, celui-ci disparu en une nuée de pixels, grésillant, et Odd se retrouva soudainement sans support sous ses pieds, chutant droit vers la Mer Numérique.

- Nooon ! hurla-t-il, prit de panique, battant l'air de ses bras à la recherche d'une prise quelconque.

Soudain, ses griffes rencontrèrent la surface arrondie du dos d'une Manta, lui arrachant un cri de douleur déchirant. S'agrippant de toutes ses forces à ce cadeau du ciel, Odd se força à se hisser à son sommet, plantant ses pattes avec force à l'intérieur du symbole d'Angel, les doigts crispés, bien déterminé à ne pas lâcher prise. La Manta se tordit de souffrance, incapable de se défendre.

- Direction la Faille ! ordonna l'homme-chat virtuel en griffant la surface lisse du dos de la créature, la forçant à virer de bord, y laissant une longue entaille luminescente.

Contraint, le monstre s'exécuta, fonçant droit sur les filaments argentés s'échappant de la Brèche, ondulant dans les airs à la recherche d'un nouveau Lyokô-guerrier à entraîner à l'intérieur.

Comprenant que quelque chose clochait avec leur congénère, un groupe de Mantas changea brusquement de direction, se lançant à la poursuite d'Odd, le canardant de lasers.

-Trop tard ! sourit-il avant de brusquement libérer sa monture, prenant appuis sur son dos pour s'élancer en direction de la Faille, sa queue fouettant l'air sur son passage.

La créature volante eut tout juste le temps de reprendre ses esprits qu'un tir d'un de ses semblables, lancé quelques secondes trop tard, vint la transpercer de part en part, la faisant exploser dans un râle aigu.

Au même instant, un dernier tir de Mégatank fusait droit sur le Navskid, achevant de venir à bout de sa coque protectrice. Dans une flopée de pixels bleutés, le mini-sous-marin virtuel se désagrégeant dans son volcan, mourant au moment précis où Odd disparaissait à l'intérieur des filaments de lumière, en direction de Lyokô.

Le cri de rage que poussa Scarlet résonna longtemps sur Endo, faisant vibrer les territoires de colère.


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Eva faisait les cents pas, ses bottes virtuelles dépourvues de texture claquant sur la surface accidentée de l'unique territoire, à moitié en ruine, de Lyokô. Un air inquiet était inscrit sur son visage bariolé de maquillage outrageant. Odd et les autres étaient partis à la recherche d'Aelita depuis bien trop longtemps désormais… Pourquoi n'étaient-ils toujours pas rentrés ? Était-il arrivé quelque chose à l'homme qu'elle aimait éperdument ?

Cette simple pensée suffit à lui donner un frisson et elle se força à s’asseoir sur le bloc bleu sombre le plus proche, tapant du pied avec angoisse. Elle ne pouvait qu'attendre de toute manière. Attendre et prier que rien ne soit arrivé à Odd. Elle se moquait éperdument du sort des autres tant que son petit ami lui revenait entier. Pourquoi avait-il fallu qu'il risque sa vie une fois de plus pour cette pimbêche aux cheveux roses avec ses airs de meneuse ? N'était-elle pas sensée être assez forte pour se débrouiller seule ? Sans compter cet imbécile de Mathieu qui semblait mener l'homme-chat virtuel à la baguette depuis quelques temps… Comment Odd faisait-il pour ne pas se rendre compte de cette attitude perverse ?

« Tu délires, pensa-t-elle en levant la tête en direction de la Faille à la surface de la Voûte Céleste, inchangée depuis des heures, c'est l'inquiétude qui te fait penser ce genre de choses… Odd a raison de vouloir sauver Aelita, c'est ce côté héroïque que j'aime chez lui après tout ! ».

Peu convaincue par ses propres pensées, Eva amorça une moue dubitative lorsqu'une zébrure de lumière illumina brusquement la Faille, lui arrachant un cri de surprise.

Se redressant aussitôt, elle se précipita en direction des plots de téléportations, toujours reliés à la Brèche par leur enchevêtrement complexe de câbles, qui venaient de se mettre à luire.

Dans un flash aveuglant, la plateforme centrale cracha brusquement une silhouette qui vint s'écraser à quelques pas de l'américaine.

- Aelita ! s'exclama Eva en reconnaissant l'elfette virtuelle étendue à ses pieds, l'aidant à se relever promptement, tu vas bien ?

- Ça va… souffla-t-elle dans un soupir de soulagement en prenant appuis sur la jeune fille pour se redresser, où sont les autres ?

A cet instant, une nouvelle colonne de lumière s'éleva d'un des plots adjacents et un jeune homme en fut brusquement propulsé, se réceptionnant de justesse sur ses pieds devant les deux adolescentes, katana toujours au poing, tremblant.

- Ulrich ! s'exclama Aelita en se précipitant vers lui, dieu merci tu vas bien…

- Où est Odd ? questionna aussitôt Eva, folle d'inquiétude, en empoignant le samouraï par les épaules.

- Il arrive, affirma-t-il en repoussant l'américaine d'un air agacé, et Mathieu aussi… J'espère que les Mantas ne lui auront pas causé trop de soucis.

Un nouveau vrombissement retentit dans leur dos et, quelques secondes plus tard, un nouveau jet lumineux balançait un nouveau Lyokô-guerrier quelques mètres plus loin, inconscient.

Folle d'inquiétude, Eva se précipita dans sa direction avant de se stopper net, un air de dégout sur le visage, reconnaissant la capuche à oreille de lapin de Mathieu.

- Il revient à lui ! affirma Aelita en dépassant la jeune fille, se jetant droit vers le jeune homme qui commençait à se redresser, se massant le crâne, étourdi.

- Que… Qu'est-ce qui s'est passé ? balbutia-t-il à l'adresse de ses camarades, le regard perdu, où est-ce que je suis ?

- Sur Lyokô, tu ne risques plus rien, lui répondit Aelita avec un sourire soulagé, l'étreignant dans ses bras, ne nous fait plus jamais une frousse comme ça !

- Mais…Angel… ? balbutia-t-il, incapable de retrouver ses esprits, où est-ce qu'il est lui ? Vous avez pu le ramener ?

Ulrich et Aelita échangèrent un regard grave, sans trouver quoi répondre. Eva fut la première à briser le silence, à la limite de l'hystérie.

- Peu importe tout ça ! Fulmina-t-elle. Où est Odd !? Il devrait déjà être rentré !

- C'est vrai ça, confirma la meneuse aux cheveux roses en se redressant brusquement, les sourcils froncés, il était sur l'Overwing avec Mathieu… J'espère qu'il ne lui est rien arrivé !

La voix d'Anthéa résonna brusquement à travers le territoire à demi-effondré sur lui-même, inquiète.

- J'ai perdu la liaison avec Endo, affirma-t-elle d'un ton brusque, le Navskid a dû être détruit mais il me semble avoir vu Odd emprunter mon passage par la Faille juste avant que je ne perde le signal… Normalement il devrait déjà être ici !

Un silence angoissé répondit à cette annonce macabre. Quelque chose ne s'était pas déroulé comme prévu : pourquoi l'homme-félin n'était-il pas déjà de retour ?

Eva tremblait de tout son corps, recroquevillée sur elle-même, submergée par une peur sincère pour une fois. Quant à Mathieu, il gardait les yeux rivés sur la Faille, hébété. Il était avec Odd sur l'Overwing d'après Aelita… Pourquoi avait-il été le seul à rentrer sur Lyokô dans ce cas ? L'absence du jeune homme était-elle de son ressort… ?

Soudain, une vibration s'éleva sous leurs pieds, se propageant tout le long du territoire. Inquiète, Aelita se tourna aussitôt en direction des plots de téléportation reliés à la Brèche, qui s'étaient mis à trembler de toute leur force avec fracas, comme sous l'effet d'une surchauffe.

Un à un, les câbles et les filins mécaniques grimpant jusqu'à la Faille se décrochèrent sous l'effet des ondulations de plus en plus puissante, chutant sur le sol de Lyokô dans un bruit de ferraille. Au dessus de leur tête, au niveau de la Voûte Céleste, la plaie béante semblait rougeoyer d'un éclat de plus en plus malsain, son éclat éclipsant même celui du Firewall.

- Ce n'est pas normal… Reculez ! ordonna Aelita, activant ses Champs de Force par mesure de précaution.

Brusquement, le plot central du dispositif se mit à grésiller, chargé d'éclair, avant de brusquement s'illuminer, projetant en l'air une silhouette féline. Celle-ci exécuté un parfait salto avant d'atterrir sur ses pattes, se mettant à courir dans leur direction, affolé.

- Odd ! s'exclama Eva dans un cri de soulagement, éperdue, se jetant vers son petit-ami, les bras tendus.

Mais, contre toute attente, celui-ci l'ignora superbement, continuant à courir, ses yeux d'un gris perlé révulsés en une expression de terreur sourde.

- Fuyez ! hurla-t-il en agitant les bras, passant à côté de sa dulcinée qui resta figée sur place, choquée par une telle attitude, ils m'ont suivis ! Je n'ai pas réussi à les arrêter ! Le Firewall va…

Il n'eut même pas le temps de finir sa phrase. Dans bruit de déchirure à faire exploser les tympans, le pare-feu érigé autours de la Faille se fissura brusquement avant d'imploser en un millier de particules numériques, s'évaporant dans les airs. Le dernier câble relié aux téléporteurs en contrebas chuta en grinçant sur le sol, grésillant un moment avec de disparaître, en même temps que le monceau de déchets mécaniques.

Dans une pulsation à donner la nausée, la Faille s'ouvrit en grand, déchirant l'ensemble du ciel de Lyokô, lançant passer une véritable armée de lueurs rouges, qui prirent presque aussitôt la forme d'une vingtaine de Mantas et de Frôlions, volant vers eux à tir d'aile d'un air menaçant.

Eva, qui était restée figée sur place, eut à peine le temps d'ouvrir la bouche de stupeur avant que la première salve de lasers ne s'abatte sur elle, la dévirtualisant sur le coup.

- Le Firewall a cédé ! s'exclama Anthéa à travers son micro, paniqué, la Green Phoenix a profité de votre passage pour infiltrer la Faille de nouveau et envoyer leurs monstres sur Lyokô… Ils avaient tout prévu, encore une fois !

Mathieu, sous le choc face à l'armée de monstres, tenta vainement de se redresser mais n'eut même pas l'occasion de pointer ses armes dans leur direction. Une nouvelle pluie de tirs eut raison de ses derniers Points de Vie, l'envoyant rejoindre Eva dans une volée de pixels.

- C'est pas vrai ! s'écria Ulrich en se jetant à couvert d'une esplanade formée par des cubes sombres, entraînant Aelita et Odd sur son passage, avec le peu d'énergie qu'il nous reste on n'arrivera jamais à tenir face à ces bestioles ! Sans compter que plus rien n'empêche la Green Phoenix d'envoyer des renforts à travers la Faille désormais !

- Mais alors… Ils ont gagné ? osa balbutier Odd, n'osant y croire.

Son amie aux cheveux roses secoua la tête négativement, déterminée.

- Pas encore ! affirma-t-elle en faisant naître un Champ de Force au creux de sa main, on est toujours là ! Il faut lutter, tous les trois !

Ulrich acquiesça, déterminé. D'un même mouvement, les trois jeunes gens se retournèrent vers les monstres volants, qui s'avançaient à tir d'aile dans leur direction, dans un vrombissement de fin du monde, ciblant le dôme central de Lyokô.

Odd fit cliqueter sa patte, chargeant une Flèche Laser. Ils étaient encore loin d'être tirés d'affaire !


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Un nuage de vapeur s'éleva soudain dans la Salle des Scanners de l'usine, faisant tousser Stéphanie et Jérémie. Dans un coulissement métallique, les portes des deux containers cylindriques inoccupés s'ouvrir brusquement l'un après l'autre, laissant tomber deux silhouettes sombres au sol, à moitié inerte.

- Mathieu ! s'écria Stéphanie en reconnaissant son ami à travers l'écran de fumée, se précipitant vers lui pour le soutenir, délaissant Jérémie.

Le jeune homme haletait violemment, les yeux révulsés, comme si son cœur menaçait d'éclater à chaque instant. Eva, qui était apparu un instant plus tôt dans le deuxième scanner, n'en menait pas large non plus, ruisselante de sueur et adossée contre la paroi de l'appareil, faisant tout pour faire bonne figure face à son rival.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? s'enquit Jérémie qui commençait à reprendre des couleurs, s'éloignant prudemment de son propre scanner.

L'américaine dut attendre que sa respiration ait retrouvé un rythme normal avant de pouvoir répondre, dégageant une mèche de cheveux blond trempée de devant ses yeux de cristal.

- La Green Phoenix… souffla-t-elle avec difficulté, grimaçant comme si chaque mot lui arrachait la gorge, ils ont réussi à nous envoyer des monstres par la Faille… Le Firewall a rompu !

- Quoi !?

Jérémie s'était brusquement redressé, alarmé, luttant de toutes ses forces contre l'affaiblissement de son corps du à la rematérialisation. C'était une catastrophe ! Vu l'état dans lequel était ses amis, ils n'allaient pas faire long feu face aux créatures de la Green Phoenix.

Stéphanie, elle, ne faisait guère attention à l'inquiétude ambiante, penchée sur Mathieu qui, en dépit de son épuisement, semblait avoir le regard fuyant, évitant de la regarder.

- Est-ce que ça va ? lui demanda-t-elle, inquiète, en posant sa main sur son épaule d'un geste maternel, les autres ? Ils ont bien pu rentrer ?

- Oui, affirma-t-il avec difficulté, incapable de dire un mot de plus, mais… Angel… On était si prêts…

Le ton de désespoir dans la voix de son ami fendit le cœur de la jeune fille. Il avait été à deux doigts de retrouver celui qu'il aimait, il avait même pu le revoir pour la première fois depuis des mois, confirmant qu'il était en vie ainsi. Son cerveau devait être en pleine ébullition à cet instant précis, incapable d'admettre tout ce qu'il venait de vivre. Il y avait trop à gérer d'un coup : la situation était clairement trop dure pour Mathieu.

Sans réfléchir, Stéphanie se jeta dans ses bras, l'étreignant avec plus de force encore que Jérémie lorsqu'il s'était sacrifié pour son ami. Ce dernier ne réagit pas face à l'étreinte, le regard toujours aussi vide.

- L'essentiel c'est que tu sois en vie, murmura l'adolescente en refusant de le lâcher, bouleversée, que vous soyez tous en vie ! Rien d'autre ne compte… J'ai eu si peur…

A cet instant, la plaque menant à l'étage supérieur coulissa dans le plafond, dévoilant le visage ravagé par l'inquiétude de Yumi, ses longs cheveux noirs dégringolant en cascade à travers la plaque.

Un sourire soulagé étira brièvement ses lèvres lorsqu'elle aperçut qu'Eva et Mathieu étaient sains et saufs dans les scanners avant de se figer de nouveau dans un masque sombre.

- Jérémie ? Stéphanie ? appela-t-elle, faisant lever la tête aux deux interpellés, Anthéa vous demande en haut ! La situation est en train de dégénérer sur Lyokô et elle a besoin de vous pour reboucher la Faille apparemment. Venez vite !

- Moi aussi ? s'étonna la gothique lolita en s'éloignant légèrement de Mathieu, le lâchant sous le coup de la surprise.

Jérémie avait déjà obtempéré, s'avança vers le monte-charge à l'autre bout de la pièce, ses jambes et ses bras encore trop faibles pour lui permettre de se hisser par l'échelle. Stéphanie hésita un bref instant, jetant un coup d'œil coupable en direction de son ami qui semblait plus perdu que jamais, resté recroquevillé au fond de son scanner. Elle avait des scrupules à l'abandonner ainsi dans un tel état, en la présence d'Eva qui plus était !

- Je reviens dans un instant, le rassura-t-elle avec un sourire avant de jeter un regard noir en direction de l'américaine, la mettant au défis de provoquer Mathieu d'une quelque façon que ce soit.

Interloquée, la jeune fille n'eut même pas le temps de répliquer que, déjà, Stéphanie disparaissait à l'intérieur du monte-charge, s'élevant avec Jérémie jusqu'à l'étage supérieur. Pour que se prenait cette imbécile à la toiser du regard de la sorte ? S'estimait-elle mieux qu'elle ?

Vexée, Eva se hissa hors de son scanner, les lèvres pincées. Elle n'avait pas l'intention de s'éterniser auprès de Mathieu de toute manière, mieux valait rejoindre l'étage supérieur à son tour dés que ses jambes le lui permettrait.

A l'intérieur de l'habitacle du monte-charge en pleine ascension vers la salle de contrôle du Supercalculateur, Jérémie dévisageait Stéphanie d'un air intrigué, adossé contre la paroi de bois.

La jeune fille, sentant son regard, finit par se retourner vers lui en haussant un sourcil.

- Quoi ? fit-elle, gênée par l'insistance du jeune homme.

Celui-ci hésita un instant avant de répondre :

- Ton attitude envers Eva, commenta-t-il, pourquoi ce regard noir avant de partir ? Qu'est-ce qu'elle t'a fait ?

Stéphanie cligna des yeux d'un air incrédule.

- Franchement, elle m'insupporte ! lâcha-t-elle contre toute attente, comme s'il s'était agi d'une évidence, autant j'adore Odd, autant elle je trouve que c'est une véritable peste ! Elle est constamment sur le dos de Mathieu pour des raisons vaseuses… Sans compter la manière dont elle a abandonné Aelita tout à l'heure ! Ça m'a vraiment choqué ! Pour tout te dire, je suis étonnée que vous ayez accepté une fille pareille dans votre groupe… Elle a tout d'une peste quoi !

- C'est plus compliqué que ça, grimaça Jérémie en guise de réponse, incapable de trouver un contre-argument. Après tout, lui aussi s'était senti profondément trahi par l'américaine lorsqu'elle avait préféré rentrer sur Lyokô plutôt que de tenter de venir en aide à Aelita.

Stéphanie se renfrogna, peu convaincue. Pour elle, rien ne pouvait excuser l'attitude de l'américaine.

A cet instant, la porte du monte-charge coulissa de nouveau avec fracas, le mécanisme libérant quelques étincelles de rouille, libérant le passage jusqu'à la Salle de Contrôle du Supercalculateur, où Yumi les attendait. Anthéa était assise devant ses écrans, tapotant nerveusement du doigt sur les accoudoirs de son fauteuil. Ses cernes s'étaient creusés à force d'inquiétude et, à la lueur verdâtre de la pièce, elle paraissait plus pâle et plus épuisée que jamais.

- Comment ça se présente sur Lyokô ? s'enquit Jérémie en s'avançant, encore un peu faible, soutenu par Yumi.

- Mal, répondit l'informaticienne de façon abrupte, pour le moment la Green Phoenix a épuisé trop de puissance à essayer de se débarrasser des autres sur Endo pour nous envoyer beaucoup de monstres mais cela ne serait tarder et je n'ai aucun moyen d'endiguer le flux d'ici sans Firewall ! Odd, Ulrich et Aelita font de leur mieux pour contenir les monstres mais aucun d'eux ne dépasse les 30 ou 40 Points de Vie !

- Mais il doit bien y avoir quelque chose à faire ! lâcha Stéphanie, inquiète, je veux dire… Vous êtes un véritable génie ! Vous avez bien du prévoir quelque chose ?

Anthéa eut un demi-sourire flatté face à l'appellation mais se ressaisit bien vite, l'air grave.

- C'est exact, approuva-t-elle, depuis plusieurs semaines, je travaille entre deux heures de boulot sur un nouveau pare-feu, une sorte de firewall évolutif qui se reprogrammerait de lui-même à chaque fois que la Green Phoenix parviendrait à le percer. Ainsi, leurs attaques ne dureraient pas suffisamment longtemps pour causer de dégâts.

- A quel stade en est ce programme ? questionna Jérémie en fronçant les sourcils, intéressé.

- En sautant toutes les phases de test, il ne me reste que les lignes de code finales à taper, répondit Anthéa, sans quitter l'écran des yeux, l'ennui c'est que la majeure partie du programme se trouve sur mon ordinateur personnel, dans mon appartement.

- C'est pour cela que vous vouliez nous voir ! comprit Stéphanie en relevant la tête, les yeux pétillants, vous voulez qu'on aille récupérer ce programme chez vous le plus vite possible ?

L'informaticienne aux longs cheveux roses approuva d'un signe de tête. Stéphanie n'attendit pas plus longtemps pour faire volte-face et se ruer vers le monte-charge, déterminée.

- Vous pouvez compter sur nous ! affirma-t-elle avec un sourire rayonnant, avec mon vélo on y sera en une dizaine de minutes seulement, essayez de tenir jusque là !

- Attends un peu…

Jérémie l'interrompit quelques secondes, le temps de farfouiller dans son sac, laissé contre le mur avant sa virtualisation, et d'en extraire une clef USB d'une taille conséquente.

- Avec ça je pourrais récupérer le programme, affirma-t-il en glissant l'ustensile dans sa poche, avant de rejoindre la jeune fille dans l'habitacle, à tout de suite !

Sans plus attendre, il pressa le bouton d'ascension et la porte du monte-charge se referma aussitôt, les happant jusqu'à l'extérieur de l'usine.

Yumi resta seule avec Anthéa, songeuse, son regard d'encre dans le vide, la furieuse sensation d'être inutile étreignant son cœur. N'y avait-il donc rien qu'elle puisse faire pour aider ses amis ? Mais voulait-elle seulement les aider… ? N'était-elle pas simplement trop effrayée pour continuer à se battre désormais aux côtés des autres ?

Depuis le rallumage du Supercalculateur, elle sentait avec plus de netteté que jamais à quel point le danger était partout autours de cette usine maudite. Ses amis avaient frôlés la mort plus d'une fois et elle commençait à peine à réaliser les conséquences de leurs choix, des années auparavant. La question était la suivante désormais : était-elle prête à assumer sa décision de rejoindre le groupe des Lyokô-guerriers jusqu'au bout ou bien la peur allait-elle finir par l'emporter, la poussant à prendre la fuite, à l'image de Jérémie quelques semaines plus tôt ?

En cet instant précis, alors que ses amis venaient tout juste de réchapper à une mort certaine, elle n'était plus sûre de rien.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:13   Sujet du message: Répondre en citant  
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Aelita, Odd et Ulrich courraient à perdre haleine sous le ciel nimbé de données de Lyokô. Au dessus d'eux, ondulant avec grâce, plus d'une quinzaine de Mantas les suivaient à la trace, se dirigeant à toute allure droit sur le centre de l'univers virtuel. Les Frôlions étaient déjà loin devant, commençant à canarder de lasers le dôme effondré sur lui-même.

- Ils sont trop rapides… jura Odd en décochant une nouvelle Flèche Laser qui rata sa cible de peu.

- Il faut à tout prix les empêcher d'atteindre le cœur ! surenchérit l'elfe aux cheveux roses, les dents serrés, sans ralentir l'allure, Ulrich, et ton Supersprint ?

- J'ai trop dépensé ma barre de pouvoir sur Endo, répliqua le samouraï qui, bien que privé de son énergie, distançait ses deux camarades d'une bonne foulée, le temps que ça se recharge, les Mantas auront déjà atteint le centre de Lyokô !

- Dans ce cas il faut trouver autre chose, pensa à haute voix la jeune fille, cogitant à toute allure, je vais tenter quelque chose !

Et, sans prévenir, l'adolescente effleura son bracelet-étoile, déployant ses ailes d'un rose luminescent dans son dos avant de s'élever dans les airs à toute vitesse, fusant le long du territoire en direction de la sphère centrale, distançant les Mantas en un clin d'œil.

Arrivée en face de l'immense dôme de cubes bleus, Aelita se posa de nouveau au sol, dédaignant les Frôlions qui, l'avisant, commencèrent à dévier leurs tirs dans sa direction.

Au lieu de prendre la peine de les parer, l'adolescente aux cheveux roses joignit ses mains dans une position de prière, ses yeux étincelant d'un vert chargé d'énergie. Aussitôt, un chant incantatoire s'éleva de nulle part à travers Lyokô, résonnant aux oreilles des Lyokô-guerriers comme à celles des monstres, les faisant se stopper net.

Dans un grésillement, un véritable mur d'énergie jaillit brusquement du sol aux pieds d'Aelita sous l'impulsion de la mélodie divine, s'étendant et s'élevant en forme circulaire en millier de pixels jusqu'à englober la totalité du dôme d'une paroi rose translucide, barrant la route aux Mantas juste avant qu'elles ne l'atteignent, l'emprisonnant elle et les Frôlions à l'intérieur.

La première créature volante rebondit littéralement contre le bouclier d'énergie nouvellement érigé, explosant sous l'impact, surprise. Dans un cri de frustration, ses condisciples se mirent à canarder le dôme rosâtre, nimbant sa surface de reflets rouges sans parvenir à en venir à bout pour autant.

Profitant de la diversion, Odd et Ulrich se précipitèrent devant Aelita, séparée d'eux par le bouclier, son image étrangement déformée à travers la surface rose du mur translucide.

- Ça va les retenir un moment ! leur cria-t-elle, sa voix à peine audible à travers le champ protecteur, comme passée à travers une vitre de verre, occupez-vous des Mantas ! Je me charge des Frôlions à l'intérieur tant que je peux…

- Aelita… ! protesta Odd, conscient que, pigée à l'intérieur de sa propre protection, son amie n'en avait que pour quelques instants face aux monstres ailés. La jeune fille eut un sourire.

- Faites vite ! intima-t-elle, résignée, tandis que des jets d'acide commençaient à pleuvoir dans sa direction, une fois dévirtualisée je ne suis pas sûre que mon dôme d'énergie tienne.

Et, sans un mot de plus, l'adolescente aux cheveux roses déploya ses ailes de nouveau et décolla au moment où un laser s'écrasait à ses pieds, fonçant en direction des Frôlions, Champs de Force aux poings, prête à en découdre. L'homme-félin numérique ne put que la regarder s'éloigner, impuissant de l'autre côté du bouclier.

Un bruit de ferraille lui fit brusquement tourner la tête. Ulrich s'était retourné vers les Mantas, katana dégainé. Il allait suivre les directives d'Aelita, quel que soit la situation, faisant preuve d'une foi aveugle, comme à son habitude. Odd ne put retenir un rictus.

- Comme au bon vieux temps, hein ? fit-il entre ses dents, faisant cliqueter sa patte en direction des monstres.

Le samouraï ne répondit rien, mais son sourire en disait long. D'un seul bond, les deux Lyokô-guerriers se jetèrent en direction des créatures volantes sous une pluie de tirs, prêts à s'épauler jusqu'au bout de leur ultime Point de Vie, aidant Aelita jusqu'au bout.


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La nuit était presque tombée sur la Ville de la Tour de Fer. Les lampadaires s'allumaient les uns après les autres, nimbant le ciel couvert d'une lueur orangée maladive.

Stéphanie esquissa un dérapage contrôlé avec son vélo, arrachant un cri de terreur à Jérémie, cramponné à son dos sur la selle passager. Une voiture qui les manqua de peu klaxonna violemment à leur passage mais la jeune fille n'y prit pas garde, ses interminables cheveux au vent fouettant le visage du blond aux lunettes.

D'un nouveau coup de guidon, elle s'engagea dans une nouvelle rue, pédalant à toute allure, zigzaguant entre les véhicules motorisés avec une aisance impressionnante.

- Tu vas nous tuer ! gémit Jérémie alors que l'adolescente grillait un nouveau feu rouge, manquant une fois de plus de se faire happer par le passage d'un véhicule.

- Il y a urgence, non ? répliqua-t-elle, le visage crispé de concentration, par où je passe après pour aller chez Anthéa ?

- Tourne à gauche au prochain carrefour, c'est le premier immeuble en face, répondit le jeune homme, résigné, raffermissant sa prise autours des hanches de la jeune fille dans une attitude crispée.

Celle-ci rougit violemment sous l'étreinte, peu habituée à une telle proximité de la part d'un homme, mais ne ralentit pas l'allure pour autant, gardant sa mission en tête avant tout.

Il ne fallut que quelques minutes à la jeune fille pour franchir les derniers mètres la séparant de la résidence peu accueillante des Stones : un sombre immeuble gris aux murs écaillés couverts de tags. Dans un ultime dérapage, Stéphanie freina devant l'édifice, faisant crisser les pneus de son vélo, miraculeusement intact.

Jérémie ne se fit pas prier pour descendre, les jambes flageolantes, une pâleur extrême sur son visage fin. La conduite de l'adolescente, associée à sa rematérialisation récente ne l'aidaient pas à contenir son envie de vomir.

Avisant un groupe de jeune au regard mauvais assis dans une cage d'escalier de secours non loin de là, Stéphanie prit le temps de cadenasser sa bécane avant de rejoindre un Jérémie haletant et soufflant sur le trottoir.

- On y va ? l'engagea-t-elle en désignant la porte vitrée de l'immeuble d'un geste.

Le jeune homme attendit que ses haut-le-cœur se soient quelque peu calmés avant d'acquiescer, lui emboîtant le pas.

Arrivée devant la serrure, Stéphanie fit mine de tirer une des épingles de son pull déchiré afin de la crocheter avant que Jérémie ne l'interrompe brusquement d'un regard dédaigneux, une clef en main.

- J'ai vécu chez elles pendant plusieurs jours avant d'intégrer Kadic de nouveau je te rappelle, se moqua-t-elle avant de déverrouiller la porte de l'immeuble, s'attirant un regard courroucé de la part de l'adolescente.

Le battant coulissa et les deux jeunes gens s'engagèrent à l'intérieur du hall poussiéreux, grimpant les escaliers aussitôt. Il n'y avait pas de temps à perdre ! Un nouveau tour de clef de Jérémie, et la porte des Stones se déverrouilla à son tour, dévoilant l'appartement à Stéphanie pour la première fois. La jeune fille s'avança lentement à l'intérieur, jetant un coup d'œil intéressé à la décoration tandis que Jérémie filait tout droit vers la chambre d'Anthéa, sans se laisser aller à la moindre forme de civilité.

- C'est la chambre d'Aelita ? questionna Stéphanie en ouvrant la porte d'une petite pièce, aux murs couverts de posters de groupes de musique, c'est la première fois que je la vois ! Plutôt cool !

- Ne touche à rien… fit la voix de Jérémie à travers la seconde chambre, comme un adulte réprimanderait un enfant.

L'adolescente, qui s'apprêtait à saisir une peluche en forme de petit elfe sur le lit de son amie aux cheveux roses, s'interrompit, grincheuse, avant de reprendre son exploration d'un œil curieux.

- Tu dormais où pendant que tu logeais chez elles ? demanda-t-elle à nouveau, choquée par la petite taille de l'appartement, pas dans la chambre d'Aelita quand même ?

- Bien sûr que non ! répliqua le jeune homme d'un ton acerbe, toujours sans prendre la peine de se déplacer, affairé à chercher le fichier dans l'ordinateur personnel d'Anthéa, j'avais droit au canapé dans la pièce principale.

- Je vois…

En ayant vu assez, Stéphanie quitta la minuscule chambre pour rejoindre le salon, s'intéressant cette fois-ci aux photos sur les murs. Une, en particulier, retint son attention.

- Cet homme avec les lunettes noires et le col roulé, fit-elle, retenant un frisson mal à l'aise face à l'aura impressionnante se dégageant du cliché, celui à côté d'Aelita enfant… Qui est-ce ?

Jérémie s'arrêta de taper quelques secondes sur son clavier, distrait.

- Franz Hopper bien sûr, répondit-il finalement depuis la chambre d'Anthéa, son père, connu à l'origine sous le nom de Waldo Schaeffer.

- Celui qui s'est sacrifié sur Lyokô ? s'étonna Stéphanie en se penchant de plus prêt sur le cliché jauni, un homme aussi imposant ? Il faisait un peu peur non… ?

- C'était un génie, protesta Jérémie d'un ton froid, en sortant de la pièce, sa clef USB à la main, faisant sursauter la jeune fille, un génie et l'homme le plus droit que j'ai jamais connu. Tu ne devrais pas parler du père d'Aelita de la sorte tu sais ?

Stéphanie baissa la tête d'un air coupable. Elle n'avait voulu offenser ni le jeune homme, ni son amie aux cheveux roses. Elle avait bien compris à quel point cet homme avait été important dans leur vie à tous. Après tout, c'était son ouvrage qui avait fini par les mener, Mathieu et elle, à vivre une aventure pareille auprès des autres Lyokô-guerriers.

- Peu importe, reprit Jérémie en agitant sa clef USB, j'ai le programme… On peut y aller !

- Déjà ? s'étonna Stéphanie, soulagée de pouvoir changer de conversation, laissant la photo derrière elle, tu n'as pas eu de soucis avec son mot de passe ?

- On se les est échangés quant on travaillait sur le programme d'infiltration de la Faille de Lyokô, expliqua l'adolescent en glissant l'appareil dans sa poche, c'était plus pratique pour s'échanger des données lorsqu'elle travaillait. Dépêchons-nous, les autres nous attendent à l'usine !

Se souvenant brusquement de Mathieu, laissé seul et désemparé dans la Salle des Scanners, Stéphanie se mit aussitôt en mouvement, précédant Jérémie dans la cage d'escalier, refermant au passage la porte de l'appartement des Stones sur eux. Il était temps de sauver Lyokô désormais !


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Dans le monde virtuel, la situation n'était guère brillante. Dépourvu de véhicule et armé d'un seul katana, Ulrich était bien incapable d'atteindre efficacement une quelconque Manta, parvenant tout juste à bloquer leurs tirs.

Odd était déjà plus efficace, mais ses Flèches Lasers s'épuisaient à vue d'œil et Anthéa, privée de puissance machine à cause de l'énergie pompée plus tôt par le Navskid, était incapable de leur apporter la moindre forme d'assistance. A ce train-là, ils n'allaient pas tenir longtemps !

- Je viens d'avoir Jérémie au téléphone, fit subitement l'informaticienne à travers son micro entre deux échangent de tirs, ils ont le programme ! Dans un instant je serai à même de bloquer la Faille ! Tenez bon encore quelques minutes !

- Enfin une bonne nouvelle ! ironisa le félin virtuel.

Ragaillardi par l'annonce, il parvint à ficher une de ses Fléchettes droit dans le symbole d'une Manta qui, volant un peu trop bas, n'eut d'autre choix que de se laisser transpercer sur le coup, explosant dans un joyeux concert de particules.

Au même instant, une brusque détonation retentit dans son dos, lui glaçant l'échine.

- Qu'est-ce que… !?

Comme un seul homme, Ulrich et Odd se tournèrent en direction de la sphère centrale. Sa protection rosée se fissurait sur toute sa surface à toute allure, prête à rompre.

- Qu'est-ce qui s'est passé !? s'exclama le samouraï virtuel en parant un laser d'un revers de lame, sans quitter le bouclier des yeux, Aelita !?

- Là ! s'écria le félin violet de son étrange voix aiguë, pointant du doigt une forme à travers le champ d'énergie.

Ulrich eut tout juste le temps de voir la silhouette de son amie chuter dans le vide, se décomposant en une centaine de pixels, avant que le bouclier n'implose brusquement en une infinité de particules roses, éblouissant les deux jeunes gens.

- Elle a été dévirtualisée, confirma Anthéa, bouleversée, je…

Un bruit de micro arraché retentit aux tympans des Lyokô-guerriers, les faisant grimacer. Les Mantas en profitèrent pour rejoindre les Frôlions restants, canardant la surface de la sphère central qui ne put que rompre sous leurs tirs combinés, libérant un passage au milieu de l'assemblage complexe de cubes.

- Les garçons ? fit la voix de Yumi au bout d'une fraction de seconde, incertaine, Anthéa est descendue en Salle des Scanners. Je pense qu'elle était inquiète pour sa fille.

- Ça peut se comprendre mais nous on a besoin de stopper les monstres avant qu'il ne soit trop tard pour le cœur de Lyokô ! ragea Ulrich, impuissant, où en est ma barre d'énergie ? J'ai besoin de mon Supersprint pour rejoindre l'ouverture dans le dôme !

Odd s'était déjà rué sur la paroi, l'escaladant à grand coup de griffe en direction du trou percé par les créatures de la Green Phoenix, un air déterminé sur le visage.

La japonaise mit quelques secondes de plus à répondre.

- Il ne te manque plus que quelques pourcents, un peu de patience. Odd s'occupe des monstres et le cœur a encore tous ses Boucliers de Protection d'après les écrans ! On a encore de la marge mais il faut agir vite.


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A l'instant précis où elle prononcer ces mots, la porte du monte-charge coulissa brusquement dans le dos de Yumi, dévoilant une Stéphanie hors d'haleine, adossée contre la paroi de bois. Eva, remontée de la Salle des Scanners depuis peu, eut un soupir faussement soulagée en la voyant.

- Enfin ! s'exclama la japonaise alors que Jérémie se ruait hors de l'habitacle, dégaina sa clef USB, la situation est critique sur Lyokô !

- J'ai fait…Aussi vite…Que j'ai pu ! haleta son amie à la longue couette brune avant de se laisser glisser au sol, proprement épuisée.

- Où est Anthéa ? s'enquit le jeune homme aux lunettes, insérant sa clef dans l'ordinateur d'un geste précis.

Yumi se laissa tomber du siège afin de laisser sa place au petit génie blond, les sourcils arqués en une expression inquiète.

- Elle est descendue en bas pour voir Aelita qui vient d'être dévirtualisée, résuma-t-elle, tu penses pouvoir enclencher le Firewall sans elle ?

Jérémie ne répondit rien, tiraillé par l'envie de se lancer à la suite de l'informaticienne afin de soutenir son ancienne petite amie. Se faisant violence, il parvint cependant à chasser la belle jeune fille aux cheveux roses de ses pensées, se concentrant sur son programme.

- Je m'y attelle de suite, fit-il finalement tandis qu'Eva se rapprochait de l'écran à son tour, en espérant y arriver à temps !


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Un panache de fumée s'éleva brusquement d'un scanner, noyant la salle sous la vapeur. Mathieu, toujours amorphe dans son coin, manqua de s'étouffer sur le coup.

Aelita eut à peine le temps de glisser des portes de son cylindre en suffoquant que sa mère fondit sur elle, l'étreignant entre ses bras de toutes ses forces.

Le souffle coupé, la jeune fille eut à peine la force de lever les bras pour répondre à l'étreinte d'Anthéa, tremblant de tous ses membres. Le contact de la peau et des vêtements de sa mère, après tout ce temps passé dans la froideur sans teinte et sans saveur du monde virtuel, lui paraissaient presque irréels désormais.

Sanglotant à moitié sous le coup des émotions trop longtemps refoulée, l'informaticienne ne put s'empêcher de passer sa main dans les cheveux de nouveau souples et longs de son unique enfant, les caressant du bout des doigts comme si elles avaient été séparées une centaine d'année.

Pendant le bref instant durant lequel Aelita s'était retrouvée prisonnière d'Endo, Anthéa s'était crue de retour à cette sombre période où, pendant plus de 10 ans, elle avait été maintenue éloignée d'elle, sans parvenir à avoir la moindre nouvelle. Pendant un moment, elle avait cru perdre sa fille, l'unique trésor de sa vie, de nouveau.

- Je vais bien, murmura l'adolescente, enfouie dans les bras de sa mère lorsque sa respiration eut retrouvé un rythme suffisamment descend pour lui permettre de parler, tout va bien maman… Tu as été formidable.

Face à cette ultime réplique, la jeune femme ne parvint pas à retenir ses larmes plus avant, les perles salés goûtant de ses yeux bleus jusqu'au visage en forme de cœur, si beau, de sa fille, se mêlant à celles, amères, de ses yeux d'émeraude.

Les deux femmes restèrent enlacées un long moment, profitant tout simplement de la présence de chacune, de la sensation d'être là l'une pour l'autre, se rassurant mutuellement dans ce lien si complexe les unissant à jamais, sans subir la moindre gêne face à la présence de Mathieu.

Celui-ci, honteux, détourna le regard, perdu dans ses sombres pensées dont personne ne se souciait en cet instant précis, trop heureux d'être en vie.


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- Où tu en es Jérémie ? questionna Eva d'un ton brusque, les yeux rivés sur l'écran, mon Odd ne va pas tenir longtemps à ce rythme !

Dédaignant l'américaine, le jeune homme se contenta de redoubler de vitesse à la surface de son clavier, les lignes de codes défilant à une allure impossible à suivre devant ses yeux.

Yumi s'était dirigée vers la cage d'ascenseur afin d'aider Stéphanie à se relever et à les rejoindre à l'intérieur du labo.

- J'y suis presque, siffla Jérémie entre ses dents tandis que les deux amies se glissaient à leur tour dans son dos, une ride soucieuse sur le front, plus que quelques calculs…

A cet instant, un bip tonitruant en direction du coin inférieur gauche de l'écran attira l'attention d'Eva. Avec horreur, celle-ci tourna ses yeux de cristal dans cette direction juste à temps pour voir la carte de son félin de petit-ami s'effacer et disparaître dans une ultime sonnerie.

- Odd a été dévirtualisé lui aussi ! s'écria-t-elle, vrillant les tympans de Jérémie juste à côté d'elle, je dois descendre l'accueillir !

Et, sans plus se soucier de ses camarades, elle se rua en direction de la trappe menant à la Salle des Scanners, sa robe fine voletant sur son passage. Stéphanie lui adressa un regard meurtrier dans le dos avant de se re-concentrer sur l'ouvrage du génie blond à l'écran, sourcils froncés.

- Ulrich va s'en sortir tout seul sur Lyokô ? s'enquit-elle, inquiète, il n'a qu'un katana non ? Ça ne risque pas de faire un peu juste face à des monstres volants ?

- Ne t'en fais pas pour lui, la rassura Yumi d'un air concentré, je l'ai déjà vu tenir dans des situations bien plus délicates : il y arrivera, je le sais !

Cependant, malgré son assurance, la japonaise ne put retenir une pointe d'inquiétude dans le son de sa voix. Savoir le samouraï seul dans ce monde virtuel empli de danger ne lui inspirait rien de bon, contrairement à ce qu'elle souhaitait laisser paraître.

Chassant son ex-petit-ami de sa tête, elle préféra suivre l'exemple de Stéphanie et se pencher à son tour sur le Firewall en cours d'activation. A sa grande surprise, elle constata que Jérémie avait interrompu son incessant ballet sur le clavier, la dernière ligne de code clignotant dans sa fenêtre face à lui, achevée.

- Fini ! lâcha le jeune homme d'un ton soulagé, se laissant tomber contre sa chaise, littéralement épuisé par les efforts mentaux et physiques qu'il avait fourni au cours des dernières minutes, pas le temps pour les tests maintenant… Reste à espérer que ni moi, ni Anthéa n'avons commis d'erreur !

Et, sans rien ajouter, il pressa du doigt la touche « Enter » du clavier. Une barre de chargement s'afficha, faisant retenir leur souffle aux trois adolescents présents dans la salle. C'était l'instant de vérité. Si le programme échouait, la Green Phoenix aurait alors le champ libre pour envahir Lyokô et ce n'était certainement pas Ulrich et ses maigres Points de Vie restant qui serait en mesure de se mettre en travers de leur route vers le Projet Carthage. De façon indiscernable, le rythme cardiaque des Lyokô-guerriers s'accéléra sous l'effet de la pression ambiante. Plus que quelques pourcentages et le résultat serait affiché…

Puis, enfin, Stéphanie poussa un soupir de soulagement, son cœur manquant un bond dans sa poitrine. A l'écran, face à eux, un énorme « plus » vert venait de se dessiner, tournant lentement sur lui-même.


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- Allez, allez…

Dans un rugissement de rage, Ulrich s'élança en avant, katana levé. Aussitôt, à sa grande satisfaction, une traînée de lueur or se dégagea de son talon, le propulsant littéralement en avant, lui conférant l'élan nécessaire afin d'escalader la paroi du dôme central de Lyokô. Son Supersprint était de retour ! Enfin une bonne nouvelle !

Parvenant jusqu'à l'ouverture créer par les monstres, le jeune homme s'y projeta d'un bond, pénétrant dans l'antichambre sombre et saccagée du Cœur de Lyokô, juste à temps pour voir Odd ployer sous les lasers des Mantas, s'effaçant dans un nuages de pixels blancs.

- Merde, jura le samouraï entre ses dents, atterrissant sur le cube le plus proche sortant du mur.

Les deux uniques Frôlions restant virèrent soudain de bord afin de se débarrasser de lui, lui barrant la route vers les Mantas qui, débarrassées du félin virtuel, s'étaient mises à canarder le cœur avec insistance, sphère blanche luminescente ornementé de l'ancien œil de XANA, imbriquée dans ses barrières de protection cubiques.

- Vous pouvez toujours courir pour m'avoir ! s'exclama le samouraï en parant les premiers lasers des insectes grotesques, déterminé.

Dans un salto arrière prodigieux, il prit appui sur la paroi dans son dos afin de se propulser littéralement dans les airs en direction des monstres, les tranchant d'un coup sec en tourbillonnant sur lui-même, ne laissant que deux explosions de particules rougeâtres sur sa trajectoire.

Poursuivant sur sa lancée, il se laissa tomber sur le dos de la Manta la plus proche qui, folle de rage face à ce passager inopinée, se mit à se cambrer dans tous les sens, tentant tant bien que mal de le désarçonner.

- Crève ! ragea le samouraï virtuel en la transperçant à son tour de sa lame, s'agrippant à sa surface de toutes ses forces.

Dans un gémissement à faire frémir, la créature volante implosa à son tour, le propulsant au sol. Une roulade lui permit de se réceptionner de façon impeccable.

Serrant les dents, il se retourna vers ses adversaires restant, prêt à en découdre. Aelita et Odd avaient bien déblayé le passage avant lui, si bien qu'il ne restait plus que deux pauvres Mantas dans les airs, voletant avec grâce autours du Cœur de Lyokô qu'elles s'affairaient à couvrir de lasers.

- Allez, venez me chercher ! les provoqua le jeune homme en sautillant sur place, agitant les bras.

A cet instant, un brusque détonation emplit tout le ciel de Lyokô, désarçonnant les monstres comme l'adolescent. Surpris, Ulrich tourna vivement la tête en direction de l'ouverture creusé dans la paroi de l'antichambre, donnant droit sur la Faille.

A sa surface, s'étaient mises à courir des centaines d'étincelles blanches, telles autant de gigantesques serpents de lumière, la forçant à régresser à l'intérieur de la Voûte Céleste à mesure qu'elle rougeoyait de plus belle, menaçant de cracher une nouvelle vague de monstres.

Puis, subitement il y eut une seconde détonation, suivi d'un véritable flash lumineux, éblouissant momentanément le samouraï. Lorsqu'il rouvrit les yeux, ce fut pour découvrir la Brèche enfermée de nouveau à l'intérieur des fameux cercles concentriques représentant le symbole de Lyokô. Le Firewall était de nouveau en place. Jérémie et Anthéa avaient réussi leur coup !

- Bien joué, souffla-t-il, une vague de soulagement l'envahissant brusquement.

Son euphorie fut de courte durée. En effet, un laser bien placé vint subitement le frapper à l'épaule, lui arrachant un cri de douleur. Les Mantas, furieuses, s'étaient brusquement retournées vers lui, bien décidées à l'éliminer, prenant ainsi leur revanche sur les Lyokô-guerriers.

Ulrich grimaça en levant son katana, les étincelles grésillant sur son épaule se rétractant peu à peu. Si ses calculs étaient exacts, il ne lui restait pas plus de dix Points de Vie : autrement dit, il n'avait plus droit à l'erreur ! C'était quitte ou double !

Dans un râle strident, la première Manta volante fondit sur lui, prête à le dévirtualisé. Le samouraï eut tout juste le temps de se baisser en levant son épée pour esquiver l'assaut, transperçant au passage la créature sur toute sa longueur. Celle-ci explosa aussitôt dans son dos, vaincu, le laissant seul face à sa congénère, son dernier adversaire.

« C'est maintenant que tout se joue », songea l'adolescent en plantant son regard chocolat concentré sur la Manta qui s'obstinait à voler à bonne distance de lui, se maintenant hors de portée.

Pendant un moment qui lui sembla durer une éternité, tous deux se jaugèrent, attendant que l'autre attaque le premier.

Puis, brusquement, la Manta effectua une embardée, échappant aux yeux d'Ulrich une fraction de seconde. Se fut suffisant pour lui permettre de décocher deux lasers dans sa direction, à une vitesse folle. Décontenancé, l'adolescent ne put que se prendre le premier en pleine poitrine.

- Non… murmura-t-il, hébété, en regardant son enveloppe virtuelle s'effacer sous ses yeux, noyée sous les pixels, non !

Dans un mouvement désespéré, Ulrich parvint à abattre sans katana dans les airs, fauchant le second laser au passage qui ricocha à la surface du métal, juste avant que son bras ne disparaisse à son tour.

Il eut tout juste le temps de voir le rayon rouge fusé en sens inverse jusqu'à venir frapper la Manta de plein fouet, la faisant exploser sur le coup, avant de quitter Lyokô définitivement, ne laissant derrière lui qu'une vague silhouette en fil de fer.


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Le silence l'enveloppa. Puis, soudain, une douleur cuisante se répandit dans tout son corps, comme soudain transpercé par une centaine d'aiguilles. Ses muscles, sa chair et sa peau se reconstituèrent dans une brûlure cuisante, arrachant un hurlement à sa bouche nouvellement reformée.

L'instant d'après, ses jambes se dérobaient sous ses pieds, et la porte de son scanner s'ouvrait dans un panache de fumée, le libérant dans le monde réel.

Haletant, Ulrich eut tout juste le temps d'agripper ses mains moites de sueur aux parois de l'engin avant de chuter au sol, tremblant de tous ses membres, gêné par son corps, plus large que sur Lyokô.

Son cerveau, encore confus par sa récente rematérialisation, avait du mal à remettre ses pensées en place. Que s'était-il passé ? Avait-il gagné ?

Puis, subitement, le souvenir de la Manta explosant sous le coup de son propre laser lui revint et un sourire triomphant lui étira les lèvres, malgré la douleur. Il avait réussi ! Le cœur de Lyokô était sain et sauf !

Parvenant à se reprendre légèrement, il releva la tête en direction de la Salle des Scanners pour découvrir un véritable cortège de personnes réunies face à lui, lui arrachant un haussement de sourcil surpris.

Odd, fraîchement rematérialisé lui aussi à en juger son teint pâle et ses doigts tremblants, embrassait avec une rare passion une Eva qui avait l'air d'avoir pris vingt ans tant elle semblait épuisée, ses cheveux blonds habituellement si impeccablement coiffés dans un désordre monstre.

Aelita et sa mère lui faisaient signe à l'autre bout de la pièce, dans les bras l'une de l'autre, visiblement incapables de se séparer. Stéphanie lui adressa également un sourire resplendissant, tenant par les épaules au Mathieu visiblement éperdu, son regard bleu perdu dans le vide.

Même Jérémie arborait un air satisfait en arrière plan, adossé contre les barreaux de l'échelle menant à la salle supérieure, dont il venait vraisemblablement de descendre.

Mais, ce qui retint véritablement son attention, fut le regard d'obsidienne empli de soulagement qui se planta subitement dans le sien, empli de larmes.

Yumi, ses traits fins et ses interminables cheveux de jais plus beaux que jamais à la lueur dorée de la salle, l'invita à sortir de son scanner d'une main fine, le visage rayonnant.

- Tu as été fantastique, murmura-t-elle, la voix chargée d'émotion, en l'étreignant à son tour.

Les pensées du jeune homme s'éteignirent lorsque la japonaise l'attira dans ses bras, se blottissant contre lui comme si elle ne voulait plus jamais le quitter. Il était en vie. Ils étaient tous en vie et, en cet instant précis, il peinait encore à réaliser à quel point cette situation tenait du miracle.

Oubliant toute retenue, Ulrich répondit à l'étreinte de son ex-petite-amie, se laissant brusquement aller à ses émotions, des larmes de soulagement et de peur refoulée coulant de ses yeux bruns sur le chemisier froissé de la jeune fille.

Son odeur lui parvint, véritable délice après ces heures passées dans un univers fade et sans saveur, celle de la rose la plus pure, que l'ont aurait entretenue avec le plus grand soin. Une odeur à vous faire perdre l'esprit.

Pas de doutes cette fois-ci, il était bel et bien vivant, et, jamais au grand jamais, il n'avait à ce point chéri cette sensation.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:13   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 37 :

Épisode 136 : Insomnies_



Ulrich traversa le couloir des dortoirs des garçons à pas feutrés, désireux de ne pas attirer l'attention d'un quelconque surveillant noctambule. A cette heure, aucune lueur ne filtrait des portes closes et une quiétude générale régnait sur Kadic, témoignant du sommeil chargé de rêves de ses étudiants.

Cette tranquillité ambiante avait le don d'apaiser le jeune homme qui prit le temps de s'attarder dans l'obscurité relative du couloir, flânant, la tête vide. Après ce qu'il venait de vivre, il n'avait plus la force de penser de toute manière.

Une gouttelette d'eau perla de ses cheveux bruns, venant s'écraser au sol dans un « ploc » à peine audible. A cette heure, recevoir de l'eau chaude dans les douches s'était révélé impossible mais cela n'avait pas empêché Ulrich de rester de longues minutes sous le jet d'eau glacé, à attendre que toute la tension accumulée dans son corps ne s'évapore.

Grelottant légèrement sous l'effet d'un courant d'air, l'adolescent pressa le pas jusqu'à la porte de sa chambre. Tout ce calme, cette absence de bruits et de mouvements lui paraissaient comme irréels. Comme s'il allait s'éveiller à tout instant et se retrouver de nouveau piégé sur Endo à risquer sa vie, sans être capable de protéger ses amis.

Le frisson qui le parcourut alors qu'il apposa sa main sur la poignée de sa porte n'eut rien à voir avec le froid. Il y avait des heures qu'il était rentré de l'usine, et pourtant il peinait toujours autant à réaliser qu'il était bien en vie et qu'aucun de ses camarades n'avait été blessé.

- Calme-toi, soupira-t-il en sentant son cœur s'emballer au souvenir de leur mission ratée, posant doucement sa tête contre le panneau de la porte, incapable de l'ouvrir, les paupières mi-closes dans une attitude méditative, tout va bien maintenant… Tout va bien.

II attendit que la vague de panique qui venait de le submerger de nouveau se disperse avant de finalement parvenir à faire tourner la poignée de ses doigts, débloquant le passage vers sa chambre. Une odeur de tabac lui parvint presque aussitôt, lui faisant froncer le nez.

Étonné, le jeune homme pénétra dans la pièce, prenant soin de refermer derrière lui. Celle-ci était plongée dans la pénombre mais il parvenait malgré tout à apercevoir la silhouette d'Odd se découpant à la lueur de la lune, assis sur le rebord de la fenêtre, une cigarette encore fumante à la main. Il s'était déshabillé et ne portait désormais plus qu'un caleçon mauve sous un débardeur noir. Malgré cela, il ne semblait pas ressentir le froid mordant de l'extérieur, ses yeux d'un gris perlé perdu dans la contemplation de la cour.

- Tu sais que si un pion te choppe en train de fumer dans les dortoirs à cette heure tu es fichu ? ironisa Ulrich en se laissant tomber sur son lit dans un soupir d'aise, courbaturé de partout suite à sa rematérialisation.

Son compagnon de chambre ne répondit rien, se contentant de porter à nouveau la cigarette à ses lèvres, inspirant une grande bouffée de fumée nocive, mais ô combien apaisante. Ses cheveux blonds teints, dépourvus de gel pour une fois, tombaient sur son front en mèches cassantes, trop longtemps malmenées par ses soins.

Ulrich prit quelques secondes pour le contempler, adossé contre le mur. Le jeune homme paraissait dans un autre monde, comme évadé de la réalité. Une attitude qu'il avait pris l'habitude de prendre lorsque le poids sur ses épaules lui paraissait brusquement trop grand. Plus d'une fois au collège le samouraï aux cheveux bruns l'avait surpris à zoner sur son lit, le visage dépourvu de toute expression, à des kilomètres du jeune homme insouciant et riant de bon cœur qu'il était habituellement. Il avait fini par apprendre, au fil du temps, à décrypter son comportement et il pouvait dire qu'en cet instant précis, de violentes tourmentes le déchiraient de l'intérieur.

Une grimace étira les lèvres d'Ulrich. Lui n'avait pas la chance de pouvoir s'évader dans son univers intérieur lorsque les choses devenaient trop difficiles à supporter. Quant il était à bout, il était obligé de laisser sortir ses sentiments, perdant ses nerfs et se montrant bougon, facilement irritable la plupart du temps. Qu'aurait-il donné pour avoir accès au self-control de son ami en cet instant ?

- Tu ne devais pas passer la nuit avec Eva ? s'enquit le jeune homme au bout d'un moment, rompant le silence, je pensais que tu aurais eu envie d'être auprès d'elle après tout ce qu'on vient de traverser…

Odd prit le temps de consumer les derniers millimètres de sa cigarette avant de répondre, jetant le mégot incandescent dans le vide en contrebas.

- Elle s'est endormie presque tout de suite, commenta-t-il d'une voix égale, un peu éraillée par la fumée, moi je ne pouvais pas… J'avais l'impression d'étouffer à côté d'elle, j'ai préféré lui laisser un peu d'espace. Pour une fois que ses cauchemars ne la tourmentent pas !

Ulrich hocha la tête, masquant sa frustration. Bien entendu, l'américaine n'avait pas de problèmes pour dormir, elle… Après tout, ce n'était pas elle qui avait choisi de risquer sa vie pour Aelita !

Penser à leur altercation avec la rockeuse virtuelle rappela soudain au jeune homme qu'il devait discuter de quelque chose avec son compagnon de chambre. Quelque chose qu'il soupçonnait depuis quelques temps sans se soucier de questionner Odd à ce propos pour autant. Cependant, après ce qui s'était passé sur Endo, mieux valait prendre les devants avant que de nouvelles tensions ne surgissent.

- Bon, lâcha-t-il, se décidant enfin, tu vas m'expliquer ce qui t'as pris tout à l'heure sur Endo ou tu comptes garder ça pour toi ?

- Pardon ? s'étonna Odd, sans comprendre où son compagnon de chambre voulait en venir.

Ulrich leva les yeux au ciel.

- Ton comportement envers Mathieu ! rappela-t-il, jusqu'à présent vous étiez genre super proches et tout à coup tu te mets à le frapper et à lui dire de se démerder pour Angel. C'était plutôt inhabituel de ta part ! Qu'est-ce qui t'as pris ?

Odd entrouvrit la bouche avant de la refermer, maussade, se retournant vers l'extérieur.

- Rien de spécial, fit-il, j'étais stressé, j'avais peur pour Eva, j'avais peur pour Aelita et lui ne pensait qu'à retrouver son précieux Angel qui n'en a rien à faire de lui ! J'en ai eu marre sur le coup, rien de plus.

- Il est amoureux de ce type, protesta Ulrich en haussant ses sourcils épais, tu aurais réagi comment à sa place si ça avait été Eva emprisonnée dans Endo ? Je le comprends personnellement… Même s'il a agi de façon égoïste, il était désespéré. Tu es sûr que c'est la vraie raison de ton énervement ?

Odd poussa un soupir, se plongeant dans un mutisme de nouveau, ignorant les paroles du jeune homme. Ulrich se redressa légèrement sur son lit, inquiet. Il fallait qu'il lui pose la question qui lui trottait dans la tête depuis plusieurs jours, c'était l'occasion ou jamais.

- Odd je vais te demander quelque chose et je ne le ferai qu'une seule fois, commença-t-il en détachant chaque mot, tendu. Son interlocutoire de crispa de façon imperceptible sur le rebord de la fenêtre, est-ce que tu éprouves des sentiments pour Mathieu ou pas ?

Il y eut un silence gêné. Puis, brusquement, l'adolescent aux cheveux blonds se fendit d'un rire jaune, dévisageant son compagnon de chambre comme s'il venait de sortir la pire énormité qui soit.

- Non mais ça ne va pas ? rit-il, c'est juste un ami que je veux protéger de lui-même ! Il en fait trop avec cet Angel à la con, ça va finir par le bouffer à force ! Et puis… C'est un mec quoi ! Il est peut-être gay lui mais ça ne change rien au fait que je sois hétéro et fier de l'être ! Demande à Eva pour vérifier !

L'adolescent eut un nouveau ricanement avant de se taire subitement, le regard dans le vide, dépourvu de toute étincelle d'amusement. Lentement, son sourire fana sur ses lèvres et le jeune homme se recroquevilla sur lui-même, sous le regard attristé de son ancien meilleur ami.

- Je ne sais pas… lança-t-il finalement, honnête envers ses sentiments pour la première fois, la voix tremblante, je ne sais plus… Je ne comprends pas ce qui m'arrive.

Ulrich inspira profondément. Il avait vu juste. Ce n'était pas le comportement d'Odd envers Mathieu qui lui avait mis la puce à l'oreille, mais plutôt un ensemble de petits choses qui avait commencé à s'accumuler depuis la fin de l'année de seconde, période à laquelle ils avaient cru en avoir finir pour de bon avec le Supercalculateur et la Green Phoenix. A commencé par une série de rumeur lancée par Sissi selon laquelle Eva était loin d'être satisfaite au lit avec son petit-ami. Il n'y avait guère fait attention sur le coup mais, au fur et à mesure, certains changements s'étaient imposés et il n'avait plus pu fermer les yeux.

Odd s'était progressivement éloigné de lui à partir de sa rupture avec Yumi en début d'année. Ils avaient cessés de suivre les mêmes horaires pour les douches et son compagnon de chambre avait petit à petit veillé à se trouver le moins possible en sa présence le soir, une fois la nuit tombée. Il comprenait désormais pourquoi.

- Odd, écoute-moi, fit-il en se levant pour rejoindre son ami, la tête plongée entre ses bras, le corps secoué de tremblements incontrôlables, est-ce que ce serait quelque chose de si grave que ça si tu étais homosexuel ? Tu penses vraiment que ça changerait quelque chose ?

- Mais je ne le suis pas ! protesta le jeune homme en se redressant brusquement, faisant sursauter son ami, je passais mon temps à draguer les filles au collège tu te souviens ? Et il y a Eva… Mais je ne comprends pas pourquoi, quand Mathieu est là j'ai constamment envie de le protéger, de le rassurer… Je ne peux pas supporter de le voir souffrir ! Et lui qui ne fait que parler d'Angel… Parfois j'ai vraiment l'impression…

- …De crever de jalousie quand il parle de lui ? compléta Ulrich à sa place, un air condescendant sur le visage, Odd… Tu as 16 ans maintenant, on n'est plus au collège. Tu sais faire la différence entre des sentiments véritables et des petites amourettes pour passer le temps, non ?

L'adolescent ne répondit rien une fois de plus, en proie à ses doutes. En cet instant précis, il ressentait avec plus de précision que jamais à quel point ces sentiments étaient confus. Qu'éprouvait-il réellement pour Mathieu ? Ulrich avait-il raison ? Y avait-il plus de la simple amitié derrière son attitude protectrice ? Il était incapable de le dire.

Ulrich eut une moue désolée. Il se sentait aussi dépassé par les événements que l'était son compagnon de chambre. Comment était-on supposer conseiller un ami en plein doute face à son orientation sexuelle ? Lui-même ne s'était jamais posé ce genre de question.

- Écoute, si tu veux en parler je suis là, d'accord ? insista-t-il en secouant légèrement l'épaule d'Odd d'un geste amical, de nouveau plongé dans sa morosité.

A sa grande surprise, le jeune homme le repoussa brutalement, son regard gris étincelant de colère dans le noir.

- Ça te va bien de dire ça maintenant ! siffla-t-il entre ses dents, la voix chargée de rage, désarçonnant Ulrich qui ne s'attendait pas à une telle agressivité.

- Qu'est-ce qui te prend ? s'étonna-t-il en fronçant les sourcils.

Odd dut faire un effort pour se contenir, se jetant en bas de la fenêtre afin de planter face à son compagnon de chambre. Ulrich fut surpris de constater à quel point son ami avait grandi au cours des derniers mois. Au collège, il n'avait jamais dépassé son épaule. Là, il n'avait même pas besoin de lever la tête pour le fusiller du regard.

- Où est-ce que tu étais en début d'année quand j'ai eu besoin de toi ? Cela fait des semaines qu'on se parle à peine ! Comment est-ce que tu peux agir avec autant de facilité, comme si rien ne s'était passé depuis l'extinction du Supercalculateur ? Comme si rien n'avait changé…

- Odd…

Mais la voix d'Ulrich ne suffit pas à couvrir celle de son compagnon de chambre, désormais hors de lui. Celui-ci se mit à faire les cents pas dans leur chambre, le visage déformé par le ressentiment.

- Tu te pointes auprès de nous après des mois à nous ignorer et à te pavaner comme un coq à Kadic au bras de Sissi ! Tu recommences à jouer les petits chefs sur Lyokô alors qu'il n'y a pas si longtemps tu nous avais tous laissés tomber ! Et par-dessus le marché tu viens me demander de te parler de mes problèmes ? Pour qui tu te prends au juste, espèce d'hypocrite !? Tu penses que je peux tout te pardonner aussi facilement… ?

Sa voix se fendit sur la fin de sa phrase. Soudain vidé de son énergie, Odd se laissa tomber sur son lit, les yeux emplis de tristesse nostalgique. Maintenant qu'il avait commencé, il devait sortir tout ce qu'il avait sur le cœur, même si cela devait blesser Ulrich. Ce dernier restait planté sur place, abasourdi par la diatribe cinglante de celui qu'il pensait être un ami, le visage indéchiffrable.

- Quand je suis arrivé à Kadic pour la première fois, évoqua Odd d'un ton sourd, je ne connaissais personne… Je n'avais pas d'amis, pas de choses à quoi me raccrocher à part mon chien, Kiwi. Mais par chance j'ai croisé ta route. On s'est retrouvé placés dans la même chambre et j'ai tout fait pour être ami avec toi. Parce qu'au fond de moi j'ai ressenti, dés la première seconde où je t'ai vu, que j'allais tenir à toi comme jamais… Et j'ai eu raison. Pendant quatre ans, quatre années fantastiques à me prendre pour un héros, à changer ma façon de voir les choses, j'ai pu te considérer comme un véritable ami… Non. Comme mon meilleur ami. Je savais que je pouvais me reposer sur toi dés que j'en ressentais le besoin et je voulais à tout prix que tu ressentes la même chose.

Brusquement, le regard du jeune homme s'assombrit et un rictus ironique étira ses lèvres fines. Ulrich resta silencieux, fauché par les paroles du jeune homme. Jamais il n'avait entendu Odd se confier à se point sur ses sentiments pour lui. Cela avait quelque chose de perturbant et également, d'une façon étrange, de chaleureux. Comme si, à chaque nouveau mot, à chaque nouvelle parole, il retrouvait un peu plus quelque chose qu'il avait perdu depuis longtemps.

- Et puis tout a changé en début d'année, souffla l'adolescent aux cheveux blonds, plus abattu que jamais, on a éteint le Supercalculateur et j'ai cru, pendant un instant de pure folie, que nos liens perdureraient malgré tout. Que notre amitié n'avait rien à voir avec Lyokô et que tu continuerais à m'apprécier même une fois nos aventures terminées. Quel imbécile j'ai été…

Dépité, Odd se prit la tête entre les mains, retenant ses larmes à grand peine, tremblant sous le coup des émotions trop longtemps accumulées qui ressortaient subitement face à Ulrich.

- Tu as rompu avec Yumi et, à partir de ce moment, j'ai commencé à ne plus te reconnaître, murmura-t-il incapable de reprendre le contrôle de ses nerfs, tu as commencé à sortir avec Sissi, cette fille que tu ne pouvais pas supporter depuis des années. Tu t'es mis à fréquenter ses potes, à te prendre pour un type « populaire », à jouer des muscles face aux plus jeunes… Du jour au lendemain, le garçon si droit, si fier que j'avais toujours admiré se transformait en un parfait inconnu. Et ce n'a pas été le seul changement, loin de ça. Yumi s'est plongée dans ses études après votre rupture, se coupant entièrement du reste du groupe. Aelita et Jérémie ont commencé à passer de plus en plus de temps ensembles, me délaissant totalement, niant tout ce qui était arrivé jusqu'à présent. Au final, je me suis retrouvé seul. En l'espace de quelques semaines, toutes mes certitudes se sont écroulées et j'ai perdu mon meilleur ami. Et je n'avais même plus Kiwi pour me tenir compagnie cette fois-ci… J'étais tellement seul…

Cette fois les larmes perlèrent de ses yeux, silencieuses, s'écrasant lourdement sur les draps, intarissables.

Les jambes coupées, Ulrich se laissa à son tour tomber sur son lit, profondément perturbé par le discours d'Odd. Une centaine de coups de poing de son ami n'auraient pas eu d'effet différent.

- Je… Je suis désolé, lâcha-t-il, soufflé, un atroce sentiment de culpabilité commençant à l'envahir, je n'avais pas conscience que tu ressentais tout ça… Si j'avais su…

- …Alors tu m'aurais parlé du divorce de tes parents ? compléta Odd d'un air sombre, s'attirant un regard surpris de la part du jeune homme, oui je suis au courant… Milly l'a entendu d'une amie de Sissi et m'en a fait le rapport, sinon je n'en aurais probablement rien su. Pourquoi tu ne m'as même pas parlé de ça ? Est-ce que je compte vraiment si peu que ça à tes yeux maintenant ? Tu ne me fais plus confiance… Ou tu n'as jamais cru en moi en temps qu'ami ? Toutes ces années côte à côte c'était du vent pour toi ?

Ulrich sentit son cœur s'alourdir subitement face à la révélation de son ami. Ainsi il était au courant de ses tourments familiaux ? Lui qui avait tout fait pour garder cela pour lui, n'en touchant mot qu'à Sissi, sa petite-amie en qui il avait fini par avoir une entière confiance, se retrouvait trahit par cette dernière. Comment avait-il lâché le morceau aussi facilement sur quelque chose d'aussi important ? S'il n'en avait même pas parlé à son compagnon de chambre, c'était pour une bonne raison : il n'était pas prêt à assumer cette vérité face à ses proches.

Cependant, face à la réaction d'Odd, le jeune homme commençait à regretter son choix. Pourquoi avait-il cru que sa petite-amie qu'il avait détesté pendant des années serait un meilleur soutient que le premier véritable ami qu'il ait eu à Kadic ? Que s'était-il passé entre temps ? C'était comme si, en éteignant le Supercalculateur, il avait éteint une partie de sa personnalité, celle qu'il avait mis tant d'années à forger lors de ses combats sur Lyokô. Odd avait-il raison dans ses reproches ? Tous ces liens qu'ils avaient tissés n'étaient-ils plus qu'un lointain souvenir ?

- Je suis désolé, ne put-il que répéter, incapable de trouver les mots qu'il fallait pour réconforter son ami, j'aurai du t'en parler. Il faut croire que j'ai été déboussolé par la fin de nos aventures… J'espère que tu pourras un jour me pardonner de t'avoir tourné le dos de la sorte !

L'adolescent aux cheveux blonds resta silencieux, les yeux rougis, recroquevillé sur son lit. Maintenant que ce qu'il avait sur le cœur depuis le début de l'année était sorti, il ne se sentait guère mieux, bien au contraire. Un grand vide régnait dans son esprit désormais. Malgré tous les reproches qu'il pouvait faire à Ulrich, lui-même avait changé, il s'en rendait compte désormais. Jamais, par le passé, il ne se serait laissé aller de la sorte, allant jusqu'à critiquer ouvertement la personne qu'il avait jadis considéré comme son meilleur ami. Un profond sentiment de culpabilité commença à s'insinuer dans son cœur.

- Tu n'y es pour rien, soupira-t-il, c'est moi qui aurait du agir. J'aurai du faire en sorte de conserver notre amitié plutôt que de me lamenter sur mon sors. Je crois que, d'une certaine façon, l'extinction du Supercalculateur a eu un effet négatif sur chacun d'entre nous. Regarde Jérémie…

Ulrich s'était relevé de son lit, une nuance triste dans le regard. Sans un mot, il vint s’asseoir à côté de son compagnon de chambre. Celui-ci ne le repoussa pas, trop épuisé par sa crise de colère pour se formaliser de cette soudaine proximité inattendue.

- C'est vrai, on a changé, approuva l'adolescent aux cheveux bruns, une nuance de nostalgie dans la voix, mais ce n'est pas une raison pour s'enfoncer dans nos erreurs. Le Supercalculateur est rallumé et, même si c'est quelque chose d'affreux, ça aura au moins le mérite de nous offrir une chance de nous rattraper pour cette année perdue. Tu ne penses pas ?

Odd hocha lentement la tête, pensif. Il n'avait pas vu les choses sous cet angle, trop occupé à reprocher à ses amis leur éloignement passé, mais ce que disait Ulrich était vrai. Petit à petit, les liens brisés entre eux se ressoudaient, se réparaient, comme une plaie longtemps laissée ouverte qui finissait finalement par cicatriser. Il y avait une belle ironie dans tout cela…

- Je veux que tu saches une chose en tout cas, reprit Ulrich, d'un ton plus affirmé, plantant son regard chocolat dans celui d'argent de son compagnon de chambre, à partir de maintenant tu peux de nouveau compter sur moi. Quoi qu'il t'arrive je te soutiendrais, comme avant. Que ce soit en rapport avec tes sentiments envers Mathieu ou pas ! Je veux que tu prennes bien conscience que tu peux te confier à moi autant que faire se peut, je serai toujours là pour t'épauler… En temps qu'ami de longue date.

Le visage d'Odd resta impassible mais, à la lueur de la lune, Ulrich crut décerner une étincelle de bonheur dans son regard. Une étincelle qu'il n'avait plus vue depuis des lustres dans ces deux orbes gris.

-Si c'est le cas, promets-moi en retour de me parler tout ce qui te préoccupe toi aussi, finit par répondre l'adolescent, un vague sourire au coin des lèvres, même si ça concerne tes parents. D'accord ?

- Ça marche, sourit le jeune homme.

Les deux compagnons de chambre s'échangèrent un regard complice, silencieux. Tout à coup, cette froide soirée d'avril leur paraissait à tous les deux plus légère et supportable que toutes celles qu'ils avaient pu vivre au cours des mois précédents.


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Aelita veillait, les bras croisés derrière sa nuque, le regard vide fixé sur les moulures du plafond de sa chambre. A sa surface, dansaient de temps à autre les lumières de phares des voitures circulant dans la nuit à l'extérieur, venant nimber le vert de ses yeux de nuances d'orange et de jaune.

Dans sa tête, inlassablement, la jeune fille ne cessait de se repasser les mêmes scènes. Cette silhouette luminescente encadrée par les racines d'une Tour Noir, ce jeune homme au regard d'or aussi incroyable que dénué d'expression, l'envoyant au tapis, l'arrivée du Gardien, le petit lutin qu'était devenu Jérémie se sacrifiant pour Mathieu, Mathieu perdant le contrôle de lui-même jusqu'à les abandonner…

Inspirant profondément, la jeune fille ferma ses paupières un court instant, le temps de tenter de chasser de ses pensées ces moments de peur et d'incertitude passés sur Endo, à la merci de la Green Phoenix, en vain. Pourquoi avait-il fallu qu'elle soit aussi inutile là-bas ? A cause de sa négligence, ses amis avaient manqués de laisser leur vie ! N'était-elle donc rien de plus qu'une frêle adolescente à protéger constamment, un poids pour ceux qu'elle aimait ?

Rouvrant les yeux, Aelita se redressa légèrement, repoussant ses draps inconfortables. Rien n'y faisait, elle ne parvenait pas à trouver le sommeil. A chaque fois, ses pensées la ramenaient involontairement vers les derniers événements, ajoutant à sa frustration. Ils avaient été si prêts du but l'espace d'un instant…

Serrant M. Pück, son éternelle peluche, entre ses doigts pâles, Aelita se surprit à songer à son père. Qu'aurait-il fait en cet instant précis s'il avait été toujours en vie ? Aurait-il trouvé un moyen de lui faire parvenir son soutient, sentant ses doutes, comme il l'avait toujours fait ? Elle était bien incapable de le dire…

- Tu me manques papa, murmura-t-elle en fixant le petit elfe rapiécé dans les deux billes lui servant d'yeux, le regard triste.

A cet instant, un vrombissement dans sa chambre la fit légèrement tressauter. Roulant sur le côté, elle fit glisser sa main du matelas jusqu'à son Blackberrie laissé au sol, affichant un nouveau message, sa lueur blafarde se reflétant dans l'obscurité de la pièce.

Aelita fronça ses fins sourcils roses en déchiffrant le nom de Jérémie à l'écran. Que pouvait bien lui vouloir son ex à une heure pareille ?

Ouvrant le SMS, elle se figea brusquement, effaré.

« Je suis devant chez toi, ouvre-moi s'il-te-plaît, je sais que tu ne dors pas. ».

Tel était le message du jeune homme. Clair et droit au but, comme à son habitude.

- Il n'est pas sérieux là… ? tempêta silencieusement Aelita en se redressant sur son lit, relisant le SMS plusieurs fois.

Quelle lubie pouvait bien passer par la tête de Jérémie pour venir lui rendre visite la nuit à une heure pareille ? D'autant plus aux vues de leur mésentente actuelle.

La jeune fille hésita un bref instant, son portable posé sur ses genoux. Devait-elle céder ? N'était-il pas plus sage de faire comprendre à son ex qu'il n'avait pas à lui imposer ses pulsions à un tel moment et qu'elle n'était pas à sa disposition ?

Mais finalement, un regard à M. Pück suffit à faire ressortir en elle un élan de nostalgie. Jamais elle n'aurait repoussé le jeune garçon aux cheveux blonds et aux épaisses lunettes qui avait su ravir son cœur par le passé. Même si lui avait changé depuis cette tendre époque, devait-elle en faire autant ? Ne pouvait-elle pas lui laisser une chance ? N'en avait-elle pas assez de se battre contre lui ?

Obtempérant, Aelita se leva de son lit, rejoignant la porte silencieusement avant de se glisser dans le couloir à pas feutrés. Aucune lumière ne filtrait de la chambre de sa mère elle devait déjà dormir depuis longtemps, épuisée par les émotions fortes de la journée.

Se faufilant à pas de loup jusqu'à la porte d'entrée de leur appartement, l'adolescente retint son souffle au moment d'abaisser le loquet, inquiète à l'idée de réveiller sa génitrice. Par chance, elle parvint à faire pivoter le battant sans qu'aucun son ne parvienne jusqu'à la chambre d'Anthéa.

Son cœur rata un battement lorsqu'elle aperçut Jérémie face à elle, bel et bien présent dans le couloir poussiéreux de l'immeuble, grelottant légèrement malgré le lourd manteau sur ses épaules. Malgré l'obscurité ambiante, Aelita crut déceler une once de détresse dans le regard du jeune homme.

- Tu es timbré… soupira-t-elle sans le laisser entrer, croisant les bras devant l'encadrure de la porte, je peux savoir ce qui te prends de venir ici à une heure pareille ?

- J'avais besoin de te parler… se justifia gauchement l'adolescent, son assurance arrogante habituelle curieusement estompée en cet instant précis, au sujet de ce qui s'est passé aujourd'hui sur Endo… C'est important, Aelita.

Le ton suppliant de Jérémie, associé à ses tremblements, achevèrent de faire vaciller les faibles déterminations de la jeune fille et celle-ci finit par s'écarter avec un soupir résigné, laissant entrer son ancien petit-ami à l'intérieur. Instinctivement, elle ne put s'empêcher de resserrer le col de son pyjama, cachant son corps à demi nu à celui qui avait partagé sa vie pendant si longtemps.

- Qu'est-ce que tu veux ? questionna-t-elle d'un ton abrupt en croisant les bras, fixant son regard vert acide sur Jérémie.

Celui-ci redressa ses lunettes sur son nez légèrement rougi par le froid, gêné. Aucun des deux ne prit la peine de quitter le hall.

- Il fallait qu'on discute de ce qui s'est passé aujourd'hui, sur Endo je veux dire, commença-t-il d'un ton hésitant. Aelita ne réagit pas, l'enjoignant à continuer, hum… Je me suis dit qu'il serait bien de mettre au point un plan d'action le plus tôt possible aux vues des dernières révélations.

- Un plan d'action… ? répéta l'adolescente, éberluée.

- Oui, reprit Jérémie sans lui laisser le temps de poursuivre, après ce qui s'est passé il me semble clair que la Green Phoenix ne maîtrise pas le concept de l'accès par la Mer Numérique et le Réseau, vu comment ils n'ont pas réussi à capter ni arrêter la présence du Navskid ou leur utilisation des anciens monstres sous-marins de XANA. Je pense qu'il faut exploiter cette faiblesse au plus vite et s'atteler à la reprogrammation du Skid sans plus tarder ! De plus, les limites de la virtualisation nous posent toujours problème, il va falloir trouver un moyen de contourner le problème afin que Yumi et Stéphanie puissent se battre et…

Une main se dressa brusquement devant lui, le faisant loucher et l'interrompant de concert. Aelita le fixait de ses yeux verts inquiets, les sourcils froncés en une expression incrédule.

- Attends un instant Jérémie, tu es vraiment venue me voir au beau milieu de la nuit pour me parler de nos stratégies d'action… ? Tu as vu l'heure qu'il est ? Tu penses vraiment que j'ai envie de parler de tout ça après la journée qu'on vient de subir ? Va droit au but et dis-moi vraiment ce que tu as en tête, s'il-te-plaît.

Son regard était intransigeant. Pendant un bref instant, Jérémie se prépara à répliquer. Puis, subitement, toutes ces résolutions, toutes ces barrières de protection qu'il avait forgé entre son cœur et la jeune fille volèrent en éclat et il s'effondra mentalement, incapable de lutter plus longtemps contre ce qu'il ressentait. Son changement d'attitude fut si brusque qu'Aelita esquissa un pas de recul, choqué. Pendant un instant, le masque de froideur et de distance qu'elle avait appris à connaître sur le visage de Jérémie avait vacillé, dévoilant de nouveau le jeune garçon effrayé et apeuré par ce qui l'entourait, désespérément seul, qu'elle avait connu il y avait de cela bien longtemps.

- J'ai eu peur pour toi, confessa-t-il, sa voix s'étouffant dans sa gorge sous le coup de l'afflux émotionnel le submergeant subitement, sur Endo je veux dire… Pendant un instant, j'ai cru que j'allais te perdre. Ça… A fait ressurgir des choses. J'avais besoin de te voir, ce soir. De me prouver que tu allais bien, que tu ne risquais plus rien… Tu comprends ?

Aelita ne répondit rien, l'expression sur son visage indéchiffrable. Voilà où ils en étaient au final ? Les masques tombaient et Jérémie se laissait aller, perdant de cette belle assurance feinte qu'il avait mis tant de temps à se construire. Au fond de sa poitrine, son cœur se serra face à la vision de ce bout d'homme éperdu, désespéré face à elle, mais son esprit s'enflamma de colère. Comment osait-il agir ainsi après tout ce qui avait été dit, tout ce qui avait été fait au cours des mois précédents ? Espérait-il réellement effacer ses erreurs d'un simple claquement de doigts ? Pensait-il que quelques pleurs suffiraient à l'attendrir ?

La jeune fille réalisa brusquement que, si Jérémie n'avait pas autant changé qu'elle l'avait cru, elle-même n'avait plus rien à voir avec la fille frêle et fragile qui était sortie de son scanner, les jambes vacillantes et déboussolée dans ce monde gigantesque et inconnu, 5 ans auparavant. Elle avait gagné en force et en maturité. Peut-être en froideur également, mais qu'importait ?

- Je veux juste te protéger Aelita, supplia Jérémie, au bord des larmes, je ne veux plus jamais te savoir dans un tel danger… Je regrette tellement, si tu savais…

Les mots sortir de la bouche de l'adolescente malgré elle, fusant droit sur celui qui avait tant compté pour elle autrefois, aiguisés et mortels.

- Jérémie, je ne suis plus cette fille qui avait besoin de toi en toute occasion, répliqua-t-elle d'un ton plus ferme qu'elle ne l'aurait souhaité, ébranlant son vis-à-vis, il est trop tard désormais, beaucoup trop tard… J'ai le pouvoir de me défendre seule, je n'ai pas besoin de toi, je suis désolée si cela te blesse mais il faut que tu m'oublies… Que tu oublies cette époque. Je ne suis plus la Aelita que tu as connu derrière ton écran, c'est fini. Je n'ai plus besoin de toi.

Le jeune homme recula de quelques pas, vacillant face à la violence des mots. Son dos maigre buta contre le battant de la porte, l'empêchant de s'effondrer.

- Il y a pourtant eu quelque chose entre nous, n'est-ce pas… ? bégaya-t-il, désespéré, tu as ressenti quelque chose pour moi… Ce n'était pas juste une illusion, hein ?

La jeune fille poussa un profond soupir. Les paroles du jeune homme s'emmêlait dans son cerveau, elle ne parvenait plus à réfléchir correctement. Elle avait sommeil, tellement sommeil… Elle voulait mettre fin à cette discussion déplaisante au plus vite.

- Rentre à Kadic Jérémie, fit-elle simplement d'un ton neutre, détournant le regard, il est tard et tu as besoin de repos… On en a tous besoin.

- Aelita…

- S'il-te-plaît.

L'adolescent entrouvrit la bouche avant de la refermer, ses doigts tremblants s'immobilisant doucement. Le message était passé. Il avait été idiot de venir jusqu'ici sur un coup de tête : il était clair désormais à ses yeux que ce que ressentait Aelita à son sujet n'avait plus rien à voir avec autrefois. Tout était fini, il l'avait perdu et pour de bon.

- Très bien, abdiqua-t-il, plus abattu que jamais en rouvrant la porte de l'appartement à tâtons dans son dos, s'engouffrant sur le pallier, bonne nuit Aelita.

- Bonne nuit, murmura-t-elle avant que le jeune homme ne disparaisse derrière le battant.

Une fraction de seconde avant qu'il ne s'efface, elle crut percevoir dans son regard bleu marine si profond une once d'une tristesse qu'elle ne lui avait jamais connue auparavant. Une tristesse inconsolable. Pour la première fois de sa vie, son esprit était totalement vide.

Sans réaliser où ses pas la menait, Aelita se retrouva dans sa chambre, adossée contre son mur, haletante, transpercée par une foultitude de sentiments indescriptibles. Comme si quelqu'un avait brusquement décidé de lacérer son cœur de l'intérieur encore et encore, jusqu'à le réduire en charpie. A l'instant où Jérémie avait disparu derrière la porte, elle avait eu la sensation qu'une part de son âme lui était arrachée pour partir avec son ancien petit-ami. Elle ne contrôlait plus rien désormais, ni son corps, ni son esprit.

Lentement, ses doigts s'animèrent d'eux-mêmes, faisant coulisser un tiroir de son bureau, en extirpant un petit rectangle de papier jauni par le temps. Elle se retrouva brusquement recroquevillée sur son lit sans avoir eu l'impression de s'y asseoir, à caresser du pouce son visage, rajeuni, souriant de toutes ses dents au Jérémie de l'époque à travers la photo. Mais, dans la pénombre, ce souvenir semblait s'effacer peu à peu à son regard, devenant de plus en plus fade.

Aelita ne pleura pas. Elle ne pouvait se le permettre, son choix avait été fait depuis longtemps. Sans un mot, sans un bruit, elle pressa les minuscules clichées contre son cœur, laissant peu à peu son esprit embrumé par la rude journée sombrer dans les méandres d'un sommeil où des rires d'enfants retentissaient à ses oreilles à travers la nuit étoilée.


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Les portes de verre du Majestic, le cinéma le plus affectionné des étudiants de la Ville de la Tour de Fer, coulissèrent silencieusement, laissant Stéphanie pénétrer à l'intérieur, son interminable couette brune flottant derrière elle dans l'air frais nocturne.

Les lumières vives du hall d'entrée aveuglèrent un instant la jeune fille qui du cligner des yeux plusieurs fois avant de s'habituer à l'ambiance chaleureuse du lieu. Quelques rares noctambules se pressaient encore contre les guichets, s'alignant sous les hauts panneaux indiquant les films à l'affiche. Quelques marches recouvertes de moquette pourpre menaient à un couloir au loin, où se trouvaient distributeurs et sièges confortables pour patienter.

Stéphanie n'eut pas à balayer la pièce bien longtemps avant de repérer Yumi, en tête de la file la plus courte. La jeune fille lui faisait signe, son lourd manteau ouvert dévoilant son chemisier blanc, ses longs cheveux de jais dégringolant dans son dos, la lumières des projecteurs éclairant la salle se reflétant à leur surface.

- Coucou ! fit l'adolescente aux étranges yeux violets avec un large sourire en rejoignant son amie, c'est sympa cette sortie nocturne au ciné entre filles ! Ça nous aidera bien à décompresser, bonne idée !

- Merci, lâcha Yumi en rosissant légèrement, je n'arrivais pas à dormir de toute façon, après une journée pareille…

- Idem, approuva Stéphanie en commençant à fouiller dans son sac, à la recherche de son portefeuille, et puis je suis trop en colère après Eva pour réussir à me reposer ! Cette peste m'a vraiment énervée avec son comportement…

Yumi se crispa un instant, scrutant la pièce du regard, effrayée à l'idée que l'on puisse épier leur conversation. Mais, en dehors d'elles, les rares visiteurs du cinéma semblaient tous peu enclin à les écouter et surtout pas assez nombreux pour représenter une menace : il fallait qu'elle se détende.

- Tu es peut-être un peu dure avec elle, non ? finit par répondre la japonaise, sans pour autant relâcher sa vigilance.

Cette réplique eu pour effet de lui attirer un regard choqué de la part de Stéphanie.

- « Dure » ? répéta-t-elle, incrédule, les yeux emplis de colère, elle a carrément abandonné tout le monde sur Endo, quitte à laisser crever Aelita ! Tu trouves ça normal, toi !?

- Baisse d'un ton, tu veux ? siffla Yumi entre ses dents, jetant des coups d'œil apeurés en direction des autres personnes de la file, je dis juste que la situation est plus complexe qu'elle en a l'air… Eva n'a pas la même perception des choses que nous dans ces aventures. C'est compliqué !

Stéphanie se renfrogna, une moue boudeuse sur les lèvres. La situation n'était pas aussi simple… Jérémie lui avait dit la même chose mais aucun des deux jeunes gens n'avait pris la peine de lui expliquer en quoi tout était si compliqué avec l'américaine.

Résignée, Yumi poussa un soupir, comprenant où voulait en venir son amie, avant de se lancer dans ses explications, baissant la voix jusqu'à ce qu'elle ne soit plus qu'un simple murmure :

- Eva n'a pas choisi de rejoindre notre groupe, contrairement à nous tous, expliqua-t-elle discrètement, elle a été possédée par XANA pendant quelques temps et s'est retrouvée embarquée dans cette histoire de dingue malgré elle. Au départ, son engagement auprès de nous ne tenait qu'à son désir de revanche envers l'intelligence artificielle qui avait pris le contrôle de son corps pendant si longtemps et contre sa volonté ! Mais maintenant que XANA n'est plus…

- … Eva ne se sent plus concernée, je comprends très bien, l'interrompit Stéphanie, dubitative, en croisant les bras, mais dans ce cas pourquoi rejoindre le combat de nouveau si elle s'en fiche ? Je pensais qu'elle ne voulait pas que quiconque subisse le même sort qu'elle et Angel en particulier !

- C'est probablement le cas, répondit la japonaise en avançant de quelques pas à mesure que la file d'attente s'étrécissait, ou en tout cas ça l'a été ! Mais je pense que sa tolérance et ses résolutions ont leurs limites malgré tout. Plus le temps avance et plus elle réalise à quelle point ce dans quoi elle s'est engagée peut lui coûter et plus ses idéaux vacillent. Le sauvetage d'Angel pèse bien peu face à sa propre vie au final, sans compter qu'elle n'a aucune affinité avec la plupart d'entre nous ! Pour ma part, je pense que tout ce qui la retient à notre mission désormais c'est son amour pour Odd, mais même celui-ci finira par avoir ses limites selon moi…

Stéphanie hocha la tête, pensive. Si ce que son amie venait de lui énoncer se tenait, le comportement d'Eva n'en demeurait pas moins inqualifiable à ses yeux. Elle qui était si éprise de justice et prête à tout pour aider ses amis, quitte à se sacrifier, avait du mal à se mettre à la place d'une personne aussi égocentrique, contrairement à son amie, plus empathique. Cette dernière fronça soudain ses fins sourcils noirs, une toute autre pensée lui traversant l'esprit :

- Ce qui m'inquiète plus que le comportement d'Eva c'est celui d'Anthéa, fit-elle remarquer plus pour elle-même qu'autre chose, le front plissé dans une attitude concentrée.

Surprise, Stéphanie l'interrogea du regard, l'enjoignant à poursuivre.

- Oui, expliqua Yumi plus avant, inquiète, tu te souviens de la facilité avec laquelle elle a réussi à trouver le code menant au cœur d'Endo ? C'était bien trop rapide pour être naturel selon moi… Comme si elle connaissait le code à l'avance !

- Qu'est-ce que tu insinues ? s'étonna son amie, les yeux écarquillés d'incrédulité, tu penses qu'elle en sait plus sur les agissements de la Green Phoenix qu'elle ne le laisse paraître ?

La japonaise hocha la tête en signe d'acquiescement avant de pousser plus loin sa réflexion, exposant clairement ses doutes :

- Il y a autre chose, fit-elle, toujours aussi pensive, tu te souviens de Mme. Hertz ? Notre ancienne professeure de Sciences ?

- Celle qui a été assassinée il n'y a pas longtemps et qui connaissait Anthéa depuis des années ? Bien sûr ! Comment l'oublier, répondit Stéphanie, déroutée, mais quel rapport avec l'affaire ?

Yumi marqua une pause avant de continuer :

- Tu te souviens qu'Aelita avait surprise sa mère en train de demander à Mme. Hertz de rechercher « quelque chose » qu'elle aurait perdu pour elle ? Etrange qu'elle se soit faite exécuter froidement seulement quelques jours après cette demande, n'est-ce pas… ? A mon avis ce « quelque chose » qu'Anthéa recherche a un rapport avec la Green Phoenix et Mme. Hertz avait mis le doigt sur quelque chose… Quelque chose qu'Anthéa nous cache.

Stéphanie plaqua la main sur sa bouche, horrifiée par la vérité qu'énonçait son amie.

- Mais… Mais dans ce cas… bredouilla-t-elle, confuse, pourquoi ne pas nous en faire part ? Quelles sont ses motivations ? Tu penses qu'elle a un lien avec la Green Phoenix d'une quelconque façon ?

- Je ne sais pas, admis l'adolescente aux cheveux d'ébène, mais il ne faut pas oublier qu'Anthéa a travaillé pendant plus de 10 ans pour la Green Phoenix en temps que « Memory »… Il est fort possible que certains détails nous échappent de cette époque. Quoi qu'il en soit, il y a de quoi se méfier selon moi.

Stéphanie approuva lentement, songeuse. Si ce que disait son amie était vrai, alors ils avaient tous du souci à se faire ! Mais comment soupçonner ainsi la mère d'Aelita sans preuve ? Elle qui avait tout fait pour sauver les Lyokô-guerriers lorsqu'ils s'étaient retrouvés piégés dans Endo qui plus était ?

Perdue dans ses réflexions, elle ne vit pas tout de suite Yumi se figer, le regard rivé sur un point derrière elle.

- Yumi ? fit-elle, soudain inquiète en voyant son amie se baisser brusquement, se dissimulant dans la foule, qu'est-ce qui t'arrive ?

- William… ! siffla-t-elle, le visage bloqué en une expression horrifiée, qu'est-ce qu'il fait là !?

Plissant les yeux, la jeune fille se retourna dans la direction pointée par sa japonaise d'amie pour découvrir effectivement le jeune homme planté au milieu du hall, sa veste de cuir boutonné jusqu'au col en raison du froid mordant extérieur, fixant d'un air nonchalant les films à l'affiche au dessus d'elles. A son tour, Stéphanie tenta de se faire discrète ce qui, étant donné sa maladresse naturelle, tenait plus du miracle qu'autre chose. Pour une raison qu'elle ignorait, la présence de l'ex de son amie la mettait mal à l'aise, sans doute en raison du souvenir de leur dernière altercation, encore frais dans son esprit.

- Tu veux qu'on aille à un autre ciné ? demanda-t-elle à l'adresse de Yumi, désireuse d'éviter une quelconque réminiscence de ce qui avait failli mettre fin à leur amitié naissance à l'époque.

La jeune fille secoua la tête, ses longs cheveux noirs suivant le mouvement de façon voluptueuse.

- Non, soupira-t-elle, je ne vais pas t'imposer ça juste à cause de mes histoires personnelles avec mon ex… Tout ira bien tant qu'on ne va pas lui parler !

Stéphanie approuva avant de se retourner le plus discrètement possible dans la direction de William. Celui-ci, n'ayant visiblement pas remarqué leur présence, achevait de payer sa place avec sa carte à une borne automatique.

- Il ne devrait pas être à l'internat ? questionna la jeune fille, curieuse, en le suivant des yeux jusqu'à ce qu'il disparaisse dans le couloir menant aux salles de projection.

Yumi, se détendant quelque peu une fois qu'il eut disparu, eut un geste négligeant.

- Il a du faire le mur, il a l'habitude de sortir le soir depuis le collège de toute façon, expliqua-t-elle, ça a toujours été dans sa nature d'être un peu rebelle sur les bords. L'enfermement ce n'est pas son truc !

- Ça a du être difficile pour lui quand XANA l'a capturé dans ce cas… ne put s'empêcher de lâcher Stéphanie, la phrase lui échappant.

Yumi se raidit légèrement. Ainsi son amie avait été même mise au courant de cela ?

- Ça a été difficile pour nous tous, rectifia-t-elle en avançant d'un rang de nouveau, et ça a surtout été de ma faute… C'est moi qui ait fait pencher la balance pour son intégration dans le groupe et au final ça a mal tourné. Si je m'en étais tenu à mon pressentiment d'origine, il ne ferait pas des cauchemars toutes les nuits désormais et ne serait pas torturé à ce point par le rallumage du Supercalculateur !

- Yumi…

La japonaise, éprise par un brusque sentiment de culpabilité ressurgissant par delà les années, secoua la tête de nouveau, se reprenant comme elle le pouvait. Leur tour de payer leur place face à la guichetière était venu de toute manière. Tout en sortant sa carte étudiante, Stéphanie ne put s'empêcher de dévisager son amie d'un air inquiet. Cette dernière se força à sourire.

- Oublie ce que je viens de dire, affirma-t-elle en saisissant les coupons cartonnés que lui tendait la femme de service, avec à peine un regard, ce soir on s'amuse ! On ne pense pas à la Green Phoenix ni à tout ce qui s'y rapproche.

- D'accord ! fit Stéphanie d'un ton rayonnant, attends-moi dans la salle, je vais nous prendre du pop-corn !

Tandis que Yumi s'exécutait, disparaissant derrière l'une des lourdes places du couloir, Stéphanie tourna les talons et s'engagea dans le passage opposé, sur les traces de l'endroit où avait disparu William, obéissant à une mystérieuse pulsion, son sourire fanant sur ses lèvres. Il y avait quelque chose qu'elle avait besoin de confirmer !

Comme elle s'y attendait, elle retrouva le jeune homme faisant la queue devant le distributeur de boissons, un air impatient sur le visage. Elle avait déjà remarqué à Kadic que son camarade de classe ne pouvait commencer une activité quelconque sans un bon Schweppes à l'orange !

Stéphanie déglutit alors que la dernière personne de la file s'effaçait, laissant la place à l'adolescent ténébreux. C'était le moment ou jamais !

- William ? osa-t-elle finalement l’interpeller, les mains moites.

L'angoisse faisait battre son cœur. Le jeune homme se raidit brusquement à l'entente de sa voix fluette, les doigts à quelques centimètres des numéros du distributeur. Lentement, il tourna la tête dans sa direction, la fusillant de ses yeux d'acier, visiblement peu satisfait de sa présence. Malgré son inquiétude, elle parvint à soutenir son regard.

- Minerve… marmonna-t-il en guise de salut, je suppose que Yumi est là aussi ?

- Exact, répondit la jeune fille, gênée, se dandinant sur place.

L'adolescent marqua une pause avant de soudain se détourner du distributeur, agacé.

- Je vois… Je n'aurai pas du venir ici ce soir, je vais retourner à Kadic je pense, bonne soirée ! balança-t-il en faisant mine de s'éclipser, contournant Stéphanie.

Sans réfléchir, celle-ci agrippa brusquement sa manche de ses ongles colorés, se mordant la lèvre inférieure au passage.

- Attends ! s'écria-t-elle, le stoppant dans sa course.

Interloqué, William fixa un instant la main menue de son interlocutrice refermée sur son bras, trop surpris pour tenter de se dégager.

- Lâche-moi, ordonna-t-il d'un ton glacial, sans obtenir la moindre réaction.

- Non ! protesta Stéphanie, raffermissant sa prise malgré ses tremblements, je veux te parler… S'il-te-plaît !

Pendant un instant, le regard empli de colère du jeune homme laissa penser à l'adolescente qu'il allait la repousser violemment, à l'instar de la façon dont il l'avait traité lors de leur première altercation. Puis, finalement et contre toute attente, son bras se détendit entre ses ongles et ses yeux se teintèrent d'une nuance agacée, certes, mais résignée.

- Tu as cinq minutes, annonça-t-il à sa plus grande joie, le visage neutre.

Nerveuse, Stéphanie commença par le libérer de son emprise, se dandinant sur place, gênée. Elle avait encore beaucoup de mal à cerner William et lui parler à cœur ouvert était un véritable exploit pour elle.

- Voilà, énonça-t-elle, cherchant ses mots, on n'a plus reparlé depuis notre… Altercation dirons-nous… Celle où je t'ai malencontreusement dévoilé que le Supercalculateur avait été rallumé. J'ai bien conscience que ce que je t'ai dit à ce moment là te tracasse encore aujourd'hui et je voulais savoir comment tu t'en sortais et si je pouvais faire quoi que ce soit pour me rattraper…

Décontenancé, William haussa un sourcil surpris. La jeune fille se sentait-elle réellement coupable de son état ? Il était vrai qu'il séchait de plus en plus de cours dernièrement et dormait de moins en moins bien depuis sa rupture avec Yumi, cependant il aurait pensé que Stéphanie en aurait été soulagée, après la façon dont il l'avait traitée…

- Ne t'en fais pas pour ça, tenta-t-il de la rassurer gauchement, c'est moi qui t'ai forcée à me révéler cette information… Je n'ai aucune raison d'en vouloir à quelqu'un si ce n'est à moi-même pour ma curiosité maladive. J'aurais mieux fait de t'écouter et de ne pas t'en demander plus, voilà tout.

- C'est si difficile que ça ? questionna l'adolescente à brûle-pourpoint, faisant se raidir son interlocuteur, savoir le Supercalculateur rallumé je veux dire… J'aimerai comprendre ce qui te préoccupe autant.

Le jeune homme fronça les sourcils, hésitant. Il connaissait à peine cette Stéphanie Minerve après tout, qui était-elle pour s'immiscer ainsi dans sa vie privée et tenter de comprendre ses tourments ? Son impudence l'agaçait franchement. Pourtant, au fond de son étrange regard aux reflets mauves, se dégageait quelque chose de chaleureux et de sincère : comme si elle ne cherchait rien de plus qu'une façon de lui venir en aide. Était-elle donc si naïve… ?

Cette attitude en était si désarmante que William se surprit à répondre avec la même sincérité que celle que le regard de la jeune fille lui renvoyait, laissant les mots couler de sa bouche sans parvenir à les stopper :

- Ce Lyokô… Cet univers qui semble tant exalter Yumi et les autres… Il est dangereux, affirma-t-il simplement, plus sombre que jamais, ils ne comprennent pas… Aucun d'entre eux ne comprend les risques qu'ils encourent et qu'ils font encourir aux autres ! Crois-moi je suis bien placé pour le savoir. Cet engin est un cauchemar ambulant, une abomination qui n'aurait jamais du voir le jour !

Stéphanie écarquilla les yeux de surprise. A la faible lueur du couloir, il lui semblait que le visage de William s'était durcit, comme en proie à de pénibles souvenirs.

- Moi j'ai trouvé ça fantastique ! répliqua-t-elle malgré elle avant de se reprendre, face au regard noir que lui adressa son vis-à-vis, je veux dire… Terrifiant oui, et dangereux c'est clair ! Mais être dans ce monde virtuel… Ça nous donne l'impression d'être quelqu'un, de pouvoir faire quelque chose pour une fois ! C'est proprement exaltant ! Je n'ai été virtualisée qu'une fois et pourtant c'était l'expérience la plus inoubliable de toute ma vie… Pour la première fois j'ai eu l'impression de servir à quelque chose… D'être à ma place au final.

William ne répondit rien, se contenant de fixer ce petit bout de femme au regard pétillant, imprégné de souvenirs de combat épiques. Un sourire de pitié s'inscrivit brièvement sur son visage. Elle ne réalisait pas encore ce à quoi elle renonçait en se lançant dans cette aventure. Mais pouvait-il la blâmer ? Lui-même n'avait fait ce lourd constat qu'après s'être laissé posséder pendant de longs mois, piégé dans les méandres de cet ordinateur quantique si captivant avec cette sensation de ne plus jamais pouvoir ne serait-ce qu'entrapercevoir la lumière d'un jour véritable. Il lui avait fallu tout perdre pour réaliser à quel point ce combat ne valait pas le prix à payer pour le mener. Cela, aucun autre Lyokô-guerrier n'avait eu à l'endurer.

- J'ai pensé comme toi lors de ma première virtualisation, admit-il finalement, s'aventurant sur un terrain de confessions qu'il n'avait jamais entreprit de parcourir jusqu'alors, pas même avec Yumi, je me sentais indestructible. J'étais celui qu'ils attendaient, les Lyokô-guerriers je veux dire. Celui qui allait changer la donne et faire pencher la balance en leur faveur. J'allais enfin prouver à Yumi et aux autres que j'étais digne de confiance et que je pouvais servir à quelque chose… Vois où ça m'a mené ?

Stéphanie ne trouva pas quoi répondre. Elle savait, par son amie japonaise et ses nouveaux compagnons d'arme, que le jeune homme avait perdu plusieurs mois de sa vie captif dans le Supercalculateur. Cependant, l'entendre en parler était une toute autre expérience que d'imaginer cette période. Le ton de souffrance véritable et de regrets dans sa voix était bouleversant pour elle. C'était plus que ce qu'elle pouvait supporter.

- Ce que Lyokô te donne, il te le reprend au centuple, poursuivit William, désespéré cette fois-ci, toute trace d'agressivité disparue dans sa voix, je ne m'en suis pas rendu compte à l'époque et il est trop tard pour les autres mais je peux au moins te mettre en garde toi. Laisse tomber cette bataille qui ne te concerne pas et fuit. Fuit tant qu'il en est encore temps. Ou tu risques de tout perdre : tes certitudes, tes amis… Ta vie. Comme moi je l'ai fait avant toi. Ça n'en vaut pas la peine, crois-moi !

L'adolescente resta silencieuse, les paroles de William ricochant lourdement dans sa tête. Ainsi il souffrait à ce point de cette expérience ? Cela expliquait son agressivité envers elle lorsqu'elle lui avait appris le rallumage du Supercalculateur. Non seulement il avait senti les fantômes de son passé ressurgir mais en plus il s'était projeté en elle et n'avait pas pu s'empêcher de craindre de voir son sort s'appliquer à des innocents. Elle ne pouvait que compatir et comprendre son sentiment.

Cependant, c'était sans compter sur son entêtement légendaire. Relevant la tête, l'adolescente planta son regard violacé dans les yeux sombres du jeune homme, le visage grave. Celui-ci haussa les sourcils, surpris par ce brusque changement d'attitude.

- Tu te trompes, lâcha-t-elle simplement, ça en vaut la peine. Si c'est pour protéger ceux qui nous sont chers et leur apporter notre aide alors ça vaut toutes les souffrances du monde.

L'image de Mathieu s'afficha alors dans son esprit et elle ne put retenir un sourire doux qui n'échappa pas à William, le décontenançant encore plus.

- Il y a un ami qui est impliqué dans cette histoire et que je veux accompagner dans cette épreuve à tout prix, poursuivit-elle d'un air songeur mais ferme, sans se défaire de son sourire, peut-être que cette bataille contre la Green Phoenix ne me concerne pas mais elle le concerne lui. En conséquent, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour l'aider, quel que soit le prix. Tant que je parviens à lui arracher un sourire, alors je serai pleinement satisfaite. Alors toutes les peurs, tous les tourments que j'aurais pu ressentir dans ce seul et unique but s'envoleront.

Elle inspira un grand coup, le cœur apaisé. Elle savait ce qu'elle disait. Rien au monde ne saurait lui apporter plus de joie que de savoir Mathieu heureux de nouveau, même si pour cela elle devait sacrifier jusqu'à la dernière parcelle d'espoir qu'elle possédait. C'était là, le véritable sens de l'amitié pour elle : être capable de se sacrifier pour l'autre, sans penser aux conséquences. Maintenant qu'elle tenait ce sentiment au creux de ses mains, pas seulement pour Mathieu mais également pour Yumi, et Aelita, Odd, et même pour ce bellâtre d'Ulrich, elle ne comptait pas le laisser s'échapper.

William resta interdit, désarmé par la soudaine sérénité qui venait de s'emparer de Stéphanie. Celle-ci leva les yeux vers lui et son regard, empli d'assurance, le transperça, achevant de faire voler en éclat ses ultimes certitudes.

- J'espère qu'un jour toi aussi tu comprendras tout ça, affirma-t-elle avec un léger sourire, qu'un jour, toi aussi tu trouveras une raison de te battre à nos côtés… Alors, je serai plus que ravie de te montrer le chemin pour oublier tes souvenirs douloureux si tu es d'accord.

- Pourquoi… ? bafouilla William, incapable d'aligner deux pensées cohérentes, je veux dire… Pourquoi tu te soucies tant de moi ? Qu'est-ce que ça t'apporte ? Mes problèmes ne te concernent pas… Tu devrais me haïr pour ce que je t'ai fait !

Un rire nerveux s'éleva des lèvres de l'adolescente.

- Disons qu'on se ressemble plus que tu ne le penses selon moi, lança-t-elle simplement, mystérieuse, tous les deux, on a rejoint cette aventure par choix, non pas par obligation ou parce qu'on était impliqués, contrairement aux autres. On l'a fait pour une personne chère à notre cœur, et pour se prouver quelque chose, rien de plus.

William hésita avant d'abdiquer, trop las pour se battre. La fatigue l'emportait sur son désir de sauver cette fille aux arguments massues. N'avait-elle donc rien de mieux que de bons sentiments à opposer à sa froide logique et à son expérience personnelle ? Pourtant cela suffisait à réduire en miette sa véhémence, pour un raison qui lui échappait encore… Au fond de lui, il sentait le doute poindre.

Mais qui était-elle donc, pour qu'une seule de ses paroles suffise à le faire réfléchir sur ces choses qu'il avait prises pour acquis depuis son retour sur Terre, deux ans auparavant, et qui le hantaient chaque nuit ?

- Tu as au moins raison sur un point, reconnut-il avec un sourire involontaire, on se ressemble : on est aussi têtu l'un que l'autre.

Les deux jeunes gens restèrent silencieux un instant, se dévisageant avec une curiosité nouvelle, se découvrant respectivement sous un autre jour. Pour la première fois depuis que l'adolescente accro aux mangas avait intégré Kadic, ils se découvraient la possibilité d'apprendre l'un sur l'autre.

- Tes cinq minutes sont écoulées, fit doucement remarquer Stéphanie, s'empourprant légèrement, la tension du moment retombant petit à petit.

William acquiesça sans pour autant la chasser. Lui qui n'avait qu'une envie cinq minutes auparavant : rester seul en se débarrassant d'elle, avait désormais du mal à mettre fin à leur discussion.

Ce fut finalement Stéphanie qui rompit le silence, se massant la nuque avec un petit rire gêné.

- Bref, lâcha-t-elle en balançant ses bras d'avant en arrière, désolée de t'avoir fait perdre ton temps ! Je te laisse tranquille, Yumi doit sûrement commencer à s'impatienter… Bonne fin de soirée !

- Oui… put simplement répondre William, toujours aussi décontenancé, alors que l'adolescente disparaissait déjà à l'autre bout du couloir, toi aussi…Merci.

Une fois hors de vue du jeune homme, Stéphanie se laissa glisser contre une porte, le cœur battant la chamade. Quelle était cette sensation qui étreignait sa poitrine douloureusement ? Sa discussion avec celui qui s'était un jour montré si violent envers elle l'avait-elle à ce point perturbé ?

Une seule chose était sûre : ses paroles l'avaient troublé autant que les siennes lui avaient permis de réfléchir, elle. Restait à observer son attitude dans les jours à suivre…

Curieusement légère, Stéphanie se redressa, le sourire aux lèvres, avant de rejoindre l'entrée de leur salle de cinéma où Yumi l'attendait, le regard impatient et les tickets en main.


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Dernière édition par Zéphyr le Sam 23 Avr 2016 15:15; édité 1 fois
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