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[Fanfic] Dix ans après [Terminée]

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 Auteur Message
Belgarel MessagePosté le: Mer 25 Aoû 2010 23:22   Sujet du message: Répondre en citant  
[Manta]


Inscrit le: 20 Aoû 2010
Messages: 534
Quater a écrit:

Il faut juste excuser mes délires psychotiques, ça peut arriver à tout le monde ^^.

Ne pas oublier que c'est un taupin qui dit ça !

Quater a écrit:
Belgarel a dit : "Preuve, s'il en faut, que l'on peut lire sur une physionomie absolument ce que l'on veut."
Enorme !! Laughing

Héhé, juste l'envie de mettre un coup dans les dents de Balzac ^^


Merci d'avoir signalé la faute d'orthographe ; malheureusement, je ne sais pas pourquoi, le fofo refuse de s'en occuper pour le moment. Je vais donc la laisser, ça te donnera un trophée, sans me vanter Razz

Ben, pour moi, entre la copie d'Hervé et la copie de Nicolas, Adèle n'était pas vraiment un suspense Smile La question, c'était davantage, de votre point de vue : elle ou personne ? Enfin, en même temps, j'étais aussi de l'autre coté des coulisses.

Dès qu'on parvient à la prochaine page, je poste la section 8. Pour la neuf...eh bien, ce soir non plus, l'ai toujours pas finie Mr. Green Ça se relâche, hein ?
Cela doit, j'ai pesé le pour et le contre : fini ou pas, le cycle 3 sera posté. Comme ça, je vous abandonnerai en plein suspense ^^ Laughing
Allez, histoire d'aiguiser ma cruauté, je vous fais un spoiler...qu'il sera très mal de lire, et que personne ne devrait regarder, giah ah ah ("Arrête de rire, on dirait un cheval !")
Spoiler



Edit : eh bien ^^ Attendre des comms, ça récompense ! nus voici en page 3. Allez pour la dernière section assurée (ie. la fin du cycle 2), et priez pour la section-torture avant la fin de l'été !


*****


8

Il était cinq heures du soir. Albert Steigne, petit premier de classe féru d'informatique et de mécanique, sortait des égouts, en face de la vieille usine désaffectée du quartier. Il avait prévu de longue date d'aller y faire un tour, un jour, dans l'espoir d'y découvrir des pièces ou des bouts de fils qui lui permettraient de bricoler un petit robot capable de faire le barman – c'était son projet pour le concours de science qui aurait lieu à la fin de l'année prochaine, en troisième. Au bout du pont, il arriva à une sorte de vide ; le sol de l'usine, couvert d'une épaisse couche de poussière, s'étendait plusieurs mètres en contrebas, et devant lui, de longs câbles pendaient du plafond. Le petit intello déglutit, avant de saisir à deux mains d'un des câbles, et de se laisser glisser, centimètre par centimètre et sans regarder en-dessous de lui, jusqu'en bas.
Dès que ses pieds eurent touché la pierre, il ouvrit les yeux et se mit à regarder autour de lui. Çà et là étaient entreposés des grandes caisses en carton, tantôt isolées, tantôt empilées ; il s'approcha d'un des tas, devant une sorte de hangar fermé par un rideau de fer, monta dessus et ouvrit une des caisses à son sommet : elle était remplie de grandes plaques de tôle, lourdes et encombrantes. En fouinant encore, Albert ne trouva rien d'autre dans les caisses. En outre, songea-t-il, lesdites caisses semblaient assez propres et neuves : leur propriétaire légitime devait s'en soucier encore. Il décida donc d'explorer un autre endroit dans l'usine.
Ce fut dans la salle du convoyeur qu'Albert trouva son bonheur : bras mécaniques, outils divers, roues de toutes sortes en-dessous de la chaîne – il y avait de quoi souder, de quoi fabriquer des puces électriques, et même, non loin, quelques plaques de matières premières à l'abandon. Derrière l'écran de contrôle, Jérémie et Adèle regardèrent le petit collégien fouiller un moment la pièce, puis repartir les bras pleins de pièces métalliques diverses et plus ou moins importantes.

- Tu vois, je te l'avais dit ! exulta Jérémie tandis qu'Albert s'enfonçait dans les égouts. Tout est bien qui finit bien. C'est un des grands avantages du retour vers le passé : on sait à l'avance ce qu'il faut éviter.
- Je suis vraiment soulagée, admit Adèle. Mais je ne me sens pas à l'aise à l'idée de le croiser tous les jours et de faire...comme si rien ne s'était passé.
- Le principe, c'est que justement rien ne s'est passé, fit observer Odd d'un air cool, qui se dissipa bien vite sous un regard assassin lancé par Yumi.

Aelita mit une main compatissante sur l'épaule de la nouvelle recrue.

- Ne t'en fais pas, lui dit-elle, plus sérieusement. Tu t'y feras. Et puis, tu nous auras, nous. Tu verras, ces aventures ne t'empêcheront pas de vivre normalement : c'est juste comme si tu venais d'obtenir une vie parallèle.
- Justement, à propos de vie parallèle, intervint Ulrich. La vie sur Lyokô, c'est tout de même quelque chose ! Alors, Jérémie, es-tu prêt à nous montrer les résultats de ton travail de ce matin ?
- Et comment ! s'exclama celui-ci, très content de lui. J'ai assuré, tu verras. Son habillement est soigné, son mode de combat, impressionnant, et son véhicule, parfait. Tout est configuré, et prêt à fonctionner !
- Tu n'oublierais pas une chose, Einstein ? souleva Odd.
- Hein, quoi ? Qu'est-ce que j'oublierais ? s'exclama l'autre, surpris.
- Quelque chose que tu n'aurais pas envie de retenir, évidemment, lança Ulrich, moqueur.
- Et qu'est-ce que je n'aurais pas envie de retenir ?

Les quatre adultes échangèrent subrepticement un regard entendu. L'informaticien sentait qu'ils s'amusaient follement, et il n'aimait pas ça. Les lèvres de Yumi s'étirèrent en un sourire sadique.

- Que se passerait-il si XANA profitait de ton...manque d'exercice, pour t'envoyer un spectre ?
- Quoi ? rugit Jérémie, terrifié. Chérie, mon amour, ne les laisse pas faire ça !
- Je te rappelle que nous sommes en train de divorcer, mon chou, répliqua Aelita d'un air snob et hautain. Et puis il faut admettre qu'ils ont raison : prudence est mère de sûreté !
- Laisse-moi au moins me donner un air...présentable !

Ulrich et Odd ricanèrent. La supplique terrifiée de Jérémie leur semblait en effet tout à fait appropriée : la seule fois où Jérémie avait mis les pieds sur Lyokô, son costume façon super-héros lui allait comme un caleçon trop grand, le comble du ridicule étant atteint lorsqu'il tentait de combattre. Adèle ne connaissait pas tous les détails de l'histoire, mais elle rit de bon cœur avec les Lyokô-guerriers ; ceux-ci, magnanimes, le laissèrent faire pour lui-même ce qu'il avait fait pour eux – en dépit des insistances d'Aelita.
Il avait été décidé que, pour une première expédition, Adèle n'irait pas dans la mer numérique. Le but était de trouver quelques bestioles de XANA et de se faire un peu la main. Après dix minutes à le laisser pianoter fébrilement sur son clavier, les Lyokô-guerriers l'entraînèrent enfin de force dans l'ascenseur.

- T'as intérêt à assurer là-bas, Einstein, chuchota Ulrich à son oreille. J'ai parié vingt euros sur toi avec Odd. Ce n'est pas que je te croie fort, mais...
- Tu viens pas avec nous ? s'enquit Jérémie, inquiet.
- Eh non ! s'exclama Ulrich gaiement. Devine quoi ? ta charmante épouse a insisté pour venir ; c'est moi qui resterai aux commandes. Et puis comme ça, tout le monde t'aura vu essayer de te battre !

Jérémie répondit qu'il trouvait le comportement de ses amis véritablement écœurant, ce qui relança l'hilarité générale. Ce fut boudeur qu'il regarda Ulrich disparaître dans l'ascenseur et monta lui-même dans un des grands cylindre métalliques aux parois de lumière qui menait à Lyokô. Il en oubliait d'avoir peur ; ou bien peut-être avait-il simplement gagné en bravoure. En face de lui, Odd montait dans un scanner et lui faisait un petit signe moqueur de la main en souriant niaisement. Jérémie lui rendit son sourire.

- A moins que j'aie fait une erreur de calcul, tu seras surpris de voir à quel point je serai différent de la dernière fois, lança-t-il, fièrement.
- Et si t'as fait une erreur, Einstein ? rétorqua Odd, sans se départir de son petit air narquois.

Le sourire de Jérémie s'étira.

- Tu ne me verras pas, mentit-il. Et sait-on jamais ce qui peut se passer en dix minutes...

Les portes sur scanner se refermèrent sur un visage horrifié d'une part, et un autre plein de défi. Dans le bruit du scanner qui chauffait, Jérémie crut distinguer le rire clair et heureux de son amante. Mais son esprit fut bientôt accaparé par d'autres choses. La machine chauffait, la lumière devenait aveuglante ; Jérémie osait à peine imaginer ce qui se passerait si Ulrich se trompait. Des sensations désagréables lui couraient dans tout le corps, jusqu'au bout des doigts. Jérémie comprit qu'il s'agissait de la peur.

- Transfert Odd. Transfert Jérémie, hurlèrent les haut-parleurs.

Le ton inquiet d'Ulrich était très communicatif. Jérémie se mit à douter. Après toutes ces années sans pratique, son ami se souvenait-il encore de la procédure qui permettait d'envoyer ses amis sur Lyokô ? L'informaticien se mit à serrer les poings jusqu'à s'enfoncer les ongles dans la peau, la peur le pétrifiait. Il se sentait lentement tourner, il avait le tournis- ou n'était-ce qu'une sorte de panique brutale ?

- Scanner Odd. Scanner Jérémie, annonça Ulrich en bafouillant.

L'intellectuel se sentit pris d'une violente crise de claustrophobie ; il était sûr qu'Ulrich avait oublié une étape, il se mit à marteler contre les parois brillantes du scanner, il se brûla le plat de la main. Ce fut à cet instant qu'il comprit qu'il était trop tard, qu'il n'y aurait de retour en arrière pour personne. La dernière chose qu'il entendit, ce fut la voix grave d'Ulrich – Ulrich, aux commandes, qui ne se doutait pas qu'il avait tué ses deux amis.

- Virtualisation.

***

Jérémie était seul, suspendu dans un grand espace bleu uniforme, il se sentait tomber, tomber à l'infini ; il hurla de terreur, et atterrit sur le bas du dos.

- Toujours aussi élégant, pour faire ton entrée, Einstein, le charria Odd.

Jérémie se releva en maugréant et en se massant le derrière. Le territoire du désert était tel qu'il avait voulu le faire : une immense plaine de sable, couverte de dunes en croissants – blancs, dorés, ocres, rouges, les teintes formaient de grands motifs, desquels émergeaient ici et là de gigantesques rochers crevassés et couverts de veinules rouge sang, ou de grands cactus imposants, couverts d'épines longues comme des ciseaux et aiguisées comme des rasoirs ; et, dans le ciel numérique, omniprésent et omniscient, flottait le puissant soleil, entouré de ses mille mirages chatoyants. Il y avait, Jérémie le savait, mille détails à explorer, mille choses imprévues à voir – l'oasis aux palmiers ombragés, les ruines de la cité arabe, les idoles brisées sur les vestiges de l'ancienne route, la plaine morte aux sables mouvants...Mais le panorama qu'offrait le sommet de la dune où ils étaient était aussi tranchant et saisissant que les plus beaux paysages de l'Arizona.

- Mouais, fit Odd, l'air assez peu convaincu. Rien que de voir tout ça, ça me donne soif, à moi.
- Je le prends pour un compliment, rétorqua Jérémie. Ça veut dire que j'ai réussi à faire ressembler ce territoire à un vrai désert !
- Le pire, avec Lyokô, c'est que quand on a soif ou mal au ventre, on n'a même pas envie de manger ou de boire : c'est juste une sorte d'insatisfaction qui ne correspond à rien ! continua Odd tandis que Jérémie détaillait sa tenue.

Il avait globalement réussi à produire l'effet qu'il voulait ; et comme cette fois il avait une tenue qu'il avait lui-même choisie, il s'y sentait mieux, plus sûr, la portait plus fièrement. Dans l'ensemble, Jérémie Belpois avait tenté de mixer l'apparence d'un super-héros et celle d'un grand scientifique dans les teintes bleues et blanche. La plus grande partie de son costume était constituée d'une combinaison moulante bleu sombre, qui lui dessinait par endroit plus de muscles qu'il en avait – ceux qui faisaient envie, tels que les plaques de chocolat ou les pectoraux – sur laquelle une pâleur nuancée traçait comme des signes fantomatiques. Mais cette combinaison était partiellement dissimulée par une sorte de cape fendue ou de blouse blanc cassé accrochée à ses épaules, à demi transparente, comme immatérielle, dont les pans flottaient doucement dans son dos, comme si un vent invisible les animait.
En faisant glisser ses doigts de métal sur ses joues, Jérémie se rendit compte avec soulagement qu'il n'avait pas de lunettes, mais ce qu'il ne pouvait voir, c'était que ses montures étaient pour ainsi dire dessinées autour de ses yeux en noir. Son soulagement, d'ailleurs, dut bien vite disparaître, quand il passa une main au-dessus de sa tête. La dernière fois qu'il était allé sur Lyokô, Jérémie avait reçu en guise de coiffure une sorte d'amas blond et lisse, entortillé en motifs et en courbes bizarres, qui s'élevaient vers le ciel tel un chignon en apesanteur – un peu comme si ses cheveux étaient, pour résumer, sortis d'un tube de crème fraîche. Cette fois, c'était presque pire : des mèches rigides partaient dans tous les sens, dessinant autour de son visage comme un chapeau de piques jaunes et noires. Jérémie devait admettre que ça renforçait bien plus son look de savant fou que l'espèce de simulacre de blouse qu'il avait mis au point, mais il n'en restait pas moins que cet aspect l'inquiétait.

Pendant ce temps, Odd avait continué sa dissertation sur les diverses émotions dans Lyokô ; en fin de compte, il conclut qu'il avait faim, et regarda Einstein tenter d'un air contrarié de rassembler ses cheveux le plus près possible de son crâne.

- T'en fais pas, Einstein, t'as l'air parfait. Bon, faudra attendre de te voir en action pour que tu sois impressionnant, mais je t'assure que t'as plus l'air aussi ridicule qu'avant !
- Tu crois vraiment, demanda l'informaticien en s'arrêtant de toucher à ses cheveux, d'un ton plein d'espoir.
- Ouais, t'en fais pas. Le look savant fou futuriste qui vient de se prendre une explosion chimique dans le nez, c'est parfait pour effrayer XANA, se moqua Odd.

De rage, Jérémie sortir de nulle part une sorte d'arme à rayons qui ressemblait à un jouet en plastique bleu et transparent, avec un design pensé dans le style des équipements extraterrestres, et le braqua sur son ami. En pleine action, le regard glacé et une arme dans la main, Jérémie avait en effet l'air beaucoup plus redoutable que perdu, à se lamenter de la forme adoptée par ses cheveux.

- C'est aussi parfait pour impressionner Aelita, murmura Odd, soudain intimidé.

Jérémie ne résista pas à la tentation, en dépit du soudain calme d'Odd : il tira, ce qui emprisonna Odd des pieds jusqu'au cou dans un épais bloc de glace.

- Bah, c'est tout ce que tu sais faire ? lança l'autre, provocateur.
- Tu veux parier ? rétorqua l'autre avec une froideur amusée.

Il balança son arme, qui se dissipa en une sorte de fumée cendreuse avant de toucher le sol, passa la main près de son bassin et fit apparaître un nouvel engin, long et métallique comme un fusil de chasseur. Odd se fit aussi timide et lâche que possible, ce qui n'empêcha pas l'intellectuel de tirer à nouveau ; mais cette fois, le tir ne fit que briser la glace.

- Tout de même, je suis trop fier de ce que j'ai programmé pour te détruire, fit Jérémie, faussement hautain, en jetant cette deuxième arme. Je fais bien sûr allusion à ton magnifique costume, Odd, ajouta-t-il avec une sorte de ton ironique.

Notre chat avait, pour sa part, perdu tout ce qui ressemblait de près ou de loin à cet être virtuel qu'il avait été jadis, hormis la mèche qui flambait au sommet de sa tête, devenue turquoise. A partir de son cou, des sortes de gros poils rigides et de toutes les couleurs (avec beaucoup de turquoise et beaucoup de mauve) lui faisaient comme une fourrure d'ours mal léché, jusqu'à ses pieds nus, semblables en tous points à ses pieds humains : crevassés et velus. Pour le reste, sa queue était toujours là (couverte de ces poils étranges), ainsi que les griffes au bout de ses doigts (eux aussi semblables à ses doigts humains) ; en outre, Jérémie lui avait permis d'avoir cette fois des griffes rétractables, pour en faire un vrai chat. Enfin, l'icône de Kiwi, qui avait quitté son torse (à son grand désespoir, la première fois qu'il était revenu sur Lyokô, et où il avait cru son bien-aimé chien effacé), brillait sur son front comme un tatouage tribal.
A la grande surprise d'Aelita, qui s'était violemment élevée contre les idées que lui exposait son mari, Odd Della Robbia avait énormément apprécié cette apparence carnavalesque – au point même de regretter de ne pas avoir ce look en soirée.

Leur petite dispute prit bientôt fin. Ulrich avait pris son temps, mais il avait enfin réussi à matérialiser les filles. Ce furent d'abord Aelita avec sa robe de mariée, puis Yumi dans sa tenue de combat qui apparurent ; et enfin, Adèle tomba du ciel.

***

Ulrich s'éloigna de l'écran de contrôle pour le moment. Il venait d'envoyer les véhicules, son rôle était fini pour un moment, il se contenterait de jeter un coup d'œil distrait à l'écran de temps à autre. Il se laissa de nouveau entraîner dans ses pensées, comme cela lui arrivait de plus en plus souvent depuis que le SuperCalculateur avait été rallumé. Le plus souvent, c'était les années de lycée qu'il ressassait. C'était sans nul doute à ce moment que tout avait basculé. Il se souvenait de chaque mot.
« Ulrich, je te propose un défi. » résonna dans sa tête. une voix qui n'était plus vraiment celle de Yumi, tant il l'avait fait parler encore et encore.
« Tant mieux, j'adore les défis ! »
« Gagne le prochain combat, sous peine d'un gage. »
Ulrich avait immédiatement su ce qu'elle avait à l'esprit. Il y avait quelque chose qui l'avait trahie – il n'aurait su lui-même dire quoi. Les mots étaient peut-être trop enfantins pour son regard, sa requête était peut-être trop décidée ; il lui semblait encore sentir les battements du cœur de sa voisine faire trembler près de lui la cloison du gymnase contre laquelle il s'était appuyée.
« Tu mènes ce défi jusqu'au bout, d'accord ? »
Ulrich étouffa un rire ironique. Le rire acide de l'ironie du sort.
« Ulrich, Stern, montrez à ces deux andouille ce que c'est qu'une lutte ! »
Ulrich n'avait rien montré du tout. Il avait écouté les battements de son cœur qui s'accéléraient, il avait regardé les joues de Yumi rougir ; il sentait chaque muscle de leurs deux corps se lancer l'un vers l'autre, chaque mouvement, chaque halètement – en combat, la présence de Yumi avait toujours été forte. Ç'avait toujours été ça, la lutte.
« T'as fait exprès de perdre ? » lui demandait-elle, pressant son coude sur sa poitrine, les cheveux et les yeux humides.
« T'as fait exprès de gagner ! » avait-il répliqué, à bout de souffle. « Alors, qu'as-tu gagné ? »
Couvrant leurs chuchotement aux oreilles de l'assistance, Jim, professeur de sport, hurlait aux élèves du cours d'arts martiaux quelles prises ils avaient faites, avec quel enchaînement, et avec quel degré de perfection.
« Vous voyez, beuglait-il, c'est ça, que j'appelle de la lutte ! »
Un grand éclat de rire s'éleva dans l'assistance. Toujours couchés sur le sol, Ulrich et Yumi étaient en train d'échanger un long baiser.

Mais la vérité, c'est que ce n'était pas le moment du baiser qu'il regrettait. Ce n'était même pas le temps bienheureux où il sortait avec Yumi, l'aimait librement, se disputait avec elle. C'était ce changement qui avait eu lieu au cours de la même année.
« Mais enfin, qu'est-ce que tu as, Ulrich ? Il est temps de te réveiller, mon garçon ! Je te croyais juste fainéant, je découvre à présent que tu es aussi malheureux – tu n'a même pas souri quand maman t'a offert ta bande dessinée de Noël. Ressaisis-toi, sois un homme ! » lui répétait son père.
« Laisse-moi tranquille. » rétorqua le jeune homme, faisant mine de monter dans sa chambre.
Mais son père lui saisit le bras et lui fila une taloche. L'adolescent, étonné, fut d'un coup très impressionné par le regard d'acier de son père. Soudain, celui-ci devint comme une figure d'autorité qu'il ne pouvait plus fuir, qu'il ne pouvait plus ignorer.
« Mon fils, je ne l'ai pas vu, mais tu as un problème. Un problème qui t'empêche de travailler correctement à l'école. Qui te ronge. Confie-toi à moi. »
Ulrich ne pouvait plus supporter ce regard, qui à présent mêlait à la sévérité habituelle comme une inquiétude, une honnêteté troublante. Il baissa les yeux.
« Je suis amoureux » confia-t-il. « Je suis amoureux, et aujourd'hui, tout est terminé. »
Il redressa la tête.
« Je te promets, à partir d'aujourd'hui, tout ira mieux. »

Ulrich fut un moment secoué par un rire irrésistible. Tout ira mieux, avait-il dit ! oh, ça oui, tout avait été mieux – il n'avait pas été amoureux une seule seconde de Sissi, il s'était comporté de façon exemplaire vis-à-vis d'elle, mais aussi vis-à-vis de son père, de l'école, de tout. C'était d'ailleurs cela qui avait en fin de compte désespéré Sissi ; qui, avec le temps, l'avait désespéré lui-même...Le Lyokô-guerrier frappa du poing sur l'accoudoir. Quel crétin ! il aurait dû se préoccuper de ce qui était vraiment important, y mettre toute son énergie, au lieu de se laisser aller. Au lieu de céder aux arguments de son père, il aurait dû remettre ça avec Yumi, il aurait dû aimer, il aurait dû vivre ! qu'avait-il appris, toutes ces années ? qu'avait-il retiré de tout ça ? qu'était-il devenu ? un fils à papa desséché et solitaire, un portrait de son père !
Il ne commettrait pas la même erreur. Il venait de prendre la décision qu'il avait refusée d'envisager deux ans et demi plus tôt, quand Yumi était partie au Japon, qu'il avait refusée de penser quand il l'avait retrouvée, qu'il avait fui depuis ses quinze ans. Il venait de comprendre ce qu'il n'avait pas compris quand il n'avait pas pris l'avion, quand il ne l'avait pas aimée comme jadis, quand il avait baissé les yeux devant son père, en n'osant plus lui dire qu'il n'était pas lui. Il aimerait.

- Ils sont impressionnants, n'est-ce pas ? lança une voix familière dans son dos.

Monsieur Stern se retourna brusquement, le souffle coupé. Yumi venait d'apparaître, remontant de la salle des scanners. Il se tourna brusquement vers l'écran de contrôle, et constata que ses amis, sur Lyokô, avaient trouvé des ennemis en nombre.

- Oh, tu ne faisais pas attention, comprit la jeune japonaise.
- Non, répondit-il, les yeux fixés sur l'écran. Je pensais à autre chose. Comment se débrouillent-ils ?
- C'est à se demander qui partira en dernier. Ils sont encore maladroits par moments (d'ailleurs, c'est Adèle qui m'a porté le coup de grâce), mais ils n'ont pas une seule égratignure, et ils massacrent du monstre comme s'ils avaient fait ça toute leur vie.
- Jérémie aussi ? s'étonna Ulrich, se souvenant de la magnifique dévirtualisation dont il avait été victime face à un Megatank la seule fois où il était venu sur Lyokô.

Yumi sourit.

- Jérémie surtout.

***

La bande de Lyokô-guerriers se rassembla autour de la nouvelle recrue. Celle-ci était vêtue d'une grande robe bleu sombre, presque noire, soyeuse et seyante, accompagnée de chaussons en cristal brillant, de gants blancs, et d'un collier de perles – une tenue qui n'aurait pas paru déplacée dans une soirée mondaine, et dont la couleur tranchait avec le violent rouge écarlate de ses yeux stylisés en crinière à la façon d'une chevelure de mangas.
Mais le plus plaisant, c'était de voir le regard de la jeune fille balayer le sol, le paysage, le ciel numérique, et l'expression émerveillée qui s'allumait sur son visage et dans ses yeux brillants.

- C'est donc ça, Lyokô ? s'écria-t-elle, impressionnée.

Elle ne se lassait pas de la vue, de ses mouvements, de son apparence. Les anciens de la bande rirent de bon cœur.

- C'est donc ça, Jérémie ? demanda Aelita, plissant des yeux.

Elle se dirigea vers son amant et l'enlaça amoureusement.

- Contente de te voir enfin sur Lyokô, dit-elle, et elle l'embrassa.

Adèle applaudit, et ajouta qu'elle remerciait beaucoup monsieur Belpois pour la robe.

- Ulrich, appela l'informaticien, envoie-nous nos bécanes avant que j'étrangle cette petite qui ne me tutoiera jamais !

Il n'avait pas fini de parler que les trois véhicules apparaissaient. L'intellectuel et la nouvelle recrue tournèrent un moment autour d'eux, jusqu'à ce qu'Odd, insistant pour aller à la chasse aux monstres, file sur l'Overboard, au loin, laissant les autres se partager les deux véhicules restant.

- Bah, il va droit vers le bout du territoire ! s'exclama le cerveau, moqueur.
- En attendant, Adèle, après toi, je m'accrocherai à ta taille, proposa Yumi en montrant l'Overwing.
- Vous n'avez pas plus de véhicules ? interrogea la jeune fille.
- Il faut dire que nous n'en avions pas besoin ; et même, souvent, trois personnes sur Lyokô, ce sera beaucoup, fit observer Aelita.
- En attendant d'un moyen de transport plus décent, puis-je vous offrir une ballade en moto, madame ? demanda Jérémie en enfourchant l'Oberbike.

Les civilités passées, les deux recrues durent conduire. Le début fut franchement catastrophique, du moins pour Adèle. L'Overwing manqua plusieurs fois de s'écraser, Yumi de tomber, et Adèle de crier en fermant les yeux. Mais en quelques minutes, elle parvint à comprendre comment maîtriser l'engin, et se trouva même capable de faire des figures que Yumi elle-même n'avait jamais tentées, telles que le looping, le dérapage, ou un tonneau qui ne fît pas exploser la machine. Quant à Jérémie, il fut du début à la fin un pilote moyen, faible au début, plus expérimenté par la suite, mais toujours timide face aux manœuvres un peu périlleuses.
Soudain, Odd avisa une patrouille de colibris et de tarentules qui arpentait le désert, foulant une route de pavés bordée de ruines et de statues à demi détruites et hurla gaiement que la récréation commençait enfin.

Aussitôt, Jérémie bondit de l'Overbike en disant à Aelita de prendre les commandes, et arriva trente mètres plus loin, face aux monstres. Ceux-ci firent feu immédiatement ; il parut disparaître aussi brusquement qu'il était apparu, mais il refit surface posté en équilibre précaire sur le crâne chauve d'une des statues, un long flingue à la main lançant des boules de feu. Avant que les créatures répliquent, il avait déjà éliminé deux colibris et une tarentule ; sitôt qu'elles tirèrent, il sauta de la statue, qui tomba en poussière, sur la tête d'une des tarentules restantes, d'où il détruisit encore un oiseau. Il bondit aussi vite, aussi loin que possible, et se retourna à temps pour voir exploser le monstre sur lequel il s'était tenu, et dégommer encore un colibris. Jusque-là, pas un seul de ses tirs n'avait manqué sa cible. Quelle surprise !
Bientôt, Odd et Aelita furent aussi sur le coup ; les monstres se mirent à exploser par centaines et sans interruption, des Krabes à surgir des dunes, et l'excitation monta de partout. Le moins joyeux était pourtant réservé à Yumi, qui se chargeait de protéger de ses éventails la collégienne, qui cherchait encore à faire fonctionner son pouvoir. Étant donné qu'elle ne savait même pas ce qu'elle pouvait faire, cette tâche était assez difficile pour elle. Au bout d'un moment, Jérémie en eut assez de les regarder patauger ; il utilisa une seconde fois son pouvoir spécial, qu'il surnommait « les bottes de sept lieues », pour les rejoindre en une seule enjambée de cinquante mètre, gelant au passage quelques Krabes et colibris de quelques tirs bien placés.

- Ce n'est pas comme ça que ça risque de venir, fit remarquer le jeune homme. Il t'aurait suffi de me demander !
- Je n'ai pas de pouvoir, c'est ça ? désespéra Adèle.
- Qu'est-ce que tu racontes ? tous les être humains en ont un ! la rassura Jérémie tandis que Yumi, blessée, lançait un de ses éventails sur un colibri vraiment impoli. Le tien est tout simplement assez peu évident. Retourne-toi, regarde un monstre, et essaye de penser que tu l'aimes beaucoup, si fort qu'il le sache.
- Penser que je l'aime ? s'étonna la jeune fille.
- Que tu veux lui montrer le droit chemin, fit Jérémie d'un ton mystérieux. En fait, ça, ce n'est que ton pouvoir spécial : il faut que tu restes concentrée un moment pour le faire fonctionner, moment pendant lequel je te couvrirai.
- Qu'est-ce que tu racontes, Jérémie ? s'écria Yumi, paniquée, récupérant son éventail et le renvoyant à une tarentule qui n'avait de cesse de la canarder depuis tout à l'heure. Elle ne ferait pas mieux de combattre elle-même d'abord ?
- Fais-moi confiance, tu vas adorer.

Adèle obéit. Elle quitta la protection de Yumi et fixa droit dans les yeux le premier monstre qu'elle vit, à savoir un colibri. Elle s'efforça de penser qu'elle adorait ces petites plumes jaunes et ce ventre blanc, ces ailes bleues presque invisibles à force de battre, ce tout petit oiseau mignon et tout fragile, elle concentra sur lui une bienveillance protectrice qu'elle n'avait encore jamais ressentie envers aucun être vivant – oui, elle voulait l'aider, oui, elle voulait lui montrer qu'il existait d'autres choses dans le monde, oui, des choses merveilleuses, qu'il ne tenait qu'à lui d'explorer...

- Qu'est-ce que c'est que ça ? s'écria Yumi, paniqué, en montrant le colibri sur lequel se concentrait la nouvelle recrue.

Ce dernier s'était immobilisé, entouré d'un halo rouge sombre ; les autres créatures à ses côtés arrêtaient de tirer, et fixaient le petit oisillon, surprises ; elles tentèrent de faire feu, mais les tirs au laser des Krabes et les boules de feu des colibris n'affectaient pas la bête, et Jérémie se faisait une joie de décimer les monstres inattentifs. Yumi poussa un cri suraigu. Adèle était entourée du même halo, et elle continuait de fixer le colibri, les yeux brillants d'amour.
Tout à coup, les halos devinrent si épais qu'Adèle et le colibri ne furent plus que deux boules de couleur de tailles différentes ; et tout aussi brusquement, les deux boules foncèrent l'une vers l'autre, et dans un feu d'artifice formidable qui aspergea le champ de bataille d'étincelles, se rencontrèrent.
De l'explosion émergea une petite forme toute violette, fébrile, volant en tous sens ; c'était un colibris, mais il ne semblait pas doté d'intentions belliqueuse. Les monstres et notre bande s'étaient arrêté de combattre, et regardaient voler le colibris violet au-dessus du champ de bataille, perplexes.
Un cri résonna dans l'atmosphère. C'était la voix d'Adèle.

- Yaaah ! c'est trop génial !

Le colibris se mit à tournoyer de plus en plus vite au-dessus d'un Krabe, se posa dessus, et lui picora la carapace fébrilement ; en moins d'une seconde, le monstre explosait.

- J'y crois pas ! s'exclama Yumi, stupéfaite.
- Et si ! exulta Jérémie en se remettant à tirer tranquillement sur les bestioles, qui étaient toutes tournées vers le colibris violet, qui à présent se mettait à monter en flèche, et le canardaient sans parvenir à le toucher. Avec ça, vous aurez tout de même la vie plus facile.
- Mais elle peut faire ça à tous les monstres ?
- Sans aucun souci. Elle n'est pas franchement dans le genre intellectuel, notre Adèle – mais c'est une empatte sans pareil, ça c'est sûr. Par intuition, elle comprend les gens en un regard, et on dirait que ça marche aussi avec les programmes !
- Incroyable...

Mais un tir de colibri la ramena brutalement à la réalité – et ce presque littéralement, puisque désormais, il ne lui restait presque plus de points de vie.

La bataille battait toujours son plein, de nouveaux monstres continuaient d'apparaître par dizaines (à se demander pourquoi XANA continuait d'en envoyer), et les Lyokô-guerriers (en particulier les moins expérimentés) de décimer les rangs de l'armée ennemie. Après un moment, les Krabes et les colibris cédèrent même la place aux Mangouins, comme les avait surnommés Odd, décrétant que puisque les créatures n'étaient ni franchement des pingouins ni des manchots, il ne fallait pas les appeler pingouins ou manchots. Adèle, atteinte par un tir de tarentule, était retombée en perdant la moitié de ses points de vie, et tentait de rejoindre Jérémie au milieu d'une mer de monstres absolument délirante.

- Il faut que j'en attrape un autre ! hurla-t-elle quand elle y parvint enfin. Tu peux me couvrir ?
- C'est impossible, protesta l'intellectuel. Si tu te fais tirer dessus, c'est fini pour toi. Et puis, il faut que tu apprennes à maîtriser ce qui sera ton mode de combat le plus courant : l'attaque directe.
- J'ai une autre attaque ?
- Oh, ça, oui, et elle en vaut le coup d'œil ! Regarde dans une direction et imagine que tu concentres toute la haine et toute la colère que tu as jamais ressenties, et tu verras.

Adèle se jeta à terre pour éviter une attaque de Mangouin, et se releva très vite ; elle mit aussitôt en application le conseil de Jérémie. Soudain, un long trait rouge continu jaillit de ses yeux, comme un flux pur d'énergie lumineuse, et continua de brûler avec une sorte de grésillement électrique. Au loin, vingt mètres plus loin, Yumi hurla ; le trait arrivait sur elle. Mais à sa grande surprise, il ne semblait pas lui faire de mal ; elle le regarda avec surprise s'arrêter sur son ventre, releva la tête, et fit un signe joyeux, amusée par ce qui se passait.
Elle n'eut pas le temps d'achever. A peine avait-elle commencé à remuer la main qu'elle était dévirtusalisée.

- Et oui, chère Adèle, ton regard est un poison. Alors, prête à continuer la compétition ?
- Une compétition ? interrogea la jeune fille.
- Oh oui, répondit en riant Jérémie. Pour savoir qui est le meilleur exterminateur de monstres. Un petit programme statistique que j'ai mis au point...
- Partante à cent pour cent ! s'écria la jeune fille, enthousiaste.

***

Ulrich commençait à s'embrouiller. La conversation n'avait cessé de tourner autour de choses indifférentes, d'Odd et de son vieux chien, de marché ou d'entreprises, de politique même – mais qu'en avaient-ils à foutre de la politique, enfin ? Il ne savait même plus trop ce qu'il disait, il argumentait pour défendre absolument n'importe quoi. Enfin, il n'y tint plus.

- Yumi, il y a quelque chose que je voudrais te demander depuis maintenant plus d'un mois. Quelque chose qui m'importe beaucoup.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Voilà...Ça fait plus de deux ans, mais...Est-ce que tu m'en veux de ne pas t'avoir suivie au Japon ? quand tu es partie, tu sais ?...

La japonaise ne répondit pas tout de suite. Elle ne s'attendait pas à cette question, et ça la troublait ; se souvenir de son départ, c'était remuer beaucoup de choses du passé, qu'elle avait à peu près oubliées et enfouies. La fin de leur relation en particulier, où elle-même, à force de trouver son copain insensible, n'était absolument plus amoureuse et n'osait pas lui en parler ; sa décision de partir dans un Japon en crise pour fuir cette Europe qui vieillissait, s'endormait sur ses lauriers, vivait son petit train-train quotidien et routinier sans se poser de questions, sans rien éprouver d'agréable, de vrai, de personnel – pour fuir Ulrich qui n'avait plus de cœur.

- C'est que...je ne t'ai jamais demandé de me suivre...
- Je sais, mais j'aurais dû ! s'écria celui-ci, son visage se tordant d'une expression douloureuse. J'aurais dû tout quitter, j'aurais dû oublier mon père et ses foutaises, j'aurais dû abandonner derrière moi l'Europe, mon boulot et toutes ces choses qui n'avaient aucune importance à mes yeux – j'aurais dû voir ce que j'avais près de moi, tout ce bonheur que je ne goûtais pas assez pleinement!

Ulrich leva les yeux et regarda à travers un rideau de larmes. Yumi s'était reculée, un peu effrayée par ce débordement soudain, et lui avait à moitié quitté le siège dans son brusque désespoir ; son cœur battait comme un fou, à lui en faire mal aux côtes. La situation se figea dans une sorte de froid insensible. Ni l'un ni l'autre ne savaient quoi faire. La jeune femme avait toujours peur, et sentait se durcir en elle, au milieu de sa crainte surprise, comme une sorte de souffrance, de compassion pour cet Ulrich qu'elle voyait soudain si détruit, détruit plus qu'il ne l'avait cru lui-même ; quant à ce dernier, il se sentait rongé par une honte comme il n'en avait jamais ressentie. Qu'osait-il faire, lui qui avait été si lâche, si indifférent, si stupide ? mendier de l'amour ?
Ce fut Yumi qui la première eut le courage de parler. Et son ton, catégorique, plus froid, plus dur, que la glace, que le métal d'un poignard, transperça Ulrich de part en part.

- Tu aurais dû, mais c'est fini.

Oui, c'était fini. Tout était fini, depuis ce jour en seconde. Des larmes coulèrent encore sur les joues d'Ulrich. Qu'avait-il cru ? il ne le savait trop lui-même. Peut-être n'avait-il rien cru, s'était-il juste laissé emporter dans sa folie. Cependant, il se prit à espérer...espérer que Yumi lui pardonnerait, se jetterait dans ses bras, et l'aimerait encore, récompensée cette fois de tout l'amour qu'il aurait dû lui rendre ces dix dernières années.
Il aurait dû, mais...c'était fini.


Dernière édition par Belgarel le Lun 25 Oct 2010 09:54; édité 2 fois
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Quater MessagePosté le: Jeu 26 Aoû 2010 11:58   Sujet du message: Répondre en citant  
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Localisation: Je ne saurais le dire...
Quelle boucherie ! Et XANA qui continue d'envoyer ses monstres au casse-pipe... Il veut juste alimenter le programme de stats de Jérémie ou quoi ?
Et un désert, un vrai, sur Lyokô... Je m'attendais presque à trouver des monstres-chameaux ^^.

En bref, une section musclée, avec les apparences d'Odd, d'Adèle et de ( Surprised ) Jérémie (a priori c'est un vrai tueur sur Lyokô). Et Ulrich qui se fait rembarrer (je note d'ailleurs que c'est une constante dans les fics, il n'arrive jamais à être pour de bon avec Yumi).

Belgarel a écrit:
Comme ça, je vous abandonnerai en plein suspense ^^ Laughing

Espèce de sadique... Evil or Very Mad

Belgarel a écrit:
Je vais donc la laisser, ça te donnera un trophée, sans me vanter Razz

Attends, c'est pas tous les jours qu'un taupin peut en remontrer à un khâgneux sur le français Cool
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Belgarel MessagePosté le: Jeu 21 Oct 2010 15:45   Sujet du message: Répondre en citant  
[Manta]


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Posté le: Jeu 26 Aoû 2010 18:14
Bon, ce post risque bien d'être le dernier avant plusieurs mois ^^ Mais...si ça peut consoler, y'a de l'action. Pas autant de suspense et de tension que dans la suite du cycle, mais c'est déjà plus que dans les dernières deux sections (qui n'étaient pas tout à fait plates, mais étaient plus faibles en surprises, disons...)
En gros, à partir de là, les choses se compliquent...

EDIT du 21 octobre : Eh, mais attendez ! Pas un seul commentaire ? O_ô
Oh, je suis déçu...
Qu'importe, je poste ma suite. Section 10 en-dessous de la 9. Plutôt calme. Ca ira vraiment beaucoup mieux avec les deux suivantes, qui ont été palpitantes à écrire.
Pensez à me dire ce que vous pensez de l'usage des bannières spoilers (ô lecteurs fictifs). Si ça ne convient pas, soit. Moi je pense que ça allège les pages et que ça segmente le texte...et avec ça, augmenter les marges ça peut avoir un côté positif, non ? Enfin, j'ai donné mes arguments.
Du reste, j'ai avancé, en deux mois. J'ai fini la section 12 sur des révélations passionnantes. Quant au cycle 4, il est encore, dans ses détails, assez flou – mais je sens qu'il sera prenant.
Du reste, j'aurai besoin de détails, si le MP du coin veut bien me les fournir dans la mesure de ses moyens Wink

*****

9

Jérémie pianotait sur le clavier de son ordinateur portable avec une excitation à son comble. Le pouvoir d'Adèle lui avait donné une idée – et si seulement il parvenait à la réaliser, cela signait la fin des ennuis dans une large mesure. Il était tellement absorbé par son programme qu'il n'entendait absolument plus ce qu'on lui disait et ne faisait plus du tout attention à ce qui se passait autour de lui. Tout à coup, un hurlement le tira de ses rêveries et de ses réflexions intenses.

- Belpois !

Le jeune homme sursauta. Le visage de Sarles se trouvait à vingt centimètres de lui, et l'ancien sportif le fixait d'une façon presque terrifiante. L'entraîneur se redressa avec un sourire satisfait.

- Eh bien ! il m'en aura fallu, tu temps, pour te tirer de ta concentration ! J'ai quelque chose à te dire, Belpois.
- Je vous écoute, répondit l'informaticien, calme en apparence, mais appréhendant la suite en réalité.

A sa grande surprise, Sarles s'inclina.

- J'ai été un peu trop dur avec toi ; je vois que depuis un mois, le projet avance correctement, et même au-delà des espérances du patron. Je voudrais que tu m'excuses.
- Bien sûr, répondit l'autre en riant. Du reste, tu disais que...le projet avance au-delà même des espérances du patron ?
- Je savais que ça ne poserait pas de problèmes avec toi ! fit l'autre, visiblement soulagé. Ouais, le projet cartonne, en particulier grâce à tes programmes bonus. Les directeurs y ont jeté un coup d'œil, et quand les gars de l'équipe ont expliqué, ils ont adoré !
- De quel programme parles-tu en particulier ? s'étonna Jérémie, saisi d'une peur subite.
- Oh, tu sais, ce truc que tu m'as montré pour défendre ton droit à travailler en parallèle.
- Le monde virtuel, interface de protection des données ?
- Ouais. Ils y ont réfléchi pendant toute une semaine, et c'est fantastique – ça dépasse de loin tout ce qu'ils avaient pu imaginer ! Ils pensent que ce support permettrait de créer une véritable simulation, avec des applications dans le domaine des effets spéciaux au cinéma, du jeu sur Internet, et même du jeu vidéo de l'avenir. Ils ont même parlé de projets utopiques et de choses absolument incroyables ! tu aurais vu leur enthousiasme, ils pensent que ce secteur de recherche est le produit le plus prometteur de la boîte depuis plus de vingt ans. Et tout ça, grâce à toi !

Jérémie était absolument abasourdi. C'était une véritable catastrophe. Si son entreprise lançait un deuxième SuperCalculateur, dénué de la protection que fournissait l'énergie virtuelle du SuperCalculateur de l'usine aux tours, ou les scanners face aux attaques – ou pire, si le programme permettant de créer un monde virtuel était balancé sur le marché – alors tout espoir était définitivement perdu. XANA serait capable de créer des centaines de Réplikas à nouveau en moins de temps qu'il ne fallait pour le dire. Et tout ça à cause de lui.

- Mais comment se fait-il que les patrons aient vu ça ? s'étonna l'employé avec un air content.
- Oh, euh...eh bien, j'ai profité de ta pause pour prendre ton portable personnel et leur montrer ces fameux programmes, avoua le cadre intermédiaire. Je suis désolé, Belpois, mais c'était le seul moyen de sauver ta peau.
- Quand est-ce qu'ils comptent l'utiliser, mon programme ? s'enquit Jérémie. Car je dois avouer qu'il est encore loin de fonctionner, et que des hasards extraordinaires seuls ont permis de le faire arriver là où il est.
- Des hasards ? fit Sarles, à moitié surpris et à moitié suspicieux. Je croyais qu'il n'y avait pas de hasards en informatique ?
- Ce n'est pas vrai lors de la conception, souligna Jérémie avec un clin d'oeil. Par exemple, une fois, des bonbons sont tombés sur mon clavier, et ça a réglé de soi-même un problème avec lequel je me battais depuis des mois !
- Ah bon...ah...bafouilla Sarles, peu convaincu. Bon, en tout cas, dès demain, le programme sera donné à travailler à chacun des membres de l'équipe. Ils pourront s'y mettre tout de suite, mais bien sûr, avant le lancement, il faudra encore attendre que les autres taupes à côté aient résolu leur problème quantique, ajouta-t-il avec un sourire niais avant de se retirer.

Jérémie se replongea pensivement dans son travail de programmation ; il n'avait plus le cœur à continuer ce nouveau programme dont il venait d'avoir l'idée. Pour le moment, tout en exécutant son petit boulot de récitation (car la plus grande partie de son travail pour l'entreprise consistait à recopier les codes qu'il avait trouvé sur le SuperCalculateur treize ans plus tôt), il se concentrait sur un moyen de faire face à cette nouvelle menace sans perdre son poste, car, après tout, c'était la seule prise qu'il avait maintenant sur cette nouvelle machine infernale...

***

Sur le pont de l'usine, Odd commençait à s'impatienter. Aelita, Adèle et Ulrich tentaient de le calmer, mais il n'y avait rien à faire : monsieur Della Robbia était nerveux à l'idée que Jérémie leur demande de faire des heures supplémentaires, et en fin de compte, ne les invite pas au restaurant, le laissant mort de fin.

- Enfin, Zarb, c'est ridicule ! le rabroua l'adolescente en l'appelant par son nouveau petit surnom. Jérémie ne ferait jamais ça à un estomac sur pattes !
- Et d'ailleurs, Yumi est également en retard, dit Aelita. Comment peux-tu lui en vouloir à lui seul ?
- Je lui en veux parce que s'il n'avait pas dit qu'il serait en retard, Yumi serait arrivée, et tout le monde serait en ce moment même à bord du Skid ! Donc, j'ai faim par sa faute !

Le reste de la bande soupira. Il était inutile de vain de vouloir raisonner un type aussi obstiné, mieux valait simplement le laisser se défouler sur le responsable tant qu'il n'était pas là. Mais à peine les amis s'étaient-ils résignés à laisser Odd grogner des insanités tout son soûl qu'une silhouette se dessina à l'autre bout du pont.

- Ah, merci, Einstein n'a pas trop traîné ! s'exclama le râleur.

Ce dernier fut bientôt déçu : ce n'était pas Jérémie qui était apparu à l'autre bout du pont, mais Yumi. Celle-ci avançait par grandes enjambées furieuses et soufflait comme un bœuf, rouge de colère.

- Eh bien, c'est quoi ce retard ? lança le blond, qui était dénué de tout sens de l'observation pour ce genre de circonstances.

Son châtiment fut de se faire passer dessus sans aucun ménagement ; son mal de ventre redoubla, il resta plié dans un coin à digérer les effets d'un puissant coup de poing.
Mais Yumi continuait sa course furibonde. Elle passa sans les saluer devant Aelita, et Adèle, puis s'arrêta devant Ulrich, se cambra fièrement et gonfla son torse. Le jeune directeur, qui avait pâli dès qu'il avait vu l'humeur massacrante de sa bien-aimée, se mit à trembler comme une feuille.

- Toi ! commença-t-elle à hurler, au comble de la rage.
- Écoute, Yumi, je sais que...tenta de s'excuser Ulrich.

Un violent coup de pied au menton l'empêcha aussitôt de continuer et le fit tomber en arrière. A terre, il gémit et commença à se masser la mâchoire ; il saignait abondamment du nez, ce qui tachait ses mains et tous ses vêtements.

- Espèce de crétin dégénéré ! beugla Yumi, hors d'elle, avant que quiconque eût pu réagir. Mais enfin, tu tournes pas rond dans ta tête de con ou quoi ?
- Je suis vraiment désolé, Yumi, marmonna péniblement Urich en commençant à se redresser. Je n'aurais pas dû...
- Râh ! gueula la geisha en rouant de coups le corps recroquevillé à terre. Ta gueule, ta gueule !

Aelita et Adèle se précipitèrent pour retenir leur amie, l'empêcher de commettre quelque chose d'irréparable, qu'elle regretterait. Mais même si deux paires de bras lui enserraient les poignets dans le dos et l'entraînaient en arrière, elle fut capable de pousser d'un dernier coup de pied le jeune homme d'affaire dans le vide derrière lui ; Ulrich bascula.
Ce fut un instant d'horreur. Personne n'osait bouger. Personne n'osait aller regarder en contrebas. Personne ne voulait regarder personne, y compris soi-même. Le bruit de la chute du corps s'accompagna d'un craquement sinistre. Soudain, la jeune japonaise se remit à respirer, d'un souffle saccadé ; comme folle, elle se rua vers le vide et sauta sans voir si elle attrapait une corde, les yeux fermés et débordants de larmes.
Ulrich était à ses pieds, à demi redressé. Il sourit en la voyant.

- Je l'aurai bien mérité, dit-il.

Dès qu'elle le vit sourire, toute sa colère lui revint. Elle lui décocha un nouveau coup de pied qui le mit au tapis et partit en courant.

***

- Je serais tout de même curieuse de savoir ce qu'il a bien pu lui faire pour qu'elle te mette dans cet état...
- Même moi, gloussa Adèle, alors que tout le monde dit que je suis impulsive à souhait, je ne me suis jamais acharnée sur personne à ce point.

Odd était parti avec le blessé, pour l'emmener à l'hôpital le plus proche. Outre son abondant saignement de nez, le jeune homme avait écopé d'une entorse à la cheville. Le plus bête, avait-il avoué, c'est qu'il avait fait exprès de se laisser tomber – par envie suicidaire ? par espoir de vengeance ? Les dames avaient recommencé d'attendre Jérémie, pour lui annoncer que l'expédition dans la mer numérique était annulée. Ce qu'elles feraient avec grand regret, étant donné que la mission du jour concernait non seulement un foyer d'informations sur XANA qui permettrait peut-être d'en finir avec le programme, mais aussi avec un important fragment fantôme de Hopper, le premier qu'avait repéré le programme de traçage fabriqué par Jérémie.

- Je n'avais jamais vu Yumi dans cet état, continuait Aelita, pensive. J'espère qu'Odd nous dira ce dont il s'agit...

L'atmosphère était encore lourde de la bagarre quand, quelques minutes plus tard, l'informaticien arriva en courant, complètement épuisé.

- Annulation de la mission d'aujourd'hui ! s'exclama-t-il avant d'arriver sur place ; puis, lorsqu'il ne vit ni Ulrich, ni Odd, ni Yumi, il s'étonna : il y en a qui sont encore plus en retard que moi ?
- Ils sont repartis, expliqua Aelita. Il y a eu une altercation ; Yumi a failli tuer Ulrich – et ce n'était pas assez pour la calmer.
- Du coup, ça tombe bien que la mission d'aujourd'hui soit annulée, renchérit la collégienne. Quelle est la raison ?
- La raison, répondit froidement Jérémie, c'est qu'une mission urgente et mille fois plus importante vient de nous tomber sur les bras ! Alors, avec ou sans cette bande de crétins, nous allons la mener, à trois !
- Quoi ? s'écria Aelita. Mais c'est de la folie, Jérémie ! Je sais bien que nous n'avons pas encore croisé de monstres dans la mer numérique, mais tout de même, y aller à deux seulement, c'est de la folie !
- A deux ? rétorqua Jérémie. Qui a dit qu'il y aurait deux personnes ? Je parle de deux travaux à effectuer simultanément : un dans la mer numérique, un autre translaté.
- Jérémie, du calme, l'interrompit Adèle. Tu as l'air d'un fou !

L'intellectuel soupira en se passant une main sur le front. Comme toujours quand elle lui disait ça, la jeune fille avait raison. Il n'en restait pas moins que, quand il reprenait, même si son ton était plus calme, son propos demeurait toujours inchangé. Cette fois, pourtant, il n'eut même pas le courage de changer de ton.

- Si nous ne le faisons pas, le problème sera réglé : XANA sera capable de créer des Réplikas d'ici demain. Nous aurons perdu notre ultime espoir de l'anéantir à jamais. C'est capital, ce que je vous signale !
- Bon, écoute, Jérémie, je veux bien que nous nous lancions là-dedans, mais à condition que tu descendes toi-même sur Lyokô ! insista Aelita.
- S'il n'y a vraiment aucun autre moyen, je suis prêt à le faire, répliqua Aelita. Allons-y ; chérie, nous filons aux scanners ; Adèle, tu t'occupes des commandes. Tu envoies Aelita dans le secteur 5 et moi, près d'une tour, que tu actives, dans laquelle je rentre, et à partir de laquelle tu lances le processus de translation à mon signal. Je te guiderai.

Il n'avait pas fini de parler que l'ascenseur était déjà arrivé et qu'il poussait les filles dedans. Même Aelita confia qu'elle n'avait jamais vu son mari dans un tel état de panique.
Une fois dans la salle des scanners, Aelita dut supporter la panique de Jérémie qui voulait monter aux commandes pour les activer lui-même, et déconcentrait Adèle à force de s'énerver. Elle finit même par lui balancer une claque.

- Et maintenant, tu rentres dans ton scanner et tu la laisses faire ! lui jeta-t-elle.

A contrecœur, il s'exécuta. Dès lors, il ne fallut pas plus de quelques secondes pour permettre à Adèle de lancer la virtualisation.
Enfin débarrassée de lui, songea Aelita en atterrissant sur la paroi de cristal du secteur 5. Ce n'était pas que son mari l'agaçât autant d'habitude, mais son comportement depuis son arrivée la révoltait. N'avait-il pas entendu ? Ulrich était passé à deux doigts de la mort, Yumi risquait de quitter la bande, et lui ne se souciait que de cette mystérieuse mission dont, probablement, il exagérait l'importance. Il n'avait pas même dit un mot sur l'état de ses amis. Était-ce seulement la panique, ou bien aimait-elle un monstre ?
Tout en courant au sein du labyrinthe, guidée par la jeune fille, elle songeait qu'il lui arrivait de plus en plus souvent d'être dégoûtée de l'obsession de Jérémie à vaincre XANA ; il lui semblait parfois que si son amant se battait, c'était plus pour régler une vieille affaire personnelle, une vengeance, que pour la protéger, elle, du programme malfaisant. Depuis que Lyokô avait été remis en route, elle avait l'impression de le perdre, de ne plus le connaître. Où était passé ce jeune homme timide et passionné dont elle était tombée amoureuse ? elle ne voyait plus qu'un squelette décharné, violent et insensible.
Je dois perdre la tête, moi aussi, pensa-t-elle en appuyant sur la clé qui débloquait le mécanisme d'invisibilité du Skid. Peut-être est-ce moi qui perds le sens des réalités ; un pétage de plomb ne peut pas faire de lui un monstre...non plus que de Yumi...
Dans l'immense salle de cristal où elle se trouvait apparut alors, suspendue dans les airs entre quatre piquets d'ébène, une grande sculpture d'acajou et de verre, qui, dans l'ensemble, ressemblait au premier modèle du Skidbladnir par la forme, mais qui désormais était ornée de moulures, de sculptures délicates, d'anges gravés et d'inscriptions en latin, sans mentionner une immense figure de proue assise à son sommet, représentant un immense dragon asiatique siégeant sur un tas d'or, qui tournait son regard en même temps que le Skid, crachant éventuellement des flammes de rubis aux moments les plus inattendus, et dont le corps s'enroulait tout le long du vaisseau. La voilà, la véritable passion de mon mari, ne put s'empêcher de penser Aelita.

« Aelita, Jérémie est dans les temps. » l'informa Adèle. « Il m'a demandé de lancer un programme de son ordinateur avant de t'embarquer. Attends deux secondes...Voilà, c'est prêt. Dès que c'est fini, je t'envoie. Recontacte-moi au hub ; je t'enverrai les coordonnées que signale Jérémie. »

Une immense lumière envahit le hangar du Skidbladnir pendant plusieurs dizaines de secondes ; quand elle eut cessé, le dragon poussa un hurlement sauvage, et ses yeux s'allumèrent, lançant une lumière verte qui se refléta dans le secteur tout entier. Aelita s'empressa de monter à bord, et sitôt cela fait, brisant tous ses records de vitesse, elle quitta le territoire, entra dans la mer digitale, et sortit de Lyokô.

- Bien, je suis au hub maintenant, déclara-t-elle enfin.
« Pas trop tôt ! » lui reprocha Adèle. « Si tu savais ce qu'il a pu être casse-pieds. Alors, le code, le voilà – à toi de jouer. Il dit que tu dois chercher quelque chose que regarde le dragon, et qui deviendra noir dans la lumière verte, et juste stationner devant en attendant plus d'instructions, qu'il t'enverra quand il sera à son bureau. Comprenne qui peut ! »
- Non, je vois ce qu'il veut dire. Souhaite-lui bonne chance de ma part pour son travail.
« D'accord, mais c'est bien pour toi. Il faudra que tu lui offres de chouettes vacances le plus vite possible, car urgence ou pas, il dépasse les bornes, ton Jérémie ! »

Aelita soupira, et replongea dans ses pensées.

***

- T'en fais pas, le docteur a dit qu'il faudrait même pas opérer, insistait Ulrich. Une attèle et c'est tout ; je serai sur pieds dans moins d'un mois !
- Mais je sais pas si tu te rends compte du bol que tu as eu ! répliqua Odd.
- T'appèles ça du bol ? lança le cadre, ébahi. Je pourrai rien faire d'ici trois semaines !
- Elle aurait pu te casser le cou, vieux ! elle était déchaînée, du jamais vu.
- Elle en a fait plus qu'elle ne le voulait, tenta-t-il de le convaincre, fuyant le problème. Je suis sûr qu'elle regrette.
- Et moi je suis sûr qu'elle regrette de t'avoir raté, rétorqua son copain. Tu vas pas me dire ce qui l'a fait réagir comme ça ? à moi, ton vieux pote ?

L'autre garda le silence. En d'autres circonstances, il aurait ignoré Odd et serait parti, les mains dans les poches ; mais le souci, pour le moment, c'était qu'il ne pouvait pas se déplacer. Il était forcé d'avouer.

- J'ai...je l'ai fait suivre par un détective privé...
- Quoi ? s'écria Odd. T'as fait ça ? elle a pas tort de dire que quelque chose tourne pas rond chez toi !
- C'est juste que quand elle a dit que c'est fini, j'ai – comment dire ? – perdu la boule. J'ai voulu savoir...être tout à fait sûr...qu'elle ne me cachait pas quelque chose, quelqu'un.
- Et alors ?
- Je crois que j'aurais préféré qu'elle ait trouvé quelqu'un. Au moins, elle aurait été heureuse, et puis, j'aurais pas eu la preuve que je suis le dernier des cons.

Odd laissa passer un silence désespéré pendant qu'un urgentiste s'occupait de son attèle. Il était tout à fait abasourdi, tant par l'état de son ami que par la réaction de Yumi.

- Tu crois que tout est vraiment fini ? chuchota-t-il dès qu'ils furent seuls.
- Tu essaierais de vérifier si tu étais moi ? rétorqua sèchement le blessé en exhibant sa jambe.
- Sans hésiter, répondit l'autre sur un ton de défi. Ishiyama et Stern, ça sonne faux, mais ça s'arrête pas comme ça ! Pour qu'elle réagisse aussi violemment, il faut bien qu'elle ait éprouvé quelque chose de violent.
- Une violente haine, ça te va ? lança l'autre en tentant de se remettre debout et de boîter jusqu'à la sortie.
- Je suis convaincu qu'elle n'a jamais été aussi amoureuse de toi ! le poursuivait l'autre.
- C'est ça, c'est ça, ricana l'autre froidement. Je crois qu'elle est prête à passer à l'acte.
- Mais enfin, je croyais que Yumi et toi, vous aviez déjà...

Ulrich se retourna et le regarda d'un air désespéré. Odd était vraiment le dernier des crétins, pour ne pas comprendre cette blague après tant d'années passées avec lui. Monsieur Stern, résigné à expliquer, lança en claquant la portière de sa voiture :

- Un acte de haine, pas d'amour, tête de nœud.

Il démarra en trombe, laissant son vieux pote seul à l'hôpital, avec deux heures de marche en perspective, et peut-être une porte fermée à l'arrivée.

***

Jérémie venait d'arriver au pied de l'immeuble où il travaillait, après une longue course de spectre polymorphe. Sa firme possédait les bureaux des étages 20 à 40 d'une immense tour de verre du quartier de la défense, heureusement désert. Ça faisait beaucoup de choses à fouiller, songea-t-il ; heureusement, en sa qualité de spectre polymorphe translaté, il était toujours doté des pouvoirs qu'il avait sur Lyokô, et, en particulier, celui de créer une arme adaptée à ses besoins.
Le premier obstacle, c'était la porte fermée à clé. Comme il préférait la discrétion, Jérémie lança un grappin directement à la fenêtre du premier étage qu'il comptait attaquer, le plus haut, où travaillaient les directeurs. En un rien de temps, il arriva à la vitre brisée, et, accroché au rebord, la fit fondre et s'introduisit dans une pièce déjà sombre. Un nouvel outil apparut entre ses doigts, un petit ordinateur portable au centre d'une sphère orangée de quatre mètres de rayon. Il tapa quelques signes sur le clavier, lançant ainsi un programme qu'il avait passé plus d'une heure à produire. La sphère demeura orange. Il marcha de long en large pour être sûr d'avoir exploré chaque centimètre cube de l'étage, il ne se passa toujours rien. Il grogna ; il lui faudrait faire tous les étages.

« Jérémie, Aelita est au hub. » résonna soudain la voix d'Adèle.

Le jeune informaticien soupira et lui envoya les coordonnées auxquelles devait se rendre Aelita dans le réseau pour se connecter au système de l'entreprise d'un ton agacé. Puis, quand ce fut réglé, il pointa un gros canon sur le sol, près de l'ascenseur.

- Jéronimo, marmonna-t-il pour lui-même, sans grand enthousiasme.

Il tira, le sol s'effondra, et il descendit par l'ouverture béante qu'il avait ouverte vers l'étage inférieur.
Trois étages plus bas, il eut enfin une bonne surprise. La sphère devint verte. Il tapa quelques mots sur la machine, qui rétrécit son rayon de recherche à trois mètres. Ainsi, petit à petit, il parvint à localiser ce qu'il cherchait. C'était dans le poste de travail du bureau de Sarles.

- J'ai trouvé ! annonça-t-il à Adèle. Aelita est en place ?
« Oui » répondit Adèle. « Mais je pense que ça pourrait l'aider si tu lui expliquais d'abord d'où te vient cette mystérieuse nouvelle mission ! »
- Si tu y tiens, soupira Jérémie. Mon entreprise a mis la main sur les programmes qui permettent de créer Lyokô et vont bientôt les donner à travailler aux employés. Tant qu'il n'y a qu'une ou deux choses à faire pour détruire la copie qu'ils ont du programme, ça ne me dérange pas ; mais dès demain, il sera trop tard, et XANA pourra mettre la main sur ces précieux codes sans même avoir à activer de tour ! Nous ne pouvons pas nous le permettre.
« J'ai rien pigé, mais je retransmets à Aelita. Attends encore un peu. »

Monsieur Belpois fut à la fois très impatient et, au regard de son état d'excitation après dix secondes d'attente, très patient. Quand enfin il put transmettre les instructions à Aelita, ce fut un soulagement comme il n'en avait jamais connu. Il avait un moment cru que les filles ne lui répondraient jamais, lui feraient la tête, abandonneraient la mission, le laisseraient mariner sur Lyokô...Sans savoir pourquoi, il sentait bien qu'elles lui en voulaient toutes les deux.
Pendant que la pilote du Skidbladnir effectuait les opérations demandées par son mari, isolant les informations dangereuses du réseau, Jérémie se prit à penser à cette affaire que lui avaient racontée Aelita et Adèle à son arrivée ; cette fois, il ne parvenait pas à chasser ce problème de son esprit. Que cet affrontement ait été aussi violent le pétrifiait – quelles causes pouvaient avoir entraîné un tel déchaînement de colère ? quelles conséquences pour le groupe ? il se prit un moment à frissonner (ce qui, pour un spectre, était tout de même extrêmement grave) en songeant que peut-être Yumi ne reviendrait pas dans la bande, ou qu'Ulrich ne voudrait pas se charger du combat contre XANA avec une jambe cassée et des béquilles. Le plus terrible, ce fut l'image qui lui vint soudain, de mademoiselle Ishiyama en train de faire ses bagages pour retourner au Japon, à son bar, à son restaurant. A cette simple idée, il était mort de terreur.

« Mission accomplie. A toi de jouer, Jérémie. » dit Adèle, le tirant de ses pensées.
- Hein, quoi ? ah, oui ! bafouilla le spectre polymorphe, revenant à ses esprits. Je vais chercher le plus d'informations possibles sur ces informations, à savoir d'où elles viennent et si elles ont été copiées ailleurs.

Il alluma la machine, sûr désormais que les informations qu'elle contenait étaient protégées de l'accès par le réseau informatique par le Skidbladnir. Un nouvel outil eut tôt fait de lui révéler que le programme présent dans la machine avait été copié à partir de son propre portable, et qu'il n'avait été copié vers aucun périphérique. Le jeune homme translaté poussa un soupir de soulagement. Il n'aurait même pas à demander à Aelita de traquer d'autres traces du programme dans la mer digitale. Il se releva, détruisit l'ordinateur en quelques coups de rayon fondant, et soupira.

- Mission terminée avec succès. Joli boulot, les filles. On arrête la translation, tu nous ramènes et...
« Je suis désolée pour toi, Jérémie, mais Aelita a insisté. » interrompit Adèle d'une voix sévère.
- Quoi ? s'étonna celui-ci. Quelque chose cloche ? Ne me dis pas qu'en dépit des circonstances, elle veut...
« Dès qu'elle aura récupéré le fichier fantôme que nous devions traquer et récolté les données, elle reviendra ; mais pas toi. »
- Comment ça ? s'écria le jeune homme, plutôt furieux. Qu'est-ce que ça veut dire ? XANA ?
« Tu restes cette nuit sur Lyokô, a-t-elle dit, pour réfléchir à ton comportement. Et elle dit qu'il ne s'agit pas que d'Ulrich et Yumi. Honnêtement, je ne comprends pas tout ce qu'elle veut dire, mais je dois admettre que t'as pas été top sur ce coup, Einstein. »
- C'est parce qu'il y avait une urgence ! protesta l'informaticien. J'avoue, je suis pas fier non plus d'avoir paniqué comme ça et économisé les considérations sur tout ça, mais nous av ions un problème vital !
« Je sais pas trop ; de toute façon, je ne peux rien faire face à Aelita... »

Une idée traversa soudain l'esprit de Jérémie. Il se mit aussitôt à cavaler en direction de l'usine, avec toute sa vitesse de spectre polymorphe. En un bond, il était descendu de la tour et avait enfoncé le sol d'une place du quartier d'affaires ; et tout en courant, il essayait de gagner du temps.

- Bon, Adèle, si je ne reviens pas, il y a du moins des choses que tu fois faire. D'abord, détruit mon ordinateur portable ! il contient lui aussi le programme, et Sarles doit croire que ce programme est définitivement perdu. Donc, un bon coup de talon dans les circuits devrait faire l'affaire ; vise avant tout le disque dur.
« C'est comme si c'était fait. »

Quand elle revint lui annoncer la destruction de la machine, Adèle ne savait pas que l'intellectuel traçait à présent à travers le bois de Boulogne à toute vitesse.

« Autre chose à faire ? »demanda-t-elle.
- Oui. Il faut que tu lances une recherche de Réplikas, pour vérifier que XANA n'a pas mis la main sur le programme. C'est un vieux fichier du SuperCalculateur, je vais t'expliquer comment le faire fonctionner...

Le temps qu'il donne les instructions et que le programme ait été lancé, et il était en vue de l'usine.

« Pas de Réplikas détectés pour le moment. » annonça Adèle tandis que Jérémie se glissait dans la salle de contrôle.
- C'est normal, c'est un vieux programme ! s'écria Jérémie en attrapant son amie par derrière.

Il la souleva du siège en la tenant fermement, tentant de ne pas lui faire de mal au possible – ce qui tenait de l'exploit, vu la façon dont elle se débattait. Enfin, il n'y tint plus, et sortit une sorte de petite lampe torche qui émit une forte lumière dans ses yeux et l'endormit pour une minute. Enfin seul, il put travailler tranquillement sur l'ordinateur pendant la minute de translation qui lui restait. Sitôt se fut-il redressé, satisfait, qu'il vit la collégienne se réveiller. Il s'agenouilla.

- Je suis sincèrement désolé, mais il fallait que je le fasse. Pour parler à Aelita. Maintenant, tu devrais rentrer chez toi ; nous n'allons pas tarder à en faire autant, de notre côté.

Mais la jeune fille aux cheveux rouges n'eut pas le temps de déterminer si le spectre était un rêve ou un être présent qu'il avait déjà disparu. Soudain, elle vit sur l'écran un compte à rebours qui en était à trois secondes. Elle se rua vers les commandes, mais une fois arrivée là, elle ne sur quoi faire ; le compte à rebours arriva à zéro, et la jeune fille put entendre sous ses pieds les scanners chauffer pour matérialiser le scientifique.
Ça va chauffer, songea-t-elle en imaginant la réaction d'Aelita quand elle verrait que son mari avait réussi à se matérialiser contre son gré. Et puis quoi encore ! il n'y aura pas qu'Aelita, se dit-elle : après tout, ce crétin l'avait tout de même agressée à cause d'une scène de ménage que monsieur avait jugée un peu trop froide et distante. D'un coup, elle se sentit tout à fait d'accord avec les excès de la dame aux cheveux roses.
Il était dit que les dames feraient des leurs, ce soir-là !


*****

10

Monsieur Stern ferma à clé la porte de son appartement. Chaque fois qu'il revenait d'une mission sur Lyokô, le soir, en retrouvant cet endroit rangé, paisible, banal pour tout dire, il avait l'impression de ne pas être à sa place, sans pour autant déterminer si sa véritable place était chez lui, dans le salon, une assiette sur les genoux, en train de déguster un dîner cuisiné à la va-vite, ou dans le monde virtuel, sur Lyokô, à combattre des monstres, ou dans le réseau, à rechercher et extraire des informations sur XANA et sur Hopper.
Il enleva lentement son imperméable brun pâle et boita jusque dans la cuisine, où il commença à ouvrir des conserves et à préparer un café noir. Il n'avait pas très faim, et était si las qu'il ne souhaitait rien d'autre que de s'oublier dans le sommeil, mais la situation ne supportait pas le moindre bien-être ; sans y penser, il s'auto-flagellait pour avoir commis une bourde irréparable, qui lui avait ôté Yumi plus sûrement qu'aucun prétendant.
Et quel prétendant, encore ! tout à son mal-être, il se remit à songer à sa jalousie stupide : dès le début, il avait craint ce William à tort, et les choses avaient réussi à empirer quand il était enfin sorti avec Yumi ; ces aventures de collégiens, encore, n'étaient pas grand-chose par rapport à la véritable paranoïa qui l'avait saisi quatre ans plus tard, et durant toute leur relation. La dernière chose qu'il lui avait dite avant qu'elle ne parte au Japon, n'était-ce pas qu'il lui souhaitait beaucoup de bonheur avec un nouveau japonais ?
Et tout ce temps, Yumi était restée seule.
- Espèce de...crétin...dégénéré...se répéta-t-il tout haut, comme il n'avait cessé de le faire ces derniers jours, pour lui-même.
Il sentit une grimace amère, un simulacre de sourire, lui étirer les joues et la gorge.

Ulrich se rendit compte qu'il fixait l'eau bouillante depuis cinq minutes. Il baissa machinalement la chaleur de la plaque et versa quelques poignées de pâtes sans trop regarder ce qu'il faisait.
De l'affaire du détective privé, au moins, une bonne chose, et une seule, était ressortie : le jeune directeur avait compris pour quelle raison, toutes ces années, son cœur avait été malade. Ce qui n'était au départ qu'une lubie d'amoureux était devenu le pire des fléaux dans son esprit et dans sa vie. Il avait lié amour et jalousie, à un point qu'on ne pouvait même pas concevoir. Il avait aimé en convoitant, et il s'était tant acharné à convoiter qu'il avait oublié ce qu'était l'amour – si jamais il avait connu amour sans envie.
Il venait à en douter : avait-il jamais aimé Yumi sans l'envier aux autres, sans vouloir se l'accaparer, connaître chaque instant de sa vie ? cette histoire n'avait-elle pas été dès le début un amalgame de rivalité, de colère, de revanche, de dépit ? qu'avait jamais été ce tendre trouble, en fin de compte, si ce n'est un désir d'en finir, de vaincre, de l'emporter sur cette fille qui, la première fois qu'elle l'avait vu, l'avait tout de même envoyé au tapis ?
Quelle ironie du sort ! le voilà qui avait fini exactement de la même façon que son ancien rival : l'amour l'avait rendu complètement fou. Il n'y avait jamais eu que de la jalousie. Et c'était Yumi qui, en fin de compte, avait gagné. Yumi, qu'il avait tant blessée...avec sa tête de con...
Ulrich était presque heureux qu'elle lui ait cassé la figure. Heureux ? il en était même tout à fait soulagé, oui, dans le fond, c'était un véritable émerveillement que de songer que c'était enfin fini...

Une sonnerie criarde indiqua soudain que quelqu'un cherchait à entrer dans l'immeuble. Le jeune homme revint brutalement à la réalité : deux heures avaient passé depuis qu'il était rentré, deux heures de déprime, durant lesquelles il avait ressassé inlassablement les mêmes réflexions, les mêmes idées, jusqu'à aboutir à un système complet d'explication et d'interprétation de son enfance et de sa vie d'adulte comme découlant directement de l'essence de la jalousie et du malheur. Un grésillement s'échappait de la casserole, où il n'y avait pour ainsi dire plus d'eau, et où une sorte de pâte informe se tordait, presque dansante, étirée entre entre bulles d'air qui éclataient de toutes parts en lançant de grands nuages nauséabonds, et une espèce de rigidité indéfinissable.
Cette andouille d'Odd a dû encore oublier ses clés, se dit le cadre en se dirigeant vers l'interphone. C'est ce qui arrive à chaque fois qu'il sort. Qu'y faire ? c'est une marmotte qui se terre dans son trou, il n'y a pas de solution avec ce genre d'énergumènes, comme disait son père. Quand il fut arrivé, il demanda d'un ton ennuyé qui était là.

« C'est moi. » fit une voix familière entre toutes.

Ulrich appuya aussitôt sur le bouton qui permettait au visiteur d'ouvrir la porte et fonça aussi vite qu'il le pouvait dans sa chambre pour enfiler une veste et un pantalon propres. Il fallait absolument que tout dans l'appartement ait l'air nickel pour accueillir son père.

***

Jérémie se retournait encore et encore sur le canapé, enroulant et serrant autour de lui les draps plissés dont il finissait par devenir prisonnier. Il ne parvenait pas à se sortir ses problèmes de la tête. Ses problèmes ! et combien de milliers d'autres choses. En fait, ce n'était pas tant ses problèmes que des segments émotions fixes, des fragments de pensée incessamment répétés et avortés, dans lesquels il s'enlisait.
Aelita était partie très courroucée et il était rentré seul, il avait peur, et pour elle et pour lui, pour l'avenir et leur bonheur – n'était-ce pas la pire des situations, que d'être en train de dormir dans le salon après à peine trois ans de vie commune ? Il était aussi furieux, il en avait assez, de ces crises de colère et de rejet qui revenaient périodiquement l'angoisser sans jamais se régler tout à fait : il en voulait à Aelita et à son père, il en voulait à ce maudit programme XANA, il en voulait à son travail et à Sarles, il s'en voulait à lui-même, et tout cela s'élevait en une sorte de ras-le-bol généralisé. Sa seule consolation, c'était qu'en ce moment même, Aelita était dans un état sans doute similaire au sien – et c'était une consolation bien amère.

Enfin, il n'y tint plus, il se leva. Il resta un moment debout dans la chambre conjugale, immobile. De toutes les pièces où ils vivaient, c'était le seul endroit où il n'y avait jamais eu de dispute. Jérémie aimait cette pièce. La douceur des draps, la douce odeur du parfum d'Aelita sur l'oreiller, tout dans son aspect chaleureux et feutré le calmait ; il se souvenait que le plus important, pour lui, dans sa vie toute entière, avait toujours été la femme qu'il aimait, et l'amour qu'il éprouvait pour elle. C'était cela seul qui lui avait donné ait la force de lutter encore et encore contre XANA dès le premier jour, c'était cela seul qui l'avait tenu éveillé des nuits entières alors qu'il n'avait encore que treize ans. Bien sûr, il ne l'avait pas aimée au premier regard, il n'avait d'ailleurs jamais cru aux « coups de foudre » ; mais bien que son amour se fût construit petit à petit, avec le temps et les mots, il avait tout de suite senti pour elle...une espèce de tendresse protectrice – plus, oui, car il savait déjà à ce moment qu'Aelita était forte, autonome, capable d'affronter de terribles dangers à un âge où lui n'osait même pas monter dans un scanner. Alors comment se pouvait-il que toute cette force positive, qui le poussait, qui l'entraînait vers elle, se retournât contre son bonheur, contre con amour, contre son couple ? comment l'amour pouvait-il le pousser à haïr ? Et surtout, comment calmer les choses ?
Les mots qu'avait prononcés Aelita au début de leur dispute, les derniers avant leur virtualisation, résonnaient dans son esprit. « Je veux bien que nous nous lancions là-dedans, mais à condition que tu descendes toi-même sur Lyokô ! » Devait-il comprendre qu'elle lui reprochait de prendre trop peu de risques ? d'agir de trop loin ? Non, elle savait qu'il combattait lui aussi de toute son âme, qu'il préfèrerait mourir que de laisser XANA gagner. Non, c'était autre chose – quelque chose de profond, qui concernait leur relation. Ce n'était pas simplement la position de donneurs d'ordres qu'il occupait sans arrêt à l'usine, non, ce n'était pas seulement une question de rapport hiérarchique...
L'évidence le frappa soudain. C'était un problème de distance. Depuis que le SuperCalculateur avait été rallumé, nos deux héros avaient passé de plus en plus de soirées à rechercher des informations ou des fichiers fantômes, désactiver des tours, payer des notes effarantes à la Bonne Franquette, programmer de nouveaux outils et à dormir, qu'à vivre ensemble, amoureux, dans les bras l'un de l'autre, à partager quelque chose qui ne fût pas Lyokô (il en avait d'ailleurs oublié ce qu'ils faisaient de leurs soirées jadis). Et encore, partageaient-ils véritablement Lyokô ? elle sur un monde virtuel, lui derrière un écran d'ordinateur, faisaient face aux choses de façons totalement différentes.
C'était comme aux premiers temps de la lutte contre XANA, quand Jérémie tentait désespérément de la matérialiser – à ce souvenir lointain, sa gorge se serra et les larmes lui montèrent aux yeux. En ce temps-là, que n'aurait-il pas donné pour poser sa main sur sa joue, pour voir son sourire se dessiner sur un visage de chair, pour entendre le bruit de sa respiration à ses côtés, marchant dans la nuit ? n'était-ce pas précisément le même rêve, le même désir, qui lui remuait les entrailles dans tous les sens depuis plusieurs heures, à présent ?

Enfin, il sortit de la chambre, et se mit à cheminer à travers les nuits estivales, d'un pas régulier tout entier rythmé par un but précis. Il savait ce qu'il devait faire.

***

Aelita sentit une caresse délicate effleurer sa joue, elle ouvrit les paupières ; une douce blancheur l'environnait de partout. Était-ce un rêve, ou bien venait-elle de se réveiller ? Elle vit le visage souriant de son amant se pencher vers elle, laissant couler dans ses yeux un regard doux et amoureux, plein de confiance et de légèreté, tel qu'elle ne l'avait plus vu depuis...des mois. Une vigoureuse senteur de fin de printemps envahit son âme tandis qu'il lui prenait la main ; elle se leva avec lui, mais c'était comme si toute la pesanteur de ses soucis était restée à terre, comme si elle laissait tout derrière elle, tout ce qui n'avait pas d'importance, toutes les broutilles et toutes les rancunes.
Dans la lumière blanche omniprésente, la jeune femme aux longs cheveux roses sentit une étrange sensation d'élévation soutenir son cœur. Elle se plongea une nouvelle fois dans le regard rassurant et amoureux de Jérémie, retrouvant une paix, un doux plaisir de vivre, qu'elle n'avait pas connu depuis une éternité, lui semblait-il. Oui, c'était sûrement un rêve : cette lumière, cette tranquillité, ne pouvaient exister quand elle était éveillé. Elle marchait, chaque pas retentissant comme dans un grand vide, les yeux plongés dans ceux de son amant, et un sourire au cœur.

Puis soudain, il s'éloigna, et elle ne le suivit pas. Il lui envoya : « A dans une minute, chérie » avant de disparaître, effacé par la bancheur omniprésente. D'un coup, Aelita revint à elle-même, ce fut comme si elle s'était réveillée. Elle s'était endormie dans la salle du SuperCalculateur, seule dans l'usine, elle avait pris l'ascenseur avec son mari, et à présent elle subissait l'habituelle procédure de virtualisation dans un des scanners. Il n'y avait pas eu un mot, pas une idée, seulement le silence, la gentillesse, l'amour. Ce qui lui manquait. Alors pourquoi s'inquiétait-elle ? elle ne cessait de se demander ce qui allait se passer sur Lyokô, pour quelle raison Jérémie l'avait-elle amenée là, si même cet homme parfait surgi de nulle part était bien Jérémie. Un instant, elle se prit à espérer qu'elle rêvait encore, et qu'elle se retrouverait seule, dans la salle secrète des souterrains de l'usine désaffectée, seule dans un univers qui tombait en morceaux, où son mari lui tapait sur les nerfs, où XANA était de plus en plus dangereux, mais où du moins elle n'avait pas peur que quelque chose ne soit pas réel.

La première chose qu'elle vit, une fois virtualisée, c'était un ciel dur comme le saphir, dans lequel se traînaient çà et là de grands nuages blancs et cotonneux, et que rayait un unique rayon blanc, qui en frappant une étoile se décomposait en un arc-en-ciel sucré. Sous lui s'étendait à perte de vue un gigantesque champ d'herbes foisonnant de fleurs d'été, qui comme dans une peinture jetaient sur fond vert et jaune des grandes taches rouge et or en guise de pétales. Une rivière d'argent chantait entre les mottes de terre fraîche d'où émanait quelque chose de tout à fait nouveau sur Lyokô, la puissante et vivifiante odeur de la pluie. C'étaient des dizaines de senteurs estivales qui s'entrecroisaient ainsi dans les airs, créant un incroyable bouquet de sensations nouvelles. Un souffle de vent fit rouler une grande vague sur les herbes et fleurs au moment où Aelita commença à tomber, et ce fut comme un ballet de couleurs quand elle atterrit dans les bras de Jérémie.

- Pardonne-moi, chuchota-t-il près de son oreille, tandis qu'elle se pelotonnait contre lui. J'aurais dû comprendre plus tôt...
- Comprendre quoi ? interrogea-t-elle, incertaine de ce qu'il voulait dire.

Une étincelle malicieuse pétilla dans le regard du scientifique.

- Que tu m'aimais, répondit-il en souriant.

Une violente émotion secoua Aelita, déchirée entre l'éclat de rire et la culpabilité. Ces mots, si légers en apparence, ne pouvaient pas être un fruit du hasard : en les lui disant, son mari se souvenait encore du premier jour où il les lui avait murmurés. Elle vécut la scène une deuxième fois, avec une intensité décuplée. La pénombre du crépuscule passa sur ses yeux ; elle était dans le parc du lycée, des millions de bourgeons légers se balançaient entre les étoiles, et elle, foulant à grandes enjambées les jeunes pousses qui perçaient les dernières neiges, fonçait comme un taureau furieux vers un grand bonhomme maladif qui la regardait s'avancer avec appréhension.
Comment avait-il pu lui faire ça, à elle ? comment avait-il pu déclarer dans son dos, sans lui en parler, qu'il ne voulait plus la voir ? qu'il pensait que ça valait mieux pour elle et pour lui ? Car ce n'était pas un mensonge, ce n'était pas une farce d'Odd : le lycéen l'avait bel et bien dit, elle l'avait entendu le répéter. Qu'était-ce encore que cette réaction ? une forme de harcèlement ? Elle bouillonnait, hurlait de rage : pourquoi ne se battait-il pas, s'il s'estimait malheureux ?
Blessée par tant de goujaterie, elle réclama des explications. Et le misérable bonhomme qui lui faisait face ne put que bégayer que c'était son choix, que c'était sa faute, et qu'elle était responsable. Aelita insistait, il perdait la tête ; enfin, il lui cracha : « J'en ai juste marre ! tu ne me regardes jamais, tu me fuis, tu es devenue froide, froide et insensible ! »
La jeune fille ne sut pas trop ce qui arrivait, quelle colère la prenait soudain ; toujours est-il que l'instant d'après, elle était figée, le bras dur, la main gauche raide, et que Jérémie s'était tu, une grande trace rouge sur la joue droite, les lunettes tombées sur les racines tortueuses d'un chaîne à près d'un mètre de là. Il la regardait, et elle n'osait bouger. Aelita savait que sans ses lunettes, l'intellectuel était pour ainsi dire aveugle. Si proche qu'elle fût de lui, sa tête n'était déjà plus qu'une tache pâle en-dessous d'une boule rose bonbon. Et pourtant, il ne fit pas un mouvement pour récupérer ses lunettes ; il ne pensa même pas à les chercher. Il semblait que, pour la première fois, il voyait clair.
Jérémie baissa les yeux et soupira.
« Pardonne-moi » dit-il. « Je...je n'avais pas compris... »
Soudain, toute sa fureur quitta Aelita. Et elle sut aussitôt qu'il s'agissait de quelque chose de vraiment important. Son cœur battit plus vite, son souffle s'accéléra, elle était pendue aux lèvres du jeune garçon.
« Compris quoi ? » murmura-t-elle tout doucement, comme si elle embrassait déjà la réponse.
Jérémie releva la tête, les yeux remplis de larmes.
« Que tu m'aimais. »

- Mais en fin de compte, comme tu le vois, j'ai décidé de passer la nuit sur Lyokô, comme tu me l'as si vivement demandé, déclara Jérémie, plein de bonheur en désignant le ciel au bleu profond.
- Nous sommes vraiment sur Lyokô ? demanda Aelita. Mais enfin, comment as-tu fait cette merveille ?
- Eh bien, c'est un nouveau territoire expérimental que je construisais à mes heures perdues – notamment, quand je n'avais plus de données à analyser ou que les emboîtements de fichiers de Franz me cassaient la tête.
- Ça me fait penser...tu as réussi à comprendre comment ça se fait que les fichiers soient toujours entiers, non corrompus, et qu'ils se baladent sans se disloquer dans la mer numérique ?
- En fait, la mission d'aujourd'hui constituait à récupérer un petit fragment qui permettait de vérifier une hypothèse. Vois-tu, dans le premier fantôme, il y avait un fichier auquel je n'avais pas prêté grande attention ; mais en y regardant de plus près, je me suis rendu compte qu'il avait servi à mettre au point un programme qui n'apparaît nulle part ailleurs, et que Hopper gardait visiblement sur lui. Je me demande si ce n'était pas une sorte de dispositif de secours, pour éviter une mort définitive.
- Virtualisé à jamais...soupira Aelita. Mon père aurait donc réussi à trouver de son vivant le moyen de vaincre la mort ?

***

Monsieur Stern senior faisait les cent pas dans la cuisine de son fils. Enfin, il explosa.

- Enfin, regarde-toi, Ulrich ! je ne te reconnais pas.

Le jeune directeur essuya sans broncher ce jugement sévère. Il avait connu pire en matière de remontrances, depuis le temps où il avait décidé de travailler avec son père – et même plus encore avant. Ce dernier s'arrêta un moment près de l'évier, dans lequel son fils avait balancé en vitesse la casserole de spaghettis, d'où dégoulinait une sorte de pâte à demi fondu et de couleur indéfinie ; il la prit du bout des doigts et l'examina avec une grimace tout en continuant ses commentaires.

- Tu vis n'importe comment, tu abrites un SDF, ton appartement est dans le plus complet...désordre, lâcha-t-il en jetant la mixture. Et faut-il parler de ton attitude au travail ? Tu sais parfaitement que je ne t'emploie pas pour glander, et ça fait bien trois mois que ça se relâche gravement ; si tu étais un salarié normal, j'aurais déjà trouvé le moyen de te mettre à la rue. Ça recommence comme quand tu étais gosse. En quelle année était-ce, encore ? Tu devais être en primaire, à cette époque...
- C'était pendant que j'étais au collège, grogna Ulrich d'une voix terne.

Son père le regarda avec son regard le plus sévère.

- Je n'aime pas ce ton, fiston, siffla-t-il, menaçant. La prochaine fois que tu me défies de la sorte, je sanctionne. Décidément, on te croirait redevenu un adolescent. C'est d'ailleurs ce que tu as toujours été : un petit adolescent rebelle et je-m'en-foutiste. Moi, je veux que tu sois un homme. C'est compris ?

Ulrich soupira. Son père venait de lui prouver une fois de plus qu'il ne l'avait jamais connu. Il essayait désespérément de s'expliquer l'attitude de son fils avec des séries de rapprochements, des stéréotypes tout faits et tout simples. En temps normal, il n'aurait même pas laissé sa colère monter et il aurait perdu la face sans même grommeler ; pire, il aurait admis sa défaite et sa part de responsabilité tout aussi placidement. Mais là, il ne pouvait s'empêcher de se révolter contre cette stupidité, contre ces automatismes, contre cette vision toute faite du monde et des gens.

- Je t'ai déjà répété mille fois que la vie est un combat ! s'exclamait le vieil homme avec énergie. Un combat ! j'approche de la soixantaine, il est temps que je pense à celui qui après moi tiendra ma place dans les rangs – et je serais navré si tu n'étais pas le légitime héritier du trône, mon garçon. Tu me verrais confier mon poste à Anches ? ou à Ngyuen ? Pourtant, ces deux hommes sont des directeurs plus compétents que toi, et si tu ne te remues pas, je ne te ferai aucun cadeau : le poste ira au plus capable ! Alors défends-toi, bats-toi !

Les lèvres d'Ulrich remuaient en même temps que celles de son père, lançant en silence un discours tout aussi véhément, tout aussi énervé. Oui, il voulait se défendre, oui, il voulait se battre, il débordait d'énergie guerrière – et il aurait volontiers enfoncé un katana dans la gorge de ce père stupide, pour le faire taire.
Mais il n'allait donc jamais arrêter de déblatérer ses conneries ? Ulrich avait beau acquiescer platement en hochant la tête constamment, donner du vrai dans tout ce qu'il disait et dans tout ce qu'il s'imaginait, son père n'en finissait pas d'enchaîner hypothèse stupide sur hypothèse stupide.
Puis d'un coup, il songea qu'il avait perdu Yumi et se sentit la dernière des andouilles. Toute sa force le quitta, il s'effondra en pleurant sous les yeux de son père.

- C'est ça, pleure, perdant ! lui lança l'autre d'un ton acide. Ah, tu viens de comprendre ; ah oui, ça me fait mal à moi aussi, de voir ce que tu deviens. Une loque, une bouillie informe et indigeste, comme ce machin que tu as essayé de faire dans la casserole. Pleure, andouille !

Soudain, Ulrich n'y tint plus ; il se rua sur son père, l'agrippa au collet et le souleva jusqu'au niveau de ses yeux.

- Écoute bien ça, vieux con, cracha-t-il, glacial comme jamais il ne l'avait été. Je viens de me prendre la veste de ma vie. Alors tes grands discours de merde, je m'en bats les couilles. Et je sais de quoi je parle ! ça fait dix ans que je me bats les couilles !

Il le jeta à terre. Un moment, il resta devant le vieil homme, ramassé à terre et toussant dans la poussière du paillasson. Une loque, pensa-t-il, face à ses efforts pitoyables pour se relever. Puis il fit demi-tour et partit dans sa chambre en jetant sa cravate derrière lui et claqua la porte. Il sortit une valise de dessous sa commode et l'ouvrit sur le lit. Il partirait à Okinawa dès le lendemain, quel que soi le coût. Il commençait à rassembler des vêtements et autres affaires quand on frappa timidement quelques coups à la porte.

- Fous le camp de chez moi, connard ! hurla Ulrich, sans la moindre trace de peur dans ses pensées.

La porte s'ouvrit.

- Ton père m'a demandé de te dire qu'il voulait que tu ailles au Japon avec lui demain, fit une voix familière. Une affaire de boulot, je crois. Il avait l'air assez perdu. Je peux rester, le temps d'empaqueter mes affaires à moi ?
- Tu garderas l'appartement pendant mon absence, répondit le cadre plus calmement, tout en empêchant Kiwi d'emporter une chemise blanche d'un revers de main.
- Quand je te disais de lui dire non, tu sais, je voulais que tu lui dises non, pas que tu le traites comme une sous-merde, se moqua Odd. Si je comprends bien, tu vas quand même au Japon avec le connard ?
- Je n'ai pas le choix, soupira Ulrich, qui avait pris sa décision dès que son vieux pote lui avait annoncé la nouvelle. Si j'y vais autrement, je risque de ne pas avoir de place.
- Je ne sais pas si Yumi va vraiment partir ; en fait, ça m'étonnerait, estima le glandeur. Il y a Lyokô.
- Et il y a le restaurant et le bar ; d'après mon détective, les affaires stagnent depuis son départ, elle ne peut pas se permettre de rester absente plus longtemps sous peine de voir le chiffre d'affaires baisser. Il faut qu'elle soit là en personne pendant quelques semaines au moins. Je suppose que pendant notre absence, Adèle, Aelita, Jérémie et toi arriverez à vous occuper de XANA et de Hopper.
- Mince ! s'écria soudain Odd en se tapant le front. Mais qui donc va s'occuper de Kiwi ?
- Ben...toi, supposa Ulrich en arrêtant de plier un jean pour regarder un moment son ami d'un air étonné.
- Oui mais non ; je comptais te le confier ce week-end...
- Ah bon, tu pars ?
- Ouais, répondit Odd avec une sorte de gêne bizarre. Enfin, pas tout à fait...c'est juste pour deux jours...
- Bon, ça fera deux jours de conserves pour le cabot, conclut Ulrich en fermant sa valise.
- Attends...Justement, pour cette histoire de week-end, je voulais juste te dire ce dont il s'agissait...
- A mon retour, si tu veux bien, le coupa Ulrich en le bousculant pour sortir de sa chambre, une petite valise à la main. Là, j'ai d'autres soucis. Bon, je vais chez le vieux.

La main d'Odd se posa sur son épaule, l'arrêtant. Ulrich, surpris, regarda le sourire engageant et rassurant de son copain.

- Tu la retrouveras, lui assura-t-il. Cette fois, ça va marcher, je le sens.
- J'ai déjà entendu ça, rétorqua Ulrich avec une sorte de moquerie pessimiste.
- Ouais, mais aujourd'hui, c'est différent ! se défendit Odd. Tu aurais vu la haine dans ses yeux, la colère qu'elle dégageait, la pâleur de son visage quand tu es tombé : ça ne peut être que de l'amour.
- Depuis quand t'y connais-tu en amour ? lança le cadre avec un grand sourire sardonique.
- Hé, tu n'as pas envie que je t'en parle avant ton retour, fit l'autre, moqueur.
- Nan, t'es sérieux, s'enquit le jeune homme, qui sentait la joie revenir lui faire oublier ses ennuis. Et c'est quelqu'un que t'as rencontré où, cet amour de la semaine ?
- Très drôle. Si tu avais eu un peu plus le sens de l'observation, tu aurais remarqué que ça fait près de deux mois que j'ai pas mis les pieds hors de chez toi. En conclusion, tu sauras que ce n'est ni du léger, ni du fêtard, clama le gars à la mèche turquoise avec une sorte de fierté.
- Et cette fille, il y a deux semaines ?
- Hein ? fit l'autre, décontenancé. Oh, euh...en général, on dit qu'on se refait pas ; c'est faux, bien sûr, mais ça prend du temps...Même si cette fois, je te jure, c'est vraiment du sérieux !
- C'est vrai que deux mois, pour toi, avec ou sans fidélité, c'est une première. lança l'autre. Ça alors, te voir casé, toi ! je rêve...
- Surtout avant toi, c'est impossible, renchérit le glandeur, ironique. Allez, va réparer ça. Sus au Japon !

Un sourire, le premier vrai sourire qui ait détendu son visage depuis le début de la conversation, pénétra le cœur d'Ulrich. Oui, se jura-t-il, quel que soit le prix, il retrouverait Yumi – pour qu'elle le sauve, pour qu'il la mérite, pour qu'il puisse réparer tout le mal qu'il lui faisait.
_________________
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Premier commandement : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
Troisième commandement : Tout individu a droit à la vie
Quatrième commandement : Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.


Dernière édition par Belgarel le Lun 25 Oct 2010 10:00; édité 1 fois
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DimIIy MessagePosté le: Jeu 21 Oct 2010 19:24   Sujet du message: Répondre en citant  
[Kongre]


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Localisation: Dans mon lit , en train de manger des kinder Bueno !
HELOOW !! J'en profite pour te laisser une trace de mon passage =))
Il à fallu que je relise tout =SS Ca va faire 2 mois presque 3 que je suis pas venue ici ^^ en tout cas je suuis contente que tu n'es pas oublié ton texte ! Enfin tu as une lectrice qui attends la suite avec impatience ne t'inquiète pas Wink
Sinon moi je n'aime pas trop l'idée des spoilers x( mais c'est toi qui voit ,c'est ton topic

Voilà Bon courage pour la suite .

_________________
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Merci me98 !!

Texte by me : Disparition (2eme version de préférence )
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Kinshii MessagePosté le: Ven 22 Oct 2010 20:50   Sujet du message: Répondre en citant  
 


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Edit :

Je comprends ta déception, mais c’est toi qui es en avance aussi. Enfin bon, pour ce qui est de la quantité, tu vas être servi, pour ce qui est du contenu, tu seras peut-être un peu déçu.

Puisque tu pose la question, je te répondrais que la présentation en spoilers ne me plait pas du tout ^^ ça gêne pour faire des recherches dans le texte, c’est moche, c’est pas là la vocation des spoilers, et modifier la taille d’une page crée des désordres de repérage spatial dans mon navigateur, sans compter que c'est maintenant moi l'auteur du plus long post dans ce topic, reconnais que ça la fout mal Rolling Eyes
Si tu tiens à alléger les pages, mets-en un seul. Pour segmenter ton texte, les *** suffisaient amplement. Tes chapitres font à peine une dizaine de pages. C’est beaucoup, mais ça ne justifie pas de les découper en cinq. Ou alors, publie-les en deux fois, à plus forte raison si tu ne poste pas la suite durant deux mois.

Bon, alors voici mon commentaire qui aurait dû s’intercaler entre le chapitre neuf et le chapitre dix.




J’aurais pu poster il y a bien longtemps, mais je voulais t’aider à tenir tes bonnes résolutions Wink

Je n’ai pas lu les commentaires précédents, préférant me faire une idée par moi-même sans être influencé. En théorie, j’aurais dû les relire plus tard pour supprimer ensuite les remarques superflues, mais j’avais un peu la flemme ^^
Et puis comme ça tu as tout, tant pis pour les redites.



Chapitre 1

« Elizabeth Delmas » > Elisabeth il me semble.
« La bande qui la traitait comme une peste, Ulrich – le vieil amour d'enfance – qui la fuyait comme la peste. » (mais la répétition est-t-elle voulue)
« au pont qu'elle opérait même à des guérisons miracles de cancres. » > au point
« le colis avait passé près de dix ans dix ans à aller d'une destination à l'autre » > soit vingt ans au total Smile


« Qui sait, XANA avait peut-être un faible pour elle ? »
Héhé, on sait tous que ce n’est pas XANA qui a un faible pour Sissi. Ce qui d’ailleurs pose problème, mais j’y reviendrais plus tard.

J’ai du mal à imaginer Aelita exprimant sa frustration à grands coups de poing dans les murs…

Bon, je sais que je suis un piètre exemple à ce sujet, mais pour évoquer la reprise de la lutte contre XANA, tu aurais pu insister un peu plus, non ? et puis mettre une musique tout à fait épique et grandiose en fond sonore, je sais pas moi, le Carmina Burana de Carl Orff.
Parce que ce que tu nous annonce en une douzaine de lignes, c’est ce qu’on attend depuis la fin de la saison 4.



Chapitre 2

« le monde des schtroumphs, mais moi, j'ai pas envie de me stroumpher là-dedans ce soir. »
> Schtroumpfs, schtroumpfer

« Vautré dons son canapé » > Vautré dans son canapé


Pas grand choses à dire, on attend la suite.

Ah, si. Ça j’aime bien : « Il recevait comme si c'était le premier jour le coup qui l'avait jeté à terre, la blessure qui avait détruit son orgueil et son assurance. La lutte avait toujours été une habitude entre lui et Yumi, dès le premier instant : il ne s'était jamais passé un mois sans que leurs deux corps ne se lancent dans un ballet rival, de défi et de douleur amicale...et il en avait été de même pour leurs cœurs. Dès le premier jour. »



Chapitre 3

Et Yumi, on n’a pas le droit de savoir à quoi elle ressemble ?

« Secteur 5 »
Tu regardes les épisodes en anglais ? je crois que je ne pourrais pas, à cause des voix…
Bref, pour ta gouverne, dans sa version originale (française, pour une fois que diantre !) c’est le cinquième territoire.

« le cœur et le Skid, on y accède pas le haut et le bas de la sphère » > par le haut

« je peux installer un bouclier à l'entrée du Lyôko » de Lyokô

« En voyant que le programme avait retrouvé son fidèle lieutenant » Euh, William n’est pas un lieutenant fidèle à proprement parlé. Habituel, à la rigueur, mais pas fidèle.

« Le spectre fronça les sourcils, méfiant. » Je croyais qu’il s’agissait de William ?
Une personne Xanatifiée n’est pas un spectre, de même qu’on devrait dissocier spectre et spectre ploymorphe puisque ce n’est pas la même forme d’une manifestation identique, m’enfin ça devient compliqué…


« Yumi portait un ensemble de combat en soie, à la fois ample et seyant, mêlant sur fond blanc des lignes pâles et des fleurs du japon »
Je n’ai rien contre les description quand elles sont en proportions raisonnable (je sais, ça ne veut pas dire grand-chose), mais ce que tu nous a faits là, c’est franchement moyen ^^
« un ensemble de combat » > ça ne m’évoque absolument rien…
« à la fois ample et seyant » > puisque tu le dis.
« des fleurs du japon » > heureusement que tu as précisé qu’elles étaient japonaises, sinon j’aurais imaginé de bêtes fleurs. Sérieusement, tu nous aides pas beaucoup là.


Le pauvre William… Les développeurs de la série s’en sont servit comme agitateur magnétique, puis comme sbire de X.A.N.A, et ce n’est pas dans ton récit qu’il trouvera justice. Un auteur devrait toujours craindre de croiser un de ses personnages au détour d’une ruelle sombre.



Chapitre 4

« Tu veux dire qu'on aurait dû se contenter du PAX, » > T’es sûr que ça s’écrit comme ça ?

Tu sais, une clé USB, ça peut être tout et n’importe quoi, même si en général, on utilise ce terme pour désigner un périphérique de stockage. Bon, en fait, je ne m’y connais pas, moi non plus. Mais je sais juste qu’il aurait été de bon ton de préciser de quelle type de clé il s’agit là, puisqu’il s’agit d’un point clé de ton intrigue, si j’ose dire...


« Un peu comme un virus dormant, quoi, ajouta Aelita. Il existe toujours, mais il se cache, hors d'atteinte des médicaments, dans les tissus du cerveau ou autres. C'est pour ça qu'on ne sait toujours pas comment vaincre le SIDA, par exemple. »

Pas d’accord avec toi pour dire que l’on ne sait pas comment vaincre le VIH (et non le SIDA) à cause du fait qu’il se cache, mais j'imagine que ça n'est pas là le cœur du débat.

« Ne jamais donner d’exemples, ils diminuent la portée de tes affirmations. Demeure abstrait, énonce des vérités générales, et le peuple te suivra. »


« Obligatoire, répondit Jérémie. La France avait déclaré la guerre aux Etats-Unis. »

Donc de ton point de vue, le supercalculateur peut provoquer un retour vers le passé jusqu’à l’autre bout de la planète ? Moi je pensais que ce phénomène était limité dans l’espace. Enfin bon, ça fait parti des points obscurs de la série, et si je n’adhère pas à ton interprétation, je ne la tiens pas pour incohérence.


« même s'il n'a a sa disposition qu'un Supercalculateur et le réseau mondial. » > à sa disposition.

« elles lui demandaient d'être claires » > d’être clair, je pense.


La calvitie synaptique est une grande trouvaille, je la note.



Chapitre 5

« Maintenant, c'est toute une bande de morlafs qui me poursuit ? » > je crois que le terme exact, c’est morfals ^^

« pour pouvoir créer un Réplika de Lyôko, il doit d'abord récupérer des données complètes sur chaque territoire. Sans ces données, il n'a aucune prise sur les Supercalculateurs. »

Pour toi, X.A.N.A ne peut pas utiliser un supercalculateur sans réplika ? J’en doute fort pour ma part. Les réplikas ne lui serve que de support pour les tours d’intercommunications qui lui permettent d’agir directement sur Terre.

« à n'importe quel moment, il est en mesure de se télécharger dans une clé et de remettre ça. »
Oui, mais il devrait pour ce faire, activer une tour sur Lyokô.

« Un peu comme si Achille s'était coupé une jambe.
- Ben qu'est-ch'que cha fait ? interrogea Odd, la bouche pleine.
- Plus de jambe, plus de talon, plus de point faible. »

Encore une fois, mauvaise exemple ^^ Achille ne peut pas se trancher la jambe, car sa mère l’a baptisé dans le Styx, ce qui le rend invulnérable à toute arme aigue ou tranchante.
(Par contre, si cette idiote avait pris la peine de le tenir par l’autre pied pour le tremper à nouveau, il aurait été sans point faible.)

La seule chose qu’il faudra m’expliquer, c’est comment on peut mourir d’une flèche dans le talon… mais on s’éloigne de ta fic.


Dans leur vote, ils n’ont pas l’air de prendre en compte le fait que Hopper est leur meilleure chance de vaincre X.A.N.A et ça m’a laissé perplexe.



Chapitre 6

Quelle idée saugrenue t’a conduit à cacher tous tes paragraphes ? C’est vraiment désagréable.

Albert… c’est malin d’avoir choisi ce prénom. Est-ce que ses amis l’appelleront Einstein, lui aussi ? (t’aurais pu l’appeler… je sais pas moi, Frank ?)


« la tour est toute à toi » > La tour est tout à toi.
Bon, alors il faudrait demander confirmation à PhilippeKadic (sauf si tu es sûr de toi), mais je crois que c’est ici un coup tordue de la langue française. J’explique :

« Tout », dans le sens de « entièrement » (en tant qu’adverbe si je ne me trompe pas) s’écrit sans « e », sauf lorsqu’il est devant une consonne, car alors on ne ferait pas la liaison, et ce serait moche. Si on était puristes, on devrait écrire et dire :
« Elle est tout gentille » Ce qui est très moche à l’oreille. Or donc, on écrit « Elle est toute gentille ».
Mais dans « la tour est tout à toi » ça ne pose pas de problème de prononciation étant donné qu’il y a une liaison, donc pas besoin de rajouter un « e ».

C’est le bordel, hein ^^
A vérifier, mais je ne pense pas me tromper.


Note : pour ceux qui n'ont pas l'oreille ou la connaissance musicales, l'air au piano est le même qu'on entend dans la série, à savoir « à vous dirai-je maman »

Navré de te contredire, mais ce ne sont pas les notes jouées par Hopper sur son piano.
C’est malin, tiens.
Bon d’accord, j’avoue… Son piano n’est pas de facture courante. (comprendre qu’il ne ressemble pas aux piano habituels) C’est très probablement un piano quantique, car les tons et les demi-tons ne sont pas organisés de la même façon que sur tous les pianos du monde entier.




Chapitre 7

Le recrutement d’Adèle m’a semblé vraiment irrationnel.

« Tiens, des gosses !? Qu’est-ce qu’ils font là ?
- Hé, les amis, j’ai une idée : si on les embarquait dans la lutte contre X.A.N.A ?
- Tu veux dire un combat qui ne les concerne pas, qui les dépasse encore plus qu’il nous dépasse nous-mêmes, et enfin un combat dans lequel on risque sa vie chaque jour ?
- Ouais, exactement !
- Mmh ça me semble une excellente idée, qu’en dites vous ?
- Je vote pour.
- Moi aussi. »

Tu ne sais pas critiquer autrement qu’en caricaturant ?
… Ben non.


« un sympathique programme humanoïde »

Xana peut-il vraiment être qualifié d’humanoïde ? Pour moi, c’était un terme qui désigne quelque chose de forme humaine, et Xana n’a pas de forme.



Chapitre 8

« les Lyôko-guerriers l'entraînèrent enfin de forcer dans l'ascenseur » > de force
« Le ton inquiet d'Ulrich était très communicatifs » > communicatif
« dont la couleur tranchait avec le violent rouge écarlate de ses yeux stylisés en crinière à la façon d'une chevelure de mangas. » > c’est pas plutôt de ses cheveux dont tu voulais parler ? Neutral
« ils ne lui restait presque plus de points de vie. » > il ne lui restait


En règle générale, tu arrives à faire correctement les tirets – ceux-là – mais des fois, ça fait des pâtés ^^


Hum… Jérémie s’est transformé en super-sayan, Odd en Chewbaka, Aelita en Barbie lac des cygnes, et Yumi n’a pas changée (de toi z’a moi, j’en suis plutôt heureux Mr. Green )


Je trouve dommage que tu décrives Jérémie comme efficace au combat sur Lyokô, chose impossible sans entraînement préalable. Odd est un gamer, Ulrich et Yumi pratiquent tous deux des arts martiaux, et ils « savent » ce qu’est un combat. En toute logique, Jérémie aurait dû être au moins aussi nul qu’Aelita en ses débuts.



Chapitre 9

« Celle-ci avançait par grandes enjambées furieuses et soufflait comme un bœuf, rouge de colère. » > Je ne pense pas que j’aurais pu trouver tournure plus élégante. « Souffler comme un bœuf » C’est le comble de la délicatesse féminine menée à son paroxysme.

« - Je serais tout de même curieux de savoir ce qu'il a bien pu lui faire pour qu'elle te mette dans cet état. Même moi, gloussa-t-elle, qui suis impulsive à souhait, je ne me suis jamais acharnée sur personne à ce point. » > Là, il y a clairement un souci… même plusieurs si tu veux tout savoir ^^


La réaction « violente » de Yumi m’a bien plu, et j’aurais aimé que tu y passes plus de temps. (non, c’est pas un reproche, c’est une marque d’intérêt). Je n’adhère pas totalement à la cause de cette réaction, mais je la considère comme possible.


*


Je me suis pour l’instant attaché aux détails, parce que c’est ce qu’on remarque au premier abord et qu’on peut les lister, mais je ne m’y suis pas arrêté, si ça peut te rassurer. Ils sont plus ou moins gênants, mais ça reste secondaire.


Non, ce qui me pose problème, c’est que tu as oublié Lyokô dans ta fic. En un claquement de doigt, tous les problèmes s’évanouissent. En restant assis dans leurs fauteuils, ils ont retrouvé l’ADN de Hopper. Ils sont prévenus vingt minutes avant que la tour ne soit activée… et pendant tout ce temps, X.A.N.A ne peut rien faire sur Terre pour empêcher les héros de se virtualiser. Ca devient un peu trop facile à mon goût.

J’imagine que tu vas trouver autre chose pour pimenter le récit, n’empêche qu’à vaincre sans péril, on triomphe sans gloire. (c’est beau Tacite, hein ?) Ce que je veux dire, c’est qu’il y a trop de choses qui tombent toutes cuites du ciel, et trop de règles qui ont changées, au point que j’ai l’impression que tu as triché.

Cette impression vient du fait que tu as pris des libertés sans les amener, sans les justifier, et sans les contrebalancer.


Autre chose préjudiciable : X.A.N.A est absent de ton récit. C’est son retour sabre de bois ! Et qu’a-t-il fait en neuf chapitres ? Pas grand-chose, et du coup, il ne devient qu’un prétexte pour mettre en scène les Lyokô-guerriers. Je pense que tu devrais rétablir l’équilibre.


Après, il y a d’autres aspects avec lesquels je n’accroche pas complètement, mais ce sont tes choix, rien que je puisse te reprocher.
Par exemple, tu as complètement modifié le monde virtuel. Territoires, monstres, équipements, pouvoirs, véhicules…
Personnellement, je m’en serais abstenu, puisque nous avons tous en tête des images des territoires du D.A, dès lors, comment espères-tu dépasser ces images avec une simple description ? Dur, dur, si tu veux mon avis.


Tu as décidé d’envoyer Jérémie sur Lyokô. Mettons cela sur le compte de la mesquinerie de ses amis, mais il ne faudrait pas que ça devienne une habitude. Il n’a pas sa place sur le monde virtuel, à mon avis.


Pour ce qui est d’Adèle, l’ajout d’un nouveau personnage aurait pu être un point positif dans ton récit, d’autant que tu t’en es bien sortit à mon sens. Je trouve les réactions de la nouvelle Lyokô-guerrière plutôt crédible, tant devant ses camarades de classe que devant son recrutement ou l’attitude de Jérémie, mais comme je l’ai dit plus haut, je condamne son implication par les Lyokô-guerriers dans la lutte contre X.A.N.A. Le personnage est intéressant, mais pour moi, il aurait fallu l’amener différemment.

Je laisse les autres personnages de côté, je ne suis pas vraiment le mieux placé pour les critiquer, et puis, tu as laissé passer suffisamment de temps pour être libre de faire à peu près ce que tu veux.


X.A.N.A s’offre un petit périple en clé USB (ce qui n’est pas d’une originalité folle)… Et il décide de s’envoyer à cette chère Sissi… Et c’est ce bon vieux Jim qui lui apporte le colis… Et Sissi décide de l’ouvrir en présence de Yumi…
En lisant ça, le première remarque qui me vient à l’esprit c’est « comme de par hasard »
Vois ça comme une mise en garde plutôt que comme un reproche facile.
Je pense que tu as fais ça pour relier tes protagonistes, pour intégrer Sissi à l’intrigue, mais tu comprends bien que ce n’est pas une raison valable, et qu’on se demande pourquoi X.A.N.A choisi Elisabeth Delmas comme destinataire, et pourquoi cette dernière voudrait ouvrir le paquet alors qu’elle est en pleine discussion. C’est pas du meilleur effet pour ce qui concerne la crédibilité de ta fic.


En ce qui concerne le signe de X.A.N.A, il va de soi que c’est Franz Hopper qui l’a « inventé » puisqu’il figure sur le supercalculateur, mais c’est devenu le signe de X.A.N.A car il apparaît à chaque manifestation de l’intelligence artificielle (ou presque). Donc peu importe sa dénomination Wink


*


C’est bien écrit, il n’y a aucun doute là-dessus, mais si cela reste essentiel, ça n’est pas suffisant à mes yeux…
Neutral Finalement, il ressort que je n’ai pas les mêmes préoccupations que toi (que ce soit en lisant ou en écrivant).


Pour moi, tout récit qui se veut être la suite de la série devrait être construit en considérant cette observation : « Mais il y avait un mais. Carthage se trouvaient maintenant sur Lyokô. Le projet militaire auquel avait contribué Franz Hopper avait pris place au cœur du système du monde virtuel. »

Nous sommes là au cœur des mystères de la back-story à mon sens. Pourtant, pas une des fics que j’ai lu, la tienne y compris, ne prend ce fait en ligne de compte.

La plupart sont focalisées sur la renaissance de X.A.N.A (Réinitialisation est l’exception) et pour l’instant, aucune ne m’a convaincu…



Après, ta fic peut toujours évoluer, et il se peut que je revienne sur mon avis, mais je ne pense pas que tu écrives dans l’optique première de poursuivre l’intrigue du D.A. A partir de là, je perds beaucoup d’intérêt pour ton récit. Ceci dit, ta fic reste une bonne fic et je continuerais ma lecture, parce qu’à côté de l’intrigue, il y a aussi des idées qui me plaisent dans ton texte.


Bonne continuation donc Razz
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Belgarel MessagePosté le: Mer 27 Oct 2010 10:11   Sujet du message: Répondre en citant  
[Manta]


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Bon, puisque ça fait à peu près l'unanimité, j'enlèverai les spoilers. Les pages seront moins maniables, mais qu'à cela ne tienne.

Pour éviter qu'on se perde dans mon message, je vais quand même mettre le message original (réponse au commentaire de Kinshii) en spoiler, avant de poster la suite ^^
Section 11, en avant !
Spoiler
Ceci dit, à ceux qui connaissent Carmina Burana et qui en ont les paroles quelque part, je vous conseille de regarder la fin du spoiler ci-dessus. J'ai été assez magique dans ma connerie ^^
Petit edit : modifications mineures : description de Yumi (cette fois, c'est Aelita qui a l'air plus délaissée) ; qu'à cela ne tienne. J'ai aussi rajouté une petite phrase ici ou là. Par ailleurs, corrections effectuées pour ce qui concerne les fautes d'inattention pointées par notre lecteur minutieux.
Bon, depuis le temps que je la diffère...voici la section 11 !


11

Sur les platanes frémissants de la cour du lycée se couchait par taches une délicate lumière de reflets dorés ; pelant par larges pans verticaux les écorces vertes des grands troncs verticaux, le soleil chauffait la sève de l'été, faisant bouillir l'intensité du bleu du ciel, dorant les larges feuilles bruissantes, et descendant encore et encore, vers le sol, où l'arbre et la lumière enfonçaient puissamment leurs racines, faisant courir sous la surface du goudron un dense réseau de veines ambrées. Mais Adèle ne pouvait pas même distinguer, d'où elle était, ni le goudron brûlant de la cour de récréation, ni les arbres brillants, ni, au travers des ramures, un petit coin de ciel qui perçât : il n'y avait que l'ombre sur le sol, et la grande forme menaçante de l'arbre.

- Or, y=ax+b d'après l'énoncé ; donc, f'(x)=a. C'est fini pour cet exercice, déblatérait au tableau une petite dame qui approchait de la quarantaine.

L'élève jeta un bref coup d'œil à sa montre. Il restait moins de dix minutes – et c'était la troisième fois depuis qu'elle le savait qu'elle se demandait quelle heure il était. Le cadran affichait 15:56 – autant dire une torture. Elle soupira avec un peu de rage, et, pour se consoler de son malheur, survola du regard la classe, dont l'état, dans l'ensemble, n'était pas plus brillant que le sien : fatigués, énervés, prêts à sortir pour certains, assommés ailleurs, chuchotant entre eux de partout, ses compagnons de douleur n'en pouvaient plus de ce cours de deux heures de mathématiques qui semblait ne jamais devoir en finir. Mais étrangement, cette vision ne lui apporta pas le même réconfort que les fois précédentes, car elle songea que, pour la plupart, rien d'autre ne les attendait qu'un week-end sans cours ; elle, en revanche, brûlait d'envie de savoir comment s'était dénouée la situation d'hier : comment Aelita avait-elle traité ce crétin de Jérémie ? avait-elle découvert la raison pour laquelle Yumi avait failli tuer Ulrich ? et surtout, dans l'ensemble, comment les choses pourraient-elles s'arranger ?
Elle se rendit soudain compte que son regard s'était posé, presque machinalement, sur Albert, une table à sa droite, séparé d'elle par une place désormais vide. Cela faisait quelques semaines que le petit intellectuel avait décidé de ne plus rester à côté de sa voisine et de ne plus lui adresser un mot – sans pour autant avoir le courage de quitter le premier rang pour le dernier. En quelques jours, c'était le groupe tout entier qui s'était disloqué : d'abord Kevin, ensuite Albert. Adèle n'aurait su dire pourquoi. Elle passait pourtant autant de temps qu'avant avec eux, sinon plus, pour essayer de garder une vie normale. Mais pourtant, à ses yeux, ils avaient progressivement perdu de l'importance, de l'originalité, elle avait commencé à sentir sa tête gonfler (après tout, ces deux ans qu'avait duré leur amitié, n'avait-elle pas joué à la petite cheftaine fédératrice ?) ; eux avaient commencé à la trouver moins intéressante, à se définir non plus comme membres d'un petit clan, mais comme individus fiers et capables d'utiliser aux mieux leurs capacités : Albert, pour décrocher les derniers dixièmes de points qui séparaient sa moyenne trimestrielle du 20/20 dans toutes les matières excepté le sport, et Kevin...pour être Kevin.
Celui-ci, toujours penché sur son cahier, avait décroché son regard gras du manuel où il enchaînait les exercices, et dardait sur son ancienne amie un oeil noir. Adèle laissa son regard rebondir vers la cour de récréation. Ce qu'elle y vit ne manquait pas d'intérêt.

Il y avait des choses dans la cour qui bougeaient dans l'ombre – deux grandes formes encadrant une plus petite. A première vue, c'étaient des gens qui marchaient, deux hommes en costume noir trois pièce, encadrant la silhouette voûtée, vêtue de même, du jeune proviseur du lycée ; les trois hommes se dirigeaient probablement vers le bureau du chef d'établissement. L'affaire attirait son attention, quand soudain un des deux hommes, une véritable baraque, empoigna par la cravate le directeur, et lui murmura quelque chose à l'oreille, avant de le repousser violemment. Ce dernier s'inclina et mit un doigt sur ses lèvres en signe de silence, affirmant quelque chose d'un air qui voulait prêter à la confiance. La scène n'avait pas duré dix secondes, mais à présent, l'intérêt d'Adèle était carrément piqué, et il lui tardait d'en apprendre plus. Malheureusement, les trois hommes s'arrêtèrent de parler et disparurent hors du champ de vision restreint de la jeune fille.
Celle-ci regarda sa montre. Encore deux minutes. Le triangle était isocèle rectangle. Adèle n'en pouvait vraiment plus de ce cours de maths.

***

Charles de Gaulle était en vue. Dans le taxi, le silence était toujours aussi vide qu'au premier instant pour Ulrich, aussi plein pour son père. Même en entrant chez ce dernier, même lorsqu'il lui avait fallu écouter les explications sur les intérêts de l'entreprise dans le contrat qu'il fallait à tout prix renouveler, le jeune directeur n'avait pas prononcé à mot. Ni question, ni affirmation bien claire, ni même le bonjour. Cette attitude insupportait au moins autant que de coutume, si ce n'est plus ; mais cette fois, le vieil homme sentait chez son fils que quelque chose d'important se passait, quelque chose qui n'avait rien à voir avec la paresse – quelque chose qui était davantage du registre de la haine, de la violence, de la noirceur – et il ne pouvait s'empêcher de se demander constamment si cette dimension de son fils n'avait pas existé sous ses yeux pendant des années, sans qu'il ne s'en rendît compte. Peut-être, se répétait-il par fragments, Ulrich ne vivait-il pas si mal que ça ; peut-être, oui, tout ce qu'il voyait, sans doute, n'était pas de la paresse, pas un problème de mode de vie, mais quelque chose de plus fort, de plus actif, qui avait un rapport avec lui-même...se pouvait-il qu'il connût si mal son propre enfant ? qu'il ait été si aveugle pendant tant d'années ? Non, certainement pas : ce n'était rien d'autre qu'une colère d'adolescent, une rébellion comme les jeunes savaient si bien en faire en ce temps-ci, un coup de tête passager et inconséquent. Il était tout à fait absurde de continuer à tourner en rond, ça n'avançait à rien.
Un dernier tournant, une ligne droite ; le soulagement décompressa la poitrine du vieil homme, oppressée sous une sorte de peur viscérale de continuer ces réflexions : payer le taxi, enregistrer les billets et les bagages, prendre un café, regarder les rayons des magasins hors de prix, enfin cette attente insupportable était terminée. Mais à peine le taxi s'était-il arrêté qu'Ulrich, une petite valise à la main, sortait de la voiture et s'enfonçait dans la foule tassée à la sortie des terminaux. Peu lui importait son père qui s'agitait derrière en filant un billet au tacot et en se ruant sur le coffre pour saisir ses affaires et le poursuivre. En fait, le faire tourner en bourrique lui plaisait beaucoup. Il enfonça un chapeau de pêche jusqu'aux sourcils, et disparut dans la foule. A présent, les véritables problèmes commençaient. Il devait d'abord faire changer sa place si c'était possible, ensuite de quoi il pourrait s'envoler librement vers le Japon – vers Yumi, le cœur battant bêtement.

Échapper à son père tout en restant coincé au milieu d'une file d'attente longue comme la mort ne fut pas aussi aisé qu'Ulrich l'espérait. Dix fois il le vit passer, sourcils froncés, à grandes enjambées, cherchant son fils parmi mille visages inconnus ; plusieurs fois, il ne tint qu'à un fil qu'il le trouvât. Enfin, le père se plaça dans une file d'attente non loin de lui. Ulrich demeura très nerveux jusqu'à ce que, une demi-heure plus tard, il fût entré dans la zone internationale. Une fois qu'il y fut, il se mit à courir entre les boutiques et cafés hors de prix, courir vers la zone d'attente, sans savoir si c'était pour fuir son père ou pour savoir si Yumi y serait – car il y avait, oui, une infime chance, qu'elle ait décidé de rentrer, qu'elle ait pris ce vol, et c'était pour cette infime chance qu'il laissait tout tomber, oui, qu'il plaquait tout...
Les quelques rangées de siège du terminal, sous la vaste serre de fer et de verre, étaient tout à fait vides. Sachant que son père l'y retrouverait si il s'y attardait, Ulrich se remit à arpenter la zone internationale, scrutant la clientèle entre les rayonnages ; et à chaque minute qui passait, son inquiétude s'enflait démesurément, il revenait à la zone d'attente, il craignait de croiser son père, il ne voulait pas oser penser que peut-être Yumi n'était pas partie.
Il finit par s'installer à la terrasse d'un vendeur de boissons quelconque ; il prit un coca à cinq euros, et se mit à le siroter nerveusement – le verre fut vide en moins de deux minutes. Soudain, tandis qu'il regardait sa montre en espérant presque que les aiguilles allaient se mettre à faire du vent, une voix familière le fit sursauter.

- Ulrich ?

Il tomba à terre et se releva. La jeune femme venait de disparaître dans le flot des voyageurs. Elle allait quitter l'aéroport. Elle ne voulait pas qu'il la poursuive, elle ne voulait pas qu'il lui parle, elle regrettait d'avoir attiré son attention. Mais sa folie entraînait Ulrich : non, il refusait que ce soit terminé, non, car qu'elle le veuille ou non, il la poursuivrait, lui parlerait, parviendrait à attirer son attention ! Il s'élança derrière elle, hurlant son nom d'une voix rauque et désespérée.

***

Le proviseur recevait des gens importants dans son bureau, c'était ce qu'avait dit la secrétaire. Il ne voulait être dérangé sous aucun prétexte. Adèle avait répondu qu'elle n'avait pas l'intention de le voir et était sortie de la pièce, déçue. En effet, pendant la conversation qu'elle avait eu avec la secrétaire, elle n'avait rien pu entendre de ce qui se disait dans le bureau ; sans doute les étrangers étaient-ils très précautionneux de ne pas parler fort. Elle passa au plan B et se faufila derrière le bâtiment, en-dessous de la fenêtre du proviseur. Il faisait une chaleur caniculaire en ce début d'été, et pourtant celle-ci était hermétiquement fermée, volets clos. Pas moyen d'entendre le moindre son. En même temps, se dit-elle, si ces hommes en noir prenaient la peine de parler bas, ils n'allaient pas commettre l'erreur élémentaire de laisser la fenêtre grande ouverte. Elle rageait. Toujours avoir un plan B pour le plan B, se dit-elle.
Tout à coup lui vint une idée. Elle sortit son portable et appela la seule personne capable de trouver une stratégie efficace dans cette situation : Jérémie.
En apprenant qu'il y avait des hommes en noir à Kadic, celui-ci réagit bizarrement.

« Tu les connais ? » demanda-t-elle.
« Oui...enfin, pas tout à fait. En réalité, c'est plutôt Aelita qui en connaîtrait quelques-uns. Ça sent les services secrets du gouvernement. Tellement top-secrets qu'eux-mêmes n'ont peut-être aucune idée de qui ils sont réellement, si tu veux voir le genre... »
« Cool. » exulta la jeune fille avec un sourire excité.
« Pas tout à fait. Il se peut que ça concerne le SuperCalculateur. »

Cela fit un choc à Adèle de penser que ces types violents pouvaient en avoir après elle à cause de ce secret. Mais toute terrifiée qu'elle était, elle n'allait pas se laisser faire et déballer ce qu'elle savait.

« Tu aurais pu me dire que XANA n'était pas notre seul ennemi ! »
« En réalité, nous ne savons rien de ces hommes en noir, ni de ce qu'ils savent. Je ne m'attendais pas à les voir réapparaître. »
« C'est malin, en attendant ! Qu'est-ce que je fais, moi ? je fuis ? »

A l'autre bout du fil, Jérémie éclata de rire. Il essaya de maquiller son rire dans une sorte de toussotement ; Adèle conclut que Sarlès avait dû lui jeter un drôle de coup d'oeil.

« T'inquiète pas ! » murmura-t-il enfin. « Je doute que ces gars connaissent ton existence, et si ils en avaient après toi, ce serait le domicile, et non pas l'école, qu'ils surveilleraient. Si ils sont à Kadic, c'est sans doute pour se renseigner sur Franz Hopper. »
« Quoi, le type mort ? qu'est-ce qu'il vient faire là-dedans ? »
« Il était prof ici avant. Ce qui est étonnant, c'est qu'ils enquêtent encore plusieurs dizaines d'années après sa disparition. Il faut que tu découvres pourquoi. »
« Impossible : ils se sont bouclés dans le bureau du dirlo. »
« Le nouveau proviseur est jeune, et ne connaît rien de Hopper. Il devra les emmener à la salle des archives, puis à la vieille gare. Il faut que tu te caches à proximité du casier. »

Le message était reçu. Adèle se mit aussitôt en route vers la gare désaffectée ; après une demi-heure de bus, elle arriva dans une grande salle grise, sombre et poussiéreuse, encombrée de rangées de sièges de plastique en désordre, couverts de graffitis et à moitié cassés. Sur le sol traînaient des restes de bouteille cassées, des vieux journaux ou des cartons, quelques couvertures qui attestaient que des sans-domiciles pouvaient y établir un squat en cas de besoin. La jeune fille se colla contre le mur tagué de l'entrée ; les deux hommes étaient déjà là, devant une rangée de casiers vert foncé renversés et, pour plusieurs, forcés. Ils étaient accompagnés d'un employé de la gare.

- C'est ici, messieurs. Casier 167. Vous avez de la chance, il est intact. Je vous laisse à votre enquête.
- Encore une minute ! l'interrompit un des deux hommes sombrement. Où est la clé ?
- Nous ne l'avons pas. Sans doute Hopper lui-même l'a-t-il gardée avant de disparaître.
- Nous en doutons. D'après nos archives, sa maison a été fouillée après sa disparition. Et contrairement à d'autres, nos archives à nous sont très précises, appuya-t-il.
- Peut-être avez-vous mal fouillé. Et du reste, si Hopper n'a pas donné le nom de sa femme, je suppose qu'il avait ses raisons.
- C'est déjà beaucoup supposer, monsieur, rétorqua froidement celui dont Adèle n'avait pas encore entendu la voix – et cette voix était tellement insensible, tellement menaçante, que la collégienne en frémit : ça sentait le meurtrier.

Après que l'employé, timide et pressé, se fut enfui, l'homme à la voix de tueur reprit la parole.

- Nous emportons le casier, et ferons de analyses dessus, ajouta-t-il à l'adresse de son collègue tandis que le jeune directeur s'en retournait au travail. Empreintes digitales et ADN – en particulier, nous chercherons le marqueur. Fais venir les ouvriers, je m'occupe des rats du labo. Je veux que cette affaire soit éclaircie d'ici deux heures.

Adèle en avait assez entendu : le but des recherches de ces hommes était, comme Jérémie l'avait supposé, d'ouvrir et faire des analyses sur le casier.
Ce qui voulait dire, d'après Jérémie, que ces hommes seraient capables de remonter jusqu'à Aelita.

***

Monsieur Della Robbia gara la voiture d'Ulrich à une certaine distance de sa destination, pour deux raisons. D'abord, une place libre au bord d'un trottoir non payant était une bénédiction qui n'avait aucune chance de se reproduire dans la soirée, et quitte à se garer aux dépens de quelqu'un, autant être sûr de ne pas se faire gauler la place. Par ailleurs, il avait près de vingt minutes d'avance, et mieux valait marcher devant quelques pâtés de maison que d'arriver trop en avance à un tel rendez-vous. Un peu d'air frais lui ferait du bien, il avait besoin de se détendre. Il savait parfaitement la fragilité de sa position ; il n'avait pour ainsi dire aucun atout, aucune supercherie à mettre en avant, et tous ses défauts, tous les problèmes qu'entraînaient sa situation étaient connus. L'enjeu de cette soirée était immense, et la réussite n'en tenait qu'à un fil.
Odd épousseta le tissu rugueux de son costume gris foncé, se passa la main sur les cheveux, éteignit son portable (c'était la première fois depuis que XANA était réapparu), vérifia son nœud de cravate, aplanit son pantalon sur ses cuisses, vérifia ses lacets et son cirage – il était tout beau tout propre comme un sou neuf. Il se mit à balancer les bras. Ça y était, la porte de l'appartement était en vue. Façade classe – elle lui avait dit que c'était l'immeuble tout entier – quartier chic – il avait oublié toutes les recommandations qu'elle lui avait faites – pignon sur rue – ça y était, il était nerveux, il avait encore un bon quart d'heure d'avance, la ponctualité, c'était décidément pas son truc...

C'était très sérieux, se répétait-il, adossé contre le mur de la baraque, le regard levé dans le vide. Et il n'en était pas le premier surpris. Comment, lui, Odd Della Robbia, était tombé amoureux, au point de changer aussi radicalement ? et le costume n'était rien à côté de son nouveau mode de vie. Il était allé jusqu'à se promettre, après tout, de ne plus pointer jusqu'à ce qu'il trouve un emploi. Un emploi ! oui, lui, dans une entreprise, ou dans un bureau ! ou bien planté derrière un comptoir, à tenir la caisse, à faire les soirées chez un pote en musicien masqué, magicien pour les anniversaires de gosses, équilibriste dans un cirque ; tout paraissait possible, il ne savait plus très bien qui il était à force d'envisager toutes ces possibilités d'avenir...
L'air frais commençait à l'agacer. Il avait envie de s'allumer une clope. Quelle idée stupide de garder le paquet dans sa poche, pour se mettre à l'épreuve, comme il disait. C'était perdre l'épreuve que de refuser de perdre la cigarette, comme elle lui avait dit. Il avait décidé d'arrêter de fumer, il n'avait pas assumé, c'était bien fait pour lui, après tout. N'en restait pas moins que la situation, l'ambiance, ses pensées, tout collait terriblement bien avec une petite clope – une dernière...
Cette fois, il était vraiment accroc. Et pas dans le style béguin de la semaine, non – la vraie maladie du fou raide dingue, les aventures mystiques du cœur. C'était pas spécialement génial, dans le fond (même si, quand il éprouvait une envolée d'amour, cette pensée lui eût paru sacrilège) – mais dans une certaine mesure, ça en valait le coup, d'être amoureux. Se ranger lui donnait presque bonne conscience. Certes, il n'en avait jamais eu besoin avant ; mais c'était une expérience relativement sympathique, tout de même – de sorte que jusqu'aux ennuis qu'elle impliquait se changeaient en merveilles.
Il tira une grande bouffée et écrasa sa clope à peine entamée sous sa semelle avec un mélange de soulagement et de dégoût de lui-même. Quelque chose qu'il n'arrivait toujours pas à saisir, après toutes ces années, c'était le menton. Il ne savait pas quoi exactement, mais il avait quelque chose de particulier, ce menton. A la fois ferme et inexistant, pointu et rond, lisse et marqué ; il changeait parfois du tout au tout en moins d'un clignement d'yeux. Comme cette chevelure qui coulait sur ses épaules rondes, si liquide, si douce...
Il n'y avait rien de mieux que de penser à elle, que de savoir qu'il pouvait la voir, tous les jours, rire avec elle, pleurer, la soutenir, devenir quelqu'un à ses yeux – eh ! cela, ne l'avait-il pas déjà réussi ? bon sang, il s'était entiché tellement vite de cette fille ! Ça l'avait frappé comme un coup de foudre...Et lui, toujours aussi crétin, lent à changer, lent à comprendre...Mais bon, c'était ce qu'il se disait chaque fois qu'il se souvenait d'elle...

Soudain, il avisa, de l'autre côté de l'avenue, un homme en costume brun avec une canne, une barbe blanche et un béret, qui longeait les murs débordant de lierres et de branches d'arbres qui masquaient les berges. Pas de doute, c'était bel et bien son père – mais il ne traversait pas. Odd commença à sentir des sueurs froides sous son costume. Elle lui avait pourtant confirmé, la veille, que c'était dans ce bâtiment. Ou peut-être l'avait-il mal comprise ? Il se précipita devant la porte et regarda désespérément à la recherche d'une liste des noms. Il n'y en avait pas. Seulement une grande plaque portant la mention « MUSEUM D'HISTOIRES NATURELLES. Fermeture momentanée en raison de l'incendie Nous vous prions de bien vouloir nous excuser. »
De l'autre côté de la rue, l'homme introduisait une petite clé dorée dans un grand portail de fer rouillé, penché sur la serrure qu'il ne voyait pas. Odd traversa à toute vitesse la route qui le séparait de lui et l'aborda.

- Bonjour monsieur. Je ne sais pas si vous vous souvenez de moi... »

Le vieillard releva la tête et le considéra l'air concentré. Enfin, il déclara :

- Eh bien, votre tête me dit bien quelque chose, mais impossible d'y coller un nom. Est-ce vous qui devez dîner avec nous ce soir ?
- Oui, monsieur, confirma Odd en aidant son hôte à ouvrir le portail. Croyez bien que j'en suis ravi.
- Moi de même, jeune homme, moi de même, déclara l'autre en lui serrant la main. Depuis le temps que ma fille me répète qu'elle ne trouve personne, c'est véritablement un bonheur que vous soyez apparu !

Jamais Odd ne s'était senti aussi mal. Il ne pouvait s'empêcher, tout en faisant bonne figure, de songer que deux semaines plus tôt, il avait déraillé. En moins de deux mois qu'avait jusque-là duré leur histoire, elle l'avait déjà présenté à ses parents, et il l'avait déjà trompée. Sa résolution était prise, il avouerait – et il le savait, elle le pardonnerait.
Bien caché derrière le mur, c'était un véritable château qui se dressait. Le jeune prétendant poussa une exclamation admirative. Tourelles, briques, fenêtres gothiques, statues entre les arbres dans le jardin – ce n'était plus une maison, c'était un palais de mégalomane.
Le premier réflexe du vieil homme fut de s'en excuser humblement.

- Ce n'est rien, le rassura Odd. Votre fille m'avait prévenu, et elle m'a tout expliqué. Sûr, une occasion pareille, ça se refuse pas !
- Vous m'avez demandé, à l'entrée...marmonna le vieil homme en prenant le bras d'Odd. Je suis supposé vous connaître ?
- D'une certaine manière, oui monsieur – et je suis sûr que vous vous souvenez de moi, même si vous ne m'avez pas reconnu. Je suis un de vos anciens élèves du lycée Kadic, Odd Della Robbia.
- Della Robbia ? Sortant avec ma fille ? s'écria le vieil homme en sursautant ; le jeune homme sentit une grimace de terreur déformer ses traits. Ah mais ça, où va le monde ! ajouta-t-il, avec un éclat de rire difficile à interpréter, jusqu'au moment où il tapa affectueusement l'épaule de cet homme qu'il admettait presque déjà comme son fils pour l'emmener à l'intérieur.

Soudain, tandis qu'Odd aidait le vieil homme à escalader les degrés qui menaient à la porte du château, le portail grinça derrière eux et, vêtue d'une splendide robe se soirée rouge en soie luisante, Sissi apparut. Odd et son père se précipitèrent vers elle chaleureusement ; mais soudain, elle leva les mains, et une onde de choc les secoua. Le jeune homme tomba à terre, et vit à côté de lui monsieur Delmas évanoui. Il voulut se redresser, quand il s'aperçut que cela lui était impossible. Il était comme immobilisé par une force invincible ; au-dessus de lui, il pouvait voir ce corps tant aimé le surplomber, avec au sommet, le sourire narquois du symbole de Hopper. Le spectre mit un doigt devant ses lèvres étirées d'un air moqueur, et se pencha, effleurant de ses lèvres le visage d'Odd.

- Ne t'en fais pas, mon amour, ce n'est qu'un petit service que j'aimerais demander à un de tes amis, susurra-t-il. Après, je te laisserai festoyer tout ton gré...

***

Jérémie bondit de joie. Il n'était pas vraiment excité, mais pour ne pas faire tache dans l'ambiance générale, il fallait bien faire semblant de trouver que l'allumage du SuperCalculateur était une expérience formidable. Hurlant gaiement « Ça fonctionne ! Ça fonctionne ! » et embrassant ses collègues, il n'en continuait pas moins de songer avec inquiétude à ces choses que lui avait racontées Adèle. En outre, malgré ses protestations, Sarlès lui avait confisqué son ordinateur portable. Que se passerait-il en cas d'attaque de XANA ? « Des interférences ! » songeait-il amèrement. « Quel crétin. S'il avait voulu éviter les interférences, il aurait dû confisquer les téléphones, pas éteindre les ordinateurs ! ou même, au mieux, isoler l'expérience sous terre. » En fait, il avait vraiment hâte que ces idioties qui l'ennuyaient plutôt soient terminées.
Tout à coup, il sentit remuer dans sa poche son téléphone portable. C'était Odd qui appelait. Curieux, il décrocha au mépris du bruit ambiant et courut se réfugier dans les toilettes.

« C'est toi, Odd ? Qu'est-ce qui se passe, mon vieux ? »
« Non, Jérémie, ce n'est pas Odd. Il est quelque peu indisposé pour le moment. » répondit, au grand étonnement de Jérémie, la voix de Sissi. Et le plus surprenant restait à venir. D'un ton toujours aussi naturel et décontracté, elle continua : « C'est XANA. J'aurais un petit service à te demander ; ça te dérangerait de m'aider ? »
« XANA ? » s'écria furieusement le scientifique. « Qu'est-ce que c'est que cette embrouille ? Qu'est-ce que t'as fait à Odd ? Pourquoi nous nargues-tu comme ça ? »
« Mais voyons, je n'ai rien fait à Odd. Pas encore – et il ne dépend que de toi qu'il s'en sorte sain et sauf. Notre objectif est, bien entendu, commun ; mais je ne peux pas agir par moi-même cette fois-ci, de peur qu'un échec ne me fasse repérer par des gens hauts placés. Vois-tu de quoi je veux parler ? »
« Ouais, je crois que je sais où tu veux en venir... »
« Autant quatre gamins qui explosent à cause d'un satellite détourné, mon cher Jérémie, n'ont rien de suspect, autant deux enquêteurs morts des services secrets lancés sur l'affaire Hopper me sont-ils nuisibles. Nous allons, par conséquence, devoir travailler ensemble. Y es-tu prêt ? »
« Je pense bien. Pour peu que tu arrêtes de menacer mon ami. »
« Ne t'en fais pas, cher Jérémie. Dès que la copie est terminée, je désactiverai le spectre – mais pas la tour. J'ai de toute façon une autre monnaie d'échange – et crois-moi sur parole, je serai fair-play. C'est encore le meilleur moyen que j'ai de me prévenir contre ce type de désagréments à l'avenir. Nous voulons tous deux lutter dans le secret, n'est-ce pas, mon chéri ? »
« Où veux-tu en venir, XANA ? » l'interrompit l'intellectuel, irrité par tout cet interminable blabla.
« Tu administres aux deux hommes mon petit poison à mémoire, tu trafiques les données qu'ils ont reçues, et tu reçois en cadeau un petit paquet de ces morceaux fantômes que vous traquez à vos heures perdues dans le réseau, mon cœur. Alors, chouchou, t'en dis quoi ? »
« Marché conclu. Il y a une copie du programme d'émission des portables dans la zone G du SuperCalculateur de l'usine. Envoie-moi des instructions plus détaillées par mail. »

Jérémie raccrocha et retourna embrasser ses collègues, très troublé. N'était-ce qu'une impression, ou bien XANA avait-il tellement changé depuis la dernière fois qu'ils l'avaient affronté ?

***

Sept heures du soir. Jérémie s'effondra dans le canapé. La journée avait été épuisante. La nuit le serait aussi. Il entendit derrière lui, dans la chambre à coucher, quelque chose remuer ; quelques secondes plus tard, Aelita, en chemise de nuit, les cheveux en désordre, apparaissait à ses côtés.

- Tu as l'air fatigué, murmura-t-elle dans un baiser, posant une main sur sa tempe. Ils ont réussi à mettre leur SuperCalculateur en route ?
- Pire que ça, soupira Jérémie. Ils ont déjà installé l'OS et l'interface est complète.
- Au moins, cette semaine, XANA nous a laissés tranquilles, tenta de le rassurer Aelita. Pour la première fois en trois mois, nous avons pu prendre du temps pour nous.
- N'empêche que j'avais raison, opposa Jérémie en sortant son ordinateur de sa pochette. XANA préparait quelque chose.

Il ouvrit le portable. La tour activée s'afficha, bien en évidence. Aelita bondit avec frayeur.

- Quoi ? Mais pourquoi n'as-tu rien dit ? s'exclama-t-elle.
- T'en fais pas. Quand je l'ai découvert, il était trop tard. Mais cette fois, il n'en a pas après nous. Tiens, regarde, ajouta-t-il en montrant le niveau d'activité de la tour, qui venait de chuter radicalement. Je suis désolé pour ta soirée concert, mais nous allons devoir nous charger d'un devoir peu courant.

Au même instant, le téléphone de Jérémie vibra. Le message de XANA contenant les instructions venait d'arriver.

- Jérémie, je comprends rien ! s'écria la jeune femme, un peu perdue, tandis que son copain lisait ce qui était écrit sur son portable.
- C'est bien simple. Les hommes en noir se sont manifestés, et ni XANA ni moi ne veulent les voir mettre leur nez dans les affaires du laboratoire. Comme ce n'est pas la première fois que nous travaillons avec XANA – et ça, il l'a découvert dans ses propres fantômes –, ce dernier m'a juré de ne pas nous doubler.
- Et tu lui fais confiance ? s'inquiéta Aelita.
- Mieux, répondit Jérémie avec un sourire rusé. Je crois que c'est nous qui allons le doubler. Après tout, il l'a bien mérité. Et la clé en vaut la peine.
- Qu'est-ce que tu veux dire ?
- Eh bien, s'est simple. J'ai jeté un coup d'oeil aux anciennes données que nous avions récupérées sur le secteur 5, à notre première visite. Combinées à d'autres, elles révélaient des choses formidables. Et notamment ceci : XANA sait pourquoi il a été créé, et sa mission initiale continue d'être le cœur de chacune de ses actions.
- Tu veux parler du projet Carthage ?
- J'en sais rien. Mais je compte bien le découvrir. Va t'habiller, nous recevons ce soir.

***

« Les passagers à destination de Tokyo sont attendus aux postes d'embarquement. Les passagers à destination de Tokyo, dernier appel. »
Ni Ulrich ni Yumi ne bougeait. Ils étaient face au poste d'embarquement, totalement immobiles, et se regardaient en chiens de faïence. Ce serait à celui qui embarquerait le dernier – à celui qui prendrait la décision finale.
Le flot de la foule des voyageurs indignés et les plates excuses des hôtesses concernant le problème technique qui avait coincé l'avion au sol alourdissaient encore le silence qui régnait entre les deux amis. La tension allait croissant, toujours aussi insensée.
Ulrich parla.

- C'est ma faute, je sais. Mais je ne recommencerai pas la même erreur.
- C'est toi, l'erreur, rétorqua Yumi froidement. Tu as été l'erreur de ma vie. Je l'ai compris et accepté. A ton tour.
- Tu as compris que je ne parle pas du détective quand je parle d'une erreur ?
- Tu as compris que je parlais de toi ? s'emporta-t-elle, des larmes dans les yeux.

La grande silhouette noire de Yumi se défigea et lança vers Ulrich une douleur acérée. Un poing fermé heurta de plein fouet sa mâchoire inférieure et l'allongea à terre, un mètre plus loin. Il ne réagit pas.

« Les passagers à destination de Tokyo sont attendus aux postes d'embarquement. Les passagers à destination de Tokyo, dernier appel. » répéta la voix. Le terminal était vide, et les hôtesses les attendaient impatiemment. Soudain, Yumi se détourna et fonça au poste d'embarquement au milieu des hôtesses stupéfaites, presque effrayées. Elles ne savaient pas si elles devaient vraiment accepter une passagère qui venait de casser la mâchoire d'un autre passager. Mais en voyant que celle-ci était particulièrement en rogne, elles n'osèrent pas même penser à s'interposer et s'écartèrent timidement.
Monsieur Stern suivit, un filet de sang coulant le long de son cou. Pour le coup, les dames refusèrent, lui proposèrent un autre vol, tentèrent de l'arrêter. Il ne les écouta pas et les repoussa d'un grand geste furieux. Il ne pouvait pas parler, mais son regard était assez éloquent. Il n'avait plus rien à perdre.
Ulrich parvint tant bien que mal à se frayer un chemin entre les uniformes rouges jusqu'à l'intérieur de l'avion. A peine avait-il franchi la porte que celle-ci se fermait d'elle-même, laissant hors de l'appareil la moitié de l'équipage.

« Mesdames et messieurs, bienvenue à bord du vol 743 en direction du ciel. Je suis votre commandant de bord Xavier ANA, et je vous souhaite un agréable voyage vers une mort certaine. »
Ulrich était consterné. Le véhicule massif se mit brusquement en mouvement, faisant tomber les hôtesses à terre autour d'Ulrich. Une panique générale s'éleva parmi les passagers qui quittèrent leurs sièges et se ruèrent en toutes directions, vers le cockpit, vers les issues de secours, les la soute, harcelant les membres de l'équipage dont ils pouvaient se saisir pour savoir ce qui se passait. Il y en avait même qui se frappaient dessus dans la bousculade générale. D'autres restaient, eux, pensifs, à regarder le sol défiler près des hublots, espérant encore quelque intervention extérieure, ou refoulant l'étonnement, et cherchant à s'imaginer la mort.
« Xavier ANA ? » se dit Ulrich à lui-même. Pour sûr, c'était une blague de mauvais goût. Mais rien que de songer que le programme était capable d'avoir envie de faire de l'humour, c'était une surprise.

« Nous prions aux passagers de relever leurs tablettes et d'attacher leurs ceintures pour la durée du décollage » continuait la voix dans le tumulte général, tandis que les consignes de sécurité s'affichaient à l'écran avec les différents tutoriels explicatifs. La foule ne s'en montra pas plus calme pour autant.
Le jeune homme se releva d'un coup d'entre les quelques hôtesses qui avaient réussi à rentrer avec lui et montra son ticket à l'une d'entre elles. Elle ne comprit d'abord pas. Puis elle finit par lui faire un signe. Aussitôt il se mit à courir à quatre pattes vers la place 43B, en s'appuyant sur les dossiers des sièges de la rangée centrale. C'était là qu'il avait le plus de chances de trouver Yumi.
Avant même d'arriver à la bonne rangée, il la vit qui essayait elle-même de courir vers l'avant de l'appareil. Il entendit dans la foule un cri déchirant qui l'appelait, reconnut son visage parmi dix autres, couvert de larmes et tendu tout entier dans la direction où elle espérait ne pas le trouver. Le cœur lui bondit dans la poitrine. Oui, songea-t-il en lui-même, oui, elle l'aimait. Soudain, leurs regards se croisèrent, tous deux pleins de larmes.

« Ah, et j'oubliais. » reprirent les hauts-parleurs. « Petit message personnel à de vieux amis : les divorcés travaillent pour moi, alors ne vous en faites pas : je leur ai promis de ne pas leur faire de mal. Je tiens rarement mes promesses, mais ce coup-ci je saurai montrer que j'ai mon honneur. Du reste, pour le moment, ils sont encore en prison. »
Ulrich et Yumi étaient tout à fait impuissants. Ils n'avaient aucun espoir, et l'avion décollerait dans moins de trente secondes.
Le jeune homme ne pouvait pas parler. Mais il arriva aux côtés de celle qu'il aimait et il lui prit la main. Ses yeux étaient plus éloquents que tous les mots du monde. Quant à ce qui les attendait...ce n'était pas la première fois que ce type de situation se produisait, et il avait bon espoir qu'il n'y avait aucune mort certaine à l'horizon.
_________________
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Premier commandement : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
Troisième commandement : Tout individu a droit à la vie
Quatrième commandement : Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.


Dernière édition par Belgarel le Dim 31 Oct 2010 00:21; édité 1 fois
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DimIIy MessagePosté le: Ven 29 Oct 2010 10:49   Sujet du message: Répondre en citant  
[Kongre]


Inscrit le: 23 Oct 2009
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Localisation: Dans mon lit , en train de manger des kinder Bueno !
Ohh myy good ! Je viens de me rendre compte que je n'avais pas tout lue !Contrairement à ce que je t'ai dit par MP =S je vais de ce paas remedier à cela Wink
Sinon je commence un peu à m'égarer un peu entyre toutes ses description et (pour moi) tu n'aére pas assez ton texte c'était les seuul critique que j'avais à faire !

Au faite où est William ? Il est pas là ? Il est mort sous le pont ?xS

J'éditerais mon message quand j'aurais tout lue Wink

_________________
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Merci me98 !!

Texte by me : Disparition (2eme version de préférence )
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Belgarel MessagePosté le: Ven 29 Oct 2010 12:36   Sujet du message: Répondre en citant  
[Manta]


Inscrit le: 20 Aoû 2010
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William ? ah, voilà ce que ça donne de ne pas poster pendant quelques mois : les gens sortent dans votre récit, et quand ils reviennent, ils ne le trouvent plus naturel t_t

Bon, William, je l'ai juste éjecté d'une façon odieuse à la fin de la section 3. Le coup du pont, c'est juste parce que c'est son futur, mais l'affaire est complètement indifférente.
J'ai décidé de ne pas l'intégrer dans la fic, car 93, 94 et 95 montraient qu'intégrer William à notre petite bande était encore plus compliqué qu'à la fin de la saison 3 (où il y avait déjà le problème du triangle amoureux William-Yumi-Ulrich). Pour ma part, j'estime que William ne peut pas coexister avec un SC allumé. Pas après ce qu'il a vécu. Pas après son retour sur terre - pas après qu'il ait compris, à ses dépens, que ce n'était pas un jeu.

Pas assez aéré le texte...dans quel chapitre (si ce n'est dans tous Razz) ?
Car, bon, si je dois simplement rajouter des paragraphes ou sauter des lignes, je peux le faire sans trop de scrupules. Contrairement à Proust, je ne me prends pas pour Proust.
Mais tu dis que tu t'égares...pour retrouver où tu en es dans la lecture, ou dans le fil du récit ?

Ben puisque tu as bientôt fini, je posterai bientôt la section 12 ^^ Ceci dit, je préfèrerais éviter d'avoir à le poster sur cette page...c'est une très longue section :s

Edit : Ah, tant que j'y pense...je poste la nouvelle description qui est faite de Yumi à son arrivée sur Lyokô, dans la section 3.
L'auteur sans lecteurs *_____* a écrit:
Yumi découvrit qu'elle était vêtue d'un ample kimono d'un noir d'encre de Chine, sur lequel montaient en ondulant doucement comme des arbres agités par le vent, à peine visibles dans la nuit qui l'entourait, des lignes rouge sombre, presque brunes. Elle ne se lassait pas non plus d'observer la ceinture nouée autour de sa taille, dont le fin tissu de soie écarlate, sur lequel se greffaient de délicats motifs de courbes et de lignes jaunes et vertes entrecroisées, encadrant de part et d'autre de son bassin la courbure de sa hanche et de ses jambes, tombait jusqu'à ses chevilles.
Je l'admets, ça change de la tenue de combat avec des lignes Razz
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Kinshii MessagePosté le: Sam 30 Oct 2010 18:21   Sujet du message: Répondre en citant  
 


Inscrit le: 20 Juin 2009
Messages: 970
Ton rythme de publication est complètement chaotique, comment veux-tu qu'un lecteur normalement constitué puisse te suivre ?

Effectivement, pour la description de Yumi, y'a du changement (note qu'un kimono n'est pas une tenue de combat).


Je cache la réponse à ton message précédent...
Spoiler



... Et j’enchaine maintenant avec la critique des chapitre 10 et 11.


Chapitre 10

« et que rayait un unique rayon blanc » Répétition pas franchement gênante, mais je n’avais encore rien relevé, et cela m’oppressais ^^

« Je viens de me prendre la veste de ma vie. »
Pour moi, une veste ça a une connotation pas anodine, mais presque. Odd se prend des vestes. Ulrich ou Jérémie se font jeter. Enfin, c’était pas vraiment un reproche, mais surtout histoire de savoir si je dois réajuster mes notions.

Tiens, un peu de lumière, ça faisait longtemps.

L’avantage d’avoir repris le récit dix ans plus tard, c’est que tu peux faire voler en éclats des choses ancrées depuis longtemps sans avoir à nous ennuyer avec pendant plusieurs chapitre, ici l’effet est réussi à mon avis.
Comme le dit Odd : « aujourd'hui, c'est différent »
(la remarque vaut pour Aelita et Jérémie.)

Autre point positive dans ce chapitre, c’est que tu parviens à « effacer » le vide de ces dix années par des analepses qui sont parfois déguisés, m’enfin le résultat est le même, on est au courant de faits qui se sont déroulés il y a longtemps et c’est une bonne chose.

Comme ça ne me ressemble pas de m’étendre uniquement sur ce qui est positif, je relèverais un détail au sujet du départ précipité d’Ulrich pour le Japon. Il part du principe que Yumi sera elle-même retourné là-bas, mais cette hypothèse n’est basée que sur des suppositions. Je pense qu’Ulrich aurait dû se renseigner auprès de Jérémie ou d’Aelita avant de prendre l’avion.


Chapitre 11

« au moins au tant que de coutume » > autant
« un homme en costume brun avec une canné » > canne


Grosse interrogation concernant le casier de consigne de la gare. Comment ont-ils eu connaissance de ce casier ? Comment croire que les employés de la gare n’ai pas les moyens d’ouvrir les casiers, avec un pass ou un double ? C’est pas un coffre dans une banque…
Que viens faire la femme de Hopper ici ?

Je parie que tu t’es bien marré en écrivant la discussion téléphonique entre Jérémie et X.A.N.A.

Notre intelligence artificielle qui parle d’elle à la troisième personne, ça fait bizarre. Visiblement, tu as décidé de briser la règle d’or selon laquelle il est omniprésent, omniscient, et invisible. J’y avais moi aussi songé très sérieusement, mais j’hésite encore.

« XANA sait pourquoi il a été créé, et sa mission initiale continue d'être le cœur de chacune de ses actions. »
Voilà qui promet d’être des plus intéressants. Même attachement que moi pour l’effet d’annonce ? ^^



« Mesdames et messieurs, bienvenue à bord du vol 743 en direction du ciel. Je suis votre commandant de bord Xavier ANA, et je vous souhaite un agréable voyage vers une mort certaine. »
*applaudit*


« Avant même d'arriver à la bonne rangée, il la vit qui essayait elle-même de courir vers l'avant de l'appareil. Il entendit dans la foule un cri déchirant qui l'appelait, reconnut son visage parmi dix autres, couvert de larmes et tendu tout entier dans la direction où elle espérait ne pas le trouver. Le cœur lui bondit dans la poitrine. Oui, songea-t-il en lui-même, oui, elle l'aimait. Soudain, leurs regards se croisèrent, tous deux pleins de larmes. »

Je trouve ça confus (oui, je sais, ça colle avec le contexte).
Mais j’aimerais être certain.
Yumi appelle Ulrich, tout en le fuyant ?
Chuis pas sûr de comprendre, mais si tu me dis que c’est bien ça, je pourrais me perdre sans crainte en hypothèses hasardeuses.


Chouette, on dirait qu’il va y avoir du sport.



DimIIy est complètement à l’ouest ^^

Pour ma part, ça va, vu que j’ai lu et relu tous les chapitre avant les vacances, et surtout, PhilippeKadic continue de faire le mort, et je suis moi-même pas loin d’atteindre son niveau d’activité, donc pas de danger que je me mélange les pinceaux entre plusieurs lectures, mais je veux bien croire qu’on s’y perde.

Tu devrais peut-être publier un fichier .pdf avec tous tes chapitres dessus.


Bon courage pour la suite.
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Belgarel MessagePosté le: Dim 31 Oct 2010 00:18   Sujet du message: Répondre en citant  
[Manta]


Inscrit le: 20 Aoû 2010
Messages: 534
Réponse à Kinshii :
Spoiler


Eh ben sinon, voilà la section 12, riche en background, qui assemble et met en place ce que j'avais dessiné dans la précédente. Alors, je sais, Kinshii risque d'être déçu car mon hypothèse n'est pas la plus plausible, mais du moment qu'elle tient à peu près la route, moi je me sens assez content ^^


12

Mieux valait jouer la surprise, songeait Jérémie en s'avançant dans le couloir. Faire semblant de ne pas être au courant. Cela les ferait hésiter, les rendrait moins sûrs d'eux-mêmes, peut-être même moins méfiants ; en outre, donner aux enquêteurs une impression d'effet de surprise pouvait leur faire plaisir, permettre de mieux les manier. Il appuya sur le bouton de l'interphone.

- C'est pour quoi ? demanda-t-il.
« Police Secrète Gouvernementale. Nous avons un mandat. »
- Bien, bien...marmonna Jérémie. C'est nous que vous venez voir ?
« Oui. Ouvrez. »
- Voici, déclara le scientifique en pressant le bouton d'ouverture de la porte. Troisième étage, messieurs. A tout de suite...

Jérémie éteignit l'interphone, légèrement nerveux. C'était maintenant que tout allait se jouer. Le but était de pénétrer leur base, à tout coût. Pour la suite, ils aviseraient.
Il appela Aelita, qui se mit derrière lui dans l'entrée, un peu en retrait. Il ne put s'empêcher de la serrer dans ses bras, pour sentir leurs deux cœurs battre ensemble, avec la même peur. L'un comme l'autre, ils prolongèrent leur étreinte. Le jeune homme pouvait presque sentir la peur d'enfant de son aimée pénétrer dans ses propres entrailles, jusque dans la moelle de ses os, et se mélanger à la sienne. Il lui caressa les épaules, sentant sous ses doigts s'accentuer les frissons qui la faisaient pâlir.

- Tout va bien se passer, lui dit-il enfin, tentant de la rassurer autant qu'il voulait se rassurer lui-même. Ils ne nous feront rien, et nous en serons enfin débarrassés.

Une autre sonnerie retentit. Jérémie ouvrit la porte et contrefit l'étonnement face aux deux hommes en costume qui se dressaient face à lui.

- Bonjours messieurs. Je suis Jérémie Belpois, et voici mon ex-femme, Aelita. Quelle affaire vous amène ?

En voyant Aelita, les deux enquêteurs demeurèrent un moment stupéfaits. Ils échangèrent de derrière leurs lunettes de soleil un regard mystérieux pour se concerter, puis le plus petit serra la main de Jérémie et répondit :

- Une longue affaire concernant votre concubine, monsieur. Nous aimerions en discuter autour d'un verre.
- Cela ne pose aucun souci, fit le jeune homme, les invitant à entrer. J'ai un barman électrique, vous aller voir, une petite merveille...
- C'est un problème d'Etat, des services top-secrets les plus avancés de la science, qui nous occupe, monsieur, le coupa l'enquêteur. Pas de bavardages inutiles. Nous savons tout sur votre situation, nous venons discuter sérieusement.

Il s'installa et commanda un whisky, puis un verre d'eau fraîche pour son collègue.

- Avez-vous, monsieur, connaissance d'un certain Waldo Schaeffer, et de son laboratoire secret ?
- Comment ? fit mine de s'étonner Jérémie. Vous voulez parler de cette salle souterraine avec de l'équipement informatique hors d'usage ? Eh bien, oui, nous en savons...
- L'équipement informatique du laboratoire de Schaeffer est hors d'usage ? coupa le jeune homme.
- Oui, il n'y a rien là-bas. Seulement les restes d'un vieux SuperCalculateur quantique. Hé hé, bien utile dans mes recherches, de voir comment ça peut fonctionner, ricana l'informaticien d'un air roublard.

Les deux enquêteurs échangèrent un regard.

- Eh bien, voilà qui nous avance dans la question du laboratoire de Schaeffer. Nous en avions perdu la trace il y a un certain nombre d'années ; à l'époque, tous les services qui pouvaient avoir quelque idée de sa localisation ou même de son existence ont été décimés et leur matériel détruit. Il nous reste encore à savoir comment, et ce qu'est devenu l'homme en question.
- Vous voulez parler de ce Waldo Schaeffer ? Jamais entendu parler, mais heureux de connaître le nom d'un génie aussi en avance sur son temps, mentit Jérémie.
- Et vous, mademoiselle ? lança le jeune enquêteur à la dame aux cheveux roses, qui restait en retrait, debout près de la porte. Le nom de Schaeffer vous dit-il quelque chose ? Je vous préviens, vous avez intérêt à coopérer.
- Malheureusement, je suis navrée, mais je n'ai jamais entendu parler de cet homme.
- Et Franz Hopper ?
Aelita remua encore la tête. Les sourcils de l'enquêteur se froncèrent et il lança froidement : - Anthéa ?
Comme Aelita reproduisait le même signe, l'enquêteur sembla abandonner la partie. Il se plongea dans un profond mutisme. Soudain, son collègue, une grande baraque renfrognée et couverte de tatouages, prit la parole, et déclara froidement :
- Ils se foutent de ta gueule.

L'autre fut vif comme un serpent ; une affreuse grimace déforma son visage, il bondit sur Jérémie, et lui colla un flingue sur la tempe. Ce dernier ne put s'empêcher de paniquer. Après tout, ces hommes du gouvernement se feraient-ils vraiment des scrupules de l'épargner, lui ?

- Te fiche pas de nous, gamine, lança-t-il en enlevant la sécurité. Si tu ne coopères pas honnêtement, nous serons forcés de nous séparer d'un témoin précieux.
- Il faut nous comprendre, répondit la jeune femme sans oser se départir de son calme. Vous ne jouez pas vous-mêmes franc jeu. Rien qu'en me voyant, vous avez réagi étrangement. Qu'est-ce que vous avez décidé ? de m'emmener ?
- Faut-il que je t'explique qui décide et qui pose les questions ici ? ragea l'autre.
- Je connais Franz Hopper, ou Waldo Schaeffer de son vrai nom, ainsi que son épouse Anthéa. Tous deux sont morts, déclara soudain Aelita.
- A la bonne heure, conclut l'autre en lâchant Jérémie et en rengainant. Mademoiselle veut bien parler. Alors dis-nous ce que tu sais.
- Waldo Schaeffer était un brillant physicien recruté par les services secrets du Projet Carthage, destiné à bloquer les communications russes ; Anthéa Hopper, son épouse. Il a, pour des raisons d'éthique, pris la fuite, et s'est retranché sous la couverture d'un pseudonyme. Pendant des années, il a enseigné la physique à Kadic, tout en établissant une base destinée à détruire le projet Carthage, dont je ne sais pas vraiment en quoi il consistait. Après la disparition de sa femme Anthéa, lui-même n'a vécu que quelques années à l'ermitage, avant de disparaître dans des conditions mystérieuses, sans doute à cause d'un accident de laboratoire.
- Comment se fait-il que tu saches tout ça ?

Aelita n'osa d'abord pas répondre. Mais elle vit que l'interrogateur s'amusait à faire glisser sa main vers la gaine accrochée à sa ceinture. Soudain, elle avoua :

- Parce que ce sont mes parents !

Les deux enquêteurs s'immobilisèrent. On aurait cru qu'ils avaient complètement oublié la présence de leurs hôtes. L'homme à la voix de tueur parut avoir quelque chose à dire. Enfin, il déclara d'une voix claire et articulée :

- Scotch !
- Pareil pour moi, commanda l'autre tandis que la machine remplissait le verre du patron d'un liquide ambré et de quelques glaçons.
- Ça te paraît plausible ? interrogea le plus grand des deux après avoir englouti une rasade d'alcool.
- Ça expliquerait pas mal de choses, admit le plus loquace, sa voix devenant un peu plus aiguë au passage de la boisson. Notamment le départ de Hopper du projet Carthage-X, l'apparition mystérieuse de Mlle Stones, sa fausse identité...
- Note, elle est un peu jeune.
- C'est vrai que pour ce qu'on sait, elle devrait avoir trois ou quatre ans de plus, pour le moins. Mais bon, tant qu'on ne saura pas où est passée X. Anthéa, tout est envisageable. Et puis vas savoir, puisqu'elle n'était pas destinée à la reproduction, quels...
- Pardon messieurs...intervint Jérémie timidement. Peut-être n'avez-vous pas envie que nous vous entendions réfléchir ?

Les deux agents secrets tournèrent simultanément leur regard vers l'informaticien. Ils haussèrent les épaules.

- Mouais, soupira le plus petit des deux. On ferait peut-être mieux de vous ramener à la maison avant de parler entre nous...
- Scotch, ajouta la brute.
- D'autant que nous devrons de toute façon partir. Mouais, un dernier pour la route, peut-être...
Une fois servi, il ajouta, se penchant vers l'oreille de l'informaticien :
- Ceci dit, monsieur Belpois, il faut que je vous explique bien l'affaire : votre épouse n'est pas, aux yeux du gouvernement, un être humain, mais une propriété. A partir de maintenant, son identité et ses droits lui sont enlevés ; elle sera provisoirement rebaptisée X.Aelita. Quant à vous, dans ces conditions, nous devons vous garder en observation, dans la même cellule si vous voulez.
- Bien. On y va, croassa le colosse en reposant son verre d'un geste peu assuré.
- Une minute ! s'exclama Aelita en se levant. De quel droit pouvez-vous m'ôter mon humanité ? Qu'est-ce que c'est que cette histoire de X.Aelita ou de X.Anthéa ? J'exige qu'on m'explique !
- T'as rien à exiger, mignonne, rétorqua l'autre en posant à son tour son verre vide. Tu es un bien des services scientifiques de l'État, en tant que tu es fille de l'expérience X.Anthéa : c'est tout. D'ailleurs, je connais des rats de laboratoire qui seront plus qu'heureux de voir débarquer un nouveau sujet de ta qualité. Le fameux allèle-marqueur A, ça n'indique que du bon. Ah, ça, ils la regrettaient, cette bonne vieille X.Anthéa !
- Allèle-marqueur A ? murmura Aelita, dans l'écroulement généralisé du monde qui se produisait autour d'elle.

Le colosse se leva en poussant sa chaise et épousseta sa veste.

- Les cheveux, dit-il en sortant.

***

- Bien. Maintenant, 90° à gauche, annonça l'homme qui guidait Jérémie, juste à avant de bifurquer.

Entraîné par une paire de menottes, le jeune intellectuel n'eut d'autre choix que de continuer à se laisser faire, en écartant prudemment son bras libre pour éviter de se prendre un mur.

- Quand nous enlèverez-vous ces bandeaux ? normalement, nous sommes dans un bâtiment inconnu ; ou bien faut-il que nous ne voyions rien ?
- Vous pourrez retrouver la vue quand vous aurez pénétré les quartiers secrets. Pour le moment, nous sommes dans un bâtiment public. La prudence et notre juridiction nous intiment de ne pas laisser connaître son apparence. Mais dès que l'ascenseur sera arrivé au niveau secret, nous vous relâcherons. Avez-vous des objets qui émettent des ondes sur vous ?
- J'ai un portable, répondit Jérémie. A ce propos, pourrais-je passer, avec votre permission, un bref coup de fil à une amie ? c'est pour le boulot. Il s'agit juste de donner une confirmation.
- Ça ne devrait pas poser trop de problèmes. Je vous arrange ça. Quel numéro ?
- Le contact A.D. Ce sont ses initiales.
- Voilà, dit l'autre après quelques secondes en collant le portable contre son oreille. Après, nous serons dans l'obligation de vous le confisquer.
- Je comprends, concéda Jérémie tandis qu'une sonnerie criarde l'assourdissait.
- 90° à droite, et peu après, 90° à gauche.

Adèle ne fut pas longue à décrocher. Entendre sa voix familière aurait presque rassuré Jérémie, si elle n'avait été aussi tendue.
« Allô ? »
Adèle savait tout de la situation présente, et dans l'ensemble, il fallait admettre qu'un plan aussi incertain lui faisait extrêmement peur. Plus encore qu'à Jérémie.
« Salut Alice, c'est Jéjé. Je pourrai pas venir ce soir, alors il va falloir que tu t'en charges toute seule. Bon, ben c'est pas compliqué, tu lances les programmes, tu récupères les données, tu appliques le protocole à la lettre, et s'il y a un pépin – eh bien, on en reparlera sans doute quand on se reverra...Tout est bien clair ? »
« A cent pour cent, Jérémie. N'en reste pas moins que j'aimerais pouvoir compter sur ton aide ce soir si ça foire. »
« T'as qu'à demander à quelqu'un d'autre, au pire. » répondit-il, d'un air impatient. « Ça me plairait vraiment pas mais...bon, je crois qu'on a eu le temps de tout se dire ; me reste plus qu'à te souhaiter bonne chance. »

La sensation du téléphone appuyé contre son oreille disparut et le bruit du téléphone dont le clavier se verrouillait retentit dans le silence. Ils venaient de s'arrêter.

- Merci monsieur. Bon sang, c'est terrible...
Il se remit à se lamenter tout haut du sort qui attendait Aelita, comme il n'avait cessé de le faire dès l'instant où les types lui avaient parlé de cette histoire d'expérience scientifique. Il s'agissait de garder une couverture plausible ; mais tout en faisant semblant de se plaindre, le jeune informaticien n'avait cessé de se morfondre intérieurement de la douleur et du doute qui devaient en même temps remuer la femme qu'il aimait. Celle-ci n'avait pas dit un seul mot. Elle demeurait hermétiquement pensive et silencieuse. C'était comme si elle avait perdu la parole en même temps que son humanité ; et chaque seconde qu'elle passait sans dire un mot torturait Jérémie, tandis qu'il se torturait lui-même en jouant cet odieux jeu sur lequel l'avait lancé XANA, au lieu de la réconforter.
Ce n'était pas la première fois, après tout, qu'Aelita marchait, se mouvait, respirait l'air ainsi que ceux qui l'entouraient, en sentant le puissant sentiment de sa différence marquer chacun de ses mouvements, l'écarter, la déplacer hors d'un monde auquel elle n'appartenait pas de droit. Ne s'était-elle pas jadis crue un simple programme informatique, une intelligence artificielle ? Même si elle était môme à l'époque, le souvenir de cette époque douloureuse n'avait pas disparu. Elle avait vécu heureuse, à l'abri de ce genre d'interrogations, pendant toutes les années où elle s'était crue aussi humaine que tout autre être humain, aussi vivante que tout autre être vivant. Et voilà qu'elle était autre chose, tout d'un coup : un résultat d'expérience, à nouveau, un être fabriqué et conçu de toutes pièces – quoi ! rien de libre qui n'eût le droit d'exister, rien de vrai non plus – rien en fait, d'autre qu'un immense mensonge. Moins encore que jamais ; elle était devenue un objet, une contrefaçon ou une sorte d'hybride – saurait-elle jamais un jour quoi exactement ?
Car dans le fond, son patrimoine génétique ne mentait pas : elle appartenait bel et bien à l'espèce humaine. Qu'entendait-on par sujet d'expérience ? les plus folles conjectures se pressaient dans son esprit. X.Aelita...Après tout, si les scientifiques du gouvernement avaient été capables de fabriquer une machine aussi impressionnante que le SuperCalculateur quantique du dessous de l'usine plus de vingt ans avant que les principes n'en soient pleinement compris – si leur savoir permettait de remonter le temps, de développer la technologie des spectres, de désintégrer la matière et de la réarranger à volonté ; de simuler un cerveau humain, de lancer des lasers explosifs à la mode star wars, alors qu'est-ce qui rendait impossible qu'elle ne fût...une sorte de clône, une ébauche d'OGM humain ?
Toute sa vie basculait sur cette unique information, qui semblait pénétrer au plus profond de son cœur et annihiler tout ce qu'elle avait connu, tout ce qu'elle avait été jusque-là. Mais non, se dit-elle soudain ; non, trois fois non, ce n'était pas elle ! peu lui importait ce que pouvait être le secret entourant sa naissance ou celle de sa mère : elle était née, elle avait grandi, elle avait éprouvé, elle avait connu ; elle avait aimé, elle avait douté, elle avait craint, elle avait voulu – et elle voudrait encore. C'était tout cela qui la constituait, non un amas de gènes. Après tout, s'était-elle jamais identifiée à un gros paquet de flotte avec une couche de protéines surnageant dedans, et quelques bouts d'ADN ? Qui aurait eu l'idée de se voir comme un simple corps, quand c'était ce qu'on avait connu, quand c'était l'esprit, quand c'étaient le cœur qui avaient vécu ? Et elle se répétait qu'elle n'osait pas imaginer la vérité...

Soudain, Aelita sentit la grande main de l'homme en noir qui se tenait dans son dos glisser sur son cou. Il desserrait le bandeau qui lui couvrait les yeux. Tout d'un coup, la lumière l'aveugla, et elle se retrouva devant une grande salle oblongue aux murs blancs, avec, à perte de vue, des tables couvertes de dossiers épais, d'ordinateurs, et occupées ici et là d'hommes en costume noir. Après plusieurs dizaines de mètres entre des couloirs de bureaux, Jérémie et Aelita arrivèrent devant une petite porte où les hommes en noir les firent rentrer. Ils étaient désormais enfermés dans une salle privée même de lumière.
A peine étaient-ils dans l'obscurité que la jeune femme se retrouva délicatement enserrée par son amant. A ce moment, elle ne put retenir les larmes qui s'accumulaient dans ses yeux, et céda tout d'un coup au malheur. De terribles sanglots secouèrent sa poitrine et sa gorge pendant plusieurs minutes ; et il n'y avait même plus besoin de mots pour que l'un et l'autre sentent la même douleur, les mêmes questions, les mêmes rages s'acharner sur leur âme. Ils savaient qu'il n'y avait à cela rien de grave, que non, cela ne changeait rien, absolument rien – mais qu'il ne servait à rien de le dire ou de le répéter. Et pourtant, ils se le répétaient, et ils le disaient encore et encore.
Rester ainsi dans les bras d'un autre être humain, qui partageait sa douleur, comprenait ses doutes, mais lui affirmait entre deux baisers qu'elle était toujours humaine, qu'elle était toujours elle-même, et que c'était cela qui était important, finit par tranquilliser Aelita. Même, cela lui fit beaucoup de bien. Elle se sentit heureuse comme jamais elle ne l'avait été, et ses larmes changèrent de goût.

- Bien, finit-elle par dire. Où as-tu mis les flacons ?
- Ils sont dans mes chaussures.
- Qu'est-ce qu'ils contiennent, précisément ?
- Des nano-robots que XANA a réussi à développer. De la même façon que la fois où Ulrich a perdu la mémoire. Mais il y a mieux : ces robots sont nettement plus performants que la dernière fois. Ils pourront non seulement détruire un certain nombres de souvenirs bien précis, mais également les remplacer – directement sous le contrôle de XANA. Surtout, il est très important de ne pas toucher la matière dans laquelle ils vivent.
- Et quand est-ce qu'on les administre ? on attend que les enquêteurs viennent ouvrir ?
- C'était le plan de XANA. Le principe et la plus grande faille, si tu veux mon avis : car cela signifie plusieurs heures de détention – et donc, plusieurs heures de tour activée. Tout peut arriver entre-temps. Notamment qu'Adèle éteigne le SuperCalculateur s'il tente de rompre sa promesse en activant une deuxième tour pour récupérer les informations. Ce qui serait une catastrophe autant pour lui que pour nous : il ne s'y risquera probablement pas...
- On a changé de plan, d'après ce que tu laisses entendre ?
- Tout à fait. Grâce à mon coup de fil de tout à l'heure, Adèle a pu repérer notre position. Tout ce qu'elle a à faire, c'est rappliquer, translatée. Je lui ai mâché le travail : ce sera l'affaire de dix minutes...Elle arrive, elle nous libère, on s'occupe de finir le boulot en effaçant les mémoires des ordinateurs et en mettant des nano-robots sur les dossiers compromettants, et le tour est joué.
- Et à quel passage doublons-nous XANA pour connaître sa mission ?

Jérémie hésita. Enfin, il déclara :
- Quand nous menaçons d'éteindre le SuperCalculateur et de reconfigurer les nano-robots pour effacer toute trace de mémoire informatique dans le réseau.

Aelita frissonna. Elle savait parfaitement que Jérémie ne ferait jamais une chose aussi terrible que de détruire l'équipement informatique du monde entier et de tuer, par la même occasion, le fantôme de son père, simplement pour vaincre XANA ; et c'était à ce point évident qu'elle craignait que XANA ne soit pas assez bête pour ne pas s'en douter.

***

Adèle fonçait tellement vite qu'elle avait l'impression que des ailes lui poussaient sur le dos. Il ne restait que cinq minutes avant que la translation ne prenne fin, et le bâtiment indiqué par le repérage satellite était à peine en vue. Selon toute apparence, c'était un immeuble de bureaux des plus normaux du quartier de la défense. Mais elle savait que c'était en réalité une porte d'entrée vers des bureaux des services secrets du gouvernement ; comment retrouver Jérémie et Aelita dans une telle botte de foin, en moins de cinq minutes ?
La réponse fut si spontanée, se présenta de façon si évidente, que la jeune fille en fut désarçonnée. Il y avait des gens dans cet immeuble, et elle pouvait les sentir – comme des monstres de XANA sur Lyokô, il lui semblait qu'elle comprenait la façon dont ils fonctionnaient, ce qu'ils pensaient, ce qu'ils éprouvaient. Rien de bien passionnant dans l'ensemble, si ce n'est fatigue, concentration, absorption dans le travail, abnégation ; trois ou quatre seulement faisaient exception. Elle n'eut aucun mal à comprendre qu'elle percevait Jérémie et Aelita. Et par ailleurs, tous ces gens étaient sous ses pieds.
L'affaire n'était pas compliquée. Elle laissa l'instinct la guider jusque dans la cage d'ascenseur, lui faire appuyer sur les boutons des étages 29, 45 et 62, et se laissa doucement descendre à l'étage secret. Elle se retrouva, dès que la porte de l'ascenseur fut ouverte, devant un boîtier à combinaisons. Ce n'était pas cela qui allait l'arrêter. Un regard un peu perçant, et la porte de métal, certes toujours verrouillée et épaisse d'une bonne dizaine de centimètres, arborait un magnifique trou. On dirait une porte pour hobbits, songea Adèle en se baissant pour passer, avec un sourire de petit enfant.

Les choses sérieuses commençaient dans le trou des hobbits. Dès qu'ils la virent entrer, les agents présents dans la salle sortirent leurs armes et se mirent, presque sans sommation, à faire feu. Il s'en fallut de peu que le jeune fille ne soit touchée et que le spectre s'efface. Elle se cacha prudemment sous un des bureaux de cette pièce immense aux aspects labyrinthiques et se mit à réfléchir à toute vitesse, malgré l'adrénaline qui inondait ses veines. De sa vie, elle n'avait jamais éprouvé une frousse pareille. Le silence s'était fait, les agents se déplaçaient ; elle avait beau se concentrer, elle ne parvenait pas à les saisir, ils la refusaient hermétiquement, ils résistaient, le temps pressait, et ils se rapprochaient...
Ça y était ! un révolver à la main, elle s'approchait lentement de la position où la fille s'était planquée...elle s'arrêta soudainement.
Dubois faisait un signe pour demander ce qui se passait. Le sang d'Adèle ne fit qu'un tour. L'agent bondit par-dessus la table qui le séparait de Dubois et lui flanqua un coup de poing avant de se mettre à couvert. Dubois était KO, les autres étaient tellement étonnés qu'ils n'avaient pas encore réagi – il devait en rester cinq, peut-être six debout. Vif comme l'éclair, l'agent secret bondit hors de sa cachette et se rua dans un corps à corps acharné contre ses collègues. Il hurlait comme un fanatique :
- Ne me descendez pas, les mecs ! putain de merde, elle me contrôle, la salope ! tirez pas, bordel !
Petite facétie d'Adèle. Son arme secrète était dévoilée par cette ruse, mais au moins, elle était sûre que les agents n'oseraient pas tirer. Le principal était tout de même qu'il n'y ait pas de mort.
Puis ce fut une découverte merveilleuse. Le co-équipier de l'agent dont elle avait pris le contrôle sortit soudain de sa poche une matraque électrique. Le choc fut pour le moins rude, mais pendant que l'homme en noir achevait d'assommer la marionnette de la collégienne, Adèle surgit de sa cachette et, d'un regard furieux, brûla le poignet dudit coéquipier, pour s'emparer plus facilement de l'arme. Comme il ne restait que deux hommes en état de lutter, ce ne fut pas difficile de les désarmer d'un regard, puis de les maîtriser. Pas difficile, mais risqué, dans la mesure où une balle bien tirée abîma le spectre d'Adèle au dernier moment.

Elle se releva enfin, épuisée. Pas moins de douze agents secrets étendus au sol, dont les deux qu'elle avait vus ce même après-midi, parmi des piles de papiers en désordre, des écrans d'ordinateurs cassés et des bureaux renversés. C'était plutôt du bon travail. Elle ne fut pas longue à trouver les patrons.
- Mission accomplie, Jérémie. J'ai un peu foutu le souk dans l'entrée, mais tu m'excuseras si je reste pas pour ranger ?
- Aucun souci, Adèle, répondit l'autre en souriant étrangement, d'un air un peu préoccupé, tandis qu'Aelita fonçait hors de la cellule avec les deux ampoules de nano-robots, le regard déterminé. Tu devrais réapparaître directement dans la salle des scanners dans un peu moins de deux minutes. La première chose à faire, c'est de vérifier que XANA ne tente rien, d'une part en cherchant à activer une autre tour, d'autre part en envoyant deux spectres différents avec une seule tour. Tu n'as qu'à taper « Adelejuin2.exe » cette fois, et là encore, le SuperCalculateur se chargera de tout. S'il y a un pépin, tu nous appelles.
- Reçu. Vous allez faire quoi, ici ?
- D'abord, vérifier les dossiers papiers et les ordinateurs. Puis il faudra aussi qu'on envoie à XANA une image de la salle pour que quelque chose explique l'état de la porte, et d'autres données...
- Et après, vous vous barrez ?
- Bien sûr. Pas envie de rester ici pour leur petit-déjeuner...Pourquoi ?
- Je sais pas...si j'étais toi, j'en profiterais pour fouiner un peu, déclara Adèle.

La conversation se termina brutalement, tandis que le spectre d'Adèle se dissipait dans les airs. Jérémie marmonna pour lui-même :

- Mouais, mais je sais pas si j'ai vraiment envie de découvrir ce dont il s'agit...

Puis il s'empressa de courir rejoindre Aelita, qui était en train de plonger dans la bouche du type à la voix de tueur un morceau de papier avec une partie du contenu d'une des deux éprouvettes.

***

Yumi ne savait trop quoi penser. Elle ne pouvait s'empêcher d'être impressionnée par la façon dont Ulrich s'acharnait devant elle sur le porte du poste de commandement. Sa mâchoire nécessitait de toute évidence des soins urgents, le sang abondamment répandu et séché sur son visage et sa chemise lui donnant l'air d'un spectre à peine sorti d'un cercueil – et pourtant, sans se plaindre, il était tout entier absorbé dans sa tâche, à pousser et pousser encore le chariot contre le fer sans faire le moindre dégât à la porte. Il continuait de lutter sans se décourager.

- Alors, elle revient, cette hôtesse ? hurla-t-elle à la foule des passagers terrifiés qui se massaient derrière eux.

Bon nombre de ces gens avaient été brutalement évacués du chemin par Ulrich, songea la jeune japonaise, encore impressionnée par la vitesse avec laquelle Ulrich avait réussi à lui frayer sans mot dire un chemin jusqu'à la porte verrouillée du cockpit. Une lumière noire avait brillé dans ses yeux, un feu sauvage que rien n'aurait pu apaiser – et pas la moindre trace de panique n'avait altéré sa détermination. C'était comme ça qu'il avait toujours été, dans les pires moments – totalement intrépide.
Yumi arracha de force des explications à l'hôtesse. Celle-ci garantissait qu'il n'y avait pas moyen de démonter les chariots, et encore moins de franchir la porte. Yumi la repoussa avec énervement, sentant le désespoir l'envahir. C'était bien beau de regarder cette andouille écervelée s'acharner comme une bête, mais cela ne mènerait à rien.
Tout à coup, le chariot que malmenait Ulrich se brisa, et les barres de métal qui le composaient se détachèrent toutes, plus ou moins tordues, de la carcasse, tandis qu'Ulrich furieux les en arrachait. Il en lança à Yumi en faisant des signes vers les portes et vers les réacteurs. Celle-ci le comprit immédiatement.

- Un conseiller technique en plus de cette putain d'hôtesse ! hurla-t-elle en couvrant le vacarme que faisait Ulrich en s'acharnant sur la porte avec les barres brisées.

Un petit homme chauve et binoclard émergea de la foule en bafouillant.

- Je suis ingénieur dans l'aéronautique civile. Vous ne pouvez pas atteindre les réacteurs pour empêcher le décollage, mademoiselle – pas avec la foule.
- Alors tu conseilles quoi ? rétorqua la jeune femme.
- Continuer à s'acharner sur les portes, soutint-il. Enfin, celle du commandant.

Yumi sentit soudain un grand flot de désespoir l'envahir. Elle avait bien peur, en entrant dans le cockpit, de ne pas trouver le pilote sous l'emprise de XANA, mais l'équipage évanoui, et l'avion hors de contrôle. Si cette porte contre laquelle luttait Ulrich était leur dernière chance, vraiment, elle était bien maigre.
L'hôtesse arriva enfin en déclarant que tous les circuits électriques de l'avion avaient été coupés et sabotés, et que les membres de l'équipage qui avaient subi des décharges électriques en s'attaquant aux portes étaient en train de reprendre conscience sans, semblait-il, avoir subi de séquelles.
Avant que la jeune femme ait eu le temps de songer à sa décision pour la suite des opérations, la porte du commandant, dans un sinistre grincement, se faisait transpercer par la barre de métal d'Ulrich. Ce dernier parvint à passer son bras dans le trou qu'il avait ménagé, et ouvrit la porte en se bloquant dedans.

- Pousse-toi ! lui cracha Yumi en se ruant dans le cockpit.
Il la retint en tortillant une jambe tant bien que mal, l'épaule toujours coincée dans la porte. Il s'en fallut de peu qu'un grand arc électrique émergeant du tableau de bord ne la foudroie. Elle poussa un cri aigu. Les deux pilotes et leur conseiller technique étaient tous trois avachis sur leurs sièges, évanouis, la peau brûlée. Exactement le scénario qu'elle avait redouté.
Ignorant le cri de panique de l'hôtesse qui assistait derrière elle à ce spectacle, elle attira à elle le petit conseiller technique en le tirant par la cravate et cala son regard dans le sien.

- Sur quel bouton doit-on appuyer pour couper les arrivées de carburant vers les réacteurs ? demanda-t-elle calmement. Parle et ne t'approches pas, ajouta-t-elle en allant briser une tablette d'un des sièges de première classe, bousculant la foule qui se pressait pour rentrer dans le cockpit.

Quand elle fut revenue, le petit bonhomme reposait à terre à côté du co-pilote, et Ulrich, libéré, lui signifia qu'il avait vu quel bouton devait être pressé et tendit le bras. Yumi lui céda la tablette presque à contrecœur, répugnant à le voir jouer au héros encore une fois. Le jeune homme, pour sa part, se prépara attentivement, certain qu'il n'aurait pas deux chances. Enfin, il fit glisser, avec la planche de plastique, une languette au-dessus de la tête du pilote et recula d'un bond. Le bruit des réacteurs s'évanouit petit à petit, et l'avion commença à ralentir en plein milieu d'un virage. Il semblait bien que XANA avait perdu. Ce fut un grand soulagement dans l'avion – et, en même temps, une certaine appréhension, un certain malaise. Car s'il n'était pas question de mort, le bruit s'était répandu que ce qu'il y avait dans le cockpit n'avait aucun sens, et une peur agitée continuait de planer parmi les passagers.
Le calme fut de courte durée. A peine Yumi s'était-elle extirpée du cockpit avec la ferme intention de tenter de démolir une des portes de secours, que la voix qu'elle avait entendue cinq minutes plus tôt se mettait à résonner dans le noir complet de l'appareil.

« Air France remercie chaleureusement de sa précieuse collaboration la passagère mademoiselle Ishiyama, et son fidèle chien monsieur Stern, amené en dépit de l'insistance de l'équipage dans le compartiment des passagers, et tient à solliciter leur aide pour régler un nouveau problème technique. »
Soudain, les lumières s'allumèrent toutes d'un coup, et les télévisions diffusèrent des images d'un dessin-animé de Pixar. La voix reprit.
« Bien que l'électricité et les arrivées de carburant à bord de l'appareil aient été coupées, le commandant de bord Xavier ANA a trouvé le moyen d'assurer aux très estimés passagers clients du vol 743 les services qui leur sont dus. Comment nos héros arrêteront-ils le pilote fou ? Vous le saurez au prochain épisode. »

***

Neutraliser les agents et vider les disques durs d'ordinateurs, ç'avait été l'affaire d'un petit quart d'heure à tout prendre. Du gâteau pour un tandem comme Jérémie et Aelita. La véritable difficulté, c'était d'éplucher les piles de paperasse éparpillées sur le sol, pour y trouver des informations touchant à l'affaire Hopper, les trier, les remplacer en couvrant ses traces grâce à l'équipement informatique, et tout ranger. Non pas que ce fût impossible ; mais le désordre ambiant laissait l'impression qu'il faudrait pour ce faire des heures qu'ils n'avaient pas. Pour ne rien arranger, Jérémie savait que si XANA apprenait que les nano-robots avaient été administrés plus tôt que prévu, la tour pouvait être désactivée n'importe quand, avant même qu'ils aient terminé le travail convenu. Bref, leur position était délicate, face à une épreuve quasiment titanesque.
Aelita, jusque-là, avait réussi à reconstituer les piles, et trouvé cinquante des cent documents qui les intéressaient – regroupés, pour une bonne partie, dans les mêmes dossiers, mais parfois isolés. Jérémie, pour sa part, en avait remplacé le tiers. Il était très ralenti par la nécessité d'utiliser des gants pour couvrir ses empreintes digitales (précaution qu'il avait estimé indispensable), qui lui faisait faire d'innombrables fautes de frappe. Ce boulot de longue haleine l'énervait.
Dix minutes passèrent encore. De temps à autre, un inspecteur se mettait à remuer en grognant ; Jérémie lui filait un coup de pied pour le faire se tenir tranquille. Il commençait à suer à grosses gouttes, et Aelita trouvait de moins en moins les documents ; elle devait partir à un poste de travail éloigné, mais son amant s'y opposait, n'aimant pas l'idée qu'elle s'éloignât, compromettant les brillants résultats de leur collaboration.

Il s'était à peine fait une raison que le téléphone se mit à sonner. Il décrocha nerveusement.

« Adèle ? »
« Le niveau d'activité de la tour a l'air bizarre. On dirait que ça a brusquement augmenté... »
« Quel nombre ? »
« 43%. »
« Appelle Odd. Qu'il se ramène à toute vitesse avec sa caisse, peu importe ce que ça lui coûte vis-à-vis de son dîner avec Sissi. C'est une question de vie ou de mort. »
« Qu'est-ce que ça veut dire ? »
« XANA est en train de se préparer à lancer un spectre. Plutôt gros. Tu vas voir, ça va monter à plus de 85% d'activité, quand le spectre sera lancé. »
« 85% ? Ce qui veut dire ? »

Jérémie hésita. Autant lui dire la vérité. Dans une situation pareille, un peu de panique ne pouvait pas faire de mal.

« Ce qui veut dire que si XANA a bien prévu son coup, je ne donne pas cher de notre peau. »

***

Si on omettait la façon dont elle avait commencé, la soirée était un véritable délice pour Odd. Sissi était un véritable délice, dans sa robe fendue rouge, ses longs cheveux noirs délicatement bouclés coulant doucement sur les reflets de soie du tissu – mais le goût suprême de sa mise, le détail dont il ne se lassait pas, c'étaient ses deux boucles d'oreille, de longs tuyaux cristallins finement sculptés, et qui, pendant à une courte chaîne d'or, se balançaient de part et d'autre de son fin visage, caressant de temps à autre la courbe de l'arrière de ses joues. Qui l'eût cru, songea-t-il avec un petit sourire ? Cette chipie, cette petite peste coquette, s'était avec le temps transformée en une ravissante créature, aux manières si prudentes, au cœur si touchant ! C'était sans doute ce qui l'avait le plus conquis chez Sissi : la façon dont son cœur avait changé.
Moins d'une semaine après le jour où Sissi avait, une fois de plus été refusée dans le groupe, attiré par l'envie de la taquiner, Odd avait eu la force de se bouger de jour de son lit, et d'aller faire un tour au lycée où elle travaillait. Mais en arrivant, en rampant, sous la fenêtre de l'infirmerie, il avait entendu des voix en sortir. Étonné, il avait écouté. Et là, quelle n'avait pas été sa surprise. Élisabeth était en train de consoler une petite fille qui pleurait de ce qu'aucun garçon ne voulait sortir avec elle parce qu'elle était trop petite.
« Voyons, ma chérie, il ne faut pas trop faire attention à ce qu'elle te dit. Elle peut être très méchante quand elle est vexée, mais crois-moi, si elle avait raison, vraiment, crois-tu qu'elle aurait ressenti le besoin de te le dire ? et puis, les garçons, tu sais, pour l'importance que ça peut avoir... »
Petit à petit, Odd avait commencé à entendre décliner les sanglots. C'était incroyable : Sissi était en train de trouver les mots justes. Puis soudain, le jeune homme sursauta. Son cœur battait à toute vitesse, il avait des larmes au bord des yeux, ça faisait une demi-heure qu'il écoutait la voix de l'infirmière, et la porte venait de se fermer en claquant.
Ce qui était génial aussi, cette soirée-là, ce n'était pas seulement qu'il pouvait regarder Sissi rire et lui parler tout son soûl – ça, à la rigueur, pour le nombre de fois qu'il l'avait déjà fait ! non, c'était surtout qu'il se sentait si bien, dans une atmosphère si conviviale, avec monsieur Delmas et sa fille, qu'il se permettait absolument toutes les blagues dont il avait envie, et que toujours on riait de bon cœur, sans jamais juger sa maladresse déplacée ; et puis, ce qu'il se goinfrait ! Il se sentait, en réalité, parfaitement à sa place.

C'est pourquoi, quand le message d'Adèle arriva, Odd hésita sérieusement à bouger. Enfin, il se décida. De toute façon, il pourrait bien y avoir un retour dans le passé, avec la perspective de ne pas voir cette fois monsieur Delmas évanoui et Sissi en train de l'électrocuter. Il prétexta un coup de fil urgent, sortit de table, et fonça à la voiture d'Ulrich en songeant que, deux minutes plus tard, Sissi et son père se rendraient peut-être compte qu'il n'était plus dans la maison.
Trouver la voiture, y monter, se ruer vers la défense, ramasser Aelita qui courait dans la rue, foncer à l'usine, descendre au labo – tout cela prit tellement de temps qu'il en fut presque malade. Il ne cessa pas une seconde de maugréer ; Aelita, elle, ne disait pas un mot, mais la tension était à son comble. Le pire moment, ce fut quand, alors qu'ils étaient dans l'ascenseur, ils reçurent simultanément un message de Yumi leur annonçant que XANA venait de prendre le contrôle de son avion au sol. Odd jura et se rua hors de l'ascenseur comme un fou, suivi par Aelita qui courait presque aussi vite.

- Tu peux aller aux scanners ? cria-t-il à Adèle en commençant à programmer la procédure de virtualisation automatique.
- Je veux bien essayer, répondit Adèle. Après tout, ça fait près d'une demi-heure que je suis sur terre. Tour activée dans le désert, à l'oasis.
- Chiotte ! ragea Odd, sans bien savoir pourquoi.

Adèle, qui s'apprêtait à descendre à la suite d'Aelita, s'arrêta et le regarda d'un air surpris.

- C'est étrange que tu sois aussi nerveux.
- Qu'est-ce que tu crois ? rétorqua-t-il violemment. La vie de mes amis est en jeu, et vous vous êtes lancés dans une combine bizarre avec XANA ! je savais que ça allait mal tourner, et ça m'énerve de penser que je le savais !
- Tu es sûr ? lui lança Adèle en disparaissant. Ce serait pas parce que t'es en train de te ranger ?

De rage, Odd frappa sur le dossier de la chaise vide à ses côtés. C'était plutôt parce que ça le dérangeait beaucoup de passer sa soirée sur Lyokô tandis que Sissi pleurait dans les bras de son père, oui !

***

Aelita, tout en courant vers la tour, se sentait submergée par une sorte de sentiment de ras-le-bol. C'était un peu comme si quelque chose l'avait vidée d'elle-même. Tout ce qui lui importait, c'était d'en finir au plus vite avec toute cette affaire, puis de rentrer à la maison – de tout oublier, de se coucher et dormir. Lorsqu'une tempête de sable aveuglante enleva toute visibilité à l'environnement, elle y fut presque indifférente. Après tout, qu'était-ce qu'une tarentule à affronter, visible ou pas ? A ses côtés, Odd s'escrimait contre un escadron de colibris invisibles, pour protéger Adèle qui tentait de prendre le contrôle de l'un d'eux ; Aelita, pour sa part, faisait face à des rafales de lasers, esquivant, se protégeant, répondant à l'aveuglette – et alors ? elle en avait bien vues d'autres, la tour était en vue, et comme d'habitude, elle y serait en moins de cinq minutes.
C'est du moins ce qu'elle était en train de penser quand un des traits finit par la toucher. Elle tomba à terre en poussant un cri presque mécanique. La tempête de sable disparut soudain. Au-dessus d'elle se tenait, assombrissant le soleil de sa masse puissante, un authentique Mégatank – depuis le temps qu'elle n'en avait plus vu ! elle se souvint alors à quel point ces machines ne lui avaient jamais manqué. Ce dernier s'ouvrit brutalement, laissant apparaître, dans une lumière aveuglante, une espèce de cœur en métal maintenu entre deux coquilles creuses par des tendons, comme des filaments ; déjà de l'énergie commençait à s'accumuler dans le cercle central. Aelita vit soudain défiler sous ses yeux tous les moments où elle avait parlé à Ulrich ou à Yumi, tous sans exception, depuis le premier jour, et songea avec horreur que c'était fini, qu'ils allaient mourir, et que rien ne pourrait les sauver. Son esprit au désespoir commençait déjà à élaborer des plans terrifiés. Elle rematérialiserait Odd et Adèle, mettrait son père sur une clé, et éteindrait le SuperCalculateur en espérant que cela suffirait à sauver ses amis. Oui, elle ferait cela, car même si cela devait signifier que l'aventure du voyage dans le réseau et de la lutte contre XANA était définitivement terminée, au moins elle ne les laisserait pas mourir sans agir – pour avoir simplement lutté trop mollement.

- Ça y est ! cria la voix d'Adèle. Mais...

Tout à coup, le Mégatank se referma et se mit à lentement tourner sur lui-même. La jeune femme à terre se releva timidement. Puis, tout d'un coup, il se rouvrit et fit feu sur le groupe de colibris d'une part, et sur la tarentule stupéfaite de l'autre. Hécatombe massive. La voix était libre.

- Trop cool ! hurlait Adèle, décrivant des cercles autour du point d'eau, avant de faire un magnifique plongeon et de ressortir sur la plage toute ruisselante d'une eau noire et luisante comme de l'encre, tandis qu'Aelita fonçait à toute vitesse vers la tour.
- Pas mécontent que ça se règle, soupira Odd. Quelqu'un sait où en est Einstein ?
« Je viens d'arriver, Odd. Tout était au poil dans le bureau deux minutes après le message de Yumi, ce qui signifie que je n'aurai qu'à remonter un petit laps de temps avant le point de non-retour...Avec un peu de chance, tu pourras retourner à ton dîner et faire comme si de rien n'était. »
- Merci, vieux. C'était vraiment important pour moi.
- Youhou ! cria Adèle, tentant d'escalader un palmier courbé grâce à la vitesse. Tentant, car bien entendu, le palmier céda dans un craquement sinistre et Adèle se retrouva à rebondir en direction de l'étang avoisinant.

Un moment plus tard, Aelita sortait de la tour.

- Eh bien ? que se passe-t-il ? pas de retour vers le passé ?
« J'arrange mon petit marché avec XANA, répondit Jérémie gaiement. Le fantôme que nous attendions est en chemin. »
- Tu veux dire que je vais devoir le récupérer manuellement ?
« Yep. Alors, vous voyez quelque chose ? »
- Eh bien, il y a bien un trait de lumière bizarre par là, près de l'horizon. On dirait...nan, sans blague, un gardien ! s'exclama Odd. Ah ça alors, ça fait un bail !
- Ça sent le piège, dit Aelita, méfiante. Moi, je laisse pas ce truc s'approcher de moi.
« Pas d'inquiétude. » tempéra Jérémie. « Il devrait pas. D'après XANA, il devrait exploser dans trois, deux, un... »

Et en effet, la lumière diffuse du gardien s'évanouit à l'instant, laissant place au pâle halo blanchâtre du fantôme de Hopper.

- A toi de jouer, princesse, conclut Odd.

***

Ce soir encore, la Bonne Franquette était terriblement animée, par nos six habitués. Ulrich et Yumi avaient décidé, en fin de compte, de ne pas partir – personne n'avait réussi à comprendre exactement ce qui s'était passé à l'aéroport, si ce n'est quelques indices sur un certain Xavier ANA et sur son humour douteux. Mais même Jérémie n'avait pas trouvé intéressantes les considérations sur l'humanité de XANA en retrouvant ses deux amis réconciliés – ce qui, selon le mot d'Odd, en disait suffisamment.
A peine le patron fût-il descendu à la cave à vins, Ulrich se leva et inaugura les discours de toasts, d'un ton à la fois sérieux et quelque peu...étrange, presque drolatique, avec une sorte de fausse solennité.

- Je souhaiterais dédier ce verre à un ami qui nous est très cher, qui est resté là pour nous pendant toutes ces années, qui nous a rendu parfois malheureux, très souvent heureux, et que je ne regrette pas d'avoir connu. Cet ami est le cœur de notre groupe, que dis-je, l'essence de notre vie – et nous pouvons toujours compter sur lui pour nous rappeler qui nous sommes, pour nous conseiller, pour nous guider dans notre lutte pour le bien. C'est à cet ami que nous devons Aelita, c'est à lui que nous devons de nous êtres rencontrés, connus, et aimés, tous autant que nous sommes. C'est à cet ami que nous devons d'être, chacune et chacun l'un pour l'autre, des êtres exceptionnels. A XANA.

Un grand éclat de rire suivit cet apologie de leur ennemi, et pourtant personne ne put s'empêcher de remarquer que ce que disait Ulrich était parfaitement vrai. En particulier, Aelita remarqua que Yumi rougissait violemment.

- A mon tour, lança la jeune avocate en se levant. J'aimerais, pour ma part, remercier un homme qui nous est précieux à tous. Un homme qui a toujours été là pour moi, et qui a toujours consacré sans limites sa vie à ce qu'il jugeait bon. Sous ses dehors renfermés, il ne renonce à aucun sacrifice, à aucune abnégation, à aucun défi, pour venir en aide à ceux qu'il aime. Ce n'est pas tant chez lui l'intelligence que le cœur que j'admire, car je sais que je lui dois tout, et que sans lui, notre lutte ne serait rien – notre groupe n'existerait même pas. A Jérémie.

L'intellectuel, qui pianotait furieusement sur son ordinateur, rougit brutalement. Aelita ne lui avait jamais fait d'éloges comme ça, et surtout jamais en public. Voyant qu'il ne savait absolument pas comment réagit, la table partit d'un grand éclat de rire, qui s'étouffa bientôt, quand Yumi, d'un geste soudain et rapide, se leva, un grand sourire aux lèvres.

- Moi, je dis que tu es partiale, Aelita. Après tout, tu félicites l'homme que tu aimes, ce qui n'est pas difficile. Mais un éloge digne de ce nom, chez les Lyokô-guerriers, doit aussi parler de courage et de sang-froid, d'honneur et de force. Je connais à cette table quelqu'un qui, en plus de tout ce dévouement, rassemble des qualités rares chez les hommes. Quelqu'un qui, dans les pires situations, sera toujours capable de renverser la donne. Son esprit fonctionne à une vitesse incroyable quand le danger risque de lui ôter la vie ; mais c'est toujours d'abord à protéger les autres qu'il pense. Que lui fait donc la souffrance physique ou mentale, que lui fait donc que son cœur saigne ? il accourra quand même.
- Sans blague, intervint Odd avec un petit sourire malicieux, je ne savais pas que Yumi serait capable de si bien me décrire ! On croirait presque qu'elle est amoureuse de moi !

Un grand éclat de rire s'éleva, tandis que Yumi et Ulrich rougissaient violemment, redoublant les rires. La japonaise ne perdit pourtant pas contenance : elle s'était lancée dans cette histoire, elle la mènerait jusqu'au bout.

- En effet, c'est de l'homme que j'aime que je parle, répondit-elle hautement à Odd, qui s'arrêta immédiatement de rire et sentit son cœur battre de joie à l'idée que, pour la deuxième fois, Yumi était en train de faire une déclaration d'amour à Ulrich. C'est de lui que j'aime...et que j'ai toujours aimé.

Ulrich se leva précipitamment et enserra dans ses bras la jeune nippone, pour lui donner un long baiser. La table se remit à rire et à applaudir, avec une nuance cette fois de soulagement. Scène de pur bonheur.
Lorsqu'enfin les deux visages se séparèrent, les regards plongés dans les regards, doux et langoureux, Yumi murmura faiblement :
- Je parlais bien sûr d'Odd Della Robbia.
Le rire repartit pour un bon moment pendant que les deux amants s'embrassaient de nouveau.

- Bon, ben, je crois que c'est à moi de blablater maintenant, lança le jeune homme en se levant à son tour, tandis que Jérémie, nerveusement, lançait son programme de montage. Eh bien, sacrée soirée ! deux repas en moins de cinq heures, des courses de folie, Aelita qui fait des découvertes absolument sans importance, mes potes qui apprennent pour Sissi et tout...
- On te dira pas qu'on n'est pas surpris, pour le coup !
- Bof, si tu te souviens, la première fois qu'il l'a vue...
- Et puis y'avait cette fois, aussi, en première...
- Vos gueules ! interrompit Odd d'un air faussement magistral ; puis, quand le calme fut revenu, il reprit : ouais, bon, j'ai eu du mal à savoir à qui je dédierais ce verre, alors j'ai désiré le lever à l'héroïne de la soirée, qui a sauvé la partie deux fois : une fois en translation, une autre fois sur Lyokô. C'est-à-dire Adèle. Car, bon, moi je dois dire, je savais pas trop s'il fallait un autre guerrier, je faisait confiance à Jérémie ; bah ça alors, c'qu'il pouvait avoir raison ! quand on pense que sans la petite, Ulrich et Yumi seraient rôtis dans les carcasses d'un Airbus, pour le moment...Donc, merci à Adèle, qui nous a permis de connaître du poulet trop cuit ce soir, plutôt que des carcasses humaines trop cuites, et à elle !

La jeune fille sourit. Une chose qu'elle avait toujours, sans trop oser se l'avouer à elle-même, beaucoup adoré, c'était que les adultes lui fassent un compliment sur sa conduite et sur sa personnalité. Car certes, il était toujours très gratifiant de se voir reconnue par ses pairs, mais savoir que des gens qui avaient plus d'expérience vous estimaient comme un égal, c'était vraiment un bonheur rare.

- Bon, eh bien, qu'est-ce que je dirai, moi ? demanda-t-elle en se levant à son tour. Je dois dire que je me sens assez intimidée face à vous tous...et ce n'est pas tellement ce que nous vivons ensemble, ce côté héros de l'ombre, qui m'impressionnait tant au début, que j'aime tellement dans ce groupe, que le fait que...Vous êtes tous des gens géniaux, agréables, drôles, avec des vies passionnantes, pleines d'émotion et de plaisir et tout ça...plus encore, quand j'ai un problème, je sais que je peux compter sur vous, comme vous comptez sur moi. Alors, même si c'est pas tous les jours facile d'être une Lyokô-guerrière, je dois dire que...vous êtes la chose la plus cool qui me soit jamais arrivée dans ma vie. A l'amitié !

De grands sourires bienveillants se joignirent aux applaudissements tandis qu'Adèle se rasseyait, aussi rouge que ses cheveux, et avec dans le regard une sorte de défi. Mais personne ne songeait à rire d'elle et de la naïveté de ce qu'elle avait dit.
Le groupe se tourna peu à peu vers Jérémie, demandant en silence qu'un dernier discours conclue cette longue suite. Mais le génie demeurait assis, et continuait de taper sur le clavier, presque nerveusement.

- Heu, chéri...murmura Aelita en se penchant vers lui.
- Chut ! cracha-t-il sans détourner les yeux de son écran.

Personne n'osa vraiment l'interrompre. Heureusement, en quelques secondes, Jérémie s'était arrêté de trifouiller dans ses programmes, avait lancé un protocole, et prenait la parole.

- Sacrée soirée pour ma part. J'ai découvert dans les dossiers du gouvernement – ou des gouvernements, car la France est en fait assez peu impliquée dans cette affaire – des informations à couper le souffle. Nous savons déjà que la mère d'Aelita, Anthéa, est plus ou moins le résultat d'une expérience assez peu axée sur l'éthique, et que le projet Carthage tournait autour d'elle ; eh bien, j'ai des détails, des noms, et en particulier, je sais que le dossier aurait été fermé il y a longtemps si quelques traces étranges n'avaient pas mis la puce à l'oreille des enquêteurs, obligés de reconstituer entièrement l'histoire du groupe. C'est de la folie : le projet Carthage, d'une importance capitale aux yeux de Ronald Reagan lui-même, est tout simplement tombé dans l'oubli, et tout ce qui y touchait avait, ou peu s'en fallait, totalement disparu. En particulier, Anthéa vivait avec Hopper. La raison pour laquelle XANA a été créé me paraît donc assez claire : couvrir l'enlèvement de Anthéa par Hopper, qui voulait lui offrir une vie d'être humain. C'est du moins ce que je crois. C'est la raison pour laquelle le SuperCalculateur a été créé, c'est la raison pour laquelle XANA pouvait activer des tours, c'est la raison pour laquelle Hopper a construit tout ce qui nous entoure : protéger Aelita et sa mère.
Les informations auraient déjà été assez impressionnantes si elles s'étaient arrêtées là. Or, je suis désormais certain que les services secrets ignorent totalement où se trouve Anthéa. A moins, donc, que Hopper s'en soit volontairement séparé, il n'y a logiquement sur terre personne qui ne sache ce qu'elle est devenue, personne hormis XANA. Et je crois que c'est bel et bien lui qui, accédant à des parties surprotégées du SuperCalculateur, a réussi à l'enlever en faisant passer sa disparition pour une fatalité aux yeux de Hopper. Plus encore, je pense que les hommes en noir qui poursuivaient périodiquement Hopper pour le pousser à se virtualiser dans Lyokô n'étaient pas des agents secrets, mais des illusions envoyées par XANA. Je crois ainsi avoir reconstitué la genèse de cette histoire.
- Attends, ce que tu es en train de nous dire, c'est que XANA a enlevé ma mère et cherché à se débarrasser de mon père de sa propre initiative ?
- Précisément. Se débarrasser de ton père, et de tout ce qui pouvait avoir idée de l'existence d'Anthéa, du SuperCalculateur ou de XANA lui-même. Raisonnement simple, grandes conséquences. XANA n'a toujours pas terminé d'effectuer sa mission, qui n'est pas tant d'exterminer l'humanité (ça, c'est, je dirais, un moyen de s'assurer qu'il n'y aura aucune entrave à l'accomplissement en question) que de...prendre soin d'Anthéa, afin qu'elle ne soit jamais découverte.
- Tu crois qu'elle est toujours vivante ? demanda nerveusement Yumi.
- Qui sait ? En tout cas, elle est prisonnière de XANA. Mais pour ce qui est des certitudes, c'est que le morceau de Franz que nous a filé XANA, même s'il contenait quelques impuretés surprenantes, probablement incrustées par la Méduse, est vraiment impressionnant. Honnêtement, je crois que nous approchons du but. Pour le moment, le SuperCalculateur est en train de ré-assembler les fantômes. Nous verrons ce que ça donne dans deux secondes.

Jérémie tourna vers ses amis son portable. Soudain, une fenêtre s'ouvrit, pleine de schéma complexes et de données mouvantes, de matrices en mouvement et de codes incompréhensibles. Même Aelita semblait ne rien comprendre.

- Heu...Jérémie, bafouilla-t-elle. Je crois que je ne comprends rien à cette fenêtre.

Jérémie ramena l'ordinateur sous ses yeux, et les lunettes lui en tombèrent du nez. Il se mit à pianoter furieusement, avec tellement d'émotion que personne, pas même Odd, n'osa l'interrompre pendant plusieurs minutes que dura sa lutte avec la machine. Enfin, stupéfait, le jeune homme retomba mollement sur son siège et lança, avec la touche entrée, un programme qui permettait de décrypter les segments d'informations qu'il avait sous les yeux. Un fichier vidéo, sous les yeux terrifiés des six Lyokô-guerriers, s'ouvrit.

L'image montrait, avec une netteté incroyable de certains détails, une salle aux murs blancs et aux canapés verts. Au bout, un grand homme musclé était assis à un bureau. Il s'interrompit et se mit à regarder vers nos amis.
- So, what did you decide ? Will you join us ? (Alors, qu'avez-vous décidé ? Vous nous rejoindrez ?)
Le bureau ovale disparut tout d'un coup, et la voix de Hopper, au milieu d'un millier de parasites, lança : « I'm Franz Hopper. I can help you. Im' Franz Hopper. I can help you. »
La fenêtre se couvrit de parasites également. Puis soudain émergea l'image distincte d'une petite fille aux joues et aux cheveux roses roses, dont le nez grossissait et rapetissait alternativement, et dont le visage ne semblait être qu'un masque de plastique constamment étiré – elle n'avait pas de jambes, mais le vêtement qu'elle portait était très net. Soudain vint l'enserrer dans ses bras une grande forme sombre aux cheveux roses, mais dont la silhouette noire ne laissait rien apparaître qui permît d'identifier un être humain.
Le couloir vert dans lequel Hopper marchait lui donnait envie de vomir, comme le montraient les mots qui l'entouraient. Des milliers de bouts de pensée se cognaient dans sa tête, que parfois les jeunes gens voyaient apparaître aléatoirement sur l'écran, très brièvement et de façon incomplète. Hopper marchait à côté d'un homme en costume noir, à l'air vaguement sadique, dont le sourire acide ne présageait rien de bon. Confiance. Peur. Hopper courait, courait derrière une grande silhouette noire au cheveux roses dans le couloir. Elle était nue. Hopper trébuchait, les murs volaient en éclats partout, un grand rugissement montait derrière. Mort. Du sang sur les mains, un flingue – il avait tiré à travers les lunettes, droit dans l'œil sadique. Mort, bon Dieu !

« I'm Franz Hopper. I can help you. I'm Franz Hopper. I can help you. »

Le fichier se ferma. Le groupe des Lyokô-guerriers était stupéfait. Enfin, Odd rompit d'une voix tremblante le silence.
- Einstein, qu'est-ce que c'était, ça ?

L'informaticien ne répondit pas immédiatement. Il demeurait pensif devant l'écran parfaitement normal de son ordinateur. Aelita se mit à le secouer. Enfin, il répondit.

- Le signe que nous commençons à approcher de notre but. Le fantôme de Hopper nous a répondu.
_________________
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Premier commandement : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
Troisième commandement : Tout individu a droit à la vie
Quatrième commandement : Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.


Dernière édition par Belgarel le Mar 02 Nov 2010 18:24; édité 1 fois
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Kinshii MessagePosté le: Lun 01 Nov 2010 13:54   Sujet du message: Répondre en citant  
 


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Argh, 17 pages.
Franchement, ça fait très peur. Je ne sais pas si je peux me considérer comme courageux, en tout cas, je comprendrais sans peine que cela ai rebuté des lecteurs. 17 pages... on n’a pas idée.
C’est pas vraiment agréable de lire sur un écran, et en règle générale, j’estime que 8 pages, c’est un maximum.
...Effectivement, tu en es au double ^^

Je me doute que diviser cette section relativement intense ne devais pas être chose aisée, mais là je trouve que c’est beaucoup.

Bon passons sur cet exploit qu’il serait bon ne pas renouveler… ^^


« Il s'installa et commanda un whiskey » > Whisky, il me semble

« vers la gaine qui pendait à sa ceinture. » > la gaine accrochée à sa ceinture
Depuis Wyatt Earp, les armes à feu ne sont plus suspendues à la ceinture. Les holsters sont passé dans celle-ci, donc techniquement, je ne pense pas que « pendait » soit le terme exact.
(Sauf si ton agent est la réincarnation de Doc Holliday)

« Le contact A.D. Ce sont ses initiales. » > Bien joué Jérémie. Maintenant, les services secrets connaissent l’identité d’Adèle et son implication dans l’affaire. Applaudissements s’il vous plait.
Sans blague, j’espère qu’il sait ce qu’il fait ^^

« Selon toute apparence, c'était immeuble de bureaux des plus normaux » > Un immeuble

« faisait face à des rasades de lasers » > Des rafales, si tu veux mon avis ^^

« Tenant, car bien entendu, le palmier céda » > tentant


Roh, ces agents gouvernementaux, aucune classe, aucun raffinement.
Je préférais les miens * tire la langue*
A la réflexion, X.A.N.A aussi manque de classe. Quelle vulgarité, fi !

Décidément, tout le monde veut que la couleur des cheveux d’Anthéa soit due à une manipulation génétique. Tu as décidé d’en faire le cœur de ton intrigue. Je dois reconnaître que ça semble plausible, même si les indications que l’on peut trouver dans le D.A. ne vont pas dans ce sens à mon avis. Mais c’est une question d’interprétation.


Je me demandais comment tu allais tourner ça, parce que X.A.N.A qui a besoin de l’aide de Jérémie, et qui tient sa parole en retour par sens de l’honneur, on n’y croit pas une seconde. X.A.N.A est un manipulateur, Jérémie est un pion.
Bien sûr, il peut être dans l’intérêt de X.A.N.A de tenir parole, mais comment Jérémie pourrais croire que le programme multi-agent est sincère avec lui ?

Enfin, il/tu n’as pas commis cette erreur. Par contre, je dois dire que translater Adèle me parait franchement risqué. X.A.N.A est le maître sur Lyokô, et il ne ferait rien pour empêcher les Lyokô guerriers de le doubler ? Sans compter qu’en bloquant Adèle, il se retrouverait dans une situation plutôt confortable.



« Quand nous menaçons d'éteindre le SuperCalculateur et de reconfigurer les nano-robots pour effacer toute trace de mémoire informatique dans le réseau. »
Là, je t’avoue que je ne pige pas. Les nano-robots n’ont qu’un rayon d’action très limités comment croire qu’ils pourraient s’en prendre à tous les ordinateurs de la planète ? Et puis, X.A.N.A n’aurait pas envisagé cette possibilité ? Il les contrôles, mais ne pourrait pas les détruire à distance ?



Je ne pense pas que ce soit ton dernier chapitre, pourtant, je pense que tu devrais t’arrêter là.
Moi, cette fin me suffit. T’es sûr de faire mieux en poursuivant ?

Pour ma part j’espère réussir à boucler mon récit en 10 chapitres, et avoir l’élégance de faire court.

Oui, je sais, on est dans ma fic à la fin du chapitre 9, et on est dans le brouillard le plus complet…


Mais un dénouement brutal me semble bien convenir à l’histoire de Code Lyokô, et honnêtement le tien me semble plus qu’acceptable.
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Belgarel MessagePosté le: Mar 02 Nov 2010 18:22   Sujet du message: Répondre en citant  
[Manta]


Inscrit le: 20 Aoû 2010
Messages: 534
L'élégance de faire court ? moi ? Allons donc ! Mr. Green Tu as bien vu que c'était pas mon style !
Je crois que la page 3 de mon topic est la plus longue de tout le forum. Je voulais pas poster le cycle 3 en entier dessus, et contraint et forcé, je l'ai fait ! Résultat spectaculaire ^^

Du reste...eh ben, non, je ne me vois pas m'arrêter là. C'est loin d'être dénoué. En fait, le cœur de la fic vient juste d'être mis en place. Le 4è cycle fera un dénouement en bonne et due forme, quoique relativement rapide à mon goût (j'attaque déjà la section 15 à l'instant).
Et l'épilogue...ah, l'épilogue ! je suis si impatient de l'écrire ! C'est là, véritablement, une fois la série achevée, que je vais me lâcher. D'une certaine façon, la fanfic esr un prélude à l'épilogue.

Les cheveux d'Anthéa...en réalité, c'était absolument pas prévu. Et en général, je ne suis pas séduit non plus par les explications scientifiques. Mais là...ça collait juste parfaitement. Il n'y avait pas d'autre solution pour mon intrigue. Et d'ailleurs, quand on y réfléchit, il n'y a pas d'autre possibilité que la solution génétique pour expliquer ça...si ce n'est, bien entendu l'aspect esthétique.
Mais je te concède que le coup des cheveux n'a rien de remarquable.

Kinshii a écrit:
Je me demandais comment tu allais tourner ça, parce que X.A.N.A qui a besoin de l’aide de Jérémie, et qui tient sa parole en retour par sens de l’honneur, on n’y croit pas une seconde. X.A.N.A est un manipulateur, Jérémie est un pion.
Bien sûr, il peut être dans l’intérêt de X.A.N.A de tenir parole, mais comment Jérémie pourrais croire que le programme multi-agent est sincère avec lui ?
J'ai une excuse. Mon personnage XANA est...quelque peu différent de celui développé dans la série. Comme pour le coup de Sissi. Il est plus humain, plus complexe.
Mais même sans cela, tes arguments ne sont pas infaillibles. Marabounta, n'est-ce pas du sens de l'honneur ? Intérêt commun, n'est-ce pas une demande d'aide ? Et la fois où il avait enlevé Odd et Yumi au lieu de les exécuter, ne comptait-il pas les rendre (je ne vois pas pourquoi il aurait laissé vivre ses monnaies d'échange sinon) ?
Et puis, XANA a le sens de l'honneur, oui et non. Il tient parole, à strictement parler ; mais il profite de la situation qu'il a créée pour poignarder ses alliés dans le dos. Toute l'ambiguïté de notre méchant préféré superposée en une seule attaque, si c'est pas faire dense et court, ça Laughing
J'admets que le réalisme en souffre un peu.

Kinshii a écrit:
« Quand nous menaçons d'éteindre le SuperCalculateur et de reconfigurer les nano-robots pour effacer toute trace de mémoire informatique dans le réseau. »
Là, je t’avoue que je ne pige pas. Les nano-robots n’ont qu’un rayon d’action très limités comment croire qu’ils pourraient s’en prendre à tous les ordinateurs de la planète ? Et puis, X.A.N.A n’aurait pas envisagé cette possibilité ? Il les contrôles, mais ne pourrait pas les détruire à distance ?
Argh ! touché ! enfin, un coup sur deux. Une fois le SC éteint, XANA ne contrôle plus les nano-robots : il ne reste que des petits bouts de technologie à disposition de Jérémie. Mais là où tu as raison, c'est pour cette affaire de champ d'action. Ceci dit, nano ne dit pas lent : répands une colonie de termite dans de petits fils de bois, elles sauront assez vite retrouver leur chemin.
Mais bon, l'idée c'est de toute façon que c'est un bluff. Je ne suis même pas sûr que Jérémie pourrait le faire. Mais il peut chercher à tirer parti de la situation. Ceci dit...il n'en aura pas besoin, en fin de compte.




Et voilà, je repars pour deux mois. En conséquence, je vous laisse de la lecture. En plus de cette trèèèèès longue section, je poste la 13, d'une taille légèrement plus raisonnable. Bon surf sur le fofo Wink



*****


13

- Aelita, fonce ! il ne te reste que deux minutes ! hurla Jérémie en pianotant comme un fou sur son clavier.

Il se passa une main sur la tempe. Elle glissa le long de ses cheveux trempés de sueur. Le cœur serré, il regardait Adèle se faire projeter contre un mur de l'usine. Bon sang ! les spectres se dirigeaient vers le laboratoire ; en passant par l'échelle, ils seraient dans cette même pièce dans quelques secondes. Mais pire que tout, Adèle ne bougeait absolument plus – rien que les caméras ne puissent détecter, en tout cas. Jérémie se prit à craindre qu'elle ne fut pas simplement assommée ; ne s'était-elle pas cognée la tête contre le sol ?

« J'aimerais bien, Jérémie, mais la tour est encore gardée par deux Mangouins, et je suis toujours seule... »

L'informaticien redoubla de vitesse et de nervosité dans l'exécution de son programme. Il n'avait pas encore eu le temps de faire aucun test, mais il était vital que ce programme fonctionne correctement. C'était une question de vie ou de mort.
Trop tard, songea-t-il en tremblant, lorsqu'un bruit mat derrière lui l'avertit de l'atterrissage du spectre. Il se crispa sur son siège. Il n'avait que deux possibilités. La première, continuer de peaufiner son programme, de le configurer, et le lancer – en moins de deux secondes. La deuxième, faire volte-face et tenter de défendre, ne fût-ce que pour une minute, le poste de contrôle. Le choix fut immédiat. Il décida de ne même pas se retourner pour chercher à empêcher Sarles de le tuer. S'il y avait encore une chance, elle ne tenait qu'à ce petit programme qu'il aurait dû achever et simplifier la veille.
Un violent coup le projeta contre le mur de fer de la pièce. Il poussa, en même temps qu'un cri de douleur, un soupir de soulagement. Il venait de presser la touche entrée. Alea jacta...erat, aurait dit César.
Il eut à peine le temps de se redresser que le boxeur dressait devant lui la puissante masse de ses muscles. Un gros costaud, songea Jérémie, ne faisait pas le poids devant un gars fluet et agile comme lui. Il se faufila entre les jambes du géant en le frappant par en-dessous – ça, le spectre en souffrit. Jérémie profita de ce bref instant de répit pour courir au poste de contrôle.

« Jérémie ? Jérémie, je fais quoi ? » hurlait Aelita, terrorisée.
- Eh bien quoi ? la voie est libre, tu fonces vers la tour ! rétorqua Jérémie, exultant. Nous, on a d'autre soucis ici !
« Mais c'est quoi ce gros bazar ? Il y a un monstre que je n'ai jamais vu, qui a éliminé tous les... »
- S'il est contre XANA, il est de notre côté, répliqua Jérémie en étouffant un rire. Allez, fonce, chérie, et croise les doigts pour nos amis. Quarante secondes.

Le jeune homme s'était attardé une seconde de trop. Le coach était revenu à l'assaut. Le coup que se prit conséquemment notre ami fut particulièrement douloureux. Il se retrouva à terre, sans lunettes, un liquide chaud et gluant coulant sur son visage. Soudain, il sentit le poids de Sarles qui s'asseyait lourdement sur son dos et lui enserrait les bras entre ses jambes. Ses cheveux furent violemment tirés en arrière, forçant sa tête à se redresser. Le spectre lui minauda alors à l'oreille.

- Pas mal, mon bonhomme, ce monstre que tu nous as fabriqué. Et d'une grande aide pour tes amis. Malheureusement, ils ne pourront pas te remplacer, toi.

Jérémie se débattit de toutes ses forces, mais l'emprise de Sarles sur son corps était si puissante qu'il ne parvenait même pas à se tortiller sur le sol. Puis, soudain, il n'y eut plus rien. Plus de Sarles, plus de laboratoire secret, plus d'ordinateur, plus d'Aelita entrant dans la tour, plus de spectre – plus de Jérémie.

***

Cet après-midi-là, Jérémie était en train de s'absorber dans son travail de programmation, quand tout d'un coup, une immense forme surgit face à lui, et une grande voix rauque beugla :

- Belpois !

L'informaticien sursauta, puis poussa un soupir. Il eut du mal à ne pas faire paraître son soulagement. Ce n'était que Sarles. Le retour dans le passé avait été lancé. Il avait échappé à la mort, ses amis étaient probablement vivants.

- Devines un peu ce que j'ai pour toi, susurra doucement le boss en étirant un large sourire sur son menton viril.
- A tout hasard, un ordre de convocation du patron ? répondit l'informaticien en se levant. Pas la peine de m'accompagner, je connais le chemin.
- Ouais mais...ouais mais...marmonna Sarles, planté devant le bureau vide, tandis que l'employé se dirigeait vers l'ascenseur.

Jérémie étouffa un petit rire. Cette fois, au moins, il pourrait peut-être savoir ce que lui voulait le PDG.
Soudain, alors qu'il entrait dans l'élévateur, son portable vibra dans sa poche. Il décrocha.

- Coucou chérie.
« Jérémie ! je me suis faite un sang d'encre. Les autres te croyaient vraiment mort, là-haut... »
- Il faut croire que je n'étais pas en état de mort cérébrale. Ce coup-ci, il y a des têtes qui ont failli tomber.
« Tais-toi. »
- Alors, les autres vont bien ?
« A part toi, personne n'avait l'air en danger, d'après Adèle et Ulrich. Mais dis-moi, alors, ce monstre ? Quand je suis sortie de ma cachette, il ne m'a pas attaquée. Tu as une idée de ce que c'est ? »
- Peut-être, s'amusa le jeune homme. Dis-moi de quoi il avait l'air.
« Une...une sorte de gros chaton roux et poilu... » marmonna Aelita.

Jérémie ne put se retenir, cette fois, d'éclater de rire. Même sans autre indice que le son de sa voix, il avait pu sentir qu'Aelita rougissait du ridicule de cette aventure. Il parvint enfin à reprendre son sérieux.

- Mais dis-moi, continua-t-il, est-ce qu'il y avait la marque de Hopper dessus ?
« Non, et c'est ce qui m'a le plus surprise. Il avait, sur chacun des deux côtés, une spirale – et c'est tout...Alors, Jérémie ? »
- Il est exactement comme je l'avais prévu. Faudra que tu me dises comment notre nouvel allié se bat !
« Quoi ? ça veut dire que c'est toi qui...que tu as... »
- Ah, ça, une envie folle de fêter ça ! Première attaque de XANA depuis un mois, on peut bien s'offrir un moment de détente, hein ? En espérant qu'il ne reprendra pas au rythme de juillet...tu te souviens ? J'ai compté : ça fait quarante-trois attaques en deux semaines. Un véritable record !
« On dit quoi, alors ? Même heure, même lieu ? »
- A moins qu'Odd ait autre chose de prévu à une heure pareille, plaisanta Jérémie malicieusement.
« Je te rappelle si ton mauvais esprit est perspicace. » répliqua Aelita en riant.

Jérémie remit son portable en poche avec un autre soupir de soulagement. Après une longue ascension, il arriva enfin à l'étage où le patron tenait ses locaux. C'était tout de même impressionnant, songeait-il en déambulant entre les bureaux des banquiers, directeurs, managers et autres dirigeants. Ce n'était même pas le patron de la firme qui l'engageait officiellement – non, c'était, en personne, le grand manitou, le propriétaire unique de toute une famille d'entreprises, qui avait ordonné qu'il lui rendît visite. Un self-made man à l'américaine, un type à la tête d'un vaste empire industriel de l'ombre qui avait émergé en moins de six ans, un homme qui aujourd'hui détenait à lui seul plus de pouvoir que bien de gouvernements européens.
Jérémie frappa aussi nerveusement que la première fois au panneau d'acajou de la porte qui permettait d'accéder aux appartements privés de monsieur Hideki. L'intendant, un petit homme sec et ridé, vint ouvrir, et s'inclina à l'entrée de l'employé, avant de refermer la porte et de lui montrer le chemin.
S'il n'avait pas déjà visité cet appartement, Jérémie n'aurait pas pu, tant l'homme s'y prenait avec art, remarquer que l'intendant lui faisait faire des détours absolument inutiles dans des pièces où pendaient de splendides tapisseries, des peintures d'art moderne, et quantité de meubles design sur lesquels reposaient des bustes de marbre. Ce petit manège l'amusa d'autant plus qu'il ne s'était rendu compte de rien la première fois, se laissant impressionner par l'apparence, savamment étudiée, de culture et d'austérité qui se dégageait de l'appartement.
Il arriva enfin devant une petite table où on lui dit de s'asseoir. Une domestique apporta du thé pour deux personnes, qu'elle versa. Dix secondes plus tard entrait monsieur Hideki. Ce dernier était un homme grand, maigre et vieillissant, qui portait une petite moustache blanche, et il n'était vêtu que de noir. Jérémie s'inclina lorsqu'il le vit.

- Allons, allons, monsieur Belpois, ce n'est pas la peine de vous incliner. Si je vous ai fait venir, ce n'est pas en tant qu'employé, lui dit le patron en souriant.

Il s'assit devant la petite table et but délicatement une gorgée de thé. Cette fois, Jérémie s'en garda bien. Il n'avait jamais connu de potion plus amère que ce maudit thé, et il souhaitait différer le plus longtemps possible le moment où il y goûterait de nouveau.

- Mais faites comme chez vous, monsieur, buvez donc, proposa aimablement le vieillard en reposant sa propre tasse, à peine entamée.

Ç'aurait été trop facile, songea Jérémie en obéissant à la politesse. Il fit de son mieux pour ne pas grimacer en reposant la tasse et sourit à son patron, lui laissant entendre qu'il était prêt à l'écouter. Et en vérité, il était assez impatient d'enfin découvrir ce que son patron lui avait réservé.

- J'aimerais d'abord vous remercier de vos formidables états de service, monsieur Belpois. Vous avez tant fait pour notre société. En dépit de ce malheureux accident – pour peu que c'en fusse vraiment un – vous avez, ces derniers mois, accompli plus pour moi qu'aucun autre de mes employés. Non content d'achever un SuperCalculateur (le premier qu'ait jamais mis au point et possédé une entreprise !), vous avez développé quantité d'autres programmes, et débloqué, dans les équipes concurrentes à votre projet, la situation, lorsque tout espoir de réussir avait quitté nos développeurs. Ne démentez pas, j'ai enquêté précisément sur toutes vos activités cette année. Le bilan est impressionnant. Aussi, bien que du point de vue du comportement, vous ne soyez pas...tout à fait conforme aux canons de mon pays (selon un charmant mot de monsieur...Sarles, me semble-t-il), eh bien ! je n'hésite pas à déclarer que vous êtes un employé modèle !
C'est pourquoi j'hésite quelque peu à vous demander de rendre à notre entreprise un nouveau service...c'est toutefois, voyez-vous, une affaire qui me préoccupe. Ces dernières années, notre entreprise a cherché à étendre ses activités dans la restauration, au Japon du moins. Peu de concurrents nous ont résisté ; toutefois, nous avons eu la surprise, récemment, de voir se développer une firme qui, non contente de résister au monopole dans un pays de faible croissance économique, croît d'une façon dangereuse. La situation est, cet été, devenue alarmante. Cinq bars ouverts aux quarte coins du pays, sept en projet dans les plus grandes villes, une clientèle fidélisée. Nous savons ce que peut devenir ce type de concurrent, nous en avons déjà fait les frais.
Si mes renseignements sont exacts, vous êtes l'ami personnel de Mademoiselle Ishiyama. N'ai-je pas raison ? eh bien, je vous en prie, monsieur Belpois, saurez-vous la persuader de renoncer à la propriété de ses bars ? Nous avons bien tenté de le lui acheter à des prix très intéressants, en lui proposant de lui laisser la gestion. J'espère sincèrement, monsieur Belpois, que vous serez capable de lui expliquer tout l'intérêt qu'elle a à contracter avec nous.

Jérémie n'en revenait pas. C'était donc ça, la grande affaire ? Cette requête l'écœurait. Il tenta de le dissimuler en déclinant poliment la demande de son patron. Mais le choses n'étaient pas si simples. Hideki fronça les sourcils.

- Je vous prie, monsieur, de bien comprendre l'importance de cette opération. Il ne me semble pas, par ailleurs, que vous soyez en position de remettre en cause la façon dont je fais mon travail, quand je vois comment vous effectuez le vôtre !

L'informaticien fronça les sourcils. Tout ceci se ramenait donc à ça ? Pris d'agacement, il ne tergiversa pas. Il n'aimait pas ces manières. Il n'aimait pas cette idée. Il n'aimait rien de tout ça. Il se leva et s'inclina poliment devant son patron assis.

- Bien, monsieur, je crois que nous nous sommes tout dit. J'espère que vous vous savez assez riche pour ne pas user inutilement de méthodes illégales. Sachez enfin que j'ai été heureux de travailler pour vous.

L'industriel ne répondit pas et prit une gorgée de thé. L'intendant guida Jérémie vers la sortie sans lui faire faire de détours. Une minute plus tard, le jeune homme était en bas de l'immeuble, le soleil brillait sur son visage, et un vent encore chaud remuait l'air. Il était désormais sans emploi.

***

- Tu es bien sûr que c'est neuf heures du soir, l'heure habituelle ?
- Évidemment, marmonna Jérémie d'un ton agacé. Qu'est-ce que tu voudrais que ce soit d'autre ?
- La dernière fois, ça avait été neuf heure et quart, répliqua Aelita en retournant dans la chambre se choisir un manteau.
- Je te dis que c'est neuf heures et qu'il faut partir maintenant. De toute façon, il vaut toujours mieux être en avance qu'en retard.
- Oui, c'est bon, j'arrive, soupira Aelita en mettant ses chaussures à talon. Fais pas la gueule.

Le jeune homme ne répondit pas. Il ne faisait pas la gueule. En fait, cela n'avait rien à voir avec Aelita ou avec la soirée. C'était tout simplement qu'il songeait qu'il lui faudrait tôt ou tard expliquer à Aelita qu'il avait démissionné, et qu'elle gagnait désormais les seuls revenus du petit ménage. Rien de bien joyeux – aussi ne pouvait-il s'y résoudre. Il se prenait à espérer qu'il retrouverait un emploi assez rapidement ; mais pour qui ? Hideki avait commencé son activité dans l'informatique ; quelle boîte ne lui appartenait pas aujourd'hui ? et sans financement, le jeune homme n'avait aucune chance de se lancer comme indépendant. Il pourrait toujours écrire des bouquins sur les technologies modernes, songeait-il ; mais dans quelle mesure Hideki n'avait-il pas déjà la mainmise sur l'édition ? Bref, la situation paraissait définitivement scellée, et plus vite il avouerait, mieux ça vaudrait.
Il en avait assez d'attendre. Mais que pouvait-elle bien faire ?

- Quoi encore ? lança-t-il en voyant Aelita retourner dans le salon.
- J'ai oublié mon sac !

Quand le sac d'Aelita eut été retrouvé, le jeune couple put enfin descendre et se mettre en route vers la Bonne Franquette. Dans la voiture, Jérémie ne parla pas beaucoup. Il faisait mine d'être concentré. Aelita cherchait, au début, à lui communiquer son soulagement vis-à-vis de la dernière attaque, puis elle renonça quand elle sentit qu'il était préoccupé par autre chose.
Une fois qu'ils furent garés, elle eut enfin le courage de lui poser une question.

- Tu crois que XANA prépare quelque chose ? c'est ça ?
- Hein ? oh, non, je crois que XANA n'a rien a préparer, et si c'était le cas, il nous en aurait profiter dès hier. Son but est toujours le même : faire disparaître toute trace de son existence. Maintenant qu'il s'est chargé des services secrets, il ne lui reste plus qu'à s'occuper de nous.

Jérémie baissa les yeux sur sa montre. Neuf heures et quart. Il entra dans le restaurant. Ses amis n'étaient pas encore arrivés.

- Je n'ai pas envie d'en parler, dit-il à Aelita avant même qu'elle ne fasse une remarque sur ce dernier point.

***

Adèle arriva peu après que Jérémie et son aimée se fussent assis à table. Elle déboula dans le restaurant comme une furie ; on pouvait aisément constater qu'elle avait couru, et qu'elle était à bout de souffle. Elle fut aussi surprise que Jérémie de ne pas se trouver la dernière arrivée. Heureusement, son entrée évita à Jérémie et Aelita un quart d'heure désagréable d'attente morose et tendue, qui aurait à tout coup fini en véritable dispute. Pendant que Jérémie se réfugiait dans son sport favori (l'assemblage des morceaux de Hopper, dans la mesure où c'était possible), les demoiselles purent discuter. La rentrée d'Adèle se passait relativement bien (elle renouait quelque peu avec Kevin, Albert ne lui en voulait plus, et elle se trouvait d'autres groupes de potes) et celle d'Aelita également (clients et concerts) ; des nouvelles sur telle ou telle personne de leur connaissance circulaient (elles passèrent entre autre cinq minutes à énumérer les moindres détails qu'elles avaient pu glaner concernant les vacances d'Ulrich et de Yumi au Japon). Jérémie, pour sa part, faisait semblant de réfléchir sur un problème qu'il avait rencontré, tout en retournant encore et encore dans sa tête la même question : quand lui en parlerait-il ?
Allons, se dit-il enfin, il n'allait pas gâcher sa soirée ! l'important, pour le moment, c'était de se calmer. Sitôt cette idée venue, il sauvegarda l'avancée qu'il avait réalisée, ferma l'ordinateur, et se mit à participer à la conversation comme si rien ne lui pesait sur l'esprit.
Une minute plus tard, Ulrich entrait, suivi du grand rire de Yumi. S'il n'avait pas connu Yumi, Jérémie l'aurait crue éméchée, tant elle paraissait riante et décontractée. Ulrich, pour sa part, avait enfin quitté son costume noir, et respirait le calme et la bonne humeur – à sa façon, il était aussi imprégné de joie de vivre que la femme qu'il aimait. Cela faisait un peu plus de deux mois que l'affaire durait – plus longtemps que jamais – et il s'en dégageait un tel bonheur que plus personne ne semblait craindre que le couple explose ; pourtant, chacun, en son fort intérieur, songeait, chaque jour, à une heure ou une autre de la journée, que tout cela était trop beau pour durer. Mais à cet instant, en les voyant, Adèle, Aelita et Jérémie sentirent se dissiper tous leurs doutes. Comment cela ne pouvait-il pas durer ?
Monsieur Stern présenta à sa douce une chaise, l'invitant à s'y asseoir avec une légère révérence ; mademoiselle Ishiyama, le remerciant, s'assit à côté ; Ulrich se donna un air boudeur et refusa de s'asseoir où que ce soit. Leurs singeries prirent le devant de la scène pendant quelques minutes, des camps se formant pour défendre l'attitude de l'un ou de l'autre des amoureux, jusqu'à ce qu'Odd arrive.

- Odd ! eh bien, c'est du joli, lui lança Ulrich. Ça fait trois quarts d'heure que tout le monde t'attend. T'aurais pu nous dire que t'étais encore collé avec Sissi ; nous, on a la dalle !
- Comment, vous avez pas commandé ? s'écria le jeune homme en question d'un air sincèrement ennuyé.
- Te sens pas désolé, Odd, le rassura Adèle en lui mettant une main compatissante sur l'épaule. Nous aussi nous étions en retard.

Jérémie et Aelita échangèrent un sourire. Ils savaient parfaitement ce que répondrait leur vieil ami.

- C'est surtout que si vous avez rien commandé, va falloir que j'attende avant de manger ! se plaignit Odd. Avec deux Einstein pour penser, vous auriez pu faire un effort, quand même !

Quand l'hilarité générale fut quelque peu retombée, la japonaise se mit à taquiner Odd sur le thème : « Ulrich te servait de réveil-matin ? si tu veux, nous voulons bien t'adopter, mon petit chéri ! », ce qui provoqua de nouvelles crises de rire jusqu'à l'arrivée des plats. A dix heures du soir, tout le monde était si affamé qu'un silence satisfait tomba sur la table au fur et à mesure que la nourriture apparaissait devant nos amis. L'atmosphère laissait la place au sérieux.

- En tout cas, ça fait plaisir de vous retrouver en bonne santé après ces deux longs mois, dit Jérémie en enfournant d'un coup deux tranches de son magret de canard. Sans parler de cette journée épuisante !

La fourchette de la collégienne tomba bruyamment dans son assiette.

- S'il te plaît, ne nous en reparle pas, supplia Adèle en tremblant.
- C'était vraiment terrifiant, ajouta Ulrich. Y'avait du sang partout – on a cru que cette saloperie t'avait fendu le crâne. Heureusement, on dirait bien que ce n'était que le cuir chevelu.
- A propos de ces types...c'étaient des spectres polymorphes ? interrogea Yumi, essayant de changer le ton de la conversation.
- Non, pourquoi ? s'étonna Jérémie.
- Ben, pour le moustique jap', on dit pas, mais l'autre, c'était pas un homme, c'était une machine à tuer ! expliqua Odd.
- C'est mon patron, le fameux Sarles, déclara l'informaticien avec une sorte de fierté. Vous comprenez maintenant pourquoi j'en avais la frousse ?
- Impressionnant, concéda Odd. Et le moustique ?

L'air suffisant de Jérémie s'évanouit aussitôt. Il céda la place à une sorte de gravité qui intrigua aussitôt le petit groupe. Puisqu'on y était, songea Jérémie, autant crever l'abcès. Il leva les yeux vers Yumi et répondit :

- Tôjo Hideki, propriétaire de la majorité des restaurants du Japon. Entre autres.

Le silence qui régnait autour de la table se fit encore plus tendu. Yumi blêmit, Ulrich parut perdu. Quant à Aelita et Adèle, elles purent sentir qu'il se passait quelque chose d'important. Odd, lui, savait qu'il valait mieux parler que réfléchir :

- Un gars qu'il est bon de connaître !
- La ferme, Odd, coupa Ulrich.
- Comment l'as-tu rencontré ? interrogea Yumi d'un ton acerbe.
- C'est lui qui m'a fait chercher, expliqua Jérémie en se resservant dans le plat central. Tu devrais te méfier. Ce type est visiblement prêt à tout pour que tu ne voles plus de tes propres ailes. Je serais toi, je prendrais un garde du corps en qui je puisse avoir confiance.
- Et toi, je peux te faire confiance, j'espère ? comment voulait-il t'acheter ?
- Il n'avait pas à m'acheter, répondit calmement Jérémie. Je lui appartenais déjà.

Il posa ses couverts et inspira un grand coup.

- Jusqu'à cet après-midi, c'était mon patron.

La remarque avait fait son effet. Un silence consterné s'abattit sur le petit groupe d'amis. L'expression méfiante et lourde de reproches muets qui s'était installée sur les visages de la jeune japonaise et de son petit-ami se volatilisèrent. Aelita, comprenant enfin l'humeur étrange de son ex-mari, lui prit la main. Jérémie fit semblant de supporter mieux l'épreuve que ses amis ne le croyaient, récoltant avec un certain plaisir leurs témoignages de compassion. Odd rompit presque derechef le petit manège qui se mettait en place :

- Bienvenue au club des assistés, mon pote. Demain, je t'emmène à l'ANPE !
- Ce n'était pas la peine d'aller aussi loin pour moi, tu sais ? murmura Yumi en se mordant la lèvre.
- Oh, je t'en prie ! c'était ça ou tenter de te convaincre par tous les moyens de céder.
- J'aurais peut-être du...
- Ne dis pas n'importe quoi. C'est ton rêve. Le mien n'était pas de finir employé.
- Ce n'était pas non plus de finir chômeur, fit remarquer Ulrich. Avec un ancien patron comme Hideki, tu ne pourras jamais retrouver un emploi...
- Qu'à cela ne tienne. J'ai toujours mes compétences. Je pense que je peux y arriver. Demain, je dépose un brevet pour commercialiser mon barman !
- Et il faut ajouter que jouer au super-héros dans un cadre de science-fiction, ça ressemble un peu à un rêve, enchérit Adèle, profitant du bruit d'une table qui se levait dans le restaurant.

Soudain, une alarme, émanant de la sacoche contenant l'ordinateur portable de Jérémie, vint interrompre leur discussion. Le jeune homme sentit son sang se glacer. C'était un son qu'il n'avait pas encore entendu, qu'il n'osait même pas imaginer entendre. Avec un mélange de surprise et d'appréhension, il ouvrir l'ordinateur et se pencha nerveusement dessus.

- J'y crois pas ! s'écria-t-il.
- Qu'est-ce que ça veut dire ? demanda Adèle d'un air inquiet.
- Une tour vient d'être activée...sans subir d'attaques de la part de XANA !
- Ce qui signifie ? interrogea Aelita, sentant son cœur bondir dans sa poitrine.
- Que cette tour n'a pas été activée par XANA, conclut l'informaticien.

Tout à coup, une deuxième alarme, similaire à la première, mais plus aiguë, se superposa aux autres bruits déjà présents dans le restaurant. Une deuxième tour venait d'être activée, exactement de la même façon.

- On file à l'usine ! décréta Jérémie en bondissant de son siège, emportant Aelita.

Les autres suivirent aussitôt ; il ne resta bientôt plus qu'Ulrich et Yumi. Ils échangèrent une grimace amusée avant de demander l'addition.

***

- C'est incroyable ! s'émerveilla Jérémie en s'asseyant devant l'écran de contrôle.
- Toutes les tours activées...et fonctionnant à plein régime ! s'étonna Aelita.
- Il n'y a pas que ça, s'excita l'intellectuel en ouvrant plusieurs dizaines de fenêtres d'un coup. Nos territoires sont délicatement découpés de façon à prendre légèrement moins de place...et à faire transiter de l'énergie...vers cette salle du secteur 5 !
- Ça cloche, fit observer Aelita en pointant quelque chose sur l'écran. L'énergie n'est employée à rien, pour ce que je peux voir. Elle se contente de disparaître à ce point précis.
- Je doute que ce soit ça qui se passe, murmura Jérémie, à moitié pour lui-même.
- Hé, vous deux ! ça vous dérangerait de nous donner des explications ? intervinrent en cœur Adèle et Odd.

Jérémie se détacha de l'écran et soupira.

- Je ne suis pas très sûr de bien comprendre. Il semble que toutes les tours de Lyokô ont été activées afin de mobiliser une grande quantité d'énergie vers un point précis du cinquième territoire. On ne sait pas ce que cette énergie devient au-delà de ce point. Pour ma part, j'ai une explication, mais je ne peux rien affirmer tant que personne ne sera allé sur Lyokô voir de quoi il en retourne précisément...
- Je propose que nous partions tous les cinq, déclara Ulrich tandis que les portes du laboratoire se refermaient. Quelque chose me dit que cette mission n'est pas de la moindre importance.
- Je crois qu'on se comprend, affirma Jérémie. Yumi et toi, vous plongez en premier.

Tandis que les autres se précipitaient dans la salle des scanners, Aelita se retourna vers Jérémie. Mais elle ne put rien dire. Elle était totalement bloquée. Le jeune homme sentit qu'elle était toujours là. Il se retourna vers elle et lui dit d'une voix apaisante :

- Tu n'as pas à t'en faire, chérie. Tu es prête pour ça.
- Tu crois ? demanda-t-elle.

Sa voix tremblait – de peur et d'émotion. Jérémie ne savait pas ce qu'elle entendait précisément par là. Voulait-elle simplement qu'il confirme son hypothèse, ou bien attendait-elle de lui qu'il la rassure sur sa capacité à supporter l'épreuve qui allait suivre ?

- J'en suis convaincu, répondit-il calmement.

Soudain, la jeune femme se détourna et disparut dans l'ascenseur. Jérémie se retourna vers l'interface de contrôle. Le cœur du génie battait la chamade tandis qu'il faisait courir fébrilement ses doigts sur le clavier.

- Transfert Yumi. Transfert Ulrich.

Il déglutit. Comment tout ceci avait-il pu avoir lieu si vite ? était-ce vraiment réel ? ne nageait-il pas dans le flou, perdu au milieu d'une stratégie de XANA qui cherchait à le désorienter ? pouvait-il se fier à ce qu'il avait vu ?

- Scanner Yumi. Scanner Ulrich.

Sous ses pieds, il pouvait entendre le rugissement des scanners monter en puissance, et la chaleur, toujours la chaleur, s'élever jusque sous son siège. Ce soir, cette longue attente, cet interminable travail, prendraient fin d'eux-mêmes, enfin. Il en était convaincu. Aujourd'hui, ils rencontreraient Franz Hopper.

- Virtualisation !
_________________
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Premier commandement : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
Troisième commandement : Tout individu a droit à la vie
Quatrième commandement : Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.
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Evana MessagePosté le: Mar 02 Nov 2010 22:22   Sujet du message: Répondre en citant  
Spectatrice


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Et bien! Pas mal du tout, cette fic!
Je viens de tout lire d'un coup, ce qui m'a pris du temps, mais je dois avouer que je ne suis pas déçue!
En plus d'un bon style et d'une bonne orthographe, l'histoire est plutôt intéressante.

L'intrusion d'Adèle dans le groupe aurait pu mal passer, tout comme la relation Odd-Sissi, mais ce n'est pas le cas, car tu n'as heureusement rien négligé.
On a un joli mélange d'un peu de tout: Lyokô/action/amour/psychologie/humour. Concernant ce dernier point, j'ai d'ailleurs particulièrement apprécié tes bons mots, dans le style "Mon amour, veux-tu divorcer", et "Mieux vaut du poulet trop cuit que des carcasses humaines rôties" - ou un truc dans le genre.^^

Un point négatif par contre: j'ai pas aimé quand t'as fait passer Ulrich pour un boulet - quand il pleurait tout le temps et il enchaînait connerie sur connerie - et j'ai trouvé que Yumi lui pardonnait un peu vite. Mais sinon j'aime bien comment tu as développé leur relation.

Je viens juste de remettre les pieds sur ce fow, et franchement ça fait plaisir de recommencer avec des fics bien construites comme celle-là. J'espère donc pouvoir lire prochainement la suite...
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LoloMagister MessagePosté le: Mer 03 Nov 2010 21:36   Sujet du message: Répondre en citant  
[Blok]


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Localisation: Au concert de Miku
Pas mal la fic j'aurais juste une question :
Si t'es bon(ne) en dessin tu pourais dessiner les héros comme tu te les imagines STP

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Ma fanfic : Code Another
PEBKAC !
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Belgarel MessagePosté le: Mar 23 Nov 2010 17:02   Sujet du message: Dix ans avant Répondre en citant  
[Manta]


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Messages: 534
Posté il y a une semaine :
Spoiler


Posté aujourd'hui :
Spoiler


Posté dans une semaine (oui oui, tu parles d'une logique ! Retenez juste que c'est le plus récent, quoi...) :
Spoiler



14

Note :
Spoiler


Souvenez-vous, lecteur, du charmant portrait que nous avions fait de ce secteur 5 remasterisé. Voyez-vous la grande salle de cristal et son lustre brillant, laissant briller au-delà de ses reflets les mille couloirs labyrinthiques du secteur ? Entendez-vous cette délicate musique dans laquelle baignent chacun des pas de nos amis ? C'est dans ce décor que vous devez voir apparaître, lentement, notre jeune Yumi, suivie de son chevalier servant Ulrich.
Mais comment donc ? que me dites-vous ? vos faibles voix parviennent mal à mes sourdes oreilles. Ah, vous avez du mal à voir Ulrich ! et pourquoi donc ? c'est ma faute ? soyez plus clairs ! Mais oui, je m'en souviens. Le pauvre, je ne l'ai pas encore décrit !
Regardez donc, dans l'ordre où il apparaît, se dessiner les contours de son habillement. Frôlant le bas de ses chaussures blanches, une longue cape brune, brodée de flammes jaunes, ondule contre tout son corps. Ce dernier demeure invisible, enveloppé dans une matière bleu-gris aux reflets d'acier, qui flotte comme une série de voiles, gonflant tranquillement comme de faux muscles, ou des plaques d'armure, et se moulant au corps comme une combinaison futuriste dès que le jeune homme bouge. Quant à ses nombreuses lames, pendant à son côté, ou attachées sur son dos, sous la cape, elles brillent toutes de cette même lueur pâle qui semble l'habiller.

Après que notre samouraï et son amante touchèrent le sol cristallin, Adèle, Odd et Aelita aparurent, et la gardienne de Lyokô ouvrit la voie vers ce que tous espéraient être le repaire de Franz Hopper.
L'errance à travers les dédales du secteur 5 se déroula sans embrouilles, mais elle parut durer une éternité en raison de l'impatience qui pesait sur nos héros. Sans dire un mot, tous se posaient les mêmes questions. Franz Hopper ? comment ? était-ce possible ? le verraient-ils ? parlerait-il ? ferait-il des révélations ? Personne n'osait y croire. Et pourtant...

« C'est ici. Dans la pièce à droite. » déclara l'informaticien au terme d'une longue course.

Le groupe s'immobilisa. Les derniers échos cristallins partirent résonner au loin dans le fond du couloir. Le silence prit place. L'atmosphère était lourde d'énergie – c'était comme une tension permanente que nos héros pouvaient sentir au plus profond d'eux-mêmes, qui coulait dans l'air constamment. Personne n'osait bouger. Lentement, les regards furent attirés vers Aelita, qui demeurait figée devant l'entrée de la salle d'où émanait comme une aura magnétique et sacrée, le regard fixe, perdu dans le vague. Personne n'osait rien dire.

- Il est là, affirma-t-elle dans un chuchotement. C'est bien lui.

Le silence était toujours aussi pesant. Le temps semblait avoir disparu. A présent qu'ils y étaient, ils n'arrivaient plus à avancer.
Combien de temps s'était écoulé ? Vingt minutes ? une heure ? Soudain, Jérémie essaya de parler, mais sa voix se perdit en un murmure presque insaisissable.

« Aelita, il faut y aller. »

Aussitôt, raide comme un robot, la jeune femme s'avança. Elle entra dans la salle. Les autres suivirent, absents à eux-mêmes.
La pièce était singulièrement différente du reste du territoire, et les Lyokô-guerriers purent sentir, dès qu'ils y mirent le pied, qu'elle portait la marque de Franz Hopper. Murs blancs de plâtre nacré, moulures de coquillage, tentures et canapés beiges, meubles de bois délicatement ouvrés, tapis bleu marin sur le sol – et partout, des torrents de lumière blanche, qui convergeaient vers une petite table basse centrale.

- Jérémie ? Que devons-nous faire ? interrogea Aelita, intimidée par l'allure de la pièce.

Il n'y eut pas de réponse. Apparemment, ils avaient quitté le secteur 5, et ils avaient perdu le contact avec Jérémie. Les Lyokô-guerriers échangèrent des regards inquiets. Adèle, en particulier, paraissait au bord de la panique.

- En tout cas, c'est plutôt laid, comme décor ! s'exclama Odd. Ces moulures en forme de coquillage...beuah !
- C'est le bureau ovale, Odd, rétorqua Aelita, avec une point d'indignation dans la voix.
- Merci bien, je vois !
- Mais comment pouvez-vous être aussi calmes ! explosa soudain la jeune collégienne. Vous ne vous rendez pas compte ? on ne sait pas où nous sommes, et Jérémie ne peut plus nous guider !
- C'est vrai que tu n'étais pas là les autres fois où c'est arrivé...murmura Ulrich.
- Ça s'est toujours bien passé, ajouta Yumi en la prenant dans ses bras pour la réconforter. Il va nous retrouver en moins de deux secondes.
- Il ne pourra pas, cette fois, l'interrompit soudain Aelita d'une voix étrangement chantante en se rapprochant de la table.
- Et pourquoi ça ? lui lança Ulrich.
- Parce que nous ne sommes nulle part. Nous sommes dans une bande passante.

Tout à coup, Aelita toucha la table et disparut. Une brève panique s'empara des autres membres du groupe, jusqu'à ce qu'Ulrich leur intime le calme (il dut notamment menacer Adèle de la dévirtualiser sur-le-champ à coups de lames pour lui faire retrouver ses esprits).

- Bon, Aelita n'est pas une idiote, les filles. Si elle a touché ce truc, c'est que c'est ce qu'il faut faire. Alors on la boucle et on la suit.
- Mais si...mais si...bégaya Adèle en tentative d'opposition.
- Mais si on peut plus faire confiance à mademoiselle Einstein sur Lyokô, qu'est-ce qu'on va faire, hein ? trancha Ulrich. Je te rappelle qu'elle est originaire d'ici. Et dans le pire des cas, Jérémie est capable d'accomplir l'impossible pour nous récupérer. Alors, on y va ?
- Moi, je suis partant, déclara Odd en s'avançant vers la table basse.

Il se pencha dans la lumière et disparut à l'instar de l'ange de Lyokô.
Restés seuls, Ulrich, Yumi et Adèle sentirent presque leur peur se dissiper.

- On dirait bien que ça ne pouvait pas se passer autrement, conclut la jeune fille.

***

La première chose que vit Aelita, après un long tunnel blanc, fut le vide. Le noir complet. Il n'y avait absolument rien. Aucune lumière. Elle avança un long moment à l'aveugle. Puis soudain, elle se cogna à quelque chose.

- Qu'est-ce que c'est ? ah ! qu'est-ce que c'est ? hurla quelqu'un dans l'obscurité.

Elle eut le grand soulagement de reconnaître la voix d'Odd.

- Ce n'est que moi, Odd. C'est bien toi ?

Elle n'avait pas eu le temps de terminer sa phrase qu'une douce lumière bleuté éclairait son ami. Ils constatèrent alors qu'ils se tenaient tous deux debout sur un sol invisible et immatériel, au milieu d'un panorama fantastique, qui déployait à perte de vue l'espace intersidéral, coloré comme dans une chambre d'enfant, d'astres resplendissants aux teintes vives et chaleureuses, de grandes nébuleuses glacées et de voies étoilées, de galaxies géantes et de spirales terribles.
Au loin, ils virent apparaître leurs trois amis émerveillés. En quelques secondes, ils les eurent rejoints.

- Et maintenant ? demanda Ulrich, qui ne parvenait pas à détacher son regard d'un grand nuage bleu électrique et orangé à l'image de la nébuleuse du crabe.
- Maintenant, nous attendons, répondit Aelita. Nous verrons bien ce que cette situation nous réserve.

Le groupe approuva et s'assit en contemplant les merveilles de l'univers. Après une minute, Adèle demanda :

- Vous croyez que nous y sommes vraiment ?
- Où ça ? dit Ulrich.
- Ben, dans l'espace !
- Bien sûr que non, ce n'est pas à l'échelle ! répliqua Aelita en riant.
- Dommage, j'aurais bien aimé, soupira la jeune fille en faisant la tête.
- Tu sais, nous y sommes allés, dit Yumi, pour frimer.
- Sans blague ? Comment ?
- C'était à l'époque où XANA pouvait faire des Réplikas. Par translation, nous intervenions près du SuperCalculateur pour détruire le Réplika. On ne savait jamais où on allait se retrouver.
- Alors, qu'est-ce que ça fait ?
- Moi, je me demandais comment allait mon chien, rappela Odd.

Un grand éclat de rire réjouit les amis. Soudain, une voix familière se fit entendre.

« Bon sang, c'est eux ! »
- Salut Jéjé ! s'écria gaiement Adèle. Je savais que tu finirais par nous retrouver !
- Ou pas, releva Odd.
« Mais j'ai retrouvé personne ! je paniquais comme un dingue, puis une fenêtre s'est ouverte et me voilà en communication avec vous. »
- Alors tu ne sais pas où on est ? interrogea Aelita.
« J'ai pas dit ça...je me concentre encore un peu...eh bien, ce qui est sûr, c'est que vous êtes plus sur Lyokô. Mais l'endroit où vous vous trouvez est également géré par le SuperCalculateur. C'est à n'y rien comprendre ! »
- En gros, nous sommes passés dans une sorte de dimension parallèle de Lyokô ! conclut Ulrich.
« Non. Plutôt une sorte de petit frère. Et pour ce que je vois, il est singulièrement différent. Il n'y a pas les mêmes lois. Il est impossible de dévirtualiser. Et tout est sous le contrôle de...putain ! »

Tous sursautèrent. Soudain, une cacophonie monstrueuse envahit l'air, les lumières les plus folles traversèrent l'atmosphère, le sol fictif se mit à trembler en les secouant, et tout parut tourner en désordre autour d'eux, les étoiles avalant les galaxies, les nébuleuses tombant en pluies de comètes, et de grandes éruptions de poussière brûlant les ardentes fournaises des systèmes en formation. Puis soudain, brutalement, tout revint à son état initial.

- Jémérie, que s'est-il passé ? haleta Aelita, inquiète.
« C'est...c'est lui ! » balbutia la voix de l'informaticien.

Avant que les autres aient eu le temps de réclamer plus de précisions, un son net claqua dans l'atmosphère. Suivi d'un autre. C'étaient des pas. Des pas, comme sur un sol de métal. Les Lyokô-guerriers se retournèrent d'un même mouvement vers l'origine du bruit. Au loin, une petite forme blanche se marchait. Le doute était impossible.
Alita bondit en criant et se rua vers son père. Elle aurait, si elle avait pu, pleuré toutes les larmes de son corps. Peu à peu, elle vit se rapprocher le grand corps maigre de son père, enveloppé dans sa blouse de scientifique, surmonté par une grande barbe et des cheveux broussailleux et grisonnants, et de ces lunettes aux verres opaques sans lesquelles elle ne l'avait jamais vu. Il était tel qu'il avait été sur terre, près de vingt ans plus tôt – il n'avait pas pris une ride !
Tout d'un coup, alors qu'elle s'apprêtait à l'enserrer dans ses bras, un mur invisible la bloqua. Elle tomba à terre et hurla de rage et de douleur. Elle fut bientôt rattrapée par ses amis étonnés.

De l'autre côté du mur invisible, l'image de Hopper s'arrêta de marcher et s'assit en tailleur. Des larmes semblaient couler de derrière ses verres noirs et se perdre dans les poils blancs de sa barbe, mais la faible lumière environnante ne permettait pas de l'affirmer.

- Que...que tu es belle, ma fille. En dix ans...tu es devenue resplendissante, dit le scientifique en baissant les yeux, et sa voix sembla résonner aux confins de l'univers.
- Papa...murmura la jeune femme, la voix serrée.
- Je...suis désolé, ma chérie. Je suis désolé de ne pouvoir te serrer dans mes bras. Et de ne pouvoir te demander pardon pour tout le mal que je t'ai fait.
- Mais papa...tu es là, tu es en vie ! s'écria Aelita en se collant contre la barrière. Bon sang, si nous avions su...mais ne t'en fais pas, nous pourrons bientôt...
- Non, coupa Hopper. Il n'en est pas question !
- Pas question de quoi ? Tu veux revenir sur terre, n'est-ce pas ? Papa !

Les autres Lyokô-guerriers avaient l'impression d'être incapable de parler, et même de bouger. Cette vision dépassait leurs plus folles espérances. Franz Hopper était vivant – il s'était même reconstitué un avatar ! ils avaient peine à y croire. Cependant, l'émotion les empêchait même de penser clairement.

- Il y a...des choses dont je ne veux pas me souvenir. J'ai fait des choses horribles. J'ai tué. J'ai créé XANA. Et je ne veux pas savoir pourquoi...Ça me hante tellement que j'ai peur d'en être détruit. De redevenir fou et paranoïaque comme je me souviens l'avoir été. Allons donc ! une voiture noire qui s'arrête à un feu derrière moi, le signe évident que des services secrets s'intéressaient à moi ?

Hopper se prit la tête entre les mains et pleura à chaudes larmes.

- Et ce « grand projet » - je me rappelle encore déclarant cette phrase dans ce maudit laboratoire ! Savais-je alors ce qui en résulterait pour Aelita et pour moi ? Aelita, je t'ai séquestrée sur Lyokô pendant plus d'un an ! par ma faute, tu as perdu ta mémoire, tu as souffert, tu es même morte plus d'une fois ; et en fin de compte, en essayant de me sauver, tu m'as vu mourir. Je t'ai imposé tant d'épreuves...
- Tu ne sais plus ce que tu racontes, papa ! Crois-tu vraiment que je pourrais te laisser là quand je sais que tu es en vie ? s'emporta la jeune femme.
- Je le crois, si tu comprends que c'est ce qui vaut mieux pour moi, répliqua le vieux scientifique en la fixant droit dans les yeux.

L'avocate ne sut que répondre. Elle n'avait plus de mots. Plus rien ne pouvait exprimer ce qu'elle ressentait – elle n'était même plus sûre de ressentir quoi que ce soit.
Franz Hopper baissa les yeux vers ses mains. Adèle remarqua alors qu'il tortillait ses doigts nerveusement. Soudain, le créateur de Lyokô leva son regard en direction des amis de sa fille.

- Avant tout, je voudrais vous remercier de ce que vous avez fait en personne. Vous avez véritablement été extraordinaires. Je suis navré de ne pas voir Jérémie, encore que je comprenne qu'il soit resté aux commandes et que j'approuve cette décision. Ainsi donc, Ulrich, Yumi, Odd et Jérémie, vous qui avez été là dès le début, et avez pris la décision de sauver Aelita en dépit du danger, vous qui avez tant fait pour lutter contre mon invention et pour protéger ma fille, je vous remercie du fond du cœur. Et toi aussi, Adèle, pour le courage dont tu as su faire preuve, bien que je n'aie pas eu l'occasion de le voir à l'œuvre.
Je vous conjure, s'il vous plaît, de supporter ma fille au cours de cette épreuve difficile. Je vous en prie, ne récupérez pas le dernier fragment, ne me faites pas subir cela. Je sais où il est, mais je n'en veux pas. Je vais vous dire ce que vous devez faire. Éteignez cette machine de malheur. Détruisez-la. Pour ma part, je lutterai contre XANA, je l'empêcherai d'agir à tout prix – et croyez-moi, je le connais et je le comprends : je sais que je parviendrai à le neutraliser sur le réseau. Pourrez-vous faire ça pour moi ?

Après un moment d'hésitation, Ulrich hocha la tête. Yumi également. Adèle les imita. Puis ce fut le tour d'Odd. Mais il n'y eut toujours pas de réponse de Jérémie. Hopper attendait. Aelita était tétanisée. Enfin, la voix de l'informaticien retentit.

« Franz, pourquoi avez-vous créé XANA ? »
- Je savais que le projet Carthage ne me laisserait pas aller librement dans la nature dès le moment où je l'ai quitté. Alors je me suis caché. En Suisse. J'ai longtemps vécu heureux...mais je ne pouvais m'empêcher d'avoir peur. De sentir qu'on savait où j'étais, et ce que j'avais fait. J'avais peur. Je suis donc retourné en Europe au début de l'hiver, et j'ai construit XANA en lui donnant pour mission de dissimuler mes traces et de détruire tout ce qui restait du projet Carthage.
« Ça ne tient pas debout. » objecta le jeune homme. « Si ce programme devait vous protéger, il ne vous aurait pas tué. »
- Je pense que dans la mesure où il devait éliminer tous les membres du Projet Carthage, le programme a pu estimer que j'étais un ennemi.
« Une erreur un peu grosse pour vous. Il vous manque un élément, j'en suis sûr. Pourquoi avez-vous quitté le projet ? est-ce parce que vous avez découvert que c'était un projet militaire ? »
- Oh, ça, certainement pas. Je me souviens l'avoir dit dans mon journal, en effet, mais c'était inexact : j'avais abusé du casque neuronal les premiers jours, je perdais la capacité de raisonner clairement. J'en étais au courant depuis le début, cela je me le rappelle parfaitement. Le Président Reagan lui-même m'a informé de l'objectif de la mission en me demandant si j'acceptais. Mais j'ai découvert quelque chose, au moment de passer à l'application, que je n'aurais pas dû savoir. J'ai compris que ce projet était basé sur quelque chose d'horrible. Je me suis révolté. J'ai tué. Et je refuse de savoir pourquoi. Je ne veux pas savoir quel mal j'ai pu faire. Je ne veux pas savoir ce qui s'est passé.
« J'ai une autre hypothèse pour expliquer la création de XANA. Et si je ne me trompe pas, Franz, vous ne pourrez jamais comprendre parfaitement ce programme que vous avez créé. Alors dites-moi : qui était la mère d'Aelita ? »

L'expression de Franz se perdit dans le vague. Après un long moment, il bafouilla :

- Je...j'ai...j'ai oubl-blié...

***

Franz Hopper demeurait immobile et silencieux, les yeux baissés. Ainsi donc, son plan pour réparer ses erreurs tout en évitant de retrouver la mémoire n'était pas viable ? il devrait souffrir une deuxième fois ce qui l'avait détruit s'il voulait permettre à sa fille de vivre une vie normale. Mais la tête dans les mains, il pleurait – non, il ne pouvait l'accepter. Comment vivre avec un tel poids sur le cœur ?
Aelita leva les yeux vers son père. En cet instant, il avait l'air d'un homme très vieux. Elle pouvait sentir tout le malheur qui le tiraillait, et elle en souffrit profondément. Elle eut toutefois la force de lui demander :

- Papa, pourrais-tu nous raconter un peu plus ta vie ?
- Bien sûr, bien sûr, mes enfants, répondit ce dernier en essuyant ses larmes. Je comprends pourquoi toute cette affaire vous intéresse. Que dire ? il y a tant de choses si peu joyeuses...Eh bien, il se peut que tu ne t'en souviennes pas, mais je suis né le 30 avril 1945, le jour précis de la mort d'Hitler, et celui de la naissance de la Guerre Froide. La fin d'une ère, et le début d'une autre. Dès mon enfance, j'ai connu quantité de pays et de cultures différentes : Angleterre, Allemagne, Israël, France, États-Unis. Pour ce dont je me souviens de mon enfance, j'étais un enfant moyen, sage et appliqué, polyglotte mais peu brillant, et relativement solitaire. Ce n'est qu'au lycée que j'ai commencé à m'intéresser aux avancées de la science : génétique dans les années 50, mécanique quantique au début du siècle...je dévorais tout ce que je pouvais trouver sur les sciences, et bientôt les mathématiques n'eurent plus de secrets pour moi. J'entrai à Harvard grâce à une aide gouvernementale, les faibles revenus de mon père plombier ne suffisant pas. Je ne m'en doutais pas alors, mais j'avais déjà été repéré comme un jeune esprit prometteur par des services confidentiels.
J'ai oublié beaucoup de mes camarades et de mes études à Harvard. Toujours est-il que je devins rapidement un spécialiste en plusieurs domaines, et les professeurs ne cessaient de se plaindre d'un esprit d'entreprise trop peu discipliné parce que je refusais de réitérer des expériences déjà réalisées et me lançais dans la vérification de mes propres théories. J'obtins pourtant mes diplômes, et peu après ma sortie de Harvard, mais je fus contacté par le gouvernement fédéral.

C'était en janvier 1979. J'avais trente-trois ans et déjà quelques théories étonnantes à mon actif. La plupart du temps, l'avenir devait me donner raison. Un jour, je reçus la visite d'hommes en noir, qui me conduisirent directement dans le bureau ovale. J'eus la surprise d'y trouver non pas le président de l'époque, Jimmy Carter, mais un de ses opposants, Reagan. Ces deux hommes avaient collaboré dans l'unique domaine où ils s'entendaient : la Guerre Froide, et la fin de la Détente. Reagan avait réussi à obtenir l'accord de Carter pour la participation informelle des États-Unis à un projet secret du bloc occidental, à propos duquel je ne saurais dire qui connaissait son existence, qui le dirigeait, et à qui il profiterait. L'objectif final était néanmoins impressionnant : désactiver les communications ennemies. Et toutes formes de communications : ondes, impulsions électriques, câbles, puces...en bref, une arme technologique d'une efficacité redoutable, qui laisserait les soviétiques russes impuissants à réprimer le peuple affamé.
J'acceptai. Les contraintes étaient pourtant lourdes. Vivre dans l'ombre, effacer toute trace de ma vie, disparaître, voir mes prix Nobel arrachés par des hommes de papier, renoncer à la gloire, à la richesse, à la liberté...Deux semaines plus tard, je quittais tout ce que j'avais connu et prenais l'avion vers une vie des plus étranges ; pendant trois ans, je vécus reclus dans une base souterraine dont j'ignorais jusqu'à la localisation exacte, travaillant sans contraintes de budget pour des hommes que je ne pouvais pas voir, prisonnier d'une milice supposée assurer notre sécurité, et collaborant avec des hommes dont je ne connaissais pas exactement les travaux, et dans lesquels je n'avais pas toujours confiance. Je crois que sans les quelques vacances où nous étions relâchés en ville, je serais devenu fou.

Le Projet Carthage était un nom générique utilisé pour désigner un programme de recherches plus ou moins vaste. Nous étions huit scientifiques, avec chacun notre objectif – mais pour atteindre ce dernier, nous disposions d'une autonomie totale, ne subissions aucun contrôle, et avions droit à tous les moyens que nous demandions. Le plus incroyable, c'était les connaissances dont disposait déjà le projet à mon arrivée : les gouvernements avaient au moins quarante ans d'avance sur les recherches – et il y a des choses qui font encore débat dans la communauté scientifique de nos jours, qui nous ont été présentées pour acquises et démontrées. Mon travail, c'était d'élaborer un support informatique capable de réaliser l'impossible : contenir l'univers. Aussi, même si entre collègues, nous nous côtoyons fréquemment, demandant des avis sur une théorie ou sur autre chose, nous ignorions totalement la nature des travaux des uns et des autres – à l'exception de Wilson, l'instigateur et le meneur du projet. C'était un homme d'un grand talent et d'une perspicacité fine, au front haut et ridé ; il ne l'a jamais reconnu (le secret sur la vie privée était une norme là-bas, en particulier du point de vue de l'origine), mais son discours moralisateur, ses manières et son accent le trahissaient au premier coup d'œil : il était anglais.
Nous étions surveillés dans nos échanges par sept gardes. La même politique de désinformation généralisée s'appliquait parmi eux, pour ce que je sais du moins, et seul leur chef savait vraiment de quoi il en retournait. Autant j'admirais Wilson, qui, sur le plan intellectuel, était la plupart du temps admirable, autant je me défiais de son homologue garde Antonio Castellani, quoiqu'une profonde complicité unît ces deux hommes, qui étaient comme frère. Ce type dégageait une assurance, une suffisance, qui frôlait l'arrogance, pour ne pas dire la mégalomanie. Il voyait toujours tout, de derrière ses lunettes aux bords pointus, et tout lui laissait un sourire aiguisé. Il avait du sang sur les mains, il avait déjà tué, ça se voyait. Beaucoup de nos gardes donnaient d'ailleurs cette impression, qu'ils n'hésiteraient pas à tuer, si nous faisions un faux pas, ou voyions quelque chose du travail de nos collaborateurs que nous ne devions pas découvrir.

« Que pouvez-vous nous dire des travaux du docteur Juste Lefranc ? » intervint soudain Jérémie.

- Oh, pas grand chose en vérité. Son domaine devait être, je crois, le fonctionnement du cerveau humain – ou à peu près, car dire que je travaillais sur la mécanique quantique ne suffisait pas à rendre compte de mon activité. Je saisissais aisément en quoi de tels travaux rejoignaient mon travail : simuler le fonctionnement d'un cerveau humain était un point essentiel du travail de Wilson, qui affirmait qu'il devait mettre au point une I.A. plus performante que tout. Ainsi, même en travaillant dans le noir, je me dressais une sorte de représentation des événements.
Mais je sais qu'un jour, j'ai découvert quelque chose qui m'a bouleversé dans le laboratoire de Juste. J'y avais mis les pieds alors que je n'avais pas le droit, je ne sais plus pourquoi – et j'ai alors découvert, dans ses notes personnelles, quelque chose qui m'a révulsé. C'était en pleine nuit. J'avais profité de ce que mon garde personnel, Alexandrovitch, dormait, pour fouiner en paix ; quelle folie m'avait pris ! Je me souviens clairement m'être écrié : « Sont-ils fous ? Ne respectent-ils rien ? » Je me suis senti trahi, j'ai souffert. Je voulais m'enfuir, je courais dans le couloir vers la sortie. Castellani s'est dressé devant moi, me menaçant de son arme ; j'avais l'arme d'Alexandrovitch, je lui ai tiré dessus et il s'est effondré à terre – je suis à peu près certain qu'il était mort. J'ai traîné son cadavre avec moi, dehors, sur le toit, et j'ai utilisé la reconnaissance oculaire pour subtiliser l'hélicoptère qu'il pouvait utiliser en cas d'évacuation de l'île. C'est le pire souvenir de ma vie.

Suite à ma fuite du projet Carthage, j'ai récupéré l'argent que j'avais gagné, et je suis parti me cacher en Suisse, sous une fausse identité, celle de Waldo Hopper – Hopper étant un nom que j'avais choisi, je m'en souviens, dans un annuaire américain. C'est là-bas qu'Aelita est née, dans un petit chalet en montagne. J'ai vécu humblement, puis j'ai fini par trouver un emploi stable dans l'édition : je lisais, jugeais et critiquais les différents livres envoyés à Gallimard. Rien de bien passionnant, si ce n'est que ça me procurait des contes pour enfant assez facilement.
Aelita devait avoir environ quatre ans, le jour où j'ai cru que notre sécurité était menacée. J'ignore quels éléments m'ont porté à cette conclusion. J'ai alors commencé à m'immerger dans des activités illégales pour me procurer du matériel technologique et mettre au point un ordinateur quantique, et un programme qui pourrait me protéger via la technologie des spectres, que j'avais élaborée pour le compte du projet Carthage. Mais le soir même où XANA était achevé, Aelita revenait en pleurs, me raconter qu'elle avait vu un loup qui avait voulu l'attaquer, et des hommes en noir. Ce qui signifiait deux choses : mon programme devait avoir plus de puissance à sa disposition d'une part, et d'autre part, il fallait que je quitte cette cachette qui n'était plus fiable. Je me réfugiai à Paris, à l'ermitage que vous connaissez, et là, sous ma couverture d'enseignant, je bâtis, autour de mon ordinateur quantique, un véritable SuperCalculateur, en modifiant profondément la structure. Vous connaissez le résultat.

Mais très vite, j'ai eu le sentiment que XANA n'avait pas tout à fait détruit Carthage. J'acquis la conviction que quelqu'un savait tout sur moi, tout ce que je faisais – des accidents qui manquaient de me tuer se multiplièrent, des événements mystérieux, des hasards trop poussés...et chaque fois, je réagissais en améliorant XANA et en accroissant son pouvoir. Quel idiot ! j'ai depuis compris que ces accidents étaient le fait de mon programme, qui m'avait jugé comme un ennemi. Comme ç'avait été lui en Suisse.

La peur grandissant, j'ai fini par me sentir traqué, pressé par le temps. J'arrêtai de venir en cours et me mis à travailler frénétiquement sur un projet de simulation d'univers parallèle – j'espérais créer une autre dimension, où Aelita et moi, nous pourrions vivre en paix. Au lieu de quoi, peu à peu, je parvins à mettre au point le retour vers le passé. Ce fut un coup de génie d'une part, et un coup de chance de l'autre. A force de peiner à donner à l'ordinateur un moyen de copier le monde tel qu'il est en simulant son existence depuis sa création, et d'y passer mes nuits, je m'endormis sur le clavier. Au réveil, je pouvais simuler le déroulement de l'univers tel qu'il avait été depuis sa création, et grâce à la technologie des spectres, recréer l'univers depuis l'instant précis où la matière était apparue. Mais il était impossible de changer quoi que ce soit à leur déroulement, si ce n'est ceci : rajouter une particule quantique à la création du SuperCalculateur. En fait, c'était le principe même de ce programme.
Techniquement, c'était un moyen d'accroître à l'infini la puissance de mon nouvel outil. Mais je sentis immédiatement que le retour vers le passé, mon Graal, était possible, à cette seule condition : que je trouve le moyen de conserver ma mémoire, et celle du SuperCalculateur. J'y parvins, en reliant ma mémoire directement au SuperCalculateur au moyen des scanners, et en jouant sur cette particule que je pouvais ajouter à la structure de mon ordinateur quantique.
Mais ce travail prit du temps, et le temps que ce soit terminé, plus rien. Tout était terminé. Ni accidents, ni espions. Je commençai à douter. Carthage avait-il été détruit ? Peut-être valait-il mieux renoncer à cette folie, et mener une vie paisible et discrète ? je n'étais pas absent de Kadic depuis plus d'une semaine, je pourrais toujours revenir en prétextant une maladie fulgurante. Je quittai la maison avec la ferme intention d'éteindre le SuperCalculateur et de le détruire. Mais au moment où j'allais débrancher mon invention, je vis s'ouvrir la porte de l'ascenseur, et deux hommes en noir se ruer sur moi.
Je parvins à remonter dans l'ascenseur vers le poste de contrôle. Je priai pour que ces hommes n'abîment pas ce qui devenait mon dernier espoir. Je courus à toute vitesse vers la console de contrôle et lançai mon programme de retour vers le passé. Il fonctionna à la perfection. C'était le 6 juin 1994. Je venais, sans le savoir, de subir une autre attaque de XANA.

La suite, vous ne la connaissez que trop bien. Ce que vous ne savez pas, c'est ce qu'il s'est passé quand Jérémie a rallumé cette machine de malheur. Pour éteindre le SuperCalculateur, j'avais activé une tour en entrant dans le cœur même de Lyokô. A mon réveil, j'ai eu le déplaisir de constater que j'y étais coincé. En effet, XANA avait réussi, à l'instant où le SuperCalculateur s'éteignait, à dérober la mémoire de ma fille. Sans sa mémoire, comment pouvait-elle survivre, si je ne palliais cette absence de mémoire ? j'ai assisté à chacun de ses pas, à chacune de vos luttes, sans pouvoir bouger, ni même lancer la moindre action – car Aelita aurait immédiatement cessé de fonctionner, et serait morte, si j'arrêtais de veiller sur elle. Ma plus grande peur a été le moment où tu as matérialisé le cheveu, Jérémie ; heureusement, grâce à la virtualisation de ce dernier, j'ai pu faire le nécessaire pour rendre la vie à ma fille bien-aimée.
J'ai été très surpris le jour où tu as réussi à mettre au point le Code Terre sans même comprendre exactement pourquoi Aelita ne pouvait pas être matérialisée. Je tiens à te féliciter pour cet exploit. Je ne suis pas sûr que j'y serais parvenu moi-même, et encore moins à l'âge que tu avais alors.
Après sa matérialisation, j'ai petit à petit trouvé le moyen d'élaborer des protocoles de maintien automatiques d'Aelita. Ma marge de manœuvre s'accroissait. J'ai cherché à vous contacter pour vous permettre de déchiffrer mon journal, convaincu que les informations qu'il contenait vous aideraient à comprendre la nature du mal de ma fille. Puis j'ai réussi à prendre le contrôle des mantas du secteur 5. Mais nous sommes tombés dans un piège de XANA, et l'appât n'était qu'un leurre. Pendant que la Méduse accomplissait son sombre travail, je fis la seule chose qui pourrait encore sauver Aelita : je partis à la recherche de sa mémoire moi-même, laissant XANA se charger de la maintenir en vie pour moi. Ce fut alors que toute l'horreur de la situation m'apparut. Cette mémoire avait été stockée dans la salle même du cœur, où je m'étais tenu toutes ces années – à quelques mètres devant la porte de ma cellule. Dès que je l'eus récupérée, je réinitialisai le secteur 5 ; XANA fut alors libre d'activer toutes les tours dont il avait besoin, par malheur, et il parvint à s'échapper du SuperCalculateur. Mais au moins, Aelita était vivante. Et c'était tout ce qui importait pour moi.

15

Nos Lyokô-guerriers étaient suspendus à l'histoire que racontait Hopper. Le peu de sa vie qu'ils avaient réussi à reconstituer s'étalait à présent sous leurs yeux presque comme une série de détails vagues et sans signification, et le fond de l'affaire demeurait mystérieux. Le jeune intellectuel n'avait pourtant aucun doute. Ce que Franz Hopper avait oublié, c'était sa femme Anthéa. Ce qu'il avait découvert au projet Carthage, c'était elle. Ce qu'il avait donné pour mission à XANA, c'était de la protéger. X.Anthéa. C'était elle, la clé de tout. L'origine. La genèse.
A partir de là, les événements s'enchaînaient logiquement. XANA enlevait Anthéa pour la conserver à l'abri. Hopper réagissait en accroissant son pouvoir. XANA exterminait Carthage et effaçait les traces de tout ce qui pouvait avoir un lien avec Anthéa. Et tant que sa mission n'était pas terminée, il devait veiller à se préserver lui-même. De là les attaques contre quiconque connaissait son existence. De là la nécessité de se répandre dans le monde entier. De là la nécessité de dominer le monde. Le seul véritable mystère était donc celui-ci : où était Anthéa, depuis son enlèvement en Suisse ? où était-elle maintenue vivante, et comment ?
La décision de Hopper troublait profondément Jérémie. Sans sa mémoire, sans son savoir, sans l'homme entier, il n'avait aucun espoir de retrouver la seule personne qui pût intimider XANA. Il n'y avait rien d'autre à faire. Il devait pourtant respecter ce souhait, que le jeune informaticien comprenait parfaitement. Aurait-il pu, lui-même, s'il avait commis un acte irréparable, accepter de comprendre pourquoi ? Aussi, il se tut durant tout le temps que dura l'histoire de Franz Hopper, et resta perdu dans ses hésitations, tiraillé entre sa soumission à la requête de Hopper et son devoir.

Tout d'un coup, la fenêtre du SuperScan s'ouvrit. Il hurla de rage. Pas maintenant ! ce n'était pas possible ! XANA ne pouvait pas activer une tour dans un moment aussi critique !
Sa rage ne fut que de courte durée. Un autre sentiment vint bientôt la remplacer. Un sentiment qu'il connaissait chaque fois que le programme lui réservait une surprise de mauvais goût. La peur. Les yeux écarquillés, il sentit son visage se mouiller en un clin d'œil. Ses lunettes glissèrent sur son nez. Il ne croyait pas ce qu'il voyait.
XANA n'était pas en train d'activer une tour. C'étaient chaque tour qui, à toute vitesse, selon un algorithme bien défini, était attaquée. Faiblement, mais assez pour la forme. Et ce qui en résultait, il ne l'attendait certainement pas. Un sentiment d'impuissance l'envahit. Tout se passait tellement vite !
Il jura. Le SuperScan était clair. En moins de dix secondes, XANA avait désactivé les protections et activé toutes les tours de Lyokô. Il n'y avait qu'une solution.

***

- J'errais sur le réseau, à la recherche d'informations qui pourraient vous aider à ramener votre ami William, mais XANA protégeait trop bien ses données pour que je puisse...
« Merde ! » hurla soudain l'informaticien.

Tout le monde sursauta. Le créateur de Lyokô se redressa brusquement, à l'affût, comme s'il recevait mille mauvaises nouvelles invisibles d'un coup.

- Que se passe-t-il, Jérémie ? demanda Ulrich en dégainant.
« Vous devez immédiatement retourner sur Lyokô. XANA est en train de récupérer les données. Il a réussi à contourner les dispositifs de protection et il a activé toutes les tours. Nous devons éteindre le SuperCalculateur. »

Aelita se tourna aussitôt vers son père. Ce dernier la regardait, et il pleurait abondamment.

« Franz, nous allons vous compléter et vous matérialiser. Il n'y a pas d'autre moyen de vaincre XANA, croyez-moi. »
- Il doit y avoir quelque chose, déclara le scientifique en se renfrognant, l'air obstiné. Il y a toujours quelque chose à faire.
« Pas cette fois. Mais n'ayez pas peur, Franz. Vous avez eu raison de faire ce que vous avez fait. Vous ne trouverez que de bons souvenirs, je vous le garantis. Vous n'avez rien à craindre. »
- Comment pouvez-vous l'affirmer ? hurla le savant rageusement.
« Faites-moi confiance, Franz. Nous avons besoin de vous. Sans cela, XANA sera invincible. Invincible, vous entendez ? Et il n'arrêtera pas avant de nous avoir tous éliminés ! »

Jérémie hurlait presque. Adèle, Yumi et Ulrich sentaient monter la panique. Même Odd se sentait dépassé par les événements. Quant à Aelita, elle regardait fixement son père, comme si elle le voyait pour la dernière fois. Hopper avait l'air de nager en pleine confusion. Pressé par Jérémie, par le temps, par ses craintes, il ne savait visiblement pas ce qu'il devait faire, où il devait aller, son regard fou bondissait de partout, cherchant quelque chose de rassurant, quelque chose qui puisse le guider. Ses yeux se plongèrent dans les prunelles verts bouteille d'Aelita.

- Je t'en prie...murmura-t-elle. Je t'en prie, papa...fais-le pour maman.

Hopper resta figé un bref moment. Puis ses sourcils se froncèrent. La voix serrée, il déclara :

- Hum, puisque tu insistes, Aelita, je vous renvoie au Skid.

Tout d'un coup, la vision des Lyokô-guerriers devint floue, et le décor interstellaire disparut lentement. La dernière chose que put distinguer la jeune femme du refuge que s'était construit son père, c'était un homme seul, brisé, et qui, tombé à terre, pleurait toutes les larmes de son corps. Quelle horreur, songea-t-elle, que de souffrir de toute la douleur qu'on a pu causer au cours d'une vie comme la sienne. Elle se prit elle-même à sentir un violent pincement au cœur, en espérant de toute son âme que Jérémie ne se trompait pas, et qu'il n'y avait rien d'autre, dans le dernier fantôme, que de bons souvenirs.
Nos cinq amis, réapparus dans la salle d'embarquement, furent à bord du Skidbladnir en quelques secondes. A l'aide des données transmises par Franz Hopper, Jérémie savait où trouver le fragment manquant ; mais il n'y avait pas une seconde à perdre s'il voulait empêcher XANA de faire main basse sur le code source de Lyokô. Dès l'instant où ils eurent quitté Lyokô, l'informaticien leur envoya les coordonnées à entrer dans le hub, puis les guida jusqu'au fragment.
Une surprise les attendait néanmoins. Le programme avait réussi à exhumer trois de ses anciens monstres, de gigantesques squales qui entouraient le dernier fantôme, baignés dans sa lueur blanchâtre. Ils étaient loin, mais il n'y avait pas moyen de les manquer.

« On n'a pas le choix. Vous foncez dans le tas. » trancha Jérémie, puis il ajouta, se ravisant : « Mais soyez prudent dans votre diversion. Ce serait trop bête de vous perdre maintenant. »
- Enfin un peu d'action dans la mer numérique ! s'exclama Odd en s'étirant. Ça me manquait !
- Surtout, Adèle, tu ne te laisses pas toucher, précisa Ulrich en décrochant.

Il fonça droit vers les Rekins, lançant déjà une torpille virtuelle en direction des ennemis, suivi de près par Odd qui hurlait comme un dingue – si fort qu'Aelita finit par désactiver son micro.
Comme toujours dans la mer numérique, le combat n'était pas aisé, et l'aventure était riche en émotion et en risque. Pourtant, ce n'était pas tant d'éliminer les ennemis que de protéger le Skid pendant la récupération du fragment qu'il était question. De fait, personne ne parvint à toucher personne, et dès qu'Aelita eut terminé le travail, les navskid se rangèrent piteusement sur le vaisseau, laissant les monstres à leur échec.

« Bon, pendant que j'essaye de recréer et matérialiser Hopper, débarquez sur Lyokô. Et le plus tôt sera le mieux ! »

Il ne fallut pas trois minutes pour que les Lyokô-guerriers rejoignent Jérémie dans le laboratoire. Il tapait sur le clavier à une vitesse inimaginable, qui surprit même ses vieux amis.. Aelita se saisit de son ordinateur portable et commença à travailler à la vérification et à l'assemblage du dernier fantôme de concert avec son amant.

- Il ne reste plus que deux minutes, s'écria Jérémie après un long moment de silence concentré.
- Nous n'y arriverons jamais ! répliqua Aelita en grinçant les dents.
- Ça y est, j'ai défragmenté la matrice inertielle ! exulta l'informaticien.
- Ça ne change rien, la matérialisation prendra au moins une minute en elle-même ! s'exclama Aelita.
- Nous sommes à deux doigts...une seconde de plus, et...
- Tu choisis d'arrêter XANA ou de sauver mon père ? trancha Aelita.
- Je choisis Hopper, répliqua Jérémie sans quitter son écran des yeux. Les autres ?
- Hopper, affirma Adèle, pendant que les autres étaient encore à se demander si c'était à eux que leur ami s'adressait.
- Hopper aussi, répondit Odd.
- Hopper, bien sûr, dit Yumi.
- Hopper, sans hésiter, déclara Ulrich.
- Alors on y va sans regret ! s'écria Aelita en se remettant à pianoter de plus belle sur son clavier.

Le compte à rebours affiché sur l'écran de Jérémie arriva bientôt à zéro. Les deux génies continuèrent à travailler frénétiquement, sans avoir l'air de réagir. De même lorsqu'une fenêtre s'ouvrit sur la salle du cœur et la montra envahie de créatures en tous genres.

- Heu, Einstein, ce serait pas le bon moment pour nous envoyer visiter le nouveau cœur ? intervint Odd d'un air hésitant.
- Quoi ? Sous-sol niveau -3. Attendez mon signal. C'est ça, le nouveau cœur.
- Vous pensez pouvoir reconstituer Hopper à temps ? interrogea Ulrich tandis qu'Adèle entrait dans l'ascenseur.
- C'est presque fait, répondit Jérémie. Le tout, c'est de récupérer l'énergie virtuelle du SuperCalculateur, et XANA ne nous facilite pas la tâche.

Tout d'un coup, le bruit des scanners s'éleva ; il devint assourdissant. Jérémie, dans le vacarme ambiant, hurla à Ulrich de vérifier ce qui sortait des scanners. Celui-ci descendit par l'échelle, puis revint un bref instant après que le son des scanners eût disparu pour crier : « C'est bien Hopper ! Il est sur terre ! » Les deux intellectuels échangèrent un regard et se remirent à pianoter frénétiquement. Enfin, ils se détendirent.

- Adèle, envoie un message à Odd pour qu'il désactive le SuperCalculateur, avant que XANA ne nous oblige à le faire, ordonna Jérémie en fermant les yeux.

Odd envoya donc un message à Adèle pour qu'elle désactive le SuperCalculateur sans faire de remarques. Un instant plus tard, un silence de nécropole s'abattait sur le laboratoire. Tout était terminé. Le SuperCalculateur venait d'être éteint, pour le première fois depuis plus de six mois. En moins de dix minutes, tout avait basculé : Hopper ramené à la vie, le SuperCalculateur éteint, XANA invisible et dans la nature...les bouleversements étaient tels, et si brutaux, qu'ils laissaient nos Lyokô-guerriers totalement pétrifiés. Il semblait que le monde entier était devenu comme irréel, suspendu, hors de l'existence et du temps.

***

Tout à coup, Aelita releva la tête et lança vivement :

- Il est sur terre, dis-tu ?

Cela faisait presque une minute qu'Ulrich n'était plus là, mais elle ne s'en était pas rendue compte. La porte de l'ascenseur s'ouvrit.
Hopper était tel qu'au jour de sa virtualisation sur Lyokô. Vêtu d'un pull brun de l'ordinaire le plus complet dans les années 1990, portant une barbe de plusieurs jours et les yeux toujours aussi invisibles derrière ses lunettes opaques, il avait l'air étrangement perdu et décalé dans ce décor qu'il avait lui-même aménagé, et où il n'avait plus mis les pieds depuis près de vingt ans. Appuyé sur Adèle et Ulrich, il semblait presque incapable de marcher – Jérémie savait pourtant que ce manque d'équilibre n'était qu'une affaire d'habitude. Le vieux scientifique parcourut le laboratoire du regard et sourit timidement dès qu'il aperçut les deux informaticiens.
Aelita se rua immédiatement vers son père en pleurant – et cette fois, il n'y eut aucune barrière pour l'empêcher de le serrer dans ses bras. Le père et la fille étaient enfin rentrés sur terre tous les deux. Notre jeune femme avait l'impression de chuter comme dans une abîme infinie, de flotter dans un courant qui emportait tout en elle et autour d'elle, sauf son père, qui était là, solide comme le roc, aussi réel, aussi tangible, que quand elle était petite – revenu d'entre les morts. Tout semblait s'oublier dans un flou larmoyant, si ce n'était lui, son pull rugueux contre lequel elle appuyait sa joue, et les battements fous de son cœur.
Le jeune génie s'avança derrière elle, prenant toutefois garde de rester en retrait pour ne pas déranger les retrouvailles de son amante. Il participait à l'émotion générale, tout en songeant que ses larmes étaient loin d'égaler, en bonheur et en soulagement, celles qui mouillaient le visage de la femme qu'il aimait. Au fond, songea-t-il, il n'avait jamais vu Aelita aussi peu maîtresse d'elle-même et de ses émotions.
Enfin l'étreinte prit fin, et le scientifique, après avoir regardé en silence sa fille, se trouva comme incapable de dire quoi que ce soit. Pris de gêne, il se tourna vers Jérémie.

- Jérémie Belpois ! le génie de ces lieux...
- Monsieur Hopper...tenta de l'interrompre Jérémie en rougissant.
- Et l'homme qui a su prendre soin de ma fille...la libérer de sa malédiction...l'aimer à ma place. Et en fin de compte, délivrer le père de la prison dans laquelle il s'était lui-même enfermé...Jérémie, je veux te le dire en personne : merci. Merci pour tout.
- Monsieur Hopper, ce n'est pas la peine de...
- Non, il n'y a plus de peine, en effet, exulta le savant, écartant les bras et regardant vers le plafond d'un air un peu fou. Enfin ! tout est fini ! Plus de XANA ! plus de Lyokô ! Plus d'ennemis invisibles ! ah, mes enfants, pardonnez-moi !
- Plus de XANA ? releva Odd tandis que Jérémie fronçait les sourcils. On a manqué un épisode ?
- Papa, XANA a réussi à récupérer le code source de Lyokô pendant que nous te faisions revenir, expliqua Aelita en posant une main compatissante sur l'épaule de son père.

L'expression de jouissance exaltée de Hopper glissa sur ses traits, et en moins d'une seconde, passa à celle de l'abattement le plus total.

- Quoi ? XANA est libre ? alors la lutte continue ? Mais sans le SuperCalculateur...Mes enfants, qu'allons-nous faire ?

Avant que personne n'ait le temps de réagir, Franz s'était accroupi et s'était pris la tête entre les mains en pleurant à chaudes larmes, sanglotant comme un enfant grondé. Jérémie ne put s'empêcher de sentir un pincement serrer son cœur. Il n'y avait pas de doute possible : il faisait face à un homme brisé, dont le psychisme déjà fragile avait été démoli par plusieurs années de culpabilité, de captivité et de malheur – sans parler des années où il avait été virtuellement mort. Il échangea avec Aelita un regard où il s'efforçait de lui exprimer sa compassion, de la rassurer, de lui rendre espoir – mais tenter de contrôler la douleur de la fille de Hopper devant l'état de son père, c'était comme de lutter contre un ouragan. Son véritable rôle était d'avoir l'air fort et inflexible, pour pallier la gêne.
Tandis que la jeune femme s'agenouillait et relevait son père exténué, il se rassit dans le siège et entama un débriefing.

- A l'heure actuelle, la situation est radicalement changée, mais le combat continue. Notre principal objectif, à présent, c'est de retrouver Anthéa, le plus rapidement possible, et de jouer dessus pour contraindre XANA à se laisser vaincre.
- Anthéa ! s'écria soudain Hopper, dans un cri de désespoir déchirant. Ah, ma chérie, pardonne-moi ! Si j'avais su...si j'avais su que tu étais toujours en vie...si j'avais compris...Dire que, Jérémie, tu avais raison...Bon sang, quel crétin j'ai été ! Quelle idée de créer ce monstrueux programme ! c'était pourtant si logique !
- Vous ne pouviez pas savoir, monsieur Hopper, que votre femme était retenue prisonnière par le programme qui était supposé la défendre. Mais quelque chose m'intrigue : comment l'avez-vous découvert ?
- Tout le temps où j'ai erré dans le réseau, j'ai pu visiter les banques de données de mon programme. Il est devenu si différent de ce que j'avais prévu...en tout cas, c'est comme ça que j'ai pu vous envoyer les données nécessaires pour le vaincre. Et c'est aussi comme ça que j'ai compris que ses forces s'étaient, dès le début, tournées à rejoindre et maîtriser un endroit particulier, en Suisse.

- Attendez ! vous avez dit « cachée » ? mais c'est pas possible ! un être vivant, ça ne se « cache » pas comme ça ! intervint Ulrich. Il lui faut un lieu où vivre, de l'énergie, de quoi manger !
- En fait, c'est logique, opposa Jérémie, et Hopper acquiesça en baissant la tête. Et ça nous explique même pourquoi XANA a enlevé Anthéa au lieu de la laisser vivre et de continuer à la protéger comme il devait le faire. Je crois que XANA a décidé de conserver Anthéa cryogénisée. Il n'y a pas d'autre explication.
- Et où serait cette cachette ? interrogea Yumi.
- Sans doute en-dessous de mon ancien laboratoire, en montagne. XANA doit avoir aménagé un sous-sol que je ne connais pas. C'est sans doute là qu'il la garde. Et tout ce que j'espère...c'est que ce sous-sol ne se soit pas, avec le temps, transformé en tombe...

Le scientifique se remit à sangloter, la tête entre les mains. Jérémie, pour éviter de laisser grandir la douleur et la gêne générale, se remit à parler pendant qu'Aelita serrait le vieil homme dans ses bras.

- Avant de nous précipiter en Suisse, nous devons établir une liste des SuperCalculateurs qui pourraient nous poser problème en chemin. Pour cela, il faudra que je pirate l'intégralité des services secrets de toutes les organisations gouvernementales, et même anti-gouvernementales, qui pourraient en avoir installé en France et en Suisse. Cela laissera le temps à Franz de récupérer. Ensuite, si nous arrivons à récupérer Anthéa...nous verrons ce que nous pourrons faire.
- Tu veux dire que tu ne sais pas exactement quelle sera la suite des opérations ? demanda Ulrich en fronçant les sourcils.
- Ça t'étonne ? rétorqua le génie avec un petit sourire, tandis qu'Aelita et son père se dirigeaient vers l'ascenseur.
- Bah non, ça a toujours été le boulot d'Einstein, de ramer dans la mouise, pendant que nous autres jouons les bourrins sur le terrain ! jeta Odd en suivant les Hopper.
- Ça alors, un compliment ! s'exclama Jérémie, affectant un air surpris. Eh ben, c'est pas tous les jours !
- Pourquoi, ça devrait ? plaisanta Yumi, sortant à son tour du laboratoire.
- Tu ne viens pas ? demanda Ulrich en entrant également dans l'ascenseur.
- Non...je préfère rester encore un moment...
- Bon, c'est toi qui vois...

La porte se verrouilla. Le jeune homme soupira et se détendit sur le siège. Ce bref instant de répit se couplait à une situation entièrement nouvelle, et plutôt chaotique, pour ne pas dire catastrophique. Le temps était compté, dans la mesure où XANA était tout-puissant de nouveau, maîtrisant des bases militaires et scientifiques aux quatre coins du monde ; il fallait pourtant attendre que Franz Hopper s'acclimate de nouveau à la terre et qu'il se psychologiquement de tout ce qu'il avait enduré – sans recourir à un psychiatre, ça allait de soi. Par ailleurs, le but présent ne serait pas aisé à atteindre : récupérer, dans un laboratoire secret perdu en montagne, une femme cryogénisée, la ramener à Paris et la virtualiser (voire la décongeler préalablement), présentait bien assez de difficultés et de problèmes sans faire la course avec une entité machiavélique prête à tout pour mettre la main dessus.
Le laboratoire était extrêmement calme. Tout était plongé dans une obscurité presque rassurante, l'équipement informatique éteint dégageait une sorte de douce tranquillité maternelle. Après tout, les hommes n'étaient-ils pas venus de la terre ? En tendant l'oreille, on pouvait presque entendre couler le fleuve à l'extérieur.
La voix légèrement rauque et tremblante d'Adèle s'éleva du coin où celle-ci se tenait recroquevillée, les bras autour des jambes.

- Jérémie ?
- Oui ?
- Est-ce que tu crois qu'on va réussir ?

Le génie ne répondit pas immédiatement. Ils avaient presque toujours réussi. Ils avaient matérialisé Aelita après des mois de lutte acharnée, dans le temps ; ils avaient reconstruit Lyokô, ils avaient traqué XANA à travers le monde et lui avaient imposé SuperCalculateur...sans compter qu'ils avaient ressuscité Franz Hopper ! Et pourtant, chacune de ces victoires avait eu un goût de défaite. Le programme s'était toujours montré plus fort qu'eux. Et ce jour-là, en particulier, il n'aimait pas la tournure que prenaient les événements. Ils avaient de nouveau perdu le contrôle. Ils avaient échangé Hopper contre Lyokô. Était-ce vraiment un bon calcul ?

- Je pense que oui. Sincèrement. Car aujourd'hui, nous en savons plus. XANA n'a plus de secrets, le nôtre est intact. Nous connaissons son point faible.
- Et c'est quoi, notre secret ? demanda Adèle.
- Cet endroit, voyons ! ça l'a toujours été !

Adèle ne répondit pas. Elle tremblotait. C'était vrai qu'il faisait froid, songea Jérémie tout d'un coup. L'obscurité, la nuit, le calme et le silence de mort...tout faisait penser à un tombeau.

- J'ai peur, avoua-t-elle enfin. Pour la première fois de ma vie, j'ai peur. Comme je n'ai jamais eu peur.

Elle leva les yeux vers l'informaticien.

- Je ne sais pas ce que l'avenir nous réserve, mais...je n'ai pas envie de le voir. Aelita a retrouvé son père aujourd'hui ; si seulement tout pouvait s'arrêter là...

Le jeune homme se leva et l'aida à se mettre sur ses pieds.

- Tu es fatiguée, et moi aussi. Tu ne sais plus ce que tu dis. Allez, viens, il est temps d'aller dormir.
_________________
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Premier commandement : Tous les êtres humains naissent libres et égaux en dignité et en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité commune.
Troisième commandement : Tout individu a droit à la vie
Quatrième commandement : Nul ne sera tenu en esclavage ni en servitude; l'esclavage et la traite des esclaves sont interdits sous toutes leurs formes.


Dernière édition par Belgarel le Jeu 25 Nov 2010 15:01; édité 2 fois
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