Inscrit le: 27 Mar 2012 Messages: 1490 Localisation: Thugland
Salut Mejiro !
Je viens en ce jour inaugurer la page 8 de ce topic, mon chiffre préféré.
J'ai été un peu pris par le temps ces dernières semaines, et donc je n'ai pas beaucoup avancé. Je viens cependant te laisser un petit mot puisque je ne vois plus ta fiction avancer (tu m'attends, c'est ça ? Chouuu <3)
J'ai tout de même lu la première apparition de Matthieu (je l'aime trop ce personnage. Chouuu² <3), et je dois dire que, une fois de plus, tu relèves ce défi haut la main. Le personnage était parfaitement intégré ç l'univers terrestre, le voilà tout aussi bien intégré sur Lyokô. Chapeau bas, donc ! J'ai adoré aussi le pouvoir d'Eva. Je ne sais pas si il apparaît dans les Chronicles que je n'ai pas encore lues (NON, ne me tues pas, Shaka !) mais j'ai adoré me les imaginé. Tu aurais vu ce que ça donnait dans ma tête, c'était tout joli \o/. La tenue virtuelle de Matthieu est pas mal aussi. J'ai eu un peu plus de mal à me l'imaginer, elle est sans doute un tout petit peu complexe (non pas que ma capacité intellectuelle soit extrêmement limitée, mais les pouvoirs des autres zéros sont beaucoup plus basiques, je pense).
On voit qu'il commence à se passer quelquechose entre Odd et Matthieu. C'est cro-mignon. J'ai hâte de voir ce que tu leur as prévu pour la suite (Chouuuu.3 <3).
J'aime aussi beaucoup tes dessins. Le logo d'Angel est très sympa.
Ta fiction reste toujours aussi haute dans mon estime. A savoir une fiction hors paire, qui, je pense à toute sa place dans les perles du net.
Conclusion : la suiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiite stp.
Et je te suivrai toujours, même si je ne suis pas toujours régulier. Tu n'as peut-être qu'un nombre assez réduit de lecteurs en apparence (et beaucoup de pro-Laura, tu as vu ?), mais ça n'enlève rien à la qualité de ta fiction.
Café Noir.
PS : Mille bravos pour ta Carpe virtuelle
Edit : A y est ! J'ai tout finiiiiii ! _________________
« L'avenir, je vois comment qu'y sera... Ça sera comme
une partouze qui n'en finira plus... Et avec du cinéma
entre... Y a qu'à voir comment que c'est déjà... »
Céline, Voyage au bout de la nuitr
Dernière édition par Café Noir le Sam 26 Oct 2013 12:18; édité 1 fois
Inscrit le: 11 Aoû 2013 Messages: 305 Localisation: Lisieux, France
Salut Mejiro-kun !
Je viens de finir ma lecture intensive de tes 41 chapitres de New Wave_, et le moins que je puisse dire c'est que je n'ai pas perdu mon temps pour rien !
Le scénario est captivant: il n'y a pas masse de fictions qui traitent de la vie des LG après les Chronicles (Tout du moins dans celles que j'ai lu), et les changements que cela implique sont très plaisants. Cette idée d'une récidive de la Green Phoenix est au fil des chapitres parfaitement maîtrisée. Les seuls temps morts au niveau de l'action sont comblés par les déboires amoureux de nos chers Lyoko-guerriers.
Ce qui est très intéressant également c'est l'évolution des personnages au niveau des chapitres, mais aussi l'évolution de notre perception que l'on a des personnages, après une dispute ou une décision qu'ils prennent. Ils ont grandi, sont plus matures, mais finalement ils sont toujours fidèles à eux-mêmes:
Mathieu: Je l'ai apprécié tout de suite, malgré l'incident de son ancien collège. Par contre je trouve le fait qu'il désigne son homosexualité comme un "terrible secret" un peu exagéré; limite c'est un fléau pour lui ! Enfin je veux dire, il a été persécuté à cause de ça, mais de là à considérer une simple orientation sexuelle de cette manière, ça m'intrigue un peu ^^
Je t'avoue que avec la façon dont il y repensait dans les premiers chapitres, je pensais plus qu'il était coupable d'un meurtre qu'autre chose.
Cependant je l'ai un peu pris en grippe quand il failli faire foirer les missions d’infiltration à cause de ses pulsions non maîtrisées; mais au final j'ai une opinion positive de lui.
Sissi: Une des grosses surprises de cette fiction pour ma part; personnellement, mon opinion a changé radicalement au fil du temps. Au début tu nous laisses croire qu'elle n'a quasiment pas changé depuis le collège, toujours aussi superficielle et inintéressante. Finalement on se rend compte qu'elle est bien plus mature qu'elle ne le laisse paraître, et que sous ses airs fiers se cache une fille chamboulée et ravagée par la maladie de sa mère. Quand on apprend qu'elle quitte Kadic avec son père et la prof de philo, donc assez tard dans la fiction, on n'a plus du tout la même vision d'Elisabeth Delmas. J'étais presque triste qu'elle abandonne Ulrich, qu'elle a su réconforter quand il en avait besoin.
Ulrich: Pour lui c'est le même schéma que Sissi. Au début, lorsqu'il ignore ses amis et qu'on le croit superficiel, on est presque dégoûté parce qu'on ne le reconnait plus. Et puis petit à petit on apprend qu'il est toujours dans d'aussi mauvais termes avec ses parents, qu'il n'est pas aussi fort qu'il ne le laisse paraître. Le moment qui m'a le plus surpris c'est quand il aborde Yumi à nouveau. Ensuite il se réintègre au groupe et en redevient presque le leader sur Lyoko. Une bonne rédemption somme toute, surtout que tu le rends quasiment invincible avec des réflexes de fou x)
Donc comme Sissi, au début on est dégoûté et au final (enfin on en est qu'au chapitre 41, je suppose qu'il va encore se passer des choses ) on le pardonne parce qu'il se rend utile.
Yumi: Malgré son changement, c'est un des personnages que je reconnais le plus par rapport au Code Lyoko originel: trop secrète pour oser se dévoiler, même envers ceux qu'elle aime. Elle m'a profondément agacé à quelques moments à cause de son caractère, mais dans l'ensemble je n'ai pas grand chose à lui reprocher.
Avec le programme de virtualisation évolutif, j'espère qu'elle reprendra elle aussi du service sur Lyoko ^^
William: Rebelle, encore et toujours. Il se sent exclu et il a raison de le croire, mais ça ne pardonne pas son emportement face à Stéphanie. Il a un rôle pour l'instant secondaire, mais on peut s'imaginer qu'il rejoindra l'aventure tôt ou tard, à l'instar de son éternel rival Ulrich.
Eva: Sûrement le personnage que tu auras réussi à me faire haïr le plus ^^
Elle est hautaine, lâche (mais ça on peut lui pardonner), à la limite homophobe. Je n'ai pas vraiment l'impression qu'elle aime Odd; j'ai plutôt l'impression qu'elle le "garde" pour elle juste pour ne pas qu'il tombe entre les mains de Mathieu. Y'a pas vraiment de moments qui la rendent sympathique à mes yeux.
Stéphanie: Un des mes personnages préférés. Avec Mathieu elle fait partie des "nouveaux", et franchement elle est super ! J'adore son caractère jovial, son attitude maternelle envers Mathieu, pour lequel elle a quitté son ancien lycée, sa volonté de toujours concilier tout le monde, un peu comme Aelita. J'ai vraiment eu peur quand elle est ressortie du scanner en étant dans le coma
Odd: Lui aussi t'as réussi à me le faire apprécier (même si je l'appréciais déjà dans Code Lyoko). Il a bien changé: au fil des chapitres il commence à douter de son hétérosexualité, et ça se confirme dans le chapitre 41 avec Mathieu. Pour l'instant on en sait pas plus mais ça promet ^^
Anthéa: Personnage n'apparaissant pas dans Code Lyoko physiquement, la mère d'Aelita change aussi tout au long de New Wave. Au début on ne la voit qu'à travers les yeux de sa fille, qui la voit comme une étrangère, faibleet incapable de se tourner vers le futur. Et puis tout d'un coup *POUF*, elle supprimer les anciennes photos, elle va inspecter le Supercalculateur, et elle se retrouve à diriger les Lyoko-guerriers pour contrer la Faille.
Je me demandais bien quel rôle elle pourrait bien avoir au début, ben je suis gâté
On va passer à mes deux chouchous <3
Aelita: Elle change pas mal au long de la fiction, comme tout le monde: au début elle est presque encore la collégienne que l'on connaissait à la fin de Code Lyoko, gentille et rieuse, belle et insouciante. Avec sa maturité elle est devenue encore plus ouverte, n'hésitant pas à aborder Mathieu alors qu'il était presque méchant avec elle. Elle s'est affirmée en tant que leader tout au long de New Wave, résistant au départ de Jérémie.
La seule chose que je pourrais lui (ou te ? ) reprocher c'est son rejet de Jérémie quand il vient la voir en pleine nuit. Bien sûr on la comprend, mais ils étaient si heureux au début (et pendant toutes ces années *_*); étant optimiste je table sur une évolution positive de leur relation par la suite
Jérémie: Halala Jérémie Belpois. Paranoïaque, égoïste, surprotecteur, rien à voir avec le jeune gosse à l'époque de collège. Dans Code Lyoko c'était un de mes personnages préférés; au début de New Wave je trouvais dommage que tu l'aies ainsi changé. Et au fur et à mesure, je me suis mis à franchement le détester, j'étais presque content quand il est parti de Kadic (D'ailleurs sur ce point ça aurait été marrant que Mathieu lui dise qu'il était gay au moment où il partait, pour accentuer l'absurdité de son coup de tête ).
Et puis il est revenu, il s'est repenti, il a même sauvé Mathieu; on ressent toute sa tristesse quans Aelita le rejette.
Bref, un personnage très ambigu et très bien développé.
Cependant tous tes personnages sont extrêmement profonds et captivants!
Ensuite j'ai envie de revenir sur quelques points du scénario. L'enlèvement de Angel n'est pas du au hasard, mais il fallait évidemment qu'une personne soit assez folle amoureuse de lui pour risquer sa vie pour aller le sauver. La manière dont il découvre toute l'histoire du Supercalculateur est très bien amenée et pas du tout loufoque. Il me semble que ça se joue sur plusieurs chapitres, ce qui prouve que ça a été mûrement réfléchi et pas fait pour que tout d'un coup il devienne un Lyoko-guerrier. Pour Stéphanie j'ai un peu plus de mal à imaginer qu'elle ait pu faire ça et qu'elle ait pu changer d'établissement aussi facilement, mais pourquoi pas ^^
Ensuite la Faille. Très intéressante cette représentation virtuelle d'une intrusion, ainsi que du Firewall ! Les nouveaux pouvoirs des deux Lyoko-guerriers supplémentaires sont eux aussi très innovateurs (l'idée d'utiliser la puissance de calcul du SC pour établir des probabilités est excellente).
J'aime bien le fait que les missions soient risquées mais que personne ne soit mort pour l'instant, ça me va parfaitement (a)
Madame Hertz qui meurt, ça par contre c'est triste, surtout qu'on ne sait pas ce qu'elle nous cachait... Je l'avais toujours bien aimée cette prof dans Code Lyoko ^^
Bref je vais pas m'éterniser, tout est très bien mené malgré ton manque de temps entre les différents chapitres
Par contre ce qui doit en agacer plus d'un et qui empêche ta fiction d'être irréprochable, c'est tes fautes d'accord qui foisonnent tout au long des chapitres; personnellement j'en fais abstraction et je m'en fiche pas mal, mais je comprends que ça puisse en énerver plus d'un
Il y a des fois où je trouve les descriptions sentimentales des personnages un peu superflues et répétitives; non pas qu'elles soient inutiles à l'intrigue: ça donne toute leur profondeur aux personnages. Mais à certains moments il m'a semblé que des schémas se répétaient, du genre un personnage s'énerve, l'autre s'énerve aussi, le premier se repent et ils se réconcilient, ou encore certaines fois où il se disent qu'ils ont changé et finalement ils concluent qu'ils n'ont pas changé... Je suis désolé de ne pas avoir d'exemple précis sous la main !
En tout cas, New Wave est une excellente fiction que j'ai pris énormément plaisir à lire. Et vivement le prochain chapitre sur fanfiction.net _________________
Tout ce qui plaît a une raison de plaire, et mépriser les attroupements de ceux qui s'égarent n'est pas le moyen de les ramener là où ils devraient être.
Charles Baudelaire
Hey à tous ! Bon vu que j'vais m'faire lyncher par Icer si je poste pas de nouveau chapitre ici dans le week-end, comme je lui ai promis, je prends cinq minutes pour le faire avant d'aller me coucher après un harassant week-end à préparer mes partiels T___T
J'ai bien lu tous vos commentaires et ils me vont droit au cœur, ça me fait énormément plaisir de voir que vous êtes là pour lire mes stupidités toutes brouillonnes et leur trouver de la valeur X3 ! Je n'ai pas le temps de vous répondre un à un dans le détail ce soir mais je le ferais très prochainement, promis juré ! Encore merci pour votre soutient sans faille, alors que je passe la moitié de mon temps à vous faire faux bond =(...
Sans plus de cérémonie, j'enchaine avec la version remastérisée du chapitre 22 ! Enjoy o/
Spoiler
Chapitre 22 :
Épisode 121 : Le Deuil d'une Enseignante_
Aelita se décolla des lèvres de son petit-ami avec un soupir de plaisir, un peu essoufflée. Le jeune homme lui sourit, plongeant ses pupilles dans le vert de jade de celles de l'adolescente. Ses mains caressaient doucement les mèches roses de la jeune fille dans son dos, raffermissant le contact de leur deux corps, collés l'un contre l'autre.
- On est au lycée, Thomas, rappela-t-elle avec un petit rire lorsqu'il fit mine de se pencher vers le creux de son cou, taquinant sa peau de ses lèvres, il vaudrait peut-être mieux en rester là tu ne crois pas… ?
Le jeune homme prit encore quelques minutes pour l'embrasser passionnément avant de se séparer d'elle avec une petite moue de regret, recoiffant ses cheveux bruns ébouriffés par leurs émois d'un geste déçu.
- D'accord, soupira-t-il sans détacher ses mains de celles de sa petite amie pour autant, profitant de chaque seconde, on se voit après les cours… Je t'aime mon ange !
- Je t'aime aussi, Thomas, rayonna l'adolescente en déposant un dernier baiser furtif sur ses lèvres fines avant d'enfin s'éloigner de lui à contrecœur.
Légère, elle s'extirpa de leur cachette située derrière le petit abri de pierres vétustes entourant l'unique distributeur de boissons du lycée, réputé pour son fonctionnement des plus aléatoires. Ancien point de repère de son petit groupe d'amis au collège, il avait été délaissé au fil du temps et demeurait un coin de rendez-vous parfait pour les amoureux transis en quête d'intimité, à leur image.
Le goût des lèvres de son petit ami persistant sur les siennes, Aelita se dirigea en flânant vers les bâtiments du réfectoire. Odd et Eva avaient déjà fini leur petit déjeuner et se tenaient non loin de la porte, le regard rivé sur le dernier numéro des échos de Kadic.
Plongée dans son état de semi-euphorie, l'adolescente aux cheveux roses mit quelques temps avant de remarquer le visage atterré des deux adolescents, visiblement sous l'effet d'un choc profond. Une sensation d'inquiétude vint brusquement se lover au creux de son estomac, chassant toutes traces de ses baisers futiles : quelque chose n'allait pas.
Son sourire se fanant peu à peu, Aelita constata bien vite que le petit couple n'étaient pas les seuls à arborer cette mine défaite. En effet, nombre de lycéens semblaient littéralement absorbés par le journal de l'école, le regard vide et effaré. A bien y faire attention, la cour elle-même paraissait particulièrement silencieuse pour l'heure matinale et seuls quelques murmures angoissés, accompagnés par le vent fort qui soufflait sur Kadic, parvenaient à troubler la pesante quiétude ambiante.
- Hey, fit Aelita en rejoignant Odd et Eva qui lui adressèrent à peine un regard, qu'est-ce qui se passe ? D'habitude les articles des Échos de Kadic ne suscitent pas un tel intérêt ! Je sais que Milly et Tamiya ne sont pas très douées pour le journalisme mais de là à tirer une mine de six pieds de long devant leurs articles…
Elle avait lancé cela sur le ton de la plaisanterie mais la mine grave de ses deux amis lui fit bien vite comprendre qu'une simple blague ne suffirait pas à détendre l'atmosphère. Même Odd, habituellement le premier à rire aux éclats face au moindre calembour, ne s'était pas déridé d'un pouce.
- Aelita, il faut que tu lises ça… souffla-t-il d'une voix sourde qui ne lui était pas coutumière, c'est…
Sans parvenir à rien ajouter de plus, il tendit le journal aux couleurs bigarrées à son amie qui commençait réellement à prendre peur. Eva en profita pour se blottir contre son torse, comme en quête de réconfort.
L'adolescente projeta son regard vert émeraude en direction de l'article que lui désignait le jeune homme au béret. C'était un minuscule carré de texte à l'apparence étonnamment formel pour une production des pétillantes Milly et Tamiya. Il semblait avoir été ajouté à la dernière seconde, entre deux articles sur les Ceb-digitals et la nourriture servie à l'internat.
A mesure qu'elle lisait, son expression curieuse se métamorphosa en un air plus profondément choqué encore que celui de ses camarades. Ébranlée, elle ne fut même pas capable d'achever sa lecture tant ses mains s'étaient mises à trembler sous l'effet de la surprise.
Elle tendit de nouveau précipitamment le journal à Odd au moment où un Mathieu débraillé et apparemment mal réveillé se dirigeait vers eux.
- Salut, bailla le nouvel arrivant en s'étirant de tout son long, vous allez b… ?
Le reste de sa phrase s'étouffa dans sa bouche alors qu'il croisait le regard d'Aelita, incrédule. Celui-ci était désormais embué de larmes difficilement contenues et la douleur qu'on pouvait y lire était des plus saisissantes, presque physique.
- Qu'est-ce que… ? trouva-t-il à peine à bredouiller alors que la jeune fille tentait de dissimuler son trouble tant bien que mal, cachant vainement ses yeux derrière ses mèches de cheveux roses.
- C'est Madame Hertz… souffla Aelita d'une voix éraillée étrangement tremblante, oh je suis bête, tu ne l'as pas connue toi… Elle a été remplacée par Madame Collins depuis cette année, notre prof de SVT tu sais, je t'en ai parlé hier. Elle…
- Elle a été retrouvée morte hier soir, poursuivit Odd à sa place, couvrant le début de sanglot de la jeune fille, apparemment, elle aurait été assassinée…
Mathieu écarquilla les yeux de stupeur. Sonnée par les paroles de son ami, Aelita se réfugia dans ses bras, enfouissant son visage contre son torse. Eva ne prit même pas la peine de protester, contrairement à son habitude. Elle se contenta de hocher la tête d'un air triste tout en tendant le numéro des Echos de Kadic à Mathieu, tombé au sol. Elle ne comprenait que trop bien la différence qu'il y avait entre lire une telle nouvelle et l'entendre prononcée dans des termes aussi crus.
- On l'a retrouvée gisante dans une marre de sang… frissonna Mathieu en parcourant l'article des yeux, suffisamment bas pour qu'Aelita ne puisse pas l'entendre, c'est atroce !
- Oui, et ce n'est pas tout, regarde un peu la rue où elle a été retrouvée, indiqua Eva en arquant ses fins sourcils, oubliant momentanément d'être antipathique, c'est tout près de chez Aelita et sa mère ! A mon avis elle allait leur rendre visite… Elle était lié au projet Carthage tu sais ?
- Je sais, Aelita m'a raconté ça… répondit Mathieu distraitement, essayant de lire entre les lignes, elle m'a aussi dit qu'elle avait surpris une conversation entre elle et sa mère il y a peu à propos de quelque chose que sa mère souhaiterait retrouver… Tu crois que… ?
- Oui ! fit Eva sans détour, d'un air grave, alors qu'Aelita se détachait enfin de son petit ami, je pense qu'elle avait du découvrir quelque chose à ce sujet… Et ça n'a pas du plaire à la Green Phoenix ! Tout est surement lié…
La jeune fille aux cheveux roses s'était rapprochée des deux adolescents de façon imperceptible, le visage grave et le regard encore un peu embué. La colère y avait remplacé le chagrin en un instant, comme une violente bourrasque aurait chassé un nuage de pluie d'un ciel chargé.
- Quand je pense que je l'ai vue pas plus tard que la semaine dernière, frissonna-t-elle avec horreur, ma mère va être terrassée par la nouvelle… Il faut que je lui téléphone !
Alors qu'Aelita s'éloignait, son BlackBerry à la main, l'air toujours aussi ébranlé, une jeune collégienne aux épais cheveux rouges s'avança vers leur petit groupe, précédée par une autre adolescente noire aux vêtements flashy et aux cheveux noués en deux très courtes couettes. Mathieu reconnut Milly, la jeune rédactrice en chef des Échos de Kadic qui l'avait interrogé lors de son arrivée à l'internat, ainsi que sa meilleure amie Tamiya. Toutes deux paraissaient relativement calmes pour une fois. Il fallait croire que la nouvelle qu'elles avaient colportée ne les laissait pas indifférentes elles non plus !
- Salut vous trois, fit Tamiya d'un air sombre, vous avez lu l'article ?
Il était inutile de préciser lequel. Les trois adolescents opinèrent du chef. Mathieu se sentait horriblement mal à l'aise dans cette atmosphère pesante et endeuillée. Après tout, il ne connaissait pas cette ancienne enseignante et les rares fois où ses camarades l'avaient mentionnée, cela avait été en des termes assez brutaux, la qualifiant de femme sévère et autoritaire. Il n'aurait jamais pensé que l'annonce de sa mort puisse avoir un tel effet sur l'ensemble du collège-lycée !
- On revient de chez le proviseur, lâcha Milly avec tristesse, on voulait lui demander si on pouvait organiser un petit truc pour honorer la mémoire de Madame Hertz cet aprem'. Elle a quand même fait partie du lycée pendant des années et on est tous passés au moins une fois dans sa classe, à l'exception de ceux qui sont arrivés cette année bien sûr ! Je pense que c'est important…
- C'est une très bonne idée, Milly, approuva Odd gravement, qu'a répondu le proviseur ?
- Lui-même avait l'air assez secoué par la nouvelle je crois, on n'a pas eu besoin d'insister beaucoup, répondit la jeune fille, ce sera cette aprem' à partir de quatorze heures au gymnase… Ceux qui veulent dire quelque chose pourront prononcer un discours devant tout le monde et les profs aussi vont parler, en plus de la traditionnelle minute de silence.
- Faites passer le message, d'accord ? acheva Tamiya alors qu'Aelita revenait vers eux, plus dépitée que jamais, ah ! Avant que j'oublie : le X reçoit tous les élèves qui désirent parler de cette affaire dans son bureau. Histoire de gérer le traumatisme, tout ça... Bon, à tout à l'heure !
Et sans rien ajouter, les deux journalistes en herbe s'éloignèrent, le dos rond, en direction d'un autre groupe d'élèves penchés sur le journal à qui faire passer la nouvelle.
- Ma mère était sous le choc, lâcha Aelita avec un soupir triste, il fallait s'y attendre… J'ai préféré ne pas m'étendre, mais après ce qui vient de se passer, je commence à me demander s'il ne serait pas plus sage de lui parler de la Green Phoenix… Je veux dire, c'est assez évident qu'ils sont impliqués dans cette affaire, non ?
- On n'en sait rien, répliqua Eva d'un ton calculateur, et puis elle risque plus de nous empêcher d'agir qu'autre chose… Après ce qui vient d'arriver à Madame Hertz, tu penses sincèrement que ta mère nous laissera continuer nos petites escapades sur Lyokô sans rien dire ? Il vaut mieux se taire pour le moment…
Aelita se massa le front d'un air fatigué. Annoncer à sa mère la mort de sa meilleure amie avait été plus qu'éprouvant pour elle, et elle avait du mal à conserver ses idées en place.
- Très bien… admit-elle sans chercher à discuter pour une fois, les cours ne vont pas tarder à commencer… On ferrait mieux de se rendre en classe, ça ne sert à rien de rester là à déprimer et à se torturer l'esprit !
Les adolescents approuvèrent. Même Mathieu, que l'enchainement des événements avait empêché d'aller petit-déjeuner, ne protesta pas et emboita le pas de la jeune fille aux cheveux roses vers le bâtiment des sciences, tandis qu'Odd et Eva s'éloignaient vers les salles principales, leurs mains étroitement nouées dans une attitude réconfortante.
L'adolescent aux yeux bleu ciel les regarda disparaitre derrières les arcades de l'établissement, morose. Il avait beau ne pas partager pleinement leur peine, il devait bien admettre que la nouvelle de la mort d'un des principaux protagonistes de toute cette histoire liée à la Green Phoenix l'avait ébranlé. La seule différence tenait au fait que lui n'avait personne à qui tenir la main lorsqu'il se sentait seul et perdu comme en cet instant…
Il n'osait pas l'admettre, mais toute cette histoire commençait à lui faire peur. Peut-être avait-il vu trop grand, aveuglé par cet amour inconcevable qu'il éprouvait pour Angel, en cherchant à s'attaquer à une organisation si dangereuse qu'elle n'hésitait pas à supprimer ceux qui se dressaient sur leur chemin et à enlever des innocents ? Pourrait-il prétendre avoir la force de continuer encore longtemps, ou la peur s'apprêtait-elle à surpasser ses sentiments amoureux dopant son courage ?
Une seule chose était certaine : la découverte du corps sanguinolent de cette enseignante en plein cœur de la Ville de la Tour de Fer venait de le propulser de plein pied dans une réalité autrement plus effrayante que celle dans laquelle il avait cru évoluer jusqu'à présent.
Elisabeth Delmas rejeta une mèche de ses cheveux de jais en arrière. Son regard d'ébène, étrangement lointain, était rivé en direction de l'écran de son téléphone portable. La seconde sonnerie annonçant le début des cours finit de retentir à travers la cage d'escalier dans laquelle elle s'était réfugiée. Elle aurait du être en cours d'anglais à cette heure mais ses jambes refusaient de bouger, comme si toute volonté d'aller de l'avant s'était envolée de sa personne, la laissant seule et démunie, comme paralysée.
Tout se bousculait dans sa tête depuis qu'elle avait forcé le casier de Hyacinthe Soprano, alias leur nouvelle professeure de philosophie, alias la nouvelle maîtresse de son père, et qu'elle avait découvert cette mystérieuse lettre de sa mère au milieu de ses affaires.
Elle avait passé plusieurs jours à regarder son portable fixement de la sorte, sans oser afficher la photo du carré de papier qu'elle avait prise sur le vif à ce moment précis, tétanisée à l'idée de ce qu'elle pourrait y découvrir. Cela s'était traduit par une irascibilité plus marquée que jamais en cours de philosophie pour la réputée pimbêche de service, qui commençait à singulièrement surprendre ses camarades.
Ulrich avait été de loin le plus inquiet de tous. L'attitude de sa petite amie commençait à friser l'obsession et, voyant qu'il était incapable d'être d'un quelconque secours, il avait fini par se résigner à lui conseiller d'aller voir le psychologue scolaire en dernier recours, après une ultime crise de nerf de la part de la jeune fille.
Cette proposition avait agit comme un électrochoc sur Sissi qui, ne tenant pas à s'abaisser à aller parler au « X », comme les élèves surnommaient de façon moqueuse Xavier De Rhimé, le psychologue en question, avait fini par se lancer. Le soir même ayant suivi son altercation avec Ulrich, elle s'était précipitée sur son téléphone et, en retenant sa respiration, avait affiché la photo de la lettre.
Depuis, elle paraissait plus effacée que jamais, séchant cours sur cours et allant même jusqu'à se cacher pour éviter son petit ami. Nul ne doutait que, quel qu'ait pu être le contenu de la lettre en question, il avait suffit à bouleverser profondément Sissi.
Lasse, celle-ci parcourut des yeux pour la millième fois l'écriture douce et penchée de sa mère, le cerveau embrumé dans un épais brouillard qui ne l'avait pas quitté depuis qu'elle l'avait déchiffrée pour la première fois.
Elle ne parvenait pas à comprendre, ou plutôt, son esprit refusait de comprendre ce qu'elle lisait ! Admettre l'authenticité de dires de cette lettre aurait suffit à faire s'effondrer tout son fragile univers…
Dans l'instant présent, elle était bien incapable de dire où elle en était et encore moins ce qu'elle devait faire. Ce qu'elle venait de découvrir sur la nouvelle amante de son père dépassait de loin tout ce qu'elle avait pu imaginer jusqu'à présent. Sissi se sentait perdue désormais. Perdue et désespérément seule ! Et le pire de tout cela était de n'avoir personne à qui parler de ses tourments…
La jeune fille enfouit sa tête entre ses bras, laissant pendre son portable par son strap retenu d'un cheveu au bout de ses longs doigts fins. En cet instant précis elle n'avait qu'une seule envie : disparaitre. Disparaitre afin que les tracas de sa vie s'évanouissent avec elle, la libérant de ce fardeau écrasant qu'elle n'avait pas l'habitude de supporter. Elle se sentait si fragile sous le poids de sa découverte, prête à se briser à la moindre faiblesse de sa part !
- J'ai fini par te trouver…
La jeune fille tressaillit en entendant la voix grave aux intonations familières au dessus d'elle. Lentement, elle releva la tête pour croiser le regard chocolat d'Ulrich, appuyé contre la rambarde de l'escalier.
- Tu t'isoles pour évacuer le stress maintenant, ma jolie ? lança-t-il avec un petit sourire, où est passée la Sissi forte et pleine d'entrain que je connaissais ?
- Fiche-moi la paix… souffla-t-elle en ravalant les larmes qui avaient commencé à poindre au creux de ses yeux, qu'elle n'avait même pas pris la peine de maquiller ce matin.
Ulrich haussa les épaules avant de descendre les quelques marches le séparant de sa petite amie, s'accroupissant à son niveau. Celle-ci détourna la tête en soupirant, glissant au passage subrepticement son portable au fond de son grand sac blanc crème.
Le jeune homme s'en aperçut mais choisit de ne rien dire, se contentant de glisser délicatement ses doigts dans les cheveux courts et soyeux de sa bien aimée. Celle-ci frissonna sous le contact chaud de son petit ami et ferma les yeux, le laissant guider sa tête jusqu'à ses lèvres qu'elle embrassa tristement. Une minuscule portion du poids qui pesait sur sa poitrine depuis qu'elle avait lu cette lettre mystérieuse s'envola alors que leur salive respective se mêlait au sein de leur tendre baiser. Pendant une fraction de seconde, Sissi ne pensa plus à Madame Soprano, se concentrant exclusivement sur le contact tiède et doux des lèvres d'Ulrich contre les siennes.
Mais lorsqu'ils se séparèrent, toute la pression retomba d'un coup sur ses épaules et elle se sentit vaciller, sonnée.
Ulrich en profita pour l'attirer contre elle, la serrant dans une étreinte délicate et rassurante. Peu lui importait de sécher les cours lorsque sa petite-amie avait besoin de lui.
- C'est si affreux que ça… ? murmura-t-il d'un ton inquiet alors que Sissi se laissait aller entre ses bras musculeux, la lettre de ta mère à Soprano ? Je me doute bien que ce n'est pas l'annonce de la mort de Madame Hertz qui te met dans cet état…
En effet, la nouvelle était passée totalement au dessus de la tête de la jeune fille tant un simple meurtre semblait dérisoire face à ce qu'elle avait appris, et refusait désormais d'admettre.
Elle renifla bruyamment, ravalant ses larmes qui menaçaient à tout moment de ressurgir. L'heure n'était plus aux pleurs désormais.
- Je ne peux rien te dire Ulrich… souffla l'adolescente, c'est tellement… C'est trop dingue pour être vrai, je n'arrive toujours pas à y croire !
Le jeune homme ne trouva rien à répondre. Il était déconcerté par le comportement de sa petite amie depuis quelque temps. Il ne l'avait jamais vu dans un tel état de nerf. Même le jour où sa mère était morte, elle ne s'était pas montrée aussi désemparée… Qu'avait-elle bien pu découvrir dans la lettre de leur enseignante ?
- Si ça te travaille à ce point… finit-il par prononcer en choisissant soigneusement ses mots, histoire d'éviter qu'elle ne se braque de nouveau, peut-être devrais-tu arrêter de faire tes coups en douce et… Confronter directement Madame Soprano !
Le regard que lui lança Sissi en disait long sur ce qu'elle pensait de cette idée. Comment Ulrich pouvait-il envisager une telle chose ? Parler face à face avec la femme qui lui avait voler son père était littéralement inconcevable pour elle, d'autant plus après ce qu'elle avait découvert –ou cru découvrir du moins- sur son compte ! Et puis elle n'avait jamais été du genre à faire face à ses problèmes… Du temps du collège elle agissait déjà ainsi : toujours à contourner, tourner ses tracas dans tous les sens par mille et unes ruses afin d'échapper à la réalité et à la moindre contrainte, quitte à blesser les personnes de son entourage. C'était ainsi qu'elle s'était retrouvée éloignée pendant des années de la bande d'Ulrich, qu'elle souhaitait secrètement rejoindre au fond de son cœur, et qu'elle avait fini par rendre la vie impossible à celui qui deviendrait au final son petit ami par pure crainte de faire face à ses sentiments. Elle n'avait aucune raison de changer aujourd'hui.
- Réfléchis un peu, essaya de nouveau Ulrich alors que la jeune fille tentait de se dégager de son étreinte, piquée au vif, tu ne vas pas pouvoir éviter la confrontation avec cette femme toute ta vie. Maintenant que tu as effectivement découvert quelque chose sur elle qui te perturbe tellement que tu refuses de m'en parler, tu devrais au moins aller lui parler à elle ! Ou bien à ton père au moins ; c'est la seule solution pour que tu te libères de ce poids.
Sissi ne répondit pas, se contentant de lâcher un soupir las. Au fond d'elle-même, elle savait bien qui d'Ulrich ou de son entêtement avait raison. La situation ne pouvait plus durer. Il fallait qu'elle agisse avant de devenir folle. Cependant cela la terrifiait ; et si ce qu'elle avait découvert s'avérait exact au final ? Qu'allait-elle bien pouvoir faire ? En choisissant d'en parler à Madame Soprano ou à son père, elle risquait d'empirer la situation et de faire basculer son univers à jamais et cela, Ulrich n'avait aucun moyen de le savoir.
- Tu… Tu as raison, finit-elle cependant par capituler lorsque son beau brun plongea ses prunelles chocolat dans les siennes, j'en ai assez de fuir constamment, cela ne m'a jamais rien apporté… Il faut que je leur parle. A tous les deux !
Stéphanie se sentait particulièrement mal à l'aise. La sonnerie de quatorze heures annonçant l'hommage réservé à Suzanne Hertz, l'ancienne professeure de SVT retrouvée morte la veille, avait retenti il y avait peu et l'ensemble de la classe de Terminale L avait pris la direction du gymnase, avançant dans un silence religieux.
Yumi marchait devant, le regard rivé au sol, son visage d'ivoire aussi impassible qu'à l'accoutumée, quelques mèches de cheveux rebelles dépassant de son chignon fouettant l'air sous l'effet de la bourrasque qui faisait rage sur Kadic. Seuls ses amis et son petit-ami, William, auraient pu deviner, derrière la neutralité de son expression, à quel point la nouvelle de l'assassinat de son ancienne professeure l'avait ébranlée. Elle n'était pas la seule par ailleurs. Même les élèves les plus perturbateurs de la classe s'étaient révélés étonnamment calmes tout au long de la matinée.
Il fallait bien admettre que, derrière son intransigeance apparente, Madame Hertz avait eu l'étoffe d'une enseignante remarquable : toujours à l'écoute de ses élèves si besoin était, ainsi que constamment prête à les pousser jusque dans leurs derniers retranchements afin de les forcer à montrer leur plein potentiel. Les plaisanteries qu'elle avait échangées avec les plus anciens de Kadic résonnaient dans leur mémoire tel un requiem ce jour-là. Tous semblaient entendre encore sa voix éraillée mais étonnamment passionnée leur compter un cours de cette manière, si vivante, dont elle seule avait le secret… Elle avait été un pilier de l'établissement Kadic et, avec elle, c'était une partie de l'âme du lycée qui semblait s'être envolée.
Seule Stéphanie restait étrangère à ce deuil silencieux, marchant en retrait des autres élèves. Elle était certes touchée par l'attention que tous portaient à leur ancienne enseignante, mais elle-même n'avait jamais eu affaire à elle et ne savait d'elle que ce que Yumi avait bien voulu lui dire, principalement au sujet de son implication dans le Projet Carthage et dans la protection de Waldo Schaeffer, et de sa fille par la suite.
De ce qu'elle avait put entendre, Susan Steinback avait agi toute sa vie comme une femme d'honneur au courage incroyable, dont la loyauté à toute épreuve avait été d'un véritable secours à Aelita et à sa famille. Cependant, ce respect qu'elle lui portait à travers les histoires qu'on lui avait contées ne suffisait pas à lui faire partager le deuil dans lequel le reste de Kadic s'était plongé, et seule une étrange sensation de malaise persistait au creux de sa poitrine.
La haute silhouette du gymnase autour duquel tout un attroupement d'adolescents était déjà présent se dessinait désormais au loin et les rares murmures qui persistaient se turent aussitôt.
Stéphanie sentit soudain un mouvement dans son dos, ce qui lui fit tourner le regard. Profitant de l'attitude éperdue de ses condisciples, William s'était faufilé hors de la file et se dirigeait à grands pas vers le foyer tout proche, à l'insu total des autres élèves. L'adolescente fronça les sourcils. Pourquoi préférait-il s'isoler plutôt que d'assister à l'éloge funèbre de son ancienne professeure ?
Elle hésita un instant, pensive. Devait-elle prévenir Yumi ? Son amie semblait tellement perturbée par les événements qu'elle n'avait même pas remarqué l'escapade de son ténébreux petit copain… Peut-être valait-il mieux ne pas en rajouter ?
Décidée, Stéphanie se glissa à son tour hors du rang et courut le plus silencieusement possible jusqu'au pilier du préau le plus proche afin de se dissimuler derrière, le souffle court. Les portes du gymnase s'étaient ouvertes entre-temps et le groupe d'élèves avait commencé à s'y engouffrer, sans remarquer la disparition d'une nouvelle élève au passage.
Cette dernière attendit encore quelques minutes que tous soient entrés avant d'enfin jaillir de sa cachette et se diriger vers la petite porte bleue délavée menant au foyer, dans lequel William avait déjà disparu.
Le plus discrètement possible, elle se glissa à l'intérieur de la pièce envahie par les canapés rouges vifs et les divers jeux ayant pour but la distraction des collégiens et des lycéens. Par chance, Sissi, la gérante du foyer, avait renoncé depuis bien longtemps à verrouiller la salle entre les cours.
Stéphanie ne tarda pas à repérer William. Le jeune homme s'était allongé de tout son long sur le canapé faisant face à la télévision éteinte. Il avait les yeux clos et ses cheveux bruns emmêlés tombaient sur son front tandis que sa poitrine musclée se soulevait au rythme lent et régulier de sa respiration. Il semblait dormir.
Silencieusement, l'adolescente aux yeux violets s'avança vers lui et s'assit le plus délicatement possible sur l'accoudoir du fauteuil sur lequel il était allongé. William ne broncha pas, gardant les yeux fermés.
- Salut, fit Stéphanie avec un petit sourire timide, tu...Tu ne viens pas à l'éloge funèbre de Madame Hertz ? Presque tout le monde y est…
Le jeune homme n'eut aucune réaction supplémentaire,à l'exception d'un léger soupir qui s'échappa de ses lèvres entrouvertes, témoignant de son agacement. Il aurait clairement préféré se retrouver seul en cet instant précis plutôt qu'en compagnie de la nouvelle amie collante de sa copine.
Stéphanie ne renonça pas et resta assise, contemplant le petit ami de Yumi feindre le sommeil. Elle devait bien avouer que sa première véritable amie depuis des années avait du goût en matière de mecs : William était indubitablement séduisant. Avec sa barbe de trois jours qui commençait à pointer, ses cheveux sombres, son visage carré et ses vêtements de « bad boy » tendus contre son corps qu'on devinait musclé, il avait du séduire plus d'une jeune fille !
- Qu'est-ce qui t'arrive ? Tu ne portais pas cette Madame Hertz dans ton cœur ou quoi ? tenta-t-elle de plaisanter avant de se rendre compte, un peu tard, du côté morbide de sa vanne.
- Ce n'est pas ça…
William avait finit par ouvrir la bouche mais ses paupières restaient closes, comme pour dresser une barrière entre lui et la réalité. Désireuse d'en savoir plus, Stéphanie choisit de rester silencieuse afin de le pousser à s'ouvrir de lui-même. Quelques minutes s'écoulèrent avant que, frustré, le jeune homme ne reprenne la parole.
- C'est trop suspect toute cette histoire ! Madame Hertz qui se fait assassiner… Yumi qui se montre de plus en plus distante, il y a forcément un truc qui cloche !
Le cœur de Stéphanie manqua un battement. Avait-elle bien compris ce que William tentait d'insinuer ? Commençait-il réellement à soupçonner quelque chose à propos du Supercalculateur… ?
- Q-Qu'est ce que tu veux dire ? lâcha-t-elle d'une voix qui se voulait indifférente, tu penses que Yumi...?
- Elle me cache un truc, c'est évident ! s'énerva le jeune homme en ouvrant brusquement les yeux, renonçant à conserver son calme, elle pense vraiment que je suis incapable de voir que quelque chose ne va pas ? Et sa façon de m'éviter en ce moment… J'ai d'abord cru qu'elle voyait quelqu'un d'autre, mais avec la mort de madame Hertz…
Ainsi c'était pour cette raison qu'il n'était pas venu assister à la cérémonie ? Il voulait profiter de ce moment de calme pour réfléchir…
- Je ne comprends pas, quel est le rapport entre ton ancienne professeure et cette chose que te cacherait Yumi ? lança Stéphanie, évasive, qui voyait pourtant parfaitement où était le rapport. Seulement, William n'était pas sensé savoir qu'elle était au courant de toute l'histoire liée au Supercalculateur…
Le jeune homme lui lança un bref coup d'œil soupçonneux avant de se renfoncer contre les coussins rouges molletonnés du sofa.
- Ça concerne un vieux truc entre nous, tu ne comprendrais pas, marmonna-t-il entre ses dents.
« Je comprends beaucoup mieux que tu ne le penses », ne put s'empêcher de penser Stéphanie avec une certaine ironie.
Toujours était-il que voir le jeune homme à ce point torturé par les cachotteries de sa petite amie l'avait touché plus qu'elle ne voulait bien l'admettre. A le voir ainsi éperdu sur ce canapé, seul au milieu du foyer désert et en proie à ses doutes, elle commençait à se demander si Yumi avait pris la bonne décision en choisissant de cacher la vérité à son petit ami ?
- Admettons, fit-elle en lui poussant les jambes afin de se dégager une place sur le canapé sur laquelle elle se laissa rapidement tomber avec satisfaction, si elle te cachait effectivement ce… Truc que je ne peux pas comprendre. Tu ne penses pas que ce serait pour te protéger ou quelque chose du genre ?
Elle avait balancé cela du ton le plus détaché dont elle était capble, mais cela n'empêcha pas William de se redresser brusquement sur le canapé, la dévisageant subitement de son regard d'ébène de plus en plus soupçonneux.
- Pourquoi est-ce que tu me dis ça… ? questionna-t-il froidement sans détacher ses yeux des siens, la faisant ciller, on dirait… Que tu en sais plus que moi à ce sujet !
- Quoi ? Pas du tout ! répliqua Stéphanie sans parvenir à s'empêcher de détourner le regard, Yumi et moi on n'est amies que depuis peu… Si elle te cache q
uelque chose à toi, tu te doutes bien qu'elle ne m'en a pas fait part !
Mais le rougissement intempestif qui venait d'apparaitre au niveau de ses joues démentait honteusement ce qu'elle venait d'affirmer. William se leva brusquement du canapé, dominant une Stéphanie qui commençait à prendre conscience qu'elle était allée trop loin de toute sa hauteur, le regard étincelant.
- Qu'est-ce que tu sais exactement, Minerve… ? lança-t-il d'une voix plus froide qu'un glacier. En cet instant précis, son attitude avait véritablement de quoi faire frémir et Stéphanie se surprit à se recroqueviller sur le canapé.
- R-Rien je t'ai dit ! s'entêta l'adolescente, cogitant à toute allure, j'essayais simplement de te dire que tu te prenais trop la tête !
Mais William n'était plus dupe. Dans un brusque accès de colère, il enfonça avec violence son poing dans le mur le plus proche, arrachant un cri apeuré à sa camarade de classe. Jamais elle ne l'avait vu dans un tel état de rage et de violence… Elle commençait seulement à entrapercevoir qui pouvait être vraiment le petit ami de Yumi et cela la confortait dans son idée qu'elle s'était montrée bien imprudente. Jamais elle n'aurait du s'avancer sur une pente aussi glissante en abordant, même de façon évasive, le secret de la japonaise !
- William, s'il-te-plait… bredouilla-t-elle sans oser quitter le canapé, tétanisée, je ne peux rien te dire…
Le jeune homme se retourna vers elle lentement en lui lançant un regard si sombre que l'adolescente eut un hoquet de surprise. Sans crier gare, il se précipita brusquement sur elle et lui empoigna le poignet avec force, lui arrachant un nouveau glapissement effrayé.
-Lâche-moi ! cria-t-elle en espérant vainement que quelqu'un l'entende en dehors de foyer, pour qui tu te prends !? Espèce de malade !
Elle avait balancé cette réplique sous l'action de l'adrénaline, sans se rendre compte de l'effet qu'elle pourrait produire sur le jeune homme, déjà en état de véritable crise de nerf.
Épouvantée, elle arrêta de se débattre face aux tremblements de colère incontrôlables de William. Celui-ci avait levé sa main libre en l'air et semblait prêt à la frapper !
- LE SUPERCALCULATEUR A ÉTÉ RALLUMÉ ! hurla-t-elle en fermant les yeux en l'attente du choc, ET YUMI EST AU COURANT !
Tous les autres élèves étaient partis au gymnase : elle n'avait aucune échappatoire ! Que pouvait-elle faire d'autre que d'avouer la vérité ? Tremblante, elle attendit le coup en représailles. Cependant, à sa grande surprise, elle sentit la prise sur son poignet se desserrer à la place.
Se risquant à ouvrir un œil, elle constata avec stupeur que William venait brusquement de s'affaisser au sol, agenouillé devant elle, la libérant au passage. Sa colère s'était transformée en un profond bouleversement. Stéphanie n'osa pas bouger, tétanisée face à son changement subit d'attitude.
- Alors c'était ça…? souffla le jeune homme d'une voix incrédule, à peine audible. On aurait dit qu'il avait le souffle coupé sous l'effet du choc.
L'adolescente aux yeux violets ne trouva rien à répondre. Elle venait de commettre une erreur épouvantable en parlant à William du rallumage du Supercalculateur, tout cela à cause de sa trop grande sensibilité ! Comment allait réagir Yumi en apprenant qu'elle l'avait ainsi trahie ?
- William, je suis désolée, se risqua à lâcher Stéphanie dans un souffle rauque, Yumi ne voulait pas t'en parler… Elle pensait que tu avais trop de problèmes en ce moment pour supporter l'annonce du retour à Lyokô et tout ça…
- Ben voyons, grimaça William, cynique, elle en parle à une fille qu'elle connait à peine mais moi, son petit ami, elle préfère me tenir à l'écart… Elle doit penser que je suis trop faible pour encaisser le choc !
- C'est plus compliqué que ça, et tu le sais ! protesta Stéphanie que le tournant que commençait à prendre la conversation inquiétait de plus en plus, Yumi tient à toi, c'est pour ça qu'elle ne voulait pas t'impliquer ! Et pour tout te dire, je suis en grande partie responsable du rallumage du Supercalculateur et j'ai tout découvert toute seule… Elle n'a rien eu besoin de me dire !
Inutile d'entrer dans les détails concernant l'enlèvement d'Angel et l'implication de Mathieu, William avait été suffisamment perturbé par la nouvelle sans en rajouter. Celui-ci ne répondit pas, visiblement en proie à des tourments trop profonds pour écouter ce qu'elle avait à dire. Lui, dont XANA hantait chaque nuit depuis des années. Comment pouvait-il bien réagir à une annonce telle que le remise en marche de la cause de tous ses ennuis ?
- Qui d'autre sait… ? souffla-t-il d'un air désespéré mais sans réplique.
Stéphanie ne prit même plus la peine d'hésiter avant de répondre :
- En dehors de moi et Yumi : Aelita, Odd, sa copine, Ulrich et Jérémie… C'est d'ailleurs pour ça qu'il a quitté Kadic. Un de mes amis en Première, Mathieu, est également au courant…
Elle s'interrompit face à la lueur glacée qui venait d'apparaitre au fond des yeux de charbon de son interlocuteur bouleversé. C'était trop d'un seul coup pour lui.
- Laisse-moi… parvint-il à lâcher au bout de plusieurs longues minutes de lutte intérieur.
- William…
- LAISSE-MOI JE T'AI DIT !
Il avait hurlé cette fois, pointant son regard empli de folie dans sa direction. Stéphanie n'insista pas. Elle se leva précipitamment du canapé et courut jusqu'à la porte du foyer qu'elle ouvrit à la volée avant de sortir sous le préau et de la claquer derrière elle, laissant William seul avec ses démons.
Désespérée, elle se laissa glisser le long du panneau tandis que des cris de douleurs retentissaient de l'autre côté de la cloison, diffus mais bien réels. Ceux-ci transpercèrent la jeune fille de part en part, telle une lance enduite de poison. Son cœur lui faisait mal dans sa poitrine et elle avait l'impression qu'elle allait se mettre à pleurer à tout instant.
- Quelle conne ! rugit-elle en se tenant la tête entre ses mains, t'as bien merdé pour le coup ma vieille…
Elle ne s'était pas dit un seul instant que William pourrait être singulièrement perturbé par la remise en route du Supercalculateur ou, pire encore, par le fait que sa petite-amie elle-même n'avait pas jugé bon de lui en faire part. Tout était allé trop vite, elle n'avait même pas eu l'occasion de dissimuler quoi que ce fut…
A l'intérieur du foyer, William venait de violemment envoyer valser tous les objets à sa portée, dévastant littéralement la pièce. Cela n'avait que très peu contribué à calmer ses nerfs, mis à rude épreuve. Tout prenait subitement son sens dans son esprit… L'attitude distante de Yumi et d'Eva de ces derniers jours, le subit rapprochement de cette Stéphanie Minerve avec sa petite-amie, la mort de Madame Hertz… Tout était une fois de plus lié à ce maudit Supercalculateur et aux monstruosités qu'il entrainait !
Il se sentait perdu. Perdu et complètement abandonné. Une bile amère avait envahi son palais et ses mains tremblaient alors qu'il se tenait là, immobile au milieu du foyer sans dessus dessous, ses traits défigurés par la rage et l'incompréhension. Au final, rien n'avait bien changé depuis cette fameuse année de Seconde qui avait fait basculer sa vie. L'attitude de ceux qu'il avait un jour cru pouvoir considérer comme des camarades, des frères, était toujours aussi suspicieuse et distante. Son passage dans le camp de XANA n'avait toujours pas été pardonné –ou du moins le jugeait-on trop faible pour pouvoir racheter ses fautes !
Même Yumi, la seule personne à lui avoir jamais accordé son pardon et à jamais avoir tenté de le comprendre, celle qui avait été un rayon de soleil dans sa vie depuis leur toute première rencontre, l'avait au final un fois de plus rejeté en un sens.
Avec un frisson d'horreur, il se rendit compte que son visage –son magnifique visage de délicate poupée de porcelaine asiatique- ne lui inspirait plus qu'un profond dégout. Il avait l'impression que penser à Yumi plus longtemps allait finir par le faire vomir…
Nauséeux, il se laissa tomber sur le premier canapé retourné sur sa route, abattu. Que devait-il faire maintenant ? Comment pouvait-il gérer un tel déluge d'informations ? Il ne savait plus quoi penser… Cette fois-ci ses cauchemars étaient devenus réels et ce n'était certainement pas une séance avec le « X » qui allait arranger ses problèmes…
Yumi était allongée sur son futon, la tête entre les bras, dans la pénombre de sa pièce. Elle et son jeune frère, Hiroki, avaient refusé de manger ce soir-là et s'étaient très vite dirigés vers leur chambre respective, sans échanger le moindre mot. Les parents Ishiyama avaient préféré ne pas intervenir, conscients du violent choc émotionnel que la mort de leur ancienne professeure avait pu leur causer.
Pourtant, c'était un tout autre tracas qui tourmentait la jeune japonaise. Dans sa tête, ne cessait de repasser les images de la discussion qu'elle avait eue avec ses amis après l'éloge funèbre de Madame Hertz –un moment poignant d'une rare intensité où bon nombre d'élèves n'avaient pu s'empêcher de fondre en larmes et où même les professeurs s'étaient montrés étonnamment bouleversés. Il était évident que la Green Phoenix avait quelque chose à voir avec ce meurtre, d'autant plus en prenant en compte la conversation qu'avait surprise Aelita entre sa mère et la vieille femme. Tous ces faits avaient mis sa détermination à rude épreuve.
Comment pouvait-elle accepter de laisser les autres défier l'organisation maléfique maintenant que la menace était devenue si réelle ? Elle-même était terrifiée par les conséquences que leur entêtement pouvait entrainer pour chacun d'entre eux désormais.
Elle ne pouvait s'empêcher de se dire qu'elle s'en voudrait toute sa vie si les prochaines victimes devaient être ses parents ou son frère… Et si William se trouvait à son tour impliqué, pourrait-elle jamais se le pardonner ?
Naturellement, ses pensées tortueuses dérivèrent vers son petit ami. Il n'avait pas été présent lors de la cérémonie, pas plus que Stéphanie à bien y repenser… Il ne s'était pas montré par la suite aux cours suivants et la jeune fille aux yeux mauves avait semblé sur le point de lui dire quelque chose au moment de la sonnerie annonçant la fin de la journée, avant de se raviser et de s'éloigner précipitamment. Avait-elle raison de s'inquiéter ou devenait-elle trop paranoïaque ? Après tout, ce n'était pas la première fois que William séchait les cours. Cela dit, elle avait un mouvais pressentiment…
Se décidant à l'appeler, elle tendit une main paresseuse jusqu'à son portable, posé un peu plus loin sur le sol, et fit défiler les numéros de son répertoire. Cependant, à sa grande surprise, le téléphone se mit à vrombir de lui-même avant qu'elle ait eu le temps de sélectionner le numéro de son bien-aimé. C'était pourtant bel et bien William qui l'appelait !
Le cœur battant la chamade, elle pressa l'icône pour décrocher, portant le combiné à son oreille. Pourquoi se sentait-elle si angoissée tout à coup ?
- Allô, mon amour ? questionna-t-elle d'une voix inquiète, comment tu vas ? Je m'apprêtais justement à t'appeler figure-toi, j'étais inquiète de ne pas te voir à la cérémonie… Qu'est-ce qui… ?
- Je sais tout.
Un frisson glacé parcourut la jeune femme qui écarquilla ses yeux en amande de stupeur. Le ton était sans équivoque : elle n'avait pas besoin de demander plus de précisions à son petit ami.
- Quoi… ? Tu…? balbutia-t-elle sans parvenir à trouver ses mots. C'était comme si une énorme boule venait subitement de lui obstruer la gorge, l'empêchant de parler.
- Stéphanie m'a tout dit à propos du rallumage du Supercalculateur, poursuivit William à l'autre bout du fil. Yumi fut terrifié par l'intonation étonnamment calme qu'il employait.
- Écoute, si je ne t'en ai pas parlé, c'était pour te protéger ! lâcha-t-elle précipitamment, William je ne voulais pas…
- Je me moque de tes excuses.
Un silence pesant s'installa. Yumi avait l'impression que son cœur cherchait à tout prix à s'échapper de sa poitrine et ses mains étaient si moites que son téléphone menaçait de glisser au sol à la moindre défaillance de sa part.
- J'ai réalisé quelque chose Yumi, reprit subitement la voix de William à travers l'appareil, toujours aussi glaciale, tu es loin de me connaitre aussi bien que je le pensais. En fait, j'ai l'impression que malgré tout le progrès accompli entre nous au cours des dernières années, nous en sommes finalement restés au même point tous les deux.
La jeune japonaise était perdue. De quoi parlait-il ? Pourquoi abordait-il le passé alors qu'il venait d'apprendre une chose aussi grave ?
- Je peux te pardonner beaucoup de choses, poursuivit son petit-ami sans lui laisser l'occasion de répliquer, mais pas ça. Pas le fait de m'avoir caché une nouvelle aussi importante pour moi. Tu m'as infiniment déçu pour le coup. Je regrette, mais je ne pense pas parvenir à digérer un jour une telle chose...
- Qu'est-ce que tu veux dire… ? lâcha Yumi d'une voix tremblante en portant une main à sa bouche, sous le choc, William je… Je voulais juste… Tu étais tellement perturbé par ces cauchemars…
- Tout est fini Yumi, j'ai assez attendu que tu m'ouvres ton cœur comme ça.
La japonaise resta sans voix face à la déclaration. Que venait-il de se passer ? Son cerveau ne parvenait pas à analyser les mots que son petit-ami avait prononcés.
Puis brusquement, ce fut comme si le sol s'effondrait sous ses pieds, comme si une quelconque force supérieure venait de lui arracher une partie de son âme avec un rare sadisme. Yumi sentit les larmes couler sur ses joues d'ivoire alors que l'idée se frayait petit à petit une place dans son cerveau. William venait de rompre avec elle.
- William, non, il faut qu'on en discute tous les deux, tu ne peux pas… !
- Adieu, Yumi, fit la voix de son bien-aimé plus lointaine que jamais à ses oreilles, comme dans un souffle.
- NON WILLIAM, JE T'INTERDIS DE RACCROCHER TU M'ENTENDS ! Will…
Mais la tonalité caractéristique signalant que son interlocuteur avait coupé la communication résonnait déjà, tel le glas mettant définitivement fin à leur relation.
Dans un sursaut de désespoir, la japonaise saisit, tremblante, le numéro du jeune homme avant de porter de nouveau le téléphone à son oreille mais elle fut automatiquement basculée sur le répondeur. William avait déjà bloqué son numéro…
Ce fut le moment où l'univers de Yumi implosa. Éprise d'une rage folle, elle arracha littéralement de son chignon les baguettes offertes par celui qu'elle avait aimé, s'arrachant au passage quelques cheveux sans y prendre garde, avant de les lancer de toutes ses forces à l'autre bout de la pièce.
Ses longs cheveux d'un noir soyeux étaient retombés sur son front et ses yeux pleuraient à chaudes larmes désormais, lui conférant une allure un peu folle. Plus rien n'avait d'importance désormais. Le Projet Carthage, la Green Phoenix, la mort de Madame Hertz, ses études auxquelles elle s'accrochait tant… Tout lui semblait si dérisoire face à la rupture qu'elle venait d'essuyer.
La seule personne qui avait su l'aimer telle qu'elle était et la soutenir était partie désormais, la laissait aussi seule et désemparée qu'au premier jour.
Un rictus amer fendit ses lèvres alors qu'elle se recroquevillait sur elle-même en position fœtale, comme pour tenter d'atténuer vainement la douleur qui pulsait désormais au niveau de sa poitrine. D'abord Ulrich, ensuite William ? N'arriverait-elle donc jamais à faire les choses correctement ? Resterait-elle à jamais cette insupportable briseuse de cœur, incapable de prendre en considération les sentiments des autres ? Elle ne s'était jamais autant haïe qu'en l'instant présent. Depuis des années, elle accumulait erreur sur erreur, et le prix était cher payé à chaque fois…
Tous ses sens, toutes ses pensées s'étaient éclipsés désormais pour ne plus laisser place qu'à cette abominable douleur au creux de son ventre, là où William venait d'arracher une parcelle de son âme. Elle avait à présent deux trous béants au sein de son cœur et cela était plus que ce qu'elle ne pourrait jamais supporter.
A présent, Lyokô était loin de l'univers virtuel paradisiaque qu'elle s'était figuré lors de première plongée dans l'ordinateur, des années auparavant. Ce n'était plus qu'une malédiction semant la mort et détruisant les liens les plus forts sur son chemin.
Voilà ! Un chapitre plein d'émotions donc, j'espère qu'il vous aura plu ! Pas de section dessin pour cette fois, mais je vous rappelle que vous pouvez visiter mon DeviantArt si vous le souhaité afin d'y découvrir mes créations relatives à la série... Bonne semaine à tous ![/list] _________________
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Dernière édition par Mejiro-kun le Dim 02 Fév 2014 11:36; édité 1 fois
Inscrit le: 16 Mar 2013 Messages: 1110 Localisation: Au beau milieu d'une tempête.
Citation:
ça me fait énormément plaisir de voir que vous êtes là pour lire mes stupidités toutes brouillonnes et leur trouver de la valeur X3 !
Tu ne vas pas recommencer à t'auto-flageller ? Regarde :
Spoiler
Même Ulrich est attéré par tes paroles.
Plus sérieusement, tu n'écris en aucun cas des stupidités. On sent un véritable travail là-dessous, donc ce n'est pas "brouillon".
Les fanfictions pouvant rivaliser en terme de niveau avec la tienne se comptent sur les doigts d'une main, et sont en majorité des Perles. Bref, ça c'était le coup de gueule du jour.
Sur une note plus joyeuse, je suis content de voir que tu repostes la suite ici. J'ai bien fait de me retenir d'aller la lire sur ff.net .
Comme tu l'as si bien spécifié, ce chapitre était riche en émotions. J'ai beaucoup apprécié la manière avec laquelle tu as usé de la mort de Mme Hertz pour que William découvre le pot-aux-roses.
Le début avec Aelita était également très appréciable. Elle est dans un premier temps toute joyeuse. Pour peu, on se l'imaginerais presque avancer en faisant des petits bonds. Puis, elle apprend la mort de Mme Hertz. A ce moment-là, c'est comme si la réalité venait lui donner une bonne gifle. *Zéphyr imagine Aelita se prendre une gifle* *Zéphyr apprécie* *Zéphyr sort*
Encore une fois, c'était très bien amené.
Même chose pour Stéphanie. Sa confrontation avec William était violente et intense en même temps. J'ai bien aimé sa petite bourde aussi (tout lemonde ne peut pas être subtil...). On a également pu voir que sous son humeur joyeuse et colorée, elle aussi pouvait avoir des failles.
Quant au cas de Sissi, j'ai hâte de voir ce que la fameuse lettre de Soprano contient.
Bon, je n'ajouterai rien d'autre sur ton magnifique style d'écriture, je te renvoie à mes précédents commentaires pour ça.
Travail plus qu'excellent, comme d'habitude. Par conséquent, je veux la suite, sinon Icer ne sera pas le seul à menacer de te lyncher. Je m'y mettrais aussi (a). _________________
« Jérémie avait fait un superbe travail. Ce dernier voyage sur Lyokô promettait d'être inoubliable. » Un jour, peut-être.
Wouhou ! Pas de trop de boulot ce week-end, donc ça veut dire nouveau chapitre pour le fofo *__* encore une fois, désolé pour mon manque de régularité >_< !
Merci pour ton commentaire Zéphyr X3 promis, j'arrête de me déprécier =( *veut pas se prendre une prise de Penchak Silat d'Ulrich* encore merci infiniment pour ta gentillesse et ton soutient >_< tes commentaires me font toujours plaisir ! Comme ceux des autres d'ailleurs *__*
Sur ce, j'embraye sur le chapitre, principalement centré sur Sissi, une fois n'est pas coutume ! Encore un chapitre et on quitte les Tranches-de-vie pour retourner dans l'histoire principale o/ bonne lecture d'ici là !
Spoiler
Chapitre 23 :
Épisode 122 : Mélissa Delmas_
Mathieu regardait l'heure défiler d'un œil vitreux, son crayon courant habillement sur sa feuille de papier alors qu'il lui accordait à peine un regard distrait. La voix monocorde de son professeur d'histoire, Monsieur Fumet, ne suffisait pas à lui vider l'esprit cependant, encore tourmenté par les événements récents.
Depuis l'annonce de la mort de Madame Hertz, la semaine avait été riche en émotion. Le lendemain même de la cérémonie en l'honneur de l'ancienne professeure, c'était une Yumi hors de contrôle qui avait fusé à travers la cour en direction de Stéphanie. Cette dernière avait instinctivement tenté de s'éclipser mais en vain. Le petit groupe avait tout de suite compris que quelque chose clochait en constatant que les cheveux de la japonaise, habituellement noués en un chignon complexe, étaient défaits ce matin-là.
S'en était suivi la dispute la plus monumentale et la plus affreuse qu'ait jamais connue Kadic. La japonaise avait crié sur son amie sans interruption pendant une bonne dizaine de minutes à s'en écorcher la voix tandis que cette dernière se contentait de hocher la tête d'un air coupable, les larmes aux yeux.
Entre deux éclats de voix, Aelita, Mathieu et les autres, restés à bonne distance, avaient fini par comprendre que, la veille, Stéphanie avait tout avoué à William concernant le Supercalculateur et que, de fil en aiguille, cela avait provoqué la douloureuse rupture du couple.
Depuis cet incident, Yumi refusait catégoriquement d'adresser la parole à Stéphanie, l'évitant autant que nécessaire durant les cours, au grand damne de la jeune fille qui ne demandait qu'à se faire pardonner, sans trop savoir comme s'y prendre. Le mal était déjà fait et ne pouvait être réparé dans le cœur meurtri de la japonaise.
Aelita avait vainement tenté une approche auprès de William qui, toujours sous le choc de la nouvelle et rendu aigri par sa récente rupture, l'avait brutalement repoussée en prétextant qu'il avait besoin de temps pour réfléchir. La jeune fille, qui avait déjà bien assez à régler avec sa mère, celle-ci s'étant avérée profondément bouleversée par la mort de son amie, Suzanne Hertz, n'avait pas insisté.
L'ambiance au sein des Lyokô-Guerriers était donc plus tendue que jamais et, fort heureusement, le programme que leur meneuse aux cheveux roses avait installé durant le week-end afin de les avertir d'une éventuelle récidive de la Brèche de Lyokô n'avait donné aucun signe d'alarme au cours des derniers jours. Une chance selon Mathieu, qui pensait que leur équipe des plus divisées en cet instant précis n'aurait pas fait long feu face aux monstres de la Green Phoenix.
Mathieu accentua une ombre sur le dessin qu'il s'affairait à réaliser depuis le début de l'heure, trop distrait pour suivre le cours. Qu'allait-il se passer désormais ? Avec les derniers événements, il était évident que Yumi ne voudrait plus avoir affaire à eux et Aelita s'éloignait de plus en plus du groupe, obnubilée par sa nouvelle relation avec Thomas.
Le jeune homme fronça les sourcils en pensant au couple. Plus le temps passait et plus il commençait à se dire qu'Odd n'avait peut-être pas tord. Peut-être Aelita ne s'accrochait-elle à ce Thomas que dans le but de combler le vide laisser dans son cœur par Jérémie ? Peut-être ne s'agissait-il là que de sa façon de s'accrocher alors que son univers s'effondrait sur lui-même…
"Et si j'avais eu tord de la pousser vers lui ?" se dit-il avec appréhension en repensant au regard transi d'amour que la jeune fille aux cheveux roses destinait à son ancien compagnon de chambre avant qu'il ne quitte Kadic… Un regard qui était loin de celui qu'elle adressait à son actuel petit ami, c'était certain.
La sonnerie retentit, mettant fin au cours et ramenant Mathieu sur Terre. Alors que le professeur souhaitait une bonne fin de journée aux autres élèves qui se pressaient déjà vers la sortie, l'adolescent prit tout son temps pour ranger ses affaires, jetant au passage un coup d'œil d'ensemble à son dessin.
Le regard d'Angel lui répondit et son estomac se serra. Malgré tout le temps qui s'était écoulé, tous les liens qu'il avait forgés avec les kadiciens, le jeune homme restait omniprésent dans son cœur comme dans son esprit. Il n'était toujours pas prêt à tourner la page. Pas tant que celui-ci ne serrait pas libéré de l'emprise de la Green Phoenix.
Mathieu inspira profondément afin de calmer son cœur qui commençait à s'emballer. Cette seule et unique pensée était la dernière chose qui le poussait à ne pas tourner le dos à toute cette histoire de Supercalculateur depuis l'annonce de l'assassinat de l'ex-professeure Hertz. Il y puisait sa force et son courage, se forçant à ne pas prendre ses jambes à son cou et fuir, comme il en avait l'habitude. Cette fois-ci il était bien décidé à se battre pour ce qu'il désirait, quelles que puissent en être les conséquences !
Il pouvait l'affirmer très clairement désormais, il était prêt à mourir pour Angel s'il le fallait.
- Mademoiselle Delmas, je suis relativement pressée, fit la voix courroucée de Hyacinthe Soprano, j'ai cours dans moins de dix minutes avec vos camarades de Terminale et…
- Ça attendra ! l'interrompit la jeune fille avec une brusquerie qui ne lui était que peu coutumière, l'entrainant à travers les couloirs du bâtiment administratif de Kadic, le regard déterminé, ce que j'ai à vous dire importe bien plus qu'un simple cours de Philosophie, croyez-moi !
L'enseignante pinça les lèvres mais préféra ne pas relever la remarque, se contentant de suivre la fille de son amant de son habituel pas vif, ses talons claquant contre le carrelage des couloirs impeccables, vides à cette heure de la journée.
Cette adolescente ne lui avait posé que des problèmes depuis qu'elle et son père s'étaient finalement décidés à lui avouer leur liaison -elle n'en avait éprouvé aucune surprise cependant. A ses yeux, elle n'était jamais qu'un substitut, un corps étranger dans cette belle petite vie qui était la sienne ayant pris la place de sa mère bien-aimée... Comment Elisabeth aurait-elle pu l'apprécier ? Cela ne l'empêchait pas cependant d'être singulièrement agacée par les constantes brusqueries de l'adolescente, perturbant sa carrière ! Que pouvait-elle bien lui vouloir cette fois-ci ?
Avec un haussement de sourcil surpris à peine perceptible, Mademoiselle Soprano constata qu'Elisabeth l'entrainait jusqu'au bureau de son père dont la porte caractéristique, surmontée d'une plaque dorée indiquant « Proviseur » luisait faiblement à la lueur des néons.
Sissi toqua à la porte et entra sans laisser le temps à l'enseignante de réfléchir. Elle traversa la pièce de la secrétaire de son père, Nicole Weber, sans prêter la moindre attention aux cris indignés de cette dernière. Hyacinthe Soprano lui emboita le pas en adressant un sourire confus à la vieille femme, désormais inquiète. Elle venait seulement de remarquer le regard étrangement dur de la jeune fille, comme si elle venait de prendre une décision qui ne pouvait être autre que lourde de conséquences.
Nicole Weber soupira avant de se rassoir, croisant ses longs doigts secs sous son menton pointu, habituée à l'attitude de sans-gêne de la fille du proviseur. Il n'y avait rien qu'elle pouvait faire pour s'interposer de toute manière, elle avait fini par l'apprendre au fil des années.
L'adolescente franchit rapidement les quelques pas séparant la porte d'entrée de celle de la salle réservée au directeur de l'établissement et l'ouvrit sans la moindre hésitation, sans prendre la peine de s'annoncer.
D'un mouvement d'une rare brusquerie, elle poussa sa professeure de philosophie qui lâcha un glapissement de surprise à l'intérieur de la salle avant de refermer derrière elle, sous le regard incrédule de la secrétaire.
Jean-Pierre Delmas s'était levé de son bureau à l'entrée des deux femmes de sa vie, visiblement aussi surpris que Madame Weber par cette brusque interruption. L'ordinateur allumé à la surface du meuble de bois riche ronronnait doucement et une liasse de papier était posée face à lui, signe que sa fille l'interrompait en plein travail. Une large fenêtre permettait au soleil qui brillait fort ce jour-là de baigner toute la pièce de sa douce lumière, lui conférant un aspect chaleureux et agréable qui contrastait avec la froideur de l'ameublement d'un autre âge et de son occupant.
Jean-Pierre Delmas avait en effet tout pour paraitre imposant, avec sa haute et large silhouette, sa large moustache grisonnante, ses cheveux poivre et sel impeccablement coiffés et sa paire de lunettes strictes ne suffisant pas à masquer l'éclat de ses yeux d'un brun profond. Il se dégageait de lui une autorité et un charisme impressionnants, reconnus de tous à travers l'établissement.
- Sissi ! s'exclama-t-il de sa voix grave et profonde, mi-surprise mi-indignée, qu'est-ce que tout cela signifie ?
La jeune fille ne répondit pas, restant tournée vers la porte, inspirant profondément. Elle ne pouvait plus reculer désormais, il fallait qu'elle se lance, même si cela signifiait bouleverser sa vie à jamais.
Lentement, elle se retourna vers les deux adultes qui la fixaient d'un air exaspéré. La détermination, mêlée à la peur, était clairement lisibles au fond de ses deux prunelles d'obsidienne, savamment maquillées.
- Papa, Mademoiselle Soprano, il faut qu'on parle. Tous les trois.
- Tout cela devient grotesque ! s'exclama le proviseur en contournant son bureau pour se diriger à grand pas vers sa fille, cela fait des semaines que tu agis ainsi, te défiant du règlement et allant jusqu'à rendre la vie impossible à Hyacinthe –la jeune fille tressaillit en entendant son père nommer sa professeure par son prénom- il serait temps que tu grandisses un peu !
Pour toute réponse, Sissi dégaina son portable et pressa une touche, affichant avec automatisme la photo de la lettre dont elle ne pouvait détourner le regard depuis des jours.
- Qu'est-ce que… ?
La voix du proviseur s'étrangla dans sa gorge, il blêmissait à vue d'œil. Mademoiselle Soprano mit plus de temps à comprendre ce que leur montrait la jeune fille. Cependant, lorsque, enfin, elle réalisa de quoi il s'agissait, son visage habituellement ferme et implacable sembla se décomposer et elle vacilla sur place. Pour la première fois, c'était de la peur qui était lisible dans ses yeux. Une peur véritable et paralysante.
- Je veux des explications, lâcha le plus calmement possible Sissi, impassible, maintenant.
Elle s'était visualisée mentalement cette confrontation dans sa tête pendant des jours avant d'enfin se décider à confronter son père et sa maîtresse. Elle était prête à faire face à la situation, contrairement aux adultes concernés.
- Sissi, lâcha Jean-Pierre Delmas d'une voix blanche étrange qu'elle ne lui avait jamais entendue, où as-tu vu cette… ?
- Cette lettre ? Ça n'a pas d'importance, l'interrompit-elle en soutenant son regard, sans ciller, mais apparemment tu étais au courant de son existence, à en juger ta réaction… Qu'as-tu à dire à son sujet dans ce cas, je t'écoute ?
Le proviseur ne parvint pas à regarder en face sa fille plus longtemps et détourna les yeux, visiblement troublé. Derrière lui, Mademoiselle Soprano semblait au bord de la nausée et restait silencieuse, ses bras serrés contre sa poitrine dans une attitude angoissée. Elle avait enfoncé ses ongles dans ses coudes avec tant de force que ses jointures en devenaient blanches.
Pourtant, Sissi ne parvenait à tirer aucune satisfaction du trouble qu'elle avait réussi à inspirer à cette femme qu'elle haïssait de tout son être. Son esprit était vide de toute pensée et de tout sentiment désormais. Tout ce qu'elle désirait en cet instant précis, c'était des réponses.
- Tu en as parlé à quelqu'un ? reprit très rapidement son père comme pour détourner la conversation, de cette lettre… ?
- Ce n'est pas la réponse à la question que je t'ai posée, protesta tout aussi évasivement la jeune fille, d'un ton plus froid que jamais.
- Sissi, toute cette affaire ne te regarde pas ! s'emporta soudain Jean-Pierre Delmas, le visage tordu en une étrange expression mêlant la peur et la colère, je suis ton père ! Réponds à mes…
- Ça suffit Jean-Pierre…
Les deux Delmas se retournèrent avec surprise vers Mademoiselle Soprano. Celle-ci s'était adressée à son amant d'un ton étrange, à mi-chemin entre la supplication et le désespoir. Elle semblait avoir pris vingt ans de plus en cet instant, fixant ses pieds chaussés de talons avec honte.
- Nous nous doutions que nous ne pourrions dissimuler la vérité pour toujours, reprit-elle de cette même voix éraillée et si profondément triste qu'elle parvenait même à faire vaciller les barrières que s'était bâtie Sissi en prévision de cette discussion, ta fille a le droit de savoir…
Un silence pesant se posa sur la pièce alors que Jean-Pierre Delmas refermait la bouche en fixant à son tour le sol, bouleversé. Elisabeth mit un moment avant de parvenir à reprendre la parole, un trémolo dont elle se serrait volontiers passé dans sa voix .
- Alors c'est vrai… fit-elle en sentait sa force la quitter peu à peu, tout ce que ma mère a écrit dans cette lettre à votre attention Hyacinthe… Vous l'avez bel et bien tuée ?
Le silence qui lui répondit valait plus que toutes les réponses possibles. Sous le choc, Sissi vacilla. Elle sentit à peine son téléphone glisser de sa main et atterrir sur le sol avec un bruit sourd, tandis que des larmes brouillaient sa vision.
- Je me souviens… souffla-t-elle en plaquant sa main contre son cœur qui menaçait de se briser à tout instant, vous m'aviez dit que votre précédent travail, avant que mon père ne vous embauche, était infirmière dans l'hôpital de la Ville de la Tour de Fer. Vous me l'aviez dit le jour où mon père vous a présenté à moi… Je n'ai pas fait le lien tout de suite, comme une idiote… En réalité, vous étiez en charge de ma mère lorsqu'elle était malade, n'est-ce pas ?
Hyacinthe Soprano approuva d'un air grave, incapable de parler. Jean-Pierre Delmas s'était glissé à ses côtés et avait glissé ses doigts entre les siens, dans une attitude protectrice et rassurante. Sissi ne parvint même pas à s'en offusquer.
- Il faut que tu nous écoutes ma chérie, parvint enfin à articuler le proviseur d'un air inquiet, fixant la porte dans le dos de sa fille de crainte que Nicole Weber ne surprenne leur conversation, nous nous sommes rencontrés, Hyacinthe et moi, alors que ta mère était en phase terminale. De fil en aiguille nous nous sommes rapprochés et… Nous avons fini par tomber amoureux.
Un hoquet plaintif échappa à Sissi qui pleurait véritablement cette fois, affaissée sur elle-même, le visage ravagé par la douleur.
- Mais nous n'avons cédé à aucun moment, reprit très vite Jean-Pierre Delmas, jamais je n'ai cherché à tromper ta mère et jamais Hyacinthe n'a voulu exprimer ses sentiments. Nous avons préférer enfouir notre amour au fond de notre cœur, par respect pour ta mère. Seulement Mélissa n'était pas aveugle…
- Ta mère était une femme intelligente... poursuivit à la place de son amant la professeure de philosophie, s'attirant un regard empli de haine de la part de la jeune fille.
-Comment osez-vous parler d'elle… ? siffla-t-elle entre deux sanglots, folle de rage.
Mais Hyacinthe n'y prit pas garde, se forçant à continuer malgré son bouleversement faisant écho à celui de l'adolescente qui lui faisait face.
- ...Elle a très vite compris qu'il se passait quelque chose entre moi et ton père. Et elle avait conscience d'être la seule personne à encore empêcher les deux êtres que nous étions à s'aimer. Elle ne pouvait plus supporter d'être une charge pour son mari. C'est du moins ce qu'elle a écrit dans cette lettre m'étant destinée, comme tu as pu le lire par toi-même.
Sissi ne répondit pas. Que pouvait-elle répondre ? Elle savait déjà tout cela… Elle le savait pour avoir lut et relut cette ultime lettre de sa mère, jusqu'à ce que le moindre mot la composant soit gravé à jamais dans son cerveau. Elle savait où tout cela menait.
- C'est pour cela… parvint-elle enfin à dire en ravalant ses pleurs, c'est pour cela qu'elle vous a demandé de l'euthanasier n'est-ce pas ?
C'était enfin sorti. Elle avait enfin réussi à dire ce que son cœur refusait d'admettre depuis des jours. Hyacinthe Soprano était la seule responsable de la mort de sa mère, à sa propre demande. Tout cela lui paraissait encore plus inconcevable maintenant que ces terribles mots avaient été formulés à haute voix. Tout autours d'eux, le spectre de Mélissa Delmas semblait résonner à même les murs, les plongeant dans une angoisse épaisse et poisseuse, compressant leurs poitrines et les étouffant peu à peu. Sissi se sentit suffoquée, terrassée par l'effroyable réalité.
- Ta mère souffrait, fit l'enseignante d'un ton désespérée alors que des larmes commençaient à couler à leur tour sur ses joues, elle n'en avait plus pour longtemps à vivre et aucun remède n'était possible. Elle a préféré libérer son mari en mettant fin à ses jours plutôt que de continuer à être un poids pour lui, selon ses propres mots. Pendant longtemps j'ai refusé, par éthique, mais elle insistait tellement et avec tant d'ardeur que j'ai fini par en parler à ton père.
- Nous avons alors eu une longue discussion, tous les trois, acheva Jean-Pierre Delmas en enlaçant sa maîtresse qui ne semblait plus capable de tenir debout, écrasée par le poids des révélations qu'elle venait de fournir, et, la mort dans l'âme, nous avons finalement cédé. Ta mère est partie avec le sourire, alors que Hyacinthe lui administrait une dose de ses calmants légèrement supérieure à la normale. Une dose fatale. Hyacinthe a démissionné quelques jours plus tard, elle ne parvenait plus à supporter de devoir arpenter ces couloirs où elle se sentait comme une meurtrière, et je lui ai offert un poste ici. Tu connais toute la vérité désormais.
Sissi resta siilencieuse, perdue dans un flot de pensées contradictoires. Elle ne savait pas comment réagir face à un tel secret. Elle s'était attendue à ressentir une haine plus virulente encore à l'égard de Mademoiselle Soprano en apprenant la vérité mais, pour une curieuse raison, tout ce que cette femme lui inspirait désormais, c'était de la pitié. Savoir que sa mère avait accepté cette union entre son mari et son infirmière et était allée d'elle-même jusqu'à leur demander de lui ôter la vie pour les libérer et leur permettre de vivre pleinement leur amour l'avait profondément touchée.
Un petit rictus étira les lèvres pulpeuses de la jeune fille. Cela ressemblait tellement à Mélissa Delmas… Partir avec panache tout en pensant toujours au meilleur pour les autres, sans se soucier de son propre bien-être... Un trait de caractère que Sissi lui avait souvent reproché –et envié- dans sa jeunesse, se poussant à agir à l'opposé. L'image de cette femme si douce, aux longs cheveux de jais, s'afficha dans l'esprit de l'adolescente et la simple pensée de son sourire suffit à faire cesser ses larmes. Elle ne pensa même pas à démentir les dires de son père et de son amante. Mentir dans une telle situation ne leur aurait rien apporté, bien au contraire.
- D'accord, souffla la jeune fille en se laissant tomber au sol, incapable de tenir sur ses jambes plus longtemps, je comprends mieux pourquoi vous aviez si mal réagi lorsque je vous ai interpelée sur votre vision de l'éthique lors de votre premier cours, Mademoiselle Soprano…
Elle avait dit tout cela d'un ton ironique mêlé d'amertume, comme si tout cela n'avait plus aucune importance désormais. L'enseignante hocha la tête tristement. Ses remords et son désespoir paraissaient si sincères que Sissi renonça définitivement à s'énerver. La dimension qu'avait prise ce qui n'avait commencé que comme une innocente paranoïa envers la maîtresse de son père la dépassait complètement désormais, et il n'y avait plus de place pour une jalousie mal placée dans ses pensées.
- Et maintenant, qu'est-ce que vous comptez faire… ? se risqua-t-elle enfin à lâcher en fixant les motifs complexes décorant le sol, incapable de relever la tête vers les deux adultes, Mademoiselle Soprano risque la prison pour ce qu'elle a fait… Toi aussi papa.
- Sissi, tu… lança précipitamment son père avant de se faire interrompre d'un geste de l'adolescente.
Celle-ci avait glissé sa main jusqu'à son téléphone gisant au sol et l'avait rallumé.
- Ne vous inquiétez pas, je n'en ai parlé à personne -pour répondre à ta question de tout à l'heure papa, fit-elle avant de marquer une pause, songeuse, et je n'en parlerai pas. Jamais.
Et, sans rien ajouter de plus, elle pressa une touche de son écran tactile, supprimant définitivement la photo de la lettre compromettante. Elle venait de détruire la seule preuve à charge contre son père et son amante, capable de les accuser de l'homicide de sa mère. Malgré toute la peine que ce choix lui imposait, elle acceptait leur décision, à tous les trois.
Un profond soupir s'échappa de ses lèvres alors qu'une étrange sensation de vide enflait dans sa poitrine. Elle aurait préféré ne jamais aller jusqu'à fouiller le casier de sa professeure, si seulement elle avait su ce à quoi tout cela la conduirait… En agissant ainsi, elle avait conscience de devenir complice d'un meurtre, ni plus ni moins, au regard de la loi. Mais malgré cela, elle voulait suivre les dernières volontés de sa mère. Quel qu'en soit le prix.
- Vous devriez vous débarrasser vous aussi de cette lettre Mademoiselle Soprano, reprit-elle en se relevant, posant sa main sur la poignée de la porte, ce serait plus sage pour tout le monde. Je dois me rendre en cours à présent… Merci pour votre sincérité.
Jean-Pierre Delmas frissonna. L'espace d'un instant, en croisant le regard de sa fille, il avait cru reconnaitre celui de sa défunte femme. Une sensation de malaise naissant au creux de son estomac, il regarda la jeune femme qu'était devenue Sissi tourner les talons et sortir de son bureau avec superbe, sans rien ajouter de plus. Il eut soudain la très nette sensation que, suite à cette discussion, sa petite fille qu'il avait chéri pendant tant d'années ne serait plus jamais la même. Par leur égoïste décision, son ex-femme, son amante et lui-même venaient de la détruire à jamais.
Hyacinthe enfouit soudain son visage contre son torse en sanglotant, complètement sous le choc. Il l'étreignit distraitement, réprimant ses sentiments qui menaçaient de le faire s'effondrer à son tour. Eux-mêmes ne seraient plus jamais pareils après ce qu'ils avaient fait, il le savait bien… C'était un choix douloureux qu'ils avaient décidés d'assumer. Son seul et unique regret était de ne pas avoir été capable de préserver sa fille de cette affreuse réalité plus longtemps.
William se laissa glisser le long de l'arbre contre lequel il était adossé, fermant les yeux, profitant du soleil qui dardait ses rayons sur le parc de Kadic. Lentement, les muscles de son visage se détendirent et il laissa ses pensées dériver. Mademoiselle Soprano, leur professeure de philosophie, ne s'était pas montrée dans leur classe et un surveillant avait fini par leur annoncer qu'elle était incapable d'assurer son cours aujourd'hui pour raison personnelle, les libérant enfin.
La plupart des Terminale L s'étaient aussitôt rendus au foyer des élèves dans le but de profiter pleinement de ces deux heures de libre inespérées, tandis que lui avait préféré s'isoler. Comme il l'avait précisé à Aelita Stones (ou Hopper ou Schaeffer, il ne savait plus comment l'appeler) il avait besoin de réfléchir suite à ce que cette Stéphanie lui avait avoué, bien contre son gré.
Il n'en connaissait pas les détails –il ne voulait pas les connaitre- mais le Supercalculateur avait été rallumé. Et d'autres innocents, tels que lui et Eva à l'époque, avaient été impliqués. Restait à savoir ce que lui, dans tout cela, devait faire.
Lors de leur confrontation avec la Green Phoenix, un an plus tôt, les Lyokô-Guerriers l'avaient volontairement tenu à l'écart, de crainte de le voir retomber du côté de XANA comme cela avait été le cas lors de sa première plongée dans le monde virtuel. Ainsi, il n'avait jamais eu l'occasion de se venger de l'entité maléfique qui lui avait fait perdre des mois de sa vie en le maintenant captif, et qui était toujours responsable de la plupart de ses cauchemars. Il était clair que, malgré le temps qui s'était écoulé, il n'était pas et ne serait jamais accepté parmi le petit groupe, à commencer par Yumi –la pensée de la jeune japonaise avec qui il venait de rompre lui arracha une grimace- et maintenant que son ennemi juré n'était plus, il ne voyait pas l'intérêt de risquer sa vie une fois de plus. N'avait-il pas assez à gérer tout seul, tourmenté par toute cette horrible histoire comme il l'était depuis des mois ?
Il n'avait pu s'empêcher cependant d'aborder la question avec Xavier de Rhimé, le psychologue scolaire (tout en restant le plus évasif possible bien entendu), et la réponse de celui-ci avait été on ne pouvait plus claire. Si William voulait un jour parvenir à surmonter ses angoisses et ses cauchemars, il lui fallait aller au devant de la cause. Ce qui impliquait pour lui rejoindre de nouveau le camp des Lyokô-guerriers dans leur lutte, dont il ne savait au final que peu de chose.
Un soupir de dépit s'échappa de ses lèvres entrouvertes. Il avait beau passer ses nuits, profitant de ses insomnies chroniques, à réfléchir à la question, il ne parvenait toujours pas à se résoudre à s'approcher de nouveau du Supercalculateur. Cela impliquait trop de choses pour lui, y comprit se retrouver confronter à Yumi de nouveau !
La jeune japonaise l'avait ignoré avec superbe après leur rupture, s'asseyant le plus loin possible de lui en cours et l'évitant autant qu'elle le pouvait. Elle était redevenue le masque d'ivoire qu'elle était lors de leur première rencontre et rien ne semblait pouvoir la dérider. Si elle avait définitivement perdu sa confiance en se refusant à lui avouer la vérité quant au rallumage du Supercalculateur, lui avait rompu les liens qu'il avait si difficilement tissés avec elle depuis la Troisième. Sa relation si belle, si magique avec elle ne lui semblait plus qu'un lointain souvenir désormais. Tout comme ses sentiments. Il avait trop donné de sa personne dans cette histoire et n'avait pas assez reçu en retour pour préserver leur flamme fragile et vacillante. Tout était terminé désormais, et il n'en éprouvait ni tristesse, ni soulagement. Rien qu'une profonde indifférence bien pire encore que la colère qui l'avait poussé à rompre avec l'élue de son cœur depuis tant d'années.
Un bruissement d'herbe non loin de lui lui fit relever la tête. Un jeune homme s'avançait vers lui avec un petit sourire en coin, ses yeux d'un gris très clair brillant sous son étrange béret violet. Pendu à son bras, se trouvait Eva, qui le contemplait avec un air grave, son habituelle barrette en forme de note de musique dégageant son front.
- Eva voulait te parler, fit le jeune homme que William finit par reconnaitre. Il ne fréquentait plus Odd depuis tellement de temps qu'il ne l'avait pas tout de suite identifié, perdu dans ses pensées, je te file juste ça en attendant si tu veux te détendre !
Le jeune homme tout de violet vêtu lui jeta une cigarette qu'il attrapa de justesse avant de s'en allumer une lui-même et de s'éloigner après avoir salué sa petite amie d'un léger baiser. La jeune fille aux yeux translucides s'avança vers William qui ne broncha pas, se contentant de dégainer son briquet pour allumer le mince tube de papier, inspirant une grande bouffée de tabac, se laissant griser par la sensation formidable que produisait la nicotine sur son cerveau. Au moins parviendrait-il à chasser ses problèmes de son esprit pour un temps avec cela…
- Comment tu te sens ? lui demanda l'américaine de son léger accent en s'agenouillant près de lui, je suppose que ce que Stéphanie t'as avoué a du te… Perturber.
- C'est le moins qu'on puisse dire, grogna le jeune homme en recrachant la fumée de sa cigarette avec délice, qu'est-ce que tu fais là, tu ne devrais pas avoir cours ?
- Non, les Premières ES ont étude à cette heure, répliqua la jeune fille sans sourciller, mais revenons à nos affaires… Qu'est-ce que tu comptes faire maintenant ?
William eut un mauvais rictus.
- Je n'ai pas trop envie d'en parler Eva, écoute…
- Pourtant il le faut bien, rétorqua l'interpelée, ses yeux étincelant derrière ses mèches blondes, il faut que tu parles avec quelqu'un sinon ça va te dévorer de l'intérieur, comme le souvenir de XANA l'a déjà fait auparavant…
William ne répondit rien, prenant le temps de tirer une nouvelle fois sur la cigarette d'Odd.
- Pourquoi est-ce que tu ne m'as rien dit ? questionna-t-il gravement au bout d'un moment, avec tout ce dont on discutait ces dernières semaines sur nos cauchemars et tout ça, pourquoi tu ne m'as pas dit que vous aviez repris du service ?
Eva le regarda porter de nouveau le filtre à ses lèvres, cherchant sa réponse avec soin.
- C'était à Yumi de faire ça, je ne pouvais pas faire autrement que de respecter sa décision de te tenir à l'écart… Odd m'a de suite mise dans le secret et cela m'a tellement bouleversée que je n'ai pas pu dormir pendant des nuits entières. Je pensais sans cesse à XANA et à ce que la Green Phoenix préparait, cela frisait l'obsession et sans Odd, j'aurais peut-être fini par devenir folle… Je voulais qu'au moins un de nous deux ait la conscience tranquille, tu comprends ?
Une fois de plus, William resta silencieux. Eva se laissa aller un moment à perdre son regard dans les volutes de fumées s'envolant de l'extrémité roussie de sa cigarette. Enfin elle reprit la parole, son regard d'un bleu translucide fixé vers le ciel dégagé.
- Ils ne comprennent pas, tu sais… Aucun d'eux ne peut comprendre ce que ça faisait d'être sous son contrôle, frissonna-t-elle en penchant sa tête contre son épaule, le faisant légèrement tressaillir, pas plus qu'ils ne peuvent comprendre l'importance qu'a toute cette histoire à nos yeux. Ils se battent pour un monde meilleur, mais nous, nous nous battons seulement pour nous William. Pour réparer l'affront qui nous a été fait et nous venger comme il se doit. N'est-ce pas… ?
Le jeune homme ne dit rien mais son approbation se lisait dans ses yeux. Personne n'arrivait mieux à le cerner qu'Eva, peu importait la situation. Yumi n'avait jamais été capable de comprendre ce désir de revanche qui le hantait, et la jeune américaine n'avait pas mis plus de cinq minutes pour cela. Le triste sort qu'ils avaient tous deux partagé les rapprochait d'une bien sinistre façon…
Avec une moue dédaigneuse, William jeta sa cigarette éteinte d'une pichenette au loin sur le sentier . Elle avait raison, jamais il ne pourrait trouver la paix s'il ne parvenait pas à mettre une fin lui-même à toute cette histoire. Le souvenir de XANA continuerait à le hanter tant qu'il saurait que le Supercalculateur était allumé, et d'autant plus s'il ne faisait rien pour arrêter cela.
- Très bien… finit-il par admettre, arrachant un petit sourire triste à sa confidente, parle-moi des raisons qui vous ont poussé à rallumer cette horreur…
Aelita sortit de cours alors que la cloche annonçant la pause de midi résonnait, son sac sur l'épaule et sa main dans celle de Thomas. Elle suivit un instant de ses yeux d'un vert profond Mathieu se diriger vers les escaliers alors que son petit ami l'entrainait dans un couloir, à part.
Elle se laissa embrasser sans broncher, profitant de l'étreinte tiède du jeune homme, glissant ses doigts dans son dos. La pause de midi était leur moment câlin favori depuis qu'ils sortaient ensemble. Il y avait peu d'élèves et d'enseignants dans les couloirs à cette heure, la plupart se trouvant au réfectoire, ce qui leur offrait une tranquillité toute relative. Jérémie, à l'époque, n'avait jamais manifesté le moindre désir de se retrouver seul à seul avec elle entre les cours et le côté entreprenant de Thomas la changeait donc agréablement.
- Quelque chose ne va pas ? questionna finalement le jeune homme en se détachant d'elle, un froncement de sourcil inquiet barrant son beau visage.
- Qu'est-ce qui te fait dire ça ? s'étonna l'adolescente en rougissant légèrement, percée à jour –elle ne cessait de penser à l'affaire de William et à la Brèche de Lyokô depuis quelques temps.
- Ta façon d'embrasser, sourit son petit-ami en lui caressant la joue, on dirait que tu es distraite… Dis-moi tout, tu penses encore à ce qui est arrivé à Madame Hertz ?
- Oui, en partie, répondit Aelita en toute honnêteté, j'ai quelques ennuis avec mes amis aussi… Pour tout te dire j'aurais bien besoin de me détendre un peu en ce moment !
Un sourire taquin étira les lèvres du jeune homme. Il était là pour cela après tout : l'aider à se détendre ! Plongeant soudain sur son cou, il se mit à la chatouiller de baisers lui arrachant de petits rires, manquant de la faire tomber par terre au passage.
- Arrête, idiot ! pouffa-t-elle en faisant semblant de le repousser, j'essaye d'être sérieuse !
Thomas cessa ses assauts et releva ses yeux noirs vers elle, une petite moue déçue au coin des lèvres.
- Tu sais quoi ? déclara-t-il en se campant face à elle, tu devrais te trouver un véritable passe-temps, un truc pour te vider l'esprit ! Moi j'ai mes heures de sport mais toi, à part participer au concours de robotique de Madame Collins, qu'est-ce que tu aimes vraiment faire ?
Surprise, la jeune fille ouvrit la bouche sans trouver quoi répondre. Sa passion ? Elle n'avait jamais véritablement cherché à s'en trouver une… Lyokô l'avait obnubilée pendant une bonne partie de sa scolarité et Jérémie était du genre à se montrer envahissant lorsqu'ils étaient ensembles… Elle n'avait jamais véritablement eu l'occasion de s'exprimer en dehors du domaine informatique.
Puis, soudain, ses yeux s'illuminèrent. En réalité, il y avait bien une chose qui lui plaisait. Une chose à laquelle elle n'avait plus eu l'occasion de toucher depuis un bon moment désormais, notamment à cause de sa recherche de sa mère et de la Green Phoenix l'année passée.
- La musique, souffla-t-elle avec un petit sourire, j'aimais bien mixer au collège…
- Ah oui, je me souviens ! s'exclama Thomas, ravi, tu avais même été sélectionnée pour jouer lors de la première partie du concert des Subdigitals en ville en Troisième, non ? Je me souviens que je t'avais trouvé éblouissante à ce moment là… Tu jouais vraiment bien !
Aelita rosit légèrement alors qu'une vague de souvenirs remontaient dans sa mémoire. La sensation extraordinaire qu'elle avait éprouvée lorsque ses doigts avaient, pour la première fois, effleuré la table de mixage que William lui avait présentée lors de son année de Quatrième, à l'époque où elle n'avait toujours aucun souvenir de sa vie humaine passée. Les cris de joies de ses camarades lorsqu'elle avait pour la première fois animé le bal du collège, ses heures passées avec Odd à écouter remix sur remix et à se perfectionner, sans que Jérémie n'en sache rien, l'audition que les Subdigitals –son groupe préféré de l'époque, comme bon nombre de kadiciens- avaient organisée au collège et à laquelle elle avait bien failli ne pas participer…
Un sourire lui échappa tandis qu'elle se souvenait que sa première véritable montée sur scène, dont Thomas parlait, avait bien failli ne jamais avoir lieu en raison d'une attaque intempestive de XANA. Un petit Retour vers le Passé (encore pleinement opérationnel à l'époque) lui avait cependant permis d'avoir droit à son heure de gloire, aux côtés du groupe le plus adulé de tout Kadic !
Le visage d'Aelita s'assombrit tout à coup. Maintenant qu'elle y repensait, Jérémie n'avait jamais été réellement emballé par sa passion. Préférant vaquer à ses programmes plutôt que d'assister à ses concerts et qualifiant son penchant pour la musique d' « inutile » à tout bout de champ… Peut-être avait-elle fini par taire ce qui l'intéressait réellement par amour pour lui ? Il était tellement important pour elle à l'époque qu'elle était prête à tout pour le garder auprès de lui, quitte à mettre une croix sur sa passion.
- Tu as raison ! finit-elle par affirmer après un baiser de remerciement envers son petit-ami, je ferais mieux de me remettre à la musique ! Maintenant que tu le dis, c'est vrai que ça me manque de ne pas avoir une table de mixage sous les doigts !
Thomas laissa échapper un petit rire avant de l'embrasser de nouveau tendrement. Aelita se sentit pousser des ailes alors que sa langue taquinait celle de son petit ami. Avec lui, elle avait l'impression de revivre, de pouvoir enfin être celle qu'elle avait tant réprimée, par amour pour Jérémie. Elle pouvait enfin être elle-même.
Vala vala, en espérant que ça vous ait plu ! A bientôt pour le Chapitre 24~ (j'espère !). _________________
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Inscrit le: 16 Mar 2013 Messages: 1110 Localisation: Au beau milieu d'une tempête.
Citation:
*veut pas se prendre une prise de Penchak Silat d'Ulrich*
Si j'ai mis une image d'Ulrich, c'est parce que je n'avais pas d'autre facepalm Code Lyokô sous la main =p. Sinon, j'en aurais profité pour placer une image de Laura <3.
Bon, en ce qui concerne le chapitre. Je pense que le terme « Tranches de vie » comme tu dis est parfaitement adapté pour le définir. On a quatre parties distinctes, abordant le cas de quatre personnages différents, ce qui offre une véritable diversité de personnalités et de pensées.
Le cœur du chapitre, l'histoire de Mélissa Delmas était véritablement intéressant. J'avoue que je ne m'attendais pas à quelque chose comme ça. Je n'ai aussi pas peur de dire que j'ai adoré Sissi dans ce chapitre. Un peu hargneuse sur le début, le fait qu'elle arrive quand même à encaisser le coup montre un côté plus fort chez elle, au delà de son côté superficiel habituel. En plus, la confrontation avec Soprano et son père était franchement bien menée et écrite, surtout au niveau de l'ambiance et des sentiments éprouvés par les personnages.
Pour le cas William, je sens qu'il va mettre encore pas mal de temps à digérer le rallumage du Supercalculateur, et donc, ne rejoindra pas le groupe des LG avant un bout de temps. Personnellement, en entrant dans le domaine de l'hypothèse, je pense qu'avant un retour éventuel de William, on aura d'abord un come-back d'Ulrich. Enfin, je me trompe peut-être, mais je pense que l'histoire avec Sissi va avoir des répercussions indirectes sur le samouraï, qui entraîneront peut-être son retour qui sait ? Bref, arrêtons-là les hypothèses o/.
Quant aux autres, ben ils vivent leur vie . Même si ça reste sympa de voir qu'ils ne sont pas morts (pas encore).
Tant que j'y suis :
Citation:
au grand damne
« Au grand dam » il me semble. Petite confusion avec l'anglais je crois.
Encore un beau chapitre vie quotidienne/émotions. Hâte de voir le suivant ! _________________
« Jérémie avait fait un superbe travail. Ce dernier voyage sur Lyokô promettait d'être inoubliable. » Un jour, peut-être.
Yop ! Merci pour ton commentaire si rapide *o* pour une fois je vais répondre maintenant,quitte à éditer ce post plus tard pour un autre chapitre~
Waaah, sans te spoiler t'es plutôt perspicace pour certains points dans tes prédictions ! Serais-je si prévisible XDD ? Edit de Zéphyr : Non, je suis juste trop fort
Sinon, content de voir que la scène sur Mélissa Delmas te plaise ! J'avais peur que ce ne soit un peu trop "engagé" pour Code Lyokô... C'est un sujet assez complexe à traiter >_< ! Content aussi que tu apprécies la Sissi un peu plus forte et mature qu'à l'accoutumé que j'ai essayé de montrer *__* je pense sincèrement que le personnage mérite une meilleur reconnaissance... Je lui avais d'ailleurs prévu un rôle bien plus important à la base avec son histoire qui serait un peu plus poussé que sur ces quelques chapitres, mais ma fiction est déjà trop longue, sans compter que j'ai un nombre assez astronomique de personnages à mettre en avant T__T du coup elle a été un peu laissée de côté par rapport à mes idées d'origine...
Concernant le "au grand damn" c'est ce qu'il me semblait aussi mais mes correcteurs orthographiques ne semblent pas d'accord avec moi alors j'ai un gros doute sur la question =( merci de relever ça en tout cas !
A bientôt pour le chapitre suivant sur ce X3~ _________________
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XDD Merci Pikamaniaque pour me permettre de reposter la suite !
Bon, ça fait un moment que je donne pas de nouvelles et à force de me noyer sous les cours/stages/devoirs/et autres projets, je commence à douter de ma capacité à un jour parvenir à finir cette fic... Désolé pour tous ceux qui me suivent, je suis un vrai boulet et ça va avoir du mal à changer =(...
Quoi qu'il en soit, voici la tant attendue (oupa) suite de New Wave, avec le Chapitre 24 ! J'espère que vous apprécierez cette version relue et corrigée o/
Spoiler
Chapitre 24 :
Épisode 123 : Miss Puck_
Aelita serrait entre ses doigts le petit bout de papier que venait de lui remettre le proviseur en personne, le cœur battant la chamade, ses pas raisonnant le long de l'interminable couloir austère dans lequel elle déambulait, le regard fixé sur les portes qu'elle croisait. Elle n'avait pas l'habitude de s'aventurer dans cette partie du lycée, peu fréquentée par les élèves, et cela avait quelque chose de légèrement intimidant.
Ce mystérieux document qu'elle semblait conserver avec fébrilité n'était autre, à un juger le sceau officiel de l'établissement, clairement discernable à l'encre rouge en bas de page, que l'autorisation lui permettant enfin, après près d'une bonne heure de négociation de créer son groupe de musique. Aux termes d'une minutieuse vérification des bulletins de la jeune fille et d'une mûre réflexion, le proviseur Delmas avait fini par consentir à le lui remettre quelques minutes plus tôt, lui arrachant le plus large sourire qu'il lui eut jamais été donné d'arborer au cours des derniers mois.
Alors qu'elle revérifiait le numéro de la salle allouée par le proviseur pour ses répétitions, elle ne put s'empêcher de se faire la réflexion que le père de Sissi avait eu l'air singulièrement épuisé au cours de leur entretien. Il n'avait, en effet, même pas cherché à dissimuler ses traits tirés et ses cheveux lui avaient parue plus grisonnants que jamais, comme s'il avait pris plusieurs années d'un coup. Au fond d'elle-même, elle ne pouvait s'empêcher de se demander ce qui avait pu perturber à ce point un homme aussi intègre et à même de régler les problèmes que Monsieur Delmas.
Son cœur rata un battement alors que ses yeux s'arrêtaient sur le petit numéro en lettre écaillé inscrit sur la porte devant laquelle elle venait de s'arrêter, muette d'excitation. « A23 », c'était ici !
Ses inquiétudes s'envolèrent aussitôt de son esprit et, légèrement tremblante, elle sortit de sa poche la clef que Nicole Weber lui avait remise après qu'elle lui eut présenté l'attestation signée du proviseur. Un cliquetis retentit alors qu'elle déverrouillait la serrure et la porte coulissa, dévoilant une pièce tellement plongée dans la pénombre qu'il était impossible d'y voir à plus de deux mètres.
Prudente, Aelita s'avança avant d'étouffer un juron. Son orteil venait de heurter le coin d'un boîte en carton que quelqu'un avait visiblement cru bon de laisser en plein milieu de l'entrée.
Sautillant à moitié, elle se dirigea vers la première fenêtre venue et l'ouvrit d'un geste vif, toussotant sous l'effet de la couche de poussière qu'elle venait de déplacer par ce geste. Un rideau de lumière illumina la salle alors qu'elle ouvrait les volets en grand dans le but de l'aérer, et la jeune fille put enfin distinguer à quoi elle ressemblait.
Exigüe, les murs nus dont la peinture commençait à s'écailler, elle semblait ne pas avoir servi depuis des lustres ! Quelques cartons recouverts de poussières trainaient au sol et il n'y avait pour seul ameublement que deux tables qui avait du servir de bureaux dans une salle de classe autrefois, au vu de leur aspect vétuste.
- Eh ben, je suppose qu'ils n'avaient pas mieux à me filer… soupira la jeune fille en époussetant quelque peu les tables grinçantes, bon… Au boulot !
Aelita entreprit de déposer avec précaution son sac -plus volumineux que d'habitude- sur le premier bureau avant d'en sortir son ordinateur portable qu'elle ouvrit rapidement, l'allumant d'un geste machinal.
Elle en extirpa également la vieille table de mixage du collège, qu'elle avait récupéré dans la réserve de l'établissement juste avant de se rendre dans la pièce, et la posa sur la table adjacente.
Elle batailla quelques instants avant d'enfin réussir à dénicher l'unique prise électrique de la pièce, dissimulée derrière une pile de cartons qui semblaient avoir pris l'humidité, sur laquelle elle brancha l'appareil. Une vague de nostalgie l'envahie alors qu'elle contemplait ses vieux CD de Mixage, restés au fond de son sac. Il lui semblait que cela faisait des siècles qu'elle n'avait plus touché de platines et elle ce n'était qu'à présent, face à ces disques poussiéreux, qu'elle se rendait compte du manque qu'elle avait pu éprouver durant tout ce temps.
Avec un petit sourire au coin des lèvres, elle plaça la première compilation qui lui passa sous la main dans le lecteur de la table de mixage, laissant la musique s'élever dans la pièce et ses doigts courir sur les platines, modulant instinctivement la mélodie, les sonorités, entrainant avec elles ses pensées.
Mathieu regarda, d'un air de reproche, Odd porter sa cigarette à ses lèvres, inspirant une grande bouffée de fumée nauséabonde avant de la recracher avec délice par les narines, un air de profonde relaxation sur son beau visage aux traits marqués.
- Sérieusement, tu vas te détruire les poumons un jour… tempêta le jeune homme aux yeux bleus d'un ton bougon tandis que son ami esquissait un demi-sourire.
Ils étaient tous deux adossés contre les grilles séparant Kadic de la ville, suivant distraitement des yeux les rares voitures qui empruntaient la rue adjacente par moment. Un beau soleil brillait au dessus de l'établissement, comme pour célébrer la fin du mois de mars, et bon nombre d'internes avaient choisi de profiter de leur week-end pour sortir un peu ne ville, profitant de la clémence de la météo.
- Eva est toujours fourrée avec William depuis que Stéphanie lui a dévoilé le rallumage du Supercalculateur, non ? fit remarqué Mathieu d'un ton détaché, le regard posé sur l'américaine assise contre la murette un peu plus loin, en grande conversation avec le beau brun ténébreux.
Odd ne répondit pas tout de suite, se contentant d'aspirer une nouvelle bouffée de sa cigarette.
- Je ne suis pas jaloux si c'est ce que tu veux savoir, répliqua-t-il enfin après avoir expiré la fumée bruyamment, je pense que Willy a besoin de ça, après le sale coup qu'il vient de se recevoir… J'ose à peine imaginer ce que j'aurais pensé à la place de Yumi si Eva avait su pour le Supercalculateur et ne m'aurait rien raconté ! Si ma copine peut l'aider à se remettre du choc, alors ça me va.
Mathieu eut un sourire incertain. L'empathie de son ami lui paraissait un peu trop démesurée pour être sincère et il devinait que, derrière ces belles paroles, Odd souffrait de la distance qui s'instaurait petit à petit entre lui et sa blonde américaine.
Conscient qu'il s'était aventuré sur une pente dangereuse, le Lyokô-guerrier en herbe préféra changer de sujet.
- C'était quoi son apparence à William ? questionna-t-il en baissant la voix, sur Lyokô je veux dire… A bien y réfléchir, je n'ai pu voir que vos avatars à toi, Aelita et Eva puisque Yumi est trop âgée pour se virtualiser et nous aide une fois sur deux… Sans compter ton compagnon de chambre qui nous ignore superbement !
Odd réprima une grimace. Il aurait préféré que Mathieu évite de lui parler d'Ulrich. En effet, depuis la fameuse réunion des ex-Lyokô-Guerrier au Kiwi Bleu qui avait marqué le départ de Jérémie, les échanges entre les deux anciens amis s'étaient retrouvés réduits au strict nécessaire. La plupart du temps, les deux jeunes garçons préféraient envahir la chambre de leur petite-amie respective plutôt que d'avoir à supporter l'ambiance pesante de leur propre dortoir.
Au fond de lui, Odd était beaucoup plus blessé face à l'attitude d'Ulrich vis-à-vis du rallumage du Supercalculateur que face à celle d'Eva envers William. Il avait espéré au début qu'avec le temps son compagnon de chambre finirait par revenir sur sa décision, mais force avait été de constater que le rallumage du Supercalculateur n'avait pas eu l'effet escompté sur son ancien ami. Pire encore, celui-ci semblait cette fois-ci avoir définitivement tiré un trait sur sa vie de héros passée : c'était comme si Odd partageait sa chambre avec un étranger désormais, et cela l'attristait au plus haut point.
- Honnêtement, j'ai à peine entraperçu William le jour de sa première virtualisation, finit-il par répondre histoire de chasser les souvenirs moroses qui commençaient à affluer dans sa tête, il était déjà sous le contrôle de XANA à ce moment et, lorsque je l'ai revu, le programme avait déjà totalement modifié son apparence virtuelle ! Ce que je peux dire c'est qu'il avait une sorte d'énorme épée pour arme dans les deux cas. Yumi avait une apparence de geïsha au début, avant que Jérémie ne modifie nos avatars pour nous permettre de lutter contre William-XANA… Après c'était une sorte de ninja.
Odd s'interrompit soudain. Parler de Jérémie n'était guère plus facile qu'évoquer Ulrich. Les semaines passant, la présence de l'ancien petit-ami d'Aelita avait commencé à lui manquer, mine de rien. Il avait bien tenté de le joindre sur son portable par moments mais s'était résigné à la dernière seconde à chaque fois. Il était sûr que, de toute manière, s'il était allé jusqu'au bout, le jeune homme aux lunettes n'aurait même pas daigné décrocher !
Au final, cela faisait des semaines qu'il n'avait plus aucune nouvelle de l'ancien compagnon de chambre de Mathieu, et Aelita, depuis qu'elle sortait avec Thomas, n'avait plus fait aucun effort pour le contacter. Il avait préféré ne pas insister, laissant la jeune fille à son bonheur nouveau.
Conscient d'avoir de nouveau gaffé, Mathieu préféra se taire, et un silence gêné s'installa entre les deux adolescents.
Fort heureusement, Eva ne tarda pas à rompre l'ambiance pesante en les rejoignant, son portable à la main, un air maussade sur le visage. William, derrière elle, enfourchait son scooter et disparaissait au coin de la rue, sans même leur accorder un regard.
- Aelita voudrait nous voir, fit-elle après avoir refusé un baiser de son petit-ami, louchant sur sa cigarette encore à la main, elle vient de m'envoyer un SMS, elle nous attend dans la salle A23, dans les vieux bâtiments du lycée.
- Bon, je ferais mieux de vous laisser dans ce cas, obtempéra Mathieu d'un air déçu, je vais…
- Toi aussi; Aelita veut te voir, l'interrompit l'américaine, visiblement contrariée, elle dit qu'elle a besoin de nous trois pour son nouveau groupe de musique !
Le jeune homme écarquilla les yeux sous l'effet de la surprise. Dans un groupe de musique ? Lui !
Ulrich rouvrit le clapet de son téléphone portable pour la énième fois de la journée, avant de le refermer de nouveau, une moue dépitée sur le visage. Il avait beau faire, Sissi, sa petite-amie, refusait de répondre à ses messages. Cela n'était pas la première fois cependant… En fait, cela avait commencé depuis ce fameux jour où elle s'était finalement décidée à lire la lettre de sa mère destinée à Mademoiselle Soprano. Il avait cru comprendre que quelque chose d'important s'était passé par la suite entre la jeune fille, son père et l'amante de ce dernier. Depuis, pour une raison qu'il ignorait, l'adolescente se montrait plus distante que jamais avec lui.
Le jeune homme soupira, appuyant sa tête contre le mur de sa chambre, profitant du contact glacé du poster derrière sa nuque pour sa rafraichir les idées. Cette situation était d'autant plus frustrante que les rares fois où il avait pu passer du temps avec elle depuis cette incident, Sissi s'était montré distraite, comme si son corps s'était bien retrouvée en face de lui mais son esprit à des kilomètres de distance. De plus, elle lui paraissait de plus en plus pâle à mesure que les jours filaient et les cernes se faisaient de plus en plus prononcés sous ses yeux.
Il n'était pas aveugle : il comprenait bien que quelque chose tracassait sa petite-amie ! Il n'était pas le seul par ailleurs : l'ensemble des élèves de Première L avait bien remarqué que la star incontestée du lycée depuis des années n'était pas dans son état normal, son éclat ternissant à vue d'œil. Les rumeurs n'avaient pas tardé à courir sur son dos, au grand damne d'Ulrich qui avait du s'énerver plus d'une fois face à ses camarades de classe, faisant jouer ses muscles afin de les calmer. Le résultat avait été pire encore cependant puisque, dés le lendemain, un article de Milly et Tamiya était paru dans les Échos de Kadic, annonçant la rupture proche entre Ulrich et Sissi et expliquant du même coup l'attitude déprimée de l'adolescente.
Ulrich avait fini par baisser les bras, se contentant de se ronger les ongles sans pouvoir agir pour celle qu'il aimait, plus frustré que jamais. Si au moins il avait eu ne serait-ce qu'une petite idée du contenu de cette fameuse lettre qui avait tout déclenché…
N'y tenant plus, Ulrich sauta du lit et quitta sa chambre, marchant à vive allure le long des couloirs déserts. Il ne supportait plus de rester ainsi inactif : il avait besoin de se changer les idées !
Descendant une volée de marches, tournant à un embranchement, il laissa ses pas le guider instinctivement en direction de la bibliothèque du lycée, la tête bourdonnante de pensées.
La pièce, inondée de soleil en raison de ses hautes fenêtres, n'était peuplée que de quelques courageux internes alignés sur l'une des grandes tables disposées au centre, bien décidés à venir à bout de leurs devoirs afin d'éviter les habituels précipitations de dernière minute du dimanche soir. D'autres révisaient tranquillement dans leur coin ou feuilletaient distraitement quelques ouvrages, pourtant le regard d'Ulrich ne fut attiré que par une seule personne.
Assise à sa place habituelle sur le rebord d'une des fenêtres de la pièce, ses longs cheveux d'un noir de jet dissimulant son visage et reflétant les éclats du soleil, Yumi était penchée sur un livre ouvert, visiblement complexe, une feuille de brouillon noircie de notes posée par-dessus et un crayon entre ses longs doigts fins et pâles.
Après une fraction de seconde d'hésitation, le jeune homme se décida finalement à contourner la table pour rejoindre l'adolescente qui releva la tête à son approche. Son regard se durcit et elle replongea le nez dans son travail presque aussitôt, faisant mine de griffonner une nouvelle idée sur le papier. Ulrich ne se laissa pas défaire pour autant –il en avait vu d'autre avec la japonaise- et se hissa à son tour sur le rebord de la fenêtre, s'installant face à Yumi, séparé d'elle par le livre.
- Tu bosses au lycée un Samedi en début d'après-midi ? interrogea-t-il d'un ton narquois alors que l'adolescente rayait une phrase, irritée.
- Certains comptent réussir leurs études ici, contrairement à d'autres… répondit-elle froidement sans prendre la peine de relever la tête, la vraie question serait plutôt de savoir ce que toi tu fais ici ? T'es pas avec ta pimbêche de petite amie aujourd'hui… ?
- La « pimbêche », comme tu dis, est occupée ailleurs, rétorqua-t-il sans relever la réplique cinglante, omettant volontairement le fait qu'elle refusait de répondre à ses messages, excuse-moi si je te dérange Yumi, mais j'ai appris pour William et je voulais juste savoir… Comment tu allais ?
La japonaise ne put se retenir. Elle redressa la tête si brusquement que sa main dérapa sur sa feuille de brouillon, froissant légèrement le papier au passage. Elle ne s'en soucia cependant pas, se contentant de détailler Ulrich d'un œil soupçonneux. Cela faisait des semaines, voire des mois qu'ils ne se parlaient plus tous les deux… Pourquoi s'intéressait-il à elle aussi subitement ? Il devait se sentir seul maintenant que sa brune n'était plus dans les parages…
Pourtant, la jeune fille eut beau sonder jusqu'aux tréfonds des yeux couleur chocolat de son vis-à-vis, elle ne parvint à y déceler aucune forme d'arrière-pensée. Rien qu'une troublante sincérité et une inquiétude qui n'avait rien de feinte.
Sous le coup de la surprise, Yumi ne parvint pas à trouver quoi répondre, restant interdite, la bouche pincée face à son ex-petit-ami. Interprétant son silence comme un signe de mauvais augure, Ulrich crut bon de se justifier.
- C'était dans les Échos de Kadic il y a quelques jours… Et puis honnêtement je crois que personne au lycée n'a pas entendu ton engueulade avec cette Stéphanie. Tu avais vraiment l'air mal, et vu qu'à chaque fois que je te croise dans les couloirs tu es seule, je me demandais… Bref, je suis bien placé pour savoir à quel point c'est dur une rupture.
- C'est… Très gentil à toi, parvint finalement à articuler la japonaise avec une politesse forcée, détournant le regard, un peu trop même… Mais ça me touche. Merci.
- Pas de quoi, répondit-il avec un petit sourire gêné, alors, comment tu te sens en ce moment ?
Yumi hésita encore quelques instants avant de se laisser aller, soupirant un grand coup.
- J'ai connu mieux, fit-elle en retenant une grimace, je suis constamment sur les nerfs, et j'enchaine les sales notes du coup… C'est pour ça que je viens travailler ici un samedi plutôt que de bosser chez moi à vrai dire, pour répondre à ta première question. Dans ma chambre je me morfonds trop pour me concentrer…
Ulrich eut un pauvre sourire compatissant. Lui-même n'avait guère été dans un meilleur état au début de l'année lorsqu'elle et lui avaient rompu !
- Qu'est-ce qui s'est passé ? s'enquit-il, curieux, la dernière fois que je vous ai vu tous les deux ensemble ça semblait solide, non ?
La japonaise dut faire un effort considérable pour ne pas lui répliquer de façon cinglante. Elle se sentait trop seule et trop déprimée ces derniers temps pour rejeter une main charitable -même celle d'un garçon aussi insensible que celui qui lui avait brisé le cœur ! Et puis, il fallait qu'elle parle, que les mots sortent… C'était la seule solution pour soulager un peu ce poids qui pesait sur sa poitrine.
- C'est à cause… De Lyokô, finit-elle par lâcher, baissant la voix, Stéphanie lui a avoué pour le rallumage du Supercalculateur et il a très mal pris le fait que je le tienne à l'écart… Vraiment très mal. Et en un sens je ne peux que lui donner raison, j'ai été stupide de ne pas tenir compte des sentiments de la personne que j'aimais… Une fois de plus !
Yumi avait lâché cette dernière phrase avec amertume sans le vouloir et Ulrich ne put s'empêcher de ressentir un petit pincement au cœur.
- Tu voulais le protéger, rien de plus, lança-t-il maladroitement en se grattant la nuque, laisse-lui le temps de se remettre, ça finira bien par s'arranger !
- Je ne pense pas, soupira Yumi en refermant son bouquin, renonçant à travailler, ça fait trop longtemps que je le fais souffrir inutilement. Je commence à me dire que je ne suis tout simplement pas faite pour être en couple !
Elle eut un petit rire sinistre qui ne parvint qu'à accroitre le sentiment de culpabilité dans la poitrine d'Ulrich.
- Ne dit pas ça ! rétorqua-t-il d'un air de reproche, le responsable, ce n'est rien de plus que ce Supercalculateur de malheur, une fois de plus… Il ne ressort rien de bon de ce machin, tu devrais arrêter de t'impliquer dans toute cette histoire, comme moi ! Ça t'éviterait bien des ennuis je pense.
Yumi marqua une pause avant de répondre, le regard perdu vers l'extérieur, nimbé de souvenirs.
- Tu penses vraiment ce que tu dis, Ulrich ? murmura-t-elle dans un souffle nostalgique.
Le jeune homme, prit de court, ne trouva pas quoi répondre et laissa à son interlocutrice le loisir de poursuivre, les yeux clos, le visage impassible :
- Je pensais la même chose que toi il n'y a pas si longtemps, c'est vrai, continua-t-elle, cependant, à force de me retrouver dans cette salle, avec Aelita et les autres, à force d'en discuter et de voir de nouveau toutes ces choses auxquelles je pensais ne plus jamais être confrontée, j'ai fini par me souvenir… Je me suis rappelé de tous ces moments qu'on a partagés ensemble –tous les cinq je veux dire- pour le pire comme pour le meilleur ! Je me suis souvenue que sans Lyokô, je n'aurais jamais rencontré les personnes qui allaient devenir les êtres les plus chers à mon cœur, je n'aurais pas mûri comme je l'ai fait et je n'aurais pas pu connaitre d'aussi beaux moments… Je me suis souvenue des liens qui nous unissaient tous à l'époque. Est-ce que tu t'en souviens, Ulrich ? A quel point on était proches tous les cinq ?
Au loin, Ulrich eut l'impression d'entendre les éclats de rire de leur groupe passé. Un déferlante de vagues souvenirs venaient de l'envahir, gagnant en netteté à chaque nouveau mot de la japonaise. Pour la première fois depuis des mois, il eut l'impression d'être de nouveau le même Ulrich qu'au collège… Comment le temps avait-il put le changer à ce point ?
Cependant, dés que la voix de la japonaise se fut interrompue, toutes ces sensations s'estompèrent, comme un beau rêve dont il venait de se réveiller.
- Ça… Ça se passe bien alors ? questionna-t-il, troublé, sur… Lyokô et le reste ?
Yumi évita de répondre. Elle ne voulait pas inquiéter Ulrich plus que de raison : il avait choisi volontairement de s'éloigner du Supercalculateur et de tout ce qui y était lié, elle se devait de respecter ce choix, ne serait-ce qu'en souvenir du temps passé avec lui.
- Ça faisait longtemps n'empêche, fit-elle avec un sourire, qu'on n'avait plus discuté comme ça tous les deux je veux dire…
Ulrich opina du chef. Il se rendait compte à présent à quel point son ancienne meilleure amie lui avait manquée en un sens.
- Tu sais, tout ce que je t'ai dit ce jour-là, osa-t-il enfin lancer sans parvenir pour autant à la regarder en face, le jour où tu m'as surpris en train de m'engueuler avec mon père au téléphone à cause du divorce… Je ne le pensais pas. Je t'ai balancé beaucoup de choses sous le coup de la colère et je m'en veux terriblement aujourd'hui. Si je pouvais revenir en arrière...
- Je comprends très bien, lui assura la japonaise d'un ton apaisant, je n'ai pas été tendre non plus avec toi ce jour-là alors disons qu'on est quitte ! La vérité c'est que même si ça n'a pas marché entre nous et que ça fait un moment qu'on n'a plus discuté, je t'apprécie beaucoup Ulrich.
En lançant ces quelques mots, la japonaise se rendit compte à quel point ils étaient sincères. Le rallumage du Supercalculateur avait fini par ramener à la surface des souvenirs et d'anciens sentiments enfouis, plus tenaces qu'elle ne l'aurait cru. Une amitié aussi forte que celle qui les avait unis face à XANA par le passé n'était pas si facile à effacer que cela au final…
- Je… Je t'aime bien aussi Yumi, ça n'a pas changé depuis la Cinquième, avoua le jeune homme, visiblement gêné, en temps qu'ami bien sûr ! Tu comptes beaucoup pour moi malgré tout ce qu'on a pu traverser et, honnêtement, ça m'a fait du bien de discuter un peu avec toi aujourd'hui… Si tu as envie qu'on parle à l'avenir, n'hésite pas à m'appeler, OK ?
La japonaise acquiesça timidement. Était-ce elle où le ciel était-il subitement devenu plus bleu à l'extérieur ? Ses pupilles d'obsidiennes croisèrent celles, chocolat, de celui qu'elle avait aimé et dont l'amitié avait un jour compté plus que tout au monde. Il était étrange de voir à quel point sa rupture subite avec William leur avait permis à tous les deux de se retrouver tels qu'ils étaient, comme si rien –ou presque- n'avait changé depuis le collège.
Pour combien de temps ce nouveau semblant d'équilibre amical que tous deux venaient d'instaurer allait-il duré ? Elle l'ignorait mais elle comptait bien en profiter !
- Un groupe de musique ?
Eva dévisageait Aelita avec un air de franche incrédulité. Les deux jeunes filles, ainsi qu'Odd et Mathieu, s'étaient entassés comme ils pouvaient à l'intérieur du minuscule local, s'asseyant sur les cartons éparpillés un peu partout, le visage tourné vers leur meneuse aux cheveux roses, qui semblait rayonner.
- Je sais que la pièce que m'a laissée le proviseur pour les répet' ne paye pas de mine mais bon… fit cette dernière avec un grand sourire, ça pourrait être une bonne chose de prendre le temps de se détendre de temps à autre entre les cours et… Le reste.
Personne n'eut besoin de la questionner quant à ce qu'elle entendait par « le reste ». Pour tous, l'image du Supercalculateur luisant faiblement dans la pénombre venait de s'afficher au creux de leur esprit, sa lueur verdâtre menaçante dansant devant leurs yeux.
- C'est une super idée, Aelita, approuva Odd, sincère, tu as toujours été douée pour les mix et je t'ai entendue chanter pendant les cours de musique au collège : t'assure grave ! Tu pourrais faire des concerts d'enfer pour le bal de l'école ou ce genre d'événement !
- Pas toute seule, répliqua-t-elle en rosissant sous l'effet du compliment, en fait, j'espérais que vous puissiez m'aider tous les trois… Odd, tu jouais de la guitare électrique au collège, non ? Et toi aussi tu jouais de la musique Eva en Amérique si je ne me trompe pas ?
La jeune fille aux cheveux blonds approuva d'un signe de tête. Il était vrai qu'elle avait été férue de musique en son temps et que, depuis son arrivée à Kadic, cela lui manquait cruellement. Les étudiants français étaient si ennuyeux par rapport à ses anciens camarades… Ils ne savaient pas prendre du bon temps comme elle et ses amies à l'époque !
- C'était de la basse moi, pas de la guitare, corrigea-t-elle, et un peu de batterie aussi. A part ça je dois bien reconnaitre que je commence un peu à rouiller… Ça me ferait du bien de m'y remettre !
- Idem, lança Odd en se redressant brusquement, les yeux pleins d'étoiles, on t'aidera avec plaisir à former ton groupe, princesse !
Parler ainsi de musique lui avait rappelé de vieux souvenirs à l'époque où, encore en Quatrième, lui, Ulrich et Yumi avaient tenté de former un groupe de Pop Rock. Malgré l'aval du proviseur, le projet n'avait guère tenu longtemps, leur batteur étant à l'époque un des meilleurs amis –ou plutôt larbins- de Sissi qui se faisait une joie de leur mettre des bâtons dans les roues à la moindre occasion, dans le simple but d'attirer l'attention sur elle. Ils s'étaient dissous avant même de jouer leur premier concert face au collège et, au fond de lui, Odd l'avait toujours regretté.
- Attends une minute Aelita, fit soudain Mathieu, hésitant, je veux bien pour Odd et Eva mais en ce qui me concerne je n'ai jamais été capable de me servir d'une simple flûte et j'avais toujours les pires notes en musique au collège… Je ne pense pas pouvoir t'être utile !
La jeune fille balaya la remarque d'un geste de la main.
- Mais tu as un talent fou en dessin –ne nie pas c'est la vérité ! répliqua-t-elle alors que le jeune homme rougissait à son tour, je me disais que tu pourrais te charger de mettre au point le logo du groupe, pour des affiches par exemple ! Et je suis sûr que tu saurais très bien t'occuper de tout ce qui est communiqués officiels, au cas où on voudrait passer une annonce dans les Echos de Kadic.
- Je…
Mathieu se tut un instant, hésitant. Du temps où il était élève à Sainte Bénédicte, il ne s'était jamais mêlé à une telle activité de groupe, et encore moins après son coming-out involontaire. D'aussi loin dont il se souvenait, il s'était toujours senti à part, exclu de ce genre d'association suscitant pourtant un véritable engouement pour la plupart de ses camarades. Pour cette raison, l'idée de changer la donne à Kadic lui paraissait des plus effrayantes. Il mettrait après tout les pieds en terrain totalement inconnu et risquait de vite se sentir submergé, voire isolé. Pourtant, le fait qu'Aelita ait pensé à lui malgré ses talents de musiciens médiocres le touchait d'une certaine façon.
- On pourrait te donner un coup de main, Eva et moi, suggéra Odd, conscient du trouble intérieur de son ami, sans prendre en compte la grimace de l'intéressée, elle gère en infographie et en retouche d'images : ça pourrait donner un bon rendu ! T'en penses quoi ?
Mathieu promena son regard d'Odd à sa petite amie, en passant par Aelita. Mis à part l'air pincé de l'américaine, tous avaient l'air de sincèrement tenir à son adhésion dans le groupe. Une bouffée de chaleur remonta de son bas-ventre jusqu'à ses joues : comment était-il sensé réagir dans une situation pareille, où pour la première fois il se sentait réellement entouré d'amis sincères ?
- Bon… D'accord, parvint-il finalement à bafouiller, gêné, je verrai ce que je peux faire…
- Génial ! approuva Aelita avec un sourire radieux, il ne nous reste plus qu'à planifier les séances de répétition, mettre au point les chansons qu'on veut interpréter -voire en créer nous-même s'il le faut ! Et puis…
- Tu vas un peu vite en besogne, princesse ! l'interrompit Odd en pouffant de rire, lui balançant un petit coup de poing amical, avant tout ça on devrait penser au nom du groupe, vous ne croyez pas ?
Un silence empli de réflexion s'installa sur la pièce. Le jeune homme au béret avait raison : aucun d'entre eux n'avait encore pensé à ce point, pourtant crucial, de la formation du groupe.
- Les Aelita's Players ? suggéra Mathieu sans conviction, s'attirant un éclat de rire moqueur de la part d'Eva.
- Je préférerais éviter de me mettre en avant, objecta la jeune fille aux cheveux roses en se grattant la tête, je ne serai pas la seule membre du groupe ! Pourquoi pas plutôt…
- Les Lyokô-Warriors ! rugit subitement Odd faisant sursauter tout le monde, ça en jetterait trop !
Eva émit un grognement peu convaincue.
- Autant directement écrire une chanson révélant l'existence du Supercalculateur si on choisit de s'appeler comme ça ! raya-t-elle, s'attirant une moue boudeuse de la part de son petit-ami, ton idée est à jeter,
Honey
!
- Tu n'as qu'à proposer mieux dans ce cas ! répliqua Odd en lui tirant la langue, taquin.
Le silence retomba sur le groupe, à peine rompu par le bourdonnement d'une mouche, entrée dans la pièce par une des fenêtres grandes ouvertes. Distraitement, Aelita la suivit des yeux se poser sur son sac. C'est alors que ses pupilles vertes s'attardèrent sur un petit détail pendouillant de sa sacoche au niveau de la fermeture éclair : une peluche en forme de lutin, seule trace de sa vie passée, et dont elle se servait comme strap décoratif depuis le rallumage du Supercalculateur, en guise de porte-bonheur. Mr. Pück…
Intrigué, Odd suivit son regard et son visage s'éclaira aussitôt, comme si une idée faramineuse venait de lui traverser l'esprit :
- Qu'est-ce que vous pensez de
Miss. Pück
? suggéra-t-il en se grattant le bouc, s'attirant le regard des autres, comme la peluche d'Aelita, mais au féminin ! En plus, avec ça, le logo du groupe est tout trouvé, non ?
- C'est vrai que ça pourrait coller… réfléchit Eva tout haut en soulevant la petite peluche élimée entre ses doigts, ça correspond à Aelita et ça sonne plutôt bien !
- C'est toujours mieux que « Les Lyokô-Warriors », ironisa Mathieu en jetant un coup d'œil espiègle en direction d'Odd qui eut un gémissement plaintif, tu en penses quoi, Aelita ?
L'adolescente prit le temps de réfléchir, perdant son regard dans les orbes vides de Mr. Pück. Donner à leur groupe le nom de cette fameuse peluche sans laquelle elle ne se serait peut-être jamais souvenue de son père ni de son passé, de ce petit elfe si modeste qui symbolisant tant pour elle, à commencer par l'espoir de parvenir enfin un jour à tirer un trait sur le Supercalculateur et Lyokô… Plus que l'idée de donner un nom clinquant à quelque chose qui lui tenait à cœur, cela avait une véritable signification profonde pour elle.
- Très bien, finit-elle par approuver en ouvrant un document Word sur son PC, commençant à taper un titre : c'est décidé, notre groupe s'appellera donc Miss. Pück à l'unanimité !
A peine avait-elle finit de taper le dernier caractère, sous le regard satisfait de ses amis, qu'une sonnerie tonitruante s'éleva de l'ordinateur, leur vrillant les tympans.
- Qu'est-ce que c'est que ça, Aelita !? grimaça Odd en se bouchant les oreilles, les sourcils froncés.
La jeune fille s'était mise à pâlir, toute pensée liée à la musique subitement évanouie de son esprit face à la fenêtre d'alerte qui venait de s'ouvrir sur l'écran.
- Une intrusion dans Lyokô, par la Brèche ! murmura-t-elle, interdite, c'est pas vrai !
Reprenant subitement ses esprits, elle entreprit de pianoter rapidement sur le clavier, affichant un rapport du programme espion qu'elle avait pris soin de placer autours de la Faille lors de sa dernière plongée dans le monde virtuel.
- Il y a un nombre vraiment incroyable de monstres ! ragea-t-elle sous le regard paniqué de Mathieu, Odd et Eva, beaucoup trop par rapport à la dernière fois !
- Comment est-ce que c'est possible ? interrogea l'américaine, ses sourcils fins arqués en une expression inquiète.
- Je suppose que la Green Phoenix est parvenue à briser quelques protections supplémentaires et a décidé de passer en force cette fois-ci pour nous empêcher de contre-attaquer, jura l'adolescente aux cheveux roses, se redressant brusquement tout en rabattant le clapet du PC, dégainant son portable d'un geste fluide, je contacte Yumi ! Mathieu, essaye de joindre Stéphanie ! On se retrouve tous à l'usine, pas le temps de trainer !
Aelita se mordit le pouce tandis que ses trois compagnons se ruaient hors de la salle en direction de la chaufferie et que les premières tonalités commençaient à résonner à l'autre bout de son téléphone, anxieuse. A ce rythme là, le Cœur de Lyokô serait vite atteint par les monstres de la Green Phoenix et il serait alors inutile de songer à tenter de protéger le Projet Carthage de l'organisation !
Le portable de Yumi vrombit dans la poche de son jean, la faisant sursauter et la ramenant à la réalité de surcroit. S'arrachant à la contemplation des orbes chocolat d'Ulrich, elle dégaina le téléphone qu'elle décrocha aussitôt, chuchotant afin de ne pas se faire surprendre par les pions présents.
- Aelita ? Un souci ? fit-elle à voix basse s'attirant le regard intrigué du bel adolescent.
Un bref silence s'ensuivit durant lequel le visage de la japonaise, déjà d'ivoire, pâli encore plus.
- Bon très bien, j'arrive tout de suite ! finit-elle par lâcher en sautant du rebord de la fenêtre, faisant glisser ses affaires dans son sac au passage, pêle-mêle, je n'étais pas trop motivée pour bosser de toutes façons…
Elle jeta un sourire désolé en direction de son ami qui n'avait pas bougé, rengainant son téléphone d'une main.
- Je dois y aller, une urgence, s'excusa-t-elle en esquissant une légère courbette très « japonaise », merci pour tout !
- Pas de quoi, répliqua son vis-à-vis avec une petite moue dépitée, sauve-toi va, le monde t'attends !
La jeune fille n'attendit pas plus longtemps pour tourner les talons et disparaitre derrière la porte de la bibliothèque, suivie des yeux par un Ulrich à l'air sombre.
- Un de ces jours ça finira mal toute cette histoire avec Lyokô, chuchota-t-il plus pour lui-même qu'à l'intention de la japonaise, fait attention à toi, Yumi…
Perdu dans ses pensées, il ne remarqua pas la légère fissure qui venait d'apparaitre sur le carreau sur lequel l'adolescente s'était adossée un peu plus tôt, ignorant ce sinistre présage avec une insouciance qui, bien qu'il l'ignorait encore, n'allait pas tarder à le quitter.
Et voilà pour le chapitre du jour ! Un petit chapitre tranquille, certes, mais l'action reprend avec du lourd dés les chapitres suivants °A° ! D'ici là, je vous demande encore un peu de patience... En espérant pouvoir vous dire à très vite ![/spoil] _________________
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Vous pouvez aussi lire d'autres de mes fics sur mon compte fanfiction.net : Mejiro-kun (ff.net)
Et pour mon DeviantART c'est par ici : Mejiro-kun (DA)
Inscrit le: 16 Mar 2013 Messages: 1110 Localisation: Au beau milieu d'une tempête.
Et bien, le pôle n'y croyait plus. Nous avions envisagé de te séquestrer jusqu'à ce que tu postes la suite (a).
Donc, qu'y-a-t-il à dire sur ce chapitre 24 ? Pas grand chose en fait. Aelita monte donc son groupe de musique. Pourquoi pas je dis ? Étant donné que la fibre musicale de bonbon rose n'est que rarement exploitée. Pis, faut bien lui trouver quelque chose à faire entre 2 attaques (a). Par contre, je la trouve un peu trop insouciante depuis qu'elle sort avec Thomas. À croire que sortir avec lui a résolu tous ses problèmes d'un coup de baguette magique. Heureusement que la réalité lui est revenue en pleine tête avec l'alerte de la fin.
Ulrich et Yumi renouent avec leurs racines. Pas le bon texte zut. Renouent ensemble . Je veux pas dire, mais vu que Sissi est très absente auprès d'Ulrich pour les raisons qu'on connaît, et que Yumi est désormais célibataire, ça sent le Ulumi. Bref, j'espère donc qu'on aura pas droit à quelque chose de précipité si jamais ce que j'avance se révèle juste, mais au vu du parcours de l'auteur, on sait déjà que rien ne sera bâclé.
En somme, le chapitre était plutôt court (en terme de contenu, pas de longueur), malgré une écriture toujours aussi agréable. Je regrette néanmoins l'absence de Stéphanie. Elle apporte vraiment une touche particulière à l'ambiance. J'espère donc la revoir prochainement.
Mon commentaire peut paraître court (en fait il l'est o/), mais c'est parce que je ne vois vraiment rien à redire sur ton boulot. Bref, continue comme ça et envoie-nous cette suite rapidement (vu qu'elle est déjà toute prête, c'est une formalité non (a) ?).
J'ai donc hâte de lire la suite, surtout si elle contient de l'action . _________________
« Jérémie avait fait un superbe travail. Ce dernier voyage sur Lyokô promettait d'être inoubliable. » Un jour, peut-être.
Posté le: Ven 18 Juil 2014 17:48 Sujet du message:
Inscrit le: 21 Aoû 2011 Messages: 58
J'aime beaucoup cette fic, je trouve que tu réussis à exploiter habilement la romance et l'action, ce qui donne un mélange très intéressant. Je suis également stupéfait à quel point cela me semble cohérent au niveau du DA, tant au niveau des personnages qui ont évolué depuis (sauf peut-être au niveau de tes dessins, mais ils sont bien quand même ) que de l'intrigue, bien sûr. C'est impressionant.
J'avais commencé à lire sur ff.net (il doit me rester 2 chapitres), mais je crois que je vais surtout suivre ici pour relire et commenter tes fan-arts. Et j'espère aussi que l'histoire ne se terminera pas trop mal, enfin, tu ne me paraît pas être un modèle de sadisme, donc ca devrait aller ... (enfin, j'espère T_T)
En tout cas, je veux la suite et plein de jolis dessins virtuels/réels de nos héros _________________
Inscrit le: 16 Mar 2013 Messages: 1110 Localisation: Au beau milieu d'une tempête.
Bonjour à tous.
Cela fait bientôt deux ans que ce texte n'a pas eu de mise à jour ici. La procédure habituelle du Pôle Fanfiction aurait voulu qu'un archivage soit effectué depuis longtemps.
C'était sans compter sur le fait que la suite de New Wave_ existe sur la bien connue plateforme Fanfiction.net. Mieux, Mejiro l'a achevée il y a déjà quelque temps. L'idée est donc de compléter la fanfiction sur ce topic. Néanmoins, la tâche demande un temps non-négligeable, que l'auteur ne possède pas nécessairement. En conséquence, le Pôle a contacté Mejiro pour lui proposer de poster ces fameux chapitres manquants à sa place. Le concerné a accepté, raison pour laquelle me voilà à vous exposer ce contexte de publication sous mon compte.
Dans un autre registre, la démarche du Pôle est bien entendu de faire la promotion de New Wave_, qui n'aura pas volé sa place au Panthéon. Je vous encourage d'ailleurs à lire cette fanfiction. C'est un travail immense, tant en longueur qu'en qualité. Il est rare que des travaux de cette ampleur trouvent un achèvement. Les équivalents dans le sous-forum doivent à peine se compter sur une main.
Même si ça peut être décourageant de se lancer dans une lecture d'aussi longue haleine, elle en vaut le détour. D'autant plus que c'est quasiment le seul texte du coin à adopter un contexte s'appuyant sur les Code Lyokô Chronicles (permettant au passage l'instauration de la catégorie dédiée dans le catalogue des Perles du Net, qu'il sera certainement seul à occuper). Un argument que même les plus renégats d'entre-nous ne manqueront de noter et d'apprécier !
C'est ici que s'arrête ce message d'explication. À suivre : la suite et fin de New Wave_. Merci à Mejiro pour son autorisation de publier en son nom.
Bonne lecture !
(P.S : Si jamais vous repérez des loupés dans la mise en page des chapitres ci-après, type des passages transposés en doublon ou des confusions de BBcode, ma boîte MP est ouverte.)
Dernière édition par Zéphyr le Sam 23 Avr 2016 18:53; édité 2 fois
Inscrit le: 16 Mar 2013 Messages: 1110 Localisation: Au beau milieu d'une tempête.
Chapitre 25 :
Épisode 124 : Submergés_
Le monte-charge de la vieille usine désaffectée se mit en marche dans un concert de grincements. Yumi se laissa descendre, adossée contre la paroi de bois de l'habitacle, baigné de sa douce lueur orangée, le visage grave et impassible. Aelita avait eu l'air des plus paniquées au téléphone : plus encore qu'à l'accoutumée. Elle espérait juste qu'elle se faisait de fausses idées et que la situation n'était pas si terrible que cela.
Enfin, après un temps qui lui sembla durer une éternité, l'appareil s'immobilisa et la porte s'ouvrit avec moult chuintements sur la salle de contrôle du Supercalculateur, dont l'éclairage verdâtre projeta l'ombre de la japonaise sur la paroi opposée.
Mathieu, Odd et sa copine étaient déjà présent, faisant cercle autours d'une Aelita emplie d'une véritable frénésie face au clavier de l'interface. Seule Eva prit la peine de se tourner vers elle et de lui adresser un petit salut lorsqu'elle vint les rejoindre, son front d'ivoire barré par un froncement de sourcil inquiet.
- Ah, Yumi, fit leur leader aux cheveux roses sans prendre la peine de se détourner de l'écran, j'étais en train de faire un check-up de la situation sur Lyokô et c'est pas brillant !
- A ce point ? questionna la japonaise avec un frisson tout en focalisant à son tour son attention sur les lignes de code indéchiffrables pour le commun des mortels.
- Des dizaines de Blocks et de Kankrelats rien que depuis le début de l'alerte, confirma l'adolescente, et les messages d'alerte à l'intrusion ne s'arrêtent pas ! Deux Krabes viennent d’apparaître et j'ai peur que ce ne soit qu'un début…
Elle s'interrompit alors qu'une nouvelle fenêtre s'ouvrit à l'écran, se reflétant à la surface de ses grands yeux verts écarquillés de stupeur.
- Et merde ! jura-t-elle en pianotant plus furieusement que jamais à la surface du clavier, les premiers ont atteint le centre du territoire et commencent à se frayer un passage vers le cœur ! Il faut à tout prix les arrêter !
- Je n'arrive pas à joindre Stéphanie, ragea Mathieu en rangeant son téléphone sur lequel il était penché depuis une bonne dizaine de minutes, je lui ai laissé un message au cas où…
Yumi ne put s'empêcher de ressentir une pointe de culpabilité en entendant cela. Après tout, la jeune fille ne s'était révélée distante avec le groupe que depuis qu'elle-même lui avait copieusement crié dessus après sa rupture avec William –en partie injustement, elle devait bien le reconnaître. Peut-être refusait-elle de répondre à une alerte des Lyokô-guerriers simplement pour éviter de se retrouver avec elle ?
- De toutes manières il faut agir ! trancha Aelita en ouvrant le programme de virtualisation sans attendre son reste, Odd, Mathieu et Eva vous foncez à la salle des scanners, je vais tâcher de vous envoyer le plus près possible de la sphère centrale ! Yumi tu…
- …Je suis trop âgée pour la virtualisation, je sais ! l'interrompit-elle, apaisante, je vais me tenir prête à t'envoyer sur Lyokô au cas où… Tout va bien se passer Aelita !
Elle gratifia son amie d'un sourire en lui posant une main sur l'épaule, lui arrachant un profond soupir.
- J'espère que tu as raison… murmura-t-elle, à peine plus détendue, tandis que les trois Lyokô-guerriers disparaissaient déjà derrière la trappe menant à la salle inférieure.
L'adolescente aux cheveux roses rajusta son micro avant de demander tout haut :
- Vous êtes en place ?
- Affirmatif princesse ! lui répondit la voix d'Odd à travers les écouteurs, c'est quand tu veux !
Aelita inspira profondément histoire de chasser les derniers soupçons d'angoisse qui pesaient sur son esprit avant d'enfin lancer la procédure, reproduisant les lignes de code qu'elle avait déjà tapé tant et tant de fois par le passé.
- Transfert, Scanner… énuméra-t-elle lentement alors que les silhouettes des avatars virtuels de ses amis s'affichaient progressivement à l'écran.
Elle hésita une fraction de seconde une fois les formes de la rockeuse, de l'homme-chat et de l'ado-lapin se furent entièrement affichés avant de presser la toucher « Enter », lâchant un petit « virtualisation… » dans un souffle.
A l'étage inférieur, une vive lueur jaillit des scanners qui s'ouvrirent un instant plus tard, dévoilant un habitacle vide. Eva, Odd et Mathieu venaient de plonger vers Lyokô, en plein enfer.
Stéphanie se retourna sur son lit, les bras serrés autours de son coussin. Ses yeux, rouges et humides, étaient fermés dans un état de demi-somnolence alors que des images succinctes défilaient à son esprit, toutes incluant une Yumi folle de rage après elle.
Un profond soupir lui échappa alors qu'elle se remémorait pour la énième fois sa dispute avec sa seule véritable amie depuis des lustres, pour une bête histoire de garçon.
Le pire dans tout cela n'était pas le fait que son amie lui en veuille, mais plutôt son intense sentiment de culpabilité. Elle avait eu le temps de réfléchir depuis que Yumi et William avait rompu, déclenchant cette véritable crise, et à chaque fois ses pensées la menait vers une seule et unique conclusion : tout était de sa faute.
Elle ne pouvait pas s'empêcher de penser qu'elle était entièrement responsable de la fin de la relation entre sa meilleure amie et son copain, et cela la mortifiait. Elle s'en voulait tellement qu'elle passait ses journées à s'isoler, retenant ses larmes à chaque fois qu'elle pensait à la japonaise, évitant sa compagnie autant qu'elle le pouvait. Elle n'était plus digne de son amitié, c'était un fait, et l'attitude distante de Yumi depuis cet événement ne faisait que la conforter dans cette idée. Pourquoi n'avait-elle su tenir sa langue pour une fois ? Pourquoi n'était-elle pas parvenue à simplement envoyer William sur les roses, laissant ses sentiments personnels de côtés et sauvegardant les liens unissant le jeune homme à son amie ? Elle avait été tellement stupide et facile à convaincre…
Au final, elle avait fini par remettre en question jusqu'à son rôle dans le groupe des Lyokô-guerriers. Après tout, elle n'avait jamais été qu'un poids pour les autres : trop vieille pour se rendre sur Lyokô, trop inexpérimentée en informatique pour être d'une aide quelconque, trop maladroite pour aider à la réparation du Supercalculateur -dont le rallumage était par ailleurs de son fait, ainsi que la reprise de tout ce cauchemar pour les Kadiciens qui pensaient avoir tiré un trait dessus depuis longtemps.
Un rictus étira les lèvres de l'adolescente aux longs cheveux bruns ondulés, défaits ce jour-ci et dans un terrible état à force de se laisser aller. Elle était tellement pitoyable : incapable de venir en aide à ceux qu'elle aimait. Pire encore : elle allait jusqu'à leur rendre la vie plus difficile encore ! Parler à Mathieu de l'enlèvement d'Angel lui avait-il réellement rendu service au final ? Ou n'avait-elle fait que satisfaire un désir égoïste de faire bouger sa vie monotone tout en se raccrochant à la seule personne qui l'avait jamais acceptée telle qu'elle était ? Elle se trouvait tellement décevante, exécrable même…
Et comment osait-elle rester dans le groupe alors qu'elle avait trahi leur secret auprès de William ? Elle l'avait fait une fois, qu'est-ce qui l'empêchait de recommencer avec Thomas, ou n'importe qui d'autre à l'avenir ? Pour leur propre bien, elle avait fini par prendre la décision de couper les ponts avec eux. C'était peut-être la seule décision raisonnable qu'elle avait prise au cours de ces derniers mois.
Dans le vestibule, la porte d'entrée claquant, indiquant à la jeune fille que son oncle venait de quitter la maison pour le travail et la tirant de ses idées noires par la même occasion.
Soupirant, elle se redressa avec peine, contemplant d'un regard vide sa chambre envahie de peluches et de posters de manga. Elle avait beau ne faire qu'emprunter la chambre d'amie de son oncle pour le reste de l'année, elle n'avait pas tardé à la réaménager à son propre goût, signe une nouvelle fois de sa forte personnalité.
Pourtant, cette personne qui avait su s'imposer avec tant de force lui paraissait bien lointaine désormais…
Elle ignora pour la dixième son téléphone qui vibrait de façon quasi-ininterrompue depuis un bon quart d'heure sur sa table de chevet, posant son regard vitreux et embué sur la photo de Mathieu qui s'affichait sur l'écran. Elle se moquait de ce qu'il avait à lui dire, elle préférait ne rien savoir des affaires les liant à Lyokô, histoire d'éviter de commettre un nouvel impair.
Enfin, le portable se tut et un grand silence retomba dans la pièce, laissant à Stéphanie tout le loisir de retomber dans son état de déprime. Cependant, une fraction de seconde plus tard, alors que la jeune fille se laissait déjà lourdement retomber sur le matelas, un son cristallin s'échappa du téléphone, signe de la réception d'un message.
Stéphanie hésita de longue minute, restant avachie sur les draps, son cerveau vide à force d'avoir pleuré tentant de se remettre en marche. Si elle était si persuadée que cela du fait que son choix de s'éloigner de tout ce qui était lié de près ou de loin à Lyokô était le bon, pourquoi dans ce cas se sentait-elle encore plus coupable d'ignorer les messages de son ami ? N'était-ce pas plutôt une fuite de ses responsabilités qu'elle amorçait en s'isolant ainsi ? Était-elle réellement du genre à ignorer les gens lorsqu'ils avaient besoin d'elle ?
Avant même de s'en rendre compte, sa main avait rampé jusqu'à la commode, se saisissant du portable et l'amenant jusqu'à son visage dépité. Elle hésita encore quelques secondes avant d'enfin allumer l'écran, affichant le message. Le sang battait d'un son sourd à ses tempes et son cœur était si serré qu'elle avait l'impression d'avoir du mal à respirer, pourtant elle trouva néanmoins la force de lire le SMS de Mathieu, à moitié tremblante.
« Stéphanie, disait-il, je comprends les raisons qui te poussent à ignorer mes appels et je sais que tu ne vas pas bien en ce moment mais la situation est vraiment grave. On a vraiment besoin de toi à l'usine alors je t'en conjure, essaye de surmonter ta peine et vient nous rejoindre ! Si tu te décides à lire ce message, sache que personne ne t'a tourné le dos à cause de ce que tu as pu dire à William et si c'est le cas de toutes manières je te défendrai quoi qu'il arrive ! Tu es une fille géniale, et je suis sincère quand je te dis ça. Ce n'est pas sur une petite erreur qui n'est pas de ton fait que les gens vont te juger mais sur tes actes pour te rattraper ! Et dans le cas où ce serait Yumi le problème : parle-lui ! Garder une rancœur au fond de soi n'arrangera jamais rien entre vous, crois-moi… Tu es une fille forte, bien plus forte que moi ! Je sais que tu peux arriver à surmonter cette crise, courage. On t'attend à l'usine quoi qu'il arrive. Viens, s'il-te-plaît, et arrange les choses une bonne fois pour toute. Je crois en toi et je ne suis pas le seul ».
Stéphanie sentit les larmes lui monter aux yeux au fur et à mesure qu'elle faisait défiler le message. Ils n'avaient pas perdu foi en elle. Ils voulaient toujours d'elle en cas d'alerte sur Lyokô ! Mais si eux lui avait pardonné, elle-même ne pouvait en faire autant. Comment pouvait-elle tirer un trait sur ce qu'elle avait fait ?
« Ce n'est pas sur une petite erreur qui n'est pas de ton fait que les gens vont te juger mais sur tes actes pour te rattraper ! »…
Cette phrase raisonna dans sa tête comme si Mathieu venait de la lui énoncer à l'oral. Le genre de phrase qu'elle aurait été capable de lui ressortir pour le remotiver par le passé, avant sa dispute avec Yumi.
Un petit rire nerveux échappa à la jeune fille aux étranges yeux bruns-violets. Elle était tombée bien bas pour que ce soit celui à qui elle avait juré de toujours le soutenir qui se voit forcé de lui remonter le moral à elle ! Preuve qu'elle était loin d'être aussi forte qu'il l'affirmait dans son SMS…
Cependant, si une dernière fois elle était capable de lui venir en aide, de se sentir utile, elle était prête à courir le risque, quitte à se retrouver de nouveau confrontée à Yumi.
Stéphanie se leva en vacillant, étourdie à force d'être restée allongée si longtemps. Mathieu avait au moins raison sur un point : il fallait qu'elle confronte la japonaise au moins une ultime fois afin qu'elles discutent de leur différent avant de prendre une décision définitive. Elle s'excuserait un million de fois si nécessaire, elle était bien décidée à tout faire pour essayer de convaincre Yumi de lui pardonner, quitte à tenter d'arranger les choses entre elle et William !
Mais l'heure n'était pas aux histoires de couple cependant : Lyokô était menacée et, à en croire son ami, toute l'aide disponible serait nécessaire cette fois-ci, ne serait-ce que pour le soutient moral.
- Je suppose que je n'ai pas le choix, lâcha-t-elle dans un soupir plus pour se donner de la conviction qu'autre chose, c'est parti pour l'usine ma vieille !
Mathieu resta interdit face au spectacle cauchemardesque qui se dressait face à lui, les oreilles de lapin de sa capuche virtuelle flottant de chaque côté de sa tête. Sur le territoire dévasté de Lyokô, avançait à toute allure la plus grand quantité de monstres qu'il lui ait jamais été donné de voir ! Grouillant sur les plateaux penchées et superposés, infestant les cubes sombres à moitié effondrés, ils semblaient surgir de nulle part, avançant dans un bruit de cliquetis et de chuintement des plus angoissants.
Les Kankrelats formaient la première ligne, suivis de prêt par les Blocks qui ne cessaient de faire tournoyer leur tête difforme cubique, comme hésitant quant à l'œil globuleux qu'ils devaient leur présenter. Les Krabes, sortes de gigantesques araignées de mer d'un rouge écrivisse montée sur quatre immenses pattes pourvues de pinces, surplombaient le champ de bataille de toute leur hauteur, toisant les trois Lyokô-Guerriers de leurs yeux vides de tous sentiments.
En arrière-plan, dans le ciel parcouru de fichiers informatiques, la Faille semblait plus purulente que jamais, luisant d'un rouge malsain si vif qu'il en paraissait blanc, crachant de temps à autre une nouvelle boule lumineuse qui prenait aussitôt la forme d'un nouveau monstre, venant grossir les rangs adverses dans un bruit de pulsation écœurant.
- Eh merde ! parvint à jurer Odd de l'étrange voix fluette caractérisant son apparence virtuelle, une fois remis du choc, Aelita c'est l'enfer ici ! Ça grouille de partout !
- Je sais, raisonna la voix lointaine de l'adolescente à travers le micro, emplissant tout le territoire, je vous ais envoyé les véhicules mais j'ai peur que ça ne suffise pas ! Une chance que le Supercalculateur ait assez de puissance pour les envoyer désormais !
A peine eut-elle finit de parler qu'une pluie de lasers s'abattit sur le groupe, les obligeant à battre en retraite à toute allure.
- Mathieu, qu'est-ce que tu fous ! s'exclama Eva, abritée derrière le Bouclier d'énergie mauve de son petit ami.
Le jeune homme venait de foncer tout droit en direction des premiers Kankrelats et Blocks, faisait fi du danger. En une fraction de seconde, tous les tirs se dirigèrent vers lui, arrachant un cri à l'homme-chat.
Pourtant, à la dernière minute, les rayons dérivèrent tous subitement, pénétrant à l'intérieur des deux sphères métalliques aux poignets de l'adolescent, comme attirés par un aimant. Mathieu n'attendit pas que le clapet de ses armes se referme pour faire demi-tour, s'abritant juste à temps derrière un aplomb formé par un énième cube sombre, se protégeant d'une nouvelle salve de tirs, les segments de ses sphères métallisées désormais entièrement colorés de rouge.
- Bien joué, reconnut Eva à contrecœur en le rejoignant avec Odd derrière sa cachette, on fait quoi maintenant ?
- Il faut qu'on tente une percée ! s'exclama son petit ami, affairé à maintenir à distance les monstres en les mitraillant de Flèches Laser, ça arrive ces véhicules Aelita ? C'est la panique ici !
- Tout rame ici ! lui répondit la voix déformée de son amie aux cheveux roses restée sur Terre, on dirait que la Green Phoenix a complètement investi plusieurs sous-systèmes de Lyokô grâce à la Faille, c'est pour ça qu'ils arrivent à envoyer autant de monstres ! Comment j'ai pu être aussi négligente… ?
- Tu n'y es pour rien, Aelita ! fit la voix distante de Yumi à travers le territoire, pour l'instant Odd a raison, il faut juguler l'assaut et les empêcher de s'approcher trop près du cœur.
Instinctivement, Mathieu tourna les yeux vers la sphère centrale à demi-effondrée, croulant littéralement sous les lasers des quelques Kankrelats qui avaient réussis à franchir leur défense avant leur arrivée. Heureusement, leurs attaques étaient de faibles puissances mais à ce rythme, les fragiles murs séparant le cœur de Lyokô de l'extérieur n'allait pas tarder à voler en éclat ! Il fallait réagir à tout prix.
- J'ai réussi à charger l'Overwing et l'Overboard ! affirma enfin Aelita ramenant le jeune homme à la réalité, l'Overbike risque de prendre plus de temps !
En effet, les contours bleutés et transparents de la planche de surf violette et de l'étrange appareil flottant aux formes arrondies se dessinaient déjà à côté d'eux, se couvrant peu à peu de texture, à l'abri derrière leur cachette.
- Parfait, approuva Odd qui semblait avoir pris la direction des opérations, ce qui contrastait légèrement avec l'aspect enfantin de son avatar, voilà ce que je propose : je prends l'Overboard pour tenter une percée et me débarrasser d'un maximum de monstres ! Eva, tu montes sur l'Overwing et tu vas protéger la Sphère de ceux qui ont réussi ou qui réussiront à passer ! Il faut surtout éviter qu'ils atteignent le cœur ou Carthage sera à leur merci ! Quant à toi Mathieu essaye de faire barrage le plus longtemps possible depuis ta cachette ! Tu penses pouvoir y arriver ?
L'adolescent approuva d'un bref signe de tête, déterminé malgré la boule d'angoisse qui commençait à se former dans sa gorge. Il se demanda vaguement comme il pouvait ressentir la peur de façon physiologique dans un monde fait de pixels tandis qu'Eva déposait un léger baiser sans goût sur les lèvres de son copain.
- Soit prudent ! lui ordonna-t-elle avant de filer à bord de l'Overwing en direction de la Sphère, laissant derrière elle une traînée de simili-poussière numérique.
- Bon, à moi de jouer, lança Odd en sautant sur sa planche, activant les réacteurs d'une simple pression mentale, bon courage Mathieu… Couvre-moi quand je sors !
- O-OK… répondit le jeune homme, tenant ses sphères chargées à bloc prêtes.
Tout se passa très vite. A peine l'homme-chat eut-il jaillit de l'abri, sa queue fouettant l'air dans son sillage, que les lasers se mirent à pleuvoir. Mathieu profita de la diversion offerte par son ami pour mitrailler les monstres de rayons écarlates, sans prendre le temps de viser.
Plusieurs explosions retentirent alors qu'il replongeait derrière sa cachette, esquivant de justesse la riposte qui frôla les oreilles de sa combinaison, les manquant de peu.
Odd, de son côté, s'en donnait à cœur joie : vidant ses chargeurs sur les monstres qui, malgré leur assiduité, ne parvenaient pas à l'atteindre en raison de ses multiples cabrioles dans les airs et de sa parfaite maîtrise de son Overboard, implosant les uns après les autres.
L'adolescent esquiva de justesse un rayon gelant d'un Block par un looping bien placé et décocha une nouvelle fléchette qui vint le faucher en plein milieu de l'œil. Encore un de moins ! Pourtant, il avait beau détruire créature sur créature, il lui semblait que leur nombre ne cessait de croitre, le submergeant totalement. Il avait de plus en plus de mal à passer entre les lasers, malgré ses réflexes hors du commun amplifiés par Lyokô, et ses Flèches Lasers n'atteignaient pas autant de monstres qu'il l'aurait souhaité.
Agacé, il tourna son regard d'un gris perlé en direction de la Faille, qui continuait à déverser son flot d'ennemis de façon ininterrompue.
- Aelita ça craint ! lança-t-il en parant de justesse un nouveau laser qui manqua de le désarçonner, les monstres n'arrêtent pas de se renouveler et à ce rythme je vais me retrouver à court de fléchettes en moins de deux ! Il faut faire quelque chose.
- Je sais, je sais, raisonna la voix, visiblement passablement paniquée de la meneuse, j'essaye de trouver une solution temporaire pour endiguer la Brèche mais en attendant il faut que vous teniez le coup impérativement !
- Facile à dire, grogna Odd en prenant de l'altitude afin de rester hors de porter des cercles de feu que les Blocks commençaient à faire pleuvoir sur lu à partir de leur troisième œil.
Eva, de son côté, parvint enfin à rejoindre la Sphère central dans un dérapage contrôlé des plus impressionnantes sur l'Overwing, fauchant au passage trois Kankrelats qui virevoltèrent dans les airs, explosant en myriades de particules numériques en touchant le sol.
Les espèces d'insectes difformes restants ne se firent pas prier pour venger leurs camarades : bombardant la rockeuse numérique qui se servit du capot du véhicule pour se protéger, perdant le contrôle de l'appareil qui vint se crasher un peu plus loin, disparaissant en une nuée de pixel. La jeune fille eut tout juste le temps de sauter à terre, roulant au sol afin d'amortir la chute et crachant aussitôt ses notes de musiques explosives sur les Kankrelats, les fauchant avec précision dans un concert de cris étranges.
Elle pivota sur le côté alors que le dernier monstre restant la bombardait de lasers mais ne parvint pas à tout esquiver, prenant un tir en plein dans l'épaule au dernier moment. Grimaçant face à l'engourdissement causé par les étincelles jaillissant de la zone touchée, elle parvint néanmoins à répliquer en lançant deux nouvelles notes d'un jaune pétard qui atteignirent aussitôt leur cible.
Satisfaite, Eva leva la tête vers la Voûte Céleste alors que son dernier opposant implosait avant d'ouvrir grand les yeux, atterrée. Cinq nouveaux jets de lumières rouges venaient de jaillir de la Faille dans un horrible bruit de succion, s'arrêtant juste au dessus du dôme la surplombant pour prendre la forme de sorte d'énorme guêpes au corps jaunâtre, pourvu d'un long dard et d'ailes vrombissantes dont le son ne tarda pas à emplir tout le territoire.
Des Frôlions : une des rares créatures dotées de la faculté de voler des anciens monstres de XANA ! Eva ne put retenir un juron en pensant à son Overwing qui venait de disparaître sous ses yeux. Défendre la Sphère Centrale allait s'avérer nettement moins facile désormais !
- Ils ne vont jamais s'en sortir, affirma Yumi d'un air sombre en contemplant les trois pauvres petits points verts représentant ses camarades à l'écran, noyés sous l'armée de points rouges de l'adversaire, les monstres sont trop nombreux !
- J'ai vu, répliqua Aelita son quitter des yeux les lignes de code du programme qu'elle s'affairait à taper depuis la virtualisation des autres, c'est pour ça qu'il faut à tout prix que je parvienne à exploiter les données récoltées sur la Faille lors de notre dernière plongée pour pouvoir installer un Firewall et bloquer l'arrivée des monstres, ne serait-ce que temporairement ! Laisse-moi me concentrer…
Yumi se tut aussitôt, se contentant de se ronger les ongles de son côté en faisant les cent pas. Ce sentiment d'impuissance lui pesait réellement ! Que n'aurait-elle pas donné pour pouvoir rejoindre les autres sur Lyokô et combattre à leur côté ! Elle n'avait pas renoncé à haïr le Supercalculateur de toutes ses forces, cependant force était de constatée qu'Eva et Mathieu restaient des novices en matières de combats virtuels ! Et Odd, malgré son expérience, pouvait parfois se révéler être une véritable tête brûlée. Il était indéniable qu'elle-même aurait pu apporter un soutient crucial au groupe !
Aelita, quant à elle, réservait sa concentration toute entière à l'exploitation des données de la Faille, ignorant les cartes des monstres qui ne cessaient de disparaître et réapparaître à l'écran, à mesure que ses camarades les détruisaient et que la Brèche les remplaçait.
Elle s'en voulait de ne pas avoir exploité ces informations durement récoltées plus tôt, distraite par sa nouvelle relation avec Thomas. Elle avait eu tord de vouloir croire en une vie normale pour elle alors que la Green Phoenix, de son côté, ne cessaient de se battre avec obstination contre les défenses de Lyokô. Elle avait complètement sous-estimé l'ennemi et le résultat était là : ils étaient complètement submergés ! Eva avait déjà perdu une bonne trentaine de points de vie et Mathieu se retrouvait à court de recharges, tandis que celles d'Odd diminuaient à vue d'œil. Il n'y avait pas de temps à perdre !
Déchiffrant une nouvelle de codes avec difficulté, elle tapa avec rage sur le clavier, en colère contre elle-même, s'attirant le regard choqué de Yumi. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle avait pu se montrer aussi insouciante ! Il lui aurait suffit de passer une ou deux heures sur les données de la Faille pour mettre au point un Firewall relativement efficace… Elle avait eu des semaines pour s'y atteler ! Au lieu de cela, elle avait préféré s'éterniser dans les bras de son nouveau petit ami tout en rêvant aux musiques qu'elle pourrait bien composer…
Une telle naïveté de sa part la sidérait ! Elle savait pourtant qu'elle avait perdu le droit de profiter d'une vie simple d'adolescente depuis qu'elle avait pris la décision de laisser ce maudit Supercalculateur allumé… La Green Phoenix se moquait bien de sa vie amoureuse et n'allait certainement pas la laisser en paix à chaque rendez-vous galant ou à chaque répétition de son groupe à peine formé ! Une seule chose comptait pour eux : mettre la main sur le projet Carthage, quitte à enlever des innocents pour se servir d'eux ! Elle aurait du savoir jusqu'à quel point ils étaient prêts à se battre et répliquer avec autant, sinon plus de ferveur ! N'arriverait-elle donc jamais à se montrer digne du sacrifice de son père ?
Le souvenir de Waldo Schaeffer agit comme une décharge d'adrénaline sur elle. Ses yeux d'un vert pâle s'accordant avec la lueur de la pièce sautèrent subitement d'une ligne de données à une autre, repérant de façon automatique ce dont elle avait besoin, son cerveau déchiffrant les informations plus vite que jamais, ses doigts courant sur le clavier pour les réassembler dans l'ordre. Elle y arrivait ! Elle parvenait à comprendre le fonctionnement de la Faille sans trop de problème et à élaborer un moyen de défense sans trop de problème !
- J'y suis, souffla-t-elle d'une voix tremblante tandis que Yumi se précipitait à ses côtés, s'appuyant contre le dossier du siège, je crois que j'ai trouvé comment mettre au point le Firewall ! Plus que quelques lignes…
Mais tout cela restait trop simple… La Green Phoenix n'aurait aucun mal à venir à bout d'une protection aussi faible, s'ils disposaient des mêmes moyens que l'an passé. Il fallait qu'elle trouve autre chose, un petit plus qui assurerait la durabilité du Firewall ! C'était un véritable travail de fourmis et elle n'avait plus le temps pour être inventive !
- Les fourmis, murmura-t-elle subitement, comme prise d'un soudain éclair de génie, mais oui c'est ça… ! Comment j'ai pu ne pas y penser plus tôt.
- Tu penses au programme Multi-Agent de Jérémie...? inféra son amie japonaise en dégageant une mèche de cheveux de devant ses yeux, celui qui…
- …Pouvait détruire les monstres de XANA, oui ! confirma Aelita en ouvrant brusquement plusieurs sous-dossiers, à la recherche du programme en question, bien sûr il est inutile de songer à le lancer à plein régime : on n'avait déjà pas eu assez de puissance à l'époque et le Supercalculateur était encore en bon état. Mais en le couplant avec le Firewall que je viens de créer et en le faisant tourner de façon minimal ça devrait fonctionner ! Et la Green Phoenix aura certainement plus de mal à contrer un programme en partie écrit par mon père que par moi !
Elle avait été bien inspirée de penser aux fourmis, ne put-elle s'empêcher de penser en lançant la procédure permettant de mêler les deux programmes, tout en corrigeant certaines lignes et en en régulant la puissance. En effet, Jérémie avait autrefois basé son programme Anti-XANA sur les colonies tropicales de ces insectes –sur un phénomène appelé Marabounta plus précisément, un jour abordé en cours par Madame Hertz alors qu'elle enseignait encore à Kadic.
Chassant de ses pensées les souvenirs de l'amie de sa mère décédée et de son ex, Aelita jeta un rapide coup d'œil d'ensemble au Firewall qu'elle venait de créer. Tout cela restait très grossier mais suffirait largement pour du temporaire. De plus, au vu de la situation, elle n'avait pas le temps de se lancer dans quelque chose de plus élaboré, bien au contraire ! Il fallait jouer le tout pour le tout désormais !
- Je crois que c'est bon… fit-elle avec méfiance tout en tapant les codes visant à achever le programme, sous le regard inquiet de Yumi, voilà… Je lance la procédure de test.
A peine eut-elle tapé le dernier caractère qu'elle enfonça la touche Enter, priant au fond d'elle-même pour que tout se déroule sans anicroche. La tension retomba d'un coup, laissant place à un intense soulagement lorsqu'un « plus » vert s'afficha à l'écran devant elles, signe que le programme était au point.
- Parfait, sourit Aelita, plus nerveuse que jamais, parfait ! Je n'ai plus qu'à lancer le Firewall pour de bon et ça devrait bloquer le flux des monstres ! Du moins, jusqu'à ce que la Green Phoenix ne parvienne à en percer les défenses ce qui devrait leur prendre quand même pas mal de temps.
Mais alors que la jeune fille pressait déjà le bouton « Enter » pour la seconde fois dans le but d'activer le programme pour de bon, un message d'erreur s'afficha subitement à l'écran dans un bruit strident, faisant pâlir les deux adolescentes. Fronçant les sourcils, Aelita tapa de nouveau quelques lignes sur le clavier avant de relancer le Firewall : sans plus de succès.
- Qu'est-ce que c'est que ça ? s'exclama Yumi avec colère, perdant patience et empoignant violemment l'écran le plus proche, laissant ressortir son âme de Lyokô-guerrière, ça ne fonctionne pas !
- On dirait que le Supercalculateur manque de puissance pour exécuter la tâche jusqu'au bout, constata la jeune fille aux cheveux roses d'un ton désespéré en ouvrant un rapport d'erreur devant elle, et merde ! On y était presque !
S'interdisant de renoncer, l'adolescente se prit la tête entre les mains, en intense réflexion. Il devait bien y avoir une solution ! Il fallait qu'elle trouve coûte que coûte !
Soudain, une nouvelle illumination éclaira son esprit. C'était risqué mais elle n'avait pas le choix !
- Il n'y plus qu'une solution, fit-elle à l'adresse de Yumi en se levant de son siège, sautant au sol couvert de poussière et de câbles électriques, installer le Firewall de façon manuelle depuis Lyokô, directement !
Comprenant où voulait en venir son amie, la japonaise se redressa brusquement, faisant voler ses longs cheveux d'un noir de jais au passage.
- Ça veut dire que tu dois te virtualiser avec le véritable champ de bataille qu'il y a sur Lyokô en ce moment précis ? Aelita, c'est de la folie ! Comment est-ce que tu comptes approcher la Faille suffisamment prêt ?
- Odd m'ouvrira le passage ! répondit la meneuse d'un ton sans réplique, Yumi ce n'est pas le moment de discuter de ce qui est prudent ou pas ! On n'a ni le temps, ni le choix ! Il faut que je le fasse !
La jeune fille aux cheveux roses planta son regard d'un vert de jade dans celui, d'obsidienne, de la japonaise, qui ne put le soutenir guère longtemps. Avec un profond soupir résigné, l'adolescente prit place dans le fauteuil face au clavier.
- Tu es vraiment têtue quand tu veux, tu le sais ça ? fit-elle plus par taquinerie amicale que par réel reproche, file en salle des scanners, je te virtualise !
- Merci beaucoup Yumi mais je vais lancer une virtualisation différée, répondit Aelita avec un sourire tout en s'exécutant, j'aurais juste besoin que tu appuis sur Enter à la fin du scanner : ça équipera mon avatar avec le Firewall que je viens de programmer à mon avatar et je pourrais l'installer depuis Lyokô sans avoir à tout retaper depuis un terminal. J'ai déjà tout mis en place pour que ça fonctionne.
Yumi hocha la tête, signe qu'elle avait compris et, après un dernier regard d'encouragement, Aelita se rua vers les échelons au fond de la pièce menant à la salle inférieure. C'était à son tour d'entrer en scène sur Lyokô désormais !
Eva fit un bond en arrière, juste à temps pour éviter le jet d'acide verdâtre que venait de lui envoyer un des Frôlions. Sous le coup de la colère, elle répliqua en lui décochant une note explosive que le monstrueux insecte volant n'eut aucun mal à esquiver.
Une pluie de lasers répondit à l'attaque de la jeune fille qui ne put tout esquiver en raison des vapeurs de la marre d'acide au sol lui masquant la vue. Plusieurs tirs la projetèrent au sol, faisant chuter ses Points de Vie de manière drastique.
Eva se redressa avec difficulté, le corps tout entier parcouru d'étincelles. Son pouvoir offensif n'était d'aucune utilité face aux monstres ailés, qu'elle ne parvenait pas à viser correctement et dont la trajectoire était loin d'être face à anticiper.
Ceux-ci s'étaient réunis au sommet de la gigantesque Sphère effondrée sur elle-même formant Lyokô, bombardant ses murs sombres et instables des lasers qui crachait leur dard avec insistance, illuminant la voûte céleste de rouge. A cette distance, ils étaient presque entièrement à l'abri des notes explosives d'Eva. Il fallait qu'elle trouve une parade et vite !
Un sinistre craquement retentit brusquement à travers tout le territoire, glaçant ce qui servait de sang à la rockeuse virtuelle.
Paniquée, elle leva ses grands yeux d'un bleu clair limpide vers la nuée de Frôlions. Des fissures rougeoyantes commençaient à apparaître à la surface de la Sphère, se répandant de plus en plus sous l'effet des lasers conjugués.
- Non ! hurla-t-elle avant de cracher une nouvelle salve de notes colorées, sans résultat.
La guêpe géante qu'elle avait ratée un peu plus tôt revint aussitôt à la charge, la tenant à distance par des jets d'acide qu'elle esquiva tant bien que mal, trébuchant sur le terrain accidenté sous l'effet de la peur.
- Merde ! s'écria-t-elle en redoublant d'effort, parvenant enfin à faucher son assaillant avec une note d'un bleu azur, merde, MERDE !
Mais il était trop tard. Dans un vacarme assourdissant, la paroi supérieur du dôme vola en éclats, projetant une véritable onde de choc à travers tout le territoire qui envoya valser Eva quelques mètres plus loin en même temps que les Frôlions, impuissants.
- C'est pas vrai ! gémit l'adolescente en se redressant sur un coude, contemplant avec horreur les nouveaux monstres ailés que la Faille venait de cracher pour remplacer ceux fauchés par l'explosion pénétrer à l'intérieur de la Sphère par l'ouverture ainsi formée.
- Eva, qu'est-ce qui se passe ! résonna la voix de Yumi à travers Lyokô tandis que des milliers de pixels bleutés virevoltaient dans les airs autour de la rockeuse, seules traces de la cloison qui venait d'être réduite en miette, j'ai un énorme message d'alerte en plein milieu de l'écran !
- Je n'ai rien pu faire, s'excusa l'américaine en se mettant à courir comme une dératée en direction de la Sphère Centrale, ils ont réussi à créer une ouverture jusqu'au cœur ! Je vais essayer de les arrêter avant qu'il ne soit trop tard !
- Tenez bon, lui répondit la voix de l'élève de Terminale, dont les intonations paniquées en disait long sur la situation dans laquelle ils étaient fourrés, Aelita a trouvé un moyen de bouché la Faille de Lyokô, elle vous rejoint !
Eva ne prit pas la peine de répondre, escaladant à main nu les multiples cubes d'un bleu sombre constituant la Sphère, grimpant avec agilité jusqu'à la brèche ouverte par les Frôlions. Elle allait protéger le cœur de Lyokô et ce quel qu'en serait le prix à payer !
Derrière elle, au loin dans la Voûte Céleste, se dessina les contours de la silhouette numérique d'Aelita, prenant peu à peu forme à mesure que la virtualisation avançait.
Odd, toujours en train de slalomer entre les tirs des Krabes et des Blocks sur son Overboard, eut tout juste le temps de virer de bord afin de réceptionner l'elfe rose qui atterrit lestement derrière lui, s'agrippant à sa taille afin de ne pas chuter tout droit en direction des monstres.
- Préviens un peu plus tôt la prochaine fois, princesse, railla-t-il en retournant sur le front, fichant trois Flèches Lasers tout droit dans l'étrange symbole rappelant un ange ayant remplacé l'œil de XANA, sur la carapace du Krabe le plus proche.
- Désolée, il fallait agir vite, se justifia Aelita qui avait réintégré sa combinaison moulante rose aux épaulettes et à la jupe transparente et dont les cheveux s'étaient raccourcis, au profit de l'allongement de ses oreilles, j'ai besoin que tu m'emmènes à la Faille, Odd !
- C'est comme si c'était f-…
Mais avant même d'avoir finit sa phrase, la Faille en question pulsa de nouveau, éjectant dans une violente détonation trois nouvelles sphères rougeoyantes, plus volumineuses qu'à l'accoutumée. Avec horreur, les deux Lyokô-Guerriers de longue date virent celles-ci prendre un aspect métallique abîmé, fendu en deux sur la longueur, qu'ils connaissaient bien. Enfin, les trois Mégatanks, monstres parmi les plus redoutables de l'ancienne artillerie de XANA, tombèrent au sol dans un grand bruit sourd.
- Repli stratégique ! s'écria Odd et faisant brusquement demi-tour alors que les trois sphères métalliques s'ouvraient en deux, dévoilant un intérieur constitué d'un assemblage complexe de chair répugnante et de câbles électriques entourant un unique œil ornementé du symbole d'Angel, s'illuminant déjà d'énergie.
L'homme-félin eut tout juste le temps de précipiter l'Overboard derrière l'abri de Mathieu avant que les trois Mégatanks ne projettent simultanément un immense laser elliptique, s'étendant sur toute la longueur du terrain tel un gigantesque mur de feu d'un rouge brûlant, détruisant au passage certains des autres monstres plus faibles.
- Qu'est-ce que c'est que ces trucs ! s'exclama Mathieu, les yeux écarquillés de stupeur, tandis que les lasers se résorbaient enfin et que les monstres se réfugiaient de nouveau à l'intérieur de leur carapace indestructible.
- De vraies petites saloperies ! fit Odd avec un rictus en jetant un œil par-dessus l'abri, c'est la poisse ! 'Manquait plus que ces bestioles pour nous mettre des bâtons dans les roues !
- La Green Phoenix doit se douter que j'ai mis au point une parade alors ils essayent de m'empêcher d'atteindre la Faille, jura Aelita en s'accroupissant à côté de Mathieu, les sourcils froncés sur son visage étonnamment lisse sur le monde virtuel, qu'est-ce qu'on fait maintenant ?
La voix de Yumi retentit subitement dans le territoire, tandis que l'elfe rose s'affairait à bombarder des rangs ennemis de Champs de Force, histoire de les empêcher de progresser vers la Sphère.
- L'Overbike a fini de charger, fit la japonaise tandis que les contours d'une sorte de moto pourvue d'une seule et unique roue gigantesque se dessinaient à côté d'eux, ça pourrait peut-être vous aider à vous frayer un passage ?
- Bonne idée, approuva Aelita en esquivant de justesse une pluie de lasers, dont Mathieu profita pour recharger quelques segments de ses armes, j'ai peut-être une idée pour débloquer la situation, même si c'est risqué ! Odd, tu…
- …Je prends l'Overbike et je déblais le chemin en faisant diversion tandis que toi et Mathieu vous foncez vers la Faille avec l'Overboard sans faire attention aux monstres, termina le jeune homme à sa place, comme s'il avait lu dans ses pensées ! Ça marche princesse !
Alors que les deux amis échangeaient un sourire complice, Mathieu se risqua à lever timidement la main, comme pour objecter quelque chose.
- Je ne sais pas si c'est une bonne idée, fit-il avec anxiété s'attirant le regard surpris des deux Lyokô-guerriers, je n'ai jamais conduit aucun véhicule et Odd est bien plus doué que moi niveau destruction de monstres ! Je risque plus de faire échouer la mission qu'autre chose.
- Je m'occuperai de la conduite de l'Overboard, ne t'en fait pas, le rassura Aelita en plantant son regard d'un vert profond dans le sien, et il faut de toutes façons que quelqu'un s'occupe de ces Mégatanks et pour le coup tu as raison : Odd est plus qualifié pour le faire que toi. Toi tu auras juste à absorber le plus de lasers possible, histoire de limiter la casse. Tu penses pouvoir le faire ?
Mathieu acquiesça sans conviction. S'il n'était pas convaincu du tout par ses capacités en temps que combattant, il savait qu'il était déterminé à aider Aelita à atteindre la Faille, quel qu'en soit le prix. Si cela lui laissait une chance de retrouver Angel, il était prêt à courir le risque !
- Parfait, le félicita Odd avec une claque amical dans le dos, sans parvenir à masquer la lueur inquiète dans son regard, dans ce cas allons-y ! En espérant qu'Eva parvienne à protéger le cœur d'ici là… Il n'y aura personne pour empêcher les monstres de progresser pendant qu'on fonce vers la Faille, ne l'oublions pas !
Ses deux compagnons hochèrent la tête d'un air grave avant de monter sur l'Overboard, Aelita à l'avant, tandis que l'homme-chat virtuel enfourchait l'ancienne moto empruntée par Ulrich à l'époque.
- Bonne chance tous les deux, souffla-t-il en faisant ronfler le moteur numérique de l'engin d'un coup sur la poignée de ses grosses pattes félines, et Mathieu…
Le jeune homme à la capuche aux oreilles de lapin tournant un regard incertain vers lui, tentant de tenir tant bien que mal à l'arrière de la planche de surf volante. Odd lui décocha alors un sourire flamboyant qui aurait eu pour effet de le faire rougir s'il n'avait pas été coincé dans ce corps fait de pixels.
- Tu vas t'en sortir, je le sais ! affirma-t-il simplement avant de démarrer au quart de tour, faisant sauter la moto à une roue par-dessus leur abri de fortune, toutes griffes dehors.
- On le suit ! s'écria Aelita en prenant de l'altitude, prêt Mathieu ?
- Prêt ! approuva celui-ci, encore troublé par le sourire du blond, levant la sphère métallique à son poignet en guise de protection.
Grand bien lui en prit car une pluie de lasers s'abattit sur eux dés qu'ils eurent quitté leur cachette, manquant de les désarçonnés. Fort heureusement, la maîtrise de l'Overboard d'Aelita était aussi bonne que celle d'Odd, son propriétaire légitime, et ils parvinrent à passer à travers le rideau de tirs sans trop de difficulté, fonçant à toute allure en direction de la Brèche.
L'homme-félin, en contrebas, s'en donnait à cœur joie : fauchant les monstres les plus petits à l'aide de sa bécane, canardant les autres de ses Flèches Lasers, faisant mouche presque à chaque fois bien que frôlant les rayons de justesse à chaque fois, manquant la dévirtualisation de peu.
- Les Mégatanks préparent une nouvelle attaque ! le prévint Aelita en criant, apportant sa contribution en larguant champ de force sur champ de force en direction du sol.
En effet, les trois sphères de métal s'étaient de nouveau ouvertes et l'œil qu'elles renfermaient luisait d'une lueur de plus en plus vive.
Odd réagit sans plus attendre. Pivotant avec habileté sur l'unique roue de son appareil, il décocha une seule de ses fléchettes dans un flash lumineux qui vint se ficher pile dans la cible du Mégatank le plus proche, alors que celui-ci s'apprêtait à tirer.
Celui-ci implosa aussitôt au moment précis où ses deux comparses projetaient de nouveau leur laser elliptique à travers le terrain. Odd eu tout juste le temps de faire une embardée avec l'Overbike, passant juste entre le croisement des deux rayons titanesques qui fauchèrent deux Blocks au passage.
Mathieu eu moins de chance. En effet, sa main, toujours tendue dans le but d'absorber un laser perdue, se fit happer par le mur incandescent, provoquant une vif décharge d'étincelle au niveau de son poignet et décrochant son arme qui disparu en un nuage de pixels sur le coup.
- Mathieu, fait gaffe ! fit Yumi à travers le micro dans le ciel de Lyokô, tu viens de perdre plus de cinquante points de vie en un seul coup !
- Tant que ça ! s'étonna le jeune homme qui avait eut la peur de sa vie, s'agrippant de plus belle à la conductrice de l'Overboard pour ne pas chuter.
- Estime-toi déjà heureux de ne pas avoir été dévirtualisé, répliqua Aelita en profitant du déblayage causé par les Mégatanks pour se rapprocher de la Faille, d'habitude si tes monstres te choppent, c'est fini pour toi ! Ton arme a du encaisser une partie du choc.
Mathieu ne répondit rien, honteux. II avait tout intérêt à se montrer plus prudent que cela s'il souhaitait parvenir à protéger Aelita suffisamment longtemps, jusqu'à ce qu'ils atteignent la Brèche de Lyokô, qui continuait à pulser de son éclat malsain au loin, inaccessible derrière le barrage formé par les monstres.
Stéphanie amorça un dérapage contrôlé avec son vélo, s'arrêtant juste avant de percuter la barrière barrant le passage vers le pont de l'usine désaffectée. L'adolescente prit quelques secondes pour contempler le vieux bâtiment à demi en ruine toujours aussi sinistre, projetant son ombre à la surface du fleuve. Elle ne put s'empêcher de déglutir. Depuis cette fameuse nuit pluvieuse où Mathieu et elle s'étaient rendus dans cette sombre usine pour la première fois, sa silhouette n'avait cessé de l'angoisser, comme si elle ressentait au fond d'elle-même qu'elle renfermait quelque chose de grave et de dangereux.
Après une profonde inspiration pour se donner du courage, l'adolescente descendit de son vélo, l'attachant à la barrière à l'aide de sa chaîne avant de l'enjamber et de se mettre à courir sur le pont, perdue dans ses pensées, ses longs et épais cheveux bruns défaits flottant dans son dos.
Elle avait peur de se retrouver face à Yumi, dont elle redoutait la réaction plus que celle de n'importe qui d'autre. Cependant elle n'avait pas le choix. On l'avait appelée à l'aide et elle était responsable de l'engagement de Mathieu dans toute cette histoire dingue liée au Supercalculateur : elle n'allait pas le laisser tomber à cause de soucis d'ordre personnel !
La jeune fille franchit la large porte de l'usine, débouchant dans la Salle Cathédrale, toujours aussi sale et en désordre. Sans prendre le temps de s'arrêter, elle s'agrippa au premier câble pendant dans le vide qui lui passait sous la main et se laissa glisser jusqu'au sol, fermant les yeux néanmoins pour ne pas se laisser submerger par le vertige.
Une fois que ses pieds eurent touchés terre, elle se précipita vers le monte-charge qu'elle appela aussitôt d'une pression sur le gros bouton jaune, destiné à enclencher son mécanisme. Aussitôt, les câbles s'ébranlèrent et, un instant plus tard, la porte de du semblant d'ascenseur s'ouvrait, permettant à la jeune fille de pénétrer dans l'habitacle qui ne tarda pas à s'enfoncer de nouveau dans les profondeurs de l'usine.
Plus les secondes passaient et plus le rythme cardiaque de Stéphanie s'accélérait. Qu'allait-elle bien pouvoir leur dire pour justifier son retard, ou encore son comportement distant de ces derniers jours ? Elle ne s'était pas posé toutes ces questions lorsqu'elle avait fini par quitter la maison de son oncle pour l'usine, sur un coup de tête, suite au message de Mathieu, et commençait à le regretter amèrement.
Elle n'eut pas le temps de réfléchir plus avant : déjà la porte du monte-charge coulissait avec fracas, dévoilant la salle de contrôle du Supercalculateur.
Stéphanie s'avança, hésitante. Son cœur rata un battement lorsqu'elle se rendit compte que la seule personne présente dans la pièce n'était autre que Yumi : assise sur le siège monté sur rail devant les écrans, son beau visage à peine visible dans la pénombre et derrière ses longs cheveux auréolés de la lueur verte de la pièce, qu'elle ne prenait plus le soin d'attacher depuis sa rupture avec William.
La japonaise tourna la tête en direction de Stéphanie en entendant la porte coulisser et resta interdite, figée dans une attitude choquée : comme si elle ne s'attendait pas à voir son ancienne amie débarquer ainsi à l'usine dans une telle situation.
Il fallait bien reconnaître qu'avec tout ce qui s'était passé sur Lyokô au cours des derniers instants, sa dispute avec la jeune fille aux yeux violacés lui était complètement sortie de la tête.
- On m'a appelé, alors je suis venue, se justifia maladroitement l'adolescente en montrant son portable, un pauvre sourire sur le visage.
- Et c'est maintenant que tu te montres ? ne put s'empêcher de lui balancer la japonaise, d'un ton légèrement plus froid qu'elle ne l'aurait souhaité.
Elle renonça cependant à se montrer plus acerbe face à l'air penaud de l'ancienne étudiante de Ste. Bénédicte, lui faisant signe d'approcher d'un bref hochement de tête. L'adolescente s'exécuta, prenant néanmoins soin de conserver une distance de sécurité avec Yumi.
- Comment ça se présente sur Lyokô ? questionna-t-elle dans le but d'éviter tout sujet déplaisant.
La japonaise se prêta volontiers au jeu, désireuse d'éviter une nouvelle dispute dans un moment aussi critique.
- Mal, répondit-elle en affichant la carte des lieux à l'écran, laissant libre court à Stéphanie de constater le nombre impressionnant de points rouges représentant les monstres, Eva essaye de défendre le cœur de Lyokô tant bien que mal mais il ne lui reste presque plus de Points de Vie et les monstres ont déjà créé une ouverture dans la Sphère Centrale. Aelita a du se virtualiser aussi pour essayer d'empêcher la Faille d'envoyer plus de créatures et Odd et Mathieu la défendent comme ils peuvent, mais ils avancent difficilement… En gros c'est la merde !
Stéphanie ouvrit la bouche de stupéfaction, médusée. Elle était loin de se douter d'à quelle point la situation était désespérée ! Elle comprenait mieux désormais pourquoi Mathieu avait tant insisté pour la joindre.
- Et on ne peut rien faire d'ici ? insista-t-elle, inquiète, toute trace de tension avec la japonaise disparue de son esprit momentanément, je déteste me sentir aussi inutile !
- Et moi donc, soupira Yumi, tout aussi frustrée, mais malheureusement tout ce qu'on peut faire c'est les prévenir au mieux de l'arriver des monstres et les aider à gérer leurs Points de Vie autant que possible !
Dépitée, Stéphanie se laissa tomber sur le dispositif central de la pièce, servant autrefois à afficher l'Holomap, tandis qu'un silence pesant retombait sur la pièce. Une fois de plus, et malgré sa bonne volonté, son utilité se trouvait des plus réduite…
Pourtant, un cri de stupeur ne tarda pas à la tirer des ses pensées quelques instants plus tard. Yumi venait de se figer face à l'écran, ses yeux d'un noir d'encre rivé vers un point que l'adolescente ne pouvait distinguer d'où elle se trouvait.
- Qu'est-ce qui se passe ? s'enquit-elle d'un ton anxieux tandis que la japonaise se mettait à pianoter sur le clavier, surprise.
- Je… Je ne sais pas ! répondit-elle en toute franchise, sous le choc, les Points de Pouvoir de Mathieu viennent de chuter d'un coup et il reste immobile au milieu du terrain alors que tous les monstres sont sur lui ! Sans compter que d'après l'historique : le Supercalculateur est en train de consommer au moins deux fois plus d'énergie qu'à l'accoutumée, comme s'il tournait à plein régime ! Comme si on avait besoin d'un bug pareil maintenant !
Stéphanie ne put que froncer les sourcils, incrédules. Pourquoi Mathieu dépensait-il subitement ses Points de Pouvoir alors qu'il n'avait, jusqu'à présent, fait preuve d'aucune faculté spéciale sur Lyokô, à l'image d'Eva et de son petit ami ? Quelque chose d'étrange était clairement en train de se produire.
Sur Lyokô, la situation était des plus critiques. Malgré tous ses efforts, Odd, n'avait pas réussi à renouveler l'exploit qui lui avait permis la destruction d'un Mégatank et la progression s'avérait toujours aussi difficile pour nos héros jusqu'à la Faille, qui ne cessait de déverser ses Monstres en direction du cœur.
Alors que l'homme-chat fauchait une fois de plus un énième Kankrelat d'une Flèche Laser, un cri retentit au dessus de lui, lui glaçant l'échine. Il releva brusquement la tête et resta bouche bée face au spectacle qui se déroulait dans les yeux.
Face à une Aelita désarçonnée, flottant dans les airs les bras en croix, se tenait Mathieu, auréolé d'une étrange aura bleue, les oreilles de lapin de sa tenue ondulant de chaque côté de sa tête, comme sous l'effet d'un mystérieux courant. Ses pupilles, au sein de ses yeux grands ouverts, avaient disparu, remplacées par des centaines de filaments de lumières colorées défilant devant son regard comme autant de visions fugaces.
- Et merde, qu'est-ce qui lui prend à ce con… BOUGE MATHIEU ! s'écria Odd en pressant un bouton sur le côté du guidon de son Overbike, déclenchant le mode aérien alors qu'une centaine de lasers fusaient en direction du jeune homme immobile.
Aelita fut plus rapide cependant, parvenant à créer juste à temps, dans un chant mélodieux, une sphère protectrice constituée d'une multitude d'hexagones roses pixelisés qui parvinrent à encaisser l'ensemble des tirs sans flancher, avant de disparaître en grésillant.
- Qu'est-ce qui lui prend ? balança Odd en rejoignant la jeune fille dans les airs, la roue de son Overbike rétractée pour lui permettre de voler.
- Je… J'en ai absolument aucune idée ! répondit Aelita en décrivant une trajectoire circulaire afin de ne pas rester une cible facile pour les monstres, on dirait que son pouvoir vient d'entrer en action mais…
Sa voix fut cependant couverte par un étrange son guttural, presque métallique qui s'éleva subitement à travers le territoire, manquant de faire sursauter les Lyokô-Guerriers. Même les monstres au sol se figèrent subitement, comme intrigués par le phénomène. Odd mit quelques instants avant de comprendre que l'étonnante sonorité provenait de Mathieu lui-même, dont la bouche venait de s'ouvrir. L'instant d'après, le jeune homme se mit à psalmodier d'étranges paroles d'une voix qui n'était pas la sienne, comme s'il était possédé :
- Dans un instant la jeune fille franchira la barrière entre les mondes pour la première fois, et changera la donne alors que tout semblera perdu. Mais le prix à payer sera grand, et si un atout disparaîtra pour les sauveurs, un autre reparaîtra d'ici peu. La sauver reste encore possible, il s'agit juste de trouver le temps nécessaire…
Sur ces étranges paroles dénuées de sens, Mathieu ferma lentement les yeux et la lumière l'auréolant s'estompa aussi vite qu'elle était apparue. Avant qu'Aelita et Odd n'aient pu réagir, encore sous le choc, l'adolescent commença à chuter, se précipitant droit vers les monstres, inconscient.
- Mathieu ! s'exclama l'elfe rose, dirigeant l'Overboard vers lui à pleine visite afin de le rattraper, sous une déferlante de lasers en tout genre. Dont plusieurs atteignirent la planche de surf volante, la faisant grésiller.
- Aelita ! Laisse-le, il ne risque rien, concentre-toi sur la Faille ! résonna la voix de Yumi à travers Lyokô, si tu es dévirtualisée tout est fichu !
A contre-cœur, Aelita finit par abandonner son engin, le laissant filer seul vers le sol afin de parvenir à distraire les monstres et à remonter en chandelle à l'aide de ses ailes.
Odd prit le relais avec son Overbike, parvenait à intercepter l'adolescent juste avant qu'il ne touche le sol. Ce fut cependant le moment que choisit un Mégatank pour tirer un nouveau laser elliptique, fauchant le véhicule sur le côté qui partit aussitôt en vrille avant d'exploser, projetant littéralement les deux Lyokô-guerriers au milieu des monstres, tous deux couverts d'étincelles.
- Aelita, non !
La voix de Yumi avait fusé alors que la jeune fille s'empressait de faire demi-tour, ses ailes fouettant l'air à toute allure en direction des deux adolescents à terre.
- Même si j'arrive à installer le Firewall sur la Brèche les monstres resteront ! protesta-t-elle sans ralentir, créant un champ de force au bout de ses deux mains qui enfla peu à peu jusqu'à atteindre des dimensions impressionnantes, on va avoir besoin de tout le monde si on veut en venir à bout !
La sphère d'énergie rose fusa devant l'elfe de Lyokô, réduisant à l'état de poussière numérique tout ce qui se trouvait sur son passage, lui dégageant le chemin jusqu'à Odd qui se redressait avec difficulté, protégeant Mathieu des lasers tant bien que mal derrière son bouclier énergétique qui n'allait pas faire long feu à une telle cadence.
Aelita se posa lestement à ses côtés, se positionnant dos à dos avec lui en fusionnant deux champs de force afin d'assurer elle aussi une protection au jeune homme inconscient. L'armée de monstres se resserraient de plus en plus autours d'eux, les encerclant complètement. Ils étaient pris au piège !
- Dire qu'on est mal barré ce serait un euphémisme, hein ? ricana Odd entre ses dents, ployant sous les attaques ennemis.
Aelita eut un sourire crispé. A ce rythme, ils allaient tous les trois finir dévirtualisés et rien de plus !
Yumi jura, se massant les tempes du bout des doigts. La situation était plus que critique et elle ne voyait aucune échappatoire pour ses amis désormais ! Plus elle regardait cette carte sur son écran : envahie par les points rouges, et plus tout lui semblait perdu ! Eva n'allait pas tardé à flancher et le retour sur Terre d'Odd, Aelita et Mathieu n'était plus qu'une question de seconde !
Stéphanie était restée silencieuse durant toute la scène, cogitant dans son coin. Une idée avait commencé à germé dans son esprit. Une idée folle, suicidaire même, mais au vu des derniers rebondissements sur Lyokô, il n'y avait pas à hésiter. Après tout, on l'avait fait venir à l'usine pour une raison…
- Yumi, finit-elle par se décider à lâcher, d'une voix rauque mais assurée, attirant l'attention de la japonaise, envoie-moi sur Lyokô.
Le regard que lui lança la jeune fille en réponse en disait long sur ce qu'elle pensait de sa santé mentale, mais avant qu'elle n'ait eu le temps de répliquer, Stéphanie reprit la parole, plus déterminée que jamais.
- Je sais que c'est risqué à 18 ans passés, Aelita n'a pas cessé de le répéter depuis qu'on a rallumé le Supercalculateur Mathieu et moi… Cependant on n'a pas le choix ! C'est soi on prend le risque, soi la Green Phoenix réussit à mettre la main sur le Projet Carthage et là on ne pourra plus rien faire pour les arrêter ! J'ai conscience que c'est dangereux pour moi mais… Mais je suis prête à la faire !
- Dans ce cas laisse-moi y aller à ta place ! objecta Yumi en se levant d'un bond de son siège, un air réellement effrayé sur le visage désormais, j'ai déjà été virtualisée, ce sera peut-être moins dangereux pour moi avec mon avatar de stocké dans la mémoire du Supercalculateur ! Et puis je suis plus expérimentée sur Lyokô ! Qu'est-ce que tu comptes faire une fois là-bas ? Tu ne sais même pas quelles seront tes armes, tes pouvoirs… Il est hors de question que je cautionne ça ! C'est…
Mais avant qu'elle n'ait pu terminer sa phrase, Stéphanie apposa ses mains contre les siennes dans une attitude rassurante, plantant ses étranges iris violette dans les yeux de la japonaise, afin qu'elle puisse y lire toute sa détermination.
- Non Yumi, c'est impossible et tu le sais très bien, fit-elle d'un ton étonnamment mature, bouleversant son ancienne amie, je serais incapable de me servir du Supercalculateur pour t'envoyer sur Lyokô alors que toi si ! C'est à moi d'y aller, pas à toi… S'il-te-plaît Yumi… Onegaï…
La japonaise se recula, arrachant ses doigts à ceux de Stéphanie, ébranlée. Elle ne savait plus quoi penser. Bien sûr, elle en voulait toujours à l'adolescente pour sa rupture avec William mais cela lui semblait si dérisoire désormais, si risible par rapport à l'enjeu, à la responsabilité qu'elle lui demandait d'endosser. Si elle prenait la mauvaise décision, les conséquences risquaient d'être terribles…
Éperdue, Yumi releva la tête en direction de la jeune fille qui n'avait pas cillé. Elle comprit alors. Peu importait sa décision au final : Stéphanie avait fait son choix. Elle était prête à se sacrifier pour une histoire qui n'était pas la sienne, pour venir en aide à des personnes qu'elle connaissait à peine, sur un simple coup de tête, là où elle aurait choisi la fuite. C'était ce qui les différenciait toutes les deux dans leur solitude respective : l'empathie et le courage de croire en ses convictions. Sur ces deux points, la jeune fille l'avait surpassée depuis longtemps, et cela lui retournait le cœur, tant elle se sentait lâche en comparaison.
- Très bien… céda Yumi, incapable d'ajouter quoi que ce soit, se laissant retomber sur le siège lourdement, comme si le poids du monde venait subitement de s'écrouler sur ses épaules, descend en salle des scanners Stéphanie, je prépare la procédure de virtualisation.
Inscrit le: 16 Mar 2013 Messages: 1110 Localisation: Au beau milieu d'une tempête.
Chapitre 26 :
Épisode 125 : Stéphanie au combat_
Stéphanie jeta un coup d'œil circulaire aux parois scintillant d'une douce lueur dorée du scanner dans lequel elle venait de se positionner, inquiète. La voix déformée par le micro de Yumi retentit soudain à travers toute la pièce, la faisant légèrement tressauter :
- Voilà, j'ai réglé les différents paramètres, il ne me reste plus que quelques lignes à taper et je pourrai t'envoyer sur Lyokô… Ça va ?
La jeune fille répondit par l'affirmative d'une voix blanche. Elle devait bien admettre qu'une fois l'excitation première passée, l'idée d'être entièrement dématérialisée dans un caisson et envoyée dans un ordinateur sans aucune garantie de réussite lui paraissait quelque peu audacieuse, voire insensée.
- Je suis folle… murmura-t-elle en effleurant du bout des doigts les parois légèrement vibrantes du scanner, complètement…
Malgré l'angoisse, sa décision restait irrévocable. Les personnes qui comptaient pour elle avait besoin de son aide et elle n'allait pas agir comme une lâche en les laissant tomber, c'était une certitude ! Peu importait le prix à payer : elle allait se rendre sur Lyokô à son tour !
- Bon, tout est prêt, reprit la voix de Yumi, incertaine, Stéphanie… Tu es vraiment sûre de vouloir le faire ?
- Certaine, répondit la jeune fille, gonflée à bloc, tu peux lancer la procédure… Je suis parée !
Un soupir retentit à travers le micro et, quelques instants plus tard, la porte du caisson commença à coulisser dans un grand bruit mécanique, enfermant la jeune fille dont le rythme cardiaque s'accéléra au passage.
A l'étage supérieur, une carte vierge apparut à l'écran devant une Yumi passablement stressée. Elle n'avait pas intérêt à avoir fait le moindre erreur de manipulation, où elle risquait de s'en vouloir toute sa vie !
Après une ultime vérification des lignes de code dans le livre de notes de Jérémie laissé à l'usine par Aelita et une dernière grande inspiration, la japonaise se décida enfin à approcher ses doigts de la touche « Enter », hésitant encore quelques secondes. Ce fut un cri d'Odd à lui glacer le sang à travers ses écouteurs qui la décida finalement à se lancer : il n'était plus temps d'hésiter, il fallait agir avant qu'il ne soit trop tard !
- Transfert Stéphanie, souffla-t-elle, plus angoissée que jamais en fermant les yeux, appuyant sur la touche fatidique.
Au sein de son scanner, l'adolescente fronça les sourcils sous l'effet de la vive lueur qui venait de s'élever du socle sur lequel elle était debout. Autours d'elle, des milliers de particules de lumières semblaient tourbillonner, diffusant une agréable sensation de chaleur à travers ses vêtements qui se mirent à flotter, comme sous l'effet d'une brusque bourrasque. Lentement, un anneau de métal noir se mit à remonter le long du pylône en tournant tout autours d'elle, l'analysant des pieds à la tête. Le bruit de soufflerie produit par le scanner était si vif désormais que la jeune fille entendit à peine la voix de Yumi énoncer un petit « scanner Stéphanie… » .
Ses cheveux lâchés virevoltaient désormais dans les airs, comme happée par un mystérieux vortex. Instinctivement, Stéphanie s'agrippa aux parois de l'appareil mais en vain, ses mains glissaient contre le matériau surchauffé, la faisant transpirer à grosses gouttes. Elle avait l'impression que les particules tournoyant autours d'elle lui grignotait la peau avec avidité.
- Yumi… ? appela-t-elle d'une voix incertaine, alors que ses cheveux lui fouettaient le visage et que le T-shirt dépareillé qu'elle avait enfilé à la hâte avant de venir jusqu'à l'usine menaçait de s'envoler.
- Virtualisation.
Un flash de lumière ébranla brusquement tout l'habitacle, arrachant un cri à l'adolescente qui sentit brusquement son corps s'effacer.
L'instant d'après, sa voix s'évanouit et le scanner se rouvrit, dévoilant un intérieur entièrement vide. Stéphanie était en partance pour Lyokô.
A l'étage supérieur, Yumi haletait sous l'effet de l'angoisse. Face à elle sur l'écran, tournait sur lui-même un étrange avatar entièrement auréolé de vert. La jeune fille chassa une mèche de cheveux moite de son front, inquiète. Tout s'était-il déroulé correctement ?
Stéphanie se sentit bringuebalée de toutes parts, heurtant à toute vitesse les parois de quelque chose qu'elle ne pouvait distinguer, des flashs lumineux l'aveuglant à intervalles rapides et réguliers, lui conférant un sérieux mal-être. C'était comme si son esprit venait subitement d'emprunter les montagnes russes, laissant son corps en miettes derrière lui.
Puis, brusquement, tout s'arrêta et la jeune fille se retrouva suspendue dans les airs à plusieurs mètres du sol, singulièrement étourdie. Elle se sentit à peine tomber, s'écrasant en un magnifique plat, face contre terre, dans un cri qui raisonna comme étrangement lointain à ses oreilles. Elle avait l'impression d'avoir la tête plongée sous l'eau.
Se redressant bien plus rapidement qu'elle ne l'aurait cru, elle jeta un bref regard circulaire sur ce qui ne lui semblait être qu'un assemblage difforme de couleurs et de sons sans queue ni tête. C'était comme si son cerveau n'arrivait plus à interpréter les informations que son corps lui transmettait. Elle n'avait ressentit aucune douleur en s'écrasant au sol et elle ne sentait plus sa poitrine se soulever doucement au rythme de sa respiration ou des battements de son cœur. En fait elle se sentait étrangement vide, comme s'il lui manquait quelque chose…
- Stéphanie, Stéphanie tu m'entends ! Est-ce que tout va bien !
La voix déraisonnablement amplifiée et claire de Yumi par rapport à ce qui l'entourait raisonna en elle comme un son de basse, la faisant grimacer et, d'un coup, sa vision et son ouïe se remirent en place et elle put distinguer le spectacle cauchemardesque qui l'entourait.
Au dessus d'elle le ciel – ou ce qui en tenait lieu – était littéralement rempli de créatures volantes repoussantes, semblable à de gigantesques raies-mantas au long corps souple et bleu, nuancé de blanc. Toutes convergeaient d'un même mouvement vers ce qui semblait être un immense assemblage de cubes sombres rappelant vaguement la forme d'une sphère qui se serrait effondrée sur elle-même, au niveau d'une ouverture grossière pratiquée à son sommet.
- Qu'est-ce que… ? souffla Stéphanie, littéralement ébahie, d'une voix qui lui parue curieusement métallique, c'est quoi ce monde… ? C'est ça Lyokô ? C'est horrible !
- Ouf, tu vas bien, lui répondit la voix de Yumi qu'elle ne pouvait distinguer d'où elle était, j'avais peur que quelque chose ait planté durant la procédure mais on dirait que tout s'est bien passé !
- Yumi ? Il y a des tas de bestioles volantes qui se dirigent vers la Sphère Centrale ! s'exclama-t-elle, parvenant enfin à faire le tri dans ses pensées, qu'est-ce que je fais ! Je vais aider Eva ?
- La priorité c'est de sauver Aelita ! l'interrompit la japonaise, elle et les autres sont à quelques mètres au nord de ta position, juste derrière une barrière surélevée de cube d'après l'Holomap… Fait vite !
Mais l'adolescente ne l'écoutait pas. Elle venait de baisser les yeux vers son nouveau corps virtuel et était resté une fois de plus bouche bée, littéralement sous le choc.
Outre l'étrange texture unie la constituant rappelant un jeu vidéo bas de gamme, elle était vêtue d'un ensemble de parfaite gothic lolita, reflétant son côté Otaku dans les moindres détails. Un corset d'un noir opaque et noué par une grosse ficelle rouge sur le devant enserrait un curieux haut d'un pourpre prononcé lui procurant des manches bouffantes et se terminant en une courte jupe plissée tombant au niveau de ses cuisses dénudées, agrémentée d'une fine dentelle rose. Sa peau était plus sombre, plus hâlée qu'à l'ordinaire et ses chevilles étaient presque entièrement couvertes par une paire de boots aussi sombres que son corset et pourvues d'une multitude de sangles, visiblement assemblées de la façon la plus anarchique possible. Le genre de chaussures dont l'assemblage même aurait été impossible sur Terre, elle en était certaine !
De hauts gants rouges sang couvraient ses poignets et ses longs cheveux bruns étaient noués en une unique couette sur le côté, flottant de façon compacte contre ses tempes sous l'effet d'un vent invisible et maintenus par une ficelle rouge reliée à ce qui ressemblait à une oreille de neko. Seul son bras et sa jambe droite étaient couverts par une étrange combinaison sombre dont la teinte rappelait le cuir, malgré l'absence de texture au toucher.
Stéphanie effleura sa frange du bout des doigts : elle était étonnamment lisse par rapport à son homologue réel, tout comme le reste de son corps par ailleurs.
- J'ai la classe ! ne put-elle s'empêcher de sourire en se détaillant sous tous les angles, appréciant chaque détail des courbes généreuses que lui avait offert son avatar. Elle n'avait pas à se plaindre sur Terre mais là les proportions de son corps frisaient la perfection !
Tout à la découverte de sa nouvelle apparence, elle ne prit par garde au fait que deux des créatures volantes s'étaient détournées de leur groupe et fonçaient sur elle en ondulant gracieusement dans les airs, l'extrémité de leur corps illuminé d'une sphère rougeoyante.
- Stéphanie, attention des Mantas, derrière toi !
Seul le cri de Yumi parvint à la faire réagir. Sans réfléchir, la jeune fille exécuta une roulade impeccable sur le côté, évitant de justesse les lasers des créatures qui mugirent de rage d'un étrange cri rauque à glacer le sang, avant de reprendre de l'altitude.
- Merci Yumi, murmura la gothic lolita en suivant des yeux les deux monstres qui décrivaient désormais des cercles autours d'elle, attendant le bon moment pour reprendre leur assaut.
Une nouvelle salve de tirs jaillit brusquement dans sa direction mais cette fois-ci elle s'était préparée et parvint à esquiver sans dommage d'un salto arrière tout en souplesse, atterrissant sur la pointe des pieds avec la grâce d'une ballerine sans le moindre problème.
Désarçonnée par l'aisance avec laquelle se mouvait son nouveau corps, elle eut moins de chance avec la troisième salve et fut percuté violemment par un rayon qui l'envoya rouler quelques mètres plus loin, la prenant de court.
- Merde ! ragea-t-elle en se redressant presque aussitôt, scrutant d'un œil surpris les étincelles qui jaillissaient désormais de sa poitrine –largement découverte-, j'ai perdu des Points de Vie ?
- Oui, Vingt, répondit la voix lointaine de Yumi tandis que les Mantas revenaient à la charge dans un long hurlement strident, essaye de contre-attaquer ! Tu dois bien avoir une arme quelque part ?
Stéphanie ne répondit pas, se jetant derrière un aplomb de cubes afin de se protéger des tirs des monstres d'un saut prodigieux. Bon, elle commençait à se faire aux étranges lois physiques qui gouvernaient ce monde et à son étonnante nouvelle agilité et souplesse. Restait à trouver de quoi se défendre.
Un bruissement d'étoffe retentit alors qu'elle s'accroupissait derrière les cubes et sa jupe glissa sur le côté, dévoilant alors ce qui l'intéressait. Accrochées à sa cuisse par un bandeau noir ornementé de dentelles vermeilles et servant lieu de fourreau, se trouvaient trois gigantesques aiguilles effilées luisant d'un reflet métallique à la lumière de la Voûte Céleste.
Fascinée, Stéphanie en tira une de son fourreau, l'effleurant du bout de ses doigts gantés. A y voir de plus prêt, cela ressemblait plus à une aiguille de couture géante, à en juger par le petit trou arrondie à son extrémité, qu'à une véritable arme. Elle qui détestait coudre ! Pourquoi se retrouvait-elle avec un tel équipement ?
Un nouveau laser s'abattit brusquement à quelques millimètres d'elle à peine, la faisant sursauter. Elle n'avait pas le temps de faire la fine bouche, il fallait foncer !
Relevant brusquement la tête en direction de la Manta qui venait de la manquer de peu et qui s'éloignait désormais d'un vol gracieux, elle se mit à courir à sa poursuite, brandissant son aiguille dans un cri de fureur.
- Tu vas voir un peu toi !
Et, sans sommation, elle projeta l'arme blanche de toutes ses forces en direction du monstre. Celle-ci fusa dans l'air dans une trajectoire impeccable, transperçant littéralement la Manta de part en part qui eut à peine le temps de pousser un ultime cri d'agonie à glacer le sang avant d'imploser, couvrant le ciel d'une myriade de particules flamboyantes.
- Yes ! jubila Stéphanie en levant le poing tandis que son arme retombait un peu plus loin, se fichant dans le sol avec un bruit sourd, je crois que je vais y prendre goût !
Un nouveau tir lui effleura brusquement l'oreille, faisant voler sa couette au passage. La jeune fille fit aussitôt volte-face en direction de la seconde Manta qui fonçait sur elle en rasant le sol, laser chargé et prête à faire feu.
Stéphanie n'hésita pas. Portant sa main à sa cuisse, elle dégaina une nouvelle aiguille et se rua sur l'ennemi, brandissant l'arme comme une épée. A peine la Manta eut-elle tiré son laser que l'adolescente bondit en l'air, frôlant le rayon mortel de quelques centimètres seulement. Pivotant sur elle-même dans un magnifique vole-plané, elle entailla le dos du monstre de son arme sur toute la longueur au niveau du symbole d'Angel, lui arrachant un horrible cri de douleur.
Celui-ci explosa au moment où elle touchait de nouveau le sol sur un genou, aiguille brandit, une lueur fière dans le regard.
- C'est le pied ! jubila-t-elle en se redressant, rengainant son arme au passage, on se croirait dans un jeu vidéo ! Je ne me suis jamais senti aussi bien !
- J'en connais d'autres qui aimeraient se sentir bien, la rappela à l'ordre Yumi, dont la voix raisonnait à travers tout le territoire, j'ai réussi à te charger un nouvel Overbike, fonce ! Ils ne vont plus tenir longtemps à ce rythme !
Ramenée à la réalité, la gothic lolita fit demi-tour en courant vers le véhicule qui achevait de se dessiner non loin d'elle, extirpant sa première lame du sol au passage.
- Y aussi des motos sur Lyokô ? Coool ! ne put-elle s'empêcher de lâcher en enfourchant l'Overbike, faisant ronfler le moteur virtuel.
L'instant d'après, elle fonçait sur le champ de bataille à toute allure, maîtrisant le véhicule avec un habilité déconcertante pour une première fois.
« Courage Mathieu, pensa-t-elle en accélérant d'une pression sur la poignet, sa longue couette fouettant l'air dans son sillage, j'arrive ! ».
Aelita frémit alors qu'un nouvel impact venait ébranler le fragile abri dans lequel Odd, Mathieu et elle-même s'étaient réfugiés. Abri qu'elle avait juste eu le temps de créer à l'aide de son don de Synthétisation avant qu'une pluie de laser ne face voler en éclat leurs boucliers, à bout de force.
- Ça ne va pas tenir longtemps, murmura-t-elle en effleurant la paroi d'un bleu sombre strié, diffusant une étrange lueur, il faut qu'on mette au point une stratégie pour sortir d'ici avant qu'ils ne soient trop tard et qu'on retourne dans les scanners sans avoir rien pu faire !
L'homme-chat ne répondit pas, se contentant de fixer d'un regard inquiet son ami étendu entre eux deux, toujours inconscient. Il n'avait pas refait surface depuis que son pouvoir s'était manifesté de façon si étrange et cela l'inquiétait. Après tout, ils n'étaient pas sensé pouvoir perdre connaissance sur Lyokô ! Il était vrai qu'ils avaient tous déjà été étourdis pendant un moment à l'approche de leurs derniers points de vie, mais jamais aussi longtemps ! Quelle était donc cette étrange capacité sans queue ni tête pour lui pomper ainsi toute son énergie ?
- Accroche-toi, Mathieu, fit-il entre ses dents en serrant la main du jeune homme entre ses pattes virtuelles, sans obtenir de réaction.
Aelita lui jeta un regard triste. Odd avait beau ne connaître l'adolescent que depuis peu de temps, force était de constater que tous deux s'étaient étonnamment rapprochés au cours des derniers mois. Peut-être son vieil ami du collège cherchait-il à combler le vide laissé par Ulrich depuis que ce dernier s'était mis avec Sissi suite à l'extinction du Supercalculateur ? Elle espérait juste que Mathieu ne se ferait pas de fausses idées quant aux intentions du jeune homme à son égard…
- Odd, l'appela-t-elle alors qu'une nouvelle série de tirs ébranlait la structure de leur protection, tu as une idée ou pas ! Ça commence à urger !
- J'en sais rien, répondit-il en se massant le front d'une griffe, j'essaye de réfléchir… Tu pourrais peut-être activer tes ailes juste avant que l'abri ne s'effondre et pendant que tu t'envoles je distrais les monstres ?
- Tu vas te faire descendre comme ça ! répliqua une Aelita qui commençait réellement à s'inquiéter, il faut qu'on reste tous sur Lyokô si on veut avoir une chance de se débarrasser des monstres restant une fois le Firewall activé ! Sans compter Mathieu qui est toujours…
Un grognement étouffé l'interrompit, lui faisant tourner la tête en même temps qu'Odd. L'intéressé, toujours allongé au sol, venait d'ouvrir les yeux, clignant des paupières de façon éberlué comme s'il avait du mal à comprendre ce qu'il faisait ici.
- Mathieu ! s'exclama le félin d'un ton inquiet en l'aidant à se redresser, comment tu te sens ? Tu nous as fait une belle frayeur avec ton numéro de prophète tout à l'heure !
Le jeune homme à la capuche aux oreilles de lapin se passa une main sur le visage une dernière fois afin de chasser les dernières traces de brume de ses pensées. Il avait l'impression d'émerger d'un long rêve interminable.
- Mon quoi… ? grogna-t-il d'une voix pâteuse en dévisageant ses amis, qu'est-ce qui s'est passé ? Je me souviens avoir vu des bribes d'image défiler devant mes yeux alors que j'étais sur cet Overboard avec Aelita et puis…
- Aucune importance ! le coupa la meneuse alors qu'une nouvelle salve de tirs retentissait à l'extérieur, prépare-toi à te défendre ! Mon mur défensif ne va pas tarder à céder !
Tout en disant cela, elle laissa un Champ de Force prendre forme au creux de sa main, éclairant l'abri d'une douce lueur rose apaisante. Odd fit cliqueter ses pattes, bien conscient qu'il ne devait plus lui rester énormément de Flèches Lasers et Mathieu teint sa seule sphère encore intacte prête. Seuls trois segments étaient illuminés de rouge et il avait conscience que cela risquait de ne pas suffire face à l'armée de monstres qui les attendait à l'extérieur mais il n'avait pas le choix.
Un instant plus tard, les prédictions d'Aelita se réalisèrent et, sous le choc simultané de plusieurs lasers tirés de façon consécutive, la paroi de leur cachette céda, se désagrégeant en une myriade de pixel en grésillant.
L'elfe rose n'attendit pas plus longtemps pour décocher son Champ de Force, suivie de près par ses camarades. Les Kankrelats, en première ligne, volèrent sans avoir pu les atteindre, bien vite remplacés par les Blocks.
- On n'y arrivera pas ! s'écria Aelita tandis qu'un Laser Gelant la frappait brusquement à la jambe alors qu'elle tentait tant bien que mal de se défendre, l'immobilisant sur place.
A ce rythme là, ni elle ni les deux autres n'allait faire long feu tant les tirs pleuvaient !
- Vous n'entendez pas comme un bruit ? fit subitement Odd en relevant la tête, ses oreilles de chat décoratives sur ses cheveux en pic dressées.
Mathieu, qui absorbait laser sur laser sans parvenir à attaquer, se concentra à son tour en fronçant les sourcils. Maintenant que son ami le soulignait, il y avait bien comme un vrombissement dans l'air. Un vrombissement qui se rapprochait.
Plissant les yeux en direction de la ligne de blocs sombres les séparant du chemin menant à la Sphère Centrale, Mathieu crut percevoir au loin comme un minuscule point vert qui ne cessait de grossir. Bientôt, un long cri se mêla au bruit de moteur et une moto à roue unique déboula en plein milieu du champ de bataille, se servant d'un cube penché sur son chemin comme tremplin. Elle était chevauchée par une jeune fille au port altier que Mathieu ne croyait pas avoir déjà vu auparavant, vêtue d'une tenue de gothic lolita, sa jupe rouge flottant au vent.
En un clignement de paupière, sa main gantée se porta à sa cuisse, dégainant d'un fourreau une interminable aiguille qu'elle brandit comme un sabre, le regard déterminé. Un saut plus tard, l'Overbike dérapait le long du terrain dans un long crissement de pneu, fauchant toute une ligne de Blocks qui explosèrent les uns après les autres, trop surpris pour s'arrêter.
La gothic lolita n'attendit pas d'avoir touché le sol pour projeter son arme vers le Krabe le plus proche qui implosa sur le coup, transpercé.
A peine eut-elle mis un pied à terre cependant que les lasers se mirent à pleuvoir dans sa direction, délaissant les trois adolescents par miracle. Dans un éclair métallique, la jeune fille mystérieuse dégaina deux nouvelles aiguilles en tourbillonnant sur elle-même, faisant rebondir les lasers à leur surface, les renvoyant en direction de ses agresseurs qui se les prirent, eux, de pleins fouets, implosant dans un joyeux concert.
- Désolée pour le retard, affirma l'adolescente d'une voix étrangement familière en se redressant, ses aiguilles levées, tout le monde va bien ?
Mathieu croisa alors le regard de l'inconnue et se figea, stupéfait, en reconnaissant les deux pupilles dont le violet, habituellement discret, avait été amplifié par Lyokô.
- Stéphanie ! s'écria-t-il, incrédule, n'obtenant pour réponse qu'un sourire.
Alors qu'Aelita s'avançait, un air proprement scandalisé sur le visage, un tir de Mégatank la stoppa, manquant son pied de peu.
- Et merde, je les avais oubliés ces deux-là ! jura Odd en se retournant vers les deux sphères d'un noir profond, sa patte prête à décocher une fléchette.
- Occupe-toi d'eux ! ordonna Stéphanie en se tournant dans la direction opposée, je m'occupe des monstres restant ! Vous deux –elle désigna Mathieu et Aelita d'un signe de tête- foncez jusqu'à la Faille ! Le temps presse.
- Attends un peu… ! tenta vainement l'elfe aux cheveux roses, rapidement interrompue par Mathieu.
- Elle a raison, Aelita, fit-il en lui indiquant du doigt la Brèche au loin qui recommençait à rougeoyer, signe que de nouveaux monstres n'allaient pas tarder à faire leur apparition, dépêchons-nous ! On aura le temps de discuter de sa présence sur Lyokô après…
Ravalant ses reproches, l'adolescente eut un dernier regard en direction de Stéphanie avant de s'élancer au pas de course vers l'horrible plaie dans la Voûte Céleste, talonnée par Mathieu qui ne tarda pas à enfourcher l'Overbike de Stéphanie, miraculeusement indemne après son vol plané.
- C'est parti ! s'écria Odd en se jetant vers les Mégatanks qui s'étaient déjà rouverts, chargeant chacun leur redoutable laser.
Stéphanie, elle, avait déjà bondi en direction des Blocks et des Krabes restant, virevoltant avec grâce, ses aiguilles sorties, fauchant monstres sur monstres, tranchant les pattes des gigantesques araignées de mer dans une danse mortelle. Elle était réellement dans son élément et s'en donnait à cœur joie, esquivant et parant les quelques rares tirs que les monstres avaient le temps de lui balancer avant d'exploser avec aisance. A la voir, il aurait été difficile d'affirmer avec certitude qu'il s'agissait là de sa toute première virtualisation !
Eva laissa échapper une flopée de juron dans sa langue natale, suivie chacun d'une note de musique explosive d'une vitesse foudroyante. La plupart atteignirent leur cible, faisant littéralement imploser de l'intérieur les Mantas et les Frôlions touchés.
Cependant, cela ressemblait à un coup d'épée dans l'eau tant la quantité de monstres volant sur le plafond de la Sphère Centrale de Lyokô allait croissante, laissant une Eva littéralement débordée et au bord de la crise de nerf.
Elle s'était positionnée sur un cube légèrement surélevé, non loin d'une étrange sphère lumineuse ornementée d'un symbole complexe doté de trois cercles concentriques et de quatre barres, encadrée par deux énormes cubes protecteurs, tournant lentement sur eux-mêmes. Le Cœur de Lyokô : ultime barrage entre le programme Carthage et la Green Phoenix. Il suffisait que les lasers des monstres viennent à bout de ses boucliers et s'en était fini ! Elle n'avait pas le droit à l'erreur, il fallait qu'elle défende la sphère au péril de sa vie, quelle que fut sa quantité de Points de Vie restante et le nombre d'ennemis.
Cela dit, là, elle commençait à saturer.
Deux Mantas dévièrent soudain de leur trajectoire, fonçant sur elle et l'obligeant à se jeter sur le cube en dessous d'elle pour éviter leurs tirs, perdant ainsi son précieux emplacement stratégique. Les monstres restant profitèrent de la diversion offerte par leurs congénères pour mitrailler de coups les cubes protecteurs, faisant rougeoyer la première couche de plus en plus vivement.
- Laissez ça, saletés ! cracha-t-elle en expulsant de sa bouche de nouvelles notes d'un beau vert pomme qui vinrent faucher sur place deux Frôlions.
Cela ne suffit cependant pas et, malgré leur effectif réduit, les monstres ailés réussirent à porter un coup fatal au premier bouclier qui explosa sur le coup, ébranlant toute la structure de la pièce environnante.
Eva se cramponna comme elle put, projetant notes sur notes au hasard, sans résultat. Sa stratégie était mauvaise. Si encore elle avait eu accès à l'Overwing ou à n'importe quel autre véhicule elle aurait pu tenir tête à ses adversaires mais seule comme elle l'était sur sa minuscule plateforme, elle n'arrivait à rien !
- Yumi, il te reste assez d'énergie pour m'envoyer un autre véhicule ? s'enquit-elle en désespoir de cause tandis que les Mantas restantes s'attaquaient au second bouclier, redoublant de ferveur.
- Pas vraiment, lui répondit la voix métallique et distante de la japonaise à travers le micro, et tu n'as plus que Vingt Points de Vie, Eva ! A ce rythme c'est retour dans les scanners dans dix minutes maximum !
- Je sais… fit l'américaine entre ses dents tout en suivant de ses yeux clairs le ballet incessant des Mantas, il faut que je trouve comment m'en débarrasser d'un coup… Si seulement j'avais un pouvoir en plus comme Odd ou Aelita !
Mais à peine la rockeuse commençait-elle à imaginer une stratégie que les créatures volantes interrompirent subitement leur assaut, levant leur semblant de tête en direction de l'ouverture pratiquée dans le toit, comme interpellée par quelque chose.
- Qu'est-ce que… parvint à lâcher Eva, surprise par leur attitude.
Subitement, dans un concert de battement d'ailes, l'ensemble des Manta fit volte-face, s'engouffrant par l'ouverture pour regagner l'extérieur, laissant derrière elles une pluie de petits objets pâles et sphériques, ornementés du symbole d'Angel.
- Ils vont essayer d'arrêter Aelita, comprit soudain l'américaine en écarquillant les yeux de stupeurs, il faut que je les arrête !
- Non, Eva !
Le cri de Yumi l'interrompit juste à temps alors qu'elle allait s'élancer à la poursuite des Mantas et elle s'arrêta à quelques centimètres à peine d'un des engins flottant largués par les monstres, qui parsemaient désormais la vaste salle circulaire.
- Des mines volantes… murmura-t-elle avec colère, reconnaissant les armes caractéristiques des créatures en forme de raie, elles ont tout prévu pour me barrer le passage !
- N'essaye pas de sortir en tout cas, reprit la japonaise d'un ton angoissé, si tu effleures ne serait-ce qu'une seule de ces mines, ça va enclencher une réaction en chaîne et je ne donne pas cher du Cœur de Lyokô après ça !
Prudente, Eva fit quelques pas en arrière, se réfugiant dans une niche à peu près dépourvue de mines, suivi d'un œil inquiet les petites sphères blanches qui déambulaient lentement autours d'elle désormais, lui bloquant l'accès à la sortie.
Il ne lui restait plus qu'à attendre que les mines se dissipent d'elles-mêmes, en priant pour qu'Aelita n'ait pas été renvoyée dans les scanners d'ici là…
Aelita fusait à travers la Voûte Céleste, ses ailes largement déployées laissant une traînée rose derrière elle. Mathieu la suivait quelques mètres en dessous à bord de l'Overbike qu'il manœuvrait maladroitement, absorbant comme il le pouvait les lasers lancés par les Kankrelats envoyés par la Brèche les coursant, vidant son chargeur sur eux dés que cela s'avérait nécessaire, sans pour autant parvenir à les atteindre, gêné par la conduite. La Faille leur semblait toujours aussi inaccessible mais se rapprochait progressivement et le plus gros des troupes des monstres de la Green Phoenix était passé. Il fallait juste qu'ils économisent leurs Points de Vie suffisamment longtemps pour permettre à Aelita de mettre en place le Firewall !
- Attention vous deux, raisonna subitement la voix de Yumi au dessus d'eux, brisant ses illusions, les Mantas qui s'attaquaient au Cœur ont fait demi-tour pour s'en prendre à vous !
En effet, le ciel au loin était désormais noir des créatures volantes qui se dirigeaient vers eux à toute vitesse désormais, prête à les mitrailler de lasers à tout moment, accompagnées de leur sempiternelle plainte lugubre et stridente.
- Eh merde ! jura Aelita en accélérant le battement de ses ailes, la Green Phoenix a du comprendre notre plan !
Déjà les tirs pleuvaient sur eux, projetant leur ombre rouge sur tout l'horizon. Mathieu eut tout juste le temps de s'interposer entre eux et l'elfe rose dans un mouvement désespéré, la sphère à son poignet grand ouverte. L'ensemble des rayons convergèrent comme un seul homme à l'intérieur de l'arme qui se referma avec un cliquetis de satisfaction, ses sept segments rougeoyant si vivement que les contempler devenait douloureux.
Une fraction de seconde plus tard, l'appareil explosait littéralement au poignet du jeune homme, le projetant au bas de son véhicule sur le coup.
- Mathieu ! s'écria Aelita en se retournant vers la traînée d'étincelles laissées sur son passage, suivie par une flopée de Mantas enragées.
Un tir de laser plus tard, et le jeune homme aux oreilles de lapin disparut en une nuée de pixels, s'évaporant dans les airs.
L'adolescente jura mais préféra profiter de la diversion offerte par son ami pour prendre de l'avance sur les monstres, accélérant encore. La Faille n'était plus qu'à quelques mètres désormais, elle n'avait pas le droit d'hésiter maintenant !
Enfin, elle se stoppa, son regard vert perdu dans les profondeurs nébuleuses de l'horrible plaie dans la Voûte Céleste, pulsant lentement devant elle, semblant la défier d'aller plus loin.
Sans plus attendre, elle se concentra, un chant mystique, profond, s'élevant autours d'elle. Déjà, les Mantas étaient sur elle, couvrant l'étrange mélodie de leurs cris d'outre-tombe.
- Trop tard, murmura-t-elle brusquement en rouvrant ses yeux de jade étincelante, un sourire de triomphe sur les lèvres.
Elle s'écarta alors légèrement, laissant voir aux monstres qui s'étaient stoppés net face à son affirmation une interface qui venait d’apparaître juste devant la Faille, transparente et grésillant, sur laquelle sa main était apposée. Un chargement était affiché juste au dessus, progressant à une allure folle et, avant même que les Mantas aient eu le temps de réagir, la barre atteint les 100% dans un petit bruit de tintement.
Tout se déroula très vite. En une fraction de seconde, l'interface implosant en un millier de particules, libérant un disque d'énergie blanche qui ne tarda pas à enfler à toute allure, atteignant des proportions colossales, allant même jusqu'à déposer celle de l'horrible Faille qui semblait perdre de l'éclat à chaque second.
Un deuxième, puis un troisième cercle de lumière suivirent le premier, dégageant un souffle violent tout autours d'eux qui envoya valser dans les décors les Manta trop proche. Aelita se couvrit le visage des bras, manquant de se faire emporter elle aussi par le Firewall qui se mettait peu à peu en place sous son injonction, ses ailes luttant contre l'onde de choc avec l'énergie du désespoir.
Enfin, deux longues lignes blanches surgirent aux deux extrémités du premier cercle, suivies par deux autres, plus fines, sur la partie inférieure, emprisonnant la Faille sous un véritable entremêlement de lumière, tel un filet de pure énergie, rappelant l'ancien symbole de XANA.
Une dernière déflagration plus tard et le Firewall étant en place, dominant de toute sa puissance la Faille qui semblait s'être résorbée sous son influence, adhérant à la Voûte Céleste telle une étrange toile d'araignée lumineuse.
Aelita laissa encore s'écouler quelques secondes avant de se décider à se détendre, perdant un peu d'altitude afin de contempler son œuvre de plus loin. Elle avait réussi ! Le sacrifice de Mathieu n'avait pas été vain : elle était parvenue à endiguer le flux incessant de monstres de la Faille !
Un cri strident dans son dos la sortit brusquement de sa béatitude. Les Mantas expulsées plus loin par le souffle de la mise en place du Firewall revenaient à la charge à toute allure, visiblement furieuses face à la tournure que prenaient les événements.
Aelita fit un salto arrière afin d'éviter les lasers qui recommençaient à pleuvoir avant de plongée en piquée vers le sol qu'elle rasa, suivie par l'armada de monstres dans la plupart ne réussirent pas la manœuvre avec autant d'habileté et s'écrasèrent à terre pitoyablement, explosant sur le coup.
« Courage, pensa l'elfe rose en pivotant sur elle-même, projetant un champ de force sur son assaillante la plus proche qui fut aussitôt pulvérisée, le plus gros du travail a été fait ! Il faut juste se débarrasser des monstres maintenant et tout rentrera dans l'ordre ! »
Stéphanie fendit l'air de ses aiguilles qu'elle tenait entre ses doigts, tels de gigantesques kunaïs, fauchant au passage un Krabe à terre qui ne put qu'exploser, impuissant. Fière de sa victoire, l'adolescente ne prit pas garde au Frôlion qui s'était mis à voleter derrière elle et se prit de plein fouet son laser dans l'épaule qui s'illumina d'étincelles sous l'impact.
Projetée à terre, elle eut tout juste le temps de rouler sur le côté, évitant de justesse un jet d'acide.
- Tu vas voir un peu sale guêpe difforme ! siffla-t-elle entre ses dents, frustrée.
D'un geste ample du bras, elle projeta une de ses aiguilles en direction du monstre. L'arme de jet fendit l'air en un sifflement à peine audible, fauchant le Frôlion sur place qui fut aussitôt détruit à son tour.
Elle se relevait à peine qu'un véritable mur d'énergie destructrice se dressa devant elle, manquant de lui trancher le pied en la renvoyant directement dans les scanners !
- Odd ! s'écria-t-elle en faisant volte-face en direction du tireur, tu ne pourrais pas t'occuper un peu de ces satanées bouboules !
L'homme-chat ne répondit pas, trop concentré sur sa trajectoire. Courant à quatre pattes tel un animal, il évitait laser elliptique sur laser elliptique, zigzaguant entre chaque nouveau tir du Mégatank qui le harcelait continuellement.
Profitant d'une accalmie, il bondit en l'air dans un saut prodigieux, atterrissant à la surface de la carapace infranchissable du monstre juste au moment où celle-ci se refermait, plantant ses griffes dans la coque métallique.
Le second Mégatank en profita pour le viser soigneusement à son tour, décochant un tir aussi puissant que celui de son comparse. Odd eut un petit sourire narquois. C'était précisément ce qu'il attendait.
En un prodigieux saut périlleux, le Lyokô-guerrier parvint à se jeter en arrière juste au moment où le laser atteignait la sphère métallique géante, pénétrant sa carapace sur toute la longueur en manquant de peu la queue de l'homme-félin.
Odd atterrit quelques mètres plus loin alors que le Mégatank touché partait en vrille dans son coin avant d'exploser, manquant de le désarçonner sous le coup de la déflagration, de bien plus ample importance que celle d'un simple Block.
N'attendant pas que son comparse se referme et faisant fi des autres tirs pleuvant autours de lui, il se précipita dans sa direction et s'élança de nouveau, s'agrippant à nouveau à sa carapace à quelques centimètres à peine de son œil unique qui recommençait à rougeoyer au milieu de son assemblage complexe de chair et de mécanique.
- Adieu, fit le jeune homme avec un rictus, lui présentant sa patte.
La Flèche Laser jaillit à une vitesse fulgurante, se fichant pile au centre de du symbole d'Angel. Le dernier Mégatank ne résista pas au coup fatal et implosa immédiatement, projetant l'homme-chat virtuel bien plus loin sur le champ de bataille.
- Odd ! s'écria Stéphanie en se jetant à sa rencontre, l'aidant à se relever en parant les tirs adverses pour lui, bravo c'était du grand art !
- Merci, mais j'ai eu l'habitude de combattre ce genre de bestioles : ce coup-là marchait presque tout le temps, répondit-il en activant lui-même son Bouclier, c'est toi qui m'impressionne ! Pour une débutante, tu m'épates ! Je ne voudrais pas paraître méchant mais Mathieu est vraiment loin d'avoir ton niveau, malgré ses multiples virtualisations au compteur…
Stéphanie esquissa un demi-sourire. Elle aurait été prête à parier que si elle n'avait pas été coincée dans un corps fait de pixels elle aurait rougit sous l'effet du compliment.
A cet instant précis, une violente secousse, suivie d'une vive lueur, ébranla tout Lyokô, arrachant un cri de surprise à Stéphanie.
D'un même mouvement, les deux Lyokô-guerriers levèrent les yeux en direction de la Faille juste à temps pour voir le Firewall d'Aelita se mettre en place, enserrant l'horrible plaie dans son étau de lumière. Leur meneuse avait réussi ! Ils regagnaient enfin l'avantage sur la Green Phoenix !
- Bien joué princesse, murmura Odd, une nuance de fierté mêlée de soulagement dans la voix.
Un tir de laser lui passa brusquement sous le nez, le ratant de peu tout en le ramenant à la réalité. Ils étaient encore loin d'être tirés d'affaire, malgré la prouesse de leur amie !
Autour d'eux, les Blocks et les Krabes restant s'étaient massés de façon compacte, s'approchant de plus en plus, leurs yeux vides de tout sentiment luisant d'une inquiétante lueur rouge.
- Ils sont trop nombreux ! s'écria Stéphanie qui parait laser sur laser avec difficulté.
- T'inquiètes, ce sera vide réglé ! répondit l'homme-chat en pointant sa patte vers le Block le plus proche dont l'immonde tête cubique commençait à tournoyer sur elle-même.
Mais seul un cliquetis de gâchette vide jaillit de ses griffes, en lieu et place de l'habituelle Flèche Laser. Odd se figea, horrifié : il n'avait plus de munitions ! A un moment pareil… Face à lui, l'œil de la face du monstre qui venait de s'immobiliser face à lui se mettait à scintiller d'un bleu glacé de plus en plus vif, signe de l'approche imminente d'un laser gelant.
- Odd, attention !
Stéphanie réagit en un quart de seconde, tirant l'homme-félin virtuel en arrière tout en projetant sa main vers l'avant, crispée, comme dans le but de le protéger. Brusquement, sans crier gare, une gerbe de flammes curieusement pixelisée, comme tirée d'un jeu vidéo de basse qualité, jaillit de sa paume tendue, à la grande surprise des deux adolescents.
L'instant d'après le Block se retrouva entouré de flammes virtuelles, sa carapace rugueuse parcourue de longues langues de feu orangée et rougeâtre. Surpris, il tenta de décocher malgré tout son rayon mais son œil se contenta de clignoter faiblement avant de s'éteindre, comme si le rayon gelant avait été neutralisée par la chaleur du brasier immatériel.
- Qu'est-ce qui se passe… ? souffla Stéphanie, incrédule, fixant la paume de sa main en s'attendant à voir jaillir de nouvelles flammes de pixels à tout moment.
- C'est ton pouvoir ! comprit Odd en parant de justesse un laser avec son Bouclier, tu peux jeter des sors de feu ! C'est énorme ! Parfois je me dis que j'aurais du laisser Jérémie m'installer la Téléportation… Aïe !
Une nouvelle salve d'un Krabe venait de le projeter à terre, annulant son pouvoir protecteur.
- En attendant ça n'a pas l'air de servir à grand-chose, marmonna Stéphanie en relevant ses aiguilles, le regard rivé sur le Block en feu qui ne semblait pas connaître d'autre désagrément que le blocage de son laser gelant et continuait à avancer vers eux, plus menaçant encore entouré de flammes que sans.
Odd se releva d'un mouvement souple, esquivant de justesse de nouveaux lasers. A ce rythme-là, ils n'allaient pas tarder à ployer s'ils ne pouvaient pas riposter ! Les aiguilles de Stéphanie étaient certes efficaces en combat singulier mais, encerclés comme ils l'étaient, elles n'allaient pas tarder à montrer leurs limites…
- Yumi, j'ai besoin de mes Flèches Lasers ! lança-t-il en direction de la Voûte Céleste, c'est urgent !
- Je fais ce que je peux, lui répondit la voix mécanisée par le micro de la japonaise, mais je ne suis pas Aelita niveau programmation, loin de là, alors patiente un peu… Oh !
L'adolescente venait de s'interrompre net, visiblement intriguée par quelque chose.
Stéphanie prit le temps d'envoyer fuser une de ses aiguilles vers le Krabe le plus proche afin de le détruire avant de l'interroger, sur ses gardes.
- Qu'est-ce qui t'arrive ? Qu'est-ce que tu vois !
- Le Block que tu as touché avec tes flammes, expliqua la japonaise dont le ton de sa voix laissait percevoir son incrédulité, il perd des Points de Vie à vue d'œil ! On dirait que ton pouvoir n'agit que de manière progressive sur l'ennemi mais à ce rythme là…
Elle n'eut pas besoin de terminer sa phrase pour que les deux Lyokô-guerriers comprennent. Subitement, le corps du monstre en feu se mit à se fissurer, comme dévoré de l'intérieur. Les fines zébrures s'illuminèrent brusquement et, avant même qu'il n'ait eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait, il explosa, laissant les flammes de Stéphanie se dissiper en milliers de pixels jaunes et rouges dans les airs.
- Waouh, souffla la gothic lolita, incrédule, en suivant de ses étranges yeux violets les particules laissées par le monstre, la classe !
Un demi-sourire diabolique étirant subitement ses lèvres. Elle avait enfin trouvé comment débloquer la situation de manière radicale !
- Recule un peu Odd, intima-t-elle au félin virtuel tout en levant sa paume en l'air, j'ai une idée… Et baisse-toi aussi !
L’interpellé eut à peine le temps de s'exécuter que déjà, l'adolescente se mettait à tournoyer sur elle-même en une pirouette impressionnante, sa jupe et sa couette virevoltant sur son sillage. Les flammes jaillirent de ses mains et, en une fraction de seconde, ce fut une véritable tornade de feu qui fut propulsée vers les monstres. La plupart, prudents suite à la désintégration de leur allier, se reculèrent en crissant de fureur, mais certains ne purent que se faire happer par le brasier, scellant leur sors.
- Odd, tes fléchettes sont rechargées ! fit brusquement la voix de Yumi aux oreilles des deux adolescents.
Le Lyokô-guerrier n'hésita pas une seconde de plus en bondit en l'air au centre de la spirale infernale de Stéphanie, bombardant littéralement les monstres rescapés environnants de ses nouvelles munitions dans un cri de joie.
Ceux-ci, trop contents d'avoir réussi à échapper aux flammes de la gothic lolita, ne se méfièrent pas une seule seconde et reçurent pour la plupart les encoches de plein fouet, explosant sans avoir eut le temps de comprendre ce qui leur arrivait.
Lorsqu'Odd retomba à terre, les victimes du brasier fatal de Stéphanie implosèrent à leur tour l'un après l'autre, libérant considérablement la zone. Il ne restait plus que quelques Blocks solitaires désormais, fuyant à toute allure de leurs courtes pattes en direction de la Sphère Centrale, dans une manœuvre désespérée.
- Toi, tu ne m'échapperas pas ! ricana Odd en pointant sa patte vers la créature cubique la plus proche.
Mais ne lieu et place de sa Flèche Laser, se fut une sphère d'énergie rose qui vint cueillir le monstre, l'envoyer valser dans le décor en grésillant. Identifiant le champ de force, le félin virtuel releva la tête juste à temps pour voir Aelita le survoler à tire d'ailes, poursuivie par une flopée de Mantas folles de rage.
Stéphanie réagit au quart de tour, projetant son feu pixelisé pile dans le sillage des monstres volant qui se le reçurent tous de plein fouet, s'enflammant sur le coup. L'elfe aux cheveux roses en profita pour piquer vers eux, rengainant ses ailes avant même d'avoir touché le sol, continuant à courir en direction des ultimes Blocks fuyant.
- Pas la peine de la poursuivre, les affreuses, cracha Odd à l'attention des Mantas couvertes de flammes virtuelles qui continuaient à la courser à toute allure, vous êtes cuites de toutes façons !
Un laser rageur lui répondit, l'atteignant en pleine poitrine. Dans un souffle surpris, le jeune homme observa son corps numérique disparaître sous les pixels de lumière, ne laissant derrière eux qu'une vague silhouette en fil de fer qui s'effaça rapidement.
Stéphanie, qui avait accourue jusqu'à son aiguille projetée vers un Krabe auparavant, se tapa le front de désespoir. Quel idiot… Tant que les monstres n'avaient pas effectivement été éliminés par son pouvoir ils étaient toujours capables d'attaquer ! Fort heureusement, ne restaient qu'une demi-douzaine de Blocks à détruire, les Mantas brûlées mises à part, avant que le Cœur de Lyokô ne soit officiellement hors de danger !
Tentant toujours vainement d'échapper à ses assaillant, Aelita se jeta à terre alors que le monstre ailé le plus proche arrivait sur elle, prêt à faire feu.
Brusquement, les flammes de Stéphanie eurent raison de lui et, avant même d'avoir été capable de canarder sa cible, la créature explosa en une myriade de particules, bientôt suivie par l'ensemble de ses congénères.
- Ouf… souffla la meneuse en se redressant sur un coude, éberluée.
Stéphanie arrivait déjà en courant dans sa direction pour l'aider à se relever, ses aiguilles rengainées dans leur fourreau.
- Ne t'occupes pas de moi, il reste encore les Blocks ! s'écria l'elfe virtuelle en chargeant un champ de force d'une main.
La gothic lolita ne réfléchit pas plus longtemps et, après un dérapage soigneusement contrôlée, elle projeta une de ses lames en même temps que la sphère rose d'Aelita en direction des monstres courant devant eux. Deux des créatures cubiques furent atteintes, explosant sur le coup, à leur grande satisfaction.
Alors que Stéphanie dégainait déjà une seconde aiguille et qu'Aelita se redressait, prête à user d'un nouveau Champ de Force, un cri étrange, irréel, retentit brusquement dans le ciel de Lyokô et, l'instant d'après, deux rayons colorés jaillirent de derrière un des blocs constituant le terrain, fauchant de nouveaux monstres sur place.
- Eva, sourit l'elfe rose en reconnaissant la rockeuse américaine qui jaillit de sa cachette, prête à en découdre avec les ultimes monstres.
Odd s'extirpa de son scanner en toussant, les côtes douloureuses et avec la désagréable impression qu'on jouait de la perceuse à l'intérieur de son crâne. A peine la fumée se dissipa qu'il distingua une silhouette tremblante effondrée au milieu du caisson lui faisant face.
- Mathieu ! s'exclama-t-il de sa voix redevenue rauque en se précipitant vers son ami, sans prendre garde à ses propres jambes flageolantes, woh… Ca va, mec ?
- Nickel, répliqua le jeune homme entre deux hauts-le-cœurs d'une voix faible, ses cheveux aux reflets roux trempés de sueur collant sur son front pâle.
Odd l'aida à s'adosser contre la paroi de son scanner afin de lui permettre de récupérer peu à peu, s'autorisant lui-même à souffler quelques minutes. Il devait bien reconnaître que la rematerialisation était nettement plus douloureuse pour lui après tout ce temps, et cela devait être encore pire pour Mathieu qui n'était pas un habitué de la sensation. Aelita avait sûrement raisons sur un point : ils se faisaient trop vieux pour toutes ces plongées sur Lyokô. Malgré le fait que cela le fasse enrager de l'admettre, il devait bien reconnaître que son corps avait de plus en plus de mal à tenir le choc du voyage entre les deux mondes. Il espérait juste qu'il n'allait pas finir par flancher !
- Tout va bien en bas ? résonna la voix de Yumi, inquiète, à travers toute la pièce, répercutée par les haut-parleurs dissimulés dans le plafond.
- On fait aller… répondit Odd d'une voix forte, bien conscient que le simple fait de respirer provoquait d'horribles nausées pour son congénère. Comment ça se passe sur Lyokô ?
Dans la salle de contrôle du Supercalculateur, Yumi esquissa un sourire satisfait, les yeux rivés vers l'écran principal face à elle.
- Tout va bien, répondit-elle par le biais de son micro, Eva vient de réduire en miette le dernier monstre et Aelita est en train de passer un savon à Stéphanie pour s'être fait virtualiser malgré le risque encouru.
- Elle est vache pour le coup ! fit la voix d'Odd au sein des écouteurs depuis la pièce inférieure, si Stéphanie n'était pas venu nous prêter main forte on ne s'en serrait jamais sorti ! Et puis tout s'est bien passé au final non ?
« Une chance… » pensa Yumi malgré elle, se garda toutefois de contredire son camarade Lyokô-guerrier. Elle-même avait été singulièrement impressionnée par la performance de l'amie de Mathieu depuis son poste. Pour une débutante, elle s'en était remarquablement bien sortie, parvenant même à faire usage de son pouvoir dés la première virtualisation ! Il était clair qu'elle était taillée pour le combat virtuel, à l'inverse de son ancien camarade de Ste. Bénédicte.
- Bon, les filles ! se décida finalement à lancer la japonaise après avoir accordé cinq bonnes minutes d'engueulade de la part d'Aelita envers Stéphanie, il n'y a plus aucun monstre sur l'Holomap et le Firewall a l'air de tenir d'après l'écran ! On a fini par réussir pour le coup, félicitations ! Je vous ramène à la maison maintenant.
Yumi prit un certain temps à taper la procédure de matérialisation sur le clavier mais finit par presser la touche « Enter », sélectionnant au passage les cartes d'Eva, Aelita et Stéphanie à l'écran. Un petit sourire soulagé naquit sur les lèvres pâles : au final, tout n'avait pas été un gigantesque fiasco, malgré ce que la situation laissait présager à l'origine, et tout s'était déroulé sans anicroche.
Elle déchanta vite cependant lorsqu'un son d'alarme raisonna brusquement à ses oreilles, sonnant comme un glas. Le sourire de la japonaise se fana alors qu'elle fixait, d'un regard incrédule, le symbole d'erreur qui clignotait désormais au niveau de l'avatar virtuel de Stéphanie.
A l'étage inférieur, les portes de deux scanners coulissèrent, libérant un panache de fumée face à un Mathieu et un Odd toujours aussi nauséeux, accroupis au centre de la pièce. Une Eva haletante, suivie d'une Aelita, échevelée par le transfert, finirent par émergée de l'écran de vapeur, toutes deux ruisselantes de sueur mais un air triomphant sur le visage, malgré la douleur.
Odd tapa le poing tendue de leur meneuse aux cheveux roses avant de se précipiter pour soutenir sa petite amie qui se jeta aussitôt à son cou de soulagement, l'embrassant passionnément.
Mathieu, sentant sa nausée revenir face à ce spectacle, se tourna vers le troisième scanner qui s'ouvrait à son tour, prêt à féliciter chaudement son amie pour son extraordinaire prestation virtuelle.
Lentement, Stéphanie émergea de la fumée, se cramponna aux parois du cylindre métallique en tremblant, curieusement pâle par rapport à son habitude. Ses cheveux étaient de nouveau lâchés en une cascade emmêlée et sa robe de gothic lolita avait disparu, laissant place au vieux T-shirt délavé et au jean noir qu'elle avait à peine eut le temps d'enfiler chez son oncle avant de prendre la direction de l'usine.
Mathieu croisa le regard de l'adolescente, nettement plus brun que violet à la lumière de la salle des scanners que sous la Voûte Céleste et un frisson d'horreur le parcourut subitement. Quelque chose n'allait pas, cela se voyait clairement dans ses yeux.
- Stéphanie… ? fit-il d'une voix incertaine en se redressant, s'avançant vers elle d'un pas indécis.
Il eut cependant à peine le temps de se relever que la jeune fille glissa brusquement à terre, s'effondrant de tout son long au sol dans un grand fracas, faisant sursauter d'un coup les autres Lyokô-guerriers présents.
- STÉPHANIE ! s'écria Mathieu en se précipitant sur elle, s'accroupissant à ses côtés, bien vite suivie par une Aelita manifestement inquiète, qu'est-ce qui t'arrive ?
La jeune fille ouvrit vainement la bouche, incapable de se redresser, les yeux exorbités d'une douleur sourde. Aucun son n'en sortit.
Puis, brusquement, sans crier gare, un jet de sang jaillit de ses lèvres entrouvertes, éclaboussant les deux adolescents de liquide rouge et sa tête retomba, inerte, sous les cris d'effrois de ses camarades. Elle avait perdu connaissance.
Inscrit le: 16 Mar 2013 Messages: 1110 Localisation: Au beau milieu d'une tempête.
Chapitre 27 :
Épisode 126 : Au chevet d'une condamnée_
Un silence de mort régnait sur le groupe des Lyokô-guerriers, réunis dans le hall impeccable du premier étage de l'hôpital de la Ville de la Tour de Fer. Une odeur de désinfectant régnait sur la pièce éclairée d'une lueur maladive par les néons, ajoutant à l'ambiance pesante. Le lieu était quasiment désert à cette heure de la journée, mises à part quelques infirmières qui traversaient le couloir d'un pas vif de temps à autre, sans leur prêter la moindre attention.
Odd ne parvenait pas à rester en place, faisant les cents pas, le bruit de ses chaussures résonnant sur le sol d'un bleu immaculé. Aelita et Mathieu s'étaient assis sur des chaises fixées au mur non loin d'un long couloir menant à une salle d'opération, la tête entre les mains, plus pâles que jamais, leur T-shirt encore trempé de sang séché. Le moindre son suffisait à la faire sursauter. Eva s'était adossée contre le mur, fixant ses pieds, le visage indéchiffrable. Yumi, quant à elle, avait préféré prendre place au sol, les yeux fermés dans une attitude méditative, la tête relevée en direction du plafond uniforme. Seule Stéphanie manquait à l'appel.
Le calme ambiant, la neutralité du décor, tout ne semblait que servir à attiser l'angoisse des cinq adolescents qui ne pipaient mots depuis de longues heures, évitant de se regarder le plus possible. Croiser le regard d'un autre aurait suffi à les faire craquer.
Brusquement, un petit bruit de tintement se fit entendre à l'autre bout du couloir adjacent et l'enseigne surplombant la double-porte battante de la salle d'opération s'illumina de vert, projetant sa lueur morbide contre les murs unis. L'instant d'après, un médecin en blouse blanche sorti dans le couloir, jetant son masque et ses gants d'un mouvement presque machinal dans la poubelle la plus proche. Ses traits semblant tirés et ses yeux fatigués.
Sans un mot, il vint rejoindre le groupe de jeunes qui se tournèrent tous vers lui d'un même geste, levant leurs visages angoissés dans sa direction. Odd fut le premier à rompre le silence, n'y tenant plus.
- Alors docteur ? s'empressa-t-il de demander d'une voix curieusement éraillée, vibrante d'inquiétude, comment va-t-elle ?
L'homme prit le temps de balayer les adolescents du regard avant de répondre, lâchant un profond soupir au passage.
- Honnêtement, c'est un cas incompréhensible, commença-t-il très lentement, choisissant visiblement ses mots avec un soin tout particulier, la plupart des organes de cette jeune fille semblaient totalement déformés et certains n'étaient même pas à leur place habituelle ! En général, les personnes naissant avec ce genre de malformations ne survivent pas plus de quelques mois. Quelques années tout au plus, avec un traitement approprié. Il est inconcevable qu'aucun symptôme n'ait pu guider les médecins auparavant vers sa maladie génétique ! Et encore moins que ceux-ci se déclarent subitement aujourd'hui précisément après tant d'années sans aucun soucis ! Est-elle en situation d'effort intensif lorsqu'elle s'est mise à cracher du sang ?
- N-Non… répondit Aelita à la place des autres, trop choqués pour articuler le moindre mot, elle allait parfaitement bien ! On ne faisait que se promener au bord du fleuve…
Le médecin les dévisagea d'un regard soupçonneux mais se reprit bien vite face à leur mine blême, se raclant la gorge.
- Hum, quoi qu'il en soit nous avons fait tout notre possible pour réduire l'hémorragie interne et sauver ses organes encore en état de marche, mais à moins d'une greffe multiple d'ici à 24 heures au grand maximum, il y a peu de chance qu'elle s'en sorte. Je suis profondément désolé.
La nouvelle agit comme un boulet de canon sur les adolescents. Mathieu sembla s'effondrer littéralement sur lui-même tandis qu'Odd se laissa tomber sur la chaise la plus proche, les jambes fauchées sous le choc. Yumi plaqua la main sur sa bouche, bouleversée.
- J'ai cru comprendre qu'elle vivait seule chez son oncle ? insista le médecin en se grattant son crâne chauve d'un air coupable, il faudrait que nous le joignons dans les plus brefs délais. Si l'un d'entre vous possède son numéro…
Aelita hocha silencieusement la tête, se tournant vers Mathieu. Celui-ci, atterré, réagit à peine lorsqu'elle lui demanda son portable et la jeune fille aux cheveux roses du lui secouer l'épaule avec douceur pour le ramener à la réalité. La mine sinistre, les doigts tremblant, il fit passer le téléphone au docteur, incapable d'énoncer le numéro affiché à l'écran à haute voix.
- Elle peut encore s'en tirer n'est-ce pas ? murmura Odd d'un ton désespéré tandis que le médecin griffonnant les coordonnées de l'oncle de Stéphanie sur un bloc-note, il suffit que vous trouviez un donneur à temps et…
- La procédure a dors et déjà été lancée, l'interrompit le médecin d'un ton qui se voulait rassurant, cependant je me dois de vous prévenir que trouver autant de donneurs compatibles en aussi peu de temps tient du miracle… Vous devriez vous préparer à dire adieu à votre amie, au cas où.
L'homme inclina la tête avant de s'éloigner en direction des escaliers, sans un mot de plus, laissant derrière lui les adolescents sous le choc.
A peine eut-il disparu qu'Aelita se tourna vers les autres, leur lançant un regard éloquent.
- Je n'arrive pas à y croire… souffla-t-elle en se passant une main dans les cheveux, comment est-ce qu'on a pu en arriver là…
- Pas la peine de tergiverser pendant des heures, coupa Odd d'un ton brusque, énonçant ce que chacun pensait sans oser le dire, quelque chose a merder lors de la rematérialisation… Ça ne peut pas être autre chose ! Vous avez entendu le médecin ? Des organes déplacés et déformés sans que cela n'ait jamais inquiété Stéphanie ? Même lui n'arrivait pas à y croire…
- J'aurais du la re-virtualiser en m'apercevant que quelque chose n'allait pas, gémit Aelita d'un air coupable, on aurait pu…
- …Empirer la situation ? railla Eva, ouvrant la bouche pour la première fois depuis leur arrivée à l'hôpital, des heures auparavant, non on a bien fait d'appeler une ambulance… C'était la seule chose à faire. Il ne nous reste plus qu'à attendre maintenant… Attendre et espérer.
L'américaine eut un frisson en repensant au mal qu'ils avaient eut à hisser Stéphanie sur le pont de l'usine tandis que celle-ci continuait à se vider de son sang en convulsant de plus en plus, avant de pouvoir enfin appeler les secours. Tous étaient au bord de la crise de nerf lorsque les infirmiers étaient enfin arrivés sur place ! Elle n'arrivait pas à comprendre comment la situation avait pu virer au cauchemar à ce point en l'espace d'une fraction de seconde.
Un silence morbide retomba sur le groupe. Personne ne savait quoi dire ni comment réagir face à une catastrophe d'une telle ampleur. Ils étaient incapables de faire taire le sourd sentiment de culpabilité que commençait à les ronger de l'intérieur à mesure que les minutes défilaient, de plus en plus sourdes et plus angoissantes.
Une demi-heure plus tard, une infirmière vint les trouver pour leur annoncer que Stéphanie avait été placée dans la salle spéciale n°132 au premier étage, au cas où ils souhaiteraient la voir.
- Merci… murmura Aelita, qui semblait être la seule à parvenir à faire encore marcher son cerveau malgré la situation.
Baissant les yeux sur son T-shirt, elle se rendit compte qu'il était toujours maculé de sang et réprima un haut-le-cœur.
- Je… J'aurais besoin de me changer… balbutia-t-elle en direction de l'infirmière qui s'apprêtait à repartir, est-ce que vous pourriez… ?
- Les toilettes sont au bout de ce couloir, lui indiqua la femme d'origine asiatique d'un ton doux, pointant un embranchement de son long doigt fin, suivez-moi, je vais vous fournir des vêtements…
Aelita fit mine d'inviter Mathieu à la suivre mais renonça face au regard vide du jeune homme, emboîtant le pas à l'infirmière.
- On ferait mieux de retourner à Kadic, se risqua à faire remarquer Eva au bout d'un moment après que la jeune fille eut disparue, il est tard et ça n'aidera pas Stéphanie qu'on attende ici à ne rien faire… Vous ne croyez pas ? Odd ?
Mais son petit-ami se contenta de hocher la tête, incapable de se lever. L'américaine insista encore un moment mais, face au manque de réaction de ses amis, elle finit par capituler.
- Moi je rentre en tout cas, lâcha-t-elle d'un ton plus froid qu'elle ne l'aurait souhaité, il faut bien que quelqu'un dise au proviseur où on a disparu… Je reviendrai demain dans la matinée.
L'adolescente s'éloigna vers les escaliers sans rien ajouter d'une démarche digne, ses cheveux d'un blond très pâle luisant à la lueur des néons. Odd la suivit des yeux sans chercher à la retenir. Il n'avait même plus la force de s'offusquer face au manque de sensibilité de sa petite-amie.
Un sanglot retentit subitement derrière lui, lui faisant tourner la tête. Yumi s'était relevée, dissimulant son visage derrière ses interminables cheveux d'un noir de jais, contrastant avec le côté immaculé de l'hôpital.
- Je… Il faut que j'appelle mes parents pour leur dire où je suis… Il est déjà presque minuit, ils vont finir par s'inquiéter… Je reviens.
Réprimant un nouveau sanglot, la japonaise disparue à son tour dans les escaliers, laissant Odd et Mathieu seuls sur leur siège à broyer du noir, un sentiment d'angoisse intense comprimant leur poitrine. En cet instant précis, aucun d'eux n'avait l'impression qu'il serait capable de ressentir du bonheur à nouveau un jour, comme si cette part d'eux-mêmes leur avait été brusquement arrachée.
Aelita laissa glisser sur le carrelage des toilettes d'une propreté maladive de l'hôpital son T-shirt maculé de taches rouges. Incapable de penser, elle fit couler de l'eau au robinet lui faisant face, s'aspergeant le visage du liquide glacé, comme pour s'éveiller de l'atroce cauchemar dans lequel elle était désormais plongée. Mais en relevant la tête, ce ne fut que son regard cerné qui lui répondit à travers son reflet dans le miroir, juste au dessus du lavabo le plus proche.
L'adolescente fut saisie par son aspect blafard et sa mine atterrée. Jamais elle n'avait eu l'air si abattue de toute sa vie. Brusquement, un profond sentiment de dégoût envers sa propre personne l'envahit et elle abattit ses mains d'un geste rageur contre les bords du lavabo, manquant de le décrocher du mur sous le choc, se mordant la lèvre pour retenir les larmes qui commençaient à affluer au coin de ses yeux.
Pourquoi avait-il fallu qu'elle implique ainsi deux innocents dans leurs histoires ? Pourquoi avait-elle choisi de laisser parler son cœur en toute connaissance de cause plutôt que de faire preuve de prudence ? Ses échecs passés ne lui avaient-ils donc rien appris ? Désormais Stéphanie était clouée dans un lit d'hôpital, entre la vie et la mort, tout cela à cause de sa négligence !
Ses canines percèrent subitement sa lèvre inférieure, faisant couler une mince ligne de sang, en même temps qu'une première perle salée de ses paupières.
Et pourquoi avait-elle tant tardé à agir ? Pourquoi avait-elle préféré passer tant de temps avec Thomas –un garçon qu'elle connaissant à peine au final !- alors qu'il lui aurait suffit de se pencher seulement durant quelques heures sur les données de la Faille de Lyokô pour mettre au point un Firewall ? Toute cette histoire n'aurait alors jamais eut lieu et Stéphanie ne se retrouveraient pas avec les organes sans dessus-dessous en cette instant précis ! Il aurait suffit de si peu d'efforts de sa part pour éviter ce drame… Comment avait-elle put privilégier une relation amoureuse sans lendemain face à quelque chose d'aussi important que la lutte contre la Green Phoenix !
- Pardon… murmura-t-elle alors que les larmes s'écoulaient d'elles-mêmes de ses yeux, contre sa volonté, ravageant son beau visage en forme de cœur, Stéphanie, pardon…
On toqua subitement à la porte, la faisant sursauter. De l'autre côté du panneau de bois, la voix de l'infirmière s'éleva, inquiète :
- Mademoiselle ? Vous allez bien ?
Aelita tenta de reprendre contenance comme elle le pouvait, séchant ses larmes maladroitement. Elle n'avait pas le droit de craquer. Pas en cet instant précis.
- Tout va bien ! répondit-elle d'un ton plus chevrotant qu'elle ne l'aurait souhaité, je sors dans une minute, excusez-moi !
Dépitée, la jeune fille aux cheveux roses constata que le sang de Stéphanie avait traversé son T-shirt pour tâcher son soutien-gorge et elle du l'ôter à son tour avant d'enfiler le haut de rechange à la coupe grossière que l'infirmière lui avait confié.
Aelita prit encore le temps de se passer une dernière fois de l'eau sur le visage, histoire d'effacer toute trace de sang coulant de ses lèvres, avant de déverrouiller la porte des toilettes et de regagner le couloir, clignant des paupières face à la lueur blafarde des néons. L'infirmière qui l'attendait dévisagea ses yeux rougis à force d'avoir pleuré mais s'abstint de tout commentaire, se contentant de lui adresser un sourire compatissant.
- Vous devriez rejoindre vos amis à présent, trouva-t-elle seulement à lui conseiller avant de la laisser une fois qu'Aelita lui eut confié ses vêtements couverts de sang, désormais bon à jeter, courage !
L'adolescente hocha la tête sans conviction, ses cheveux roses effilés et trempées pendant devant son front. Elle avait l'habitude de devoir faire preuve de courage, quelle que fut la situation… Pourtant, en cet instant précis, rien ne lui paraissait plus difficile que de faire taire ses craintes.
- …Je ne sais pas quand je rentrerai maman, fit la voix de Yumi dans la cage d'escalier, curieusement éteinte, sûrement demain dans la matinée… Non, n'insiste pas je… Je ne peux pas la laisser seule ici tu comprends ?
Elle se tut un instant, le temps d'écouter la réponse de sa mère, son regard d'ébène fixé sur un point qu'elle ne semblait pas voir. Son ton monocorde, témoignant de son choc profond, du convaincre cette dernière puisque la japonaise ne tarda pas à hocher la tête, soulagée que ses parents ne cherchent pas à insister plus avant.
- Merci beaucoup, reprit-elle, profondément reconnaissante, je vous appelle s'il y a du nouveau, ne vous inquiétez pas… Bonne nuit.
L'instant d'après, elle pressait le bouton rouge de son portable, mettant fin à l'appel. Laissant retomber sa main, elle appuya sa joue contre la vitre au contact glacée lui faisait face, couvrant presque toute la largeur du mur, perdant son regard dans la contemplation du parking plongé dans la pénombre sur lequel elle donnait.
La nuit était profonde, d'un noir d'encre, en raison des lourds nuages qui s'étaient brusquement amoncelés en fin de soirée, alors qu'ils étaient tous réunis à l'usine. Même la lueur orangée des réverbères disséminés un peu partout entre les massifs de fleurs et les quelques arbres desséchés par le froid ne suffisait pas à percer les ténèbres environnant l'hôpital. Le silence semblait aussi pesant à l'extérieur qu'à l'intérieur, seulement rompu par moment par les bruits de circulations provenant de la route non loin de là, atténués par le double-vitrage.
Yumi laissa ses pensées dériver, tout son corps s'appuyant lourdement contre le verre épais, sur lequel se reflétait son image, brouillée. Tout s'était déroulé si rapidement… Elle ne parvenait même plus à se rappeler de ce qui s'était passé entre le moment où les cris avaient retenti depuis la salle des scanners et celui où elle et les autres avaient gagné l'hôpital, à bord de la même ambulance qui avait transporté Stéphanie dans un état proche de la mort.
La japonaise réprima un sanglot, pressant sa main tenant encore son portable si fermement qu'il menaçait de craquer entre ses doigts contre sa poitrine. Elle se sentait tellement opprimée, oppressée au plus profond d'elle-même qu'elle en avait la respiration coupée. Comme si la douleur qu'elle éprouvait était restée bloquée en une boule compacte au fond de sa gorge, refusant de sortir et l'empoisonnant un peu plus petit à petit.
Elle ne voulait pas remonter et se retrouver de nouveau confrontée aux visages livides de ses amis : cela aurait été une épreuve trop lourde à supporter. Comment aurait-elle pu supporter leur peine alors que la sienne suffisait à la faire ployer ? Elle avait besoin de parler à une personne extérieure, quelqu'un qui saurait quoi lui dire pour la réconforter ou du moins comment atténuer son profond sentiment de culpabilité. Il fallait que la souffrance et la peur sortent, d'une manière ou d'une autre.
Regrettant d'avoir coupé court à sa conversation avec ses parents si vite, elle ralluma l'écran de son téléphone, faisant défiler son répertoire d'un geste presque automatique. William. Il était la seule personne qui lui venait à l'esprit en ce moment d'infinie détresse. Lui seul serait capable de lui dire quoi faire, de la rassurer, rupture ou non.
Mais avant même d'avoir atteint la lettre W, sans doigt se stoppa sur un autre contact, coupant net son fil de pensée. Ulrich. Ulrich à qui elle n'avait plus parlé depuis des lustres jusqu'à il y avait quelques heures mais sur qui elle avait toujours pu compter et qui avait récemment réaffirmé son sentiment d'amitié envers elle. Ulrich qui ne la jugerait pas, qui réagirait certainement mieux que son récent ex-petit-ami à son appel et en qui elle avait toute confiance.
Il n'y avait pas de doute, c'était du jeune homme aux cheveux couleur chocolat qu'elle avait besoin, et non du beau ténébreux qui l'avait rejetée face à ses cachotteries. Elle ne réfléchit pas plus avant pour lancer l'appel, son cœur tambourinant à toute allure dans sa cage thoracique, manquant de la faire suffoquer.
Les tonalités résonnèrent à son oreille, lointaines, interminables. Enfin, le traditionnel déclic indiquant qu'on venait de décrocher se fit entendre, en même temps que la voix profonde d'Ulrich à l'autre bout du combiné, légèrement ensommeillée :
« Allô ? »
- U-Ulrich… bégaya Yumi, incapable de contenir ses émotions plus longtemps, je sais qu'il est tard mais j'ai… J'ai vraiment besoin de toi…
Aelita franchit les quelques mètres la séparant du hall du premier étage, dans lequel l'attendaient toujours Odd et Mathieu, toujours immobiles sur leur siège. Ils ne semblaient pas avoir échangé le moindre mot depuis son départ.
- Où sont les filles ? questionna l'adolescente aux cheveux roses, mal à l'aise face à cette ambiance des plus déprimante.
- Eva a préféré rentrer au lycée plutôt que de passer la nuit ici, résuma Odd d'une voix monocorde, jouant distraitement avec son béret, Yumi est allé passer un coup de fil à ses parents pour les rassurer, elle revient.
- Eh merde, ma mère ! jura Aelita en se frappant le front du plat de la main, je l'avais oubliée ! Elle doit être morte d'inquiétude ! Ça vous ennuie si je vous laisse encore cinq minutes… ?
Le jeune homme aux cheveux blonds hocha la tête en signe de dénégation et l'adolescente s'éloigna de nouveau, dégaina son BlackBerry. Douze appels en absence et presque deux fois plus de messages ! Toute à son inquiétude, elle n'avait pas pensé une seule seconde à Anthéa. Celle-ci devait être en train de remuer ciel et terre afin de la retrouver à l'heure qu'il était !
Coupable, la jeune fille sélectionna son numéro et pressa la touche d'appel, se passant la main dans les cheveux d'un geste anxieux, inquiète quant à la réaction de sa mère.
Celle-ci ne se fit pas attendre : en effet, sa génitrice décrocha dés la première tonalité, une nuance d'hystérie dans la voix.
- Allô ! Aelita ! Dieu merci, ça fait trois heures que j'essaye de te joindre, je m'apprêtais à appeler la police ! Où es-tu ! Tu n'as rien !
- Je vais bien maman, l'apaisa Aelita sans parvenir à masquer la lassitude dans sa voix, il y a eu un souci avec une amie, on a du l'emmener à l'hôpital et elle vient juste de sortir du bloc opératoire. Désolée de ne pas t'avoir prévenue, j'étais tellement inquiète que ça m'est sorti de l'esprit…
- Un souci avec une amie ? reprit sa mère, toujours pas calmée, à l'autre bout du fil, quelle amie ? Qu'est-ce qui s'est passé ? Elle n'a rien ?
La jeune fille crut déceler une nuance de soupçon dans la voix d'Anthéa Stones et se passa une main dans les cheveux. Elle ne voulait pas inquiéter celle qui l'avait vu naître plus que de raison : inutile d'entrer dans les détails. Elle n'avait en aucun cas besoin de savoir.
- C'est Stéphanie, l'amie de Mathieu dont je t'avais parlée une fois, répondit-elle évasivement, quand à ce qu'elle a on ne sait pas trop… Pour le moment les médecins la maintiennent en vie comme ils le peuvent mais… On a choisi de rester à son chevet avec les autres jusqu'à avoir plus de nouvelles, si ça ne te dérange pas ?
- Quels autres ? l'interrogea sa mère sans prendre garde à sa dernière question, visiblement de plus en plus soupçonneuse, qui est avec toi ?
Aelita eut un froncement de sourcils agacé. A trop fouiner, sa génitrice allait finir par se faire envoyer sur les roses ! Elle n'était vraiment pas dans l'état d'inventer une excuse…
- Mathieu, Odd, Yumi… Ses amis quoi ! répondit-elle froidement, maman elle est entre la vie et la mort ! Je peux te rappeler demain matin… ?
Un silence retentit à l'autre bout du fil pendant un bref instant, durant lequel sa mère sembla réfléchir. Enfin, sa voix s'éleva de nouveau à travers le combiné, adoucie. Son ton anxieux avait du la convaincre de remettre ses questions à plus tard.
- Très bien ma chérie, conclut Anthéa Stones à contrecœur mais compréhensive, passe moi un coup de fil s'il y a du nouveau et essaye de dormir un peu… A demain.
- A demain, maman.
Aelita raccrocha, laissa échapper un soupir de soulagement. Elle s'était approchée un peu trop près de la vérité au cours de cette conversation, à son grand regret. Après tout, depuis le rallumage du Supercalculateur, elle avait tout fait pour tenir sa mère à l'écart, estimant que celle-ci avait déjà suffisamment souffert à cause du Projet Carthage sans en rajouter une couche. Elle pouvait gérer cela seule… Du moins c'était ce qu'elle avait cru jusqu'à présent !
Un léger toussotement dans son dos la fit sursauter et elle se retourna vivement pour se retrouva face à Odd qui lui lança un regard d'excuse. Le jeune homme l'avait visiblement rejointe pendant qu'elle était au téléphone, se faufilant derrière elle sans qu'elle s'en rende compte.
- Désolé, je t'ai fait peur ?
Aelita hocha la tête en signe de dénégation avant de subitement étreindre le jeune homme sans crier gare, au bord des larmes. L'émotion avait fini par venir à bout d'elle. L'adolescent ne chercha pas à la repousser, l'enlaçant de plus belle d'une façon qui se voulait rassurante, protectrice. Reconnaissante, la jeune fille aux cheveux roses enfouit son visage en forme de cœur dans le creux de son épaule musculeuse, profitant de la chaleur de ses bras. C'était seulement maintenant qu'elle se rendait compte à quel point son vieil ami avait prit de la carrure au cours des derniers mois, la dépassant même.
- Ça va aller, chuchota-t-il en la berçant doucement, elle va s'en sortir tu verras…
- Oh, Odd… soupira-t-elle en retenant un sanglot désespéré, j'ai été tellement idiote… J'aurai du insister plus sur les risques de virtualisation une fois passé 18 ans… J'aurai du…
- Elle savait tout ça, l'interrompit le jeune homme d'une voix douce mais ferme, plantant son regard gris dans ses orbes vertes embuées de larmes qu'elle retenait à grand peine, Stéphanie a agi en connaissance de cause. Elle voulait nous aider, rien de plus, et tu n'es responsable de rien princesse… Crois-moi.
Aelita eut un bref hochement de tête peu convaincue. Elle était incapable de soutenir son regard tant elle se sentait honteuse.
- Il n'y a pas que ça… renifla-t-elle en s'arrachant doucement de son étreinte, dont elle se sentait indigne, je n'ai pas assuré en temps que meneuse dés le départ… Qu'est-ce qui m'a pris de les impliquer tous les deux ? Mathieu et Stéphanie je veux dire ! Le Projet Carthage, la Green Phoenix, le Supercalculateur de mon père… Rien de tout cela ne les concerne !
- Ça les concerne tant qu'Angel est impliqué, la coupa le jeune homme, voyant où la jeune fille voulait en venir, tu n'as rien fait de mal Aelita ! Ils auraient fini par tout découvrir d'une façon ou d'une autre et s'il y a quelqu'un à blâmer pour les avoir impliquer c'est plutôt moi, tu ne crois pas ?
Mais la jeune fille aux cheveux roses l'ignorait, continuant à débiter ce qu'elle avait sur le cœur. Il fallait qu'elle laisse ses sentiments sortir, sa peur, sa colère envers elle-même… Elle avait besoin de tout dire à voix haute.
- Et le Firewall ! continua-t-elle sans l'écouter, s'arrachant presque ses mèches à l'étrange couleur, j'aurai pu le mettre au point il y a des semaines si je m'étais un tant soi peu organisée ! Au lieu de bosser dessus je passais mon temps dans les bras de Thomas, sans réfléchir aux conséquences…
- Aelita…
- Jérémie l'aurait fait lui, plutôt que de privilégier son couple ! explosa-t-elle finalement, ne cherchant plus à retenir ses larmes, et il aurait su comment rebooster la puissance du Supercalculateur quand on en avait besoin ! Il aurait su endiguer le flot des monstres de la Green Phoenix, voir même comment profiter de la Faille pour leur porter un coup fatal ! Je ne vaux rien par rapport à lui… Moi je préfère laisser les autres se sacrifier pour réparer mes erreurs… Je n'apprends pas, jamais. Pourquoi a-t-il fallu qu'il s'en aille, hein ? Pourquoi est-ce que je n'ai pas été capable de le retenir !
Odd la contempla d'un regard triste, incapable de trouver quoi répondre face à ce déferlement de désespoir. Sa simple présence ne suffisait pas à calmer Aelita qui s'effondra subitement sur elle-même, arrachant un cri effrayé au jeune homme. Sans réagir, l'adolescente se recroquevilla sur elle-même, la tête entre les jambes, pleurant silencieusement.
- Il me manque tellement, sanglota-t-elle sans parvenir à reprendre contenance, c'est de lui que j'aurai besoin dans une situation pareille… Sans lui je suis perdue…
Le jeune homme ne répondit pas. Qu'y avait-il à répondre ? Elle ne faisait, par son attitude, que confirmer ce qu'il avait toujours soupçonné. Thomas ne signifiait rien de plus qu'un réconfort passager pour son amie : c'était Jérémie qu'elle continuait à aimer, même après son départ. Même après des semaines sans nouvelle elle continuait à s'accrocher à son souvenir, espérant au fond de son cœur qu'elle le verrait un jour franchir de nouveau les portes de Kadic comme si de rien n'était, son air boudeur sur le visage. Malgré les disputes et le temps, ni elle ni lui n'avait réussi à l'oublier – elle encore moins que lui…
Pourtant, tous deux savaient qu'il ne reviendrait pas. Jamais. Il fallait qu'ils se débrouillent seuls désormais, sans l'aide et le soutien du précieux petit génie aux cheveux blond qui avait toujours assuré une certain cohésion entre, quelles qu'aient pu être les épreuves qu'ils aient eu à traverser.
- Je sais, Aelita, finit par lâcher Odd en l'aidant à se redresser, un boule dans la gorge, il me manque à moi aussi… Mais il faut qu'on soit forts… Il faut qu'on continue quoi qu'il arrive, avec ou sans son soutient. On savait depuis le début qu'on ne pourrait pas se reposer sur Jérémie à jamais. C'est à nous de prendre la relève désormais.
L'adolescente renifla bruyamment, s'adossant contre le mur le plus proche histoire d'empêcher ses jambes de se dérober une fois de plus, essuyant ses larmes d'un revers de manche. Odd avait raison, il ne servait à rien de se lamenter sur le passé. Jérémie avait pris sa décision depuis longtemps. Il était temps qu'elle assume les responsabilités qui découlaient de ses choix, notamment de celui qui lui avait valu d'éloigner le garçon qu'elle aimait pour toujours.
Odd qui, continuait à la dévisager d'un air mêlant inquiétude et tristesse, vit subitement une lueur s'allumer au fond de ses yeux d'un vert profond, un peu folle.
- Mathieu murmura-t-elle subitement… toutes traces de désespoir disparues de son beau visage blême.
- Quoi Mathieu ? fit le jeune homme au béret, qui n'avait pas suivi son cheminement de pensée.
- Il avait prévu ce qui arriverait… Sur Lyokô ! insista-t-elle d'un ton impatient face à l'air incrédule de son ami, tu te souviens de son espèce d'annonce bizarre tout à coup quand il s'est mis à voler dans les airs ? « Dans un instant la jeune fille franchira la barrière entre les mondes pour la première fois, et changera la donne alors que tout semblera perdu »… Il parlait de Stéphanie ! C'est exactement ce qui s'est passé, en se virtualisant elle a vraiment fait basculer la balance en notre faveur ! Qu'est-ce qu'il nous a dit déjà ensuite… ?
- « Le prix à payer sera grand », énonça Odd en produisant un effort de remémoration insensé, elle est à l'hôpital entre la vie et la mort à cause de la rematérialisation qui a merdé, j'appelle ça un lourd tribu perso ! Comment c'est possible ! Le pouvoir de Mathieu se serait vraiment de prédire l'avenir !
- Non je ne pense pas, corrigea Aelita en se grattant le menton, son cerveau cogitant de toutes ses forces, je pense plutôt qu'il se sert de la puissance du Supercalculateur pour analyser toutes les possibilités d'actions futures et déterminer les plus probables en tenant compte des événements les plus récents ! Oui ça colle, Yumi nous a dit que le Supercalculateur s'est mis à tourner à plein régime au moment de sa « prédiction » ! C'était un peu comme ça que marchait tes Flashs de Prémonition à l'époque… Mais que les prophéties dépassent les frontières de Lyokô, je ne pensais sincèrement pas ça possible… C'est franchement impressionnant, les capacités du Supercalculateur de mon père dépassent tout simplement l'entendement !
Odd fronçait désormais les sourcils. Il avait beau être perdu face aux termes techniques d'Aelita, une idée commençait à se dessiner dans son esprit, maintenant qu'il réalisait que tout ce qu'avait énoncé Mathieu sur Lyokô à ce moment-là s'était réalisé jusqu'à présent.
- Mais… Mais dans ce cas, le reste de ce qu'il a dit, osa-t-il enfin lâché, surexcité, cette histoire d'atout ou je sais pas quoi…
- « Si un atout disparaîtra pour les sauveurs, un autre reparaîtra d'ici peu. La sauver reste encore possible, il s'agit juste de trouver le temps nécessaire… », psalmodia Aelita, usant de sa formidable mémoire amplifié par sa décennie passée enfermée au sein du Supercalculateur pour se rappeler des termes exacts, si on en croit ce qu'il a dit il reste un moyen de sauver Stéphanie avant qu'il ne soit trop tard ! Il faut juste qu'on gagne du temps, probablement pour la maintenir en vie suffisamment longtemps le temps que des donneurs compatibles se manifestent.
Odd hocha la tête, incrédule.
- Mais ça tient du délire ! Comment veux-tu qu'on arrive à la faire survivre assez longtemps pour ça alors qu'il ne lui reste pas plus de 24 heures d'après le médecin ! C'est… Oh !
Une lueur de compréhension s'alluma dans son regard en même temps que dans celui d'Aelita. Sous le choc, celle-ci plaqua les mains contre sa bouche, n'osant exprimer ce qu'elle avait en tête.
- Mon Dieu… murmura-t-elle, le souffle coupé.
- …Le Retour vers le Passé ! compléta Odd à sa place, tout aussi interdit, en remontant suffisamment loin avant qu'elle ne succombe à la perte de ses organes…
- …On doit pouvoir tout ramener à son état normal !
Aelita jubilait véritablement désormais, un soupçon de sourire triomphant naissant sur son visage. Son ami aux cheveux blonds, pourtant, s'était subitement renfrogné, se rappelant d'un détail non négligeable.
- Aelita, reprit-il d'une voix incertaine, tu n'avais pas dit que le Supercalculateur n'avait plus assez de puissance pour lancer de Retour dans le Temps ? Qu'il pouvait en lancer un dernier grand maximum et qu'après ce serait terminé ?
Le sourire de la jeune fille se figea subitement pour disparaître progressivement, littéralement fauché par ce brusque retour à la réalité. Odd avait raison : ce Retour vers le Passé destiné à sauver Stéphanie pourrait bien être leur ultime joker, leur dernière chance de commettre une erreur. Pour la première fois, elle commençait à entrevoir l'enjeu derrière son utilisation et à quel point ils s'étaient reposés sur cette formidable faculté du Supercalculateur auparavant, sans envisager un seul instant qu'ils puissent un jour en être privé.
- Tu as raison, admit-elle d'un air sombre en se laissant de nouveau tomber contre le mur, si on utilise le Retour dans le Temps pour Stéphanie on ne pourra plus s'en servir par la suite et là, plus le droit à l'erreur. Sans compter qu'on ne sait même pas si son esprit est suffisamment intact vu son état pour lui permettre de se remettre, même si on régénère son corps ! Cette fois c'est vraiment quitte ou double !
Odd et Aelita se jaugèrent du regard un instant, semblant peser le pour et le contre. Ils avaient conscience que débattre ainsi de la vie de Stéphanie était profondément amoral mais l'enjeu était de taille. Rien ne garantissait qu'un événement plus grave encore nécessitant un Retour vers le Passé n'aurait pas lieu à l'avenir. De plus, rien ne garantissait que Stéphanie n'avait plus aucune chance d'être tirée d'affaire. Même si la probabilité de trouver suffisamment de donneurs en une seule journée restait mince, elle n'en était pas moins possible…
- Attendons un peu, proposa finalement Odd après une longue minute de silence, si d'ici demain matin il n'y eut aucune amélioration alors on avisera et on en parlera aux autres… Là on est tous à bout de nerf et ça ne sert à rien de se précipiter sans réfléchir !
Aelita approuva d'un signe de tête. Dans son état, elle était incapable de réfléchir plus avant de toutes manières.
- Je vais dans sa chambre, affirma-t-elle en se massant les paupières, soudain très lasse, il faut que je la vois… C'est important. Je vais aussi essayer de dormir un peu… Qu'est-ce que tu comptes faire toi ?
- Je ne sais pas, rejoindre Mathieu sans doute, répondit Odd d'un ton gêné, il a vraiment besoin de soutient je pense…
L'adolescente hocha de nouveau la tête en signe d'approbation et, après un salut incertain, elle s'éloigna d'un pas lourd dans le couloir adjacent, se dirigeant vers la chambre 132 indiquée par l'infirmière un peu plus tôt, disparaissant derrière une double porte.
Le jeune homme au béret étouffa un bâillement en consultant l'heure sur son téléphone. il était une heure du matin passée désormais… Le temps avait filé plus vite qu'il ne l'aurait cru et les effets de la fatigue commençaient à se faire ressentir, pesant sur son esprit et embrumant ses pensées.
A l'extérieur, un fin crachin commença à tomber, rebondissant contre les vitres de l'hôpital dans de petits « plocs » diffus, à peine audibles. Odd se surprit à perdre son regard à travers les fines gouttelettes dégoulinant contre le verre épais, traçant d'étranges symboles à sa surface. Ses pensées dérivèrent vers Mathieu, resté seul, assis sur les chaises au milieu du grand hall du premier étage et il s'administra une claque, se forçant à se réveiller. Il n'était pas le temps de contempler la pluie : son ami avait besoin de son soutien plus qu'autre chose.
Ulrich coupa son téléphone le plus silencieusement possible. Il resta un instant à contempler le mur rose couvert de posters de chanteurs tristement célèbres et de stars diverses lui faisant face, les paroles de Yumi, visiblement au bord de la crise nerf, raisonnant dans sa tête. Après une ultime minute d'hésitation, une boule dans l'estomac, il se leva, faisant glisser les draps écarlates qui le recouvraient. La jeune fille allongée à ses côtés grogna, émergeant de son demi-sommeil.
Sans un mot, elle posa son regard d'ébène sur le dos nu musculeux et légèrement halé de son petit ami, tandis que celui-ci renfilait son jean par-dessus son boxer, tentant d'éviter au maximum de faire du bruit.
- Tu retournes déjà dans ta chambre ? murmura Sissi faisant légèrement tressauté son petit ami.
Celui-ci se retourna vers elle, dévorant de ses yeux chocolat son corps qu'il savait à moitié nu, en grande partie dissimulé par la pénombre, s'attardant sur la dentelle noire de son soutien-gorge.
La jeune fille se redressa sur un coude, ses cheveux coiffés en un parfait carré plongeant, même lorsqu'elle dormait, bruissant d'un son feutré contre son épaule fine et dénudée, soutenant son regard.
Pendant un instant, Ulrich hésita à lui avouer la vérité. Devait-il lui dire qu'il allait retrouver son ex à l'hôpital à une heure du matin passée, simplement parce que celle-ci le lui avait demandé, suite à un coup de fil ? Qu'il avait envie de la soutenir malgré leur histoire révolue ? Cela ne servirait qu'à éveiller des soupçons déplacés suite à l'éloignement récent de la jeune fille par rapport à lui.
- Désolé bébé, sourit-il d'un ton d'excuse, choisissant de ne révéler qu'une parcelle de vérité à sa bien-aimée, une urgence, une amie d'Odd qui est à l'hôpital… Il faut que j'y aille !
Ne laissant pas le temps à Sissi de répliquer, il lui déroba un ultime baiser avant d'entrouvrir silencieusement la porte de sa chambre, après avoir renfilé son polo vert moulant. Ses chaussures à la main, il s'éclipsa dans le couloir désert et silencieux de l'étage des filles, refermant le battant sur une Élisabeth Delmas déconfite et ostensiblement déçue de ne pouvoir profiter de son petit-ami plus longtemps.
Il avait pris la bonne décision. Yumi restait une amie proche et savoir qu'elle souffrait seule de son côté lui était insupportable.
Descendant les marches de l'escalier à pas feutrés afin d'éviter d'attirer l'attention d'un éventuel surveillant insomniaque, Ulrich regagna le couloir des garçons en toute hâte, ouvrant la porte de sa chambre à la volée. Comme il s'en était douté, le lit d'Odd était vide, ce qui confirmait ses soupçons. La raison pour laquelle Yumi était à l'hôpital avait un lien avec sa dernière escapade sur Lyokô.
Tout en enfilant son blouson de cuir brun et en récupérant les clefs de sa moto, ainsi que son casque sur le bureau dans un état de désordre absolu, le jeune homme se tourna et se retourna les paroles de la japonaise dans sa tête, sentant son inquiétude grandir un peu plus à chaque instant. Yumi s'était révélée trop bouleversée pour s'étendre sur ce qui s'était passé mais, à ce qu'il avait cru comprendre, cela concernait cette Stéphanie avait qui elle s'était liée d'amitié –avant que celle-ci ne se dévoile responsable de sa rupture avec William bien entendu.
Le cœur d'Ulrich loupa un battement à la pensée du beau ténébreux. C'était lui, son ancien ami et premier ex, que Yumi avait choisi de contacter, pas son ex le plus récent. Il ne savait exactement pourquoi mais il ressentait une sorte de plaisir sauvage face à cette simple idée : celle d'être toujours, après toutes ces années, plus important aux yeux de la belle japonaise que William.
« Il n'avait qu'à pas se montrer aussi dur avec elle », pensa-t-il avec un rictus mauvais en refermant la porte de son dortoir une fois ses chaussures enfilées.
Tout aussi silencieux qu'auparavant, il franchit de nouveau le couloir et descendit une nouvelle volée de marche, se crispant à chaque fois que ses pieds raisonnaient contre l'une d'entre elle. S'il comptait faire le mur, il s'agissait de se montrer discret.
Soudain, alors qu'il atteignait enfin le pallier du rez-de-chaussée menant vers l'extérieur, son regard tombé nez-à-nez avec celui, d'un bleu étonnamment clair, d'une jeune fille au visage familier, frôlant la crise cardiaque.
- Eva ? chuchota-t-il le plus bas possible en reconnaissant la petite amie de son camarade de chambre, son cœur tambourinant dans sa poitrine, qu'est-ce que tu fais là, tu reviens de l'hôpital ?
- Oui… répondit-elle tout aussi bas d'un ton soupçonneux, croisant ses bras frêles, mais comment tu sais ça ? Et puis d'ailleurs qu'est-ce que tu fais habillé et prêt à sortir à une heure pareille ? Tu avais décidé de te tenir à l'écart de tout ce qui touchait de près ou de loin à Lyokô, il me semble ?
Le jeune homme ne prit pas garde à son reproche à peine dissimulée, balayant le hall dans lequel ils se trouvaient du regard. Un pion pouvait débarquer d'un moment à l'autre, attiré par les bruits de conversation : il n'avait pas le temps de s'attarder face à l'américaine.
- C'est donc bien en rapport avec le Supercalculateur ! confirma-t-il en fronçant ses épais sourcils , Yumi était trop bouleversée au téléphone pour me raconter en détail alors j'ai préféré la rejoindre pour voir ce qu'il en était… Écoute, désolé Eva mais je n'ai pas le temps de discuter avec toi, d'accord ? On risque de se faire prendre en restant là.
La jeune fille tiqua face au ton impérieux avec lequel le jeune homme s'adressait à elle mais elle préféra se taire plutôt que d'envenimer la situation. Il y avait du vrai dans ce qu'il disait et elle préférait éviter les heures de colle autant que possible.
Notant dans un coin de sa tête avec quel ardeur le beau brun semblait déterminer à rejoindre la japonaise pour la réconforter, elle fit un peu de côté, les lèvres pincées, libérant l'accès à la porte de sortie.
L'adolescent la gratifia d'un bref signe de tête avant de disparaître dans la cours qui commençait à sombrer sous la pluie, disparaissant dans l'obscurité.
Eva resta sur le palier un petit moment, cogitant, ses yeux songeurs rivés dans la direction où Ulrich s'était évaporé. Que signifiait ce subit changement d'attitude de sa part quant à tout ce qui avait trait à Lyokô ? Ignorait-elle quelque chose ? Quelque chose impliquant une certaine japonaise aux cheveux longs ?
La tête emplie de folles pensées, elle finit par gravir les marches de l'escalier menant aux dortoirs, passant devant la chambre de Sissi sans prendre garde à la porte légèrement entrouverte, ni au regard d'un noir aussi profond que la nuit la suivant d'un air légèrement soupçonneux.
Ulrich filait à travers la nuit depuis une bonne quinzaine de minutes, les phares de sa moto décrivant une traînée rouge dans son sillage. Les gouttes de pluie se répercutaient contre la visière de son casque à toute vitesse, brouillant sa vision déjà diminué par les ténèbres environnantes que les lampadaires avaient du mal à percer.
Fort heureusement, la route était dégagée à cette heure tardive et, un crissement de pneu plus tard, le jeune homme stoppa sa course devant le haut bâtiment gris servant d'hôpital à la Ville de la Tour de Fer, levant la tête vers la haute bâtisse moderne autours de laquelle semblait s'étendre une aura sombre.
Déglutissant, il retira son casque, laissant l'averse plaquer ses cheveux bruns drus contre son large front, tombant devant ses yeux. Après avoir accroché sa moto avec sa chaîne au poteau le plus proche, il courut en direction des portes de l'hôpital qui coulissèrent sur son passage, lui permettant de pénétrer dans le grand hall brillamment éclairé.
Clignant des paupières suite au brusque changement de luminosité, il ne prit pas garde tout de suite à la réceptionniste à l'air maussade derrière son comptoir. Celle-ci s'était mise à l'observer d'un œil mauvais, jaugeant sa haute stature musclée et son air de rebelle.
- Vous désirez, fit la bonne femme d'une voix grinçante, visiblement mécontente d'assurer le service de nuit.
- Bonsoir, se risqua Ulrich à dire en se raclant la gorge, je… Je viens voir –il produisit un effort de mémoire surhumain pour se souvenir du nom de l'ancienne amie de Yumi- Stéphanie Minerve. On m'a prévenu qu'elle venait d'être internée ici… ?
La bonne femme farfouilla un instant dans les papiers s'amoncelant sur son bureau, sans chercher à dissimuler ses grognements exaspérés.
- Ah oui… fit-elle en dénichant enfin la petite note qu'elle cherchait, premier étage, chambre n°132, ce sera sur votre gauche.
Ulrich la remercia d'un hochement de tête avant de gagner l'escalier le plus, mal à l'aise face au regard perçant de la réceptionniste qui continuait à le suivre des yeux, traversant le hall désert à cette heure.
A peine eut-il gravi la première volée de marches qu'il s'interrompit brutalement face à la silhouette qui venait de se dessiner devant lui, adossée dans une attitude triste contre une grande baie vitrée, ses longs cheveux noirs tombant en cascade devant ses yeux en amande.
- Yumi… murmura-t-il en franchissant les derniers pas les séparant.
La jeune fille sursauta en l'entendant. Lentement, elle tourna la tête dans sa direction, dévoilant un visage ravagé par les larmes, plus pâle encore qu'à l'ordinaire, à la grande stupeur d'Ulrich qui se figea, éberlué. Jamais il ne se souvenait avoir vu son ex-petite-amie aussi démunie. Même à l'époque où ses parents menaçaient de se séparer elle n'avait pas versé une seule larme face à lui, sa fierté de japonaise l'en empêchant. C'était comme s'il se retrouvait subitement devant une toute autre Yumi, dont il ne connaissait rien.
- Ulrich… parvint-elle à lâcher d'une voix éraillée.
Puis, sans crier gare, elle se jeta brusquement dans ses bras, manquant de le faire tomber à la renverse. Incrédule, le jeune homme mit un moment avant de trouver comment réagir, refermant maladroitement ses bras musclés autours des épaules de l'adolescente. Malgré lui, il se sentit rougir. Cela faisait des mois que tous deux n'avaient pas été aussi proches ! Le contact chaud des larmes de la japonaise contre son torse le ramena brusquement à la réalité et il tempéra rapidement ses ardeurs, tentant de la calmer par de veines paroles. Yumi semblait en proie à une véritable crise de nerfs.
- C'est…C'est de ma faute, sanglota-t-elle, ses poings crispés contre sa poitrine, tout ça c'est de ma faute… Si je n'avais pas accepté de la virtualiser… Si je m'étais montrée plus convaincante… J'aurai du savoir ce qui allait se passer, Aelita m'avait prévenu ! Elle nous avait tous prévenu, et moi j'ai…
Incapable de comprendre un traître mot de ce qu'elle disait, le jeune homme la laissa pleurer tout son soûl, déversant son flot de paroles sans queue ni tête, serrée tout contre lui comme pour absorber la chaleur rassurante de son étreinte. Ils étaient si près que l'adolescent pouvait sentir le cœur de la jeune fille battre à toute allure dans sa poitrine.
Enfin, les larmes de Yumi se tarirent, comme si elle avait finalement réussi à déverser, à travers les perles salées, suffisamment de sa peine pour retrouver un semblant de contenance. Ulrich, dont les jambes commençaient à fatiguer, en profita pour l'emmener s’asseoir contre le rebord de la fenêtre, desserrant leur étreinte à contrecœur.
- Qu'est-ce qui s'est passé ? se risqua-t-il à demander, perdu face à l'attitude de son ex qu'il n'avait jamais vu dans un tel état, quelque chose a foiré sur Lyokô avec Stéphanie… ?
Il devait produire un véritable effort pour aborder le nom du monde virtuel sans ton haineux et Yumi, qui s'en rendait bien compte, lui en fut reconnaissante. Inspirant un grand coup comme pour déloger la boule de stress qui pesait sur son cœur, la jeune fille finit par se lancer dans le récit des derniers événements : racontant comment, face à l'urgence de la situation sur Lyokô Stéphanie avait insisté auprès d'elle pour être virtualisée et venir en aide aux autres, malgré les risques encourus en raison de son âge. Comment, à son retour, un bug s'était produit dans la procédure de matérialisation, mettant ses organes sans-dessus-dessous et la plongeant dans le coma. Comment enfin, elle avait été transportée jusqu'à l'hôpital où les médecins avaient fini par leur annoncer à tous qu'à moins d'une greffe massive, l'adolescente aux yeux violets n'avait aucune chance de survie.
- …Et tout ça c'est de ma faute, acheva finalement Yumi d'un ton coupable, les yeux trop sec pour pouvoir pleurer, c'est parce que je l'ai virtualisée qu'elle est suspendue entre la vie et la mort maintenant… Au final, c'est comme si je l'avais t-tuée.
Elle buta sur le dernier mot et réprima un sanglot, enfouissant sa tête dans ses mains. Ulrich, lui, resta interdit. Tout ce que venait de lui dire la japonaise tournait dans sa tête à toute allure, le rendant malade.
- Il ne faut pas que tu t'en veuilles Yumi, lança-t-il maladroitement en se tapant le crâne du poing, rageur, si j'avais été… Si j'avais été moins égoïste à la base, j'aurai accepté de redevenir un Lyokô-guerrier et j'aurai pu prêter main forte aux autres. Cette Stéphanie n'aurait pas eu à se virtualiser et tout ce drame aurait pu être évité…
- Ne dit pas de bêtise, répliqua froidement la japonaise, tu as autant le droit de haïr le Supercalculateur que n'importe qui d'autre…
Ulrich préféra ne pas répondre, mais plus les minutes s'écoulaient et plus la vérité s'imposait à lui, fourbe et douloureuse. Il avait choisi de prendre la fuite, d'ignorer ses responsabilités. A cause de sa décision ce fameux jour au Kiwi Bleu, une amie proche d'une des personnes les plus importantes à ses yeux s'était retrouvée grièvement blessée, voir pire encore. Il lui aurait suffit de prendre sur lui d'une façon si minime pour éviter de faire souffrir tant de monde… Pourquoi avait-il du agir de façon aussi égocentrique, sans prendre en considération les autres ? Pour la première fois depuis des mois, il se rendit compte d'à quel point il avait changé depuis le collège. A l'époque, jamais il ne se serait montré aussi lâche, et il aurait su comment réagir face à la détresse d'un être aussi cher à son cœur que Yumi. Aujourd'hui, il n'était rien d'autre qu'un minable superficiel tentant vainement de fuir un passé qui se chargeait pourtant sans cesse de le rappeler à l'ordre de la façon la plus cruelle possible.
- Je n'aurai même pas eu le temps de lui dire que j'étais désolée, murmura la japonaise qui s'était de nouveau lovée contre lui, en quête de réconfort, cette histoire avec William me parait si ridicule maintenant… Comment ais-je pu être assez stupide pour mettre mes propres erreurs sur le dos de la seule personne à m'avoir vraiment acceptée comme j'étais dés le départ ? J'aurai tellement voulu me réconcilier avec elle avant que… Qu'il ne soit trop tard… Et je ne m'en rends compte que maintenant. Quelle idiote…
Ulrich ne trouva pas quoi répondre, se contentant de caresser distraitement – quoique d'une façon un peu raide – les longs cheveux de la japonaise, comme si ce simple geste suffisait à apaiser ses tracas. L'adolescente soupira, fermant ses yeux magnifiques, laissant le chagrin avoir raison de ses dernières forces.
- Quand j'y pense, fit-elle d'une voix si basse que le jeune homme aux cheveux chocolat du tendre l'oreille pour l'entendre, il y a une autre personne… Qui m'a acceptée telle que j'étais dés les premiers instants…
- Qui ça ? questionna-t-il d'une voix étonnamment douce, passant un doigt sur le visage de porcelaine de la japonaise à moitié-endormie.
- Toi…
Ulrich ouvrit la bouche sous le coup de la surprise. Ne trouvant rien à répondre, il préféra se taire, continuant à caresser délicatement la joue rosie par les larmes de son amie retrouvée, la laissant sombrer dans un sommeil sans rêve.
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