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  Sujet: [One-shot] Artifices  
Pikamaniaque

Réponses: 5
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MessageForum: Fanfictions Code Lyoko   Posté le: Ven 01 Mar 2019 00:48   Sujet: [One-shot] Artifices
Bonsoir Leana,

Nouvelle année rime avec rentrée littéraire.
J’ai lu avec une certaine attention ta nouvelle, et elle raconte une belle histoire sur l’amitié. Les protagonistes, isolés les uns des autres, pensent encore beaucoup aux uns et aux autres, et le message d’Ulrich apparaît comme une lumière d’espoir des années après la fin de leurs aventures, des années après la fin de Code Lyokô.

Il est regrettable que tu n’aies pas précisé de bornes chronologiques à ton récit : j’ai du mal à estimer où ils en sont dans leur cursus respectif. Tout ceci nuit de manière claire et évidente à l’appropriation qu’on peut se faire des sentiments des lyokô-guerriers, parce que le lectorat auquel tu t’adresses, qui a grandi avec ces personnages, devraient pouvoir s’être senti vieilli au moins autant qu’eux. J’aimerais aussi te préciser que Violette Butterfly n’est pas un nom, cela fait plus pseudonyme d’artiste, ou pseudonyme pour adulte dans des médias qu’il ne convient pas d’évoquer ici.

Sur la forme, je ne le répéterais jamais assez, mais les dialogues s’introduisent avec des tirets cadratins « — » après le premier guillemet francophone et non avec des tirets demi-cadratins « – », cette erreur est d’autant plus lassante que je ne cesse de la répéter depuis 2012.
Sur le plan du style, il ne se passe pas grand-chose. La lenteur du récit n’est pas forcément désagréable, j’apprécie le fait que tu ailles à l’essentiel, sans nous tartiner des tonnes de textes pour expliciter des émotions complexes, baroques et incompréhensibles pour le lecteur. Cela donne une fluidité, qui s’acclimate bien de la focalisation interne-externe que tu fais de chaque personnage. Les ruptures de style, par exemple avec Ulrich qui se dit « Nuit de merde » rendent bien sur le résultat, et pour cela je te félicite aussi.

Sur le fond, je me demande toujours quelles ont été les motivations pour écrire ce texte. Cette histoire traîne, mais pourquoi ? Que raconte-t-elle ? Que vise-t-elle à faire ressentir, sinon de la nostalgie ? Est-ce un hommage ? Jusqu’où vont tes intentions en écrivant cela ? Je trouve que ce n’est pas explicite, et que la nature synthétique de la nouvelle ne permet pas de la développer au prorata de son potentiel. Tu vises à nous distraire quelques minutes, mais tu aurais pu faire tellement plus, qu’on reste avec l’envie de voir si cela va déboucher sur autre chose ou si ce message est simplement une bouteille à la mer, ce que je trouverais dommage personnellement.
À propos des personnages, la réhabilitation de chaque personnage est bien menée, notamment Sissi. Il n’était cependant pas nécessaire de l’associer à une histoire aussi triste qu’une mère renversée par sa faute un soir de réveillon pour lui donner de la profondeur. Je trouve que cela donne un côté edgy au texte et que ça l’affaiblit de sa puissance dramatique, ce qui, tu en conviendras, est pour le moins dommage.
L’éloge de la banalité de la vie et des amitiés qui se font et se défont tient une place prépondérante dans ce que tu présentes ce soir : la dénotation de l’événement exceptionnel vécu par Sissi n’est donc pas bienvenue à mon sens. Par ailleurs, si je peux me permettre une remarque, qui peut être assez fou hormis des scandinaves pour se baigner dans un lac en pleine nuit le soir du Réveillon ? Nul doute que ce passage peut trouver sa place dans ta nouvelle mais cela m’a surpris. Dans les séries télévisées, on tend à montrer des personnages avec des habits légers dans des climats extrêmes, s’ils ne veulent pas mourir d’hypothermie, ils feraient mieux de ne pas y rester longtemps.

Ultimement, la nouvelle que tu proposes est donc plutôt bonne dans l’ensemble. Pour moi, en tant que lecteur, je trouve qu’elle n’a rien d’exceptionnel : comme je te le disais, je pense que tu aurais pu faire mieux, et rehausser tes ambitions, d’autant que tes compétences littéraires ne sont pas questionnées ici. Peut-être, cependant, qu’à l’image de la banalité tranquille des années qui passent et des amitiés qui se distordent, tu as voulu nous montrer qu’avec le temps, le talent se délitait et se perdait.

Voilà pourquoi je pense que si cette nouvelle n’est pas dégueulasse comme dirait Icer, elle aurait mérité peut-être un questionnement plus important sur les raisons qui concourent à son écriture. Ce n’est pas tout d’écrire pour distraire ! Le Pôle a toujours encouragé les auteurs à se surpasser. C’est pour cela que par rapport aux attentes que l’on peut se faire sur Leana, si j’en crois les avis laissés par ton lectorat et le Pôle par le passé, tout ceci n’est pas au niveau.
Rassure-toi cependant, c’est plus qu’acceptable et c’est une jolie petite histoire. Moi, je suis seulement là pour t'encourager à faire mieux. Le matériau de base est bon.
  Sujet: [Fanfic] CharmingMagician.exe  
Pikamaniaque

Réponses: 23
Vus: 42093

MessageForum: Fanfictions Code Lyoko   Posté le: Sam 26 Mai 2018 16:32   Sujet: [Fanfic] CharmingMagician.exe
https://i.imgur.com/4GdVn7r.png

Que le spectacle commence.
  Sujet: [Fanfic] Bataille pour l'espoir  
Pikamaniaque

Réponses: 205
Vus: 261646

MessageForum: Fanfictions Code Lyoko   Posté le: Sam 26 Mai 2018 16:32   Sujet: [Fanfic] Bataille pour l'espoir
https://i.imgur.com/4GdVn7r.png

Que le spectacle commence.
  Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance  
Pikamaniaque

Réponses: 50
Vus: 78440

MessageForum: Fanfictions Code Lyoko   Posté le: Sam 26 Mai 2018 16:30   Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance
    ***

    Le Hall de Sécurité, Thiercelieux. Crépuscule du dernier jour.

    Lorsqu’Alexandre Schwartz arriva dans la pièce centrale du Hall de Sécurité, il trouva Anselm Dubois, prostrée contre le poste de contrôle. Elle pleurait toutes les larmes de son corps. Elle tremblait, convulsait, et Gabriel, qui se tenait près d’elle, tentait de la tenir et de la raisonner. L’ambiance était apocalyptique. Un puissant séisme avait ravagé le laboratoire, lequel empêchait quiconque d’entrer ou de sortir.
    « Oh, Alexandre, tu es enfin là ! » S’exclama le canadien, lorsqu’il le vit depuis le couloir menant au calculateur quantique. Ce dernier ne répondit rien. Il s’imprégnait de la malveillance qui se manifestait dans chaque atome de ce lieu. Avant, elle était si puissante qu’il pouvait la sentir sans maîtriser le dernier pilier des Gardiens. Dorénavant, à la manière d’un être humain plongé la tête la première dans les égouts, cette puanteur lui prenait au nez et lui donnait la nausée. Par la suite, il vit la rouquine. Il n’y avait rien au fond d’elle. Il s’agissait d’une création de Dimensio, probablement un Enfant Perdu qu’il avait modelé comme un être humain au cœur de cette bulle virtuelle. Elle ne représentait rien, sinon la perversion du Fléau dont la fuite était imminente. « Alexandre ! Ce qui se passe ici est incontrôlable ! » S’exclama Oswald. Cela tira son interlocuteur de sa torpeur. « Nous sommes coincés dans le Hall de Sécurité. On ne peut plus sortir, et Samuel… Samuel… Il s’est enfui. Il s’est matérialisé quelque part avec le calculateur, il l’a détruit en partant. On ne peut plus l’utiliser, on ne peut plus lancer de retour vers le passé, on ne peut plus rien faire, merde ! ».
    Pauvre Gardien. Même s’il n’affichait aucune émotion sur son visage, il se sentait probablement défaillir au fond de lui-même. Dans cet univers qu’il ne contrôlait pas, pensait-il pouvoir encore le tenir à distance ?

    « Ce n’est pas tout. Il a volé tous les documents que j’avais avec moi au moment où je suis arrivé ici. Il m’a dépossédé de tout ce que j’avais.
    — Cela n’a aucune importance, Gabriel. Il les a probablement copiés dès la première fois que tu as pénétré dans ce lieu et que tu les as laissés sans surveillance. » Répondit le garçon à la veste de marin, l’air dépité. « Cela signifie juste qu’il veut faire savoir qu’il a volé tes documents.
    — Mais… pourquoi… à quel but ? Interrogea le dernier espoir de l’humanité, dans l’incompréhension la plus profonde.
    — Samuel a prétendu m’avoir rencontré en cet endroit, lors du tout premier cycle réalisé par Dimensio. C’était un mensonge que nous n’avons pas vu venir, parce que je pouvais simplement supposer que cela surviendrait plus tard dans ma ligne temporelle, comme ma rencontre avec Florent à l’asile. Ce garçon était en fait un alias de Dimensio, celui que je cherchais depuis le début en arrivant au sommet de la tour d’astronomie, lors du quatrième cycle.
    — J’aurais jamais dû… tout est de ma faute… Je lui ai fait confiance. » Geint soudain Anselm, en tremblant. Grayson adressa un regard au Gardien de l’Équilibre. Il lui avait tout dit. Elle savait pour le monde virtuel, pour le théâtre de marionnettes. Elle n’avait juste, pas encore réalisé sa propre nature.

    « L’équilibre des forces a été rompu. Le vortex est sur le point de s’ouvrir, et nous ne pouvons rien faire pour l’arrêter. Le retour dans le passé que j’ai lancé était simplement le fruit de ma volonté, mais la volonté du Fléau surpasse maintenant celle de toutes les autres. » Il marqua une pause. « Je reconnais mon échec. Samuel s’est enfui, probablement vers ton univers, et il va faire en sorte que tout se produise. Je connais moi aussi ton histoire Gabriel. Le scénario que je redoutais le plus est en train d’arriver. ».

    Sur ces mots, un nouveau séisme d’une violence inouïe provoqua de puissants éboulements partout à travers le Hall de Sécurité. Gabriel protégea Anselm du mieux qu’il put, tandis qu’Alexandre, lui, ne bisqua pas d’un iota.
    « Tout n’est pas clair dans le plan de Dimensio. Il manque encore une zone d’ombre qu’il se fera un plaisir de nous expliquer. Gabriel, nous avons toi et moi rendez-vous au sommet de la tour d’astronomie. Le jeune homme rouvrit les yeux.
    « Et comment est-ce que l’on va sortir d’ici ?
    — Gabriel Oswald, il n’y a rien ici. » Il frappa violemment dans ses mains. L’espace d’une seconde, l’humain vit la neige à perte de vue, et remarqua que sous son corps se trouvait un Enfant Perdu, vêtu de son sempiternel masque à gaz. Cette vision d’horreur le fit se reculer, jusqu’au moment où il aperçut une tour s’élever au loin. Le froid glacial ne dura pas, et ils retournèrent au siège de la Desmose.
    « Qu’est-ce… Qu’est-ce que c’était ?
    — Ce qu’est vraiment Thiercelieux, une illusion. Rien de tout ceci n’existe, pas plus que les obstacles qui se dressent sur notre chemin, pas plus que cette créature que tu tiens dans tes bras. » Fit-il en désignant Anselm avec mépris. Sans un mot de plus, il se dirigea vers la sortie. Lentement, il commença à traverser les décombres. Le terrien se releva, abasourdi. Il regarda l’adolescente, laquelle lui adressa un regard implorant.

    « Qui… Qui suis-je ? Que suis-je… ? » Se lamenta-t-elle. « Tout le monde m’a abandonné. Je ne suis plus rien. Je ne suis même pas réel. » Bredouilla-t-elle, traumatisée. Un éclair d’énergie blanche la transperça. Il mit à bas son apparence, et la fit fondre de douleur dans d’atroces hurlements.
    « Non ! » Hurla Gabriel instinctivement, mais une puissante énergie l’empêcha de se mouvoir. Au fond, cela traduisait l’affection qu’il avait eue pour cette fille.
    « Dimensio est capable de lire dans l’esprit de chaque Enfant Perdu. La laisser près de nous, c’est l’occasion pour lui de se délecter de ton désespoir. Toi et moi sommes les derniers êtres humains vivants en ce lieu. Les autres n’existent pas. » Affirma le Héros de Légende, avec beaucoup de solennité. Il tendit la main, et invita Oswald à le rejoindre, lequel se racla la gorge et pris sur lui. Après tout, ce n’était pas la première personne qu’il perdait dans la vie. Il était impressionnant de voir comme tout avait changé depuis qu’il était arrivé ici. Une curieuse impression continuait de vivre au fond de lui.

    Avenue du Général Underwood, Thiercelieux. Nuit du dernier jour.

    Jamais personne n’avait pu voir Thiercelieux au plus proche de l’Apocalypse. La nuit du dernier jour recelait le pire de ce qu’un humain pouvait voir. Des hordes d’araignées géantes massacraient le tout-venant. Des dragons détruisaient les bâtiments. Des hordes de démons violaient les habitants, les tuaient, les éventraient. Ce spectacle aurait suffi à terroriser n’importe qui pour toute sa vie, mais lui, Alexandre, restait imperturbable. Gabriel aussi, mais pour d’autres raisons. Il s’était habitué à voir le pire, il n’avait peur de rien. Il connaissait trop bien les films d’horreurs pour cela. Il s’agissait de ses Disneys à lui.

    « Rien de ce que tu vois n’est réel. » Ajouta le Gardien, alors qu’ils marchaient vers la tour d’astronomie. « On finirait par y croire tant c’est fourni de réalisme, mais Dimensio n’a rien inventé. Il connait juste trop bien l’être humain pour savoir comment lui faire peur, et n’importe qui finirait par y croire, rendant ses créatures réelles. » Il marqua une pause, une gargouille se tenait devant lui, prêt à le frapper. « Pourtant, regarde. » D’un geste de main, celle-ci explosa en un million de pixels. « Ils ne sont rien. Ils n’ont jamais été rien d’autres que les délires cognitifs de ton esprit, et des Enfants Perdus qu’il a piégés ici. » Cette remarque suscita beaucoup de réflexion au sein du vingtenaire. Le monstre des cachots n’existait pas, celui qui avait failli les tuer au fond des geôles du Palais Municipal, et qui lui avait fait rejoindre le clan Underwood non plus. Toutes les horreurs rencontrées au sein de cet endroit, lors de la cérémonie, lors du combat à la Tour Tykogi, ou même lorsqu’il arriva ici, et que cette ordure de Samuel lui montra le Dr. Héloïse Leroy alors qu’ils arrivaient au Hall de Sécurité pour la première fois, rien de tout ceci n’avait jamais existé.
    « Il est donc fort probable que ce soit Samuel qui ait crevé les yeux d’Underwood et l’ait rendu aveugle après le fiasco de la cérémonie. N’est-ce pas ?
    — Absolument. Il a provoqué une détresse si extrême qu’elle m’a ramené ici, par le plus long chemin. » Commenta-t-il en réponse à sa question. Un nouveau séisme vit s’effondrer la plupart des bâtiments encore debout, à l’exception de la tour d’astronomie que l’on voyait encore scintillante ans cet océan de chaos. Plus loin, des édifices commençaient, eux aussi, à se décomposer, aspirés par le vortex qui n’avait jamais eu l’air aussi menaçant qu’en cet instant.

    « Je connais ce vortex. » Affirma Gabriel Oswald. « Plus j’y réfléchis, plus je trouve qu’il ressemble à celui que Jérémie Belpois décrivait avec Aelita dans les boîtes noires de la Grande Arche. » Le canadien se perdait dans ses pensées. Il sentit une culpabilité commençait à l’envahir, pour tout ce qui se produisait en ces lieux.
    « Nous y sommes enfin. » L’interrompit Schwartz, la voix neutre, lequel avait pourtant été très attentif. Ils se tenaient à la base de la tour d’astronomie, au centre de laquelle se trouvait la salle de l’hypercalculateur, traditionnellement verrouillée. « Nous allons d’abord nous arrêter au siège de l’hypercalculateur. Il y a une dernière chose que je dois faire là-bas avant de mettre un terme à cette histoire.
    — Tu penses que c’est la fin ? Interrogea subitement son compagnon.
    — La fin est proche, oui. ».

    Siège de l’Hypercalculateur, Thiercelieux. Nuit du dernier jour.

    Le temps passait inexorablement vite.
    Comme le Gardien de l’Équilibre des Forces s’y attendait, la porte d’accès à l’hypercalculateur était ouverte. Seul endroit préservé du chaos, l’ordinateur apparaissait toujours en parfait état. Cette pièce éveillait beaucoup de souvenirs au soldat de la Division de l’Espoir. Par le passé, avant le commencement du quatrième cycle, il s’y était réveillé avec Francis Underwood. Celui-ci lui avait révélé que chaque matin, il se réveillait à cet endroit, et prenait conscience du rôle qu’il jouait dans cette histoire en lisant les documents de l’ordinateur. Ensemble, ils virent le Héros de Légende exploser dans le laboratoire de Slimane, à l’endroit même où, pourtant, Grayson était intervenu pour le sauver. Comme s’il lisait dans ses pensées, Alexandre se retourna vers lui et le regarda avec ce sourire si apaisant qu’il savait prendre dans les pires moments. Ce sourire pouvait apaiser n’importe quelle âme tourmentée.

    « Gabriel, je crois que tu es le seul d’entre-nous à détenir les réponses. » Affirma-t-il en arrivant au niveau du poste de contrôle, et particulièrement sous la trappe de celui-ci. « Tes pensées, dans cette bulle virtuelle, ne sont pas les tiennes. Dimensio et moi arrivons à les lire, parce que tu es trop faible pour t’en protéger. » Il posa ses gants en cuir sur une petite manivelle permettant d’ouvrir la cloison du caisson. « Dans ta conversation avec Dimensio, à travers le Maire, tu as fait d’importantes révélations, et ces révélations ont effrayé la créature que nous pourchassons. » La trappe s’ouvrit enfin. Un garçon apparut, vêtu d’un vieux tee-shirt sale, en caleçon et sans pantalon, dont les bras étaient plein de cathéters et de crocodiles, partout sur les membres de son corps. Un casque sur sa tête l’empêchait de voir, et le rendait à la merci de quiconque ouvrait cette porte.
    « Cet imprévu l’a forcé à modifier ses plans, parce qu’il s’est senti menacé. Il a donc effacé une partie de tes données. » Poursuivit Schwartz, en posant ses mains sur le casque d’Asriel. Il le retira le plus délicatement du monde. « La question que je me posais sans cesse depuis mon passage dans la Forteresse Dimensionnelle, c’était comment Dimensio faisait pour interagir avec nous. Quelle puissance mobilisait-il pour alimenter son pouvoir ? » Avec difficultés, le visage tuméfié du prisonnier commença à apparaître. Il ne bougeait toutefois pas, parce qu’il était mort, et que Termina se trouvait plongée dans le chaos. « J’ai fini par comprendre. »
    Le visage d’Asriel apparut enfin. Il ressemblait exactement au visage de Denys, que le Gardien n’avait pu réussi à sauver dans l’univers de Slimane.
    « Le désespoir qu’il tire de ses victimes lui sert de source d’énergie. Les esprits qu’il vole par le biais des Enfants Perdus lui permettent d’alimenter continuellement sa puissance, et de garder une trace de chacun d’eux, comme un clone qu’ils pourraient torturer à jamais. Anselm, Daniel, Francis, Kalinda, Antonin. Ils sont tous d’anciennes victimes du Fléau, condamnés à le divertir pour toujours, partout où il a semé le malheur avant d’être enfermé dans la prison de nos ancêtres. » Une moue triste apparut sur son visage. « Une prison qui n’est plus qu’une passoire à présent. ».

    Un énième tremblement de terre fit sérieusement tanguer la tour d’astronomie. Tout menaçait de s’effondrer. Pourtant, à nouveau, Schwartz conserva un calme olympien, tandis que Gabriel ne put s’empêcher de vomir. Tout commençait à devenir trop pour lui. Il avait l’impression d’être dans un mauvais rêve, comment tout ceci pouvait-il être réel ? Il ne savait que dire, tant tout ceci le dégoûtait. Ce pauvre adolescent, accroché comme Léopold à une source d’énergie, qui n’avait plus connu que la souffrance et la terreur, quelle terrible fin.

    L’hypercalculateur se mit soudain à faire raisonner une alarme. C’était celle d’un appel entrant. Cela les surprit tous les deux, d’autant qu’il n’y avait aucune raison de penser que de véritables lignes téléphoniques existaient en ce lieu.
    « Je connais cette sonnerie… » Constata pourtant Grayson. « Je l’ai entendu… La première fois que je suis arrivé ici… À Thiercelieux… » Il s’approcha du poste de contrôle pour répondre à l’appel. Son cœur frappait très fort dans sa poitrine. La tension était évidente, d’autant que le Gardien conserva un silence religieux. « J’étais dans une maison, et là… J’ai pas décroché… Et j’ai entendu le message vocal. Cette fois, je veux savoir. » Oswald voulut appuyer sur entrée. Il retint son souffle.
    « Non. » Arrêta son compagnon de route brutalement. Il venait de s’interposer. La sonnerie passa. Le message se lut, automatiquement, comme la première fois.

    « Ça y est… je crois… qu’il… parti. » Lâcha une voix au milieu de beaucoup d’interférences. « Non, attendez… Qu’est-ce que c’est que ça ?! » Un crissement sourd accompagna cette seconde réplique. La voix lui était familière. Un ronflement sourd se joignit à des halètements. « Non… non… non… non ! » Une autre voix féminine hurla à s’en arracher les oreilles. Il la reconnut. C’était celle de Kiichi. Ses yeux s’exorbitèrent. « À l’aide… au secours… pitié… » Des gémissements. Des larmes. Il y avait des cris de panique. Puis soudain, le silence revint. Un silence de mort, où pas même la moindre respiration, la moindre interférence ne venait troubler la sérénité tranquille.

    « Jeunes garçons, vous êtes confrontés à une terrible destinée, n’est-ce pas ? »


    « C’est exactement le même message. » Bégaya Gabriel, profondément troublé. Un gant en cuir venait de se poser sur sa joue. À la place de la peur qu’il ressentit la première fois, ce fut au contraire une grande détermination.
    « Ces gens sont importants pour toi. Constata son interlocuteur.
    — C’est ce qui s’est passé… Juste après mon départ. C’est vraiment vrai, tout est de notre faute. » Fit-il en faisant perler des larmes au coin de ses yeux, comme s’il réalisait que toute la race humaine ne récoltait que ce qu’elle semait. Comme précédemment, tout commençait à devenir un trop-plein pour lui.
    Petit à petit, les hurlements bestiaux disparurent. Tout le grabuge qu’ils entendaient au loin se dissipa. Seules des cloches se mirent à raisonner. Cela brisa la solennité du moment, parce qu’il fallait maintenant se remettre en route.
    « Gabriel, nous devons maintenant rejoindre le sommet de la tour d’astronomie. La Nocturne de l’Ombre a commencé. Le vortex sera à son apogée dans quelques minutes, nous ne pouvons plus trainer. » Fit-il en lui prenant la main pour l’amener vers l’ascenseur. Cet ascenseur ne fonctionnait bien évidemment pas, mais à l’aide de ses pouvoirs, le britannique parvint à faire appeler le monte-charge.

    Bouleversé, le soldat de la Division de l’Espoir se remit profondément en question. Il multipliait les réflexions de ce genre, depuis sa mésaventure au cœur de l’asile de Holbein, mais maintenant plus que jamais, il lui semblait que la fin était arrivée. La boucle se bouclait, en compagnie du véritable dernier espoir de l’humanité, il s’apprêtait à monter pour faire face au Fléau. Ensemble, côte-à-côte, les deux garçons se tenaient comme les deux seuls survivants d’un charnier de cadavres. Ils comprendraient enfin toute la vérité.

    ***


    Sommet de la Tour d’Astronomie, Thiercelieux. Fin du dernier jour.

    Spoiler


    Que le spectacle commence !
  Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance  
Pikamaniaque

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MessageForum: Fanfictions Code Lyoko   Posté le: Sam 26 Mai 2018 16:29   Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance
Spoiler

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Chapitre 21 : Ode de l'Appel


    Alexandre se trouvait dans cette cave de schizophrène. Le corps étendu de Florent Hämälaïnen, à quelques mètres de lui, gisait encore dans l’inconscience. En face de lui, une chose en imperméable noire flottait au-dessus du vide. Elle avait une tête pâle, pâle comme la mort, et de grosses pupilles noires, cernées. Le sourire carnassier, elle semblait attendre quelque chose.
    « Merci de l’avoir retrouvé. » Commenta le Gardien, le visage sévère et imperméable. Il était désormais impossible de pénétrer son esprit.
    « Je suis votre serviteur, Maître Schwartz. Répondit la créature, sans bouger les lèvres. Sa voix flottait dans la torpeur de la pièce.
    — J’ai encore une ultime chose à te demander, Gardien de la Forteresse. » Il lia ses mains en cuir entre elles. « Je t’ai prouvé que j’étais le dernier Gardien de l’Équilibre des Forces, le dernier de toute la lignée. Je possède en moi un pouvoir que jamais mes prédécesseurs n’ont eu entre leurs mains. Nous sommes face à un péril imminent, et je dois agir vite.
    — Je vous écoute, Maître. » Répondit la sentinelle de la prison de Dimensio.

    À ces mots, le britannique avança d’une démarche froide et sans émotions. Au niveau de son interlocuteur, il présenta ses mains au niveau de ses tempes.

    « Gardien de la Forteresse, merci pour tout ce que tu as fait. » Sur ces mots, Schwartz appuya contre son crâne. Une douleur indicible traversa cet être, comme s’il subissait soudain un millier de tortures. Le hurlement fut tel, qu’il commença à tirer le thiercellois hors de sa torpeur. Jugeant que c’était suffisant, le Gardien se retira. Le regard vide, son allié ne ressemblait désormais plus qu’à l’ombre de lui-même.
    « Sauras-tu me pardonner… » Soupira-t-il en revenant près de l’entrée. Il se savait coupable d’avoir traqué Florent dans tout l’asile, de l’avoir attiré dans un piège où une fausse légende, écrite à partir de ses connaissances sur la mythologie du Gardien, lui permit de le capturer. Lui, Alexandre Schwartz, censé incarner le bien dans un combat épic, avait traqué tel un chasseur une proie faible et sans défense, mais ce n’était pas ce qu’il aurait voulu. Cette remarque lui permit de ne pas défaillir, lorsqu’il provoqua, d’un geste de main, le réveil du garçon. La comédie pouvait continuer.

    Il allait d’abord considérer cette créature comme Elliot Winchester, le plus célèbre Gardien de tous les temps. Le Gardien de la Forteresse, conditionné en ce sens, le provoquerait, et lui permettrait d’apparaître pour Hämälaïnen comme un sauveur. Cette mise en scène savamment orchestré devait permettre d’éliminer le second protecteur de la prison, afin de respecter le cours des événements que lui avait si souvent conté Hence Schœneck. Les choix difficiles qu’il avait à faire aujourd’hui constituaient cette seule alternative pour ne pas fracturer le temps davantage qu’il ne l’était déjà. Il se répugnait à faire une telle chose bien sûr, mais si Dimensio avait été suffisamment puissant pour transformer les anges gardiens de l’univers en des diables que l’on devait chasser et persécuter, il était suffisamment puissant pour retourner leur propre puissance contre eux. Peu importe la manière dont la problématique se posait, leur exécution était la seule alternative, les événements avec Taelia en attestaient.
    « Tu es le dernier, n’est-ce pas ? » Demanda subitement l’ancien Gardien. Cette question faillit toutefois faire défaillir le plan si parfait d’Alexandre, lequel réalisait que ses pouvoirs, en dépit de leur puissance, ne savaient produire un résultat parfait. Cet être se souvenait de sa véritable nature, et il lui faisait encore une totale confiance. Timidement, le Héros hocha la tête.
    « Merci… » Un mouvement d’hésitation s’empara de lui. Il jeta un bref regard à celui qui, plus tard, pour la mission, tuerait sa sœur. Il ne pouvait pas l’empêcher. « …de comprendre. » S’empressa-t-il de rajouter. « Tu ne pouvais pas. C’était fini. » Lâcha-t-il en des termes cryptiques.
    « Cela ne suffira pas. » Exprima soudainement le tout premier Cavalier de l’Apocalypse. « Il en reste encore deux. La Mort, et Dieu. Ils sont arrivés. Toutes les lignes sont reliées entre elles. Mais il n’y a pas qu’eux. Je sais que tu le cherches. » Une panique s’éprit du jeune Schwartz. Son pouvoir lui permit de comprendre qu’au plus profond d’Elliot, Dimensio utilisait toute son influence pour corrompre son cœur davantage qu’il ne l’était déjà. Il lui transmettait par ailleurs un message. « Mais tout mène à Thiercelieux, Gardien : et je te le répète : cela ne suffira pas. ».

    Le cœur d’Alexandre s’accéléra. Il regarda autour de lui. Il considéra l’adolescent un temps, puis perdit ses yeux sur les différentes parois de la cave. La lumière continuait de scintiller en ce lieu, alors qu’une noirceur profonde se déversait tel un magma dans toutes les cellules de la créature.
    « Puisses-tu reposer en paix, je suis désolé pour toi. » Affirma-t-il avec une colère blanche, avant d’abattre sa poigne sur son crâne. L’enveloppe charnelle commença à convulser dans tous les sens tandis qu’une énergie blanche fit crever œil par œil puis tomber dent par dent. Le spectacle fut absolument dégoûtant et horrible à voir. Il dura une bonne minute, jusqu’au moment où le jeune homme lâcha sa poigne. Le corps sans vie d’Eliot Winchester tomba à terre.

    Le Gardien était intérieurement bouleversé. Dimensio, bien que chassé de l’Asile, avait réussi à revenir. Il continuait de tenter le maximum pour le briser psychologiquement.
    « Alors, tout est fini ? » L’interrogea soudain Florent, dont il avait oublié la présence sur le moment. Des larmes perlaient aux coins de ses yeux.
    « Oui, tout est terminé, répondit simplement son interlocuteur avec un calme olympien.
    — Mais. Pourquoi ? Qu’est-ce qui s’est passé ? » Le moment tant attendu arrivait enfin. Sa proie se trouvait à portée de mains. Elle avait été témoin de la mort du premier Cavalier de l’Apocalypse, sans être conscient d’en être devenu un lui-même en tant que Gardien de la Forteresse. Il ne lui restait plus qu’à faire le nécessaire. Poser ses mains sur ses tempes, et en finir avec la pureté et l’innocence de ce jeune homme. Cette idée lui apparut pourtant si répugnante. Il commença à marcher pour regagner les escaliers. Était-ce vraiment à lui de le faire ? Et s’il décidait simplement de retourner à Thiercelieux ?
    « Tu n’as pas besoin de le savoir. » Commenta-t-il brusquement, traduisant le conflit intérieur que cet enfant ne pouvait pas comprendre. Tout lui apparaissait si compliqué à présent.
    « Non, attends ! Vous’avez pas le droit de partir comme ça ! » Cria Hämälaïnen tandis que son exclamation se brisa sous ses pleurs. Schwartz s’arrêta net. Il réalisa l’erreur monumentale qu’il s’apprêtait à faire. Comme un signe du destin, la fragilité du lycéen traduisait toute la bienveillance qui germait en lui, même après avoir été traumatisé par les charniers de cadavres de cet endroit. Il pouvait le sonder au plus profond de soi-même. « Je vous en supplie, ne me laissez pas. » Poursuivit-il, pathétique. « Je viens de vivre des choses incompréhensibles. Je suis seul. J’ai perdu un ami aujourd’hui, et j’ai appris que c’était l’Apocalypse. J’ai appris qu’il y avait des Cavaliers, qu’Eliot Winchester s’était transformé en monstre sans pitié ! Vous n’avez pas le droit de me dire ça. J’ai trouvé le carnet de Gérald Weygand-Sarrabuckeer. J’ai passé des heures à m’en rendre dingue ici, j’ai fait ce que vous m’avez dit. J’ai cherché à sortir, et je suis tombé sur… ça. Je pense que vous vous êtes servis de moi, parce que sinon il ne se serait pas montré ! ». Piqué au vif, le Gardien se retourna. Il tenta de conserver une mine fermée, alors que les petites perles d’eau humectaient les joues de l’autre adolescent. Vu qu’aucune réponse n’arrivait, ce dernier décida alors de continuer envers et contre tout.
    « J’ai merdé avec Anselm. Je n’aurais jamais dû vous forcer à quoi que ce soit. Je suis désolé. Je suis tellement désolé, mais je vous en prie. Vous êtes un héros. Vous êtes un héros pour moi. Vous êtes le héros légendaire ! Aidez-moi... » Supplia-t-il en fléchissant les genoux. Il tomba à terre, posa les bras devant sa tête.

    Alexandre le regarda, particulièrement affaibli dans sa pugnacité. Dimensio se jouait de lui depuis le début. Existait-il une alternative ? « Je ne suis pas une légende, quoi que tu en penses. Je ne peux pas exaucer tous vos vœux. Je ne suis pas non plus tenu de le faire.
    — Alors qu’est-ce que vous êtes, Alexandre ? » Répliqua-t-il en relevant la tête. Cette question rencontra un puissant écho auprès de son destinataire, lequel se mit à serrer les poings. « Pourquoi est-ce que vous ne cherchez pas à nous aider à arrêter le vortex ? Pourquoi est-ce qu’on ne vous voit jamais au front ? J’ai tellement de questions, et tout ce que je voudrais, c’est juste vous les poser, et savoir. Je ne cherche qu’à espérer… » Son interlocuteur posa une jambe à terre pour s’accroupir près de lui. Il posa un bras sur ses épaules. Florent ne s’était pas attendu à cette soudaine familiarité.
    « Florent Hämälaïnen. Tu vaux mieux qu’Anselm Dubois, ou que tous les autres gens de ton groupe. Je voudrais pouvoir te rassurer et te dire que tout va s’arranger, mais je n’en suis pas certain moi-même. Vous pensez que je vous ai abandonnés, mais c’est faux. Je fais de mon mieux pour vous aider, vous ne le voyez juste pas. » Le chaud contact du gant en cuir sur le coup du petit garçon suffit à lui transmettre la force dont il manquait pour relever les yeux. Il se serra ainsi fort aux bras du Gardien avec qui il partagea une étreinte aussi étrange que bienveillante le temps d’une minute.
    Sans qu’il ne s’en aperçoive, Schwartz venait de retirer son gant de la main droite. Elle dévoila une main brûlée au troisième degré.

    Il était venu pour lui le temps d’accomplir l’acte le plus difficile de sa vie. Briser la vie innocente de Florent Hämälaïnen, comme il avait laissé celle de Damien, le garçon de l’univers de Slimane, disparaître dans le repère des enfants perdus.

    Sans crier gare, il posa deux doigts sur le front du thiercellois. Celui-ci le remarqua au dernier moment.

    Sur le coup, il ne se passa rien, et l’adolescent rouvrit les yeux, clignant plusieurs fois sans comprendre ce qui lui arrivait. Il ne se trouvait plus dans l’asile de Holbein, mais dans une pièce aux murs blanc immaculé. Le Gardien le tenait dans ses bras.
    « Où… Où suis-je ?
    — Tu es dans un espace intermédiaire que l’on appelle le Void. Ce lieu se trouve entre deux réalités différentes, en l’occurrence celle de l’asile où nous nous trouvions toi et moi, et celle de Thiercelieux dans laquelle je vais te renvoyer. Quand tu te réveilleras, tu ne te souviendras pas de cette conversation. » Conclut-il, le regard triste. Hämälaïnen se racla la gorge. Pourquoi l’avait-il emmené ici ?
    « Je voudrais te poser une question, Florent, et c’est ce qui m’a d’abord amené ici. J’ai besoin que tu y répondes, est-ce que tu peux faire cela pour moi s’il te plaît ? » Poursuivit-il avec une voix très douce. Le gamin hocha timidement la tête.
    « Tu as rencontré mon Professeur, Hence Schœneck, dans un entrepôt abandonné au sein du monde de Thiercelieux. J’ai besoin de savoir, et cette question est capitale, lequel d’entre-vous a ensuite prétendu m’avoir rencontré au Hall de Sécurité ? » Interrogea calmement le britannique.

    Ce dernier allait enfin comprendre lequel des personnages de Thiercelieux était en fait un alias de Dimensio. Ce serait cette personne qu’il devrait prioritairement arrêter lorsqu’il regagnerait ce monde. Depuis le début, cette information était à portée de mains, tout aurait pu s’arrêter bien plus tôt s’ils avaient alors compris, dès le début, que l’intérêt du Fléau allait dans le sens des retours dans le temps. Ceci aurait donné du sens au fait qu’un des Desmose-guerriers l’ait rencontré dans la salle du calculateur. Cela aurait pu être comme ici, à l’asile, dans le futur d’Alexandre. Ce fut, en tous cas, à l’époque, ce qu’il avait pensé. Maintenant, dans les derniers instants de l’univers, il comprenait enfin qu’il avait été trompé.

    « C’était… C’était Samuel Parsons… Mais pourquoi est-ce si important ? »

    Trompé par un adolescent blond aux yeux bleus, une nouvelle fois. Comme Slimane.
    La veste de marin renforça son étreinte. Il y eut un silence, et puis il reprit, sans lui répondre.

    « Je voulais ensuite te présenter des excuses, Florent, pour ce que je m’apprête à te faire subir. » Commença-t-il, avec gravité. Le lycéen sentit ses dents claquer, et il voulut se dégager, mais il était fermement retenu.
    « Que… Que voulez-vous dire ? Je. J’ai peur. Ne me faites pas de mal, je vous en prie. Qu’est-ce qui se passe ?
    — Florent, écoute-moi, je n’ai pas beaucoup de temps. » Fit-il en le pressant plus fermement. Celui-ci se tut, le visage larmoyant. « Je vais essayer de te sauver d’une mort certaine. Je ne veux pas me soumettre au sadisme du Fléau, pas cette fois. Notre univers n’est pas binaire, il y a une troisième voie. » Il vit bien, en constatant la moue du garçon, que celui-ci ne comprenait pas un traître mot de ce qu’il racontait. « À la fin de ta ligne temporelle, lorsque tu devras rencontrer ton destin, tu retrouveras le fragment d’humanité que tu as perdu. À ce stade de l’histoire, lorsque je te rencontrerai la prochaine fois, je saurai que tu possèdes au fond de toi cette humanité. Je la verrai, et je te promets que je te sauverai. Ce n’est pas à Dimensio de définir les règles du jeu. » Une forme de panique monta dans le corps de Florent. Cet homme qu’il trouvait si rassurait, lui apparaissait maintenant si menaçant. Qu’allait-il devenir ?

    Pourtant, alors qu’il se débattait de toutes ses forces pour sortir de son emprise, une chaleur éprit son corps. Plus que jamais, et à la manière d’un grand frère, le Héros de Légende l’apaisa de son aura. S’il avait pu, il aurait voulu l’aider dès maintenant. Cependant, il avait un rôle à jouer à Thiercelieux.
    « Je ne veux pas devenir quelqu’un de mauvais… » Geint-il alors dans un ultime spasme. La main d’Alexandre se retrouvait de nouveau sur son front.
    « Chut, tout ira bien. Mais, s’il te plaît… » Tenta-t-il avec faiblesse. « Je voudrais que tu veilles sur ma sœur, Camille. N’oublie pas son nom, qu’il te permette de la protéger. » Affirma-t-il en lui faisant fermer les paupières. Il ne se rendit pourtant pas compte qu’en lui demandant cela, il serait à l’origine de l’obsession que ressentirait l’adolescent pour Alice Schwartz, le rendant par là-même, responsable de sa mort. C’était toutefois l’hypothèse la plus logique, parce que cet homme pouvait-il être d’une telle froideur qu’il venait de condamner sa sœur au nom de sa mission en parfaite connaissance de cause ?

    Personne ne peut échapper à son destin.


    Un terrible hurlement déchira les entrailles d’Alexandre. Hämälaïnen venait de disparaître, laissant la veste de marin étendu sur le sol, écœuré par ce qu’il venait de faire, mais avec l’espoir, maintenant, que tout allait pouvoir se régler. Il remarqua, au loin, une trappe entrouverte. Il le sentait, cette trappe menait directement au Hall de Sécurité, dans le monde de Thiercelieux. Son apparition, à cet endroit précis, ne relevait en rien du hasard. Tout cet univers se construisait en fonction des puissants désirs cognitifs de ceux y vivant, mais pas seulement. Quelque chose d’autre veillait sur son parcours, il en avait la conviction profonde. Quelque part, des individus voulaient qu’il rejoigne Termina le plus vite possible, encore plus que lui ne le désirait. Dans l’atmosphère, il ne ressentait pas la présence du Fléau, cela le conforta dans cette optique qu’une bonne étoile le guidait. Plusieurs bonnes étoiles, lesquelles lui permirent de se dresser devant ce portail.

    Il était temps de retourner là où tout a commencé.
  Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance  
Pikamaniaque

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MessageForum: Fanfictions Code Lyoko   Posté le: Sam 19 Mai 2018 12:20   Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance
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Chapitre 20 : Hymne du Vide


    Il y eut d’abord un sentiment d’apaisement profond. Ce sentiment d’apaisement profond, il ne sut le délimiter. Ni comment, ni pourquoi, ni grâce à quoi. Il se sentait juste bien, et plus rien ne lui paraissait avoir d’importance.

    Après ce sentiment, une souffrance terrible. Quand l’air pénétra dans ses poumons, il souffrit comme il n’avait jamais souffert. Chaque inspiration était comme des coups de poignard assénés sur son corps meurtri.
    Le garçon était visiblement désorienté. Il ne savait pas où il était, il ne voyait rien. Peut-être qu’il n’y avait aucune lumière là où il se trouvait, mais peut-être aussi qu’il n’avait pas recouvré la vue. Il faisait tellement chaud à l’intérieur de ce petit espace, dans lequel il agita ses membres. Il frappa contre les rebords, en haut, à gauche, à droite, tout était exigüe. Pourtant, il y avait quelque chose de doux qui appuyait sa nuque endolorie. Lui-même ne se sentait d’ailleurs contraint de rien. Il pouvait mouvoir ses jambes et ses bras, mais une sensation désagréable qu’il ne parvenait pas à contrôler lui brûlait la chair de l’intérieur. Son instinct de survie commençait d’ailleurs à prendre le dessus. Il frappa, encore et encore, de toutes ses forces, contre les parois du caisson dans lequel il se trouvait enfermé. Tout son corps était en ébullition, et pris de spasmes violents, il sentit des larmes couler sur son visage. Il se déchaîna alors contre ce mur qui n’avait pas l’air si solide. Il hurla, sentit sa gorge vibrer, et un haut-le-cœur décupla son adrénaline.
    Le point de rupture fut rapidement atteint. Son poing traversa la paroi qui le séparait de sa liberté. Son rythme cardiaque était si élevé,, les brûlures qu’il ressentait étaient si intenses, tout le mal-être qui l’habitait au niveau de ces sensations désorientées, des sons très aigus que son oreille entendait jusqu’à ses capacités visuelles inexistantes, tout ceci le conduisit à exploser dans un éclair de colère. Dès lors, cet adolescent qui s’attendait à se sortir d’ici, à pouvoir bouger comme il le voulait, comme il l’attendait, se braqua contre le couvercle de son caisson. Lui qui se pensait sorti d’affaires, une tonne de terre envahit son sarcophage. La peur au ventre, animé par une incroyable force surhumaine, il eut alors l’impression que la paroi vola en éclats, et il leva son bras jusqu’à la surface. La minute d’après, le jeune homme rampait sur de la terre fraîche, avec une respiration toujours aussi forte, et une peur toujours terriblement puissante.

    La luminosité environnante l’aveuglait, mais alors même que ses yeux reprenaient le contrôle, des tâches floues l’empêchaient de bien voir. Son œil était comme sali, et lorsqu’il chercha un point de repère dans ce qui devait être la nuit noire, il se tourna, à tâton, jusqu’à toucher un morceau de pierre. Il le palpa, gémissant de douleur, et se recula un peu. Quelque chose était écrit dessus, et il avait bien du mal à le distinguer. Alors il fit des efforts, les lèvres tremblantes.

    « Alexandre Schwartz.
    1968 – 1990.
    He saved the world a lot. ».


    ***


    Alexandre revint à lui brutalement, le visage en sueurs, comme réveillé d’un mauvais rêve. Une couverture se trouvait sur lui, à côté de laquelle un tissu plein de sang séché baignait dans une bassine d’eau. Non loin de lui, Gabriel Oswald colmatait la porte d’acier derrière laquelle ils se trouvaient. Alerté par le cri d’effroi poussé par celui qui était censé le protéger, le terrien se retourna.
    « Tu es enfin réveillé, toi ?
    — Oui… » Exprima-t-il doucement. « Je crois que j’ai fait un cauchemar.
    — Bon eh bien c’est triste mais il va falloir t’en remettre, parce que là nous sommes loin d’avoir le temps d’en discuter. » L’agressivité du canadien, inhabituellement forte, s’expliquait sans doute par la fragilité relative dont il continuait à faire preuve après tout ce temps passé en captivité dans l’asile. Les effets de toute cette drogue qu’il avait prise continuaient à brûler son organisme de l’intérieur.
    « Où sommes-nous ? » Se contenta de répondre le Gardien, visiblement désorienté.
    « À l’asile de Holbein. » Stressé, il poursuivit. « Je crois que c’est le Q.G de ce monstre dont tu nous parlais au sommet de la tour d’astronomie. S’il nous trouve, on va mourir. J’ai été sauvé in extremis tout-à-l’heure, mais c’était moins une… Et puis, j’ai rien compris à ce qui s’est passé, mais tout ce que je sais, c’est que j’ai suivi mon instinct, que je t’ai retrouvé, et que je t’ai sauvé. Maintenant tu vas nous aider à sortir d’ici, pas vrai ? ».

    Il y eut un silence.

    « Gabriel Oswald, à l’heure où je te parle, j’ai épuisé l’intégralité de mes pouvoirs. Je suis mourant. » Affirma-t-il, d’une voix paisible, comme s’il avait annoncé la météo. Les yeux de son interlocuteur s’écarquillèrent. Aussi, et pour éviter de perdre du temps, l’intéressé préféra poursuivre. « Cependant, tu n’as pas d’inquiétudes à avoir. Cet endroit est un catalyseur de la puisssance de Dimensio, mais paradoxalement, cela l’empêche d’y rentrer. Tu as probablement rencontré une de ses projections astrales ; ce n’était pas le vrai Dimensio. » Grayson se racla la gorge. Il se souvenait pourtant du malaise qu’il avait ressenti face à cette femme aux cheveux roses qui ressemblait comme deux gouttes d’eau à Aelita Schaeffer. Elle avait eu l’air si vraie, prête à le tuer sur place.

    « Est-ce que je suis réel ? » Demanda le canadien, à la surprise de Schwartz. Celui-ci cligna des yeux, son esprit n’était plus aussi impénétrable. Il se demanda s’il avait compris, lui aussi.
    « Tu es probablement réel. » Affirma-t-il en se relevant. « À vrai dire, je n’en suis pas certain, je ne suis plus suffisamment puissant pour en être sûr, mais tu étais accompagné la dernière fois que nous nous sommes rencontrés.
    — Oui ! Francis Underwood, Antonin, Anselm, Kalinda et Samuel. On fuyait à la sortie de la ville, et quand on a réussi à sortir, ils ont tous disparu dans une violente tempête de neige. Ils se sont volatilisés, d’un coup, sans crier gare. » Cette remarque plongea la veste de marin dans une forme de torpeur. Il se montra sans doute plus distant, cherchant à marcher vers l’autre extrémité de la pièce où se trouvait une porte qui n’avait pas été barricadée.
    « Eh ! Attends, tu ne peux pas partir comme ça ! C’est dangereux dehors. »

    L’interpellé s’arrêta net. Tout le sang dans la bassine lui appartenait, il avait coulé de ses narines lorsqu’il avait puisé au fond de ses dernières forces pour passer le portail dimensionnel.
    « Tu sais, si tous les autres ont disparu et que tu es le seul survivant, cela veut soit dire que Dimensio ne t’accompagnait pas dans ta fuite, soit que tu es Dimensio, mais que tu n’en as juste pas conscience. Cependant, quand bien même tu ne serais pas Dimensio, je n’ai aucune raison de faire confiance à quelqu’un comme toi.
    — Si cette chose voulait nous trouver, elle l’aurait déjà fait, non ?
    — Oui, et c’est pourquoi elle se trouve peut-être juste en face de moi.
    — Tu sombres dans la paranoïa ! Je suis venu te sauver d’une mort certaine ! » Alexandre eut comme un soupir de désespoir. Ce jeune homme n’avait pas tort, il sombrait dans la paranoïa, mais il était aussi plus faible que jamais.
    « Et puis Dimensio c’est probablement enfui maintenant. Sa « prison » comme tu disais est une passoire, regarde moi-même j’ai pu en sortir, et je trouverai peut-être un chemin vers mon monde si j’y retourne. » Cette remarque attira particulièrement l’attention de son interlocuteur, lequel se retourna brutalement et chercha à se rapprocher de lui.
    « Cet endroit n’est pas seulement le catalyseur de sa puissance, c’est aussi l’endroit le plus instable de toute notre réalité. Le temps est entremêlé ici, j’arrive encore à le sentir. Ce n’est pas un endroit comme les autres, au contraire. Le passé et le futur sont complètement mélangés ici, mais oui, c’est plus clair maintenant… » Oswald ne comprit pas très bien où il voulait en venir, mais cela n’avait aucune espèce d’importance.

    Il se rapprocha du Gardien pour prévenir de toute chute, parce qu’il lui apparaissait particulièrement chancelant.
    « Donc, il a pu s’enfuir ? Interrogea le jeune homme.
    — Non, il faut concevoir cet endroit comme un tunnel. Les voitures peuvent y passer. J’ai pu y passer parce que je suis très affaibli, mais Dimensio est comme un camion. Il est trop puissant pour passer, il doit faire un trou bien plus gros qu’un trou de souris. Il est encore piégé ici, tout n’est pas perdu. » Cet éclair de génie emplit d’espoirs le vingtenaire. Celui-ci n’avait cessé de penser qu’il était trop tard, et que sa défaite au laboratoire de Slimane l’avait complètement mis hors course.
    « D’autant que tu es déjà venu ici, tu vas trouver le moyen d’en sortir ! » Affirma Gabriel d’une vive voix. Face à la tête interrogative de son locuteur, il prit soin de développer. « Quand tu as sauvé Florent dans cet asile. » Le britannique posa sa main en-dessous de son menton, et investit une profonde réflexion.
    « Gabriel Oswald, je n’ai jamais rencontré Florent Hämälaïnen dans cet endroit puisque c’est la première fois que j’y viens. Conclut-il, d’une voix laconique.
    — Cela signifie qu’il se trouve aussi ici.
    — Auquel cas, je le tuerai, je ne vois aucune raison rationnelle à ce que je le sauve.
    — Putain mais non, tu ne comprends pas ! » Fit-il en se rapprochant de lui. « Merde, c’est toi qui es censé tout comprendre. Tu viens de le dire, le passé et le présent se mélangent ici. Ta rencontre Florent l’a profondément changé, il n’a plus jamais été le même après. C’est là que tout a commencé à dérailler, si on quitte l’asile sans que tu ne l’aies vu, tu imagines les conséquences que ça pourrait avoir ? Est-ce que ça ne provoquerait pas une méga-fissure ?
    — Ah. Oui. » Fit le garçon, pour le moins confus, comme s’il avait été désorienté par ses remarques. Il avait en tête le cadavre de sa sœur Alice gisant sur le sol du Palais Municipal. « Je vais donc aller chercher quelque chose qui m’appartient ici, et que je peux sentir. Merci de m’avoir aidé, Gabriel, mais notre chemin se sépare ici. ».

    Ce petit péteux était-il sérieux ? Une couleur sourde remonta du fond de ses tripes, alors que son compagnon d’un soir avait commencé à tituber jusqu’à la sortie. Il décida de s’interposer.

    — Tu en es toujours à me dire que tout est de ma faute, comme tu as fait au sommet de la tour d’astronomie la première fois qu’on s’est rencontrés ?! » Cette remarque laissa son interlocuteur de marbre, d’autant qu’elle venait de nulle part. Il se contenta de l’observer, droit dans les yeux, avec un regard devenu plus dur.
    « Je suis le Gardien de l’Équilibre des Forces. Ce qui m’a amené à Thiercelieux est la rupture primitive de cet équilibre, la première fissure qui a fracturé le temps et l’espace. Mon arrivée au sein de la Forteresse Dimensionnelle est entièrement de ta faute parce que tu es le premier à avoir créé cette fragilité. Cependant, ce n’est pas à toi, Gabriel, que j’en veux. Individuellement, tu es une coquille vide, une enveloppe charnelle passée entre les mains de je-ne-sais-quel Maître. Tu n’existes pas en tant que Moi. Ce qui me répugne, chez toi, c’est la race que tu représentes. La race humaine dans son ensemble, égoïste et mégalomane, a catalysé en toi tout ce qu’il y a de cancérigène. Tu es la lie de l’humanité précisément parce que tu représentes à toi seul tout ce qu’il reste de l’humanité. Tu es peut-être le dernier espoir de ton peuple, mais tu es le fossoyeur de tous les autres. C’est ma conviction. ».

    La violence du propos aurait pu laisser Gabriel sur le carreau, mais elle l’emplit au contraire d’une détermination inédite. Après tout, ne venait-il pas de se rebeller contre ses Maîtres avant de venir le sauver ? N’avait-il pas décidé de ne pas obéir, de suivre son instinct de liberté ?

    « Oui… Tu as peut-être raison, mais regarde-toi. Tu n’es plus le Gardien de rien, tu as perdu tous tes pouvoirs, et moi je suis peut-être un squelette famélique, mais on m’a appris à être comme ça, et à survivre comme ça, alors dans ce lieu, je suis ton seul espoir. Laisse-moi t’aider.
    — Non… » En finissant sa dénégation, une douleur força Alexandre à poser un genou à terre.
    « Les Enfants Perdus sont partout, je ne donne pas cher de ta peau si tu restes seul ici.
    — Il y a un moyen… Je le sens…
    — Alors laisse-moi t’accompagner. Laisse-moi te prouver que je peux faire mes propres choix.
    — Tout ce que tu fais… C’est te trouver un nouveau Maître… » Bégaya-t-il difficilement, tentant de maintenir une voix ferme. Sauf qu’il fallait bien qu’il se rende à l’évidence, sans Oswald, il ne pourrait rien accomplir. Alors, quand celui-ci lui tendit la main, il l’observa. À contre-cœur, il s’en saisit alors. Si ce terrien avait la moindre importance dans l’échiquier malsain de Dimensio, il finirait bien par le savoir. Enfin, cela leur permettrait de discuter et de mieux comprendre tout ce que le Gardien a manqué à Thiercelieux.

    ***


    À l’intérieur des cachots froids de l’asile de Holbein, Alexandre s’avançait avec une démarche inhabituellement humaine. Il traversait les couloirs les plus sombres, progressant de plus en plus vers cette puissante source d’énergie dont il voulait se repaitre, tel un animal affamé en quête de quelques denrées. Les Enfants Perdus étaient sur le qui-vive, mais aucun d’entre-eux ne parvint à repérer Oswald, lequel s’était juré de défendre le Gardien de l’Équilibre coûte que coûte. Ensemble, ils progressaient et rien ne semblait pouvoir les arrêter. Leur ennemi gagnait toutefois en puissance, et ils pouvaient maintenant sentir jusqu’aux tréfonds de leurs âmes à quel point sa malveillance ne connaissait plus aucune limite. Certes, il ne pouvait toujours pas s’enfuir de sa forteresse dimensionnelle, pas plus qu’il ne pouvait venir à leur rencontre pour les narguer. Toutefois, il répandait ses miasmes purulents dans tout leur être et dans chaque cellule composant leur frêle corps. Alexandre lui-même, ce chérubin, n’y pouvait rien. Son esprit devenait une passoire où il était de plus en plus facile de comprendre ce qui le motivait. Ce garçon n’était plus que l’ombre de lui-même, les pouvoirs, faisant jadis sa puissance, ne représentaient plus maintenant qu’une vague intuition qui lui permettait de s’accrocher à l’odeur du pouvoir. Une faible énergie de lumière, telle une petite flamme allumée en pleine tempête, représentant le dernier feu de l’humanité.

    « Gabriel… » S’exprima le jeune homme à la veste de marin, en s’appuyant contre le mur. L’interpellé se retourna, et s’approcha de lui pour le soutenir alors qu’il était prêt à s’effondrer. « La puissance de Dimensio est sans commune mesure. Je sens qu’il s’apprête à pénétrer mon esprit. Comme il l’a déjà fait avec toi. Je suis sans doute le seul être humain sur terre dont il n’a jamais pu percer les pensées », exprima-t-il en prenant de grosses inspirations.
    « Merde… Et nous sommes encore loin ? » Demanda le terrien, en passant son bras sous son épaule. Celui-ci hocha la tête négativement, mais son état se dégradait à mesure qu’ils passaient du temps à l’intérieur de l’asile.
    « Cet endroit… Il est connecté au mal le plus primitif. C’est une bombe à retardement. Il catalyse toute la puissance du Fléau. Paradoxalement, il le maintien à l’extérieur, mais pour combien de temps encore ? Nous sommes proche de l’objectif, Gabriel, poursuivons. » Tonna-t-il avec détermination, alors que Grayson le fit grimper sur son dos parce qu’il était à présent incapable de marcher.

    Cet asile labyrinthique, dans lequel s’enchevêtrait un amas de couloirs, escaliers, cachots, se reconfigurait à mesure que la puissance de Dimensio croissait. À moins de disposer de compétences exceptionnelles, on ne pouvait pas se repérer à l’intérieur.

    « Je le sens… Ce que nous cherchons est ici. » Annonça Alexandre au-devant d’une porte qui semblait particulièrement bien protégée.
    « Tu sais ce qu’il y a derrière cette porte ? » Interrogea le soldat de la Division de l’Espoir. L’intéressé refusa de répondre, mais cela ne fit aucun doute : avec un pincement au cœur, il savait ce qui se trouvait derrière cette porte particulièrement difficile à ouvrir. « Sans matériel adéquat, nous n’y arriverons jamais, commenta Gabriel.
    — Pas besoin. » Se contenta d’affirmer le Gardien. Alors que ses jambes retrouvèrent le contact du sol, le canadien fit attention à ce qu’il ne perde pas l’équilibre. Celui-ci s’approcha de l’ouverture. Il venait de retirer ses gants en cuir.

    « S’il vous plaît, ouvrez-moi. » Demanda-t-il en frappant plusieurs fois contre la porte blindée. « C’est moi. ». Ce bruit fut particulièrement retentissant, dans toute cette zone de l’asile.
    « Putain mais t’es malade, tu vas nous faire repérer ! » Se mit alors à vociférer le dernier espoir de l’humanité. « Tu vas ramener toutes ces monstruosités, bordel ! ».
    Cette problématique ne l’émut pas particulièrement. Son regard s’était d’ailleurs embué, au moment où la porte avait commencé à coulisser.

    « Maman… Où est ma maman ? Je t’ai entendue maman, je vais te trouver… ».

    Cette phrase glaça d’effroi le jeune Oswald, qui se retourna vers Alexandre. Ce dernier venait de pénétrer à l’intérieur d’une petite pièce exigüe, au sein de laquelle un homme, particulièrement vieux, particulièrement maigre, particulièrement fragile, se trouvait là, desséché, enchaîné au mur. Gabriel n’était pas certain de qui cela pouvait bien être, mais le Héros de Légende, lui, en avait une idée très précise.
    Pendant ce temps, un premier Enfant Perdu parut à l’extrémité du couloir. Armé de sa barre de fer, le terrien s’élança et le frappa d’un coup vif qui l’envoya contre un mur. Cependant, une horde de créatures s’approchait. Ils n’avaient aucune chance de s’en sortir s’ils ne s’en allaient pas très vite. Déjà qu’ils se trouvaient dans un cul-de-sac, s’ils se faisaient assaillir de toute part, alors tout espoir serait définitivement perdu. Grayson ne pouvait le tolérer.

    « Je vous avais promis que je reviendrai, Professeur... » Accusa Schwartz, d’une voix faible, maintenant qu’il s’était agenouillé devant lui. Le vieillard n’était plus que l’ombre de lui-même. Il n’avait ni dents, ni langues, ses yeux avaient été crevés, ses jambes sectionnées, ses doigts coupés. Il n’avait plus qu’une oreille, et ne ressemblait plus qu’à un hématome géant, où des boyaux débordaient d’un ventre morcelé. Quand son compagnon prit conscience de la personne à qui il parlait, il se sentit désemparé. Le sort qu’avait réservé Dimensio à Hence Schœneck le glaça d’effroi.
    « Alexandre… C’est toi… Mon fils… Tu es revenu… » Exprima le débris, après que son élève posa ses mains sur ses tempes. Sa voix résonnait maintenant dans tout le corridor.
    Un sanglot ébranla le calme légendaire d’Alexandre.

    « Je vous avais promis que jamais vous ne perdriez votre lucidité... Je vais vous sortir de là, Professeur.
    Non… Tu n’es pas venu pour ça Alexandre, et tu le sais.
    — Nous allons tous nous en sortir, le corps est quelque chose de tellement superficiel. J’ai préservé votre âme, et on va s’en sortir, ensemble ! ».

    Le militaire luttait de toutes ses forces contre les Enfants Perdus. Il leur assénait des coups les plus violents pour les repousser.
    « Alexandre, je ne tiendrai pas très longtemps ! On doit partir, vite ! Tant pis !
    — J’ai besoin de temps Gabriel. Laisse-moi un peu de temps, supplia le garçon.
    Du temps… C’est ce dont tu n’as pas… On n’a pas beaucoup de temps… Tu dois récupérer ce que tu m’as donné… Je n’avais pas réalisé que j’avais entre mes mains l’essence de ton pouvoir…
    — Je… Je ne veux pas aborder ce sujet, Professeur.
    Il va falloir l’aborder pourtant ! » Tonna l’esprit du vieillard avec une puissance inouïe. Des dizaines de monstres à masque à gaz commencèrent à faire leur apparition. Le canadien se sentait débordé.

    « Alexandre, écoute-moi… À chaque génération, un Gardien vient au monde parce qu’une bande de types qui sont morts il y a des milliers d’années ont fixé les règles du jeu. À chaque génération, le Professeur formait un garçon destiné à l’abattoir. Ces hommes étaient puissants. Mais toi, Alexandre… » Il marqua une pause. « Tu es l’Homme le plus puissant qui n’ait jamais existé. Alors changeons les règles du jeu. Je n’ai plus rien à t’apprendre. Tu sais déjà tout ce que tu as à savoir sur ta mission. J’ai rempli ma charge. Tu es maintenant prêt. » Oswald commençait à battre en retraite. Ils étaient trop nombreux. « Ma captivité m’a permis de redécouvrir ce qu’était vraiment le troisième et dernier pilier des Gardiens. Celui que j’avais essayé d’enseigner à Florent, du temps où j’avais cru à ta mort. » Cette révélation bouleversa son élève, qui tenait dans ses bras le cadavre agonisant de son mentor.
    « Alexandre, je détiens désormais l’essence pleine et entière de ton pouvoir. Je détiens l’arme qui te permettra d’anéantir Dimensio, le pilier le plus puissant de la triforce du Gardien. Il t’incombe le devoir de récupérer ton pouvoir, pour le salut de l’Humanité…
    — Mais… Professeur… Vous n’y survivrez pas… Je ne peux pas vous perdre.
    Oui, mais nous avons vécu les meilleurs moments. Tu es ma plus grande fierté… C’est de toi qu’il s’agit, le Héros Légendaire ! Il est temps pour toi de devenir un adulte. Ta formation s’achève aujourd’hui. ».
    Les mains tremblantes, Alexandre enfonça alors ses tempes à l’intérieur du cerveau de Hence Schœneck alors que Gabriel se fit pulvériser contre un mur par sa propre barre de fer.

    ***


    Un instant, tout devint clair. Extirpé de l’asile de Holbein, Schwartz se trouvait dans la salle de classe du lycée de Westbury, en Angleterre, là où il avait rencontré Hence pour la première fois. À l’époque, il s’appelait Alexander Hensley. Son amie, Alice Schwartz, qui se révélerait être sa sœur, avait été kidnappée par Il Dottore, le premier ennemi qu’il avait eu à affronter. Ensuite, il vivrait une centaine d’aventures. Contre le Docteur Mysterio, contre des clowns tueurs, contre des vampires, des loup-garou, des démons, des fantômes. Il lutterait contre le mal et contre sa propre famille, lycéen le jour, et sauveur du monde la nuit. En tous ces instants, son Professeur veilla sur lui. Il le guida, incarna cette figure paternelle qu’il n’avait jamais eue.
    Il sentit maintenant qu’il était prêt, dans cette salle de classe où il avait pris pour la première fois conscience de son destin.

    « Tu veux vraiment tes derniers instants parfaits, pas vrai ? » Interrogea Hence Schœneck, qui se trouvait assis sur le fauteuil de l’enseignant, une tasse de thé à la main. « Cet endroit, une bulle dimensionnelle créée par ton besoin de me dire adieu. N’avons-nous pas déjà suffisamment fait nos adieux ? » Alexander tourna les talons.
    « Je ne l’ai même pas contrôlé. Je n’ai juste pas envie de vous dire au revoir.
    — Il le faut, pourtant.
    — Je sais, et j’y suis prêt. Je voulais juste la voir au moins une fois. » Le sourire de son protecteur s’élargit. Il se leva, et s’approcha de son élève.
    « Quelle puissance tu détiens entre tes mains maintenant. » Commenta-t-il, sibyllin. « Cela aurait pu être un orbe de lumière surpuissant, ou une cape d’immortalité, mais le pouvoir le plus ancien de la lignée des Gardiens est tout autre.
    — J’y vois clair, maintenant, Professeur. Nous allons gagner. ».

    Le sexagénaire marqua une pause, et s’approcha de la fenêtre du Churchill High School.
    « Tu détiens maintenant le pouvoir de connaître la nature profonde des gens. De chaque être vivant dans l’univers, tu pourras voir la corruption, la bienveillance, la maladie, le mensonge. Tu verras ce qu’ils sont au plus profond d’eux-mêmes, et ainsi, tu seras en capacité de reconnaître les alias de Dimensio.
    — Il ne peut plus se cacher, c’est terminé. » Conclut paisiblement le Gardien de l’Équilibre des Forces, un sourire apaisé sur le visage comme il n’avait pas eu depuis longtemps.

    « Le temps presse, Alexandre. Maintenant, tu dois partir. Chaque seconde que tu passes ici te sépare de Dimensio, le vortex est à son apogée. Son ouverture est imminente. Il y a des gens qui t’attendent là-bas. » Exhorta alors le Professeur, d’une voix plus sévère.
    « Oui, il est temps. Je vais retourner à Thiercelieux, et trouver Dimensio. Je crois qu’il est maintenant temps pour nous de nous dire au revoir. Je me sens prêt à me séparer de vous, à jamais.
    — Non, Alexandre, nous nous reverrons une dernière fois. Je te le promets. Quand tout sera terminé. » Aucune tristesse ne transparut sur le visage du garçon. Au contraire, cette fois il se sentit prêt.

    Il avait maintenant retrouvé sa puissance, et détenait le dernier pilier des Gardiens. Son Professeur allait partir en paix, préservé mentalement des tortures de Dimensio. Tout allait aller pour le mieux.

    « Au revoir, Professeur.
    — Au revoir, Alexandre. ».

    Et sur ces mots, la bulle virtuelle disparut. Une puissance incandescente retourna au Gardien, son propriétaire.

    ***


    Gabriel allait mourir. D’une manière bien pathétique. Malgré sa transformation en Hulk, une référence culturelle que personne n’apprécierait dans ce monde, les Enfants Perdus le maintenaient bien fermement, et les orbites de l’un d’entre eux avaient quitté son visage pour venir aspirer toute la sève de sa vie. Ce fut toutefois sans compter sur un Deus Ex Machina, une lueur d’espoir dans cet océan de chaos. De multiples orbes de lumières fusèrent de part et d’autre du petit cachot duquel Alexandre se trouvait. Pris d’une terrible douleur, l’onde de choc fit s’effondrer la plupart des monstres assaillant le terrien. Oswald crut à un miracle, et se retourna, le visage balafré, les yeux tout ronds face à son sauveur.
    « Tu… Tu es revenu… Tu as récupéré tes pouvoirs…
    — Oui, Gabriel. » Commenta le protagoniste, scrutant avec grande attention celui qui l’aidait depuis la fuite du laboratoire de Slimane. « Je détiens maintenant le pouvoir qui me permettra de vaincre Dimensio. Je vois au plus profond de chaque être vivant dans cet univers ce qui se trouve au fond de leur conscience. Je parviens à lire comme dans un livre ouvert sur la nature profonde de tous ces gens. Je te vois, Gabriel, tel que tu es. » Commenta le jeune homme à la veste de marin, visiblement absorbé par ce qu’il voyait. Le terrien eut la désagréable sensation d’être analysé, étudié. Sa réaction fut avec condescendance.
    « Tu peux voir en chacun de nous, super, c’est pas ça qui arrêtera Dimensio. Il est dorénavant surpuissant, ça ne suffira pas. » À cette remarque, son interlocuteur prit un sourire apaisé. Ces sourires qui emplissaient de chaleur le cœur de ceux qui le voyaient. Ce sentiment de sécurité propre à Alexandre Schwartz, qui faisait que quand on se trouvait à ses côtés, rien ne pouvait nous arriver.

    « Je vois ce que tu es Gabriel. Il y a, au fond de toi, un milliard d’éclats. Tu as été brisé, malmené tellement de fois. Je me tiens en face de toi, et je sais que tu n’es pas l’ennemi que je recherche. Pourtant, il y a quelque chose en toi, qui ne t’appartient pas, et que je ne comprends pas. » Il marqua une pause et s’approcha de lui, posant sa main en cuir sur son épaule. « Tu es un humain, tout ce qu’il y a de plus banal. Tu ne possèdes aucun pouvoir, et pourtant… Oui… Pourtant, c’est avec toi que tout finira. » Exprima-t-il comme s’il était en transe. « Tu es bel et bien le fossoyeur des mondes. Toutes les lignes temporelles sont reliées à toi, tout mène à toi… Mais pourquoi ? ».
    Sur ces mots, un cri strident se fit entendre. Un cri qui n’appartenait pas aux Enfants Perdus, et qui annonçait un danger bien plus prégnant. Cela sortit le vingtenaire de sa torpeur.
    « Écoute, écoute, je ne sais pas ce que tout ça veut dire, mais ne restons pas là. Ce qui approche n’a pas l’air commode.
    — Je n’ai pas peur.
    — Oui… Mais… Mais tu n’as pas fait tout ce que tu avais à faire ici. Tu n’as pas encore rencontré Florent, et tu n’as pas vaincu la créature qui a tenté de le tuer. Il ne faut pas que l’on s’en aille maintenant, sinon Florent va mourir dans cet endroit, il ne te rencontrera jamais, et il ne fera jamais la cérémonie qui t’a permis de revenir à Thiercelieux ! » Les remarques de Grayson rencontrèrent un écho particulier au fond du Gardien. Il avait raison, d’une certaine manière, mais c’était sans compter sur un mensonge. D’un geste vif, et sans transitions, il attrapa la main de son compagnon. Tous deux disparurent dans l’obscurité de l’asile.

    ***


    Lorsqu’Alexandre et Gabriel réapparurent, ce dernier se jeta au sol, vomissant tout ce qui lui restait dans l’estomac, et sans doute le reste des pilules que le Dr. Leroy lui avait fait prendre durant sa captivité. Il jeta un bref regard autour de lui, et constata qu’il se trouvait à l’endroit même où, quelques heures, quelques jours, quelques mois auparavant, il dut faire un choix difficile. Au centre de la pièce, une série de corridors menait à différentes portes, elles-mêmes reliées à d’autres dimensions connectées par le vortex de la forteresse dimensionnelle.

    « Que faisons-nous là, Alexandre ? » Interrogea le canadien, en se retournant face à l’homme qui le surplombait. « Nous n’avons pas une minute à perdre, Florent pourrait être n’importe où.
    — Tu ne viens pas avec moi, Gabriel. Florent n’a jamais évoqué ta présence à l’asile de Holbein, et j’ai des choses à terminer seul. Par ailleurs, j’ai impérativement besoin de ton aide à Thiercelieux. » Commença-t-il, professoral. « Au cours de notre téléportation, je t’ai transmis une infime partie de mon pouvoir. Cela te semblera étrange sur le moment, mais cela te permettra de te défendre contre la malveillance de Dimensio, le temps que je te rejoigne et que je mette un terme à la cabale macabre du Fléau. » Oswald ne comprit pas très bien ce qu’il l’attendait de lui. Pire encore, il lui sembla que le Gardien l’envoyait à l’abattoir.
    « Qu’attends-tu de moi exactement ?! M’éloigner du seul mec qui peut me sauver la vie, ça me pose un gros problème. J’ai envie de voir comment tout ça finit.
    — Ça finira avec toi, j’en ai la certitude, alors n’ai crainte. Anselm, Samuel, le Maire, Kalinda, Antonin. L’un d’entre eux est un alias de Dimensio. Je le découvrirai dès que j’en aurai terminé ici, mais pour ça, tu dois d’abord les retenir le plus loin possible du vortex. J’ai besoin de toi, Gabriel Oswald. ».

    Alexandre Schwartz possédait ce don mystique, qui faisait qu’on finissait toujours par abonder dans son sens. Tout son plan avait toujours l’air aussi parfait, alors qu’il restait tellement de questions en suspens. Comment ferait-il pour retrouver Florent, si au moins leur théorie était exacte ? Qu’est-ce qu’il lui restait à faire de si urgent ici pour se débarrasser de lui ? Ces questions traversèrent bien l’esprit du terrien, mais se sentant investi d’une mission, il décida d’accepter, d’aller au-delà de ses doutes, et d’accepter la quête que lui avait confié cet homme en qui il aurait remis sa vie. Peut-être parce que Grayson avait toujours été conditionné à obéir, que ce soit à des scientifiques fous, un pervers narcissique, ou un héros autoproclamé.
    « La porte qui se trouve derrière toi te ramènera à Thiercelieux. Le garçon à qui tu as parlé l’autre jour, il t’a bien dit la vérité. Je peux le sentir maintenant. On ne peut plus me mentir. Je me demande ce qu’il est advenu de lui, maintenant. Il pourrait tout aussi bien être Dimensio qu’un programme conscient de sa captivité. Je dois poursuivre mes recherches ici, mais nous nous reverrons. Sois fort, Gabriel. ».

    Le vingtenaire aurait bien voulu répondre, mais à peine avait-il terminé sa phrase que celui-ci avait disparu, à nouveau, laissant le terrien avec sa nausée et cette impression que quelque chose d’infiniment puissant se trouvait en lui. Il lui fallait maintenant regagner Thiercelieux, et faire quelque chose de bien, pour une fois.

    ***


    « La solitude est un sentiment particulier. » Exprima Alexandre au fond de ses pensées, comme s’il cherchait à communiquer avec quelqu’un. « J’ai récemment pris conscience de beaucoup de choses. Ma charge de Gardien a toujours représenté quelque chose que personne ne comprenait. » Avec beaucoup de tranquillité, la veste de marin examinait avec attention tous les mouvements des Enfants Perdus. Ceux-ci se massaient depuis un certain temps déjà, au cœur de l’asile de Holbein, comme si une quelconque alarme de sécurité leur sommait de se rendre à cet endroit. « Dire au revoir à mon Professeur a été la chose la plus émouvante de toute ma vie, mais c’était de beaux adieux, et je sais qu’il s’en est allé en paix. » Il suffisait de suivre ces créatures pour comprendre que dans une guerre, les ennemis se massaient toujours là où se trouve l’énergie ; le pouvoir. « Cela a aussi été pour moi l’occasion de m’émanciper une bonne fois pour toute. Cet homme était ma seule faiblesse, et Dimensio le savait. J’ai sacrifié tous mes pouvoirs pour le sauver, j’ai bien failli y rester, mais je suis sûr maintenant qu’autre chose me protège. » À en juger par les hurlements, le Prodige naviguait à vue dans les donjons. Il savait, cependant, qu’aucun de ses cris n’était réel, et le Fléau ne s’était jamais donné la peine d’essayer de le duper ainsi. Avec lui, le Premier Mal avait toujours dit la vérité. Il était donc proche de ce qu’il cherchait, Florent. Il lui manquait encore une pièce pour comprendre le rôle qu’il jouait dans cette tragédie. Que devait-il réaliser ici pour que sa ligne temporelle ne soit pas altérée, et qu’il puisse venir à Thiercelieux ? Quelle révélation manquait-il ?

    « Maintenant, je touche du doigt la vérité. Je ne suis pas seul. Dimensio l’a compris bien avant moi, mais quelle est cette torpeur qui dirige nos cœurs ? Je suis maintenant seul au monde, mais j’ai toujours été seul au monde. Plus que jamais, je suis prêt à l’affronter, et je vois maintenant si clair en chacun de nous. ».

    Schwartz entendit une voix se faire de plus en plus forte. Il touchait au but.

    « Non… m’abandonner ! Tu n’as pas le droit ! Non ! Non ! Non ! » Il ne connaissait pas cette voix, et pourtant, maintenant qu’il se trouvait juste derrière la porte de ce cachot-ci, il entendit plus distinctement la personne qu’il cherchait depuis tout ce temps.
    « Tu n’es plus Daniel. Je ferai ce que je peux pour revenir, je te le… ».

    « Florent est un des trois gardiens de la Forteresse Dimensionnelle. Lui plus que quiconque avait le pouvoir de l’arrêter. Bien que je ne le voie pas, je peux déjà savoir ce qu’il y a au fond de lui. C’est pour ça que je ne comprends pas. » Alexandre posa une main sur la porte coulissante de la prison. Les Enfants Perdus étaient en train d’assassiner celui qui avait aidé Gabriel, et il ne fit rien pour l’aider, trop perturbé par ce à quoi il pensait. « L’essence de Florent Hämälaïnen est encore plus pure que celle de mon mentor. Alors, j’ai peur de comprendre mon rôle dans cette histoire. ».

    Des supplications fusèrent de tout part. Daniel perdait la vie, on la lui aspirait, alimentant par la même la source de désespoir que constituait cet endroit. Les Enfants Perdus allaient bientôt s’en prendre à Florent, et si le Gardien ne les arrêtait pas, s’il n’était pas le sauveur de ce garçon ici, et maintenant, le temps serait si fracturé que Dimensio n’aurait plus besoin d’un vortex pour s’enfuir. Telle était la tragédie du temps et du destin.

    « Et si, finalement, c’était moi le fossoyeur des mondes ? »

    Le jeune homme de la vingtaine se tint immobile dans l’interstice de la porte. Son corps svelte, emmitouflé dans sa veste de marin et son écharpe noire, rayonnait sous la couche de vêtements élégante qu’il portait. Un air de majesté se dégageait de lui, et juste en face, la silhouette chétive de Florent, effrayé par ce qu’il voyait, tétanisé à l’idée de mourir, avait l’air si pathétique par rapport au monstre qu’il avait été lors de leur dernière rencontre. Pour ce dernier, c’était bien sûr la première fois qu’il rencontrait Alexandre, et il fallait pour celui-ci conserver le mystère entourant sa venue.
    « Je suis dans les cellules… Tout s’explique… » Commenta-t-il faussement.

    « Et si, finalement, c’était à moi qu’il revenait la tâche impardonnable d’obscurcir le cœur de Florent ? ».

    Il s’avança au niveau de l’adolescent, sans même lui adresser la parole, alors que les masques à gaz se rapprochèrent dangereusement à leur niveau. Il leva la main, et avec une grande maîtrise, il orchestra leur exécution. Un liquide visqueux coula de leur visage, puis ils s’effondrèrent à terre. Tous, sans exceptions. Un exploit dont il n’aurait jamais été capable un peu plus tôt. La scène s’était passée très vite, le Gardien de l’Équilibre avait sauvé le tueur de sa sœur. Le regard qu’il reçut du thiercellois était empli d’une admiration béate, presque enfantine. Schwartz comprit enfin pourquoi Hence avait pu croire à s’y tromper qu’il s’agissait du nouveau Gardien. Il avait l’air si innocent. Il était si innocent. Il respirait la candeur et la bienveillance.
    « Vous. Vous êtes le Gardien. » Fine observation. Alors même qu’au plus profond de lui, Florent ne résultait que de la personnalisation par un esprit pervers d’un gardien de ce même esprit, il lui avait implanté la capacité de croire en un nouvel espoir, celui du sauveur qui les extirperait du piège de Termina. Le sadisme de Dimensio n’avait aucune limite. L’espoir, le sale espoir.
    « Vous m’avez sauvé… ? Renchérit l’adolescent terrifié. Que répondre à ça ?
    — Non. Je ne suis pas là pour toi, Florent. Il y a des choses qui sont plus importantes que toi. Lui asséna-t-il d’un ton si léger, alors qu’il mentait, et qu’en cet instant, rien n’était plus important que le jeune Hämälaïnen.
    — En tous cas… vous… vous m’avez sauvé, alors merci. ».
    Le doute éprit le Gardien. Serait-il capable de faire du mal à cet enfant ? Était-ce bien à lui de faire en sorte que les événements se déroulent comme prévu ? Ne pouvait-il pas changer le cours des choses ? Quelle pièce manquait-il pour comprendre ce puzzle ?

    « Je ne t’ai pas sauvé. Si ce n’était pas sur ma route, je t’aurais laissé où tu es. Je n’aide pas les gens qui essaient de me dresser. » Alexandre lui-même se trouva trop dur. La colère consécutive au meurtre barbare de sa sœur, Alice, au Palais Municipal, l’avait visiblement trop ému. Le souvenir de Hämälaïnen le faisant rôtir sur la chaise électrique d’un tribunal fictif avait achevé de maintenir son calme, et il avait dérapé. Cela plongea l’intéressé dans une grande détresse, évidemment. Pour autant, il avait visiblement relié cette phrase à un autre événement dont il se sentait coupable. Ce n’était pas plus mal.
    « Je suis désolé, m’sieur. Je suis vraiment désolé. Je suis mort à cause de ça. Je voulais pas. Je. Pardon. » De quoi pouvait-il bien parler ?

    Le Héros de Légende eut une demi-seconde d’hésitation. Une demi-seconde pendant laquelle il se passa beaucoup de choses dans sa tête.
    D’abord, il comprit enfin. Hence lui en avait parlé. Lors du premier retour dans le temps dont son Professeur avait pu se souvenir, ce dernier avait prétendu que son élève agissait auprès de ceux qui étaient restés au Hall de Sécurité, pour les intimider et les empêcher de le piéger si jamais la puissante énergie dégagée par Anselm avait permis de créer réellement un passage pour ramener Alexandre à Thiercelieux. En somme, il avait cherché à éviter que son protégé ne tombe entre les griffes de la Desmose. Cela avait provoqué la colère de leur chef de bande, la rouquine, laquelle avait froidement assassiné Florent, après qu’il se soit interposé pour sauver son mentor.
    Sauf que lorsqu’il se remémora cet événement, il réalisa aussi qu’à aucun moment il n’avait pu intervenir pour les arrêter, contrairement à ce que la Desmose prétendit après le premier retour dans le temps. Cela ne pouvait vouloir dire qu’une chose, le retour vers le passé avait été lancé par quelqu’un d’autre qui avait besoin de maintenir la boucle temporelle de Thiercelieux. Un individu suffisamment puissant pour générer un monde imaginaire et y figurer en tant que protagoniste. Un individu qui laissait une marge de manœuvre à ses pantins, tout en gardant la main sur la fin de la partie, et qui ne voulait pas qu’elle ne soit brisée si vite.
    Celui qui avait menti et qui avait affirmé le rencontrer dans la Salle du Calculateur ne pouvait être que celui qu’il cherchait depuis tout ce temps. Il n’avait pas une minute à perdre, et devait retourner le plus vite possible à Thiercelieux, parce qu’une question était soulevée de ses déductions. S’il voulait quitter Termina, pourquoi aurait-il empêché le vortex d’atteindre son apogée ? Cela ne pouvait vouloir dire qu’une chose et le Gardien le savait très bien : le retour vers le passé nourrissait la faille de la forteresse dimensionnelle. Cette révélation lui fit si froid dans le dos.

    « Tes excuses ne valent rien. » Commença-t-il par dire, pour ne pas se laisser absorber dans ses pensées. « Tu devrais plutôt sortir d’ici. Je ne sais pas où c’est, mais en tous cas, ce n’est pas sur le chemin que je m’apprête à suivre. » Son unique objectif était maintenant de regagner le plus vite possible la cité de Termina, qu’importe que Florent survive ou non à sa rencontre, tout ceci n’était qu’un nouveau moyen de perdre du temps et de le tenir éloigné de l’essentiel.
    « Au bout de ce corridor, il y a un petit sas. À droite, ce sont de grandes salles, je ne sais pas ce qu’ils y font. Mais plus loin, c’est un cul-de-sac qui mène à… des cadavres. Des tas de cadavres. Avec plein de pustules partout au visage. Puis ça ce sont des cellules. Il faut…
    — Merci Florent, mais je n’ai pas le temps pour eux. Leur âme a sombré dans la folie, je ne peux rien faire. Toi non plus. Rentre chez toi, cela vaut mieux. » Fit Schwartz dans une nouvelle tentative pour couper court à la conversation, et s’éclipser le plus dignement possible. Il ne pouvait pas prendre le risque de tout bouleverser maintenant, parce que chaque acte était comme un jeu de mikado qui pouvait entraîner des conséquences irrémédiables et funestes. Avec noblesse et dignité, il s’était donc remis à marcher, et avait fini par passer le pas de la porte. Lorsqu’il l’avait refermée, son air froid et distant se dissipa, et il lâcha un lourd soupir, les larmes plein les yeux. Il devait partir maintenant, et pourtant on lui avait dit qu’il ne pouvait pas.

    «
    Tu crois que je vais te laisser partir comme ça ? » Interrogea alors la voix d’une silhouette qui venait d’apparaître juste à côté de lui. Immédiatement, Alexandre se recula et se mit sur la défensive. « Arrête de faire comme si j’allais te tuer, ne vois-tu pas à quel point c’est marrant ce jeu auquel nous jouons ? » Avec sa main en cuir, le britannique vit apparaître le reflet de lui-même à quelques mètres de là où il se trouvait. Sauf que ce reflet était loin de dégager la même aura. Ce double puait la malveillance, la destruction, le chaos, les pulsions de mort. C’était à vomir. « Allez ! Parle-moi ! Tu as raison, tu sais, je ne peux rien faire dans cet endroit. Tu devrais en profiter, on pourrait prendre une tasse de thé toi et moi, discuter de comment je vais détruire le monde, entre gays. Ce serait cool, non, ma petite tapette d’Alexander ?
    — Je constate que ta santé mentale continue de décliner. Répondit-il de manière laconique.
    Tu penses que je suis fou ? C’est peut-être vrai, ma foi. Un dingue prêt à pulvériser l’univers et tout ce qui s’y trouve, il faut bien qu’il soit frappaldingue. »

    La silhouette se rapprocha. Elle était impalpable. «
    Mais tu vois, Alexandre, il est déjà trop tard. J’ai gagné, et tu as perdu. Au crépuscule du dernier jour de ce dernier cycle, je ne lancerai pas de retour vers le passé depuis ma bulle virtuelle. Le vortex a atteint son apogée, et il ne reste plus que quelques heures pour m’empêcher de m’évader. Et le plus délectable, et c’est pour ça que je voulais le dire avec ton corps et ta voix, c’est que tu ne pourras pas arriver à temps. » Le visage de son interlocuteur se raidit. « Tu commences à comprendre, chaton. Je suis devenu si puissant que j’arrive à lire ton esprit, autrefois si scellé. Dans cet endroit, rien n’a de secret pour moi. » Il marqua une pause, puis continua. « Alors, c’est vrai. Maintenant, je ne peux plus me cacher de toi. Mais ça n’a aucune importance, Alex, parce que tu es piégé. Échec et mat. Si tu quittes cet asile sans avoir corrompu le cœur de cette merde de Florent, l’ordre du temps sera bouleversé et brisé. Ce qui signifie que je m’échapperai. Si tu restes dans cet institut bucolique, tu n’as qu’une très maigre chance d’arriver à temps. Mais tu en as une quand même, en écrasant la vie de deux personnes. » Le Gardien n’exprimait plus aucune émotion, mais son cerveau était en ébullition. Ses efforts religieux pour conserver la propriété de ses pensées empêchèrent votre serviteur de vous les décrire, mais il en résulta une puissante frustration, et un sentiment d’impuissance qui vous délecterait au repas.

    « Tu bluffes.
    Chiche.
    — Pourquoi perdrais-tu tout ton temps à me dire ça ? Demanda-t-il comme s’il connaissait déjà la réponse, comme s’il ne voulait que le faire parler.
    Parce que je veux te donner un rendez-vous pour le début de l’Apocalypse, et crois-moi tu as intérêt d’être à l’heure. À six heures du matin, à l’aube du jour d’après, je t’attends au sommet de la tour d’astronomie de Thiercelieux. Ce sera ta seule chance de m’arrêter, parce que tu vois le seul reproche qu’on a jamais pu me faire, ça a été d’être un menteur. Enfin, encore faudrait-il que tu retrouves ce garçon et que tu accomplisses ce pour quoi tu es là. » Sur ces mots, le faux Alexandre tourna les talons, en riant à pleine dents.

    Le poing du Gardien de l’Équilibre des Forces se ferma. À l’intérieur, et sans crier gare, un éclair de lumière transperça son double maléfique. Un hurlement catatonique s’éprit de sa cible, qui disparut la seconde d’après.
    C’est à moi, Dimensio, de reprendre le contrôle de cette histoire. Tu croyais pouvoir me piéger, mais j’avais pris ma décision bien avant que tu ne viennes à ma rencontre. Je fixe les règles du jeu, je suis ta balle d’argent, et je vais t’arrêter. Je ferai ce que j’ai à faire, parce que la Mission, c’est ça l’important. Et si je dois écrabouiller le cœur de toute l’humanité pour ça, je le ferai. Alors, quand Florent a quitté les donjons, j’ai mémorisé son odeur, et je sais maintenant exactement où il est. Eliot Winchester, un des autres gardiens de la prison, est avec lui. Alors qu’il en soit ainsi, je vais faire d’eux des monstres, mais je peux te promettre que tu ne seras pas sur mon dos pour voir ça. Ceci est aussi mon histoire.
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MessageForum: Fanfictions Code Lyoko   Posté le: Lun 19 Mar 2018 14:50   Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance
    Laboratoire de Slimane, South Yorkshire. 7 décembre 1984.

    Lorsque Gabriel passa le seuil de la porte, il se retrouva dans un laboratoire qui ressemblait beaucoup au supercalculateur de l’usine Renault. Désorienté, son rythme cardiaque s’accéléra. Il ne comprenait pas bien où il était, mais il remarqua à ses pieds un boitier, sur lequel un compte-à-rebours défilait seconde par seconde. Formé à cette vieille technologie utilisée pendant la guerre froide, le garçon comprit immédiatement qu’il s’agissait d’une bombe. Celle-ci allait exploser dans quelques secondes. Il ressentit évidemment l’envie de retourner immédiatement par là d’où il venait, mais au loin, penché sur un écran d’ordinateur, il aperçut sa silhouette.
    Celle du Héros de Légende.

    « Et merde… » Lorsque le Gardien prononça ces mots, cela fit comme un déclic dans l’esprit d’Oswald.

    « Alexandre ! Tout va péter ! Viens, par là, par là ! » Hurla-t-il pour attirer son attention. Le garçon à la veste de marin se retourna immédiatement. Tout se passa trop vite pour que le terrien comprenne, mais alors qu’il ne restait plus qu’une poignée de secondes, une main gantée en cuir se saisit de son bras. Il n’avait pas compris ce qu’il venait de voir, une téléportation, un manque d’attention lié à ses médicaments. Tout ce dont il pouvait être certain, c’est qu’accompagner du véritable dernier espoir de l’humanité, il venait de traverser de nouveau la porte vers l’asile de Holbein.


Note de bas de page : un appendice à la séquence 7 de CharmingMagician.exe a été ajouté. L'appendice est disponible en
rose et découle directement des actions de Gabriel.
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Pikamaniaque

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MessageForum: Fanfictions Code Lyoko   Posté le: Lun 19 Mar 2018 14:47   Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance
Nous y sommes.

Projet Renaissance est officiellement de retour après près de quatre mois de vacances.

MISE AU POINT À LIRE


L'écriture du chapitre 19 a été compliqué. Le chapitre 19 est un tournant dans la fiction, qui introduit l'arc final de la fiction. Autrement dit, le chapitre 19 est le début de la fin. Dimensio, plus puissant que jamais, est sur le point de s'enfuir, et Alexandre, plus affaibli que jamais, n'est pas en mesure de l'arrêter.

Si cela n'était pas clair, lorsqu'Alexandre s'enfuit dans le portail dimensionnel créé dans la Forteresse, c'est dans le monde de CharmingMagician qu'il arrive. CharmingMagician est la continuation directe, pour Alexandre, du chapitre 18. Dans cette fiction, si vous ne vous en souvenez pas, Alexandre est de plus en plus affaibli. Cela a commencé dans la Forteresse Dimensionnelle ( chapitre 17 et 18 ), mais ses pouvoirs s'épuisent parce qu'il les a trop utilisés. À la fin de CharmingMagician, Slimane, qui est un alias de Dimensio, le piège dans son laboratoire et fait exploser entièrement le complexe qu'il avait utilisé pour torturer Denys.
Alexandre, depuis la fin de CharmingMagician, est donc réputé mort. Dans le chapitre 19, nous revenons donc sur les personnages que nous avons laissés derrière nous au chapitre 16, avant que Florent envoie Alexandre et Hence dans le « passé » de Thiercelieux — qui s'est révélé être l'extérieur de la bulle virtuelle que Dimensio a créé et conçu comme un théâtre de marionnette.
Cependant, c'est un chapitre encore très différent de ce à quoi je vous ai habitués jusqu'au 16.


Je vous recommande vivement de prêter grande attention aux détails de ce chapitre, qui a été écrit et relu expressément, et qui va commencer à faire véritablement le lien entre tout ce qui a été mis en place depuis BPE, jusqu'à CM et maintenant jusqu'à PR.

Pour Silius, je t'avais donc répondu sur Skype à tes interrogations. J'espère que tu trouveras plus de réponses à tes questions dans ce chapitre.

_____________________________________________________________


Chapitre 19 : Requiem des Esprits


    La pièce était plongée dans la pénombre. Aucune fenêtre, aucune aération, si ce n’est une porte close à double-tour. Par terre, un homme d’une vingtaine d’années gisait là, inconscient. En-dehors de la pièce, on percevait des bruits de pas qui martelaient le sol vivement. La silhouette famélique ouvrit péniblement les yeux, mais il ne vit devant lui que l’obscurité. Il tenta de se relever, prit appui sur une sorte de table qui se trouvait derrière lui. Son corps était meurtri, entaillé, affamé. Il avait le tournis, et avançait péniblement vers la porte d’où émanait une lueur. Soudain, une lumière froide et brutale éclaira toute la pièce, qui révéla des murs en forme de coussins et des angles arrondis, que le garçon percevait avec beaucoup de difficultés. Titubant une bonne minute, comme déconnecté du réel, il eut l’impression que ses yeux n’avaient pas vu le soleil depuis des années. Le fait de penser au soleil l’apaisa. Attiré brutalement hors de ses pensées, la porte coulissa en produisant un horrible bruit métallique. Celui-ci lui perça les oreilles, et le contraint à s’affaisser sur lui-même, le mettant à terre. Un homme très grand, vêtu d’une combinaison noire, entra alors dans la pièce, en compagnie de plusieurs blouses blanches.

    « Bonjour Gabriel, comment te sens-tu aujourd’hui ? » Demanda l’homme avec une voix faussement compatissante. Le corps de l’interpellé se mit à trembler, et celui-ci chercha alors à se relever. Toutefois, les infirmiers l’empoignèrent fermement et le maintinrent au sol. Une aiguille pénétra son bras tandis qu’une camisole fut serrée autour de lui. Le patient sentit que le peu d’énergie qu’il avait retrouvé lui était comme aspiré par cette aiguille, laquelle ralentissait tout son corps. Jetant faiblement un regard sur son bras, plusieurs palpitations cardiaques le figèrent. Il remarqua avec effroi que ses veines ne ressemblaient plus à rien, que son bras semblait avoir vécu un siècle, et sur cette pensée, il ferma les yeux, et s’endormit dans l’ombre d’une femme, qui observait tout au loin.

    ***


    Lorsque ledit Gabriel se réveilla, il se trouvait au centre d’une cage en verre. Il ne sentait plus aucun vêtement sur lui, et sa vision demeurait éblouie. Par les drogues qu’on lui faisait prendre, ou par l’éclairage extrêmement violent que l’on avait braqué sur lui, il n’aurait su dire, il ne se sentait plus vraiment en état de réfléchir.
    « Gabriel Grayson. Est-ce que vous m’entendez ? » Interrogea soudain une voix au loin, restituée avec des interférences comme s’il s’agissait d’une voix de microphone. Le concerné chercha alors à appuyer sur ses bras pour se relever, mais il ne sentit plus aucune force en lui. Il ne se rappelait de rien, tellement de temps s’était passé. Une heure, un jour, une semaine, un an peut-être ? Sa seule certitude, maintenant, c’était son sentiment de faiblesse.
    « Gabriel Grayson. Est-ce que vous m’entendez ? » Répéta la voix. Celle-ci lui transperça les oreilles, et péniblement, il hocha la tête.
    « Savez-vous qui je suis ? » Redemanda la voix, alors que l’éclairage baissa considérablement. Des flashs lumineux obscurcissaient encore la vision du prisonnier, mais il arrivait maintenant à distinguer un lustre accroché au plafond, hors de sa cage en verre, ainsi qu’un bureau. Un large bureau en bois marbré, dans un style victorien qui s’accompagnait d’une petite cheminée au loin. Enfin face à lui se trouvait un inconnu à la stature imposante. Tâtonnant malgré son aveuglement, Oswald chercha à se rapprocher pour mieux voir. Le souvenir de son vrai nom de famille l’apaisa, et il puisa au fond de l’énergie qui lui restait pour se souvenir de cette personne. Un éclair le frappa soudain.
    « Do… Docteur…
    — Oui, M. Grayson, je suis votre docteur. Le Dr. Héloïse Leroy. Je suis ici pour vous aidez, vous comprenez ? » Fit son interlocutrice en se rapprochant de la cage en verre.

    Aider... De quoi cette folle pouvait bien parler ? Ce devait être en ce moment les pensées du jeune Gabriel. Tout se bousculait encore plus ou moins dans son esprit.

    « M. Grayson, vous avez manifesté un épisode psychotique d’une rare intensité. La direction de notre hôpital psychiatrique a dû prendre des mesures drastiques pour vous protéger, vous, nos patients et notre personnel. Est-ce que vous vous en souvenez ? » Le médecin avait parlé lentement et distinctement. Chaque syllabe était hachée, pour que le concerné puisse bien comprendre les informations qu’on lui communiquait. L’intéressé mit un certain temps avant d’assimiler toutes les informations. Il ne comprenait pas ce qui lui arrivait, et des larmes se mirent alors à couler de son visage. Non par tristesse, mais par frustration. Il ne comprenait rien à ce qui pouvait bien se passer ici. Un bruit inattendu le fit d’ailleurs se recroqueviller sur lui-même. Deux infirmiers avaient ouvert la cage, et l’avaient empoigné par le bras pour le poser sur le canapé qui jouxtait le bureau de madame Leroy. Le vingtenaire était terrifié quand celle-ci s’assit à côté de lui.
    « M. Grayson, est-ce que vous vous souvenez ? » Demanda-t-elle en passant sa main près de l’oreille de sa victime. Des tremblements plus importants se firent alors sentir. Il n’y avait plus d’oreille. Une partition très aigüe se joua alors dans la mémoire du malade. Des bribes remontèrent à lui. Une ville, une mission, un héros, le dernier espoir de l’humanité.

    « M. Grayson. » Répéta lentement le Dr. Leroy, qui semblait percevoir les réminiscences de son patient. « Restez concentré sur ma voix. » Lui somma-t-elle. Elle approcha sa bouche de la seule oreille qui lui restait. « Vous êtes gravement malade. » Fit-elle très calmement. « Vous êtes interné dans notre institut depuis votre enfance, et nous avons déjà eu cette conversation à plus d’une reprise. À chaque fois, vous vous souvenez… À chaque fois, vous réalisez. » Le canadien posa ses mains sur sa mâchoire, comme interdit.
    « Je… » Prononça-t-il avec difficulté. « Je suis… malade… » Répéta-t-il bêtement. Héloïse confirma, l’air grave.
    « Vous êtes interné dans une unité psychiatrique de haute sécurité pour des troubles de la personnalité schizophrène. Vos épisodes psychotiques, de plus en plus nombreux, vous ont créé un monde imaginaire dans lequel vous interagissez en tant que sauveur d’un endroit appelé Thiercelieux. Cet endroit n’existe pas et n’existe que dans votre tête, M. Grayson. » Le déséquilibré lâcha alors un violent hurlement. Son cœur frappait contre sa poitrine à la manière d’un petit animal effrayé. Il était terrorisé. « Je suis ici pour vous aider, M. Grayson. » Répéta le docteur en posant sa main contre la sienne. « Ensemble, nous travaillons à vous faire aller mieux. » Acheva-t-elle avec un sourire béat sur son visage. Elle croyait fortement en la rémission de sa victime.

    Gabriel, quant à lui, ressentait un puissant mal de crâne. Mais face à lui se trouvait sept boîtes de plusieurs comprimés à prendre chacun avec un verre d’eau.
    « Vous allez de mieux en mieux, M. Grayson. » Poursuivit le psychiatre, en tendant le premier comprimé à Oswald. Celui-ci s’en saisit, tremblant, et commença à les avaler l’un après l’autre. « Il y a deux semaines, après les énormes progrès que nous avons fait, vous avez pris en otage un de nos infirmiers, et vous l’avez égorgé. » Le détraqué manqua de s’étouffer avec la dernière gélule. Ses yeux en lâchèrent quelques larmes, et il posa son regard frêle sur la silhouette androgyne de son médecin. « À cette occasion, poursuivit-elle, vous vous êtes mutilé l’oreille parce que vous pensiez être en plein délire. Vous vouliez accomplir une espèce de rituel. ». Elle se releva. « Mais le délire, M. Grayson, c’est votre monde. Thiercelieux, qui n’est qu’un jeu de cartes. Frank Underwood, le Maire, qui est un personnage de fiction d’une série appelée House of Cards. Le vortex menaçant d’engloutir la cité, Dimensio, ce super-ennemi que vous auriez à affronter. Tous ces monstres viennent d’un jeu appelé Super Paper Mario, sorti sur une console appelée la Wii. Vous comprenez ce que cela signifie, M. Grayson ? » Rappela-t-elle d’une voix grave.

    Le trouble du missionnaire de l’humanité crut d’autant plus qu’il commençait à se rappeler distinctement des derniers événements encadrant Thiercelieux. Sa fuite à travers la pleine de Termina, « un élément du jeu Zelda Majora’s Mask. », sa capture par la Task Force du Prince Florent. Il croupissait actuellement dans les geôles du Palais Municipal, où le Kindestod avait survécu. « Ce monstre de la série télévisée Buffy Contre Les Vampires ne fait pas non plus partie du monde réel, M. Grayson. » Tonna plus durement le thérapeute.
    « Vous lisez dans mes pensées… ? Demanda le rachitique.
    — Non, M. Grayson, vous pensez à haute voix. ».

    Cette nouvelle plongea la pièce dans un silence qui n’était rompu que par le crépitement du feu de cheminée.

    « Pitié… Aidez-moi… Je veux guérir… » Geint alors le petit être qui n’avait pas encore pris connaissance de son état général. Le spécialiste hocha la tête et retourna derrière son bureau. « J’ai déjà augmenté votre posologie générale, M. Grayson. Votre traitement fonctionne, vos hallucinations ont fortement diminué, mais seul un suivi thérapeutique vous permettra de vous en sortir. Nous allons faire le nécessaire pour vous, je vous le promets. » Assura Héloïse d’une voix empathique et bienveillante. Peut-être trop.
    « Attention, M. Grayson. » Intervint-elle soudain. « Ne sombrez pas dans la paranoïa. Ce que vous dites, je l’entends, vous n’êtes pas conscient de la gravité de votre état.

    Sur ses mots, plusieurs infirmiers pénétrèrent dans la pièce, une chaise roulante avec eux.

    « Nous allons maintenant vous ramener dans votre chambre et vous sortir de l’isolement. Vous guérirez, Gabriel. Je vous le promets. ». Une nouvelle aiguille se planta dans son bras. Un nouveau coma l’attendait. Cette fois-ci, celui-ci serait peut-être moins long que le précédent.

    « Dr. Leroy… message… Madame la Directrice… s’est échappé… Prudence absolue… ».

    ***


    Plusieurs caméras observaient en permanence le moindre mouvement de Gabriel Oswald. Dans sa chambre ne se trouvait qu’un lit fixé au sol. Il était surpris d’avoir encore droit à un lit après toutes les horreurs qu’il avait faites. Le temps continuait de passer inexorablement, et chacune de ses séances avec son psychiatre le rapprochait de la guérison. Il en était convaincu.
    « Aujourd’hui, avec le docteur, nous avons reparlé de mon enfance. Je me suis rappelé des choses dont je n’avais plus aucun souvenir. J’ai été un orphelin, abusé sexuellement, violenté à plusieurs reprises par mes tuteurs. Je n’ai jamais eu personne pour moi, et j’ai vécu une violence si extrême que je me suis réfugié dans un monde imaginaire que j’ai appelé Thiercelieux. Le Dr. Leroy m’aide à aller mieux, et m’a dit que ce n’était pas ma faute si j’avais tué ce pauvre infirmier. Je ne suis pas responsable de mes actes, je l’ai compris. Je me consacre maintenant à la lecture, à l’écriture. Je fais parfois des rechutes, mais maintenant qu’ils ont changé d’hôpital mon voisin de chambre, Florent Hämälaïnen, que je prenais pour un Prince diabolique, et que je ne croise plus aucun autre patient, les plus grosses hallucinations sont derrière moi. J’ai d’ailleurs recommencé à m’alimenter, à manger, ma courbe de poids ne cesse d’augmenter. Merci à toute l’équipe médicale pour cela. Je commence à aller mieux, maintenant, je le sens. ».

    La porte de sa chambre s’ouvrit. Un infirmier rentra à l’intérieur, avec un chariot de médicaments.
    « M. Gabriel Grayson ? Je vous apporte vos comprimés. » Ce nouveau soignant officiait dans l’hôpital depuis seulement quelques semaines, et se montrait particulièrement gentil avec lui. C’était d’ailleurs son seul contact social en-dehors du docteur, le seul qui prenait vraiment de ses nouvelles et qui revêtait véritablement un intérêt à sa rémission.
    « Impressionnant, il y en a beaucoup aujourd’hui Daniel !
    — C’est vrai, tu en as quatorze à prendre, au lieu d’onze. Le Dr. Leroy pense que ce serait mieux pour toi d’en consommer plus avant les prochains examens que tu vas passer au centre hospitalier.
    — Tu as un peu de temps pour discuter aujourd’hui, Daniel, comme je te l’ai demandé ? » La blouse blanche hocha à l’affirmative.
    « J’ai même reçu l’autorisation du Dr. Leroy. Elle pense que c’est très bénéfique à ta rémission. » Affirma-t-il, les dents brillantes.

    Les deux hommes se posèrent en tailleur sur le carrelage froid de la chambre. Ils jouèrent ensemble aux cartes et passèrent un bon moment.
    « Gabriel. » Entama l’autre jeune homme à l’air juvénile, comme s’il allait annonçait quelque chose d’important. « Que sais-tu du monde dans lequel tu te trouves ? » Le canadien se montra plutôt désarçonné par la question. Maintenant qu’il y pensait, il ne savait pas exactement où il se trouvait.
    « J’imagine que nous sommes quelque part au Canada. C’est vrai que je n’ai jamais pensé à demander.
    — Tu penses que nous sommes au Canada ? As-tu déjà vu le Canada ?
    — J’y suis né, et je n’ai jamais voyagé que je sache. Sauf… » L’intéressé se tut, et ravala ce qu’il allait dire. Le programme des Nations Unis, au titre du dernier espoir de l’humanité, tout ceci n’existait pas. « Non, je n’ai jamais voyagé.
    — Nous sommes en quelle année, selon toi ? » Demanda l’infirmier avec bienveillance. La question plongea Gabriel dans une profonde réflexion.
    « Je ne me souviens pas.
    — Gabriel, je ne veux surtout pas te faire peur, et j’aimerais que tu conserves un calme olympien au regard de ce que je vais te dire. » Le stress du garçon commença à fortement croître. « Je ne m’appelle pas Daniel, je m’appelle Frisk, et je suis ici pour t’aider. Pour te faire sortir d’ici. Pour te faire accomplir une mission. ».
    La réaction de l’intéressé fut brutale. Le patient se hissa sur ses deux jambes et alla se coller contre l’angle d’un mur en hurlant. Heureusement, la pièce était insonorisée, et les caméras venaient de s’éteindre. Tout l’asile venait d’être plongé dans le noir, et une alarme rouge résonna très fortement dans tout le bâtiment.

    « Gabriel, il faut que tu sortes d’ici et que tu le préviennes.
    — De qui tu parles ?!
    — Du héros de légende. » L’intéressé posa ses bras contre ses oreilles, et se mit à hurler de toutes ses forces comme s’il était dans un mauvais rêve. Le cri transperça les tympans de son interlocuteur. Tout laissait à penser qu’une nouvelle hallucination s’éprenait de lui, et que ce qu’il entendait n’avait rien de réel. Comme une bête, il se jeta contre les comprimés. Il en sortit une dizaine, qu’il tenta de tous mettre dans sa bouche. Il les avala d’une traite.

    Il sentit une dose d’apaisement se répandre au sein de son cœur.

    « Pitié… Ne dis rien… Ne dis rien… Ne dis rien du Héros de Légende… » Ce fut les derniers mots qu’il entendit de la bouche de Frisk.

    ***


    Gabriel se trouvait maintenant sur le sofa contigu au bureau du Dr. Leroy. Plusieurs semaines avaient dû se passer depuis l’incident au cœur de sa chambre. Il ne se souvenait plus très bien ce qui s’était passé pendant. L’isolement, encore, mais il se retrouvait maintenant au point d’arrivée, comme s’il revivait sans cesse la même scène, encore et encore.
    « Pouvons-nous, M. Grayson, reparler de ce qui s’est passé dans votre chambre ?
    — Oui… Je vous l’ai dit… Nous jouions aux cartes avec l’infirmier. Puis, tout-à-coup, il m’a dit s’appeler Frisk. Il voulait m’aider… à m’enfuir… Je… Puis j’ai entendu une alarme. J’ai entendu une alarme. » Répéta le jeune homme, sanglotant. « Tout est devenir noir, puis rouge, noir, puis rouge. Je ne me suis jamais senti aussi mal. Je croyais pourtant que j’allais mieux. ». On pouvait mesurer à sa voix toute la déception qu’il sentait contre lui-même.
    « M. Grayson… » Commenta la vieille femme en soupirant. « Vous avez agressé cet infirmier. Vous avez tenté de l’étrangler, et ensuite, vous vous êtes jeté sur vos médicaments. Il n’y a jamais eu d’alarme, et rien de ce qu’il a dit n’était vrai. Tout s’est passé dans votre tête, et bien qu’il n’aurait jamais dû passer du temps avec vous, cela a constitué une nouvelle agression sur votre dossier. ».

    Les propos du psychiatre troublèrent beaucoup le schizophrène. En effet, il se rappela que lorsque Daniel rentra dans sa chambre, celui-ci lui avait dit qu’il avait reçu l’autorisation de madame Leroy pour passer du temps en sa compagnie.
    « Tout va bien, M. Grayson ? » Demanda le thérapeute, inquiet de cette absence. Un soupçon d’angoisse monta en lui. « A-t-il parlé de quelque chose d’autre ? 
    — Comment va-t-il ? » Désarçonnée par la réponse, son interlocutrice haussa les épaules. « Pour ne rien vous cacher, il est en arrêt maladie. Il a subi un violent traumatisme que le temps cicatrisera avec difficultés. ».
    Un nouveau silence s’accompagna dans la pièce. « M. Grayson, vous avez fait une rechute, mais nous vous soignerons, je vous le promets. Pour l’heure, j’ai décidé d’augmenter votre posologie. Nous allons essayer un traitement plus fort, lequel tarira, je l’espère, définitivement vos crises hallucinatoires.
    — Il a parlé d’un héros de légende. Madame Leroy, il a parlé d’un héros de légende. Cela me pourrit la tête depuis qu’il me l’a dit ! » Gabriel se fixa sur sa réaction. Elle avait semblé défaillir un instant, mais c’était peut-être son esprit qui lui jouait des tours, parce qu’à présent, il ne disposait plus d’aucune certitude.
    « Il n’existe aucun héros de légende, M. Grayson. Que des hommes, que des femmes. Ne vous troublez pas avec cela. Ce Frisk ne vous causera plus jamais d’ennuis. Je vous le promets. ».
    Le canadien ressentit un certain mal-être. La manière dont elle avait dit cela, il lui semblait que cela signifiait une liquidation de l’individu en question. Pour autant, avec la rechute qu’il venait de faire, il pouvait interpréter n’importe quel signal menant à un énième délire psychotique.

    « Docteur. » Commença-t-il soudain, comme s’il avait eu une nouvelle preuve que tout ce qu’il imaginait dans sa tête était réel. « En quelle année sommes-nous ? Où sommes-nous ?
    — Vous le savez, M. Grayson. Vous me l’avez déjà demandé par le passé. Nous sommes le 29 avril 1986. Répondit le soignant du tac-au-tac. Cette réponse, à moins qu’elle ait été anticipée, ne pouvait qu’être honnête.
    — Et… Nous sommes où ? Insista-t-il, visiblement désorienté.
    — Nous sommes au Middlewood Hospital, dans le South Yorkshire. Au Royaume-Uni. » Le cœur de Gabriel commença à s’accélérer.

    Il ne se souvenait pas être né au Royaume-Uni. Il était canadien. Il était né à partir du début des années 2050, dans un monde en plein hiver nucléaire. Il n’avait pas de parents, et il avait été intégré à un programme gouvernemental en vue de sauver…
    « Non, M. Grayson. » Interrompit inopinément Héloïse, comme si elle avait la capacité de lire dans ses pensées. « Rien de tout cela n’existe. Vous êtes malade. S’il vous plait, faites-moi confiance, prenez vos médicaments, et vous irez mieux. ».
    Sur ces mots, plusieurs infirmiers rentrèrent dans le bureau. Le crépitement du feu de cheminée le ramena à sa dure condition. Il allait probablement passer sa vie dans cet hôpital psychiatrique, parce que sa folie n’avait aucune limite. Son esprit partait complètement à la dérive, et seulement ces drogues qu’il ingérait lui permettaient de garder la tête hors de l’eau. Drogues de moins en moins efficaces, à en juger par les rechutes qu’il faisait régulièrement, de nature à augmenter sa posologie, et donc à diminuer l’efficacité de celle-ci.

    ***


    Au cœur de la nuit, le schizophrène se trouvait sanglé à son lit. Mesure de précaution, comme toutes les nuits, pour éviter les effets néfastes des cauchemars et des réveils en panique, bien que ceux-ci aient été profondément diminués par la prise de somnifères et de psychotropes au coucher. Cependant, malgré autant de médicaments, les insomnies se multipliaient ces derniers jours, accompagnées par des hallucinations de l’esprit que le garçon souhaitait contrôler. De manière systématique, depuis qu’il avait retrouvé sa chambre après l’agression de l’infirmier, une silhouette l’observait depuis le hublot de sa chambre. Il était impossible de distinguer son visage, mais le malade distinguait nettement que quelque chose l’observait, et que quelqu’un en avait après lui. Souvent, cela s’arrêtait au bout d’un bon quart d’heure, mais au cours des deux dernières nuits, il avait eu l’impression que la porte essayait de coulisser, que cette chose essayait de pénétrer à l’intérieur. Peut-être pour le tuer ? Il n’en savait rien, mais son cœur frappait contre sa poitrine à mesure qu’il remarquait un interstice se dessiner.

    Ce soir-là, à sa grande terreur, la silhouette parvint à entrer. Sans faire le moindre bruit, elle se rapprochait du jeune homme, tétanisé et impuissant. Il faisait si noir, il ne pouvait rien distinguer. Les lumières du couloir ne suffisaient pas, la nuit, à distinguer autre chose que des formes au sein de l’hôpital.
    « Toi… » Chuchota soudain l’ombre, laquelle se trouvait à seulement un mètre de lui. Il pouvait mieux la voir, mais cela ne le rassura pas pour autant. Interdit et muet, il sentit qu’une nouvelle crise approchait, et qu’il ne pouvait rien faire contre.
    « Toi, écoute-moi. Je ne suis pas ton ennemi. Je m’appelle Daniel Leroy. Je suis ici pour sauver tous les patients de cet asile. Tu dois m’écouter, et rester calme, j’ai besoin de toi parce que tu es spécial ici. Il se passe des choses terribles ici, tu dois me faire confiance. ».
    Comme Oswald le craignait, une nouvelle hallucination commençait. Il devait lutter de toutes ses forces pour ne pas écouter la voix de cet adolescent.
    « Non, tu n’existes pas… Tu n’existes pas… Si je ne te vois pas… Tu ne peux pas me contrôler… » Psalmodia-t-il en fermant les yeux et en se mordant les lèvres. Il sentit les liens de ses sangles se desserrer. Est-ce qu’il n’était pas en train de se débattre lui-même pour s’évader ? « Mes médicaments… Je dois…
    — Non, non, tu ne dois pas prendre ces médicaments. Ce sont des drogues fabriquées par le Dr. Leroy pour nous garder sous son contrôle. C’est ainsi qu’elle manipule ton esprit et te fait croire que tu es fou. Cet hôpital n’est pas un vrai hôpital, il est désaffecté depuis des années ! » S’agita le lycéen, visiblement tendu. « Je suis un membre de la Desmose, une organisation qui cherche à arrêter la fin du monde. Le Dr. Leroy est une prédatrice qui en sait plus qu’elle ne veut bien le dire. Tu dois me faire confiance ! ».
    Gabriel, de nouveau libre de ses mouvements, roula en boule par terre, et tomba sur ses genoux, faisant tomber au passage ses comprimés. Il chercha, le geste vif, à les retrouver, mais il sentit une main se poser contre lui et le bloquer sur un mur.

    La Desmose, ce nom lui disait bien évidemment quelque chose. C’était ce groupe de lycéens qu’il avait inventé, censé arrêter un vortex dans le ciel. Il était devenu le super-héros de ce monde, Thiercelieux. Tout ceci n’était pas réel.
    « Tu n’es pas réel ! Tu n’es pas réel ! Se mit-il à crier de toutes ses forces, posant ses mains contre ses oreilles, en tous cas sur celle qui restait.
    — Je ne sais pas qui tu es, mais je suis venu ici pour trouver la seule personne qui puisse nous sauver ! Tout indique que tu es important pour Héloïse. Elle te garde la plupart du temps enfermé dans son laboratoire privé où elle fait sur toi tout un tas d’expériences. Il se trame des choses horribles dans les sous-sols de ce laboratoire. Il n’y a pas d’infirmiers, il n’y a pas tant de patients que cela. Nous sommes tous ses prisonniers, tu comprends ça ?! » L’agita plus fortement le Desmose-guerrier. Derrière, Grayson eut l’impression qu’une alarme venait de se déclencher. Une nouvelle fois, il aperçut cette lumière rouge et noir.
    « Merde. Putain, qui que tu sois, il faut que tu te réveilles maintenant. Ne prends plus tes médicaments je t’en conjure. Et, regarde, où sont les fenêtres ? As-tu déjà vu des fenêtres ? Des fenêtres ?! » Lui indiqua ledit Daniel en le secouant.

    « Maman… Où est ma maman… ? » Un murmure au loin leur glaça le sang. Cette question, elle était familière. Sa psychose reprenait le dessus, mais un doute pouvait se lire sur son visage, alors que des larmes perlaient sur les yeux du canadien.
    « Où sommes-nous… ? Quel jour sommes-nous… ? » Demanda-t-il alors à son interlocuteur, qui s’était relevé, et qui s’apprêtait visiblement à partir.
    « Je ne sais pas. Mais c’est ici que je dois le trouver. Que nous devons tous le trouver, pour le salut de nos âmes.
    — Qui… Qui… ?!
    — Le Héros de Légende.
    — Alexandre… Alexandre Schwartz… Commenta bêtement Oswald.
    — Le Gardien de l’Équilibre des Forces. » Compléta Daniel, en se jetant hors de la chambre, et en se mettant à courir, laissant dans sa léthargie le pauvre Gabriel.

    Un temps infini passa, pendant lequel une lutte avait commencé dans son esprit, pour se convaincre que ce monde dans lequel Daniel voulait le renvoyer n’était qu’une nouvelle fois la manifestation de son esprit malade. Pour autant, Anselm ne lui avait-elle pas dit que leur ami, Daniel Leroy, était disparu dans des circonstances mystérieuses ? Après tout, tout ceci faisait du sens. Il se trouvait peut-être piégé dans la gueule du loup, dans l’endroit que Florent avait décri, traumatisé, à son retour des coordonnées mystérieuses qu’il avait saisies dans le calculateur.

    « M. Grayson ? M. Grayson, vous m’entendez ? » Une petite lumière se focalisa sur sa pupille. Tiré de sa torpeur, celui-ci remarqua le Dr. Héloïse Leroy accroupie près de lui. Un infirmier se tenait au-dessus d’elle, l’air absent.
    « Vous avez fait une crise M. Grayson, est-ce que vous m’entendez ?
    — Oui… Il… Il y avait quelqu’un dans ma chambre…
    — Non, M. Grayson, personne n’est rentré dans votre chambre. » L’intéressé eut un nouveau haut-le-cœur. « M. Grayson, prenez vos médicaments. » Rajouta le thérapeute avec urgence.
    « Ils sont tombés, là… par terre… » Le médecin se tourna vers la gauche, et se mit à quatre pattes pour récupérer les gélules manquantes.

    Cependant, lorsqu’elle quitta son champ de vision, Grayson vit alors un enfant, avec un masque à gaz de la première guerre mondiale collé à son visage. Il ne put s’empêcher de hurler, et par réflexe, se jeta sur lui en le frappant de toutes ses forces. Il chercha alors à lui retirer son masque, et ce qu’il vit lui glaça le sang. L’enfant avait la peau en lambeaux, calcinée. Ses yeux crevés laissaient place à deux trous béants, et à des dents jaunes jusqu’à la racine, mêlant la pourriture à la pâleur de son visage monstrueux.
    Quand il sentit une aiguille se planter dans son cou, il sentit qu’il ne se trouvait pas en sécurité, et par réflexe militaire, se retourna et décocha un coup de poing qui fit fracasser le Dr. Leroy contre le lit. Celle-ci, sonnée, laissa découvrir son badge de sécurité dont le vingtenaire se saisit immédiatement.

    Gabriel se mit alors à courir de toutes ses forces. L’hôpital ne ressemblait plus à rien de ce qu’il connaissait. Les murs, délavés, rouillés, dégageaient une odeur nauséabonde, et des hurlements s’entendaient dans tout l’établissement. Tout paraissait désaffecté, et alors qu’un violent mal de tête apparut, il se rappela de ce que lui avait dit Daniel. Les fenêtres, où sont les fenêtres ? Il avait beau jeté des regards à droite, à gauche, il avait beau essayé de voir à travers les chambres qui n’étaient plus que des cachots difformes, il n’y avait aucune fenêtre dans cet espace.
    « Maman, où est ma maman » Devant, derrière, il lui semblait entendre cette phrase de partout. Tout ceci n’était-il qu’une hallucination collective ? Si oui, qu’est-ce que Gabriel hallucinait ? L’hôpital, ou son monde imaginaire ?
    À ce stade, le garçon ne savait plus où il courait. Il traversait les portes, les couloirs, il cherchait à fuir les monstres qu’il avait vus dans sa chambre. Il ne croisa aucun autre infirmier, il n’entendait plus que des hurlements, encore et encore. Récupérant une barre de fer, gisant dans les décombres d’une pièce à l’odeur de charnier, son cœur battait comme il n’avait jamais battu.

    Dans sa quête, et à force d’accéder à des zones de plus en plus protégées, il finit par trouver le bureau du Dr. Leroy, dans lequel il pénétra, essoufflé. Un système de verrou se trouvait dessus, et de l’intérieur, il activa un blindage qui normalement devait lui permettre d’être tranquille et de prendre un temps pour respirer. La cage dans laquelle il se réveillait habituellement après une psychose se trouvait au centre de la pièce, mais elle n’était pas constituée de verre. Elle ressemblait à des barreaux de prison, eux aussi rouillés, et comme Daniel le lui avait dit, aucune fenêtre ne se trouvait sur les murs de la pièce.
    Il ne trouvait aucune trace de cheminé. Le bureau de marbre, bien que présent, avait une quantité indigeste de documents vieillis. L’odeur surannée des vieux livres émanait également de la bibliothèque devant laquelle gisait le siège en bois et grinçant de son médecin traitant. Cette pièce, il y avait passé énormément de temps, mais il avait l’impression de la redécouvrir alors que son violent mal de tête ne diminuait pas.
    Cherchant à se rapprocher d’une source de lumière, il se saisit d’une espèce de lampe à pétrole, puis tenta de décrypter les documents présents sur le bureau. Malheureusement, la plupart d’entre-eux n’avaient aucune inscription spéciale. Pour ainsi dire, ils étaient vierges, comme si personne n’avait jamais écrit dessus, comme s’il s’agissait de feuilles de papier, mises ici pour la scénographie. Il se disait que peut-être, les livres lui offriraient un meilleur aperçu du lieu dans lequel il se trouvait.
    « Présentation de l’asile de Holbein. », « La Bataille des Séraphins. », « Madame Dubuc ». Des romans de littérature se mêlaient à des ouvrages descriptifs sur cet hôpital psychiatrique, qui ne portait pas le nom que lui avait donné son psychiatre. Au contraire, le nom de cet asile était précisément celui que Florent lui avait décrit, lorsqu’il l’avait torturé avec Anselm.

    Dans quelle espèce de délire psychotique se trouvait-il ? Est-ce qu’il devenait complètement fou ? En feuilletant les ouvrages, il se rendit compte que ceux-ci étaient vierges. Cela signifiait que son esprit ne parvenait pas à émuler leur contenu, donc qu’il délirait. D’un côté, cela le rassurait, mais de l’autre, cela l’inquiétait, parce que cela signifiait que jamais il ne recouvrirait sa santé mentale.

    « M. Grayson, vous m’entendez ? » Demanda une voix par haut-parleur. Celui-ci se trouvait en haut des étagères de la bibliothèque. « Je suis le Dr. Héloïse Leroy, et je suis en compagnie de la Directrice de l’établissement. Je vous en prie, M. Grayson, ouvrez-nous, nous œuvrons pour votre bien. » Cette phrase le rendit dingue. De rage, il balança tout ce qui se trouvait sur le bureau par terre. Il donna de violents coups contre la bibliothèque, laquelle s’effondra près de l’entrée et fit une barricade supplémentaire.
    « M. Grayson, ne sombrez pas dans la folie. Je vous le demande, écoutez ma voix. Concentrez-vous. Regardez autour de vous. » Sur ces mots, le vingtenaire ressentit un puissant mal de tête, lequel dévoila soudain un bureau moderne lorsqu’il rouvrit les yeux. La cage en ferrailles s’était transformée en cage de verres, et les papiers, vierges étaient devenus des documents lisibles l’espace d’un instant.

    À l’évidence, le canadien sombrait dans une puissante folie, face à laquelle il ne pouvait rien faire. Il se jeta dans les tiroirs du bureau délavé, et trouva plusieurs comprimés qui ressemblaient exactement à ceux qu’il prenait d’habitude. Il fallait que cela s’arrête, pour lui, pour sa santé. Il n’aurait déjà pas dû aller si loin. Combien de morts avait-il laissé derrière lui ? Ce carnage devait s’arrêter sur-le-champ, et tandis qu’il approcha sa bouche des gélules, il ouvrit les yeux. Il réalisa. Il devait en avoir le cœur net.

    ***


    Le Dr. Héloïse Leroy se tenait au-dessus de Gabriel, lequel était sanglé à une table d’opération. Il y avait partout autour d’eux, un important dispositif médical. Des scalpels, des lames de rasoir, des cathéters, divers moyens d’incubation. Le tout ressemblait à une salle d’opération chirurgicale. Lorsque son patient ouvrit les yeux, la blouse blanche se montra satisfaite et rassurante. Elle passa sa main sur le corps rachitique du garçon.
    « M. Grayson, votre dernière crise a beaucoup inquiété l’équipe pluridisciplinaire qui vous suit. » L’intéressé chercha à bouger, mais les liens le contraignaient fortement. « Nous avons décidé de vous opérer en urgence pour que plus jamais cela ne se reproduise. Nous ne voulions arriver à cette extrémité qu’en dernier recours, mais vous avez malheureusement tué un autre de nos patients dans la nuit. Il nous faut intervenir, et vite. Vous comprenez, M. Grayson ? » Ce dernier paraissait si faible, si fragile. Aussi facile à casser qu’une poupée de marionnette.
    « Quelle… Quelle opération vous allez faire, docteur ?
    — Je vais devoir pratiquer une opération appelée la lobotomie. C’est dans votre intérêt, M. Grayson. Je vous promets qu’ensuite, vous n’aurez plus jamais aucune hallucination. » Elle marqua une pause. « Regardez tout autour de vous. Tout est idyllique, non ? Des chirurgiens m’assistent, nous avons un matériel à la pointe de la technologie. Tout ira bien, M. Grayson. ».

    Le regard du patient commença à s’assombrir. Sa folie, à ce stade, ne pouvait plus être une allégation. Tout autour de lui, il voyait bien que se trouvait des masques à gaz de la première guerre mondiale. Il n’y avait pas d’anesthésiant, le matériel avait vieilli. Tout était complètement rouillé. Quant aux chirurgiens qui assistaient Leroy, il s’agissait ni plus ni moins que d’enfants perdus, avec leur air menaçant et oppressant. Tout ce qu’il pensait vivre dans un délire psychotique se révélait être vrai depuis le premier jour.
    « Vous mentez, Dr. Leroy. » Lui répondit-il avec gravité et solennité. Son air avait d’ailleurs changé, on ne lisait plus aucune indécision sur son visage. Il embrassait maintenant sa réalité imaginaire avec toute la puissance de la pire crise psychotique qu’il avait faite avant son internement en psychiatrie. Du moins, c’était là la rhétorique de son médecin lors de ses premières séances de thérapie.
    « Vous savez, M. Grayson, la différence entre vous et moi, elle est simple. Vous ne serez jamais certain, plus jamais certain d’être dans la bonne réalité. Parce que vous êtes un esprit malade, et moi je suis un soignant. Je vais donc vous soigner.
    — Non, je ne vais pas vous laisser faire.
    — Et qu’est-ce que vous pourriez bien faire, attaché, drogué, en plein délire hallucinatoire ? J’ai dû accélérer mes plans, je ne pensais pas devoir en arriver à la lobotomie maintenant, mais c’est vous qui ne me laissez pas le choix. ».

    Gabriel n’avait pas consommé les médicaments qu’il aurait dû prendre dans le bureau d’Héloïse. En pleine possession de ses moyens…

    « En pleine possession de vos moyens, n’est-ce pas ? Vous êtes en train d’halluciner complètement. Vous avez perdu toute prise avec la réalité. Vous croyez quoi, que je suis une espèce de monstre capable de lire dans vos pensées ? Vous êtes juste malade. Vous le savez comme moi.
    — Non ! Non ! Non ! Non ! Je ne suis pas malade, je suis même sûr de ce que je suis ! » De toutes ses forces, le canadien commença alors à tirer sur ses sangles. Celles-ci, bien que très serrées, affichèrent un affaiblissement.
    « Je vous déconseille fortement de faire cela. » Dit-elle en plantant une aiguille à l’intérieur de sa vaine. Cet acte fut cependant celui de trop. N’étant sous l’effet d’aucune pilule, et sa survie étant menacée, le système qu’on lui avait implanté à la Division pour l’Espoir décupla son énergie, et lui permit de se dégager de son emprise. Avec une violence hors-normes, il balança la table en acier contre Héloïse Leroy.

    Qui était-il vraiment ? Gabriel Grayson, un garçon interné dans un hôpital psychiatrique du South Yorkshire, en train de sombrer dans la pire des folies, ou Gabriel Oswald, le missionnaire de l’humanité, envoyé par la Division de l’Espoir pour sauver le monde ? Quelle importance cela avait, maintenant qu’une haine pure et dévastatrice l’habitait, et qu’avec la hache que le Dr. Leroy comptait utiliser, il massacrait et éviscérait chacun des enfants perdus qui l’assistait. Transformé en bête assoiffé de sang, il ne lui restait maintenant plus qu’à achever ce savant-fou qui l’avait autant torturé. Elle allait payer cette garce, cette salope. Alors qu’il allait lui porter le coup fatal, un flash lumineux le fit cependant défaillir.
    Des hommes, des femmes, égorgés, baignaient dans leurs organes. Ou des enfants perdus, monstrueux et épouvantables ? Les deux images s’affrontaient dans sa tête.

    « M. Grayson, par pitié, revenez-à-vous, je vous en supplie ! » Ses pulsations cardiaques avaient probablement dépassé les deux cents battements par minute. Il ne savait pas quoi faire, pourquoi ce stimuli le bloquait ? Pourquoi conservait-elle autant de pouvoirs sur lui ?
    « Vous vouliez me lobotomiser ! Hurla-t-il.
    — Non ! Non, non ! M. Grayson, jamais. Jamais. Arrêtez ! Je voulais vous aider, nous voulions juste vous faire passer une I.R.M !
    — Les I.R.M n’existent pas dans ce monde, pétasse, comment peux-tu être au courant que là d’où je viens il y a des I.R.M ?! Je vais te tuer ! Tuer ! Tuer ! Nous sommes en 1986, en 1986 tout ce dont vous me parlez n’existait pas ! C’est la preuve que vous montez, pauvre conne !
    — Non, M. Grayson, ayez pitié. Vous êtes malade. Je peux vous aider. Je vous jure que je peux vous aider. S’il vous plaît ! S’il vous plaît ! ».

    L’entrée de la salle d’opération s’ouvrit inopinément. Contre toute attente, et malgré le carnage de l’endroit, la personne s’avança d’un pas lent, un sourire non dissimulé sur les lèvres. Malgré l’état de rage dans lequel se trouvait Gabriel, il ne trouva pas en lui la volonté de se retourner et de la tuer. Comme il aurait fait pour n’importe qui d’autres.

    « Le show est terminé. » Prononça la femme qui se tenait maintenant derrière lui.

    L’intéressé tourna les talons. Il s’agissait d’une adolescente aux cheveux violacés, laquelle lui rappelait Aelita Schaeffer. « Mais où sont passées manières ? Je me présente, je suis Taelia Rose. La directrice de l’établissement Holbein. ».
    La chair de poule s’éprit du vingtenaire. Il faisait face à une personne d’une puissance immense, dont il ressentait toute l’aura à travers sa peau. L’atmosphère de la pièce devint alors beaucoup plus pesante. Jamais il n’avait ressenti une telle peur de toute sa vie, au plus loin des tortures qu’il avait subies dans cet asile.
    « Tu es… Tu es… Lui… »  L’adolescente aux cheveux roses explosa de rire, et s’inclina devant le sieur Oswald.
    « En effet, je suis Dimensio, le Charmant Magicien. Cette créature que vous pourchassez tous. J’ai cru comprendre que tu connaissais mon ami Frisk ? » Dit-elle alors en changeant brutalement de sujet.

    En une fraction de seconde, le corps pendant de l’infirmier qui l’avait abordé une nuit tenait entre les mains de Taelia. Il était mutilé, torturé de la pire des manières. Il n’avait plus d’humain que les endroits que j’avais bien laissé intact pour qu’on le reconnaisse. Cela ne manqua pas.
    « C’est… C’est le garçon dans l’hypercalculateur.
    — Ah ! Merci, je ne savais pas trop quoi en faire. Tu m’as encore donné la réponse. C’est marrant, l’espace-temps, hein ? » Le terrien se mit à déglutir, et regarda derrière lui. Héloïse Leroy avait disparu.
    « J’ai appris, par le biais de Héloïse, que tu comptais appeler le Gardien à l’aide. Sais-tu que c’est une très mauvaise idée ? Que cela m’a mis vraiment en colère ? » À mesure qu’elle parlait, sa voix partait parfois dans les aigües, la rendant plus oppressante que jamais. Dans le même temps, des bribes de souvenirs commençaient à lui remonter. Gabriel avait pris la décision de fuir Thiercelieux. Avec Anselm, Samuel, Frank, Kalinda et Antonin. Ils avaient voulu quitter la ville après le coup d’état de Florent, devenu le Prince de Thiercelieux. Après, tout est cependant devenu flou. Il n’arrivait pas à remettre les informations dans le bon ordre.
    « Je n’ai jamais voulu prévenir Alexandre Schwartz. On m’a demandé de le faire.
    — Qui ?
    — Ce garçon, Frisk. » Répondit le missionnaire de l’humanité, nerveusement.
    « Il y en a un autre n’est-ce pas ? J’arrive à le lire dans tes yeux. Les humains, n’essayez pas de me mentir. Surtout quand vous êtes face à moi.
    — Oui, madame, il y en a un autre… » Finit-il par dire, gageant qu’il n’avait rien à gagner en taisant des informations.
    « Tu es un spécimen très intéressant Gabriel Oswald. » Dimensio se rapprocha de lui. « Tu n’es pas une variable que j’avais prévue au sein de cet endroit. Tu es comme un virus qui prolifère dans un écosystème sain. En somme, tu ressembles à Alexandre, et c’est pour cela que j’ai pris soin de te faire étudier.
    — De ce que je connais de cet endroit, fit-il en la coupant, il devrait y avoir un autre Gardien. Eliot Winchester. Si tout ceci s’est passé avant, pourquoi n’est-il pas encore là ? » Demanda Grayson, en se rendant compte d’une totale paralysie.

    La mémoire continuait de lui revenir. À l’extérieur de Thiercelieux, dans ce que l’on appelait la plaine de Termina, il n’y avait rien. Seulement une vaste étendue de neige, et un vortex plus inquiétant que jamais. Petit-à-petit, il avait réalisé que quelque chose n’allait pas chez ses compagnons. Comme s’ils commençaient à disparaître. Leurs mouvements devenaient plus irréguliers, leurs propos plus incohérents, et après un certain temps passé hors de la ville que l’on ne percevait même plus de là où ils étaient, il se retrouva seul dans un froid sibérien. Toutes les personnes qui l’avaient accompagné n’existaient plus, volatilisées comme des données de jeu vidéo. Il avait alors erré longuement dans la neige de Thiercelieux. Rompu aux techniques de survie, et grâce à son matériel, il avait pu survivre longtemps, mais…

    « C’est un spectacle de marionnette, chéri, et nous arrivons bientôt à la fin. Le dernier acte a officiellement commencé. Il est maintenant trop tard pour m’arrêter. Il ne s’agit plus de savoir comment je vais sortir d’ici, mais quand. ».

    Dans le froid glacial de la forteresse dimensionnelle, il avait trouvé cet asile. Il était rentré à l’intérieur, et il avait compris où il avait mis les pieds. L’antre des enfants perdus, celle que Florent avait longuement raconté à Anselm et lui lorsqu’ils l’avaient torturé. Quand il avait cherché à s’enfuir, il était déjà trop tard. Il s’était retrouvé pris au piège, dans un endroit au sein duquel le temps se distordait. Il l’avait réalisé lui-même, cet endroit, véritablement labyrinthique, contenait tout un dédale de salles et de pièces sans lien les unes avec les autres. Il n’avait pas réussi à résister, et in fine il s’était fait piéger.

    Une explosion brutale projeta un millier de débris sur Taelia Rose. Cependant, les briques en pierre se transformèrent en poussière à mesure qu’elles se rapprochaient d’elle. Gabriel, cependant, avait été protégé de l’explosion, et une main avait saisi son poignet. Ensemble, et avec quelqu’un qu’il ne connaissait pas, ils couraient à travers l’asile de Holbein. Le terrien reprenait à peine ses esprits, maintenant que les réminiscences commençaient à se tarir. Il tenta de comprendre ce qui se passait, et se rendit compte que Daniel courait à ses côtés. Celui qui avait voulu le prévenir dans sa chambre d’hôpital, celui qu’il n’avait pas cru au moment où il aurait dû savoir que oui, il était le héros, oui, il était le dernier espoir de l’humanité.
    « Que se passe-t-il ?!
    — Je n’ai pas le temps de t’expliquer, Gabriel, tout ce que j’ai compris, c’est que tu es quelqu’un d’important, alors je dois te sauver !
    — On ne peut pas s’enfuir d’ici, cette femme, Taelia, c’est…
    — Le prisonnier de Thiercelieux, je sais. Je mène l’enquête depuis que la Desmose a commencé le cycle des trois jours. J’ai fini par réaliser que j’étais moi-même une sorte de programme qui n’existait que par la volonté de Dimensio. J’ai compris que je n’avais rien à attendre des autres, d’autant que si tu veux mon avis, il y a un traître dans notre groupe. » Daniel semblait savoir où il allait. Ils traversèrent plusieurs cachots au sein desquels se trouvaient des enfants perdus. L’alerte n’avait pas encore été donnée.
    « Un traître ?!
    — Oui, je pense que ce monstre qui se fait appeler Dimensio a plusieurs enveloppes corporelles. Florent, Flora, Samuel, Anselm, l’un des quatre, je suis sûr qu’il s’agit d’un alias de Dimensio. C’est pour ça que tu dois absolument prévenir le Héros de Légende ! Il doit venir ici, sinon nous sommes tous perdus. » Oswald jeta plusieurs regards derrière lui, inquiet à l’idée que Taelia ne les rattrape.

    « Tu pourrais tout aussi bien être un alias de Dimensio toi aussi. Après tout, tu es arrivé au moment le plus propice, et je vois qu’il ne nous a toujours pas rattrapés ! » Son interlocuteur lâcha un sourire fier alors qu’il lui faisait descendre plusieurs escaliers.
    « Tu as entièrement raison. Sauf que cet endroit n’est pas comme Thiercelieux. Ce n’est pas un lieu que Dimensio contrôle. Thiercelieux est contenu dans un ensemble plus vaste qui s’appelle la Forteresse Dimensionnelle. Cette forteresse dimensionnelle est une prison, fondée sur-mesure par le culte des Gardiens pour protéger l’univers de cette créature. L’asile de Holbein est son point le plus fragile, et ses dédales mènent aux autres dimensions connectées entre elles par le vortex. Autrement dit, l’enchevêtrement dimensionnel est ici si fragile qu’il change tout le temps, comme un labyrinthe qui ne cesse de se reconfigurer. Même pour lui, ce sera dur de nous retrouver ! » Lâcha-t-il d’un dernier souffle, lorsqu’il arriva à un carrefour menant sur plusieurs couloirs. « Je n’ai aucun moyen de te certifier que je ne suis pas Dimensio, alors c’est à toi de voir si tu veux me faire confiance. Je n’ai pas beaucoup de temps alors écoute-moi bien. De ce que j’ai compris, Alexandre Schwartz n’appartient pas à l’univers de Dimensio. Il vient d’un autre univers, alors nous devons trouver un moyen de communiquer à travers les mondes pour y parvenir. Le seul endroit que je connaisse ici pour y arriver est la salle de l’hypercalculateur, au cœur de Thiercelieux ! » Un hurlement strident se fit entendre dans tout l’asile, comme si le Charmant Magicien beuglait à l’intérieur de la tête de chacun des individus présents en son sein.

    « Merde… Putain, il va nous trouver… Gabriel, tu dois lancer un puissant retour dans le temps, le plus puissant possible, et transmettre à Alexandre Schwartz un S.O.S. Tu dois provoquer une rupture dans l’équilibre des forces pour qu’il la sente, et qu’il vienne ici le plus vite possible ! Le temps n’a plus de sens dans cet endroit…
    — Daniel. Alexandre est déjà venu ici. Il a déjà rencontré Florent. Il a déjà rencontré ta… » Oswald se tut. Un sourire apaisé apparut sur le visage de Daniel.
    « Ne t’inquiètes pas, je sais que je vais mourir ici. Personne ne peut échapper à son créateur. Personne ne peut quitter la Forteresse Dimensionnelle s’il n’existe pas. » Il marqua une pause. « Nous pourrions très bien rencontrer Alexandre en cet endroit toi et moi, dans ce cas, mais son arrivée ne se produira jamais si tu ne la provoques pas. Ce serait un paradoxe temporel, capable de fracturer le temps et de libérer Dimensio. C’est tout ce qu’il attend ! Je ne sais pas pourquoi j’ai toutes ces connaissances, j’ai comme l’impression d’avoir brisé le quatrième mur, tu vois ? Tu es réel, et pas moi. C’est pour ça que tu es notre seule chance ! Alors dépêche-toi ! Le couloir de gauche mène à la salle de l’hypercalculateur, c’est Frisk qui s’est sacrifié pour nous qui me l’a indiqué. Il n’y a pas de héros ici, nous serons tous perdants si tu n’agis pas maintenant. Je compte sur toi, Gabriel ! » Tout s’était passé tellement vite. Un papier dans la main, contenant les coordonnées de l’asile, Grayson hocha la tête. « Compris. ».

    Quand Gabriel Oswald se rendit compte qu’il courait à travers un couloir, sur les suggestions d’un inconnu, pour réaliser une quête épique et héroïque à la hauteur du plus grand déséquilibré de l’hôpital psychiatrique de Saint-Anne. Il se demanda s’il n’avait pas vraiment un grain dans la tête. Toutefois, il était visiblement trop tard pour faire marche arrière, d’autant que Daniel lui protégeait le passage. Du moins, pour un temps limité. Un temps suffisamment long pour qu’il passe par la porte qu’on lui avait indiquée, et qu’il lance le programme de retour vers le passé.
    Toutefois, cette partition n’était-elle pas trop prévisible ? À la manière d’une marionnette, et parce qu’un sombre inconnu le lui disait, inconnu dont l’existence dépendait uniquement de leur plus grand ennemi, il allait passer le seuil de cette porte où on lui promettait l’hypercalculateur ? Non, ce n’était pas logique, ce n’était pas ce qu’il fallait faire. À la manière d’un virus dans un écosystème sain, une myriade de questions passa dans l’esprit de Gabriel à la vitesse de la lumière. Ce qu’on attendait d’un programme informatique était un pattern. Un schéma récurrent permettant d’anticiper ses actions. Ainsi, Dimensio savait toujours où frapper, et il savait, parce qu’il est très intelligent, que le canadien était un suiveur. On lui avait appris à obéir, et si pour ce monstre le seul moyen de se débarrasser de lui était de lui faire passer cette porte, alors ce serait l’humanité entière qui aurait perdu. En vérité, Dimensio ne pouvait rien lui faire dans la salle d’opération, pas plus qu’il ne pouvait lui faire de mal en manipulant Daniel. Or, en passant cette porte, tout serait peut-être différent, et ce serait dans un nouveau monde que l’on entrerait. Un monde régit par les lois de Dimensio, le monde de Thiercelieux. Il ne pouvait prendre cette décision.

    Courageusement, le soldat de la division de l’espoir tourna les talons. Le couloir contenait autant de portes qu’il s’enfonçait en dix mètres de profondeur. Comment Héloïse Leroy avait-elle réussi à lui faire voir une réalité qui n’existait pas ? Comment avait-elle réussi à le blesser et à lui faire du mal dans cet endroit où visiblement, Dimensio lui-même n’avait qu’une prise limitée ?
    La réponse lui sauta soudain aux yeux. Chaque fois que ses hallucinations avaient pris le dessus, ce fut par la volonté. La volonté d’y croire, à force de médicaments, la volonté de voir ce que l’on voulait qu’il voit. Cette phrase se mit alors à résonner en lui. « Si l’on y croit de toutes ses forces, un mensonge peut devenir réalité. ». Que se passe-t-il alors, si l’on cherche à croire de toutes ses forces en une vérité ? Celle de retrouver Alexandre Schwartz, le Héros de Légende.
    À ce stade, la croyance était la seule donnée sur laquelle il pouvait s’appuyer, ainsi que sur le hasard.

    Il existait des méthodes de prise de décisions très sérieuses fondées uniquement sur le hasard. Il décida alors de s’y remettre.

    Reculant de la porte qu’il devait ouvrir, il se dirigea vers celle qui l’inspirait le plus. Cet instinct, si humain, si imprévisible, que l’on ne peut ni contrôler, ni définir. Ce sale espoir, qui lui donna la force, malgré la gravité de la situation, d’ouvrir la porte. De sortir.
  Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance  
Pikamaniaque

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MessageForum: Fanfictions Code Lyoko   Posté le: Lun 19 Mar 2018 14:39   Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance
Liste des personnages


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Avant-propos : Cette liste contient potentiellement des éléments de spoils des factions, et des personnages en présence du Projet Renaissance. Elle est tenue actualisée au début de chaque chapitre.

    I. Team Desmose.


  • Anselm Dubois [CHEF DE FACTION] : Adolescente & major de promotion du prestigieux lycée de Hardewick, Anselm Dubois coordonne les actions de la Desmose, et a fait rentrer aux côtés de ses amis, le monde de Termina dans une boucle de trois jours en vue d’arrêter la fin du monde. Proche de Gabriel, ses liens avec le reste de son groupe se délitent à mesure que la Mairie et les actions du Gardien scindent et clivent certains de ses amis qui ne veulent plus être sous le joug de ses comportements dictatoriaux.
    Elle est à présent la dernière membre active du groupe après la mort de Flora Parsons.
    Anselm Dubois ne déviera pas. — 2 à 4, 6 à 9, 11 à 16.

  • Samuel Parsons : Adolescent & diplômé du prestigieux lycée de Hardewick, Samuel Parsons est le meilleur guerrier de la Desmose. Il entretenait auparavant une relation amoureuse avec sa sœur, Flora Parsons, et considérait Florent comme son meilleur ami. Auparavant très loyal à son groupe, il commence à se mettre en retrait depuis sa rencontre avec Alexandre et ne supporte toujours pas la mort de Flora dont il impute directement la responsabilité à Anselm. — 2 à 4, 6 à 9, 11 à 16.

  • Flora Parsons † : Adolescente & diplômée du prestigieux lycée de Hardewick, Flora Parsons était la meilleure alliée des Desmose-guerriers. Auparavant petite-amie de Samuel Parsons, elle décède, assassinée par Gabriel Oswald et effacée de la mémoire du Calculateur. Toutefois, son corps est récupéré par le Cavalier de l’Apocalypse de la Mort, en vue de sacrifier Gabriel sur l’autel du vortex du temps. Arrêtée par Alexandre Schwartz, elle disparaît définitivement du monde de Termina. — 2 à 4, 6 à 9, 11 à 13.

  • Daniel Leroy † : Adolescent & diplômé du prestigieux lycée de Hardewick, Daniel Leroy est retrouvé mort par Florent dans l’asile de Holbein, la tanière des Enfants Perdus. — 5.


    II. Team Mairie.


  • Francis Underwood [CHEF DE FACTION] : Maire historique de Thiercelieux, le bourgmestre contrôle les actions de la Desmose depuis la mise en place du cycle infini par le groupe d’Anselm. Il recrute Gabriel Oswald à des fins d’espionnage en vue de retrouver à son tour le Gardien, et pouvoir s’enfuir du monde de Termina.
    Underwood, après avoir soutenu l’Ascension d’un nouveau Gardien, se fait pourtant assassiner dans la salle de l’hypercalculateur, après avoir perdu définitivement l’usage de ses yeux. Considérablement diminué, sa main de fer était de toute manière de plus en plus contestée. Il se fait remplacer par le conciliabule des prophètes du savoir après un coup d'état mené en vue de le remplacer.
    Francis Underwood ne déviera pas. — 1, 7 à 16.

  • Gabriel Oswald-Grayson : Variable d’ajustement. Gabriel Grayson a été désigné Dernier Espoir de l’Humanité dans le cadre du Projet Renaissance, mis en œuvre en 2076, 70 ans après la chute de Carthage et le début d’un hiver nucléaire sur la Terre (Bataille pour l’Espoir). Avec pour dessein de faire en sorte que Carthage ne voit jamais le jour, le voyage temporel mobilisé par la communauté humaine se passe mal, et le fait se réveiller à Thiercelieux. Proche de la Desmose dans un premier temps, il finit par prêter allégeance au Maire Underwood. Une force inconnue semble le persécuter et lui répéter en permanence qu’il fait face à une terrible destinée.
    Gabriel Oswald-Grayson ne déviera pas. — 1 à 3, 6 à 16.

  • Général Kalinda : Chef de l’État-Major des armées de Thiercelieux, Kalinda dispose de toute la confiance du Maire. Subordonnée à son autorité, elle n’est pas matrice en matière de prise de décisions, mais fait preuve d’une loyauté hors normes et semble disposer d’une certaine sensibilité depuis le dernier cycle.
    Général Kalinda dévie de plus en plus vers Team Gardien. — 7, 9, 12, 13, 16.

  • Antonin Peus : Valet du Maire Underwood, ces deux personnages semblent entretenir une grande complicité, et s’appellent par leur prénom. Attaché sentimentalement et professionnellement au bourgmestre, il n’a jamais été question pour Antonin de dévier et il ne déviera pas.
    Antonin Peus ne déviera pas. — 7 à 9, 11 à 16.


    III. Team Gardien.


  • Hence Schœneck (Réputé mort) : Oracle de formation, ancien membre des Prophètes du Savoir, Hence a remplacé Gerald Weygand-Sarrabuckeer en tant que professeur des nouveaux Gardiens de l’Équilibre. Très attaché à son ancien élève, Alexandre Schwartz, il essaie de prendre les décisions les plus matures en fonction des intérêts spirituels qui se présentent. Accompagné par Camille, il décide de former Florent Hämälaïnen après que celui-ci ait été visiblement activé, mais remet sa confiance à son élève originel lorsqu'il revient à Thiercelieux. Depuis, il s'est juré de le protéger quoi qu'il advienne.
    Il retrouve toute sa mémoire lorsqu'il quitte définitivement Thiercelieux, et comprend qu'il était professeur d'allemand de couverture au service des Prophètes du Savoir dans le monde réel, chargé de former et protéger Alexandre Schwartz. Il retrouve sa grande complicité avec son élève. Après l'évasion de Dimensio, Hence se sacrifie en empêchant Dimensio de pénétrer dans le portail qu'il a ouvert, permettant à Alexandre de prendre la fuite et de quitter la Forteresse Dimensionnelle.
    Hence Schœneck ne déviera pas. — 3, 6 à 9, 11 à 18.

  • Alice C. Schwartz † : Fille aux cheveux blancs, le cœur sur la main et la bonté d’âme par-dessus tout, elle était muette depuis un certain temps déjà. Sœur d’Alexandre, elle se rapprochait aussi de Florent pour qui elle disposait d’une sincère empathie. Elle était la dernière à encore croire en lui. Sa foi en cet homme provoquera sa mort, que Florent chercha par tous les moyens à annuler. — 7 à 9, 11 à 16.

  • Alexandre Schwartz [CHEF DE FACTION] : Gardien de l’Équilibre des Forces.


    IV. Non-alignés


  • Florent Hämälaïnen : Ancien Desmose-Guerrier et membre des Gardiens, la vie de Florent bascule lorsqu’il est déclaré être le nouveau Gardien. Investi de la puissance des anciens, il essaie de mener une cérémonie pour rendre la mémoire à ses concitoyens, mais celle-ci échoue. Affaibli par cette défaite, l’adolescent est un temps perdu, et finit par succomber à l'appel du pouvoir en devenant le Prince de Termina, laissé vacant par le coup d'état mené contre Underwood. Très intelligent, il est passionné d’Histoire et d’économie, cependant il ne faisait pas preuve d’un grand courage jusqu’à devenir un Roi-Soleil.
    Florent Hämälaïnen ne déviera plus. — 2 à 9, 11 à 16.

  • Les Prophètes du Savoir / Le Conseil des Oracles † : Abraham, Ishtar, Aziraphale, Michel, Léïa, Agnès, Maximilien, Donovan. Florent Hämälaïnen les massacre après la fuite du Gardien de la Tour Tykogi. — 12 à 15.
  Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance  
Pikamaniaque

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MessageForum: Fanfictions Code Lyoko   Posté le: Mar 24 Oct 2017 11:26   Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance
Après une interruption estivale, voici le chapitre d'automne de Projet Renaissance. Nous approchons de la fin, et je voudrais remercier la qualité des commentaires d'Icer et Silius. Silius, en particulier, tu pointes des choses d'une pertinence importante, mais nous avons eu l'occasion d'y revenir sur Skype. En espérant que ce chapitre fasse progresser ta réflexion sur les tenants et aboutissants de l'intrigue principale.
Pareil pour toi Icer. La fin est vraiment proche. J'ai, d'ailleurs, publié la liste des noms des derniers chapitres.


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Chapitre 18 : Zugzwang



    Cela faisait extrêmement longtemps qu’Alexandre avait les yeux perdus sur le corps mutilé de Talia Rose. Il ne faisait rien de plus que l’observer, le buste avancé, la tête penchée, les mains croisés, comme épris d’une grande réflexion. Tandis que le temps passait, son acolyte, lui, continuait de scruter, inquiet, la silhouette noire qui les observait de son air macabre à l’extérieur.
    « Alexandre, qu’est-ce qui se passe ici bon dieu ?! » Exprima-t-il alors vivement, comme si l’impatience qui le rongeait depuis tout ce temps avait débordé en une seconde de trop. La violence avec laquelle il s’exprima ne fit cependant pas bisquer l’intéressé. Il détourna à peine le regard, se calant au contraire contre la chaise en bois depuis laquelle il observait l’adolescente ligotée qui grattait contre le parquet pour qu’on vienne la libérer, les larmes plein les yeux.
    « Vous voulez vraiment que je vous dise ce que j’en pense, Professeur ? » Demanda-t-il comme s’il avait un doute sur la réponse qu’on lui formulerait.
    « Bien sûr, Alexandre. Bordel, à quoi est-ce que tout cela rime-t-il ?!
    — Nous sommes piégés. » Répondit-il laconiquement, la voix froide et factuelle. Une expression de frustration se dessina sur la moue de l’oracle. Il chercha à croiser le regard de son élève, mais celui-ci resta désespérément dos à lui, confortablement adossé sur le siège en bois qu’il occupait.

    « J’avoue que je ne m’y attendais pas. » Poursuit le Gardien. « J’aurais pensé que Dimensio m’ait attiré ici pour me tuer, mais la vérité semble toute autre. Il attend quelque chose de moi, dans cette maison. » Le garçon se rehaussa sur ses deux jambes, et mit un bras croisé derrière son dos, le poing fermé, tandis que l’autre vint se poser sous son menton. « Et ce quelque chose… Ce ne peut être qu’en rapport avec elle. » Un doigt vint désigner la prisonnière, qui releva la tête, plein d’espoirs, comme si on allait la libérer. Elle s’agita, tenta de se dégager, mais une douleur aigüe lui provoqua un hurlement.
    « Oui, d’ailleurs, ne peux-tu pas la libérer ?! Ses hurlements sont infernaux, et j’ai énormément de peine pour elle de la voir dans cet état, il faut la sortir d’ici. » Pesta le sexagénaire, agacé par ces nouvelles jérémiades.

    Sur cette déclaration, un sourire vainqueur se dessina sur la moue du jeune homme à la veste de marin. « C’est précisément la seule action sur laquelle nous pouvons avoir de l’influence ici, et c’est donc précisément ce qu’il ne faut pas faire, Professeur. Qui sait quelle boîte de Pandore nous pourrions ouvrir ? » Interrogea-t-il à la cantonade.

    Un malaise sembla s’instiller dans l’esprit de Hence. À nouveau, il fut bluffé par sa capacité de déduction. Toutes les années d’entraînement, de combats, de sueurs, de peurs communes avaient permis à ce frêle adolescent de devenir un guerrier assuré, protecteur de toute l’humanité. Il aurait voulu lui signifier à quel point il était fier de lui en cet instant, mais l’inquiétude que lui suscitait ses déclarations le lui interdit.
    Ils ignoraient effectivement ce que provoquerait la libération de cette pauvre fillette. Un piège pourrait se déclencher, la maison pourrait exploser, ouvrant un passage permettant à Dimensio de s’enfuir. Toutes ces hypothèses ne pouvaient être écartées, et il comprit mieux alors en cet instant tout ce à quoi avait réfléchi son prodige ces dernières heures.
    « Je déteste que l’on me force la main. Annonça spontanément Schwartz, le regard empreint de détermination.
    — Alors, tu ne fais rien du tout ? Son interlocuteur acquiesça.
    — Cependant, je commence à comprendre que nous n’avons pas l’éternité, et que lui si. Peu importe combien de temps nous attendrons, il n’est plus à un millénaire près, quand une âme humaine, elle, s’éteindra comme une bougie en quelques années.
    — Ainsi, tu es face à un dilemme. » Résuma Schœneck avec conviction. Il abonda dans son sens.

    « Soit je libère Talia Rose, soit je sors de cet endroit, et je l’affronte. » Il posa une main sur son cœur, et serra sa poitrine. « Même si je m’en sortais, vous y succomberiez, et j’errerai ensuite dans ce désert glacé, peut-être pour l’éternité, alors qu’ailleurs, toutes les étoiles s’éteindraient. » À cet instant, le vieil homme sentit comme un poids s’alourdir en lui. Son élève tentait de le protéger coûte-que-coûte, et ce dernier refuserait toute solution qui impliquerait de le laisser pour compte, quand bien même c’était lui le plus âgé, le plus à même d’accepter une fin, fut-elle funeste.
    « C’est une décision qui t’appartient, Alexandre. C’est toi qui disposes des pouvoirs de la lignée des Gardiens, toi seul est capable de prendre la meilleure des décisions pour le bien de l’humanité. ».

    L’intéressé afficha une mine défaite, comme s’il avait voulu ne pas avoir à entendre cela. Cela ne dura pourtant qu’un instant fugace, après lequel il avait retrouvé son expression neutre, sinon sévère, fixant les poings liés au bas de son dos comme une posture de réflexion. Un nouveau silence régna dans cette demeure perdue au milieu de nulle part, autour de laquelle un désespoir grandissant semblait corrompre et véroler, petit-à-petit, les bonnes ondes renvoyées par le Gardien.
    Le sexagénaire retourna à son poste d’observation près de la fenêtre, où il constata que le monstre à l’extérieur n’avait pas bougé d’un iota. Tout au plus constata-t-il un rictus plus prononcé, mais sa propre fatigue pouvait jouer sur son interprétation. De son côté, le garçon à la veste de marin restait droit comme un piquet à réfléchir, semblant défier le ciel de ses milliers d’étoiles.

    « Au fond, qu’est-ce que Dimensio ? » Osa de nouveau interroger l’homme aux cheveux grisonnants, dont la voix couvrit les sanglots de Talia, que chacun tâchait d’ignorer le plus possible pour son propre équilibre. « Au fond, nous ne savons pas très bien ce qu’est cette chose. Pourquoi est-ce si puissant ? D’où vient sa source d’énergie ? Nous ne savons presque rien de cela. ».
    Schwartz passa une main sur ses gants en cuir. « Dimensio n’est qu’un de ses nombreux pseudonymes. Certains l’appellent Satanaël, d’autres Le Premier Mal ou encore Le Fléau. Chaque culture a fini par lui donner son propre nom, mais je dirais qu’il est presque aussi vieux que notre univers. C’est une créature solitaire, aux pouvoirs illimités, que les Anciens ont scellé dans cette forteresse dimensionnelle en train de s’effondrer sur elle-même. En partant du principe que Dimensio est antérieur à l’écriture, aux hommes, à toute forme de vie elle-même, nous ne saurons jamais d’où il vient. Mais, est-ce si important, finalement ? ». Il marqua une pause. « Tout ce que je sais maintenant, c’est qu’il est en colère, très en colère, et qu’il va se venger. » Il serra les poings en achevant la dernière syllabe.

    Hence eut alors une impression confuse. Cet Alexandre qui lui parlait, il avait comme vieilli de dizaines d’années. Sa réflexion avait profondément muté, tout en conservant le même A.D.N. qui le rendait singulier. Cependant, il se dégageait de lui cette impression que le poids du monde pesait sur ses épaules, qu’il en avait conscience, et plutôt que de le relativiser, qu’il le vivait à présent comme si chaque peine de chaque homme trouvait un écho en lui.
    « Comment tu as survécu, Alexandre ? » Interrogea alors l’oracle dans l’espoir d’avoir une réponse. Cependant, cela ne provoqua qu’un sourire sur le visage pâle du concerné.
    « Ce n’est pas l’heure. ». Sur ses mots, il s’avança sur le parquet de bois pour observer de nouveau Talia. Sa moue affichait une plus grande détermination. Il semblait que cet échange lui avait fait prendre une décision.

    La fillette saisit cette attention qu’on lui porta pour bondir près de lui, mais les liens fluorescents qui la retenaient l’immobilisèrent brusquement, étirèrent sa peau et la firent convulser.
    « Pitié… Faites-moi sortir… Je vous en supplie… » Cracha-t-elle, les membres tremblants. Elle se trouvait à quelques centimètres du Gardien, qui conservait une distance prudente. « Sauvez-moi… Sauvez-moi… Écoutez-moi… Vous m’entendez, je sais que vous m’entendez, vous m’avez parlé. Pitié, répondez-moi ! » Geint-elle de plus en plus fortement, des larmes coulant de sa joue. Elle renâcla à plusieurs reprises, la peau des mains fripée et usée par le froid. Un regard porté au parquet sur lequel elle vivait laissait entrevoir des marques brunâtres et difformes, fusionnées avec le moisi du sol boisé.

    « Comment es-tu arrivé ici, Talia ? » Demanda brutalement Schwartz, sans compassion, et avec une voix d’interrogatoire. Son professeur s’approcha de lui. Il lui adressa d’abord un regard penaud, puis observa, déshabilla de ses yeux la jeune adolescente dont les membres s’étaient raidis.
    « Je… Je… » Une nouvelle crise de sanglots approchait. « Je ne sais pas… Je n’en sais rien… J’étais chez moi… Puis j’étais là… Je ne sais pas ce que je fais là ! » Hurla-t-elle en s’effondrant sur ses guenilles ensanglantées. « Sauvez-moi… J’ai mal… J’ai tellement mal… » Supplia-t-elle en présentant ses bras liés par les chaînes aux deux hommes.

    Le garçon à la veste de marin se détourna d’elle.
    « Elle est la clef de cette énigme. » Tient-il d’abord pour évidence. « Au demeurant, il semble qu’elle ne soit qu’une pauvre adolescente prise dans le piège sordide de Dimensio. » Commenta-t-il avec amusement. « Pourtant, elle semble ici depuis longtemps, alors comment fait-elle pour manger, pour boire ? Il y a bien des traces d’excréments au sol, et ces liens fluorescents seraient susceptibles de la nourrir, mais cela ne ferait que renforcer ma conviction qu’elle est une sorte de levier. Elle attend d’être actionnée, et dans tous les cas, quoi qu’on fasse, elle mourra… Si mademoiselle Rose n’est pas déjà morte. » Conclut-il avec tristesse, en serrant ses mains gantées. Schœneck abonda dans son sens.
    « Que faisons-nous ici, Alexandre ? Tu savais que c’était un piège, et maintenant ? Que veux-tu faire, et comment arriverons-nous à sortir d’ici ? ».

    Soudain, à ce propos, un rire puissant émana du centre de la pièce. L’otage de la maison s’était mise à pouffer d’un rire moqueur, aux accents hystérique et cyniques. Des larmes se mirent d’ailleurs à couleur de ses joues, dans un éclat de nerfs incontrôlable.
    « Sortir d’ici ?! Sortir d’ici ?! Vous ne pourrez jamais sortir d’ici. Ahah, je finis par comprendre. Ce qu’il m’avait dit. En fait, vous ne me sauverez jamais, vous ne savez même pas où vous êtes rentrés… Vous ne sortirez jamais, personne ne sort jamais d’ici… Je pensais que vous connaissiez pourtant le prix… »
    Interdits par la réaction de l’adolescente, ce fut Hence le premier qui récupéra ses esprits pour lui demander plus de détails. Cependant, l’intéressée répétait inlassablement les mêmes verbes, des mots diffus tels que « mourir », « tuer » ou « bientôt » qui ne faisaient pas grand sens les uns à côté des autres.

    De son côté, Alexandre conservait un silence religieux. Troublé par les propos de Talia, il n’affichait plus aucune expression sur son visage. Pris dans une réflexion profonde, il s’agissait de ces moments intimes qu’il ne partageait qu’avec lui-même. Rien ne transparaissait du malaise profond qu’il ressentait pourtant en ce moment, alors que le vieil oracle se démenait pour trouver un moyen de faire parler la prisonnière.
    « Alexandre, aide-moi, veux-tu ? Ce qu’elle a dit constitue une piste capitale qu’il nous faut suivre instamment. Pose ta main sur son front pour comprendre ce qu’il y a au fond d’elle ! » Son élève resta sans réaction. Il cria plusieurs fois son prénom, en même temps qu’il dodelinait la tête de la petite fille pour qu’elle se calme. Constatant qu’il se muait dans un silence de marbre, le sexagénaire se rehaussa alors sur ses deux jambes, et s’avança jusqu’à saisir le poignet du vingtenaire.

    À ce moment, une brise d’air glaciale fit sortir la porte de ses gonds.

    Extrait de sa torpeur, le Gardien se dégagea de l’étreinte de son professeur, et courut jusqu’au niveau de l’interstice. Comme il s’y attendait, la silhouette de la créature avait disparu. Cela ne présageait rien de bon. Une lourdeur se mit à peser dans l’atmosphère. L’allemand posa la main sur son cœur, plus que jamais perdu par l’enchaînement des évènements. À l’extérieur, toute luminosité était en train de disparaître, comme si celle-ci était happée de l’intérieur par une sorte d’aimant. Il ne s’agissait, ni d’un coucher de soleil, ni d’une éclipse.
    Au loin, accompagné par des vagues noires s’étirant sur tout le sol enneigé du bâtiment, la silhouette venait de réapparaître. Elle se trouvait maintenant à une centaine de mètres, mais sa taille avait doublé, sinon triplé. Elle s’imposait dans le paysage alors qu’elle n’en était qu’un élément de décor.

    Le monstre se rapprochait.

    « Ding, dong. » Lâcha alors Talia Rose, inopinément, dont la voix n’avait plus rien à voir avec ce qu’elle était jusque-lors. En outre, un froid plus mordant transperçait maintenant les boucliers thermiques des deux visiteurs, preuve que la température décroissait maintenant de minute en minute. Ceux-ci se retournèrent vers la prisonnière. Le cœur du prophète battait la chamade.
    « Alexandre, que se passe-t-il ? Qu’est-ce qu’il vient de se passer ?! » Hurla-t-il alors qu’il voyait la silhouette se dessiner de plus en plus vers l’horizon.
    « Vous l’avez touché, Professeur. » Commenta simplement son interlocuteur, toujours dans l’interstice de l’entrée. « Nous sommes en danger, du moins c’est ce qu’il veut nous faire croire. » Rajouta-t-il.

    « Je ne veux pas te contredire, mais si la créature la plus dangereuse fond vers nous à travers la neige, j’aimerais mieux que nous réfléchissions à un moyen de nous en sortir. Insista-t-il avec véhémence.
    — Il n’y en a pas. » Balaya Alexandre avec suffisance, en revenant s’asseoir sur la chaise boisée.
    Un hurlement strident, aigüe, qui n’avait rien d’humain, se fit entendre à l’extérieur.

    Le monstre se rapprochait.

    « Ding, dong. » Lâcha de nouveau Talia Rose. La pression que ressentit Hence le conduit à se rapprocher, mais la main à son encontre fermement érigée par son protégé l’arrêta net. Celui-ci ne voulait pas qu’il s’approche, alors qu’il faisait de plus en plus froid.
    « Si nous te libérions, tout ceci s’arrêterait, n’est-ce pas Talia ? » Demanda le Gardien d’une voix empathique. L’adolescente releva brutalement le visage. De ses orbites coulaient du sang, ses pupilles avaient disparu.
    « Il vous a repérés. Il va maintenant vous traquer, et vous tuer, parce que vous n’aviez rien à faire là. » Prononça-t-elle toujours de sa voix robotique. D’un coup d’œil rapide envers l’entrée, Schœneck remarqua que le démon se trouvait maintenant à une trentaine de mètres d’eux. Il les surplombait par la taille, et semblait prêt à engloutir la demeure au fur et à mesure qu’il se rapprocha.

    Le monstre était tout près.

    « Bordel de merde, Alexandre, tu vas me dire tout de suite ce qui se passe ! » S’égosilla le prophète du savoir, tiraillé par l’angoisse frappant contre sa poitrine.
    Un sourire triomphant venait d’apparaître sur le visage de son interlocuteur. Celui-ci se détourna pour poser ses mains gantées contre ses bras, ce qui eut pour effet d’apaiser sa tachycardie.
    « Vous vous souvenez, quand j’ai dit que pour garder des prisonniers, il fallait des gardiens. Je vous ai dit qu’il y en avait trois à l’origine, mais qu’il n’en restait plus qu’un dorénavant. Quand vous avez touché le bras de Talia, vous avez comme provoqué une alarme. Ce monstre, dehors, ce n’est pas Dimensio, c’est un des gardiens de sa prison. » Les lèvres du vieil oracle se mirent à trembler. Aiguillé vers la bonne voie, il commençait à comprendre.
    « Oh non… Cela signifie…
    — Le gardien avait l’apparence de Dimensio, parce que les pouvoirs de cette créature sont extrêmement puissants. De la même manière qu’il vous a piégés à Termina, il a tenté de nous piéger ici, parce que cet endroit…
    — C’est la prison de Dimensio, et… et… Cela veut dire que… Cette fille, là… » Pris par une vision d’horreurs, l’homme aux cheveux grisonnants se recula.

    Talia Rose fit alors apparaître sur ses lèvres un sourire comblé. Elle prit appui sur ses deux bras, et se releva avec beaucoup de dignité.
    « Oui, Professeur. Ce n’est autre que Dimensio lui-même. Sa magie, alors même qu’elle est bridée, dépasse tout entendement. Même moi, j’ai failli ne rien y voir. Dit-il avec tristesse en tentant d’ignorer sa présence.
    — En touchant cette ordure, le gardien croit que nous sommes là pour la libérer, et il va donc nous exterminer…
    — Sauf si vous me libérez, cela va de soi. » Intervint la prisonnière, la voix redevenue féminine et agréable à entendre. Sa nudité avait disparu pour un haut violet et bordeaux. « Ceci dit, vous voir mourir tous les deux n’est pas forcément gênant non plus. » Rajouta-t-elle avec un petit air sardonique.
    Un nouveau cri strident vint faire vibrer les vitres, et glacer le sang de tout âme humaine aux alentours.

    Le monstre était tout près.

    « Tu ne pourras jamais te libérer de tes liens, quoi que tu sois. Ceux-ci ont été faits avec une magie d’une pureté dont tu ne pourras jamais approcher. Ils te brûlent de l’intérieur, et personne, pas même moi, ait le pouvoir de l’en retirer. » Le Gardien n’en perdit pas sa superbe.
    L’incarnation de Dimensio ne put pourtant s’empêcher de dessiner un sourire sur sa carcasse humaine, en guise de provocation et de dédain.
    « Tu es imbus de ta personne toi… Mais j’aime ça. » S’amusa la jeune femme possédée. « Mon plaisir n’en sera que plus grand le moment venu. Surtout quand sur ta tête se dessinera l’expression d’horreur de savoir que pour sortir d’ici, il faut obligatoirement tuer quelqu’un… et… oh… » lâcha-t-elle en descendant brutalement la voix vers les graves. « Puisque je suis immortel, il ne reste que ton charmant Professeur. 
    — Alexandre, il est tout près, qu’est-ce qu’on fait ?! » S’exclama ce dernier sans prêter attention à leur dialogue.

    Intérieurement, Schwartz parut bisquer un instant, pour autant, rien n’en parut sur son visage. Il n’en croyait peut-être pas un mot, mais un doute commença à germer dans son esprit. Il se retourna et avança vers l’entrée de la cellule. Plus menaçante que jamais, la silhouette s’étendait sur plus d’une dizaine de mètres, elle grandissait à mesure qu’elle se rapprochait, et ne laissait absolument aucune chance d’évasion.
    « Dimensio distord absolument toute notre perception des choses, il existe une probabilité non-négligeable pour que tout ceci soit une illusion, et je suis incapable de le voir. Analysa le Héros de Légende avec impuissance.
    — Certes, mais il existe aussi une probabilité tout aussi non-négligeable que ce soit bel et bien vrai, non ?! Faut-il vraiment prendre le risque ?!
    — Non… Assurément non… » Le garçon releva ses mains après avoir retiré ses gants en cuir, une expression contrariée sur le visage. « Je n’aime pas ça. Il est en train de me faire faire ce qu’il veut. 
    — Et qu’est-ce qu’il veut ?! Tempêta Hence à l’approche du gardien qui ne se trouvait maintenant plus qu’à quelques mètres.
    — Je ne peux pas le libérer, alors je vais être obligé de nous enfermer avec lui dans une bulle dimensionnelle hermétique. Une sorte de… Bulle virtuelle. » Des tremblements violents se firent sentir tout autour de la prison. Le sexagénaire commença à vaciller.
    « C’est extrêmement dangereux, il pourrait s’enfuir !
    — Normalement, non, mais… Qui sait… Si nous mourons écrabouillés par ce gardien, d’autres finiront par venir, et commettront les mêmes erreurs que nous aurions pu commettre dès le début. ».

    Un flash. Ce fut tout ce qu’il y eut, lorsqu’il avait achevé sa dernière syllabe.

    ***


    Tout s’était figé. Les craquements, les bruits de pas, le ruissellement de la neige, les hurlements du gardien. Il régnait un silence de mort à l’intérieur de la bâtisse, que rien ne semblait pouvoir obstruer. D’une pâleur de plus en plus extrême, Alexandre remarqua que du sang coulait de ses narines, et il dut s’asseoir contre un mur une fois que son mouvement fut fini. Son oracle ne put s’empêcher de trouver effrayante l’absence de bruit dû à la friction des deux corps au moment où il s’affaissa contre le sol. Le vieil homme avait d’ailleurs l’impression que quelque chose lui manquait, dans cet endroit où tout était arrêté.
    « Votre battement de cœur… C’est… C’est votre battement de cœur que vous n’entendez plus… Professeur… » Annonça instinctivement le garçon à son endroit, comme s’il fut un télépathe. Celui-ci prit immédiatement le temps de vérifier, avant de constater avec effroi que son cœur ne battait plus. Même sa respiration ne faisait plus sens dans cet endroit.
    « Je nous ai emprisonnés à l’intérieur d’un monde parallèle… Je nous ai figés de l’endroit où nous sommes… À la dernière seconde, du dernier moment où nous allions mourir…
    — C’est plus beau Thiercelieux, tu admettras. » Commenta alors avec cynisme, la voix de Talia. « Tu me diras, tu n’as pas l’énergie que j’ai. » Rajouta-t-elle tandis que son interlocuteur se vit pris par une quinte de toux inopinée.

    « Je te déconseille formellement de continuer à lui adresser la parole, est-ce bien clair ? » Exhorta alors le professeur d’allemand, la voix sévère. Cela ne lui provoqua pourtant qu’un éclat de rire.
    « J’ai peur, pépé. Vous n’imaginez pas combien j’ai peur de vous… » Poursuivit la fille aux cheveux roses. « Tout se passe pourtant comme je l’ai prévu. Nous voici ensemble pour une éternité. Je suis habitué à l’éternité, mais vous, combien de temps cela prendra avant que vous ne deveniez fous ? Je suis le seul capable d’arrêter cette chose, vous finirez par le comprendre, il n’y a aucune autre échappatoire possible.
    — Il suffit. » Répondit alors, brusquement, le Gardien de l’Équilibre des Forces. « Je n’ai aucune espèce d’intention de te libérer, sous aucune forme que ce soit.
    — Pourtant, rends-toi à l’évidence, Alexandre. Ce monde, c’est moi. Le fait même que tu sois ici aujourd’hui, c’est parce que tu sais qu’ailleurs, j’ai déjà réussi à m’évader. Tu es ici pour donner du sens à l’Histoire. Tu es probablement à la fin de ton histoire, mais moi je suis au début de la mienne, et il y a certaines inflexions qu’on ne peut faire au temps, et qu’importe si tu mets des siècles à t’en rendre compte, j’ai l’habitude de l’éternité. Quant à toi, regarde-toi, pauvre chéri. Tu auras bientôt épuisé tous tes pouvoirs. C’est ça, l’éternité ? » Le propos avait été préparé des millénaires. Chaque mot, pesé comme une dague à leur destination, devait les convaincre et les ramener plus vers le chemin où Dimensio voulait les emmener. Avec son air joueur et goguenard, ils devaient savoir qu’ils n’avaient pas le choix. Tout simplement parce que, ironiquement, c’était vrai. Ils s’étaient placés dans une telle situation où ils n’avaient pas d’autres choix que d’obéir, et y réfléchir aurait bon dos : cela n’en changerait rien. Le « Fléau » était le seul antidote à leur portée.

    « Déblatère tant que tu veux, je ne te libérerai pas… Je ne sais pas comment faire, et je n’y réfléchirai jamais. » Répondit son ennemi en détournant la tête vers son professeur. Celui-ci semblait, a contrario, en excellente forme. Il n’avait plus conscience de sa faim qui le tiraillait, ou de sa fatigue, il se sentait libre de ses contraintes corporelles. Cela lui donnait l’impression qu’il devait protéger, avec paternalisme, son élève qui semblait au bout de ses forces.
    La prisonnière, elle, se contenta de hausser les épaules, comme si elle savait que viendrait le moment où elle obtiendrait ce qu’elle désirait, ramenant au silence tous les protagonistes enfermés dans cette bulle virtuelle…

    Beaucoup de temps passa. Des heures, peut-être des jours, peut-être des semaines. Le fait que le temps soit figé ne permettait pas de mesurer toute la conscience qu’on sacrifiait à rester lucide dans cet endroit.
    L’état d’Alexandre ne s’améliorait pas. Son front était bouillant, tandis que son visage, plus pâle qu’un cachet d’aspirine, commençait à beaucoup inquiéter son protecteur. Celui-ci avait commencé à le déshabiller pour qu’il puisse avoir moins chaud, mais cela ne servit à rien. Il n’avait incubé aucune maladie, et il ne souffrait que de ce monde parallèle qui les maintenait à l’abri du gardien.
    « À mon avis, il ne lui reste plus beaucoup de temps. » Commenta Talia, les bras et les jambes enserrées par les chaînes fluorescentes. Cette remarque lui valut un regard noir, que le sexagénaire s’efforça d’ignorer. Il ne fallait pas qu’il commence à parler à cette chose avant d’avoir trouvé une solution pour sortir d’ici avant que son protégé ne succombe.
    « Si tu veux mon avis Hence, tu ferais mieux de prendre ta décision le plus vite possible, parce que dès qu’Alexandre sera mort, il ne restera que nous deux, et le méchant qui t’attend à l’extérieur t’écrabouillera vif. Sachant qu’alors, j’aurai retrouvé d’autres candides pour me libérer. » Ce fut la remarque de trop.
    D’un geste vif, l’allemand se redressa sur ses jambes et se plaça à moins d’un mètre.

    « Tes manipulations ne marcheront pas sur moi, sache-le. Tu peux t’égosiller à dire ce que tu veux, nous savons que mourir vaut mieux pour nous que de te laisser libre.
    — Cesse d’être impétueux, Hence. Comportons-nous en adulte maintenant que nous sommes entre adultes. » Une mine obscure remplaça l’assurance du vieil homme. De là où il se trouvait, toute la malveillance de Dimensio franchissait chacune de ses cellules, et répandait en lui le même désespoir qu’il ressentait à chaque seconde qu’il passait à Thiercelieux. Cette sensation désagréable et malfaisante le conduisit à reculer.
    « Il n’existe qu’un moyen de sortir d’ici, Hence Schœneck. » Poursuivit-elle, satisfaite de son retrait. « Il faut tuer quelqu’un. C’est le prix à payer pour sortir du donjon dimensionnel confectionné par vos pairs.
    — Tu mens… Jamais les Anciens n’auraient…
    — Je vous interdits de m’interrompre. » Trancha fermement la voix soudainement criarde et robotique de l’adolescente, ne supportant pas d’avoir été interrompue. Cela le fit taire immédiatement. « Dans votre grande naïveté, vous avez imaginé que vous vous en sortiriez avec ton … pathétique et stupide Gardien. Cependant, le fait qu’il soit en train d’agoniser sur ce parquet n’est pas censé te rassurer, parce qu’il sait, lui, le prix à payer pour sortir d’ici, et qu’il préférerait mourir plutôt que d’avoir à te demander de mourir. ».

    Un rictus se dessina sur ses lèvres. Le visage de Schœneck, lui, se décomposa. Il jeta un regard au corps malade d’Alexandre, duquel il s’approcha, effleurant de sa main sa peau brûlante.
    « Dès qu’il sera mort, un portail dimensionnel va s’ouvrir te permettant de t’enfuir, parce que ton élève est trop lâche pour supporter l’idée de te perdre. C’est trop mignon ! » S’exclama les cheveux roses, alors qu’une gifle retentissante se marqua contre sa peau. Cela l’avait surprise, mais elle avait réagi prestement. La main du vieillard resta cloîtrée à la peau de Talia Rose, sans qu’il ne puisse la retirer.
    « Dieu… » Souffla-t-il, avec désespoir. Une sensation de froid glacial commença à s’emparer de lui, ses membres se mirent à trembler, convulser. Une envie de suicide s’éprit de lui.
    « Tu ne comprends pas l’étendu de mon pouvoir, Hence Schœneck. Tu me vois sous l’apparence d’une belle jeune fille à violer comme le dernier des pervers sexuels, tu me vois te parler comme si j’étais rien d’autres qu’un humain, mais c’est le costume qui veut ça. Tu ne sais pas à quel point je peux être effrayant – et à quel point j’adore faire des discours –. » Ajouta-t-elle d’une voix visiblement amusée. « Reste que, si je voulais vraiment te faire du mal, je l’aurais fait, mais ce n’est pas ce que je veux, alors c’est la dernière fois que je pardonnerai un écart de conduite, est-ce clair ?! » Fit-elle en lui imposant une douleur indicible, qui le contracta au sol, et le fit tomber à terre devant elle comme une pauvre larve soumise.

    « Dimensio… » Bredouilla difficilement le professeur. « Ce que tu dis ne peut pas être vrai…
    — Oh, Hence. On peut me reprocher beaucoup de choses, mais je n’ai jamais menti. Je n’ai toujours dit la vérité, rien que la vérité. C’est pour quoi il est important que nous parlions. Toi et moi, nous pouvons conclure un accord. C’est toi le vieux sage, c’est toi le plus raisonnable. » Un instant de réflexion replaça la demeure dans un silence religieux, après lequel, il hocha difficilement la tête.
    « Qu’est-ce que tu proposes… ?
    — Je ne ferai pas de promesses irréalistes. Pour m’enfuir, j’ai besoin que du sang coule. Il serait facile que ce soit celui d’Alexandre, pour que je puisse ensuite t’égorger, mais ça ne fait pas assez d’action selon moi. Alors… Je veux que ce soit toi qui meurs. ».
    L’homme aux cheveux grisonnants, d’habitude si réservé, se releva avec panache, encore essoufflé par la torture subie quelques instants auparavant.

    « Très bien, mais je veux d’abord des réponses à mes questions. » Annonça Hence sur le temps du non-négociable. Talia afficha une mine indifférente, et l’invita à poursuivre.
    « Comment as-tu réussi à tuer les deux autres gardiens ? » Interrogea-t-il avec une curiosité avide de réponses. Ne s’attendant pas à la question, Rose commença d’abord par écarquiller les yeux, avant d’afficher une expression béate sur sa moue.
    « Disons que certaines personnes l’ont fait pour moi, comme d’habitude. Je sais que je suis une belle jeune femme enchaînée, mais je reste très influente.
    — Par le biais de Thiercelieux ?
    — Allons, Hence. » Fit-elle avec une voix plus moralisatrice. « Un magicien ne dévoile jamais ses tours.
    — Pas même sur ta capacité à émuler une ville fictive avec autant de précisions ? » Poursuivit-il la voix hésitante.

    La jeune femme s’apprêtait à répondre, quand soudain, quelque chose sembla l’en empêcher, et la troubler profondément. Ses traits se crispèrent, et un rire dément s’échappa de sa bouche. De ses bras enchaînés, elle se mit à applaudir frénétiquement, alors que des tremblements venaient visiblement parcourir sa peau, comme si elle luttait intérieurement entre deux sentiments contradictoires. Entre un amusement sincère et presque enfantin, et une colère noire qui arriva si brusquement qu’elle faillit terrasser le vieil oracle. Brutalement, Talia Rose se mit effectivement à tirer au maximum de ses liens fluorescents pour hurler d’un cri si fort, qu’il brisa les vitres de l’endroit, et sembla ébranler l’isolement que la bulle virtuelle avait sur le véritable monde. Des veines noires apparurent sur son visage, tandis que ses pupilles disparurent pour ne laisser que des orbites blanches ensanglantées.
    Par réflexe, Schœneck porta les mains à ses oreilles, mais il eut l’impression que les hurlements stridents n’en furent que plus fort. À ce titre, il eut véritablement l’impression que ses tympans allaient exploser, tellement la furie macabre qui se déchainait devant lui était indicible.
    Un son vibra alors dans sa tête, commença à macérer sa boîte crânienne ainsi qu’un marteau-piqueur le ferait. Ce son prit peu à peu les contours d’une voix mâchée, alternant entre les graves et les aigües, s’inscrivant dans le sillage des bramements incessants.

    « Vous… avez… osé… Vous… avez… brisé… toutes… les… règles… C’est inadmissible. Mourir… Mourir… Mourir… Mourir… ».
    Le professeur d’allemand voulut mourir, tant cette voix commença à le rendre fou.
    Ce fut à cet instant que, royalement, des mains carbonisées vinrent se poser sur les tempes de ses oreilles.

    « J’ignore comment tu as pu croire, Dimensio, que j’aurais été capable de me soumettre à ton jeu sordide. » Annonça Alexandre, avec un air de majesté. « La télépathie n’est pas ton chasse-gardé, pas plus que la comédie. » Acheva-t-il sans pitié. Depuis tout ce temps où il avait guidé son protecteur par la pensée, afin de poser les bonnes questions aux bons endroits, il semblait maintenant revigoré d’une énergie nouvelle. Lui se contenta d’étirer un sourire carnassier, dévoilant une triple-rangée de dents sous son apparence féminine.
    « Ce monde, Alexandre, c’est moi, et c’est toi qui as tué les Cavaliers de l’Apocalypse. Tu les tueras tous. Cette pauvre Flora, ce pauvre Eliot…
    — Et ce pauvre Florent. » Acheva Schwartz, le regard sombre. « C’était eux, les gardiens de ta prison, et tu les as rendus fous, tu les as intégrés à ton théâtre macabre, et tu as créé autour d’eux une mythologie démoniaque, pour que le monde en ait peur et les déteste. Cependant, bien que je n’ai pu sauver Flora, je ne ferai aucun mal aux deux autres.
    — Pourtant, ça s’est déjà produit, Alexandre. » Cette remarque le troubla, mais il n’en laissa rien paraître. Hence, quant à lui, tenta de se relever, essoufflé.

    « Il a raison… Je comprends enfin, moi aussi. » Lui communiqua-t-il par la pensée. « Ta rencontre avec Florent Hämälaïnen à l’asile de Holbein, celle dont tu ne te souviens pas, celle où tu purifies l’âme d’Eliot Winchester, elle n’a pas encore eu lieu pour toi. C’est ton futur… » Le Gardien de l’Équilibre lâcha un regard consterné.
    « Ce serait quoi, le destin ? Et où est le libre-arbitre dans tout cela ?
    Ô, Guerrier de la Lumière, ô vieux débris incandescent, cessez donc vos messes-basses. J’entends tout. » Même à l’intérieur de sa propre conscience, il était impossible d’être tranquille.

    Une sévérité certaine se dégagea du garçon à la veste de marin. Celui-ci ressentait vraisemblablement une sorte de colère qu’il n’avait laissé explosé qu’à de rares reprises, comme au sommet de la tour d’astronomie. Ces colères feutrées, bien que peu impressionnantes par les gestes, intimidaient toujours par la verve assassine qu’il était capable de prendre dans ces moments.
    « Je suis au moins rassuré d’une chose, Dimensio, tu ne pourras jamais sortir de cet endroit, quoi que tu en dises. Jamais les Anciens n’auraient créé une magie fonctionnant grâce au sang versé par un tiers. Les ancêtres des Gardiens de l’Équilibre conspuaient la violence, et toute cette prison n’a qu’un objectif in fine : protéger l’univers de toi. La seule chose qui te libérerait, et je l’ai réalisée en t’écoutant, c’est ce dont tu ne seras jamais capable. Aimer. ».

    Il y eut alors un silence de mort, pendant lequel chacun se regarda en chien de faïence. L’être maléfique qu’était Dimensio ne semblait pas aussi impressionnant que cela, maintenant qu’ils le fréquentaient de près. Ils leur parlaient comme un vulgaire prisonnier, à la mâchoire difforme, et à l’allure d’un costume d’halloween, mais ils ne leur faisaient pas vraiment peur.
    Cette erreur allait leur coûter cher, parce que voyez-vous, ma puissance ne connaît aucune limite.

    « J’étais aveugle, et maintenant je vois. ». Commenta soudain Talia Rose. « Ton intelligence brille de mille feu, Alexandre. C’est pour quoi je voulais que tu viennes ici, en compagnie de ton oracle. L’amour que vous éprouvez l’un envers l’autre est tellement sincère… C’est répugnant. Mais, les gars, vous voulez voir un tour de magie ? » Le cœur du Gardien s’emballa. Il n’allait quand même pas…
    « Abracadabra. » Les liens fluorescents qui maintenaient Dimensio se brisèrent d’un coup, et répandirent sur le sol un liquide arc-en-ciel aux allures de drogues dures.

    Le moment n’impliquait pas de réflexion. Sans attendre, Schwartz se saisit du bras de Hence, et brisa la bulle virtuelle dans laquelle ils s’étaient enfermés.

    ***


    Les deux hommes apparurent sur une étendue enneigée, près de laquelle se trouvait un précipice.
    « Alexandre, est-ce que Dimensio s’est libéré ?! » Cria le sexagénaire, plus inquiet que jamais. Perturbé, son interlocuteur mit du temps à répondre, épuisé par la téléportation qu’il venait de réaliser. « Alexandre, réponds-moi ! Est-ce que Dimensio s’est libéré ?! Bordel de merde, comment cela a-t-il pu arriver ?! N’es-tu pas assez intelligent pour te taire quand tu avoues à notre ennemi ce qui lui permettrait de se libérer ?!
    — Je… Ce n’est pas logique… Ce n’est pas possible… » Lâcha le Gardien, sonné. « Je ne comprends pas, il n’a pas pu se libérer comme ça, c’est impossible. » Schœneck lâcha un soupir. Il était inutile de s’énerver.
    « Alexandre, écoute-moi, il s’est libéré de ses chaînes, certes, mais il ne s’est pas encore enfui de la prison des Anciens. Tout n’est pas encore perdu, Alexandre, je t’interdits d’abandonner, est-ce clair ? » Lui dit-il en encadrant son visage des paumes de sa main. Ce dernier hocha timidement la tête, et essuya une larme qui avait coulé de sa joue. L’adolescent tremblait quelque peu.
    « Le… Le gardien devrait le ralentir, mais nous avons extrêmement peu de temps… Si… La puissance de notre relation a ouvert un portail, il faut… Il faut que nous le refermions sur-le-champ. » Accoucha-t-il difficilement. Le prophète se releva pour observer tout autour de lui, remarquant dans cette tempête de neige au milieu de la nuit, une sorte de vortex aux extrémités du précipice, plus petit que celui présent dans le ciel.

    « En la matière, nous n’aurons pas à chercher bien loin. Allons-y, Alexandre, viens. » Ordonna l’oracle en prenant son fils spirituel par le bras. Il constatait bien qu’en ce moment, c’était à lui de prendre les décisions les plus difficiles.
    « Tu vas passer ce vortex, Alexandre. C’est notre seule occasion de retenir Dimensio enfermé ici pour le moment. » L’intéressé s’arrêta net, et se retourna, le regard hagard. « Nous avons commis des erreurs Alexandre, et je ne t’en porte pas grief, mais nous ne pouvons pas rester ensemble. Ce portail n’est ouvert que pour une personne, c’est une sécurité de la magie des Anciens, tu sais que sur ce point au moins, Lui avait raison.
    — Non, non, il y a une autre solution, Professeur. Répondit le jeune homme, la voix peu assurée.
    — Non, il n’y en a pas, et chaque seconde que tu passes à discuter rapproche le Fléau de nous. Tu dois passer ce vortex, maintenant ! » Schwartz sembla ressentir un déchirement au plus profond de lui-même. Il fut incapable de bouger. Ses lèvres se mirent à trembler, en dépit de toute la contenance qu’il tentait de garder.
    « C’est la dernière fois qu’on se voit…. » Déclara-t-il d’un éclair de lucidité. « Il va vous torturer, il va se venger sur vous, et il finira par vous aimer, et il fera en sorte que vous l’aimiez, et il s’enfuira aussi. Maintenant ou dans quelques années, qu’est-ce que j’aurais le temps de faire ?! ».

    Ce fut le propos de trop pour Hence. Il peina lui aussi à contenir la peine qu’il ressentait, non pas quant à ce qui l’attendait, mais quant à la souffrance qu’il provoquait auprès de son élève.

    « Tu le sens… Le désespoir. Ton bouclier de lumière n’y fait plus rien, je ressens au plus profond de moi-même une tristesse indicible, et c’est parce qu’il se rapproche. Tu crois que nous avons le temps pour des adieux en bonne et due forme ? Rentre dans ce vortex, je te jure que nous aurons vécu les meilleurs moments. ».
    Sur cette phrase, Alexandre se rapprocha de lui, et posa ses mains carbonisées sur sa poitrine. Quelque chose de chaud, de doux, pénétra sa carcasse. Il n’eut pas souvenir de ressentir un tel apaisement, alors même qu’à moins d’un mètre de lui, des sanglots inondaient les joues du Gardien.

    Ce dernier finit par rompre le contact, et se reculer jusqu’au niveau du vortex. La voix cassée, les narines ensanglantées, il lui bredouilla quelque chose.
    « Avec ça, vous ne perdrez jamais votre lucidité, Professeur… ».

    Au loin, la silhouette d’un petit arlequin en papier venait d’apparaître.
    « Oh que non, ceci est mon vortex ! » Déclara la créature en fondant sur eux à la vitesse de la lumière. Le garçon à la veste de marin aurait alors voulu rester, près de la seule personne pour qui il avait jamais éprouvée de l’affection avec sa sœur, mais on ne lui en laissa pas le choix. L’oracle, du peu de pouvoir qu’il détenait encore, propulsa le Héros de Légende à l’intérieur du portail dimensionnel. Un cri aigu, sourd et violent, se fit alors entendre. La fureur du Fléau ne faisait que commencer.

    ***


    Dinnington, South Yorkshire. 12 janvier 1984.

    À l’arrière d’un petit entrepôt, un jeune homme qui ne devait pas avoir plus de vingt ans se réveilla. Lorsqu’il analysa l’endroit où il se trouvait, il identifia rapidement un pays qu’il connaissait bien : l’Angleterre. À ce moment, le souvenir de son Professeur sembla le hanter, mais la tristesse passée, une nouvelle détermination en était née. C’était en quelque sorte, la dernière étape avant la maturation définitive d’Alexandre Schwartz.
    « Ô, Guerrier de la Lumière, entends ma prière. » Cependant, lorsqu’il entendit cette voix lui chanter ses louanges dans sa tête, une expression sombre s’afficha sur son visage. Elle avait la voix exacte de son mentor. « Je suis si fier de toi, Alexandre… Je savais que tu survivrais. Ne t’inquiètes pas, de là où je suis, je t’observe et te protège.
    Tu peux t’épargner ces efforts, je ne suis pas Florent Hämälaïnen. ».
    Et malgré la grande douleur que cela lui provoqua, il referma les vannes de son esprit.

    Suite de la ligne temporelle d'Alexandre : CharmingMagician.exe.
  Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance  
Pikamaniaque

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MessageForum: Fanfictions Code Lyoko   Posté le: Mar 24 Oct 2017 11:22   Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance
Liste des personnages


https://img4.hostingpics.net/thumbs/mini_881559Capturede769cran20171024a768120716.png


Avant-propos : Cette liste contient potentiellement des éléments de spoils des factions, et des personnages en présence du Projet Renaissance. Elle est tenue actualisée au début de chaque chapitre.

    I. Team Desmose.


  • Anselm Dubois [CHEF DE FACTION] : Adolescente & major de promotion du prestigieux lycée de Hardewick, Anselm Dubois coordonne les actions de la Desmose, et a fait rentrer aux côtés de ses amis, le monde de Termina dans une boucle de trois jours en vue d’arrêter la fin du monde. Proche de Gabriel, ses liens avec le reste de son groupe se délitent à mesure que la Mairie et les actions du Gardien scindent et clivent certains de ses amis qui ne veulent plus être sous le joug de ses comportements dictatoriaux.
    Elle est à présent la dernière membre active du groupe après la mort de Flora Parsons.
    Anselm Dubois ne déviera pas. — 2 à 4, 6 à 9, 11 à 16.

  • Samuel Parsons : Adolescent & diplômé du prestigieux lycée de Hardewick, Samuel Parsons est le meilleur guerrier de la Desmose. Il entretenait auparavant une relation amoureuse avec sa sœur, Flora Parsons, et considérait Florent comme son meilleur ami. Auparavant très loyal à son groupe, il commence à se mettre en retrait depuis sa rencontre avec Alexandre et ne supporte toujours pas la mort de Flora dont il impute directement la responsabilité à Anselm. — 2 à 4, 6 à 9, 11 à 16.

  • Flora Parsons † : Adolescente & diplômée du prestigieux lycée de Hardewick, Flora Parsons était la meilleure alliée des Desmose-guerriers. Auparavant petite-amie de Samuel Parsons, elle décède, assassinée par Gabriel Oswald et effacée de la mémoire du Calculateur. Toutefois, son corps est récupéré par le Cavalier de l’Apocalypse de la Mort, en vue de sacrifier Gabriel sur l’autel du vortex du temps. Arrêtée par Alexandre Schwartz, elle disparaît définitivement du monde de Termina. — 2 à 4, 6 à 9, 11 à 13.

  • Daniel Leroy † : Adolescent & diplômé du prestigieux lycée de Hardewick, Daniel Leroy est retrouvé mort par Florent dans l’asile de Holbein, la tanière des Enfants Perdus. — 5.


    II. Team Mairie.


  • Francis Underwood [CHEF DE FACTION] : Maire historique de Thiercelieux, le bourgmestre contrôle les actions de la Desmose depuis la mise en place du cycle infini par le groupe d’Anselm. Il recrute Gabriel Oswald à des fins d’espionnage en vue de retrouver à son tour le Gardien, et pouvoir s’enfuir du monde de Termina.
    Underwood, après avoir soutenu l’Ascension d’un nouveau Gardien, se fait pourtant assassiner dans la salle de l’hypercalculateur, après avoir perdu définitivement l’usage de ses yeux. Considérablement diminué, sa main de fer était de toute manière de plus en plus contestée. Il se fait remplacer par le conciliabule des prophètes du savoir après un coup d'état mené en vue de le remplacer.
    Francis Underwood ne déviera pas. — 1, 7 à 16.

  • Gabriel Oswald-Grayson : Variable d’ajustement. Gabriel Grayson a été désigné Dernier Espoir de l’Humanité dans le cadre du Projet Renaissance, mis en œuvre en 2076, 70 ans après la chute de Carthage et le début d’un hiver nucléaire sur la Terre (Bataille pour l’Espoir). Avec pour dessein de faire en sorte que Carthage ne voit jamais le jour, le voyage temporel mobilisé par la communauté humaine se passe mal, et le fait se réveiller à Thiercelieux. Proche de la Desmose dans un premier temps, il finit par prêter allégeance au Maire Underwood. Une force inconnue semble le persécuter et lui répéter en permanence qu’il fait face à une terrible destinée.
    Gabriel Oswald-Grayson ne déviera pas. — 1 à 3, 6 à 16.

  • Général Kalinda : Chef de l’État-Major des armées de Thiercelieux, Kalinda dispose de toute la confiance du Maire. Subordonnée à son autorité, elle n’est pas matrice en matière de prise de décisions, mais fait preuve d’une loyauté hors normes et semble disposer d’une certaine sensibilité depuis le dernier cycle.
    Général Kalinda dévie de plus en plus vers Team Gardien. — 7, 9, 12, 13, 16.

  • Antonin Peus : Valet du Maire Underwood, ces deux personnages semblent entretenir une grande complicité, et s’appellent par leur prénom. Attaché sentimentalement et professionnellement au bourgmestre, il n’a jamais été question pour Antonin de dévier et il ne déviera pas.
    Antonin Peus ne déviera pas. — 7 à 9, 11 à 16.


    III. Team Gardien.


  • Hence Schœneck [CHEF DE FACTION] : Oracle de formation, ancien membre des Prophètes du Savoir, Hence a remplacé Gerald Weygand-Sarrabuckeer en tant que professeur des nouveaux Gardiens de l’Équilibre. Très attaché à son ancien élève, Alexandre Schwartz, il essaie de prendre les décisions les plus matures en fonction des intérêts spirituels qui se présentent. Accompagné par Camille, il décide de former Florent Hämälaïnen après que celui-ci ait été visiblement activé, mais remet sa confiance à son élève originel lorsqu'il revient à Thiercelieux. Depuis, il s'est juré de le protéger quoi qu'il advienne.
    Il retrouve toute sa mémoire lorsqu'il quitte définitivement Thiercelieux, et comprend qu'il était professeur d'allemand de couverture au service des Prophètes du Savoir dans le monde réel, chargé de former et protéger Alexandre Schwartz. Il retrouve sa grande complicité avec son élève.
    Hence Schœneck ne déviera pas. — 3, 6 à 9, 11 à 17.

  • Alice C. Schwartz † : Fille aux cheveux blancs, le cœur sur la main et la bonté d’âme par-dessus tout, elle était muette depuis un certain temps déjà. Sœur d’Alexandre, elle se rapprochait aussi de Florent pour qui elle disposait d’une sincère empathie. Elle était la dernière à encore croire en lui. Sa foi en cet homme provoquera sa mort, que Florent chercha par tous les moyens à annuler. — 7 à 9, 11 à 16.

  • Alexandre Schwartz : Gardien de l’Équilibre des Forces.


    IV. Non-alignés


  • Florent Hämälaïnen : Ancien Desmose-Guerrier et membre des Gardiens, la vie de Florent bascule lorsqu’il est déclaré être le nouveau Gardien. Investi de la puissance des anciens, il essaie de mener une cérémonie pour rendre la mémoire à ses concitoyens, mais celle-ci échoue. Affaibli par cette défaite, l’adolescent est un temps perdu, et finit par succomber à l'appel du pouvoir en devenant le Prince de Termina, laissé vacant par le coup d'état mené contre Underwood. Très intelligent, il est passionné d’Histoire et d’économie, cependant il ne faisait pas preuve d’un grand courage jusqu’à devenir un Roi-Soleil.
    Florent Hämälaïnen ne déviera plus. — 2 à 9, 11 à 16.

  • Les Prophètes du Savoir / Le Conseil des Oracles † : Abraham, Ishtar, Aziraphale, Michel, Léïa, Agnès, Maximilien, Donovan. Florent Hämälaïnen les massacre après la fuite du Gardien de la Tour Tykogi. — 12 à 15.
  Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance  
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MessageForum: Fanfictions Code Lyoko   Posté le: Sam 30 Sep 2017 16:08   Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance
  Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance  
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MessageForum: Fanfictions Code Lyoko   Posté le: Mar 18 Juil 2017 20:35   Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance
Dimentio, Charming Magician. Dimentio, Charming Magician. Dimentio, Charming Magicien.

Chapitre 17 : Respawn


    Nécrologie, 9 décembre 1990.

    Le plus grand Gardien de tous les temps s’est éteint. Assurant son devoir depuis plus de dix ans, Alexandre Schwartz est tombé au combat contre le Premier Mal, peu de temps après le départ de Margaret Thatcher du 10, Downing Street. Investi du pouvoir de la lignée des Gardiens dès son premier mandat, c’est peu après la fin de ses fonctions qu’il nous a quittés après un admirable parcours comme notre institution n’en a que rarement connu.
    Sa longévité, d’autant plus importante pour des garçons qui n’ont en moyenne que seize ans d’espérance de vie, a impressionné tout au long de l’exercice de ses fonctions.

    En tant qu’oracle et professeur de ce merveilleux prodige, je suis très fier de l’avoir accompagné tout au long des années de sa vie. Je l’ai adopté comme mon propre fils, lui qui n’a jamais eu de père, qui a fini par perdre sa mère, et qui a dû lutter seul contre les forces du mal, pour que celles-ci ne restent que les cauchemars des enfants de notre monde. Malheureusement, notre ange gardien s’est éteint ce matin, la vie arrachée de force, brisée par un ennemi qui a remis en cause tout ce que nous connaissions aujourd’hui de la démonologie.

    Il n’est pas souhaitable de revenir dans une épitaphe sur les dysfonctionnements que le Conseil des Oracles a connus. Pour autant, Alexandre avait tout compris bien avant que notre vénérable organisation ne réalise elle-même sa propre damnation.
    — L’extermination méthodique de tous les potentiels « élus » que les prophètes du savoir étaient censés protéger.
    — Les nombreux incendies qui ont conduit à la perte de nos ouvrages immémoriaux.
    — Le pillage des sanctuaires des précédents Gardiens, et de leurs précédents oracles.

    Tout ceci pour aboutir, comme chacun des survivants le sait, à l’attentat contre le siège du Conseil des Oracles en plein cœur de Paris, ayant achevé l’annihilation de toutes les forces en état de conjurer le Premier Mal.
    Je veux toutefois jurer solennellement sur la nécrologie d’Alexandre Schwartz, que je ne me résoudrai jamais à trahir son héritage en abandonnant le combat. Même si toutes les étoiles commencent à s’éteindre dans tous les univers, qu’un vortex commence à apparaître au-dessus de nos têtes, nous n’abandonnerons jamais notre bataille pour l’espoir.

    Repose en paix.

    H. S.


    ***


    Une brise d’air frais ouvrit les paupières de Hence Schœneck. Un air dont il n’avait plus eu l’habitude de sentir la présence sur ses joues depuis bien longtemps. Couché au milieu d’une neige aussi blanche que la pureté du cœur d’Alexandre, il n’avait pas réalisé immédiatement où il se trouvait, profitant de cette sensation de calme loin du marasme de Thiercelieux ou du Wiltshire. Il aurait voulu y rester pour l’éternité. Il aurait désiré que personne ne l’en arrache. Tout semblait plus clair à ses yeux maintenant qu’il était redevenu lui-même malgré cette petite voix qui lui crissait dans les oreilles, et qui venait apporter du chaos dans l’ordre des choses. Une voix, que petit-à-petit, il finit par reconnaître, quand une main brûlante vint le tirer de sa torpeur, et le relever des couches de neige au sein desquelles il s’était trouvé enfoui. La réalité lui apparut alors plus concrète.

    Le sexagénaire venait d’éviter in fine une hypothermie mortelle dont il ne dut le salut qu’auprès d’Alexandre Schwartz, lequel l’avait retrouvé à temps malgré la neige présente en abondance partout où ils regardaient.
    « Concentrez-vous sur ma voix, Hence. » Exigea alors son compagnon, à genoux près de lui, les mains gantées posées sur ses bras ballants. Une impression de chaleur remplaça l’anesthésie que le gèle avait provoqué sur sa peau. Peu à peu, malgré la confusion, le vieil oracle sembla retrouver une contenance. « Tout va bien se passer, vous êtes en sécurité auprès de moi. » Rajouta la veste de marin, sur un ton doux et bienveillant, tandis que son professeur se mit à greloter plus abondamment.

    Il fallut une bonne dizaine de minutes avant que son état ne soit stabilisé, et qu’il retrouve la sensibilité de ses doigts, de ses pommettes, puis de sa conscience. L’allemand réalisa alors qu’il avait failli abandonner contre tous ses principes, enfermé dans ce mur de glaces ; en proie aux fantômes du passé. Cependant, ce ne fut pas son seul choc émotionnel, lorsqu’il retrouva un rythme respiratoire convenable, qu’il put faire de l’ordre dans ses idées maintenant qu’Alexandre s’était relevé, il réalisa finalement qu’il était en vie. Son élève était en vie, et avait survécu. Ou bien ils étaient morts tous les deux.
    « Nous sommes au purgatoire ? » Demanda alors Schœneck, penaud, comme s’il n’était qu’adolescent. Son interlocuteur le surplomba de toute sa superbe, à la fois surpris par sa question et compréhensif sur ses raisons.

    « Non, vous n’êtes pas mort, et moi non plus je ne suis pas mort. » Répondit l’intéressé d’un calme olympien.
    « Mais… Je… Je t’ai vu mourir sous mes yeux. Je t’ai abandonné à ton sort alors que tu cherchais à tous nous sauver. Je l’ai senti se réveiller aussi, et c’est pour quoi je suis venu ici. Je me souviens de tout dorénavant. Je voulais te venger, Alexandre, parce que tu étais mort. Répondit-il, les yeux embués.
    — Vous comprenez maintenant. » Commenta-t-il en joignant ses mains. « Est-ce que vous réalisez ce qui est en train de se passer ? Est-ce que vous donnez du sens aux dernières années que vous venez de vivre ? » Interrogea mystérieusement le vingtenaire.

    Les questions troublèrent Hence dans un premier temps, parce qu’il avait encore du mal à gérer la masse d’informations mémorielles qu’il avait retrouvée en sortant de Thiercelieux et de sa boucle temporelle. Il finit toutefois par comprendre où son élève voulait en venir, et ce fut alors une expression d’horreur qui se dessina sur son visage. Schwartz se contenta de sourire paisiblement.
    « Je réalise maintenant tout ce dont tu me parlais. Ce que tu voulais qu’Alice et moi voyons. Mon Dieu, Alexandre… Mais qu’est-ce que ce… comment ai-je pu me faire enfermer dans un tel endroit ?!
    — Vous voulez dire, le théâtre de marionnettes sur-mesure dans lequel vous avez servi ?
    — Lorsqu’on y croit de toutes ses forces…
    — … Un mensonge peut devenir réalité. » Acheva le Gardien dans toute sa majesté. Son oracle en resta abasourdi.

    Il réalisait, à présent, que lorsqu’il avait marché parmi les foules de Termina, il n’avait jamais vu le visage de ceux qui se trouvaient à côté. Il réalisait, à présent, que hormis les personnages principaux qu’il avait été amené à côtoyer, tous ses autres rapports sociaux avaient été comme une fiction, implantée de force dans son esprit après chaque retour dans le temps. Il réalisa ainsi se faire manipuler depuis des mois et des mois, sinon des années, au cœur d’une maison de poupées où il avait servi de jouet à un être qu’il ne connaissait pas.
    « Glaçant, n’est-ce pas ? » Intervint alors l’autre protagoniste, comme s’il avait pu lire dans ses pensées. « Le monde de Thiercelieux est une illusion parfaite si on regarde aux endroits où le metteur en scène désire que l’on regarde. Cependant, il n’y a qu’une dizaine de personnes qui ont véritablement une conscience là-bas. La quasi-totalité d’entre elles se trouvaient au sommet de la tour d’astronomie, le soir de mon arrivée. Même les prophètes du savoir n’en font pas partie et n’avaient une pensée que collective à l’image d’une intelligence artificielle, ce qui les rendait indissociables les uns des autres. ».
    Maintenant que son interlocuteur appuyait dessus, le sexagénaire réalisa qu’il lui était impossible de distinguer individuellement les différents membres du conseil, calqués par ailleurs sur ceux de son monde originel.

    « Les institutions du conseil des observateurs ont été reproduites à l’identique. Le mythe du Gardien a aussi été importé à Thiercelieux ce faisant, mais pourquoi quelqu’un aurait-il fait une chose pareille ? Pourquoi a-t-il construit tout un monde avec autant de minutie sur des décennies ? Cela n’a pas de sens.
    — Ainsi dont, vous ne comprenez toujours pas en fait ?! » Tonna Alexandre d’une voix inhabituellement froide. « Pourquoi les gens ne se souviennent pas de ce qu’ils faisaient avant d’entrer la boucle temporelle ? Pourquoi est-ce que même vous, maintenant que vous avez récupéré vos souvenirs, vous êtes incapables de dire ce que vous faisiez avant les trois derniers jours de ce monde ? » Il marqua une pause. « Professeur. » Reprit-il avec fermeté. « Cet endroit n’existe que sur trois jours. Avant l’aube du premier jour, il n’y a rien. Après la nuit du dernier jour, il n’y a rien. Thiercelieux n’existe, par nature, qu’au travers cette boucle temporelle. Tout le reste constitue des souvenirs fabriqués implantés dans vos cerveaux… ».

    Cette révélation laissa le vieil homme interdit. Il en avait oublié l’endroit où ils se trouvaient. Il en avait oublié la tempête de neige. Il en avait oublié le froid. Cependant, moins que satisfaire des questions qu’il se posait depuis son éveil, cela ne lui faisait s’interroger que davantage. À quoi bon créer des rebondissements dans cet endroit si son instigateur pouvait d’ores et déjà tout maîtriser ? Quel sens fallait-il donner aux événements observés ces dernières semaines ? À dire vrai, connaître la réalité lui apparaissait plus perturbant que toutes les choses malsaines qu’il avait croisées là-bas.

    « Je comprends votre trouble mais vous ne devez pas vous laisser perturber plus longtemps. » Demanda alors son fils de cœur. « Regardez tout autour de vous ; cette neige, ces nuages, ce silence aussi. » Celui-ci se tourna vers le ciel. « Comment comprendre qu’il existe une ville imaginaire dont on serait remontés aux origines, alors qu’on se trouve vraisemblablement dans un endroit où toute forme de vie est impossible ? » Interrogea-t-il en reliant ses mains entre elles. La question était, encore une fois, d’une pertinence redoutable, et avec une météo pareil, Hence fut incapable de distinguer quoi que ce soit à l’horizon. Il lui semblait être perdu au milieu de nulle part.
    « Doux Jésus. Je te mentirais si je te disais ne pas être inquiet. Où sommes-nous ? Pourquoi y sommes-nous ? -
    — Je n’en sais pas plus que vous, Professeur. C’est ce pour quoi il fallait que l’on vienne ici. Nous devons le découvrir, parce que peu importe la raison, la créature que je pourchasse voulait que j’y vienne. » Répondit Schwartz du tac-au-tac, la moue motivée comme s’il s’agissait d’une simple randonnée.

    « Attends ! » L’oracle vint lui saisir le bras alors que le jeunot s’était remis en marche. « Dans l’hypothèse où ce que tu dis est vrai, et qu’il n’existe rien avant la boucle temporelle de Thiercelieux, tu as conscience que nous sommes ici parce que l’ennemi que tu pourchasses l’a bien voulu ? Tu es donc conscient que nous sommes probablement dans la gueule du loup ? Que c’est un piège ? » Interrogea-t-il fermement.

    À cela, le Gardien ne put s’empêcher d’esquisser un sourire, comme s’il s’était attendu à la question. Calmement, il retira son premier gant en cuir, commença à agiter le doigt au-dessus d’eux avec une dextérité des plus apaisantes.
    « Bien sûr que c’est un piège, mais Dimensio lui-même ne maîtrise pas encore la brutalité des forces qu’il a déchaînées. C’est la raison pour laquelle, dès que vous lèverez la tête, vous aurez la preuve que ce que je vous ai dit n’est pas une simple hypothèse. Mieux encore, vous comprendrez pourquoi plus que Thiercelieux, c’est tout l’univers qui est en danger critique. ».

    Plusieurs nuages s’étaient dissipés sous l’action des pouvoirs d’Alexandre. Schœneck, le cœur pulsant contre sa poitrine, eut alors l’envie de rester dans l’ignorance, mais son devoir était plus important que tout. Raison pour laquelle, allant contre son angoisse, il leva ses yeux.

    Ceux-ci se posèrent sur un vortex pantagruélique, aux contours des plus inquiétants.

    « Ce n’est pas possible. Ce n’est sérieusement pas possible. Comment ce vortex peut-il être là alors que nous sommes censés être dans le passé ?
    — À ce stade, je n’ai plus de réponses à vous apporter, Professeur. J’ai bien une théorie, mais je ne l’expliciterai pas maintenant. Ceci est peut-être, toutefois, l’intérieur originel de la prison dans laquelle les Anciens ont scellé Dimensio. Si tel est le cas, cela signifie qu’il y aura bientôt un trou béant dans les barreaux de sa cellule, et qu’il pourra s’enfuir à travers tout le cosmos.
    — Ça ne fait pas sens Alexandre, quand j’ai suivi le rituel des Anciens pour le poursuivre, je suis directement arrivé à Thiercelieux. Les étoiles s’éteignaient déjà à mon départ, quoi qu’il veuille faire, ça a déjà commencé, et il s’en est déjà enfui.
    — Pas nécessairement. » Le vingtenaire remit son gant en cuir. « Vous concevez le temps comme quelque chose de linéaire, alors qu’il s’agit plus d’un méli-mélo dans lequel tout s’enchevêtre. La relativité du temps dépendant d’où l’on se trouve, et obéissant à des règles précises, tout ceci ne peut se passer que parce que nous sommes le futur de quelqu’un d’autre, et parce que nous sommes le passé d’autres civilisations. Ce monstre ne s’est pas encore enfui, pas plus qu’il ne m’a tué. Il peut commencer à sortir, à se manifester, à agir sur le monde extérieur, certes, mais l’essentiel de son pouvoir est encore enfermé ici. J’en suis persuadé. ».

    Cette explication ne parut convaincre le prophète, mais il fallait remettre les discussions à plus tard maintenant qu’ils avaient chacun recouvré leurs esprits. La température restait basse en dépit du bouclier thermique instillé précédemment. Il lui sembla d’ailleurs sentir que les pouvoirs de son élève commençaient à s’affaiblir, au vu de son visage pâle, et d’une narine encore rosée, comme après le passage d’un épistaxis.
    « Bon, nous pourrons nous repencher là-dessus plus tard. Avec une telle tempête, je ne vois rien. Je ne sais pas par où on pourrait commencer. » Notifia Hence, observant le paysage selon toutes les orientations. Il n’y avait que des étendues blanches sur le peu que l’on voyait. Pas l’ombre d’un chemin ou d’un bâtiment ne se dessinait à l’horizon. « Si seulement nous avions ne serait-ce qu’une carte ou une boussole. Ponctua-t-il par ailleurs.
    — Il ne suffit pas d’ouvrir un tiroir pour trouver un objet de cette sorte maintenant que nous avons quitté Thiercelieux. Même ce plan que vous m’avez donné… Il n’y était pas quand je suis arrivé. » Répondit Schwartz en commençant une marche vers l’horizon. L’information avait été lâchée comme s’il s’agissait d’une banalité, mais elle démontra au contraire à quel point le mysticisme de l’endroit avait perverti la vision du germain.

    Il avait pourtant connu la propagande de la République Démocratique Allemande, il avait pourtant connu les illusions de son métier d’oracle, destiné à préparer des garçons à leur mort avant leur vingt ans, mais c’était sans commune mesure avec toute la soumission pernicieuse que constituait Termina à ses prisonniers. Le mot résonna d’ailleurs plusieurs fois en lui, tandis qu’il avançait péniblement dans les congères. La cité de Thiercelieux semblait être une prison dans la prison, attirant comme une araignée des voyageurs égarés, retenus en otage pour une raison encore inconnue. Si le comment lui devenait plus clair, le pourquoi était toujours sombre à sa pensée. Par ailleurs, le rôle de Gabriel lui apparut soudain plus mystérieux. Lui se souvenait de tout, et n’avait pas oublié qu’il était terrien. Dès le premier jour de son arrivée, au premier cycle où tout a commencé à s’accélérer, il avait toujours détenu son ipséité.

    Ainsi, alors que leur marche se trouvait maintenant bien entamée, que la faim et la soif commençaient à le tirailler, il brisa la glace du silence de son compagnon de route, dont le pas déterminé avait maintenu une cadence constante tout du long.
    « Quand tu es arrivé au sommet de la tour d’astronomie… Tu as dit à Gabriel que tout était de sa faute. C’est le seul d’entre-nous qui se souvient de qui il est, et je ne vois pas d’où peuvent venir les autres. Pourquoi as-tu dit ça ? » Cette question marqua l’arrêt d’Alexandre. Celui-ci joignit ses mains entre elle, et ne retourna pas spécialement le visage pour lui répondre.
    « J’ai des raisons de penser que Dimensio a beaucoup compté sur la stupidité de l’espèce humaine pour mettre ses plans à exécution. Je crois, en vérité, que le rôle de Gabriel Oswald est clef. Sans lui, rien n’aurait été possible. Cette histoire a commencé grâce à lui, vous comprenez ?
    — Non, pas vraiment… Son interlocuteur eut un soupir.
    — Nous sommes presque arrivés, venez. » Intima-t-il d’un geste de main pour clore le sujet sur lequel il ne désirait visiblement pas s’appesantir.

    Au loin se distinguait une crypte en pierre dont la glace recouvrait le toit et l’entrée. Cette vision fut rassurante pour Schœneck, dont les forces arrivaient à bout. Toutefois, il eut la désagréable impression de sentir comme une présence derrière lui. Une sorte de force oppressante aux contours ombrés comme il pouvait y en avoir le soir au coin d’une ruelle. Lorsqu’il pivota sur lui-même pour observer avec attention le chemin qu’ils avaient parcouru, il ne vit toutefois que les traces de leurs chaussures. Jugeant que la fatigue commençait à lui jouer des tours, il préféra revenir aux côtés de son acolyte, parce que la prudence valait mieux que n’importe quoi d’autre dans un tel endroit.

    « Nous y sommes enfin. » Lâcha le Gardien, émerveillé par la petite bâtisse en pierre qu’il venait de retrouver. Elle n’avait aucune décoration particulière, hormis sa ressemblance aux caveaux familiaux des cimetières. Il n’y avait toutefois aucune inscription dessus, et l’imposante porte métallique rouillée indiquait que personne ne l’avait visitée depuis un long moment.
    « Quel est cet endroit ? Interrogea le plus âgé des deux tandis que l’autre utilisait toutes ses forces pour pénétrer l’entrée gelée.
    — Un tombeau, je dirais. » Eut-il pour réponse, tout en parvenant à pousser la porte. Le sexagénaire ne se fit pas prier pour entrer, découvrant des escaliers menant à un plus vaste sous-sol où se trouvait un bureau boisé et moisi, ainsi qu’un sarcophage vide, cerné par deux chandeliers aux bougies éteintes. Son élève ne tarda pas à le rejoindre, prenant visiblement plus son temps, comme imprégné par la solennité des lieux
    Il y avait sur le plan de travail, un ouvrage à la couverture reliée, dont le titre portait sur le “Néant“. Tout l’ouvrage était constitué de pages blanches, ce qui les surprit particulièrement.

    « On dirait que quelqu’un a vécu ici pendant longtemps. » Observa Hence, remarquant plusieurs couvertures disposées négligemment sur le fauteuil prêt à se briser au moindre poids qui viendrait s’asseoir. Il remarqua par ailleurs une petite étagère où ne se trouvait plus le moindre livre, seulement une lampe à huile forgée en fer du mot “Gardien“.
    « Intéressant. » Se contenta de répondre Alexandre, poursuivant son analyse des lieux, et notamment du sarcophage dont l’intérieur reproduisait deux mini-cercueils dans le relief de son couvercle. En-dessous de l’un d’eux, il remarqua une lueur inhabituelle alors que l’autre s’affichait ostensiblement éteint. Cette lumière n’avait rien de naturel, et le plongea dans un certain trouble.

    « Alexandre ! » L’interpella alors son professeur. Il s’extirpa de la bière, et jeta un œil à ce qu’il voulait lui montrer. Il s’agissait d’une carte, illisible, morcelée par endroits, mais dont on pouvait distinguer deux autres emplacements formant un triangle avec cette crypte. Un cercle concentrique se trouvait au centre. Cela interrogea beaucoup le garçon à la veste de marin. Il posa son pouce et son index au-dessous de son menton et sembla se perdre dans les méandres de son esprit. Il y avait toujours quelque chose de mystique lorsqu’on l’observait ainsi, parce qu’il semblait que toutes ses cellules grises se mobilisaient en un formidable algorithme de calcul pour résoudre tous les problèmes qui lui étaient soumis, sans qu’on ne parvienne à comprendre ce à quoi ils réfléchissaient.
    « Professeur. » Intervint-il alors, un air des plus sérieux sur sa moue. « Quand la bibliothèque de Janina a brûlé, en Turquie, les ouvrages qui ont été perdus avaient rapport à la cérémonie pour sceller une créature dans un monde parallèle, mais nous avons perdu également tous les traités qui expliquaient comment ce monde fonctionnait, n’est-ce pas ? » Surpris par la question, son formateur approuva, lui faisant apparaître un air sérieux et déterminé. Il se précipita vers la bibliothèque pour récupérer la lampe à huile, et l’analyser avec plus d’intérêt.

    « Un lieu, où nous avons été envoyés sciemment par quelqu’un qui nous a fait croire que c’était le passé… » Commença à résumer l’homme aux cheveux grisonnants. « Alors que le vortex est à son apogée, bien plus que Thiercelieux ne l’est à l’aube du premier jour, dans un endroit désert où il n’y a pas le moindre être vivant…
    — Vous vous trompez Professeur, vous l’avez senti vous aussi. » Coupa Schwartz alors brutalement, en remettant l’objet qu’il tenait dans les mains sur l’étagère. « Il y a bel et bien quelqu’un qui nous observe depuis que nous sommes arrivés. Lâcha-t-il en joignant ses mains.
    — Pourquoi tu ne me l’as pas dit ?! J’aurais pu me faire tuer par inadvertance, je pensais que je devenais fou.
    — Il ne peut pas s’approcher de nous. Les… radiations que nous émettons lui sont encore trop toxiques. Se justifia-t-il.
    — Alexandre, qu’est-ce que cette chose ? Qu’est-ce que nous faisons ici ? Tu ne me dis pas tout ce que tu sais, et j’ai besoin de le savoir maintenant ! » Exigea l’oracle d’une voix ferme, comme on lui connaissait peu.

    Dans ce genre de moments, il savait que son protégé culpabilisait, et bien que ce ne soit pas l’émotion qu’il voulait lui susciter, il fallait qu’il apprenne à dialoguer, et à faire confiance, ce que le jeunot avait toujours eu du mal à faire.
    « Nous sommes dans une prison, Professeur, qu’est-ce que vous pensez qu’il se passe ici ? Qu’est-ce qu’il y a dans une prison à votre avis ?!
    — Des prisonniers !
    — Oui, et quoi d’autres ?! » Le ton de la conversation ne baissait pas, mais c’était leur manière à eux de communiquer dans les moments graves. Chacun d’eux parlait d’une voix forte, répondant à un jeu de question-réponses pour s’aider mutuellement à comprendre et à se protéger. Une osmose optimale, en somme.
    « Des gardiens… » Réalisa d’un soupir le vieil homme en jetant un regard à la lampette.
    « Précisément, des gardiens, pour garder les prisonniers, le prisonnier en l’espèce.
    — Et pour un prisonnier aussi dangereux, il y avait trois gardiens. Comprit-il dans un éclair de lucidité.
    — Et visiblement, il n’en reste plus qu’un. » Acheva le Gardien, en croisant les bras. « La question étant de savoir désormais… qui de Dimensio ou du gardien nous observait tout-à-l’heure ?
    — Je pense que tu as déjà une idée précise sur la question, n’est-ce pas ? » Son interlocuteur poursuivit le raisonnement. « Tes pouvoirs ne fonctionnent que sur ceux qui menacent l’équilibre des forces. Quoi que soit cette chose, si elle craint tes radiations, c’est qu’elle n’est pas saine.
    — Mais pouvons-nous être sûrs pour autant qu’il s’agit bien de Dimensio ? » Demanda le vingtenaire à la cantonade.

    La question proposée était intéressante. Florent lui-même avait fini par devenir une menace pour l’équilibre des forces, alors qu’il s’agissait d’un être d’une pureté incroyable lorsqu’il l’avait rencontré. L’hypothèse d’un gardien corrompu était donc tout aussi crédible.

    « En tout état de cause, nous n’aurons aucune information supplémentaire si nous restons à l’intérieur de cette crypte. » Annonça soudain le Gardien, en prenant la carte pour l’étendre sur tout le bureau boisé. Il posa le doigt ganté au centre du triangle formé par les trois postes de contrôle. « Les réponses à toutes nos questions se trouvent ici. ». Son professeur hocha la tête, mais le projet de reprendre plusieurs heures de marche l’épuisait considérablement. De plus, les gargouillements de son ventre s’intensifièrent.
    « Mais où est-ce que nous allons trouver à manger ? » Demanda-t-il soudain, tandis que son compagnon s’était déjà remis en marche vers la sortie. Celui-ci pivota instantanément.
    « Mais oui, bien sûr, pourquoi n’y ai-je pas pensé plus tôt ? » S’exclama-t-il à lui-même. « Vous devez tenir bon, Professeur.
    — Alexandre, je ne peux pas. Je suis épuisé et affamé. C’est comme si je n’avais pas mangé depuis… » Il s’interrompit. Soupirant, par ce qu’il comprenait lui-même. « Depuis que je suis rentré à Thiercelieux. ». Une main en cuir se posa sur sa joue.

    « Les besoins naturels étaient factices à Thiercelieux. Vous n’aviez pas besoin de manger, pas plus que vous n’aviez besoin de dormir. Vous le faisiez par automatisme, mais quand vous ne pouviez pas le faire, vous arriviez très bien à tenir trois jours sans dormir.
    — Ce que tu dis est vrai, je m’en rends compte. Cependant, cela ne fait que renforcer le problème. Je crois que je suis au bout de mes forces. » Commenta Hence, tentant de garder un maximum de contrôle sur ses limites humaines. Il n’avait pas remarqué, sur le coup, que la main de son apprenti s’était retrouvée sur son estomac, et le soulageait lentement d’une sensation de faim qui lui tiraillait les entrailles depuis plusieurs heures déjà.
    « Tu… Tu fais…
    — Ce que j’ai à faire pour que vous restiez alerte. Je masque votre sensation de faim, en espérant que cela suffise. » Le coupa-t-il avant qu’il ne puisse achever sa question.
    Intérieurement, il se demandait pourtant comment son garçon, qui n’était qu’un protecteur de l’équilibre des forces parmi d’autres, avait pu maîtriser aussi vite des pouvoirs aussi différents les uns des autres eut égard à la dernière fois où ils s’étaient vus. En effet, Alexandre Schwartz lui apparaissait maintenant comme plus mature, plus puissant aussi, mais en même temps plus fragile, parce que la pâleur de son visage commençait à l’inquiéter quant au surmenage qu’il s’infligeait. Cette inquiétude dépassait le cadre de sa fonction, parce qu’il la ressentit comme plus paternelle. Il se souciait vraiment de lui comme un fils.

    Peu de temps après, les deux hommes remontèrent finalement jusqu’au plateau enneigé. La marche s’annonçait tout aussi longue que la première, et pour économiser les forces du plus âgé d’entre eux, elle était également plus lente. Le froid anesthésiait cependant les douleurs et les fatigues. Par ailleurs, le bouclier thermique par lequel chacun se maintenait à une température stationnaire agissait avec beaucoup d’efficacité, leur permettant de rester alerte à la moindre silhouette étrangère.
    « Je vois une sorte de maison là-bas, je crois que nous y sommes presque. » Affirma soudain le Gardien, les yeux plissés. Une trainée noire passa au loin, près de la bâtisse pour se faire remarquer. Schœneck la remarqua à son tour, et afficha une mine inquiète. Tout ceci ressemblait fortement à un piège dans lequel tous deux sautaient pieds joints.
    « Cela me rappelle le jour où on a perdu Edern…
    — Ne parlez pas d’Edern. Ce sont des histoires qui pourront être racontées plus tard. » Interrompit sèchement le jeune à la veste de marin. Cette remarque acheva de faire monter une colère qui germait au plus profond du sexagénaire.

    « C’est assez, Alexandre. » Annonça-t-il froidement. Celui-ci se retourna, penaud. « Je ne vais pas me taire pour te donner bonne conscience cette fois. Edern Ballester, ton meilleur ami, est mort en se jetant dans un piège aussi grossier que celui-ci, dans lequel tu veux nous emmener à ton tour ! » Déclama-t-il avec ferveur. Son interlocuteur se retourna, et tenta de l’ignorer. Il commença à marcher vers la vieille demeure abandonnée. Cependant, c’était mal connaître l’abnégation de son professeur. Celui-ci empoigna fermement sa main autour de son bras, l’obligeant à détourner un regard embué vers ses yeux. « Tu ne me dis pas tout ce que tu sais. Tu me mens, Alexandre. Tu ne m’as jamais menti avant.
    — C’est différent cette fois ! Cria-t-il alors pour répondre, la voix cassée. « Et puis Edern n’avait pas de pouvoirs. Edern n’était pas un Gardien. Il est mort stupidement, parce qu’il a pris des risques inconsidérés. Ce n’est pas comparable. » Acheva-t-il, une perle de larmes à a commissure de son œil. Le vieil homme avait conscience de la cicatrice qu’il avait rouverte en évoquant son meilleur ami. Pour autant, il ne le regrettait pas, parce qu’un élu de la prophétie ne devait jamais, sous aucun prétexte, se renfermer sur lui-même et exclure tous ses proches des missions qu’il réalisait. C’était le meilleur moyen de tout perdre, alors que ce garçon était lui-même une chose précieuse que le sage avait pour devoir de protéger.

    « Tu pourras toujours me faire confiance, Alexandre. Aide-moi à t’aider. » Lui dit-il la voix plus calme, reprenant une formule qu’il avait déjà entendue quelques jours avant de la bouche de Francis Underwood. Cela ne sembla pourtant pas faire bisquer le protagoniste, lequel dégagea le bras de son emprise.
    « Je comprends pourquoi vous réagissez comme cela, mais je vais devoir vous demander une confiance aveugle. Sinon, vous pouvez rester ici aussi. Je ne vous oblige pas à venir. » Déclara-t-il la voix un peu rauque. Il tentait de conserver un maximum de dignité malgré une faiblesse apparente, tant dans la démarche que dans la voix.
    « Alexandre. Je te confierais ma vie s’il le fallait, mais pas si tu essaies de me protéger. – L’intéressé serra les poings.
    — Je ne cherche pas à vous protéger. J’ai besoin de vous. Venez. » Avait-il dit très rapidement, comme s’il ne voulait pas s’appesantir sur la dépendance qu’il ressentait en cet instant.

    Hence n’était qu’à moitié convaincu. Il lui semblait clair que son élève lui cachait toujours des choses, bien que lui en savait plus que n’importe qui. Pour autant, s’il était sûr de ce qu’il faisait, pourquoi ne pas lui faire confiance ? Leur relation dépassait tout ce qu’il y avait d’imaginable. Mutuellement, ils étaient comme les deux faces d’une même personne. Ils n’avaient aucune raison de se méfier l’un de l’autre. Cependant, cela ne pouvait pas non plus aller que dans un sens.

    Sur cette pensée, l’oracle décida tout de même de le rejoindre, lui accordant un sursis qu’il avait bien mérité pour l’avoir à nouveau sauvé d’une mort certaine. Schwartz ne devait toutefois pas le prendre comme un blanc seing.

    Lorsqu’ils arrivèrent au niveau de la maison abandonnée, l’endroit leur sembla beaucoup plus petit que ça n’avait l’air de loin. Sans étages, la porte centrale se trouvait encadrée par deux fenêtres gelées. L’estrade en bois par laquelle on pouvait rentrer grinçait en outre avec vigueur.
    « Je m’attendais à quelque chose de plus impressionnant. » Fit remarquer Schœneck, au moment où ils durent ouvrir la porte d’entrée. L’ombre aperçue quelques minutes auparavant ne s’était pas manifestée. Malgré des regards panoramiques, il n’y avait que le souffle du blizzard dans ce silence de mort. Preuve qu’un décor n’a pas besoin d’être opulent pour être glauque et oppressant. Alexandre finit par tirer la poignée pour pouvoir rentrer à l’intérieur. Plus pâle que jamais, il n’y avait plus aucune expression souriante sur son visage, seulement une gravité solennelle quant à ce qu’ils allaient découvrir.

    « Doux Jésus… » S’exclama le sexagénaire, portant la main à sa bouche, lorsqu’il pénétra à son tour à l’intérieur du hall d’entrée.
    Le visage du Gardien exprima alors une tristesse indicible, comme si ce qu’il voyait consacrait l’échec de toute une vie.

    Au centre de la pièce se trouvait une femme nue, mutilée, attachée par des liens fluorescents. Les cheveux rosés, elle semblait n’être qu’une adolescente de treize ans. Lorsqu’elle prit conscience de leur arrivée, ses membres se mirent à trembler. Des hurlements indicibles, mêlés à des supplications de secours firent vaciller les vitres de la cellule. Un torrent de larmes jaillit de ses yeux. Interdit face à cette réaction, le professeur d’allemand ressentit sa souffrance jusqu’au plus profond de son être, tandis que le garçon à la veste de marin remonta son gant en cuir sur sa poitrine. Il se rapprocha d’elle le plus doucement possible, pour ne pas l’effrayer plus qu’elle ne l’était déjà, et finit par s’accroupir auprès d’elle.
    Interpellé par une ombre projetée par la fenêtre, le vieil homme s’approcha de celle-ci pour vérifier ce qui se trouvait dehors.

    « Tout va bien. Tu ne crains rien avec moi. Comment t’appelles-tu ? » Demanda le frère de Camille avec beaucoup de calme et de sérénité dans son intonation. Cela parut calmer la captive, dont la crasse se mêlait aux blessures non cicatrisées, dont certaines avaient été visiblement provoquées par des gelures. Ses yeux noirs se fixèrent dans ceux de son interlocuteur. Sa mâchoire s’arrêta de trembler, comme apaisée par la bienveillance qu’il dégageait. Toute penaude, elle bégaya difficilement :

    « Talia… Je… Je m’appelle Talia Rose… ». Le vingtenaire hocha la tête.

    La forte voix de Hence interrompit toutefois leur échange.

    « Alexandre, il est là. » Jetant un regard vers la fenêtre, l’intéressé se releva. Sa mine n’exprimait plus aucune émotion, sauf peut-être une certaine fatalité. Comment savoir ? Il était tellement mystérieux. Il s’avança jusqu’en sa direction, sous les nouveaux cris d’Orfraie de ladite Talia, apeurée par l’idée d’être abandonnée.

    Au devant de l’entrée se trouvait une masse spectrale noire, immobile, horrifique, tranchant avec la blancheur de la neige. Elle ne bougeait pas. Elle ne clignait pas des yeux. Mais elle observait, un sourire carnassier esquissé sur sa moue. Elle attendait quelque chose.

    https://img15.hostingpics.net/pics/750922160e684b8855979fdefe845376a4c79d.jpg


    « Ceci est une des formes les moins humanoïdes de Dimensio. » Expliqua simplement Schwartz, l’observant à travers la vitre, les bras croisés.

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MessageForum: Fanfictions Code Lyoko   Posté le: Mar 18 Juil 2017 20:32   Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance
Liste des personnages


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Avant-propos : Cette liste contient potentiellement des éléments de spoils des factions, et des personnages en présence du Projet Renaissance. Elle est tenue actualisée au début de chaque chapitre.

    I. Team Desmose.


  • Anselm Dubois [CHEF DE FACTION] : Adolescente & major de promotion du prestigieux lycée de Hardewick, Anselm Dubois coordonne les actions de la Desmose, et a fait rentrer aux côtés de ses amis, le monde de Termina dans une boucle de trois jours en vue d’arrêter la fin du monde. Proche de Gabriel, ses liens avec le reste de son groupe se délitent à mesure que la Mairie et les actions du Gardien scindent et clivent certains de ses amis qui ne veulent plus être sous le joug de ses comportements dictatoriaux.
    Elle est à présent la dernière membre active du groupe après la mort de Flora Parsons.
    Anselm Dubois ne déviera pas. — 2 à 4, 6 à 9, 11 à 16.

  • Samuel Parsons : Adolescent & diplômé du prestigieux lycée de Hardewick, Samuel Parsons est le meilleur guerrier de la Desmose. Il entretenait auparavant une relation amoureuse avec sa sœur, Flora Parsons, et considérait Florent comme son meilleur ami. Auparavant très loyal à son groupe, il commence à se mettre en retrait depuis sa rencontre avec Alexandre et ne supporte toujours pas la mort de Flora dont il impute directement la responsabilité à Anselm. — 2 à 4, 6 à 9, 11 à 16.

  • Flora Parsons † : Adolescente & diplômée du prestigieux lycée de Hardewick, Flora Parsons était la meilleure alliée des Desmose-guerriers. Auparavant petite-amie de Samuel Parsons, elle décède, assassinée par Gabriel Oswald et effacée de la mémoire du Calculateur. Toutefois, son corps est récupéré par le Cavalier de l’Apocalypse de la Mort, en vue de sacrifier Gabriel sur l’autel du vortex du temps. Arrêtée par Alexandre Schwartz, elle disparaît définitivement du monde de Termina. — 2 à 4, 6 à 9, 11 à 13.

  • Daniel Leroy † : Adolescent & diplômé du prestigieux lycée de Hardewick, Daniel Leroy est retrouvé mort par Florent dans l’asile de Holbein, la tanière des Enfants Perdus. — 5.


    II. Team Mairie.


  • Francis Underwood [CHEF DE FACTION] : Maire historique de Thiercelieux, le bourgmestre contrôle les actions de la Desmose depuis la mise en place du cycle infini par le groupe d’Anselm. Il recrute Gabriel Oswald à des fins d’espionnage en vue de retrouver à son tour le Gardien, et pouvoir s’enfuir du monde de Termina.
    Underwood, après avoir soutenu l’Ascension d’un nouveau Gardien, se fait pourtant assassiner dans la salle de l’hypercalculateur, après avoir perdu définitivement l’usage de ses yeux. Considérablement diminué, sa main de fer était de toute manière de plus en plus contestée. Il se fait remplacer par le conciliabule des prophètes du savoir après un coup d'état mené en vue de le remplacer.
    Francis Underwood ne déviera pas. — 1, 7 à 16.

  • Gabriel Oswald-Grayson : Variable d’ajustement. Gabriel Grayson a été désigné Dernier Espoir de l’Humanité dans le cadre du Projet Renaissance, mis en œuvre en 2076, 70 ans après la chute de Carthage et le début d’un hiver nucléaire sur la Terre (Bataille pour l’Espoir). Avec pour dessein de faire en sorte que Carthage ne voit jamais le jour, le voyage temporel mobilisé par la communauté humaine se passe mal, et le fait se réveiller à Thiercelieux. Proche de la Desmose dans un premier temps, il finit par prêter allégeance au Maire Underwood. Une force inconnue semble le persécuter et lui répéter en permanence qu’il fait face à une terrible destinée.
    Gabriel Oswald-Grayson ne déviera pas. — 1 à 3, 6 à 16.

  • Général Kalinda : Chef de l’État-Major des armées de Thiercelieux, Kalinda dispose de toute la confiance du Maire. Subordonnée à son autorité, elle n’est pas matrice en matière de prise de décisions, mais fait preuve d’une loyauté hors normes et semble disposer d’une certaine sensibilité depuis le dernier cycle.
    Général Kalinda dévie de plus en plus vers Team Gardien. — 7, 9, 12, 13, 16.

  • Antonin Peus : Valet du Maire Underwood, ces deux personnages semblent entretenir une grande complicité, et s’appellent par leur prénom. Attaché sentimentalement et professionnellement au bourgmestre, il n’a jamais été question pour Antonin de dévier et il ne déviera pas.
    Antonin Peus ne déviera pas. — 7 à 9, 11 à 16.


    III. Team Gardien.


  • Hence Schœneck [CHEF DE FACTION] : Oracle de formation, ancien membre des Prophètes du Savoir, Hence a remplacé Gerald Weygand-Sarrabuckeer en tant que professeur des nouveaux Gardiens de l’Équilibre. Très attaché à son ancien élève, Alexandre Schwartz, il essaie de prendre les décisions les plus matures en fonction des intérêts spirituels qui se présentent. Accompagné par Camille, il décide de former Florent Hämälaïnen après que celui-ci ait été visiblement activé, mais remet sa confiance à son élève originel lorsqu'il revient à Thiercelieux. Depuis, il s'est juré de le protéger quoi qu'il advienne.
    Hence Schœneck ne déviera pas. — 3, 6 à 9, 11 à 16.

  • Alice C. Schwartz † : Fille aux cheveux blancs, le cœur sur la main et la bonté d’âme par-dessus tout, elle était muette depuis un certain temps déjà. Sœur d’Alexandre, elle se rapprochait aussi de Florent pour qui elle disposait d’une sincère empathie. Elle était la dernière à encore croire en lui. Sa foi en cet homme provoquera sa mort, que Florent chercha par tous les moyens à annuler. — 7 à 9, 11 à 16.

  • Alexandre Schwartz : Gardien de l’Équilibre des Forces.


    IV. Non-alignés


  • Florent Hämälaïnen : Ancien Desmose-Guerrier et membre des Gardiens, la vie de Florent bascule lorsqu’il est déclaré être le nouveau Gardien. Investi de la puissance des anciens, il essaie de mener une cérémonie pour rendre la mémoire à ses concitoyens, mais celle-ci échoue. Affaibli par cette défaite, l’adolescent est un temps perdu, et finit par succomber à l'appel du pouvoir en devenant le Prince de Termina, laissé vacant par le coup d'état mené contre Underwood. Très intelligent, il est passionné d’Histoire et d’économie, cependant il ne faisait pas preuve d’un grand courage jusqu’à devenir un Roi-Soleil.
    Florent Hämälaïnen ne déviera plus. — 2 à 9, 11 à 16.

  • Les Prophètes du Savoir / Le Conseil des Oracles † : Abraham, Ishtar, Aziraphale, Michel, Léïa, Agnès, Maximilien, Donovan. Florent Hämälaïnen les massacre après la fuite du Gardien de la Tour Tykogi. — 12 à 15.
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MessageForum: Fanfictions Code Lyoko   Posté le: Lun 10 Juil 2017 18:37   Sujet: [Fanfic] Projet Renaissance
DIMENSIO LE CHARMANT MAGICIEN DIMENSIO LE CHARMANT MAGICIEN DIMENSIO LE CHARMANT MAGICIEN

Chapitre 16 : Nocturne de l'Ombre



    Thiercelieux. Aube du dernier jour.

    Au creux d’un lit moelleux, un petit garçon au pyjama rayé ouvrit paisiblement les yeux, aux premières lueurs du jour. Il se trouvait dans une belle chambre traditionnelle, faite de poutres, d’une petite table de nuit boisée, de plein de cadres photographiques représentant les souvenirs de toute une vie. Sur une chaise contiguë au baldaquin, il repéra une pile de vêtements propres, ainsi qu’un petit mot signé sur un post-it doré, dont il reconnut l’écriture. Elle l’invitait à descendre dans la salle à manger dès qu’il serait prêt, paraphé des lettres H. et S. qu’il ne connaissait que trop bien.
    Alexandre Schwartz s’extirpa alors de la couverture duveteuse au sein de laquelle il avait été bordé. Il remarqua le verre d’eau à côté de lui, ainsi que le chiffon sur lequel du sang avait été épongé, puis se saisit de la tenue que son oracle lui avait préparée. Elle se composait d’une chemise azur et d’un pantalon blanc, ainsi que de chaussettes grises, pour aller avec les chaussures bleues foncées. Sur un cintre accroché à la porte demeurait toutefois la pièce-maîtresse de cet ensemble qu’il trouvait particulièrement de son goût : une longue veste de marin bleu foncée aux deux rangées de boutons noirs, au motif d’ancres de bateaux, ainsi qu’une écharpe de laine noire aux extrémités grises dédiées pour accompagner le tout. Il enfila la tenue sans attendre, bien plus à l’aise que dans les haillons tissus d’air et d’eau qu’il portait jusque-lors.

    Fin prêt, il prit le temps de refaire le lit, quand bien même il ne servirait plus puisque nous venions d’arriver aux dernières vingt-quatre heures de Thiercelieux. Il récupéra le petit message laissé par son professeur, et le mit dans sa poche, après que ses mains carbonisées récupérèrent les gants en cuir marron sur la commode. Un dernier regard jeté à cette coquette chambre sembla l’émouvoir de quelque chose, que le mystère de ses pensées ne permit pas de comprendre, puis il sortit de la pièce, descendant les escaliers grinçants jusqu’à la salle à manger.
    Hence Schœneck s’y trouvait, attablé avec un petit-déjeuner, séparé dans deux assiettes. Il lisait un journal dans le même temps, la petite chronique quotidienne de Termina, dont il reposa les feuilles lorsque son hôte se présenta à lui.
    « Tu portes cette tenue vraiment bien. Commenta son mentor comme premier bonjour.
    — Je ne l’avais jamais vue… Elle appartenait à qui ? Répondit l’intéressé.
    — À moi, il me semble. Je l’ai trouvée dans mes placards. Je ne me souvenais pas l’avoir achetée. » À cette réponse, Schwartz fit un tour panoramique du paysage. Il sembla étonné que cet endroit soit sa demeure. Il ne manqua pas d’en faire part au sexagénaire.
    « Non, ce n’est pas vraiment ma maison… L’autre est trop surveillée pour être sûre. Mais elle est belle, tu ne trouves pas ? Je l’ai trouvée un jour, en vadrouillant avec Camille. » Le visage de son interlocuteur resta stoïque. Une troisième assiette se trouvait sur la table, mais elle avait déjà été vidée de son contenu. Il en déduisit qu’elle se trouvait ici elle aussi.

    « Vous aviez dit que vous commenciez à vous souvenir. Est-ce que vous vous souvenez effectivement à présent ? » Interrogea le Gardien, la voix soudain plein d’espoirs. Malheureusement, Hence ne put le confirmer.
    « J’ai eu plein d’images en tête, mais aucune n’a eu du sens pour moi. Cependant, j’ai tout compris lorsque je t’ai tenu dans mes bras. J’ai compris que tu étais vraiment toi, pas une créature polymorphe ou n’importe quel monstre issu de l’imagination tordue de Florent Hämälaïnen. Tu étais mon garçon, mon élève que j’ai formé pendant plusieurs années durant… Et j’ai ressenti, ce lien très fort que nous avons. » Celui-ci n’exprima pas la moindre émotion, parce qu’il était de nature inhibée déjà, mais parce que la gêne s’exprimait souvent chez lui par le silence, un fait dont avait parfaitement conscience son précepteur. « Cependant… » Nuança-t-il. « Tu ne viens pas de ce monde aussi, j’en ai acquis la conviction en te regardant à ce procès hier. Tu es un garçon très talentueux, je ne vois pas pourquoi tu aurais oublié tout ce qu’on a passé tant de temps à apprendre tous les deux. C’est ça, je pense, qui a provoqué la fureur de Florent. Je me trompe, Alexandre ? ».

    Un silence accompagna cette question, à laquelle Alexandre préféra répondre par un simple sourire. Un sourire apaisé, comme s’il était soulagé du poids d’un secret, quand bien même il n’en avait rien confirmé pour le moment.
    « Je vous promets que vous comprendrez tout, très bientôt. Mais pour le moment, je ne dois pas perdre de vue mes objectifs.
    — Arrêter Florent Hämälaïnen ? » Répondit Schœneck en portant sa tasse de jus d’orange à sa bouche.
    « Entre autres. Cependant, ne vous laissez pas abuser, Professeur. Florent n’est qu’un leurre, une marionnette destinée à me faire perdre du temps. Cette créature que je pourchasse… Elle ne fait que gagner du temps, parce que pour une fois, je suis arrivé plus tôt qu’elle ne l’espérait. » Déclara-t-il en se tournant vers la fenêtre. « Malheureusement, je dispose de bien moins d’informations que je ne voudrais, et j’ai l’impression qu’il me reste encore beaucoup à trouver avant d’arriver au bout du chemin… ».
    Il laissa pendre sa remarque dans le vide, comme si elle n’attendait de toute manière aucune réponse.

    « Alors, quelle est ta prochaine cible dans ce cas ? » Interrogea le sexagénaire, tandis que la porte d’entrée s’ouvrit. Il s’agissait du corps filiforme de la petite Camille aux cheveux blancs, laquelle ramenait avec elle plusieurs sacs de victuailles. Alexandre ne lui jeta un regard que très bref, parce que concentré sur la question posée.
    « Nous sommes dans un monde où tout le monde porte des masques. » Commença-t-il par répondre. « Derrière l’un de ces masques se trouve l’être le plus abominable de tout l’univers. C’est lui, ma cible.
    — Cela me fait penser que le Maire Underwood a probablement rencontré Dimensio. » Commenta Hence, suscitant visiblement un grand intérêt de la part de son élève.
    « Quand ? Demanda-t-il brièvement.
    — Juste avant que tu apparaisses au sommet de la tour d’astronomie, lors du cycle précédent. » Son interlocuteur haussa un sourcil, comme décontenancé par l’information.
    « Pourquoi ne me l’avez-vous pas dit dès hier ? Fit-il la voix un peu dure.
    — Alexandre… » Soupira l’oracle, en se levant de sa chaise. La nouvelle venue les rejoignit dans la salle à manger.
    « Tu ne te rends pas compte depuis combien de temps tu es parti. » Exprima-t-elle avec ses mains, volant la réponse que le vieil homme allait formuler. Le visage de Schwartz resta indifférent.

    « Où se trouve Underwood actuellement ? Demanda-t-il le plus simplement du monde.
    — Au Hall de Sécurité, j’imagine. » À en juger par la moue qu’il tirait, le Gardien ne savait pas ce qu’était le hall de sécurité. « Le repère de la Desmose. » Renchérit l’enseignant. Face au manque de réaction, il ne put s’empêcher de traduire cela par un soupir. « Je voudrais t’aider, Alexandre, mais je ne sais pas comment le faire si tu ne me dis pas déjà ce que tu sais de Thiercelieux. Si tu ne me dis pas si c’est la première fois que tu y viens, comment pourras-tu comprendre les codes simples que tout un chacun maîtrisent ici ? ».
    Hence posait les bonnes questions, il en était convaincu. Il savait d’ailleurs au fond de lui que sa personnalité n’avait rien de facile, qu’à bien des égards, ce garçon pouvait paraître sauvage, asocial, beaucoup trop zélé pour décharger son sac. Il voyait ses limites humaines qui avec le temps, s’étaient effacées ou maquillées par la distance, par le contexte de cet endroit.

    « Vous ne voyez pas encore… Je ne peux pas vous faire voir. Vous êtes aveugles. Quand vous verrez, je vous dirai tout. Pour le moment, j’ai simplement besoin de savoir où se trouve ce Hall de Sécurité. » Cette réponse énigmatique rappela à Camille quelle étrange dialogue elle avait pu avoir avec lui sur la terrasse de la Place Centrale de la ville. Son ami avait beaucoup insisté pour qu’elle regarde autour d’elle, pour qu’elle réalise quelque chose, mais cela n’était jamais arrivé.
    « Le Hall de Sécurité est un complexe militaire désaffecté au sein duquel un groupe appelé La Desmose opère. Ce groupe est composé de plusieurs membres adolescents d’un lycée prestigieux de Thiercelieux, le Lycée de Hardewick. Florent en était membre, puis maintenant… Il est avec les Prophètes. Ne reste finalement qu’Anselm Dubois, leur leader, ainsi que Samuel Parsons, un gamin blond un brin étrange, mais pas méchant pour un sou. Ils protègent actuellement l’ancien Maire Underwood, chassé du pouvoir par le coup d’État que tu as vu. C’est un endroit assez fortifié, et je suis étonné que les Gardes Municipaux ne s’en soient pas encore pris à eux. C’est au sud de la ville. » Indiqua Schœneck, en trouvant une carte dans ses tiroirs. « Tu peux regarder sur ce plan. » Alexandre eut un mouvement de recul.
    « Je vous remercie, Professeur. J’ai ce qu’il me faut maintenant. » Déclara-t-il en se retournant. Il tomba nez-à-nez avec la petite femme aux yeux rouges, laquelle le dévisagea un instant à cause de son attitude.
    « Tu agis très bizarrement, Alexandre. ».

    Celui-ci prit alors un sourire assuré comme il en a le secret. Ce sourire capable d’apaiser les colères, les inquiétudes, et les passions tristes.
    « Je suis content de te revoir, Camille. » Eut-il pour seule réponse. « Je vais partir maintenant. Je vous remercie pour votre aide.
    — Attends. » Interpella alors le sexagénaire. « Tout de même, à propos de Florent. Tu es au courant, au moins ? » Le Gardien sembla étonné par ce propos, et à en juger par les traits de son visage, il demandait quelques éclaircissements. L’adolescente ne semblait pas savoir non plus, ce à quoi le vieil homme faisait référence.
    L’intéressé s’approcha alors du plan de travail sur lequel se trouvait une radio. Il tourna le bouton de celle-ci pour allumer.

    « … Le gardien de l’équilibre des forces et Procureur Spécial de la République, Florent Hämälaïnen, a mis fin cette nuit aux fonctions du Conseil des Oracles, et a pris la tête du pouvoir exécutif au cours d’une prestation de serment assurée par le Général Kori. Dans les conditions de troubles extrêmes de notre cité, la proclamation d’un état de siège a été immédiatement signée par le nouveau Maire de la Cité. Le Conseil Municipal a été dissous. Les formations politiques de toutes natures ont été interdites. Les manifestations sont dorénavant prohibées. Les procédures spéciales en matière de justice ont été rétablies, incluant la légalisation des interrogatoires poussés pour toute entrave au nouveau pouvoir impérial. Son Excellence Hämälaïnen tiendra un discours cathodique dans les plus brefs délais, pour annoncer la mise en place d’une Cérémonie d’Inauguration. … Le gardien de l’équilibre des forces et Procureur spécial de la République, Florent Hämälaïnen, a mis cette nuit aux fonctions du Conseil des Oracles, et a pris la tête … » Camille avait porté les mains à sa bouche, alors même qu’elle ne parlait jamais.

    « Je vois mal en quoi c’est mon problème. » Déclara le garçon à la veste de marin. « Je vous ai déjà dit que ce garçon était un leurre destiné à me faire perdre du temps.
    — Il a massacré le Conseil des Oracles. » Interrompit alors Schœneck. « Il ne les a pas juste exécutés, il les a éviscérés, il les a totalement broyés. C’était une boucherie. » Continua-t-il fermement. « Je connais Florent Hämälaïnen depuis bien plus longtemps que toi, alors que tu es censé l’avoir déjà rencontré comme il se plaisait à nous le raconter chaque fois qu’il nous parlait de toi. Il y avait quelque chose de sain en lui, le garçon que j’ai connu et dont tu as demandé, à moi, de prendre soin par son intermédiaire, est devenu un monstre en seulement une semaine. » Son interlocuteur resta de marbre. Toutefois, son sourire avait laissé place à un visage tout-à-fait sérieux et déterminé. « Florent n’est visiblement pas le Gardien, mais il n’est pas non plus un vulgaire adolescent mégalomane. Son pouvoir croît inexorablement, et qui sait quelles en sont les limites, et surtout la chose qui l’influence. Si tu cherches véritablement le monstre dont tu nous parles, c’est d’abord là qu’il faudrait chercher, selon l’humble avis de ton vieux professeur. ».

    Le Gardien joignit ses mains, comme plongé dans une réflexion léthargique. Il ne s’intéressait plus trop à ce qui se passait autour de lui, alors que la fille aux cheveux blancs venait de s’approcher de la table à manger.
    « C’est horrible… Comment Florent a-t-il pu faire ça ? Je ne veux pas y croire… Rajouta-t-elle, en mimant de ses doigts ce que ses propos signifiaient.
    — Je l’ai vu de mes yeux. » Répondit-il de manière énigmatique. Cette nouvelle parut profondément émouvoir la muette, laquelle prit une expression d’horreur sur sa moue. Son affection pour Florent était réelle. Le temps passé ensemble, au moment où elle l’avait contactée pour la première fois par le biais du Calculateur, paraissait déjà loin alors que cela faisait moins d’une dizaine de jours s’il fallait raisonner par-delà les cycles. Comment un individu pouvait-il changer aussi vite ?

    « Alexandre ! » Beugla soudain le sexagénaire, ce qui la fit sortir immédiatement de sa léthargie. Elle tourna les yeux à droite et à gauche, sans l’apercevoir. Elle se demanda alors pourquoi l’autre adulte s’égosillait comme cela, puis elle comprit que visiblement, son ami n’avait pas pris la peine de prévenir de son départ. Cette manie qu’il pouvait avoir de disparaître comme ça était sensiblement agaçante pour elle aussi.

    Elle savait ce qui lui restait à faire.

    ***


    Entrée du Palamède, Thiercelieux. Après-midi du dernier jour.

    Des fourgons blindés de la Garde Municipale patrouillaient chaque coin de la ville sans relâches, et menaient des rondes terrestres dans la plupart des quartiers de Thiercelieux. Ils ne se préparaient pas à se défendre de l’assaut des monstres, particulièrement inoffensifs depuis l’avènement de Florent, mais cherchaient, au contraire, un groupe de terroristes semant la panique au sein de la cité. Composé de l’ancien maire Underwood, et de son adjoint Antonin Peus, il avait mené la libération surprise, au matin, de Kalinda Sharma, détenue dans les cachots du palais. Cette évasion grandeur nature avait provoqué la fureur de la nouvelle administration, laquelle avait fixé comme principale priorité l’arrestation, mort ou vifs, d’Anselm Dubois, Samuel Parsons, Francis Underwood, Gabriel Oswald, Antonin Peus, Hence Schœneck, Alexandre Schwartz et Kalinda Sharma. En outre, quelques soldats avaient déserté leur fonction par allégeance à l’homme de fer, constituant ce faisant un groupe de rebelles particulièrement nuisible pour la mise en place de la principauté.

    Dans une petite ruelle contiguë à l’entrée du Palamède, une des quatre portes de la ville menant à la plaine de Termina, les fugitifs avaient réussi leur progression jusqu’ici, et faisaient face maintenant à un important barrage constitué de plusieurs miliciens surentraînés et particulièrement dangereux. Le terrien lui-même ne se sentait pas de poids face à eux, de par leur nombre plus que de par leur force.
    « Underwood, asseyez-vous là. » Chuchota son valet sur une caisse disposée dans la ruelle. Le frère Parsons fermait la marche, et venait de revenir de sa reconnaissance.
    « Nous y sommes presque. » Grogna Grayson, un fusil mitrailleur dans les mains. En tenue de translation, Dubois s’avança vers eux.

    « Sortir de la ville est la meilleure idée que nous avons jamais eue, mais on ne s’en sortira pas tous. Que ce soit les soldats qui nous accompagnent, ou même nous, sous translations, Florent finira par comprendre les codes que j’ai installés et même si le scanneur est totalement saboté, il est difficile de dire si nous survivrons à la destruction du calculateur. On devrait peut-être renoncer tant qu’il en est encore temps. De toute manière, le retour vers le passé va nous ramener à la case départ. » Plaida la rousse, s’adressant à Gabriel comme s’il était le commandant de cette opération, alors qu’il n’était qu’un simple exécutant.
    « Vous comprenez difficilement les rouages de votre propre pouvoir, mademoiselle. » Lâcha alors l’ancien chef de l’exécutif, d’un râle difficile. Kalinda croisa pourtant les bras, et abonda dans le sens de l’adolescente.
    « Pas ‘vraiment. » Répondit alors Samuel. « Dehors, on est hors d’portée du calculateur, comme Flo l’a été à Holbein. C’est Alexandre qui l’a fait revenir. Et t’souviens qu’on a perdu l’trace d’Daniel d’la même façon... Quand on sort de cette ville, y’a un truc qui change. Et vu qu’on est tous sur le cahier d’la mort de Florent, on perd quoi à essayer ?
    — Voilà pourquoi les femmes ne gouvernent jamais. » Se gaussa le bourgmestre, sans que cela ne fasse rire personne d’autre que lui-même.
    « Foutez-vous de moi si ça vous chante, mais je ne fais qu’exprimer les limites théoriques de notre plan, et nous n’avons même pas encore passé le mur de soldats qui se dresse devant nous. » Aboya-t-elle en guise de réponse.

    « Ainsi dont, c’est cela votre plan. » Intervint une voix qu’ils finissaient par ne connaître que trop bien. Un garçon à la veste de marin venait d’apparaître derrière eux, les mains gantées, et le visage paisible. Cela avait tellement surpris Antonin, qu’il s’était jeté sur son patron. Ce dernier le repoussa sans ménagements.
    « Tiens, monsieur Schwartz. Que nous vaut cet honneur ? Enchanté de vous rencontrer.
    — Des remerciements, d’une part. Parce que j’ai appris que vous m’aviez sauvé. D’autre part, je cherchais à te rencontrer Francis Underwood. Il y a des choses dont on doit discuter toi et moi. » Son exécuteur de basses œuvres croisa les bras, dubitatif, tandis que le chef de la Desmose restait en retrait, priant pour qu’il ne se souvienne pas des pièges nombreux qu’elle avait tentés de lui poser.
    « Ce n’est pas exactement le bon moment pour cela, Gardien de l’Équilibre. » Refusa l’intéressé. « D’autant que comme vous le savez, je ne suis pas au meilleur de ma forme et ma tête est autant mise à prix que la vôtre sans les pouvoirs qui vont avec..
    — C’est assez. » Le coupa Alexandre. « Tu as rencontré une créature d’une malveillance hors normes, et elle t’a tuée. Je veux savoir exactement ce que tu as vu. » Il retira ses gants en cuir, et commença à s’approcher. Une balle fut tirée à son encontre, qui ne le manqua que de peu. Oswald avait tiré.

    « Ne t’approche pas du Maire. Nous n’avons pas le temps pour que tu te mêles de nos affaires. Nous t’avons aidé parce que le Maire voyait un intérêt à le faire, notre coopération avec ton oracle s’arrête là. Affirma sèchement le vingtenaire, qui gardait en mémoire leur première rencontre au sommet de la tour d’astronomie.
    — Je n’ai pas besoin de ton autorisation. » Répondit simplement son interlocuteur, en faisant tomber son arme à terre par la force de ses pouvoirs. Toute l’assistance resta muette, tandis que plusieurs mercenaires, inquiets des tumultes entendus dans la ruelle, commencèrent à se rapprocher.
    « Ils arrivent ! » Clama Samuel. « D’ailleurs, j’ai une question pour toi. » Antonin avait saisi les bras du quinquagénaire pour lui faire regagner l’entrée du bâtiment par lequel ils étaient sortis. Dubois avait fini par s’enfuir aussi.
    « Mhm ? Interrogea le Gardien, alors qu’il s’apprêtait à les suivre.
    — Ta copine là, Camille… Pourquoi tu l’as laissé aller au Palais Municipal ? ». La question du garçon plongea Alexandre dans un grand trouble. Il ne voyait pas du tout ce qu’il voulait bien dire. « On l’a vue sur nos radars dans les sous-sols. Elle voulait voir Florent. Pourquoi t’la laisses faire ça ?! Ce mec est dangereux ! Bien plus que nous que t’veux purifier ! ».

    Un garde impérial ouvrit soudain le feu. Schwartz ne dut son salut qu’à l’action héroïque du blondinet, lequel l’avait tiré contre lui puis fermer la porte du bâtiment à l’aide de son pouvoir sonique. Toutefois, le temps qu’il se relève, le Gardien avait déjà disparu.

    Pourquoi avait-il sous-estimé le danger des relations humaines ?

    ***



    Palais Municipal, Thiercelieux. Crépuscule du dernier jour.

    Lorsque les portes du château s’ouvrirent, Camille n’y crut pas l’espace d’un instant. Elle ne s’imaginait pas qu’on l’autoriserait à rentrer, surtout vu le climat de défiance renforcé à l’encontre de toutes les personnes s’approchant du pouvoir politique. Cela constituait pourtant la preuve, à ses yeux, qu’il restait à Florent une part d’humanité en dépit des crimes qu’il avait commis, et que peut-être elle pourrait le raisonner avant qu’il ne soit trop tard. La jeune fille voulait à tout prix éviter un bain de sang, redoutant plus que tout l’intervention du Gardien pour purifier le cœur de son ami.

    Le Général Kori l’attendait en personne à l’intérieur, lorsqu’elle franchit le tapis rouge du vestibule d’honneur. Il y avait une ambiance morne et macabre à l’intérieur des murs de ce palais. Les lumières tamisées donnaient l’impression que l’hôte de maison vivait caché, et reclus, ou qu’il craignait de se montrer aux caméras alors que son intervention télévisée se faisait attendre. Du moins, ce fut les pensées qui traversèrent l’esprit de la muette lorsqu’on la conduisit jusqu’au Bureau Doré, où le nouveau Maire de la cité devait la rejoindre d’un instant à l’autre. Son cœur frappait sa poitrine comme un petit animal effrayé, redoutant l’état dans lequel elle allait bien pouvoir trouver Hämälaïnen.
    Cependant, elle ne s’inquiétait pas pour elle, ou pour sa survie. Il lui paraissait acquis qu’il ne lui ferait rien de mal. Ce qui la souciait vraiment, au contraire, était son propre état lorsqu’il la verrait. Le nouveau chef de la cité allait très mal, et les événements avaient probablement dû le dépasser. Qu’elle représente sa seule lueur dans l’obscurité lui ferait peut-être réaliser qu’il était encore temps de s’extirper d’un engrenage mortel.

    Ce fut donc par un sourire confiant qu’elle attendit sur le sofa du bureau doré, qui n’avait de doré que le nom, parce qu’il avait maintenant une tapisserie aux nuances de gris, ainsi qu’un mélange noir et blanc qu’elle ne se souvenait pas avoir vu avant. La décoration avait été refaite vite, visiblement, cependant un tel travail réalisé en si peu de temps ne pouvait qu’interpeller, et démontrer les vraies priorités du nouveau gouvernement.

    « Bonjour Camille. » Commenta alors la voix de Florent, lequel venait de surgir depuis une petite porte maquillée en parcelle de mur. L’intéressée, assise sur le canapé, lui tournait le dos par voie de conséquences, aussi se leva-t-elle immédiatement pour se retourner.
    Ce qu’elle vit n’eut rien de familier. Le garçon portait sur lui un ensemble noir, lequel n’avait rien de similaire avec la tenue de gardien offerte par Hence. Il n’y avait plus rien de blanc dessus, seulement quelques nuances de rouge bordeaux par endroits, ainsi que des gants écarlates. Le plus troublant était pourtant ce masque recouvrant seulement les yeux de son visage, tout aussi sombre que le reste de sa tenue.
    « Oh… Florent... Je suis tellement content de te voir. » Énonça toutefois son amie avec constance, accompagné par de grands gestes exclamatifs, malgré une moue tout de même impressionnée par ses nouvelles couleurs qui ne lui allaient pas du tout.

    Le chef de l’exécutif leva sa main, et elle sentit quelque chose se dénouer dans sa gorge. Elle en lâcha un hoquet de surprise, lequel se transforma en cri. Comment pouvait-elle crier ? Les lèvres du maire s’adoucirent.
    « Si tu me parlais, ce serait peut-être mieux, tu ne crois pas ? » Lui demanda-t-il avec une gentillesse infinie, comme s’il avait atteint le niveau d’apaisement d’Alexandre Schwartz. Interdite par ce qu’il venait de lui faire, Camille mit quelques temps à réaliser qu’elle pouvait articuler du son avec ses nouvelles cordes vocales retrouvées.

    « Je… Je peux parler… C’est. Florent. Qu’as-tu. Fait ? » Des frissons lui parcoururent le dos. De tout ce qui aurait pu aboutir de leur rencontre, elle n’avait jamais envisagé récupérer la parole qui lui manquait tant dans sa vie quotidienne.
    « Bien sûr que tu peux parler, et tu savais visiblement comment faire. Je n’ai eu qu’à réparer ce qui était cassé. » Commenta le Prince, de toute sa majesté, en la prenant par la taille. « Tu m’as tellement manqué, Camille. J’ai cru que tous ces terroristes t’avaient tué dans l’assaut contre la Tour Tykogi. Je suis tellement soulagé de voir que tu vas bien. » Poursuivit-il en lui faisant une étreinte, laquelle dura un certain temps. Il ne s’était pas rendu compte qu’un malaise avait surgi au moment où il avait qualifié tous ses proches de « terroristes », mais il semblait de toute manière qu’en la matière, le jeune homme ne disposait plus de ses pleines capacités.

    « Florent… Je… te remercie. Pour, ma, voix. Je m’in…quiétais. Pour toi aussi. » Lui répondit-elle avec des intonations en accordéon, quittant l’étreinte de ses bras pour le regarder dans les yeux.
    « Tu n’as pas à t’inquiéter, Camille, tout va bien pour moi. Regarde où je suis maintenant. » Lui dit-il en montrant de ses mains gantés le bureau près de la grande baie vitrée. « Je suis devenu le Prince de Termina, et il n’y a rien, ni personne qui puisse se dresser sur mon chemin maintenant.
    — Mais, Florent ! Ce n’est, pas toi ça ! Pourquoi tu portes ce masque, et tous ces vêtements ? Tu es ; le guerrier de la lumière, non ? » Le sourire de Hämälaïnen s’étira plus encore, lorsqu’il vint poser ses bras autour de ses hanches, dans une forme d’impudence qu’il n’avait jamais eue jusque-lors.
    « Oh, Camille, ma petite Camille… Tout va bien, j’ai dépassé ces vieilles peurs qui me minaient. Je doutais d’être quelqu’un de bien, mais maintenant je le sais. Je n’en doute plus, aussi je crois qu’un chef a besoin d’autorité, et c’est ce que je compte montrer à cette Cité. » Les yeux de son amie s’écarquillèrent, aussi éprouva-t-elle le besoin de se reculer immédiatement, jusqu’à tomber contre le bureau.

    « Mais, tu ne t’es pas encore exprimée comme tu l’avais dit… Son interlocuteur hocha la tête.
    — C’est tout-à-fait exact. J’étais en réunion avec le Conseil de Défense. Nous devions discuter de mon inauguration en tant que nouveau Prince de Termina. Il y a de nombreux détails à régler, dans la forme du gouvernement, dans notre constitution, mais cette cité est mienne dorénavant, et je ne veux rien faire au hasard. » Formula-t-il avec une voix toujours aussi calme et dont la capacité de sérénité égalait celle d’Alexandre, si seulement elle ne sonnait pas terriblement mégalomane et anxiogène.
    « N…Non. Ce n’est pas ce qui doit être. Florent, tu n’es pas comme ça. Tu… Je devais te le demander en face. Est-ce que tu as… Est-ce que tu as… Tué tous ces gens ? Tout le Conseil des Oracles ? Est-ce que tu as fait ça ? Ce n’est pas ça, ce n’est pas toi. Je le sais. » Bégaya la fillette visiblement avec moins de certitudes qu’avant sur les résultats de cette rencontre. Le visage de son ami s’assombrit considérablement.
    « Ils ont soutenu une entreprise terroriste, ils ont dû être éliminés de l’équation. Ils représentaient ce qu’il y a de pire à Termina, je n’ai fait qu’appliquer la justice, comme tout ce que je fais ici, dans cet endroit, je le fais pour vous, et je reçois encore ces soupçons d’ingratitude ? Mais qui es-tu pour te permettre cela ?! » S’emporta-t-il assez virulemment, les veines de son visage devenant soudain plus visibles.

    La muette se mit à trembler, le corps pris d’une peur soudaine à la rencontre avec cet homme qui lui apparaissait maintenant plus étranger que jamais.
    « Oh, pardon Camille, je ne voulais pas crier, mais il faut que tu comprennes que ce que tu as dit est mal. » Se justifia le brun en voulant poser sa main au-dessus de son pubis. Ce fut le geste de trop pour la fillette, laquelle se dégagea plutôt brutalement.
    « Ne me touche pas !
    — Salope d’ingrate ! » Beugla-t-il du tac-au-tac en retour, balançant sa main contre sa joue. La violence du coup la fit tomber contre la table, en même temps que cela lui cassa son nez. Plus obscur que jamais, le maire se saisit d’un mouchoir avec lequel il tenta d’essuyer son gant.
    « Je n’en attendais pas moins de toi, à dire vrai. Mais je suis au-dessus de tout cela dorénavant, parce que j’ai accès à un savoir et à des connaissances que tu ne posséderas jamais. Parce que tu es faible, parce que tu aimes ça. » Fit-il en s’asseyant sur le sofa, à côté de son corps écrasée contre la table basse du bureau doré. « À ce propos, tu sais quel est ton nom de famille, chère Camille ? » Lui demanda-t-il alors que quelques sanglots se firent entendre.

    Celle-ci releva péniblement sa tête tuméfiée, pleine de sang, et le regarda avec un air de désespoir. Elle tenta de bégayer quelque chose, mais rien ne sortait de sa bouche.
    « Objectivement, tu ne mérites pas de parler. » Déclara-t-il alors, en se penchant vers elle pour lui toucher les commissures, et lui essuyer ses plaies avec la petite étoffe en tissu brodé de ses initiales. « Mais tu n’as pas besoin de parler, tu as juste à m’écouter. Tu es mon amie, et je t’aime, d’accord ? Plus que tout, et c’est pour cela que je dois te protéger de toi-même. De ce que tu es, et de tes origines. » Persifla-t-il en se levant, s’en allant jusqu’à un de ses tiroirs sur une étagère, laquelle contenait de nombreux dossiers, visiblement sur certains citoyens de Thiercelieux.
    « J’imagine que tu veux connaître ton nom de famille, donc ? » Lui posa-t-il la question avec un air triomphant. La jeune femme aux cheveux blancs, de nouveau incapable d’émettre le moindre son, articula quelques gestes avec ses mains pour dire que oui.

    « Tu t’appelles Camille Schwartz. » Déclara-t-il le plus calmement du monde. « Plus exactement, tu t’appelles Alice Schwartz, Camille étant un pseudonyme pour une raison que j’ignore, mais cela ne m’intéresse pas. » Le gardien revint vers elle et s’agenouilla, bon prince, pour lui permettre de se relever. Le choc de cette révélation n’était toutefois pas passée chez la principale intéressée, laquelle affichait une mine défaite et choquée. Selon toute vraisemblance, elle était donc la sœur d’Alexandre, et quelques bribes de souvenirs remontèrent à elle. Quelque chose de léger, d’évanescent, à propos d’un nom, d’un collège plus exactement, appelé Churchill. Rien de plus clair n’apparut dans son esprit, et ce fut pour elle plus douloureux encore que le sang qui s’écoulait de ses narines sans discontinuer.
    « Tu es choquée et je le comprends, mais c’est pour cela que je dis que tu es ingrate, parce que je crois en toi Camille, et je me fiche de qui tu étais avant ou de ce que tu es maintenant. Je veux te protéger de gens que je sais malveillants, parce que je suis juste, parce que je suis la justice et que je fais le bien autour de moi. » Lorsqu’il affirma cela, Hämälaïnen posa ses doigts sur la poitrine de ladite Alice. Celle-ci ferma les yeux, et prit une grande inspiration.

    « Il faut que tu arrêtes cette folie, Florent ! » Exprima-t-elle fortement en se dégageant de nouveau de son emprise, et en se reculant jusqu’à la grande porte de son bureau, celle qui donnait sur le hall d’honneur du Palais Municipal. Elle ouvrit les deux portes en grand, et se retourna, le visage déterminé. « Viens avec moi, quitte cet endroit. Retourne à ta vie, tout n’est pas trop tard. Tu es un garçon extraordinaire et plein de qualité. Ne laisse pas cette chose obscure te corrompre. » Le supplia-t-elle avec ses grands gestes, et les yeux embués des larmes qu’elle avait lâchés.

    Pour autant, cela ne le fit pas bisquer ne serait-ce qu’une seconde. Au contraire, le Prince trouvait cela pathétique, et son visage se mit à rougir derechef, agacé par l’outrecuidance dont elle faisait preuve envers le gardien, et chef de Thiercelieux.
    « Je n’en attendais pas moins d’une Schwartz. » Ses membres se mirent à convulser. « Alors comme ça, c’est encore moi qui suis fou n’est-ce pas ?! C’est encore moi qui ne suis pas net ?! C’est encore moi qui ne vais pas bien ?! Mais, regarde-toi, pauvre fille frêle et malléable, bonne qu’à sucer la queue de son frère, de son professeur ou du gardien de l’équilibre des forces, t’as quoi pour toi, à part tes pathétiques larmes de gonzesse faible et fragile qu’il faut entretenir, hein ?! Dis-moi, viens me donner des leçons et m’expliquer comment je dois vivre quand tu n’es rien d’autre qu’une pauvre et futile bestiole qui se contente de vivre aux dépens des autres comme un parasite. » Tout en lui crachant sa haine au visage, il semblait que sa colère ne fasse que croître, si bien que son interlocutrice s’était mise à reculer, choquée et horrifiée.
    « Qui… Qui es-tu ? Je… Je ne te connais pas. Tu n’es pas Florent. Tu n’es pas lui… Ce n’est pas possible.
    — Oh, si, au contraire. C’est bien moi, Camille. C’est bien ce que je suis vraiment ! Au contraire, si j’étais avant cette tapette faible qui pleurait quand il cassait son crayon à l’école, j’ai fait un long chemin depuis, et je suis très fier du résultat ! J’ai changé, et en bien ! De personne inutile que j’étais avant, je suis maintenant devenu le gardien de l’équilibre des forces, le maire de la cité de Thiercelieux, et le Prince de toute sa contrée ! Je suis incontournable ! Et personne n’oubliera qui je suis ! Plus jamais ! J’ai tellement souffert, et je souffre encore, mais c’est pour le bien commun dorénavant ! » De nouveaux sanglots vinrent humecter les joues tuméfiées de la fille aux cheveux blancs. Une partie de ses espoirs et de sa bonhomie semblait avoir disparu dans la violence des propos tenus par ce garçon qu’elle estimait pourtant tant, et auquel elle s’était attachée.

    « Tu te trompes… Enfin Florent ! C’est moi, Camille, ton amie ! Je suis là pour toi et je le serai toujours ! » Venait-elle de lui communiquer, en tombant les genoux à terre, les yeux fermés, et les mains liées ensemble.

    Le bourgmestre venait de faire tomber ses gants rouges au sol. « Tu n’es pas mon amie ! Tu n’es pas avec moi. Tu es contre moi ! Tu n’es pas venue ici pour moi, tu es venue pour lui ! Tu es venue pour lui ! Tu es venue pour lui ! Tu. Es. Venue. Pour Lui ! » Répéta-t-il en boucle en hurlant de toutes ses forces. Tétanisée, Alice n’osa rouvrir les yeux que très timidement, lorsqu’elle vit que Hämälaïnen tenait ses mains carbonisées au centre de l’interstice des portes de son bureau, tandis qu’elle se trouvait juste devant les escaliers du vestibule d’honneur.
    « Je vais te tuer Camille. » Clama-t-il alors avec une froideur remarquablement effrayante. « Je vais utiliser un sortilège sur toi qui s’appelle Le Grêlon des Larmes. Ce sortilège permet d’évacuer toute la souffrance que l’on ressent. Toute la plaie que tu représentes pour moi. ».

    Camille Schwartz voulut réaliser et s’enfuir que déjà, des bouts de verres aiguisés vinrent transpercer son corps, et faire gicler son sang un peu partout sur le sol et les murs du Palais Municipal, jusqu’à ce que sa résistance cède, et qu’elle ne s’écroule dans les escaliers.
    Sa chute fut mortelle, parce qu’arrivée en bas, totalement paralysée, un dernier râle quitta son corps, tandis que le gardien s’était effondré contre un mur, évacuant tout un tas de larmes comme un petit enfant brisé, au coin de son bureau.

    ***


    Palais Municipal, Thiercelieux. Soirée du dernier jour.

    Tandis que Hence marchait aux côtés d’Alexandre, celui-ci fut pris d’une espèce de malaise qui l’obligea à s’asseoir. Derrière la végétation ambiante laquelle encerclait le Palais Municipal, s’était caché un tortueux parcours du combattant pour progresser jusqu’à l’entrée en évitant que les Gardes Municipaux ne déclenchent une alarme de sécurité.
    « Alexandre, tout va bien ? Demanda l’oracle au garçon qui semblait incapable de bouger, adossé à un tronc d’arbre.
    — Professeur… Je sens une grande perturbation dans l’équilibre des forces. La négativité de Florent Hämälaïnen, je la ressens jusqu’ici, et elle est encore plus forte maintenant. J’ai peur qu’il ne soit arrivé malheur à Camille. » Cette information inquiéta beaucoup le vieux sexagénaire, lequel tenta d’attraper Schwartz par le bras pour le relever.
    « Je n’aurais pas dû la laisser partir… Je n’aurais pas dû… » Se répéta-t-il, visiblement empli d’un sentiment de culpabilité, tandis que l’homme à la veste de marin cherchait un équilibre, pour faire face à ses vertiges.

    Équilibre qu’il trouva lorsqu’il leva les bras, ferma les yeux, et finit par contrôler de nouveau son sens de l’orientation, comme si tout-à-coup, toute l’émanation de son aura positive s’était échinée à lui prodiguer une solution pour récupérer l’énergie à la fois physique et mentale dont il manquait. Les traits de son visage s’étaient effectivement affinés, la possible angoisse dont Schœneck avait pu faire la lecture s’était trouvée écartée, et il lui sembla alors voir la situation plus clairement dans la nuit noire du dernier jour de Thiercelieux.

    « Nous n’avons pas de temps à perdre, Professeur. » Finit-il par dire lorsqu’il rouvrit les yeux, un sourire serein affiché sur sa moue. L’intéressé, pourtant comble d’inquiétudes, ne se montra pas forcément rassuré par son regain de confiance, et s’afficha plus dubitatif que jamais.
    « Nous n’arriverons jamais suffisamment à temps au Palais Municipal, et il est sûrement déjà trop tard.
    — Allons, Professeur, ne rentrez pas dans son jeu, s’il vous plaît. » Lui intima-t-il alors en le coupant. « Regardez ce paysage, cette nuit calme, alors que nous sommes pourtant à quelques heures de la fin du monde. Tout est trop calme ici, alors qu’il y a partout autour de nous les miasmes de la haine et de la rancœur dans l’atmosphère, dans la terre et dans le ciel. » Fit-il en désignant le vortex qui occupait, comme à son habitude, tout le ciel de Termina. « Nous allons confronter Florent Hämälaïnen, et je vais faire ce que j’ai à faire, quoi qu’il advienne.
    — Mais le Palais Municipal est bien trop protégé, nous n’arriverons jamais à rentrer. » Protesta l’oracle, de plus en plus en proie au désespoir et à cette peur qui le rongeait de plus en plus, comme elle n’avait jamais été jusque-lors.

    Le visage de son élève ne s’assombrit pas pour autant. La démarche rassérénée, il posa sa main gantée sur son épaule, et utilisa l’autre pour relever ce menton mal rasé, lequel, au contact de ses yeux, sentit quelque chose de doux et chaud parcourir son corps.
    « Professeur, l’aura négative toute autour de nous a des répercussions où que nous regardions. Le fait que même vous soyez en train de céder à ce désespoir me prouve que la source perverse de cette haine primitive ne se trouve plus très loin d’ici. » Il marqua une pause, pour la solennité du moment. « Or, je ne permettrai pas que quiconque corrompre votre cœur. C’est pour quoi, ici et maintenant, je fais le choix de vous protéger de cette aura malveillante, et de vous garder sous ma protection. » Commenta-t-il d’une voix déterminée.

    Cette chaleur que ressentit Hence à travers tout son corps commença donc à prendre sens. Il s’agissait d’une forme de bouclier, qui le rendait temporairement imperméable à toutes les ondes répandues par les sentiments négatifs du nouveau Prince de Termina. Il s’agissait d’un pouvoir très puissant, et l’oracle se montra surpris qu’Alexandre le maîtrise, parce que cela faisait longtemps qu’il ne l’avait plus vu. Cela faisait tellement longtemps qu’ils s’étaient séparés, qu’ils avaient vadrouillé chacun de leur côté parce que c’était mieux de « se séparer », le temps que chacun des deux trouve enfin le chemin vers cette créature qui a mis à genoux l’équilibre des forces. Cette terrible décision avait eu pour conséquence la situation actuelle, dans laquelle des fragments de mémoires remontèrent à sa conscience de manière spectaculaire.
    « Vous commencez à vous souvenir… Mais ce n’est pas le moment. » Intervint alors son compagnon, lui faisant rouvrir les yeux immédiatement.

    Accoudé à sa canne de bois, le sexagénaire se trouvait dorénavant devant les portes du Palais Municipal. La concentration de toute la rancœur qui se lisait depuis la forêt contiguë au bâtiment se manifestait dorénavant par des étranges éclairs noirs au coin des yeux, comme lorsque la radioactivité des centrales devenait trop importante pour être enregistrée par les caméras autrement que par des saturations aux conures des clichés.
    « On est…
    — Juste devant l’entrée du Palais Municipal. » Termina le Gardien.

    Un important contingent de soldats armés se trouvait devant eux.
    « J’ai jugé que nous n’avions plus le temps. » Commença Schwartz, en tournant les talons vers l’entrée. Les soldats impériaux le mirent en joue. Une importante sirène se fit entendre.
    « Si Camille est réellement en danger… » Poursuivit-il en écartant de sa main en cuir, les balles qui fusèrent vers lui. « Je considère que nous n’avons pas le temps de prendre des précautions. ». Des gardes exigèrent que les deux hommes s’arrêtent sur-le-champ. Toutefois, pris au dépourvu de cette apparition, seuls ceux en première ligne purent intervenir. Chaque fois que l’un d’eux s’approchait, il se trouvait écarté par la force des pouvoirs du dernier élu de la lignée. Son oracle, encore un peu sonné, ne prit la mesure de la situation que lorsque plusieurs monstres avaient été lâchés en leur direction. S’accrochant à la veste de son marin de son protégé, il le tira vers lui pour lui éviter une salve de feu potentiellement mortelle.
    D’abord surpris, celui-ci afficha pourtant un sourire satisfait maintenant qu’ils venaient de fondre jusqu’à la porte après cette magistrale attaque surprise.

    « Professeur, je vais vous demander de me couvrir le temps que je rentre dans le Palais. Il faut que vous reteniez ces monstres le plus longtemps possible, mais ne prenez pas de risques inconsidérés et rejoignez-moi dès que vous le pourrez. » Lui demanda-t-il à mesure qu’il retirait son gant, pour tirer l’ouverture du chef-lieu des forces politiques thiercelloises. L’oracle, lequel n’avait pas eu son mot à dire, se retrouva alors face à une horde de monstres qu’il lui fallait contenir. Il sentit toutefois une énergie nouvelle à l’intérieur de son être, une énergie suffisante pour les retarder le plus longtemps possible.

    ***


    Vestibule d’Honneur, Palais Municipal. Thiercelieux. Nuit du dernier jour.

    Lorsque le Gardien de l’Équilibre des Forces pénétra dans le vestibule d’honneur, il y eut d’abord un grand silence. Personne ne se trouvait à l’intérieur, malgré de grandes lumières allumées, et ce qu’imposait une pièce immense de cette taille eut égard à son entretien ou aux accès qu’elle offrait, directement vers le Bureau Doré. Toutefois, une petite forme accolée à la moquette du tapis rouge se distinguait au loin. Il ne lui fallut pas longtemps pour reconnaître la carcasse brisée de sa sœur Alice Schwartz, dont le sang s’était répandu sur le carrelage froid. Il n’eut, à cet instant, pas véritablement une expression de surprise, mais plutôt de gravité, parce qu’il comprenait ce qu’un tel acte impliquait pour son opposant, et cela sembla le faire chavirer au plus profond de lui-même ; mais la dignité de sa fonction l’empêcha de l’exprimer.
    À mesure qu’il s’était maintenant rapproché de sa dépouille, il put d’ailleurs imaginer ô combien elle avait souffert, la peau transpercée de part et d’autres par des éclats de verre, répandus partout sur toute la surface des arcanes du palace. Cette mort avait dû être horrible pour elle, parce qu’il s’agissait plus que de perdre la vie, se la voir prendre par quelqu’un qu’elle estimait et en qui elle avait cru nonobstant les signaux. Cela expliqua sans doute que son visage mutilé et défiguré, arborait encore cette expression de terreur qu’elle avait prise dans son dernier souffle.
    « Alors comme ça, tu es venu, finalement. » Entonna alors une voix, majestueuse, au sommet de l’escalier menant à l’office du maire.

    Alexandre jeta son premier regard à Florent Hämälaïnen, le visage masqué par ce tissu noir.

    « Tu as assassiné la seule personne qui croyait encore en toi. » Lâcha sévèrement l’intrus à destination du nouveau Prince. Cette phrase le fit éclater de rire.
    « Il me suffira de lancer un retour vers le passé pour qu’elle revienne à la vie. Parce que tu sais ici, la vie, la mort, ce n’est pas quelque chose d’important. » Répondit l’adolescent du tac-au-tac. L’expression de son interlocuteur devint alors plus sinistre, tandis qu’il jeta un regard au corps sans vie de sa petite sœur.
    « Tu te trompes, Florent Hämälaïnen. » Répondit-il prosaïquement. « Elle ne reviendra jamais. ».
    Les traits du concerné se crispèrent. Sa manie qu’il pouvait avoir de toujours venir dire aux autres comment les choses fonctionnaient était tout bonnement agaçante, surtout quand il s’agissait de répandre une telle calomnie à l’encontre d’une personne de son propre sang. Que de malheurs il lui souhaitait ! Il ne faisait pas bon d’avoir un tel pompe-funèbre en tant que frère. Toutefois, derrière cette vive réaction, se cacha au contraire la profonde inquiétude qui s’était nourrie tout au long de la soirée sur sa possible résurrection.

    « Tu crois tout savoir, tu crois que tout le monde t’en veut et te déteste, que tout le monde veut te faire de l’ombre, mais tu n’es même pas capable de comprendre comment un retour dans le temps fonctionne. Tu as tué Camille, et elle ne se réveillera jamais, maintenant, parce que les règles du retour dans le temps que j’ai lancé sur cette ville étaient sensiblement différentes de celles que tu as connues jusque-lors. ».
    Le cœur du lycéen se mit à battre plus fort que de raisons. Ce menteur pathologique essayait de manipuler son esprit, il en avait la conviction.
    « Rien de ce que tu dis n’est vrai. Tu te contentes de répandre ton venin partout où tu vas, et tu as l’habitude qu’on te fasse confiance tel le messie, mais ça ne fonctionne pas sur moi, qui suis la justice ! Beugla-t-il en guise de réponses.
    — Tu n’es la justice de rien, et le sauveur de personne. Tu es une marionnette, aiguisée sur-mesure, baladée à droite et à gauche selon les volontés de ton maître : cette petite voix qui te susurre quoi dire à l’oreille.
    — Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi ! Je vais te tuer ! Tuer ! Tuer ! Tuer ! Tuer ! Tuer ! Tuer ! Tuer ! » Des veines noires commencèrent à se dessiner sur le visage rouge tomate du Prince. Une haine incandescente venait de croître en lui, quant au reniement de tout ce qu’il avait toujours été, quant à cette réfutation menée par ce garçon qu’il enviait tant, de tout le mythe qu’il s’était forgé.

    Alexandre se mit à marcher vers le bas des escaliers du vestibule d’honneur, la démarche toujours grave et sévère. « Je ne contribuerai pas à ce discours visant à te défausser de tes responsabilités, Florent Hämälaïnen. Je ne te considère pas comme la victime de cette créature que je pourchasse, je te considère comme son complice. » Il retira ses gants en cuir au moment même où il prononça ces phrases. « Tu avais le choix de me faire confiance, tu avais le choix de ne pas écouter ce qu’elle te disait. Tu as fermé les yeux, sciemment, sur toute la perversité de son être. Le cadavre de ma sœur, sur le sol jonché de cadavres que tu as gravi pour en arriver là, est la vérité de mon propos, ta vérité. Celle d’un assassin obsédé par le besoin d’être un héros, qui en devint un monstre. » Le Gardien ancra ses yeux dans ceux du bourgmestre, interdit par la violence verbale qu’il se voyait infliger. « Je n’ai que du mépris pour les monstres comme toi. » Conclut-il, intrépide.

    Dans un élan de fureur indicible, l’ancien Desmose-guerrier balança de ses doigts des éclairs violacés. La vitesse à laquelle ils atteignirent leur cible fut phénoménale, mais cela n’obtint pas l’effet escompté. En effet, loin de se voir projeter contre le mur du vestibule, l’énergie électrique fut aspirée par les mains carbonisées de son Némésis.
    « Plus personne n’a le pouvoir de m’arrêter ! Plus personne n’a le pouvoir de m’arrêter ! Meurs ! Meurs ! Meurs ! » Pour autant, malgré ses injonctions hystériques, la personne qu’il attaquait resta irrémédiablement en place, sans sourciller d’aucune manière.
    « Cela reste encore à prouver. » Se contenta-t-il de répondre, en renvoyant soudain un orbe de lumière en guise de contre-offensive. Sautant in extremis sur le côté de l’escalier, Florent avait quand même été frappé à la jambe, et se mit à hurler de douleur en raison de la brûlure que cela lui avait provoquée sur sa chair.

    Schwartz, de son côté, commença à gravir les marches de l’escalier pour s’approcher dangereusement de lui.
    « Ceci est la preuve ultime que tu es devenu une créature de l’ombre. La magie blanche ne fait de mal qu’à ceux qui menacent l’équilibre des forces. ».
    Paisiblement, le Guerrier de la Lumière décrocha alors la rambarde de la montée, pour le coincer contre le mur à l’extrême-droite du bâtiment. Toutefois, loin de se laisser faire, Hämälaïnen parvint à lui faire prendre feu, pour la faire disparaître avant qu’il ne soit coincé.

    « Je suis le Prince de Termina ! Je suis la justice ! Je suis le gardien ! Je suis le guerrier de la lumière ! Je représente le bien ! Tu entends, le bien ?!
    — Tout ce que j’entends, ici et maintenant, c’est ta folie des grandeurs. Il n’y a plus rien d’humain en toi. » Commenta le jeune homme à la veste de marin. Il se trouvait maintenant juste en face de lui. À terre, son opposant se rehaussa sur ses deux jambes. Ce dernier tenta de le faire bisquer, mais protégé par une grande maîtrise de ses pouvoirs, ce fut bien le Gardien qui provoqua sa propre chute, envoyé par le trou de la rambarde au sol du vestibule d’honneur. Il dominait très nettement l’affrontement, si bien que la colère du gardien n’en fut que plus forte.

    « Ô, guerrier de la lumière, entends ma prière. » Sa conscience lui apparut alors comme salvatrice. Elle allait l’aider à triompher. Cependant, ce qu’il ignorait, c’était que dans ces moments, il se figeait comme pris dans un état catatonique l’espace de plusieurs secondes. Un temps pendant lequel un sourire triomphant apparut sur les lèvres d’Alexandre. Celui-ci ferma les yeux, et joignit ses mains brûlées ensemble.
    «
    Le Polymorphe ne détient quasiment aucune faiblesse. Ton pouvoir, aussi grand soit-il, ne peut rivaliser face à lui. Mais il détient une faiblesse. ». La voix fit apparaître à l’esprit de Florent un retour vers le passé, d’une puissance quasi-infinie, par laquelle il serait possible de se débarrasser de son ennemi. « Tu détiens le pouvoir de renvoyer Termina dans sa boucle temporelle. Cependant, tu détiens aussi le pouvoir de renvoyer une personne dans le passé, aussi loin que tu veux. Cet être malfaisant ne s’en méfiera pas. C’est notre occasion, ô, Guerrier, de laisser tes ancêtres s’en débarrasser. ». L’adolescent sentit un regain d’espoir monter en lui. Il se sentit empli de détermination, lorsqu’il rouvrit les yeux. Ses pupilles s’étaient dilatées.

    Du haut des escaliers, Schwartz afficha un sourire soulagé sur sa propre moue. Dans le hall du palais, son ennemi fit tomber le masque dans un rire dément.
    « Accumulation. » Un éclair similaire à un flash d’appareil photo aveugla tous les protagonistes l’espace d’une seconde.
    « Je vais te montrer le vrai pouvoir, Alexandre. J’étais piètre et ridicule à vouloir faire une cérémonie pour sauver tous ces gens de l’ignorance, alors que je venais à peine de découvrir l’ampleur de mes pouvoirs. Or, maintenant, tout ça a changé. Je suis capable de le faire, non plus en deux jours, mais en deux secondes ! » Clama-t-il en libérant une onde d’énergie noire qui transperça tous les êtres vivants sur son passage, à l’exception du Gardien dont l’aura de lumière l’épargna de cette attaque. Tout le vacarme entendu à l’extérieur, provoqué par l’hallali lancé contre Hence Schœneck s’arrêta brutalement. Un silence de mort remplaça les cloches de l’Apocalypse, il sembla que toute forme de vie sur Thiercelieux s’était arrêtée.

    Le visage de la veste de marin resta stoïque. Il y eut un silence gênant qui perdura pendant plus d’un instant.
    « Tu ne me demandes pas ce que j’ai fait ?! » Lâcha le Prince de Termina, furieux que son initiative n’ait pas suscité la réponse-clichée habituelle. « Mais je vais te le dire quand même, j’ai sauvé cette ville ! À moi tout seul ! En une minute ! Ce que tu n’as pas fait ! En des années ! » Aboya-t-il en marquant une pause. Il se mordit les lèvres jusqu’au sang. « Quand ils se réveilleront… Une fois que j’aurais lancé ce retour vers le passé… Ils se souviendront de tout ce qu’on a fait durant cette boucle temporelle… Ils s’en souviendront tous sans exceptions, et ainsi, par la communion de nos intelligences, nous sortirons par nous-mêmes et sans ton aide de ce vortex ! ».

    Alexandre observa avec beaucoup de circonspection le laïus du petit garçon, mais il finit par faire apparaître un air de triomphe sur son visage, tandis que Florent commençait visiblement à accumuler de plus en plus de puissance pour son retour dans le temps.
    « Les faire se souvenir de tout ce qui a été fait dans chaque cycle de Termina est louable, mais quand est-ce que tu envisageras de leur faire se rappeler tout ce qui s’est passé avant l’entrée dans la boucle temporelle ? » Il marqua une pause. « Tu n’as pas besoin de me répondre, c’est une question rhétorique. Tu ne le feras jamais parce qu’ils n’ont aucun souvenir de ce qui s’est passé avant. Quant à ceux que tu peux avoir… J’aurais ma théorie là-dessus, mais ce n’est pas l’heure encore.
    — Assez ! » Lâcha Hämälaïnen en cédant à ses nerfs. Le balcon du vestibule explosa sous sa colère. Dans un dérapage contrôlé, Schwartz put retomber sur ses jambes devant les massives portes du vestibule d’honneur.

    Le maire profita de ce temps pour faire jaillir un orbe de lumière blanche au-dessus de lui. « Si je ne peux pas te détruire, alors je vais t’envoyer si loin que tu ne pourras jamais revenir. C’en est fini de toi ! » Annonça-t-il en vociférant de toutes ses forces, engageant tout ce qu’il avait de plus cher dans la réussite de son projet. Après qu’il a dévoilé ses intentions, l’entrée commença ensuite à s’ouvrir, et le vieil oracle parut dans l’interstice. Son élève se trouvait à quelques mètres de lui, et bien qu’il ne comprit pas immédiatement, il sentit le danger grand derrière cette colonne blanchâtre et se jeta sur son protégé. Il remarqua, au moment où il l’enlaça, le corps inanimé d’Alice Schwartz, dont le nom revint brutalement à sa mémoire. Le Gardien de l’Équilibre des Forces remonta alors ses mains brûlées sur celles du sexagénaire.
    « Tout ira bien. Vous allez maintenant tout comprendre. Tout se passe exactement comme je l’ai voulu… » Lui chuchota-t-il tandis que l’ancien Desmose-Guerrier, furibond de voir son mentor choisir son camp, leur balança toute la puissance de son énergie sans sommation.

    Au moment où il se sentit se décomposer, le professeur d’allemand du lycée de Westbury retrouva toute sa mémoire. Il sentit en lui le retour d’un fragment manquant, au moment où il pensa qu’il allait mourir. Pour autant, une petite lueur se manifesta dans l’obscurité.

    ***


    Vestibule d’Honneur, Palais Municipal. Thiercelieux. Fin du dernier jour.

    Un tremblement de terre surpuissant vint secouer tout le Palais Municipal, faisant chuter les poutres au sol. Les lustres se décrochèrent des plafonds, une importante poussière commença à se dégager chaque fois qu’un pan d’étage s’affaissait sur lui-même. Des petits morceaux de données noires commencèrent à faire disparaître chaque atome, chaque composant de ce qui constituait ce monde. Des cloches se mirent par ailleurs à résonner dans toute la cité de Thiercelieux, entamant un son que Florent n’avait jamais entendu jusque-là, lui qui se trouvait maintenant recroquevillé sur la carcasse de Camille.
    «
    Ô, guerrier de la lumière, entends ma prière. Les cloches de l’Apocalypse ont entamé la Nocturne de l’Ombre. Nous allons tous disparaître si tu ne lances pas un autre retour dans le temps pour sauver Termina. Ô, gardien, il faut réagir ! » Des sanglots se mirent alors à couler des yeux de Hämälaïnen.
    « Je ne ferai rien… Pas tant que tu ne l’auras pas ramenée… ! Ramène-la ! Ramène-la d’entre les morts ! Geint-il pathétiquement.
    Mais… guerrier de la lumière, elle avait le cœur corrompu, elle ne peut être ramenée… Ton pouvoir l’a…
    — Ramène-la ou je ne ferai absolument rien ! Si tu ne la ramènes pas, je jure que je vais tout détruire ici ! Fais-la revivre, tu entends ?! Qui que tu sois, fais-la revivre tout de suite ! Tout de suite ! » Hurla-t-il comme il n’avait encore rarement hurlé jusque-lors.
    «
    Mais, ô grand Prince, je ne suis qu’un morceau de ta conscience, je ne peux…
    — Me penses-tu vraiment aussi stupide que ça ? » Déclara-t-il en pleine décompensation. « Tu n’es pas ma conscience, tu te sers de moi depuis le début… Et… j’aime ça… Parce que tu me fais me sentir fort, parce que tu me fais sentir puissant ! Parce que grâce à toi, je peux incarner la justice ; ma justice. Alors fais ce que je te dis, je t’exige de la faire revenir d’entre-les-morts ! Sinon, je te jure que je vais tout foutre en l’air, absolument tout. ».

    Un nouveau séisme, plus puissant encore que le précédent, vint faire s’éclater la cloche du Palais Municipal à quelques mètres du Desmose-guerrier, faisant apparaître un vortex plus menaçant que jamais, sur le point de tout engloutir.
    «
    Si tel est ton souhait. » Répondit alors froidement la voix à l’intérieur de sa tête, loin de son ton dithyrambique habituel. Une forte douleur brûla alors l’esprit du lycéen. Contorsionné par la douleur, ses yeux s’illuminèrent de l’intérieur, il lui sembla que tout son système nerveux était en train de disparaître et d’être consumé. Il se sentit trahi de l’intérieur, au bord de la mort, quand soudain, la douleur s’estompa. Cela parut si doux en comparaison de ce qu’il venait de vivre, qu’il eut l’impression d’avoir un orgasme.

    Florent, Florent, ça va, tu es réveillé ? Interrogea alors une voix, à côté de lui. Une voix qu’il connaissait bien. Une voix familière. Cela le fit se relever immédiatement. Il rouvrit ses pupilles, se mit sur le dos, à quatre pattes, au-dessus de la fille aux cheveux blancs, les yeux ouverts, les plaies refermées, malgré le sang jonchant tout son corps. Il posa la main sur elle, et la sentit tiède. Il la sentit ressuscitée. Il fut émerveillé.
    « Camille, tu es en vie ! C’est formidable ! Tu es revenue, ma chérie… » Des larmes de bonheur montèrent à ses yeux. Il vit la fille esquisser un sourire.
    Oui, je suis revenu maintenant. Tu m’as sauvé. Je savais que tu ferais le bon choix… Déclara-t-elle timidement. Une nouvelle secousse lui rappela l’urgence de la situation. La fillette sembla effrayée.
    Que se passe-t-il ? Interrogea-t-elle de vive voix, sans qu’elle ne soit muette. Hämälaïnen passa une main sur sa joue, délicatement.

    « Tout va bien, Camille. Tout ira bien, maintenant. Nous sommes réunis toi et moi, et je vais nous éviter l’Apocalypse. Je ne te ferai plus jamais de mal, je te le promets. ».



    Triste sire, n’est-ce pas ? Un garçon si prometteur, réduit à parler à un cadavre en décomposition comme s’il fut en vie. Il sait pourtant au fond de lui-même que c’est un mensonge, mais il a décidé d’y croire de toutes ses forces, et c’est devenu réalité. Il m’a vendu sa liberté pour éprouver un peu moins de douleur, parce qu’il est faible ; parce qu’il aime ça.
    Comme beaucoup des lecteurs de cette histoire, au fond. Vous me confiez votre ennui pour que je vous émeuve. D’une certaine manière, vous m’appartenez tout autant que lui.

    Plus rien ne sera comme avant désormais. Retour vers le passé.
 

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