L'ATTAQUE DU GYMNASE
Aelita sentit la brise du vent nocturne contre son visage, souffle rafraichissant qu’elle aurait certainement apprécié en temps normal. Depuis combien de temps était-elle là ? Sûrement depuis une éternité. Une éternité de souffrances indescriptibles, infinies, absolues. Elle avait du mal à réfléchir, car tout son corps n’était plus que douleur. La vicieuse protubérance qui dépassait de l’arbre auquel elle avait été attachée transperçait ses vêtements et lui détruisait le dos depuis le moment où on la retenait. Elle ne sentait quasiment plus ses jambes, mis à part ce dont on s’était servi pour les transpercer ainsi que le sang qui en coulait. Ses mains avaient subi le même sort, laissant dévaler le sang sur son visage. Le bandeau qui lui couvrait les yeux était imbibé d’alcool et bien trop serré, l’obligeant à pleurer constamment. Aelita voulait abandonner, s’abandonner, mourir. Elle ne voulait juste plus souffrir.
Au bout d’un moment, il lui sembla entendre des pas. Enfin, quelqu’un venait mettre fin à son enfer. Etait-ce Jérémie qui venait la délivrer ? Elle entendit un bruit de lame que l’on sort d’un fourreau. Pourrait-elle encore marcher dans son état si on la libérait ? De toute façon elle n’en avait plus la force. Elle se surprit à préférer la venue d’un sbire de X.A.N.A., qui soulagerait sûrement ses douleurs par un moyen plus radical et plus rapide. Une éventualité germa dans son esprit : et s’il la torturait avant de mettre fin à ses jours ? Ce qui restait de l’échine d’Aelita se glaça. Finalement, Jérémie serait le bienvenu. Les pas se stoppèrent, peut-être à son niveau. Quelque chose de froid et de métallique effleura sa gorge, s’appuya plus fermement, la tâta, comme si la personne cherchait à tester sa résistance. Elle tremblait malgré elle. Mais au bout d’un moment, la personne éloigna le couteau.
Ce fut pour mieux le renfoncer.
La souffrance fut tellement intense qu’Aelita n’en ressenti presque rien. Un peu comme l’eau ultra froide qui, paradoxalement, nous brûle. Elle senti le sang arriver dans ses poumons. Elle étouffait, mais une joie intense l’avait envahie depuis quelques secondes. Enfin elle allait en finir, avoir la paix.
Aelita se réveilla en sursaut. Ses mains étaient moites. Elle était tremblante et recroquevillée au fond de son lit. Son cœur battait à se rompre. Encore et toujours ce cauchemar. Elle se redressa, chercha son portable à tâtons. Quelle heure était-il ? 4h57. Encore une fois. C'était la troisième nuit que son cauchemar la réveillait à cette heure précise; et ça allait sûrement être la troisième nuit qu'elle ne réussirait pas à se rendormir.
Elle tenta de se calmer, et prit une respiration profonde. Tandis qu'elle se relevait, elle remarqua qu'elle s'était endormie avec son casque et sa musique, comme cela lui arrivait assez régulièrement. Le titre qui passait actuellement en lecture aléatoire, elle ne la connaissait que trop bien. Digital Love. Cette chanson lui rappelait les moments agréables qu’elle avait passés avec ses amis, bien que les paroles évoquent l’histoire d’une personne se rendant compte qu’elle ne faisait qu’un rêve. Elle aurait bien échangé ce rêve contre le sien.
Elle s'était calmée et respirait à nouveau normalement depuis quelques minutes. Comment pouvait-on faire des rêves aussi effroyables ? Même en tant que cauchemar, catégorie dans laquelle la torture se classe plus conventionnellement, ce qu'elle endurait depuis trois nuits appartenait à ce que son petit inconscient pouvait imaginer de plus sombre et de plus cruel. Était-ce une sorte de représentation de ce qu'elle redoutait au plus profond d'elle-même ? Était-ce un rêve prémonitoire ? Elle en eut des frissons.
Chaque nuit, elle avait l'impression que son cauchemar durait plus longtemps, qu'elle souffrait plus intensément; dès la première nuit, elle s'était dit que jamais ça ne pourrait être pire, et pourtant les deux fois suivantes son imaginaire vicieux avait fait de son mieux pour lui prouver le contraire. Elle n'en avait pas encore parlé à ses amis, mais cela commençait à devenir pesant; elle devait au moins le dire à Jérémie, lui savait garder les secrets. Maintenant elle s'endormait dans la crainte de s'adonner à un sommeil qui n'était plus très réparateur, et encore moins reposant. Ce n'étaient que trois soirs; peut-être n'était-ce qu'une période à passer, une sorte d'épreuve. Mais dans quel but ? Quand allait-elle se terminer ? Et pourquoi elle ?
Et si tu arrêtais de te poser trop de questions ? Essaye de dormir cette fois, arrête d'écouter de la musique. Aelita aimait se parler à elle-même quand elle était seule, ça la rassurait et elle arrivait mieux à réfléchir. Elle retira son casque et reposa son portable près de son lit. Il était 5h07; dans moins d'une heure et demi elle serait aux douches, seule et bénéficiant de l'eau chaude, comme la veille et l’avant-veille. Une demi-heure plus tard elle serait en route pour le réfectoire, après qu'Odd l'estomac sur pattes soit venu frapper à sa porte, accompagné d'un Ulrich trimbalant avec lui son habituelle mauvaise humeur post-réveil.
Elle était toujours étonnée de cette amitié entre les deux Lyokoguerriers. Odd et Ulrich étaient tellement différents l'un de l'autre que c'était presque étonnant qu'ils puissent s'entendre. D'ailleurs c'était le fruit du hasard s'ils s'étaient retrouvés dans la même chambre. Mais finalement ils étaient devenus inséparables, malgré les mauvaises blagues et les pieds d'Odd. Ils étaient en quelques sortes complémentaires. Au fond, Ulrich devait être quelqu'un de très patient et très calme pour supporter le blondinet. Et s'il ne l’avait pas été avant d’avoir rencontré Odd, il avait par nécessité été obligé de le devenir.
Finalement elle ne dormirait pas. Elle remit son casque et s'allongea en laissant sa couverture au bout de son lit. Tu vas être fatiguée à huit heures pour le cours de sport, tu vas le regretter.
Ça lui était égal.
- Bon aujourd'hui, on va faire du sport collectif les gosses !
Jim savait comment faire plaisir aux élèves. Enfin, quand il ne passait pas son temps à essayer de prendre des pauvres sixièmes en "infraction" dans les couloirs pendant les heures de cours, ou qu'il ne restait pas des heures durant devant la porte d'Ulrich et Odd en ayant cru entendre un aboiement.
- On va faire du handball pendant ces deux heures. Je veux des équipes mixtes et équilibrées. Je vous rappelle que l'on prononce "handball" et pas "handboll" puisque ce sport est né en Allemagne ! J'ai pratiqué là-bas pendant deux ans.
Odd paru étonné:
- Il a pas l'air en forme notre Jim national aujourd'hui!
- Il a du se prendre un énième vent par Yolande, suggéra Ulrich.
- Ou il a appris que certains élèves on découvert des vidéos encore plus compromettantes de lui sur Internet ? ajouta Aelita en se retournant vers ses deux camarades qui s'étaient assis derrière elle et Jérémie.
Odd eut son habituelle expression dont Aelita ne savait jamais si elle était ironique ou sérieuse:
- Tu rigoles ! Jim est un Dieu du disco, avec un grand D, aucune de ses prestations ne peut être compromettante !
Malgré son manque de sommeil, Aelita était détendue. Visiblement les deux autres Lyoko-guerriers aussi; seul Jérémie, à sa gauche, n'avait pas l'air tranquille. Assis en tailleur sur le sol du gymnase, il n'écoutait pas Jim, mais ne leur adressait pas non plus la parole. Il devait sûrement rêver, comme à son habitude en cours de sport. Elle remarqua que son poing était serré, et que les jointures de ses os étaient blanches. Il devait vraiment serrer très fort. Elle posa sa main sur celle du génie afin d'attirer son attention:
- Jérémie, quelque chose ne va pas ?
- Oh rien de grave, ne t'en fait pas. Je me fais du souci tout seul...
- On ne me la fait pas à moi, je sais que tu es nerveux là.
- C'est juste que j'ai laissé mon sac avec mon ordinateur portable dans les vestiaires; en plus j’ai vérifié, on capte pas au gymnase ! Donc pendant deux heures, X.A.N.A. a carte blanche sur Terre et sur Lyoko !
La tête d'Ulrich émergea entre le couple:
- Relaxe un peu Einstein, X.A.N.A. nous a attaqué hier et avant-hier, et vu ce qu'on lui a mis à chaque fois, je pense qu'il va se terrer pendant une semaine avant d'oser recommencer !
Odd s'invita dans la conversation:
- En deux passages sur Lyoko, les monstres n'ont même pas réussi à dévirtualiser un seul d'entre nous, à croire qu’ils étaient encore plus mauvais que d’habitude ! Alors s'il attaque encore une fois aujourd'hui, on mérite au moins une pause déjeuner avant d'y retourner. Surtout que c’est poulet-frites ce midi !
Jérémie paraissait énervé:
- Mais vous croyez que X.A.N.A. se repose lui ? Il n'en a rien à cirer qu'on soit des gosses, ou que des vies soient mises en danger quand il attaque, c'est un programme fou et psychopathe !
Bon, se dit Aelita, c'est maintenant que tu entres en jeu. Elle fit signe à Odd et Ulrich de ne pas répondre, et ses deux amis eurent un sourire entendu; ce n'était pas la première fois qu'ils la laissaient faire. Sa main était toujours sur le poing de Jérémie; elle glissa non sans quelques difficultés ses doigts fins dans ceux du génie, et à partir de là, le travail de sape était déjà terminé. Immédiatement, un changement s'opéra: les épaules de Jérémie se détendirent, une expression étonnée se forma sur son visage, et ses joues s'empourprèrent légèrement. C’était presque trop facile.
- Essaye de penser à autre chose Jérémie. On va faire du sport pendant deux heures et X.A.N.A. ne va pas nous attaquer. Allez, détends-toi... Pour moi ?
Le coup fatal.
- Bon d'accord... C'est vrai que je deviens paranoïaque à cause de tout ça; je vais essayer de ne pas y penser.
Aelita lui fit un grand sourire, ce qui l'empourpra encore plus. Le Jérémie Belpois était une espèce très timide et suspicieuse; il fallait mesurer chaque mot et chaque geste afin de ne pas le brusquer, mais quand on savait s'y prendre, il pouvait être très docile. Trop de gens au collège pensaient qu'il n'était qu'une machine à bonnes notes, sans sentiments ni capacité émotionnelle. Mais Aelita savait que c'était faux. Il fallait juste... passer du temps avec lui.
Pour le coup, elle n'avait pas écouté ce qu'avait dit Jim. Elle se retourna:
- Vous savez ce qu'on va faire ?
- Jim est en train de répartir des tâches, répondit Ulrich. On doit faire du handball mais il n'a pas apporté le matériel parce qu’il vient de nous être livré, apparement; donc il envoie des gens chercher les ballons, d'autres les chasubles, et cætera. On n’y est pas encore passés.
-... Tiens, vous deux là, dit Jim en désignant Hervé et Nicolas, il y a des filets spécialement faits pour les buts de handball, mais ils sont encore entreposés près de la maison du jardinier. Vous savez où elle se trouve.
- C'est vraiment pas le style de Jim.
Odd avait l'air pensif. Ulrich ajouta:
- D'habitude il prévoit toujours tout à l'avance au niveau matos pour pouvoir nous faire un discours d'un quart d'heure !
- Qu'est-ce que vous en pensez les Einstein ?
- Comme l'a dit Jim, le matériel vient d'arriver, répondit Aelita. Il déteste quand tout n'est pas organisé comme il le souhaite.
- N'empêche, ajouta Jérémie, que j'ai quand même bien envie de filer dans ma chambre pour aller vérifier si tout est en ordre du côté de X.A.N.A. En plus ça doit faire plus d'un mois que je n'ai pas fait semblant de me sentir mal en cours de sport, Jim n'y verra que du feu, comme d'habitude.
Ils n'étaient plus que six dans la salle: eux quatre, leur professeur et Sissi, avec son air de suffisance habituel. Aelita fut prise d'un doute. Et si c'était la fille du proviseur qui était possédée par X.A.N.A. ? Son plan aurait été de disperser le matériel dans l'enceinte de l'établissement afin d'obliger Jim à envoyer les élèves le récupérer; ce qui laissait le champ libre à la Sissi xanatifiée, puisqu'il n'y avait qu'eux et Jim dans la salle. Elle n'avait pas abordé Ulrich avec son discours ridicule aujourd'hui, ce qu'elle faisait pourtant méticuleusement presque tous les jours.
Et c'est Jérémie qui se disait paranoïaque ? Elle qui venait de lui dire de se détendre !
-Bon allez, j'y vais, si jamais c’est une fausse alerte on revient comme si de rien était, et si y'a une attaque, je pense que vous vous en apercevrez... Odd, tu m'accompagnes ?
- Pas de problème mon capitaine !
Jérémie se leva et interpella leur professeur:
- Monsieur Morales, je... Je me sens pas bien. Est-ce que je peux aller à l'infirmerie ?
Jim haussa son sourcil gauche, paru réfléchir:
- Hum, mouais, allez-y. Trainez pas trop en route Della Robbia !
- Moi, trainer ? répliqua Odd d'un air innocent.
Les deux amis se levèrent et sortirent du gymnase. Ulrich se rapprocha d'Aelita. Aucun élève n'était encore revenu de sa « mission » de rapatriement de matériel. Sissi, devant se sentir seule, décida d'engager une manœuvre diplomatique auprès d'Ulrich en ignorant royalement Aelita:
- Alors mon chou, ça va toujours aussi bien avec Yumi ?
Jérémie avait un mauvais pressentiment. X.A.N.A. ne laissait jamais rien au hasard. La course jusqu'à l'internat avait été rapide : s’il y avait bien un domaine sportif dans lequel il n'était pas totalement ridicule, c'était le sprint. Avec les attaques constantes depuis le début de l'année dernière, il avait malgré lui développé quelques capacités, qui il devait l'avouer lui étaient bien utiles. Odd et lui passèrent le seuil de sa chambre, et n'eurent même pas besoin de s'approcher de l'ordinateur pour entendre le bruit du Superscan signalant une tour activée. Odd résuma de manière concise la situation:
- Et merde!
- Qu'est-ce qu'on fait ? On va à l'usine en appelant les autres ?
- Nos portables sont au vestiaire... Sauf le mien, je l'avais oublié dans ma chambre !
Il fouilla rapidement ses poches de devant:
- Bon j'ai la clé de notre chambre Einstein. Retourne au gymnase et va chercher Aelita et Ulrich. Je fonce à l'usine et je préviens Yumi en route, elle ne commence qu'à dix heures donc elle doit encore être chez elle!
- Ça marche, je suis armé !
Jérémie s’approcha de l’écran et nota rapidement les coordonnées de la tour. Territoire banquise. Il faudrait qu’il songe un jour à faire des statistiques par territoire, pour voir lequel leur était le plus favorable quand X.A.N.A. attaquait.
Et c'était reparti pour un sprint ! Odd parti vers sa chambre. Jérémie lui fonça vers les escaliers. Il entendit du bruit; quelqu'un descendait les marches et était plus bas que lui. Il ralenti sa course afin de paraître naturel, juste un peu pressé. Il continua, un peu stressé de se faire prendre par Mr. Delmas ou quelqu'un d'autre connaissant l'emploi du temps des élèves par cœur, du genre Yolande. Quand la personne fut dans son champ de vision, Jérémie crut rêver. Descendant les marches avec difficulté, avec un énorme bleu sur la tête, se tenait Jim Morales.
Il analysa la situation. Ce Jim respirait par saccades, été blessé, ce n'était donc pas un clone polymorphe. Mais ça pouvait être une feinte pour qu’il se jette dans la gueule du loup. Il préféra ne pas y penser. Tout ça voulait dire que c'était l'autre Jim le clone polymorphe, et qu'Ulrich et Aelita étaient en danger. Il aurait du s'en douter. Encore une fois, le plan de X.A.N.A. était méticuleusement orchestré. En plus ils s'étaient séparés et avaient facilité les choses à leur ennemi.
- Jim ? Qu'est-ce que vous faites là ? Qu'est-ce qui vous est arrivé ?
- Ah Belpois ! Vous êtes pas au gymnase ? Vous allez peut-être me prendre pour un fou, mais je me suis fait attaquer par moi-même, ou alors quelqu'un qui me ressemble au poil près ! J'ai beau avoir reçu des entraînements spéciaux quand j'étais dans les services secrets, j'ai rien pu faire, il m'a pris par surprise. Par contre pour attacher des gens dans leur chambre, il était visiblement moins doué. On ne me la fait pas, à moi !
- Suivez-moi au gymnase Monsieur, je crois que vous allez avoir votre revanche !
- C’est vrai ? Eh bah il va voir ce qu'il va voir ce satané moi ! Cette fois ça sera un combat à la loyale, et pas de coups par derrière !
Si tu savais Jim, pensa Jérémie, si tu savais.
X.A.N.A. était original dans ces attaques et ces stratagèmes, mais pas dans les personnes dont il prenait le contrôle. Ce qui ne l'avait encore une fois pas empêché de se jouer royalement de leur bande. Aelita aurait du se douter que c'était Jim. Ce qui l'énervait le plus, c'était qu'elle n'avait pas cru Jérémie alors qu'encore une fois des doutes étaient justifiés. "Si y'a une attaque, je pense que vous vous en apercevrez." Le clone avait attendu une minute afin qu'Odd et Jérémie se soient assez éloignés, et avait sans faire les présentations balancé une décharge d'électricité destinée à Ulrich. Seulement, c'était Sissi qui se trouvait sur le chemin de la boule; la pauvre avait à peine eu le temps de crier avant de se faire propulser à plusieurs mètres. Heureusement, elle était bien retombée, et n'avait rien de cassé. Après ça, le clone s'était attaqué à Ulrich et Aelita.
Ulrich tenait tête depuis quelques minutes au clone, en ayant récupéré une barre de métal qui trainait dans le gymnase.
- Aelita, fonce à l'usine ! Odd et Jérémie doivent déjà s'être aperçu que notre copain X.A.N.A. était passé à l'attaque ! T'en fais pas pour moi, j'aime bien les clones.
Seulement, l'intéressé avait des oreilles, et il comprit la manœuvre d'Aelita. Il ne tenta pas de la blesser elle, mais jeta une décharge sur la porte métallique. Tout était calculé: la porte n'avait pas fondu, excepté la poignée; mais elle avait été chauffée par l’énergie de la boule et devait être brûlante. Elle ne pouvait donc être forcée que de l’extérieur, et il faudrait trouver une autre sortie.
Par où pouvait-elle fuir ? Il y avait des fenêtres dans les deux vestiaires, seulement elles étaient au plafond, baignant ainsi les deux salles assez aléatoirement; elles étaient donc difficiles d'accès. Mais en superposant les bancs, il y aurait certainement moyen de les atteindre. Aelita se dirigea vers les vestiaires; Jim anticipa et balança une décharge qu'elle esquiva de peu.
Elle vit Ulrich charger avec la barre. Décidément, tout ce qui pouvait se manier à une ou deux mains se transformait en arme chez lui. Son arme traversa le clone sans lui faire de dégâts, comme souvent. Mais visiblement, Ulrich avait prévu cette situation. Jim, d'un air nonchalant, tenta de s'emparer du guerrier; seulement celui-ci déroba son épaule à la main de son adversaire et le faucha avec ses jambes. Il voulut l'assommer avec son arme improvisée, mais le clone était rapide. Deux secondes plus tard, c’était Ulrich qui se retrouvait au sol en train d'esquiver les coups de Jim.
Aelita était presque arrivée à la porte du vestiaire quand elle entendit des bruits. Quelqu'un essayait d'ouvrir la porte du gymnase. Quelques coups plus tard, Jérémie ouvrait la porte, suivi du véritable Jim, en chair et en os. Il avait l'air prêt à en découdre avec son double maléfique. Visiblement le cône était aussi surpris qu'elle, et Ulrich put reprendre l'avantage en l'envoyant balader d'un coup de pied bien placé. Alors qu'elle faisait le chemin inverse pour venir à la rencontre des deux arrivants, elle entendit la voix d'Ulrich:
- Aelita, attention !
Elle eut à peine le temps de voir la boule d'énergie qui lui était destinée.
- Aelita ? Aelita ? Bon sang, dis quelque chose...
- Ma tête...
Elle avait du être propulsée contre le mur du gymnase; et le clone y avait mit tout son cœur. En tout cas elle avait encore du mal à mettre de l'ordre dans ses idées. Jérémie l'avait emmenée à l’abri dans le vestiaire des garçons, et avait sorti son ordinateur portable afin d'obtenir plus de détails sur l'attaque de X.A.N.A. Il s’avérait qu’il réussissait quand même à capter quelque chose à partir des vestiaires.
- Ça va un peu mieux ?
Jérémie et son sens de l’observation. Elle sourit faiblement:
- Comme quelqu'un qui vient de se prendre une décharge d'électricité.
Elle voulu se lever, mais sa tête lui fit payer son effort. Jérémie la soutint et l'aida à tenir debout. Elle se sentait mal, mais il fallait aller à l'usine au plus vite.
- Où en sont Ulrich et Jim ?
- Ils sont en train d'occuper le clone. Tu vas pouvoir marcher ?
- Mon mal de tête commence à passer... Je veux bien que tu m'aides, mais il faut que je reste encore assise quelques minutes.
- Prends ton temps, en attendant je vais te montrer un nouveau joujou.
Jérémie rangea son ordinateur dans son sac de sport et sortit autre chose.
- J'ai travaillé sur un modèle réduit de la bombe qu'Ulrich avait expérimentée sur Mr. Delmas possédé. Ce modèle est évidemment beaucoup moins puissant, il ne devrait mettre hors-service un xanatifié uniquement pendant cinq minutes, sept ou huit avec de la chance. Par contre je ne sais pas quel effet ça peut avoir sur un clone. Normalement ça devrait le disperser entièrement, étant donné qu'il n'y a pas de corps humain pour le protéger un minimum.
Il eut l’air très fier de lui en sortant une espèce de petite télécommande de sa poche:
- Et ça, c'est le détonateur. Viens maintenant, je pense qu’on va pouvoir tester mon invention sur le faux Jim.
Si Jérémie était aussi bon en sport qu'il n'était créatif, il serait déjà champion olympique. Mais à vrai dire, dans leur lutte contre X.A.N.A. il valait mieux qu'il sache créer des bombes. Aelita se releva non sans difficultés, mais cette fois sa tête ne l'en empêcha pas. Elle passa son bras sur l'épaule de Jérémie, et tous les deux sortirent du vestiaire.
Jim et Ulrich maintenaient le clone à distance et lui tournaient autour. D'une certaine manière, ils avaient réussi à adopter une stratégie de combat commune: dés que le clone tentait une manœuvre contre l'un des deux, l'autre de jetait sur lui par derrière en assénant un coup de barre de fer. Bien que cela ne l’affecte pas, le clone changeait à chaque fois de cible, ce qui pour l'instant convenait très bien. Mais Aelita savait qu’ils ne pouvaient pas tenir indéfiniment.
Comme pour confirmer ses pensées, le clone les aperçut sortant du vestiaire, et ils étaient visiblement des proies plus intéressantes. Il regarda ses deux adversaires, et forma deux boules d'énergies qui leur étaient destinées. Aelita cru qu'ils allaient y passer, mais Ulrich esquiva habillement d'un bond sur le côté; son arme fut néanmoins envoyée balader. Jim, qui avait tenté la même chose, eu moins de réussite et fut touché de plein fouet. Le clone se retourna vers Aelita et Jérémie et s'élança dans leur direction, mais Ulrich, qui n'était pas hors-service, lui fit un croche-pied avec un poteau de volleyball, légèrement plus lourd. Le clone, alors qu'il était à terre, saisit celui-ci avec une agilité et une force impressionnantes, et l'envoya vers eux, avec le samouraï en bonus. Jérémie se jeta à terre, et Aelita ne put qu'assister impuissante au crash du poteau contre la porte du vestiaire, et d'Ulrich contre eux. C'était ce qui s'appelait faire d'une pierre deux coups.
Elle avait reçu le pied d'Ulrich en plein front, ce qui n'était vraiment pas pour stopper son mal de tête qui avait à peine commencé à se calmer. X.A.N.A. devait bien rigoler en les voyant tous les trois pêle-mêle. Le samouraï se releva:
- Bon sang, ils sont toujours plus coriaces ces machins !
Aelita senti la main de Jérémie l'aider à se relever; elle se prépara à subir un nouvel assaut de leur ennemi. Pourtant, le clone ne s'occupait plus d'eux. Il se dirigea vers Jim, qui reprenait connaissance, et l'assomma à nouveau.
- On dirait qu'il attend quelque chose...
Et le quelque chose arriva, noir et silencieux, au désespoir de Jérémie:
- Oh non, on n'a franchement pas besoin de deux adversaires !
Ulrich semblait réaliser aussi:
- Le spectre va prendre le contrôle du vrai Jim ? Super, comme si un seul suffisait pas !
- Et si tu utilisais ta bombe Jérémie, proposa Aelita, je pense que c'est le bon moment.
- Venez vous deux, on va dans le vestiaire et on leur balance mon petit bébé à la figure, ça devrait les calmer !
Alors qu'ils ouvraient la porte, le vrai Jim poussa un faible gémissement, signe que X.A.N.A. venait de prendre possession de lui. Jérémie posa son sac par terre et dégaina sa mini-bombe. Il sortit son émetteur de sa poche.
- Maintenant, on les attend.
Le vrai Jim se releva, plus en forme que jamais. Aelita recula un peu plus dans le vestiaire. Deux Jim enragés étaient quand même assez impressionnants. Les intéressés s'élancèrent en direction du vestiaire à une vitesse alarmante.
- Jérémie, qu'est-ce que tu attends, lance-leur la bombe !
- Attends un peu... Rapprochez-vous encore... Allez... Maintenant !
Alliant le geste à la parole, le jeune génie lança sa bombe, ferma la porte en fer et appuya sur le détonateur. Pendant quelques secondes qui leur semblèrent interminables, ils attendirent en silence.
- Je pense que mon joujou a fait son effet les amis ! se réjouit Jérémie.
Aelita allait le féliciter quand il poussa un cri et s'éloigna d'un bond de la porte. La raison était simple, elle avait brusquement chauffé et fondu légèrement.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?
- Les deux Jim ont du balancer des décharges d’électricité sur la porte juste avant que ma bombe n'explose... Du coup on est pris au piège, on peut plus sortir !
- Pas totalement, répondit Ulrich en saisissant son poteau, on va passer par le haut.
- Comment tu comptes t'y prendre ? demanda Jérémie d'un ton sceptique.
- Facile: étape 1, je détruis la fenêtre juste au-dessus de nous pour créer notre sortie, et étape 2, je... Euh, on improvise ?
- J'aime les plans comme ça.
- On n'a pas trop le choix Jérémie !
Il y avait deux banquettes scellées dans le béton au milieu du vestiaire, baignées de la lumière de la fameuse fenêtre qui représentait leur seul moyen de salut. Ulrich n'eut pas beaucoup de mal à appliquer l'étape 1 de son plan. Il monta sur les banquettes, situées juste en-dessous de la fenêtre, et en quelques coups de barre expulsa celle-ci qui du atterrir un peu plus loin sur le toit.
- Bon, maintenant on applique l'étape 2, on improvise...
Il regarda les banquettes, puis l'ouverture qu'il avait créée, et eut un sourire mystérieux.
- Je crois que j'ai une idée de fou.
Il cala la barre métallique entre les deux banquettes, de manière à ce que son arme improvisée ne puisse plus bouger.
- Souhaitez-moi bonne chance.
Aelita vit la scène au ralenti, comme dans un film. Ulrich recula légèrement et sembla hésiter un instant. Il prit son élan, se propulsa de son pied gauche sur les banquettes, prit appui sur celles-ci avec son pied droit, et entama une montée de la barre, qui était presque à la verticale. La barre ploya mais soutint le poids du collégien, qui put, avant de perdre l'équilibre, s'accrocher au bord de l'ouverture qu'il avait créée. Seulement, après la pression exercée sur la barre qui l’avait fait se torde, celle-ci fit le chemin inverse, afin de retrouver sa position initiale. Et sur ce chemin se trouvait l'entrejambe d'Ulrich. Aelita eut sincèrement mal pour lui. Ne lâchant pas prise, le samouraï avait poussé un cri certainement beaucoup plus aigu qu'il ne l'aurait souhaité, mais il s’était malgré tout hissé sur le toit.
Elle était impressionnée par ce qu'il venait de faire, mais la tête de Jérémie méritait vraiment le détour. N'importe quel serpent aurait été jaloux de l'actuelle ouverture de la mâchoire du génie.
- Bon Romeo et Juliet, vous comptez vous faire griller par deux Jim en furie ?
Jérémie revint à la raison:
- Toi d'abord Aelita, je te fais la courte-échelle, Ulrich devrait pouvoir t'attraper.
Ils montèrent tous les deux sur la banquette. Jérémie souleva non sans difficultés Aelita, qui réussit à attraper la main d'Ulrich, réussissant lui plus facilement à la faire monter sur le toit. Arrivée à l'extérieur, elle se permit de se reposer un peu. Cet effort court et intense lui avait encore une fois relancé son mal de tête. Ulrich vint aux nouvelles:
- Ça va pas Aelita ?
- Un petit mal de tête, ça devrait passer. Tu as une idée de comment on va sortir Jérémie ?
- Je pense qu'on va utiliser la barre...
- Mais il ne va pas faire la même chose que toi ?
- S'il le pouvait ça serait génial, mais j'ai une meilleure idée pour lui. Par contre il faudrait que tu m'aides.
Elle se releva et revint près de l'ouverture. Jérémie devait se demander comment il allait sortir.
- Bon Einstein, dit Ulrich, tu vas me passer la barre. Tu vas la prendre à la main et Aelita et moi on va te monter, ok ?
- T'es sûr que ça va marcher ?
- Ça, ça ne dépend que de toi !
Jérémie souleva la barre et la tendit à Ulrich.
- Bon t'es prête Aelita ? À trois on tire. Un... Deux... TROIS !
Le mal de tête reprit Aelita, mais elle tint bon. Jérémie s'accrochait vaillamment à la barre qui montait lentement mais sûrement. Au bout d'un moment, Ulrich put saisir la main du génie et l'aider à monter. Aelita ne lâcha pas la barre; elle les avait bien aidés aujourd'hui, et pourrait peut-être encore servir.
- Et maintenant comment on descend les garçons ? Il n'y a pas de lance à incendie comme sur le toit du collège.
Ce fut Jérémie qui proposa la solution:
- Et si on descendait par le tuyau de la gouttière ?
Aelita s'approcha du bord, suivie par ses deux amis. La gouttière n'avait pas l'air neuve, mais elle ferait l'affaire. Enfin elle l'espérait.
- Je vais vous laisser passer d'abord, ça me fait un peu peur tout ça...
Ulrich n'avait pas l'air plus vaillant:
- Ben Einstein si tu voulais bien passer en premier... Tu sais, le temps que je me fasse à mon vertige... Et après tout c’est toi qui as eu cette idée, non ?
- Super, j’ai toujours été un spécialiste de la descente de gouttières !
Aelita regarda Jérémie, qui à son étonnement, s'en tira honorablement. Il eut un peu de mal à se laisser pendre à la gouttière, mais ensuite, il s'accrocha facilement au tuyau et se laissa tomber le long de celui-ci.
- Allez Ulrich, lança-t-il d'en bas, si je l'ai fait tu dois pouvoir le faire !
- Parle pour toi, marmonna l'intéressé.
Il s'agenouilla et prit une inspiration profonde. Il tremblait très visiblement, mais ses mouvements étaient tout de même maîtrisés. Il resta quelques secondes dans le vide avant de se décider à s'accrocher au tuyau. Il entama la descendre de celui-ci; seulement, à un quart du trajet, le tuyau se fissura, menaçant de céder, ce qui paralysa Ulrich. Il s'accrochait au boyau de métal comme si sa vie en dépendait.
- Ulrich, il faut que tu descendes rapidement, cria Jérémie, si tu restes sur ta position tu vas tomber avec le tuyau !
Lentement, très lentement, Ulrich se laissa glisser, en gardant les yeux fermés et les dents serrées. Le tuyau de fendit encore un peu plus, formant une jolie entaille. Finalement le samouraï vertigineux parvint à mettre pied à terre, et s'allongea:
- Dire que je pensais que ce foutu vertige passerait... Pourquoi je peux pas être, je sais pas... Intolérant au lactose ? Ou un truc inutile dans le genre !
- C'est pas très héroïque de ne pas pouvoir boire du lait, fit remarquer Jérémie.
C'était à Aelita. Son mal de tête s'estompait, mais c'était à la fatigue liée à ses nuits peu réparatrices de prendre le relais. C'est trop tard pour t'en vouloir ma jolie, tu te blâmeras quand tu auras désactivé la tour.
Elle faillit chuter dès le début. C'était forcément elle qui devait prendre appui sur un des seuls endroits encore glissants de la gouttière. Atteignant le tuyau, la gardienne de Lyoko fit une pause. Encore une brillante idée, remarqua-t-elle, faire perdre du temps à mes amis et m'épuiser encore plus sans progresser. Ses bras ne lui répondaient pas aussi bien qu'à l'accoutumée, comme si tout son corps se liguait contre elle pour qu'elle se blesse absolument; ses muscles la brûlaient atrocement, entrant dans une sorte de rébellion, de mutinerie.
Tout d'un coup, elle entendit des pas. Et un bruit rauque. Bad Jim apparut à l'autre extrémité du mur, plus décidé que jamais à en finir avec eux. Aelita vit Ulrich se relever:
- Ça, c'est pour moi. J'ai une revanche à prendre. Allez rejoindre Odd et Yumi à l'usine, moi je vais essayer d'occuper Super Jim en l'éloignant le plus loin que je peux.
Il leva son regard:
- Euh Aelita... Tu pourrais me passer le poteau de volley ? Je crois que je m'y suis attaché!
- Tu veux te battre avec un truc aussi lourd ?
- J'ai pas vraiment le choix...
La barre était sur le toit, juste à côté de la gouttière, c'est-à-dire à quelques centimètres d'Aelita. Elle s'agrippa fermement d'un bras contre ladite gouttière et tendit l'autre vers l'objet de sa convoitise et donna un petit mouvement à celui-ci, qui bougea légèrement. Elle donna un nouveau coup et regarda l'arme improvisée basculer lentement du toit; seulement, elle ne vit pas l'autre extrémité de cette même arme qui vint juste avant de quitter le toit du gymnase heurter son crâne en guise de remerciement, ce qui faillit lui faire lâcher prise.
Décidément, il y avait des jours comme ça...
- Rien de cassé princesse ? Merci en tout cas, maintenant taïaut !
L'ange rose vit son ami s'éloigner de Jérémie afin d'aller défier leur professeur d'E.P.S. Ulrich se jeta sur lui sans perdre une seconde, ce qui surprit Jim qui fut obligé de battre en retrait. Le samouraï se battait comme un démon et ne laissait aucun répit à son adversaire, qui malgré lui s'éloignait de son but.
De rage, avant qu'il ne soit forcé à aller combattre dans la forêt, Aelita vit le xanatifié balancer une décharge d'énergie dans sa direction. Mais elle ne pouvait rien faire, son corps ne répondait plus; elle était collée au tuyau. La boule s'écrasa contre la gouttière, à moins d'un mètre d'elle. Le choc la secoua, et elle sentit une affreuse douleur à sa hanche. Son T-shirt rose avait été à moitié déchiré du côté droit, et s'était accroché à la fissure dans le métal créée par Ulrich, fissure dont Aelita se servait également de sa main droite pour ne pas tomber. Alors qu'elle pensait être en quelque sorte tirée d'affaire, le trou commença à s'agrandir, le métal ne supportant pas son poids.
- Jérémie, je crois que je vais tomber...
Encore une remarque pertinente, tiens.
Pendant le bref instant que dura sa chute, elle put ressentir le bonheur intense que lui avait procuré le relâchement de ses différents muscles. Il faudrait vraiment qu'elle fasse plus de sport une fois qu'ils auraient éliminé X.A.N.A.
Elle s'attendait presque à se briser la nuque en atterrissant, mais heureusement Jérémie réussit à la rattraper. Enfin, disons que pour une personne comme Jérémie, ce qu'il venait de faire n'était pas mal.
Le petit génie avait tendu ses deux bras afin de la rattraper, et au moment où elle était entrée en contact avec ses mains, il avait tenté d'accompagner son corps vers le bas, tout en contractant ses muscles pour ralentir la chute. Seulement, Jérémie n'était pas Jim, et elle avait de ce fait eu le droit à une belle douleur dans le dos et, une fois de plus aujourd'hui, à la tête.
Aelita commençait à en avoir marre de cette journée.
Elle avait une étrange sensation, comme si tout d'un coup elle avait plus froid qu'avant; elle avait une conscience aiguë des mains maladroites de Jérémie qui l'entouraient. Alors qu'elle rouvrait les yeux, elle vit la face rouge tomate de l'intéressé. Il essayait de dire quelque chose mais n'y arrivait pas. Levant les yeux vers la gouttière, elle vit les dégâts qu'elle avait fait au tuyau... Et les lambeaux de son T-shirt de sport rose.
À vrai dire, Aelita avait commencé à s'attendre à tout pendant cette journée qui allait toujours en empirant. Mais finir en soutien-gorge dans les bras de Jérémie après avoir fait une chute lamentable, ça non.
- Euh Jérémie, tu n'aurais pas un pull ou un T-shirt de rechange ? J'ai un peu froid comme ça...
- Je... je, oui bien évidemment... ça... sûrement... tout de suite!
Et le cerveau du groupe plongea sa tête dans son sac, bien content de pouvoir momentanément cacher sa gêne. Aelita se sentait gênée aussi, et bizarrement elle s'en voulait. Il était vrai que la relation qu'elle entretenait avec Jérémie était plutôt du genre platonique, et donc assez peu commune, surtout à leur époque. Enfin étaient-ils vraiment un couple ? Elle aurait tant aimé pouvoir l'affirmer. Elle hésitait toujours à lui avouer ses sentiments; plusieurs fois Jérémie s'était montré peu habile avec elle, presque froid et distant... Et pourtant, elle sentait qu’il y avait quelque chose de plus fort que de l’amitié entre eux deux.
Aelita avait une facilité déconcertante à se perdre dans ses pensées aux moments les plus critiques. Tout ça pour se réprimander du fait de se sentir gênée d’être en soutien-gorge devant ce benêt. Ses quelques secondes de divagation avaient permit à Jérémie de dégoter un T-shirt. Il eut un sourire gêné:
- Désolé, il est blanc; je suis pas très porté sur le rose...
- T'en fais pas, j'en ai plein d'autres. Après tout je suis une fille, lui dit-elle en lui rendant son sourire. Mais il ne faut pas perdre de temps, Odd et Yumi doivent déjà être sur place !
- En parlant d’Odd, faudrait éviter de lui parler de cet euh… incident ; ça serait pas judicieux de lui donner plus de matière à vannes foireuses…
- Je suis si moche que ça ? ironisa Aelita.
Jérémie devint à nouveau rouge :
- Mais non pas du tout, c’est pas ce que je voulais dire, je…
- Je te taquine. Allez, viens !
Et tous les deux, ils empruntèrent le trajet qu'ils avaient fait un nombre de fois qu'ils ne comptaient même plus vers l’usine désaffectée, et une fois de plus, Jérémie tapa le code du monte-charge qui les amena à la salle de commande.
Odd était affalé nonchalamment dans le fauteuil de la salle, et les accueillit avec sa bonne humeur qui ne le quittait jamais:
- Je commençais presque à m'ennuyer sans vous ! Qu’est-ce que vous avez fait tous les deux, hein ?
- On a fait ce qu'on a pu, répondit Jérémie qui essaya de ne pas s’empourprer, mais on a eu le droit à un clone de Jim plus le vrai Jim xanatifié, on te racontera après !
- Je suppose qu'Ulrich est resté combattre les deux... Il va y arriver ?
- Jérémie a sûrement dispersé le spectre avec sa mini-bombe, lui expliqua Aelita, mais on est sûrs de rien ! Mais ça laisse quand même un xanatifié contre lui.
- Raison de plus pour s'activer; de mon côté je me suis pas tourné les pouces en vous attendant: la tour est sur le territoire banquise, on y a souvent le droit !
- Sauf que je le savais déjà, j’ai regardé dans ma chambre. Mais c’est gentil. Filez à la salle des scanners vous deux, je vais prendre le relais. Des nouvelles de Yumi ?
Odd se retourna avant de rejoindre Aelita dans l'ascenseur:
- Elle devrait arriver dans moins de cinq minutes; elle a juste eu à expliquer à ses parents qu'elle allait réviser chez une amie.
L'ascenseur se referma et entama sa descente. Odd observa Aelita:
- Mais... T'avais pas un T-shirt rose quand on est partis avec Jérémie ?
- Euh, j'ai du le changer... Je te raconterais.
Le félin virtuel haussa un sourcil mais laissa filer.
- Et c'est reparti pour une petite balade de santé sur Lyoko !
Aelita entra dans un des scanners et attendit. Les parois se fermèrent, et elle senti comme d'habitude son corps se soulever en tournant lentement sur lui-même; tout s'illumina, chauffa... Et puis elle était sur Lyoko.
Elle connaissait cet endroit de la banquise; le tunnel descendait à plusieurs dizaines de mètres de dénivelé et faisait plusieurs centaines de mètres de long. Elle l'adorait.
La voix de Jérémie raisonna:
- Vous avez le droit à un joli comité d'accueil. X.A.N.A. vous envoie dix Kankrelats et trois Mégatanks !
Effectivement, ils avaient atterri à quelques dizaines de mètres du tunnel, derrière un rocher de glace, mais Aelita avait pu apercevoir leurs adversaires.
- Bon princesse on fait comment ? Je pense que ça serait pas mal que j'essaie de les occuper pendant que toi tu passes dans le tunnel. En plus les Mégatanks ne s'y risqueraient jamais.
- Odd, pas de risques insensés, le réprimanda Jérémie, si t'es dévirtualisé, Aelita sera seule face à la Méduse et à William !
- A t'entendre on en oublierait presque que j'ai des ailes et mes champs de force, répondit l'intéressée.
- Tu sais quoi Jérémie ? demanda Odd, envoie-moi ma bécane. J'embarque Aelita derrière moi, je fonce vers le tunnel, je l'y jette et j'occupe les monstres. C'est un bon plan, non ?
- C'est totalement kamikaze oui, fit le génie.
Mais Aelita savait qu'Odd avait raison:
- Jérémie, si on fait autrement, on va devoir faire face aux trois Mégatanks, on risque d'avoir beaucoup de mal à esquiver leurs tirs!
- Sans compter les Kankrelats, ajouta Odd, même s'ils visent aussi bien qu'Ulrich les yeux bandés en équilibre à dix mètres de hauteur !
- Soit, mais j'espère que vous allez bien vous en sortir. L'Overboard est prêt.
Le félin grimpa dessus, et invita Aelita :
- En voiture princesse !
- Ça va le faire Odd ?
- Eh, t’es quand même pas en train de remettre en cause le talent d’Odd le Magnifique ?
Aelita se plaça derrière l'estomac sur pattes, et ils s'envolèrent à la verticale, toujours couverts par le talus de glace. Odd tourna la tête:
- Tu ne vas quand même pas leur passer devant le nez sans leur balancer un ou deux champs de force ?
- Pourquoi est-ce que je gâcherais une occasion de saluer nos amis comme il se doit ?
- Au fait Odd, intervint Jérémie, tu as 5000 flèches à ta disposition, donc fais-toi plaisir !
- T'es génial Einstein ! Faudrait que tu prennes cette habitude plus souvent au passage !
- Quoi ? De te recharger avant le combat ou d'être génial ?
- Euh, les deux ! répondit l'homme chat en rigolant.
- Tss, qu'est-ce qu'il faut pas entendre ! En attendant c'est pour aujourd'hui ou pour demain votre opération suicide ?
- Laisse-nous le temps de savourer, dans trente secondes y'aura plus de monstres !
Aelita se concentra. Elle sentit l'énergie affluer dans sa main gauche, et un champ de force se forma, prêt à éliminer un monstre de X.A.N.A.
- Maintenant, on peut y aller, dit-elle.
Les deux Lyoko-guerriers sortirent de leur cachètent et se lancèrent au combat.
Ils furent repérés tout de suite par leurs adversaires. Odd esquivait les tirs en changeant constamment de direction et en restant en altitude, ce qui empêchait les Mégatanks d'être utiles; cela rendait aussi la visée plus difficile, et Aelita dut s'y reprendre à trois fois avant de toucher un Kankrelat. Le félin en élimina trois autres en arrosant généreusement de flèches les gardiens improvisés du tunnel.
- Bon maintenant on y va, je fonce et tu te jettes dans le tunnel !
Ils se dirigèrent tous les deux vers le groupe adverse. Par excès de confiance, Odd vola légèrement trop bas, ce qui permit à un Mégatank de toucher l'Overboard. Aelita fut atteinte par un tir au bras pendant sa chute, mais elle put faire une roulade en présentant d'abord son épaule, comme au judo, et se retrouva rapidement sur ses appuis. Elle entendit la voix de Jérémie:
- Il te reste 80 points de vie Aelita !
Elle détruisit un Kankrelat, esquiva un tir de Mégatank et s'élança dans le tunnel.
Pendant ce temps-là, Odd avait fait la même roulade, shooté avec son pied un Kankrelat qui avait disparu dans une crevasse et commencé à semer la pagaille chez les monstres.
Cette sensation de vitesse et de liberté que procuraient les tunnels du territoire banquise était inégalable. Aelita était grisée à chaque fois, bien qu'elle ait une tour à désactiver. Ce qui l'étonnait, c'est qu'elle n'éprouvait aucunement ce besoin de sensations fortes sur Terre, alors que sur Lyoko elle n'hésitait pas à faire un léger détour pour pouvoir s'amuser un peu. Elle n’allait pas jusqu’à mettre en péril la mission, mais si elle avait le choix entre deux chemins elle se faisait plaisir. En même temps, il y avait très peu de tunnels de glace en région parisienne.
La fin de sa petite attraction arriva abruptement, mais elle était préparée. Elle se sentit en apesanteur pendant quelques secondes, fit une pirouette en l’air et activa ses ailes pour se poser en douceur.
- Jérémie, des nouvelles d'Odd ?
- Il vient de se faire dévirtualiser le bougre ! Pour la peine il va pouvoir aller porter main forte à Ulrich. Mais il a quand même fait du bon boulot.
- Il y a encore des monstres à mes trousses ?
- Je sais pas comment il s'est débrouillé pour se débarrasser des trois Mégatanks, mais en tout cas eux t'as plus à les craindre ! Trois Kankrelats devraient te rejoindre d'ici peu, le dernier a été détruit par Odd.
- Je les attends ! Et de mon côté, pas de monstres ou de William en vue ?
- Pas pour l'instant ! Mais sois quand même prudente, j'aime pas quand t'es seule comme ça sur Lyoko...
Son petit génie se faisait vraiment trop de soucis, mais ça lui faisait plaisir de savoir que quelqu'un tenait à elle.
- Je le serai Jérémie.
Du bruit commençait à se faire entendre venant du tunnel. Aelita prépara un champ de force. Le premier Kankrelat sorti en tournoyant sur lui-même, et fut abattu en l'air.
Le deuxième arriva trop rapidement, et elle n'eut pas le temps de préparer un autre champ de force. Elle décida de faire ce qu'Odd et Ulrich faisaient quelques fois avec ces bestioles, à savoir du football. Alors que la bête s'approchait, elle arma son pied gauche, et quand elle fut à portée, le balança en avant. Elle échoua lamentablement. Heureusement, le Kankrelat avait eu la présence d'esprit de prendre trop de vitesse et alla s'écraser contre le mur de glace derrière elle. Malgré son tir raté, ça faisait 2-0.
Elle décida d'innover pour le dernier monstre. Elle prépara deux champs de force, comme si elle allait se protéger d'un tir de Mégatank. Le troisième Kankrelat déboula comme son prédécesseur. Aelita se décala afin d'être dans sa trajectoire, et leva ses deux mains pour l'intercepter. Le monstre de X.A.N.A. fut découpé en deux et disparut.
- Super boulot ! Maintenant t'as plus qu'à foncer vers la tour, avec tes ailes t'en as pour quelques minutes ! Je me demande bien ce que peut faire Yumi...
Aelita se retourna, et entama un contournement de la paroi de glace. Alors qu'elle commençait à se dire que c'était bientôt terminé, Jérémie la prévint:
- Aelita, mauvaise nouvelle, t'es plus toute seule !
Mais c'était trop tard. Elle avait à peine eu le temps d'entendre le bruit atroce qu'elle fut soulevée. Elle s'était jetée à pleine vitesse dans les bras de la Méduse.
Comme à chaque fois que la Méduse l'attrapait, elle perdait tout contrôle de son corps et de ses sens. La seule chose qui lui restait était son esprit, dernière barrière contre l'emprise de X.A.N.A. Et comme à chaque fois, elle s'en voulait d'être aussi stupide. Mais là, elle avait vraiment fait fort. Yumi et Ulrich n'étaient pas là, Odd était dévirtualisé, et Jérémie ne pouvait rien faire, ce qui voulait dire qu'encore une fois elle allait servir de pion à X.A.N.A. et cette fois, elle allait vraiment se jeter dans la Mer Numérique.
Elle voulait hurler, pleurer, s'enfuir, s'envoler, mais elle ne pouvait rien faire. La sensation que quelque chose s'insinuait dans son esprit était insupportable. Elle voulait résister, mais ses pensées étaient brouillées par la présence étrangère.
Elle se sentait faiblir. Petit à petit, elle perdit conscience.
Comment s'appelait-elle ? Elle ne se rappelait plus.
Pourquoi combattait-elle ? Une cause perdue. Sauver le monde, sérieusement ?
Ne devrait-elle pas mieux abandonner ?
Non... Il y avait quelque chose de mieux.
X.A.N.A.
Oui... Lui avait le pouvoir... N'était-il pas le plus puissant ? Il fallait empêcher ces misérables humains de lui bloquer son accession au pouvoir. Asservir l'Humanité.
Tout d'un coup, elle retrouve la vue. Elle s'écrase par terre, face au sol. Elle se relève difficilement, tandis qu'une silhouette noire et floue se déplace dans son champ de vision. Sa mémoire revient et sa vue se clarifie.
Elle s'appelle Aelita Schaeffer. X.A.N.A. est un programme multi-agent dangereux et elle le combat depuis plus d'un an avec ses amis. Et la personne à qui elle doit son salut en fait partie et s'appelle Yumi Ishiyama.
La japonaise, ayant repoussé la Méduse, se rapprocha d'Aelita:
- J'ai eu peur d'être arrivée trop tard. C'est vraiment une plaie ce monstre !
- Merci Yumi, j'ai cru que j'allais encore une fois servir de pion à X.A.N.A...
- J'ai fait au plus vite. Jérémie m'a limite agressé quand je suis arrivée dans la salle de commande, du coup j'en ai déduit que c'était assez urgent.
- Ouais désolé Yumi, répondit le cerveau du groupe, j'aurai pu te donner quelques explications, j'ai pas été très diplomate...
- T'inquiètes Einstein !
- Et puis on commence à être habituées, ajouta Aelita d'un air innocent.
- Eh!
- Je plaisante Jérémie. Mais il ne faut pas perdre de temps, Ulrich et Odd sont sûrement encore aux prises avec Jim et le clone de X.A.N.A. !
- Je vous envoie l'Overwing les filles, vous en avez plus pour longtemps après.
Quelques secondes plus tard, les deux combattantes se retrouvaient à planer au-dessus du territoire banquise, fonçant vers la tour activée. Elles aperçurent rapidement le halo rouge qu'elles connaissaient si bien.
- Vous devez avoir la tour en visuel. Vous allez être accueillies par William et deux tarentules. Je suis le plus mal placé pour vous mettre la pression, mais va falloir assurer.
- On va faire ce qu'il faut, répondit Yumi, qui essayait visiblement de cacher une légère tension.
Elles étaient maintenant face à la tour, séparées de celle-ci par une quelques dizaine de mètres. Les tarentules les accueillirent à bras ouverts - et tirants des lasers -. Malgré le fait qu'elles se rapprochaient, Yumi esquivait facilement les tirs des monstres sur son véhicule.
- Même à courte distance elles sont incapables de viser juste. Je suis sûr que même Ulrich serait meilleur qu'elles ! Prête à engager le combat face à William ?
Fonçant vers la tour, les deux filles sautèrent de l'Overwing qui continua sa course en quelques tonneaux et détruisit l'une des deux tarentules. William lui avait facilement esquivé cette première attaque frontale, et faillit dévirtualiser Aelita dès le début en balançant une salve d'énergie; elle n'était encore sur Lyoko que grâce à un réflexe assez chanceux qui l'avait fait se plaquer au sol à la dernière seconde. Yumi gratifia la deuxième tarentule de ses deux éventails, tandis que le lieutenant de X.A.N.A. faisait appel à sa manta noire habituelle et prenait de l'altitude.
- Maintenant il ne reste plus que William, fit Jérémie. Yumi, tu devrais essayer de l'occuper pendant que’Aelita va désactiver la tour !
- C'est trop prévisible Einstein, répondit la japonaise. William est une tête brûlée prétentieuse, mais ça ne l'empêche pas d'être intelligent. Et puis c'est pas comme si on tentait le coup à chaque fois !
L'intéressé, un sourire froid barrant son visage, semblait attendre que ses adversaires bougent, en les toisant du haut de la tour où il campait. Aelita ne réussissait pas à cerner le lieutenant de X.A.N.A. Une fois il expédiait leur bande hors de Lyoko en deux temps, trois mouvements et une autre il prenait beaucoup trop son temps en voulant faire durer le plaisir; ce qui lui valait souvent une défaite.
- A deux contre un on devrait pouvoir s'en tirer, ajouta la gardienne de Lyoko.
- Tu peux me reprogrammer l'Overwing Einstein ? demanda Yumi. J'aimerais pas être la seule à terre si William et Aelita font joujou dans les airs.
- J'y travaille depuis que tu l'as détruit figure-toi ! Il arrive dans deux... Ah bah tout de suite.
La japonaise sauta sur son véhicule. William semblait légèrement contrarié qu'elle soit de nouveau capable de s'envoler et donc de l'embêter, mais il n'avait cependant pas bougé de son poste d'observation.
Yumi et Aelita partirent chacune de leur côté. Le bras droit de X.A.N.A. prit naturellement Aelita en chasse, mais elle l'avait prévu. En l'air, il était beaucoup moins précis avec son Zanbatô; il n'était néanmoins pas à sous-estimer. La gardienne de Lyoko fit un virage à 180 degrés afin de laisser son adversaire le dépasser et laisser le champ libre à Yumi et ses éventails. C'était une technique qu'elles utilisaient souvent toutes les deux, elle était particulièrement efficace contre les Frelions. Seulement, William était beaucoup plus proche que ce qu'elle n'avait prévu; elle voulut faire une manœuvre pour l'esquiver, mais n'en eut pas le temps. L'immense épée découpa ses ailes en effleurant son dos. Aelita, après une chute digne d'un film d'action grand public, se retrouva au sol à quelques mètres de la tour. Même sur Lyoko, le sort s'acharnait à lui anéantir sa boîte crânienne.
La manta noire, encore très haute, avait fait un trois-quart de tour et fonçait vers elle, William l'arme levée. Yumi l'aida à se relever, et s'éleva dans les airs avec son Overwing pour contrer l'assaut. Elle fonça vers la manta et envoya ses deux éventails. Aelita comprit trop tard la manœuvre de William.
Tout se passa extrêmement vite. Il sauta de sa manta, détourna les deux éventails avec sa protection au bras gauche, et découpa Yumi et son véhicule en deux. Il avait donc le champ libre, et elle n'avait même pas eu le temps de bouger. En une fraction de seconde, elle se retrouva une fois de plus plaquée à terre - elle décida d'en abandonner le compte -, mais cette fois avec un fou furieux au-dessus d'elle.
Il lui fallait une idée, et vite. William l'empêchait de bouger ses jambes et son corps, mais elle avait encore ses bras de libres. Ils étaient proches. Très proches. Il fallait bluffer. Son adversaire fit apparaître un nuage de Supersmoke dans le creux de sa main, après avoir fait disparaître son épée. Elle agrippa les cheveux du brun ténébreux pour qu'il ne puisse pas bouger sa tête, et lui colla un baiser sur sa bouche.
Ce qui produit l'effet désiré : surpris, William tenta de s'extraire. Mais Aelita ne lui laissa pas le temps de se ressaisir et lui colla un champ de force de sa main gauche en plein dans le ventre. Pendant qu'il se désintégrait à partir des pieds, elle pu lire dans ses yeux un mélange assez amusant d'incompréhension, de haine à l'état pur et de frustration totale.
Elle se releva et prit quelques secondes pour souffler.
Elle était encore étonnée de ce qu'elle venait de faire. Ce n'était pas très conventionnel; utiliser l'amour pour faire la guerre. Somme toute assez ironique comme finalité. Loin d'en faire une nouvelle arme, elle était au moins sûre d'une chose : elle n'aimait pas William Dunbar. Bien qu'il n'y ait pas de sensations physiques sur Lyoko, Aelita était sûre de n'avoir rien ressenti; c'était purement... Tactique ?
- Aelita ? Tu t'es débarrassée de William ! Quand j'ai vu son point foncer vers le tiens, j'ai cru que tout était perdu... Comment t'as fait ?
Elle eut presque un rire nerveux:
- Si tu savais Jérémie ! On va dire que c'était pas très conventionnel...
- Est-ce qu'il y a vraiment des conventions sur Lyoko de toute façon ?
- Pas vraiment je te l'accorde ! Je file dans la tour.
Bien contente de ne pas avoir à détailler sa victoire, elle pénétra à l'intérieur de l'édifice au halo rouge et arriva au milieu du sigle de X.A.N.A., en ayant eu le droit aux habituelles notes que faisait chaque anneau. Elle se sentit ensuite attirée vers le haut, et décida pour changer de faire deux pirouettes en l'air. Elle arriva sur la deuxième plateforme, et l'interface habituelle fit irruption. Elle posa sa main.
Aelita.
Code ?
Lyoko.
Les données tombèrent, et elle se retrouva dans l'obscurité.
- C'est bon Jérémie, tu peux lancer le Retour vers le Passé.
Le blondinet tapa encore quelques commandes.
- C'est bon pour Ulrich et Odd au fait, ils viennent de m'envoyer un message. Retour vers le Passé !
Jérémie avait programmé le Retour vers le Passé peu après qu'Aelita se soit réveillée. Ainsi Jim, le vrai, leur fit un cours de sport comme il en avait l'habitude, c'est à dire athlétisme. Elle eut le droit à un récit de la bataille entre les deux Lyoko-guerriers et les sbires de X.A.N.A. Le samouraï raconta notamment comment ils avaient du leur salut grâce à son cher poteau de volleyball, qui avait au final été réduit à néant par le clone; il avait heureusement ressuscité grâce au Retour vers le Passé. Le reste de la journée se passa sans encombre - si on exceptait Sissi -, et la soirée arriva rapidement; Aelita se retrouvait une énième fois dans la chambre de Jérémie, à le soutenir moralement plus qu'à ne l'aider réellement dans leur lutte contre X.A.N.A. Elle était définitivement plus utile au labo; là au moins ils pouvaient travailler tous les deux puisque Jérémie lui prêtait son ordinateur portable. Mais ils ne pouvaient pas se permettre de se faire prendre par GI-Jim, surtout le soir.
Il était temps pour la gardienne de Lyoko de faire ses adieux au génie et de retourner dans sa chambre. Elle était sur le pas de la porte quand celui-ci la retint:
- Euh au fait Aelita... Avec le Retour vers le Passé et tout, tu m'as toujours pas dit comment t'étais venue à bout de notre cher William !
Pourquoi rechignait-elle tant à lui avouer ? Qu'y avait-il de si gênant ? Le fait que ça soit Jérémie a qui elle ait à le dire ? Aurait-elle peur de sa réaction ?
Voyons. Jérémie ne ferait pas de mal à une mouche, et encore moins à elle. Tout du moins pas volontairement...
- En fait quand William m'est tombé dessus, je pouvais plus bouger mon corps, sauf mes bras... Et quand il a levé son arme pour me décapiter, et bien j'ai... Je l'ai embrassé.
La réaction de Jérémie sur sa chaise aurait presque été comique s'il n'avait pas eu un regard furieux :
- Quoi ? Non mais ça va pas la tête ? Mais... Mais... Enfin bon sang mais pourquoi t'as fait ça ?
Elle aurait dû s'en douter. C'était plus fort que lui de s'emballer pour ce genre de choses. Il fallait calmer la bête :
- Je ne pouvais pas faire autrement Jérémie, sinon il m'aurait dévirtualisée et la mission aurait échoué !
Mais le cerveau du groupe ne décolérait pas :
- Tu pouvais pas lui balancer directement ton champ de force ?
- Mais tu penses que j'ai fait ça par plaisir ? Si justement j'avais fait comme ça, William aurait bien vu ce que je préparais et il m'aurait bloqué avec son bras libre !
- N'empêche que je suis sûr que t'aurais pu faire autrement.
Et voilà, ce benêt allait encore faire la tête pendant une période indéterminée. Pourquoi fallait-il qu'ils se disputent pour des choses aussi futiles ? Elle se souvint ironiquement d'une des premières discussions qu'elle avec eue avec lui. "Est-ce qu'on se dispute souvent quand on est amoureux ?"
Alors qu'elle allait quitter le génie en lui ayant laissé le dernier mot, elle eut une idée. Plus précisément la même qu'avec William. Mue par ses sentiments, elle se retourna, se dirigea vers un Jérémie au regard interrogateur et l'embrassa de la même manière qu'elle avait procédé sur Lyoko, presque fougueusement, tout en prenant soin de faire durer le plaisir un peu plus longtemps. Elle ne put s'empêcher de sourire devant la mine déconfite du blondinet :
- Espèce d'idiot jaloux.
Sur ces simples mots, elle quitta la chambre de l'étage des garçons sans un regard et rejoignit la sienne. Finalement, ça ne s'était pas si mal passé, non ?
Après s'être changée, elle se laissa tomber sur son lit et posa délicatement sa tête sur son oreiller. Pour une fois dans cette double journée, elle n'eut pas mal en le faisant, et elle eut presque envie de recommencer. Elle songea aux longues semaines de combat contre X.A.N.A. qui les attendaient encore. Et Jérémie serait son suivant, de combat. Elle sourit. C'était une perspective plus amusante après tout.
Bientôt, la fatigue la rattrapa. Les escapades sur Lyoko étaient toujours épuisantes physiquement et psychologiquement. Mais encore une fois, ils s'en étaient tirés. Ils n'avaient pas gagné la guerre, mais X.A.N.A. avait perdu une bataille de plus.