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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:15   Sujet du message: Répondre en citant  
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Jérémie grimpa l'escalier menant au dortoir des garçons sans même regarder où il se rendait, sans se soucier du bruit que ses chaussures étaient susceptibles de soulever dans l'internat silencieux de Kadic, au risque d'éveiller un quelconque surveillant. Il s'en moquait. La seule chose qui importait pour lui désormais étaient les paroles d'Aelita qui s'obstinaient à résonner encore et encore dans sa tête, allant jusqu'à cogner douloureusement contre son crâne, menaçant de le transpercer à tout instant.

Il ne se souvenait plus de quelle façon il avait réussi à trouver la force de quitter l'immeuble de celle qui partagea ses jours et ses nuits pour rejoindre un bus de nuit et regagner Kadic. Plus il y pensait et plus le fait qu'il en ait trouvé la force lui paraissait inconcevable. Une quelconque force mystique avait du se rire de lui, le téléportant au plus loin de celle qu'il avait aimé, le poignardant un peu plus au cœur. Comment la douleur aurait-elle pu être si insupportable autrement ?

Les mots avaient été dits et Dieu seul savait à quel point il aurait payé cher pour que jamais ils ne sortent de la bouche d'Aelita. Elle ne l'aimait plus, c'était un fait qu'il devait désormais accepter comme une réalité, aussi douloureuse puisse-t-elle être. Avait-il le choix de toute manière ?

Son corps n'était plus qu'une coquille ville désormais, traînant son cœur en lambeaux jusqu'à sa chambre tel un automate. Il vit sa main se lever et abaisser la poignée sans y penser, la tête vide, ainsi que la porte pivoter sur ses gonds.

Ce ne fut qu'une fois pénétré à l'intérieur de son modeste dortoir que son esprit commença à émerger des brumes empoisonnées dans lesquelles il sombrait peu à peu depuis son départ de chez les Stones. Sa conscience meurtrie émergea suffisamment pour lui permettre de distinguer dans la pénombre la silhouette recroquevillée de Mathieu sur son lit, encore tout habillé.

Jérémie ne put retenir un rictus mauvais. Pendant quelques instants, il était allé jusqu'à oublier l'existence de son compagnon de chambre, pourtant responsable de bien de ses maux.

- Aelita m'a rejeté, j'espère que tu es satisfait !? ne put-il s'empêcher de lui lancer, porté par la colère irrationnelle qui ballottait son cœur désormais.

Il ne reçut pour toute réponse qu'un long silence. Silence qui acheva de le mettre hors de lui. Après tout, il avait trouvé le courage de venir voir celle qu'il aimait ce soir pour lui confesser les sentiments qu'il éprouvait encore, il pouvait bien aller plus loin en avouant à cet envahisseur à quel point il le détestait.

Hors de lui, incapable de se contrôler, Jérémie se jeta sur le lit et empoigna fermement Mathieu par le col, le forçant à se redresser, le visage déformé par la rage. Dans la précipitation, ses lunettes glissèrent de son nez, rebondissant sur le matelas.

- Ais au moins la décence de me répondre, espèce de salopard ! éructa-t-il, fou de rage, son visage à quelques centimètres seulement de celui de son rival, trop surpris pour réagir, tu as eu ce que tu voulais avec elle pas vrai !? Au fond de toi je suis sûr que ça te fait bien rire de me voir aussi pathétique face à elle ! Tu…

Mais la voix de Jérémie s'étrangla soudain dans sa gorge avant qu'il ne parvienne à continuer, stopper net. Là, à la lueur de la lune filtrant à travers les volets entrouverts, il venait de voir quelque chose scintiller sur la joue de Mathieu. Une larme… ?

- Tu… Tu pleures ?

Le jeune homme se dégagea prestement sans pour autant chercher à repousser son compagnon de chambre, se renfonçant dans un coin de mur, retenant à grands peines ses sanglots.

A tâtons, et trop décontenancé pour continuer à crier, Jérémie chercha ses lunettes jusqu'à les chausser de nouveau, interdit. Maintenant qu'il y voyait de nouveau clair, il pouvait voir distinctement les perles salées couler sans interruption des yeux noyés d'eaux de Mathieu, rougissant ses joues. Des larmes de peine, silencieuse et douloureuse… Des larmes qu'il n'avait que trop connues… Un chagrin d'amour.

Jérémie aurait voulu hurler, profiter de la situation pour enfoncer celui qu'il considérait comme son ennemi depuis son arrivée à Kadic plus bas que terre, prendre enfin l'ascendant sur lui. Au lieu de cela, il se laissa de nouveau tomber sur le matelas à côté de Mathieu, les jambes fauchées, toute trace de haine en lui comme envolée. Que se passait-il ? Pourquoi son compagnon de chambre était-il dans un tel état ? N'était-ce pas LUI le blessé dans l'affaire ?

- Qu'est-ce qui te prend tout à coup… ? s'étonna Jérémie d'un ton agacé mais étrangement calme, c'est moi qui vient de me prendre un râteau par Aelita, pas toi… Alors pourquoi est-ce que tu pleures ? Ça fait longtemps que tu es dans cet état ?

- Si tu savais comme je m'en fous de ton histoire avec Aelita en ce moment, cracha Mathieu entre deux sanglots, visiblement bouleversé, c'est le cadet de mes soucis en ce moment, crois-moi…

L'adolescent aux cheveux blonds fronça les sourcils, s'apprêtant à répliquer à cette agressivité nouvelle sur le même ton acerbe. Puis, brusquement, Jérémie se souvint qu'il n'était pas le seul à avoir perdu quelque chose ce soir… Sur Endo, Mathieu avait été à deux doigts de retrouver son ami enlevé, Angel, pour se voir finalement incapable de l'aider et devoir fuir comme un lâche. Si lui se sentait mal, par rapport à la confirmation de l'absence de sentiments d'Aelita envers lui, Mathieu devait être en proie à un véritable brasier intérieur, le consumant à petit feu…

Même si le sort du jeune homme lui avait été égal jusqu'à présent, Jérémie se surprit à ressentir de la pitié pour ce garçon qu'il connaissait à peine finalement. Si la perte d'un ami le bouleversait à ce point et même si cela le faisait bouillir et enrager en son for intérieur, alors il ne pouvait pas être aussi mauvais qu'il se forçait à le croire depuis des mois.

- C'est à cause d'Angel, c'est ça ? s'enquit-il en tachant de ne pas s'attirer de nouvelles insultes. Il était trop fatigué et avait trop mal au crâne ce soir pour se battre avec Mathieu de toute manière…

Lentement, l'adolescent aux cheveux auburn hocha la tête en signe d'acquisition, les yeux luisant de colère et de honte derrière leurs larmes. Il détestait se faire surprendre en une telle situation d'impuissance face à Jérémie, qu'il ne portait guère dans son cœur. Cependant, pour cette nuit, ses sentiments étaient plus forts que ses résolutions.

Son compagnon de chambre ne put retenir un sifflement désapprobateur.

- Tss, ressaisis-toi ! grinça-t-il entre ses dents, agacé par les pleurs de Mathieu qui faisaient fondre ses défenses les unes après les autres, un homme ne pleure pas comme ça pour un ami… Tu as pu le voir ce soir ! C'est déjà une victoire en soit… Tu devrais t'en contenter.

- Tu ne comprends rien à rien décidément… marmonna son vis-à-vis, ravalant ses larmes amères.

Jérémie fronça les sourcils. C'en était trop. Comment ce nouveau venu dans la bande, ce type qui ne connaissait rien à leur histoire et qui avait mis Aelita, Odd et Ulrich en danger par son attitude égoïste pas plus tard que quelques heures plus tôt osait-il lui dire une telle chose ? C'était plus qu'il ne pouvait supporter.

- Dans ce cas explique-moi ! répliqua l'adolescent avec colère, se redressant d'un bond, il y en a marre de tes cachotteries et de tes mystères ! Dis-moi clairement pourquoi est-ce que le sort de cet Angel t'importe tellement ? Qu'est-ce qu'il représente pour toi pour que tu te mettes à chialer comme ça pour lui toute la nuit !? Qu'est-ce qu'il représente, pour te donner la peine de mettre en danger absolument tout le monde dans cette mission !? Dis-le moi !

Mathieu releva la tête vers Jérémie, un air de défis dans le regard qui surpris le jeune homme. Maintes fois il avait eu l'occasion de lui révéler la vérité et à chaque fois il s'en était gardé, jugeant que son compagnon de chambre serait incapable de le comprendre, quoi qu'il arrive, et que ce choix ne lui apporterait que des ennuis supplémentaires. Cependant, ce soir, après tout ce qu'il avait traversé sur Endo, jouer la comédie une fois de plus lui paraissait insurmontable. Il était temps que les masques tombent une bonne fois pour toute, il n'avait pas la force de le maintenir en place plus longtemps.

- Je l'aime, cracha-t-il simplement au visage de Jérémie, livide, je suis fou de lui au point de vouloir donner ma vie pour le sauver. Pour moi, rien d'autre au monde n'importe que lui, au même titre que pour toi Aelita représente tout. Tu saisis maintenant ?

Jérémie amorça un mouvement de recul, choqué par les révélations de l'adolescent. Son cerveau avait beau être rapide en temps normal, trop de chose s'embrouillaient dans sa tête pour qu'il parvienne à analyser les paroles de son compagnon de chambre.

- Tu… Quoi ? bégaya-t-il, tentant de retrouver tes esprits… Tu l'aimes mais… Tu es gay !?

Gravement, Mathieu hocha la tête en signe d'approbation une nouvelle fois, déglutissant au passage. Il en avait trop dit mais, au lieu d'éprouver la moindre forme de regret, il se sentait soulager d'un poids. Désormais, tout le monde dans son entourage proche était au courant de son plus lourd secret, qu'ils l'acceptent ou pas. C'était un formidable bond en avant pour lui…

Dans la tête de Jérémie, les idées se remettaient peu à peu en place, les paroles de Mathieu s’emboîtant dans les cases vides de son esprit comme autant de pièces de puzzle. Tout s'expliquait désormais… Les mails retrouvés sur son PC, la raison pour laquelle Aelita avait refusé de lui confier son secret sans en être alarmée pour autant, cette obsession pour Angel… Tout, absolument tout. Comment avait-il fait pour être aveugle à ce point ?

Un rire nerveux s'échappa soudain de sa gorge, faisant légèrement tressauter Mathieu.

- Quel con… murmura simplement Jérémie en se massant le front, épuisé, mais quel con… Tu ne pouvais pas me l'avouer plus tôt, imbécile ? Aelita est au courant je suppose…

- Tout le monde est au courant, répliqua le jeune homme d'un ton acerbe.

Jérémie ferma les yeux, nauséeux. Il se sentait ridicule de ne pas avoir compris plus tôt… Son attitude avait du paraître tellement absurde à ses amis ! Comment avait-il pu se montrer aussi stupide ?

Pire encore, maintenant qu'il savait avec certitude que Mathieu ne convoitait pas Aelita, il réalisait peu à peu qu'il n'avait absolument aucune raison de le détester, pas plus que de se montrer désagréable avec lui… Comment avait-il pu laisser ses sentiments l'emporter à ce point ? Il était inexcusable…

- Ça explique pourquoi tu as littéralement pété les plombs sur Endo, fit-il remarquer, trop honteux pour présenter des excuses, ses joues en feu heureusement masquées par la pénombre, si ça avait été Ael… La personne que j'aime qui était prisonnière de la Green Phoenix, j'aurai moi aussi tout fait pour la sauver…

- Non, ça n'excuse rien, répliqua Mathieu, amer, j'ai mis en danger tout le monde, comme tu l'as si bien fait remarquer… J'ai disjoncté…

Jérémie se tut, incapable de trouver quoi répliquer. Il n'avait jamais été très bon pour les phrases de réconfort… Brusquement, à la lueur du clair de lune, le visage de celui qu'il avait considéré comme un rival lui rappelait une toute autre figure : celle d'un petit garçon blond aux épaisses lunettes qu'il avait bien connu, effrayé et perdu face à ce qui l'entourait. Qu'était-il devenu… ?

- Je pensais être prêt à tout sacrifier jusqu'à il y a peu pour celui que j'aime, poursuivit le jeune homme aux cheveux auburn, dégoûté de lui-même, la tête entre les mains, mais ça, c'était avant d'arriver à Kadic… Avant de vous rencontrer, Aelita, Odd et toi… Avant de réaliser que des personnes comme Stéphanie tenaient à moi. Je pensais n'avoir aucune attache mais j'ai fini par réaliser que j'avais tord. Alors du coup je ne sais plus où j'en suis… Je ne sais plus ce que je dois faire… Poursuivre mon but sans me soucier des autres ou... ? Je ne sais plus…

Les paroles s'embrouillaient en sortant de sa bouche. Il était réellement perturbé en son for intérieur, incapable de faire la part des choses à la suite des derniers événements survenus sur Endo. Il se moquait désormais d'avouer ce qu'il ressentait réellement à Jérémie. La seule chose qui lui déchirait l'esprit était ce choix impossible auquel il avait maintenant conscience d'être confronté : celui qu'il devait faire entre son ami et la personne qu'il aimait de tout son être. Qui devait-il rejoindre et qui devait-il protéger ? Il n'était plus sûr de rien…

Un sifflement dédaigneux de Jérémie lui fit relever les yeux, embués de larmes. Ce dernier se massait le crâne, un air désespéré sur le visage.

- Je ne sais pas ce qui t'es passé par la tête depuis notre retour sur Terre mais il faut que tu te calmes. Certes, tu as agis de manière stupide aujourd'hui sur Endo à foncer tête baissée, mais on l'a tous fait. Aelita, Odd, et même moi. Personne ne va te haïr pour ce que tu as fait.

Mathieu tourna la tête, peu convaincu, bien que surpris par les paroles du jeune homme. Auparavant, jamais il n'aurait tenté de le réconforter d'une quelconque façon que ce fut !

Agacé par l'attitude de son compagnon de chambre, Jérémie se rassit à ses côtés, lui empoignant fermement l'épaule, afin de le forcer à planter son regard dans le sien, confrontant le bleu marine de ses yeux à l'azur de ceux de l'adolescent éperdu.

- Pour en revenir au sujet principal, reprit-il, ferme, je ne vois pas en quoi ta mission de sauver l'homme que tu aimes entre en contradiction avec le fait d'accepter notre amitié à tous. Que je sache, notre but est le même : sauver un innocent et empêcher ses tortionnaires de faire plus de mal. Alors pourquoi devrais-tu tout supporter seul ? Je suis sûr que Odd, Stéphanie et les autres ont déjà du te le dire des centaines de fois en plus alors ne me force pas à le répéter ! Dans cette galère on a la chance d'être tous ensembles, même si tout ne se passe pas toujours comme prévu, tu saisis ?

Incrédule, Mathieu ne put qu'approuver d'un léger mouvement de tête. Il y avait définitivement quelque chose d'étrange dans l'attitude de Jérémie : pourquoi cherchait-il à le réconforter alors qu'il ne souhaiter qu'en découdre avec lui à peine quelques secondes plus tôt ? Toujours était-il que ses paroles, bien que brusques, avaient eu un effet positif sur son cœur, qui s'en était retrouvé comme légèrement allégé.

Désormais, il n'éprouvait plus qu'une désagréable sensation de honte au creux de son estomac, le rendant nauséeux. Quoi que puisse en dire Jérémie et les autres, il se sentait coupable de son attitude sur Endo et entendait bien se rattraper, d'une manière ou d'une autre.

- Pourquoi ? murmura-t-il, s'attirant un haussement de sourcil curieux de la part de son compagnon de chambre, pourquoi est-ce que tu te soucies à ce point de ce que je ressens tout à coup ? Qu'est-ce qui a changé ?

Jérémie inspira profondément, lâchant son vis-à-vis, perdant son regard à travers les volets entrouverts de la pièce, songeur.

- Parce que je sais ce que ça fait de se sentir seul et différent, répondit-il finalement après plusieurs minutes de lutte intérieure contre sa fierté, bien sûr, je n'ai jamais eu à subir l'homophobie, comme toi, ou ce genre de chose… Mais j'étais rejeté à l'époque du collège… J'étais juste considéré comme un geek-intello un peu bizarre avec qui cela faisait mauvais genre de traîner, et ça a duré jusqu'à ma rencontre avec les autres, ce fameux jour où j'ai rallumé le Supercalculateur. Je n'avais pas d'amis non plus à l'époque, juste une féroce obsession : celle de libérer cette fille dans l'ordinateur que je venais tout juste de rencontrer et de qui je venais de tomber désespérément amoureux. Pour moi, Ulrich, Odd et Yumi n'étaient que des pions, en quelque sorte, des moyens d'arriver à ce but ultime qui donnait enfin un sens à ma vie. Mais avec le temps, j'ai fini par réaliser qu'ils représentaient beaucoup plus et que les perdre me serait insupportable, un peu comme toi au final.

Mathieu resta interdit face au discours de Jérémie, qu'il découvrait désormais sous un jour nouveau. Certes, le jeune homme n'avait jamais eu à subir une haine aussi puissante que celle de ses anciens camarades de lycée ou celle de ses parents, mais, pourtant, sur son visage, il était capable de lire les mêmes traces de solitude qui l'avait hantée pendant des mois.

Un petit rire nerveux lui échappa, lui attirant le regard courroucé de son interlocuteur.

- Excuse-moi, lâcha-t-il en se reprenant, c'est juste que… Je me rends compte qu'on se ressemble peut-être plus que je ne le croyais à l'origine.

- J'en suis le premier surpris, crois-le bien, grimaça Jérémie avec, cependant et pour la première fois, une once d'amusement dans le regard, quoi qu'il en soit à l'avenir essaye de ne plus faire de conneries comme aujourd'hui et réfléchis un peu plus avant d'agir. On finira par le secourir ton Angel, je te le promets. Tache juste de nous faire confiance.

Mathieu laissa échapper un sourire reconnaissant, mêlé de culpabilité, dans le noir. Jérémie avait raison sur un point : il n'était plus seul. Il lui fallait accepter de se reposer sur les autres désormais et patienter… Angel était à portée de doigt désormais mais, au final, il avait gagné beaucoup plus que ce qu'il avait pu espérer à l'origine en se lançant dans cette aventure. N'était-ce pas là le plus important ?

Au dessus de Kadic, la nuit s'achevait lentement, l'horizon se nimbant de bleu clair annonçant l'aube. Un nouveau jour se levait, porteur d'espoir pour les Lyokô-guerriers : il était temps de faire un pas en avant et de se battre de plus belle. La riposte contre la Green Phoenix et tout ce qu'elle leur avait fait subir s'apprêtait à débuter.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:16   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 38 :

Épisode 137 : Réalité_



Un tremblement sourd ébranla le sol de Lyokô, se répercutant jusqu'au ciel. Mathieu cligna des yeux, hébété. Il ne savait pas comment il était arrivé en ce lieu, pas plus que la raison pour laquelle il s'y trouvait. Une seule certitude occupait son esprit cependant : il devait se battre. Se battre et protéger le monde virtuel coûte que coûte. Telle était son devoir et la volonté qui faisait battre son cœur virtuel.

Une main se referma sur la sienne, le faisant légèrement tressauter. Lentement, il releva sa tête coiffée de ses sempiternels oreilles de lapins jusqu'à croiser le regard d'or liquide d'Angel à ses côtés. Le jeune homme lui sourit, rassurant. Tout allait bien se passer.

Sans comprendre pourquoi, sans parvenir à se contrôler, Mathieu lui rendit son sourire avant de se retourner vers le ciel du territoire de nouveau, une sourde appréhension lui serrant la gorge. Tout allait se jouer dans un instant, ce n'était plus qu'une question de fraction de seconde…

Puis, subitement, le ciel se déchira et Lyokô sombra dans le chaos…



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Un sac s'écrasa sur le bureau juste à côté de Mathieu, l'éveillant en sursaut. Les yeux encore embrumés de sommeil, il dut cligner plusieurs fois des paupières avant de parvenir à reconnaître Jérémie qui le fixait de toute sa hauteur, un air dédaigneux sur le visage.

- Debout là-dedans ! grommela-t-il en se glissant sur la chaise à côté de lui, tu as eu toute la nuit pour dormir !

Il fallut quelques secondes supplémentaires à l'adolescent avant qu'il n'identifie la pièce claire et les paillasses sur lesquelles lui, ainsi que les autres élèves de Première Scientifique de Kadic, étaient attablés. La Salle de Sciences… Il était en cours de SVT !

- Désolé, marmonna-t-il en luttant vainement contre le sommeil, étouffant un bâillement, mais la nuit a été courte pour nous deux et avec la journée qu'on a passé hier je dois bien admettre que je suis épuisé !

Jérémie eut un haussement de sourcil hautain. Lui-même ne s'était jamais plein des nuits blanches qu'il avait enduré au collège, à l'époque de sa lutte contre XANA. Mathieu était décidément de faible constitution… Malgré leur paix tacite récente, il ne pouvait s'empêcher de le trouver affreusement horripilant par moment !

- Tu finiras par t'y faire, se força-t-il néanmoins à lui dire tout en sortant trieur et trousse de sa sacoche en cuir.

L'heure du début du cours n'était pas encore tout à fait arrivée et la plupart des élèves étaient encore éparpillés dans la classe, bavardant gaiement entre eux, discutant de leur week-end banal et sans intérêt. Attablée à son bureau, Madame Collins, déjà prête, faisait silencieusement le décompte des élèves présents, un stylo à la main. Comme tous les lundis matin, l'ambiance était plus à la détente qu'autre chose.

La porte de la salle coulissa une nouvelle fois, n'attirant que quelques brefs regards peu intéressés, et Aelita entra, son sac sur l'épaule, un air triste sur le visage.

Celui-ci se teinta de surprise qui se changea rapidement en soupçon lorsqu'elle aperçut Jérémie positionné à côté de Mathieu, place qu'elle avait l'habitude d'occuper depuis le départ de Kadic du jeune homme.

- Euh, vous allez bien ? ne put-elle s'empêcher de questionner, surprise par une telle proximité.

- Oui oui, répondirent les deux compagnons de chambre dans un bel ensemble, ajoutant à sa surprise, pourquoi ?

Sentant poindre un nouveau mal de crâne, Aelita choisit de ne pas se formaliser du comportement pour le moins inhabituel de son ex, préférant embrayer directement sur un sujet plus important.

- Ma mère voudrait qu'on fasse un point sur ce qu'on a appris sur Endo lors de notre précédente mission, murmura-t-elle le plus discrètement possible en se penchant sur leur bureau, rendez-vous ce soir après les cours au Kiwi Bleu ! Je peux compter sur vous ?

- On ne va pas à l'usine ? s'étonna Mathieu, s'attirant un hochement de tête négatif de la part de l'adolescente aux cheveux roses.

- Ma mère travaille ce soir, expliqua-t-elle, elle préfère profiter de sa pause pour notre réunion… A tout à l'heure !

Et, sans un mot de plus et en prenant bien soin d'éviter de croiser les yeux de Jérémie, elle se dirigea au fond de la salle jusqu'à une paillasse libre afin de s'y laisser tomber, s'éclipsant à la vue des deux jeunes hommes.

Malgré lui, Mathieu ne put s'empêcher de remarquer le regard douloureux de son voisin de table alors qu'Aelita s'éloignait, incapable de se détacher d'elle. Un brusque sentiment de culpabilité l'envahit. La veille, Jérémie avait pris la peine d'écouter ses doutes et de le réconforter tandis que lui avait ignoré avec superbe sa dispute avec son ex-petite-amie. Peut-être le jeune homme aux lunettes n'était pas le plus égoïste des deux en fin de compte ? Que restait-il de leur différent une fois la vérité sur leurs sentiments respectifs dévoilée au grand jour ? Peut-être était-il temps de faire preuve d'un peu de bon cœur et de bonne volonté envers son compagnon de chambre…

- Ne te fais pas trop de soucis pour Aelita, murmura-t-il à l'adresse de son voisin, baissant d'un ton alors que, sous l'injonction du professeur Collins, la classe commençait peu à peu à s'ébranler en vue du début du cours, elle se montre peut-être distante en ce moment mais je suis persuadé que c'est simplement parce qu'elle a trop à porter sur les épaules, avec toutes ces histoires concernant la Green Phoenix et tout ça… Je ne pense pas qu'elle t'ait oublié si facilement, attends de voir comment les choses évoluent une fois toute cette aventure terminée !

Jérémie resta silencieux, les yeux rivés en direction du tableau et, pendant un instant, Mathieu eut peur d'avoir outrepassé ses droits en donnant ainsi son avis sur les deux jeunes gens et leur relation. L'adolescent blond finit cependant par se dérider, esquissant un mouvement des lèvres à peine perceptible, histoire d'échapper à la vue perçante de l'enseignante, pour lui répondre :

- Ne le prends pas mal, fit-il tout bas sur un ton acerbe, plus douloureux qu'empli de reproches, mais je pense que tu n'as pas toutes les cartes en main pour juger de la situation… Aelita est une fille plus forte que tu le crois, elle sait ce qu'elle veut. Si elle avait voulu qu'on se remette ensemble, elle l'aurait dit au lieu de me repousser. Je la connais depuis des années et c'est une personne sincère, autant envers elle qu'envers les autres… C'est gentil de te soucier de moi mais crois-moi, c'est peine perdue.

Mathieu, malgré le fait que Jérémie ait buté sur le mot « gentil », se sentit flatté du compliment. Un début d'amitié semblait naître entre eux à chaque nouvelle parole et il était agréable de sentir la tension régnant entre eux depuis le premier jour de leur rencontre s'atténuer au fil du temps.

Une vague d'hésitation submergea le jeune homme. Brusquement, il eut envie de réconforter Jérémie, en dépit de tout ce qui s'était passé entre eux jusqu'à présent.

- Elle a conservé votre photo, lâcha-t-il avec un léger sourire, celle du photomaton que tu avais jetée avant de quitter Kadic… Je l'ai récupérée et je lui ai donnée et, à voir sa réaction, je pense que ses sentiments ne sont pas aussi morts que tu veux bien le croire. A toi de saisir ta chance à présent !

Du coin de l'œil, Mathieu crut voir Jérémie se raidir, mais une imperceptible lueur d'espoir semblait avoir ravivé brusquement la glace bleue marine de ses yeux.

Heureux d'avoir réussi à dérider son compagnon de chambre, Mathieu mit un moment avant de remarquer que le professeur Collins le hélait déjà depuis un instant. Il fallut que son voisin de derrière lui administre une tape sur l'épaule pour qu'enfin il réagisse, faisant volte-face d'un air penaud en direction de l'enseignante qui avait quitté son bureau, le fixant d'un air désespéré.

- Je disais donc, reprit-elle visiblement pour la énième fois, sans se formaliser du manque d'attention de son élève, que j'ai reçu les papiers nécessaires à ta dispense pour l'épreuve du bac anticipée que sont les TPE, il faudrait que tu me signes ça dans la journée que je puisse le renvoyer à l'administration s'il-te-plaît.

- Quoi… ? bredouilla Mathieu, un peu perdu, en saisissant maladroitement le carré de papier frappé du sceau officiel de l'établissement que lui tendait la professeure

- Ta dispense, répéta Sandra Collins, résignée à faire preuve de patience, puisque tu as été transféré en cours d'année et compte-tenu des circonstances il n'y a pas eu trop de difficulté pour l'obtenir.

Se désintéressant de Mathieu qui redescendait doucement sur Terre, l'enseignante se retourna vers le reste de la classe, haussant légèrement le ton afin de bien se faire entendre.

- Pour les autres, vos convocations sont également arrivées, je vais les faire distribuer ! Vous y trouverez votre horaire et votre journée de passage. N'oubliez pas de vous en munir le jour J avec une pièce d'identité ! J'espère que vous êtes tous à jour sur vos projets…

Très vite, les feuilles de papier se mirent à circuler dans les rangs. Jérémie saisit la sienne au vol, contemplant les lignes photocopiées inscrites à sa surface d'un regard stupéfait. Un bref coup d'œil à Aelita, au fond de la salle, suffit à lui confirmer que la jeune fille était aussi décontenancée que lui. Avec toutes ces histoires de Green Phoenix comme du Supercalculateur, ni elle ni lui n'avaient pris le temps de se soucier de leur TPE. L'arrivée de leur convocation venait des les rappeler à la réalité avec la force d'un boulet de canon.

Qu'ils luttent pour le bien de ce monde ou pas, la vie continuait à s'écouler autours d'eux sans qu'ils y prêtent attention et, contre toute attente, leur première épreuve du bac approchait à grands pas ! Depuis le début de leur aventure, c'était la première fois que les deux jeunes gens percevaient avec tant de puissance à quel point ils avaient fini par se couper de leur vie d'adolescents normaux. Sans doute avaient-ils fini par se dire que leur combat acharné pour défendre l'humanité leur avait attribué certains privilèges – il n'en était rien et Sandra Collins, sous ses airs monotones, venait de le leur rappeler d'une bien cruelle façon.

Mathieu paraissait aussi déconcerté que son voisin, fixant bêtement sa dispense d'un regard creux. Après tous les événements qui s'étaient enchaînés dans sa vie au cours des derniers mois, la perspective de passer le bac lui paraissait d'une absurdité sans nom. Alarmé, il se rendit brusquement compte que sa quête pour retrouver Angel avait fini par lui faire perdre toute notion du temps et des études, qui ne s'étaient jusque-là qu'ajoutées en toile de fond de ses incroyables aventures virtuelles. Cependant, cette facette de sa vie était aussi réelle, sinon plus, que celle de Lyokô et de l'usine sur le lac. Tenir cette dispense entre ses mains semblait l'éveiller brusquement d'un long rêve dans lequel il aurait été plongé pour un temps infini. Pour la première fois depuis des semaines, Mathieu se surprit à prendre pleinement conscience de la salle de classe et de la présence de ses camarades.

Aelita, assise au dernier rang, gardaient les doigts crispés autour de la feuille, la froissant légèrement, sous l'effet de l'appréhension. Outre la gifle magistrale qu'elle venait de se recevoir en pleine figure, lui rappelant brusquement qu'elle n'allait pas tarder à devoir faire un choix entre ses études et sa vie de Lyokô-guerrière, un détail s'était imposé à son esprit. Un détail qui, malgré son apparente frivolité, lui paraissait plus insurmontables encore que le fait de concilier sa vie de lycéenne et celle de combattante virtuelle d'une autre époque. Elle et Jérémie étaient supposés faire équipe pour ce TPE. Par quel miracle allaient-ils réussir à s'entendre d'ici au jour de l'épreuve ?


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La machine à café se mit en marche avec son habituel vacarme vrombissant la faisant ressembler à un quelconque monstre mécanique et, après un bref sursaut, le liquide chaud et tiède s'écoula du filtre directement dans le gobelet de plastique, répandant sa vapeur au sein du minuscule bâtiment de pierre perdu au milieu de Kadic.

Ulrich fronça le nez en prenant son café du bout des doigts. L'odeur qui s'en dégageait n'était guère convaincante… Peut-être avait-il était naïf de croire qu'après tant d'années le fameux distributeur de boissons du lycée, réputé pour sa vétusté, parviendrait à lui fournir cette fois-ci et de façon exceptionnelle un café décent ?

Dubitatif, il trempa ses lèvres dans le liquide brun et mousseux avant de réprimer une grimace et de lancer le gobelet d'un geste expert au sein de la poubelle toute proche, sans même prendre le temps d'avaler la moindre gorgée. Mieux valait revenir aux valeurs sûres pour aujourd'hui…

Alors qu'il appuyait sur le bouton de son habituel Schweppes saveur orange, Odd et Eva se glissèrent derrière lui, sortant tout droit de leur cours de langue. Le jeune homme au béret, l'air passablement abattu, vint directement s’asseoir contre le muret, enfouissant ses bras dans ses mains d'un geste désespéré, son sac jeté au sol. Sa petite-amie, dont il venait de lâcher la main, leva les yeux au ciel.

- Qu'est-ce qu'il a ? s'enquit Ulrich d'un ton vaguement intéressé, scrutant son ami avec perplexité.

- On vient de recevoir nos convocations pour les TPE, expliqua Eva d'un air détaché, du coup ça l'a légèrement… Perturbé !

- Trois semaines… ! gémit l'intéressé en redressant brusquement la tête, désespéré, seulement trois semaines avant notre passage et on est à peine à la moitié du dossier ! Ça m'était complètement sorti de la tête ! On est fichus…

Eva, qui avait visiblement passé les deux heures de la matinée à tenter de remotiver son petit ami, baissa les bras d'un air agacé, dérobant d'un geste leste la canette de soda d'Ulrich pour en avaler une longue rasade, sous son regard réprobateur.

Le jeune homme aux sourcils broussailleux se renfrogna néanmoins, habitué à l'attitude sans gêne de l'américaine, se plongeant dans ses pensées. Les TPE, hein… ? Leur première véritable épreuve du Baccalauréat. Il devait bien reconnaître que, à l'instar de son compagnon de chambre, il n'avait guère eu l'occasion de songer aux examens au cours des derniers mois. Le divorce de ses parents, ainsi que le rallumage du Supercalculateur avaient eu tôt fait d'éclipser de son esprit tout autre forme de problème et les études avait été rapidement reléguées au second plan.

Un air songeur barra le visage de l'adolescent tandis que celui-ci récupérait froidement sa canette des mains d'Eva, la sirotant sans même y prendre gare. Il fallait bien reconnaître que, depuis toujours, les notes n'avaient jamais été au cœur de ses pensées. Maintenant cependant, alors que la conclusion de sa scolarité approchait à grand pas, l'avenir semblait s'imposer à lui d'une toute autre manière. Qu'allait-il bien pouvoir faire une fois le lycée fini ? Son père avait toujours nourri l'espoir de le voir poursuivre de grandes études, en dépit de ses faibles résultats scolaires, mais lui-même ne s'était jamais senti attiré par la gloire et la renommée. Encore fallait-il déjà qu'il parvienne à avoir son bac ! Avec le divorce de ses parents, il y avait fort à parier que ses géniteurs se désintéresseraient rapidement de son avenir s'il faisait face à un nouvel échec scolaire. Que lui resterait-il alors à faire ?

Et puis, soudain, cela le frappa avec une rare intensité, lui coupant le souffle. Il ne souhaitait plus poursuivre ses études, ne serait-ce que pour s'opposer à la folie des grandeurs de son père. Jamais l'envie de fuir l'environnement étouffant du lycée ne lui avait paru si grande. Avec la séparation de ses parents, il pourrait sans nul doute exiger son émancipation et trouver du travail. En réalité, s'il ne s'était pas senti à ce point pieds et poings liés face à son devoir envers le Supercalculateur et la Green Phoenix, il aurait certainement déjà quitté l'établissement depuis bien longtemps…

Plus en proie à ses doutes que jamais, Ulrich attarda son regard sur le petit couple de ES, Eva observant la cours bruissant des clameurs des étudiants d'un regard désintéressé et Odd se lamentant au sol, la tête de nouveau plongée entre ses bras. Presque aussitôt, sa belle motivation fondit comme neige au soleil. Il ne pouvait pas partir tout de suite. Cela serait revenu à trahir ses amis une nouvelle fois et, cela, il ne pouvait s'y résoudre.

Odd, de son côté, était trop occupé à repenser avec angoisse à la date buttoir des TPE pour prêter attention aux interrogations de son ami aux cheveux bruns. Gémissant, il sentit soudain le papier d'un journal franchement imprimé tomber sur sa tête recroquevillée dans ses épaules, faisant glisser son béret au sol.

Curieux, il leva les yeux en direction de son agresseur : une jeune fille aux cheveux d'un rouge prononcé noués en deux petites couettes sur les côtés. Elle lui adressa un grand sourire de toute sa hauteur.

- Au lieu de geindre, lit plutôt ça, lâcha Milly de son habituel ton enjoué, c'est la dernière édition des Echos de Kadic, tout droit sortie de l'imprimerie ! Profite !

Odd soupira avant d'ôter le papier glacé de sa tête d'un geste morne, le feuilletant sans grande conviction, disparaissant derrière. La collégienne, surprise par le manque de réactivité du jeune homme, pourtant un de leurs fidèles lecteurs d'habitude, interrogea Ulrich du regard.

- Qu'est-ce qui lui arrive ? s'enquit-elle, le ton passionné de la journaliste en herbe pointant derrière ses accents faussement inquiets.

Le jeune homme eut un sourire. Il aurait fallu ne pas connaître Milly pour comprendre qu'elle avait flairé le scoop. Il eut tôt fait de réduire ses espoirs à néant.

- Disons juste que les études viennent de se rappeler à Odd d'une bien cruelle façon, ironisa-t-il, taquinant l'adolescent qui lui lança un regard courroucé par-dessus son journal.

Brusquement, ce dernier se figea, les yeux rivés sur un article en particulier. Se redressant en toute hâte, il se jeta vers la collégienne, la faisant sursauter.

- Milly ? C'est vrai ce qui est indiqué dans ce passage !? s'enquit-il d'un air effaré.

Eva le fixa avec curiosité tandis que la journaliste en herbe parcourait rapidement son propre article, louchant dessus à cause de la proximité.

- Ah ! Le départ du proviseur, sourit-elle en s'éloignant d'un pas, oui c'est la vérité ! Tamiya avait ses sources… Selon elle, il quittera Kadic d'ici la fin de l'année pour commencer une nouvelle vie avec son amante -vous savez, la nouvelle prof là. Et, apparemment, Sissi le suivra dans le déménagement.

Ulrich sentit son cœur louper un battement. Avant même que son cerveau se soit remis en marche, il avait arraché le journal des mains d'Odd, le déchirant à moitié tandis que l'adolescent lâchait un petit cri courroucé.

L'article était bref, annonçant que le proviseur, Jean-Pierre Delmas, avait finalement pris la décision de passer la main, n'assurant sa fonction que jusqu'à la fin de l'année scolaire. Il n'était fait mention de sa petite-amie qu'en dernière ligne, où il était confirmé que toute la famille Delmas aurait quitté l'établissement d'ici l'été.

Au fond de lui, Ulrich eut l'impression qu'on venait de verser une tonne de plomb. Il se sentait subitement comme étourdi, perdu. Tout n'était plus que taches floues et sons informes autour de lui tandis qu'une seule et unique pensée s'imposait peu à peu à son esprit avec plus d'intensité que jamais… Sissi allait partir !

- Ça va faire bizarre sans Delmas et sa fille l'année prochaine, hein ? fit mollement remarquer Milly tandis que le carré de papier lui glissait des mains, tombant au sol avec un bruit de froissement sourd, à votre avis qui va la remplacer, Madame Meyer ?

- Tant que ce n'est pas Chardin, ironisa Odd d'un geste vague avant de soudain froncer les sourcils face à l'air blême de son compagnon de chambre, Ulrich tu te sens bien ?

Ce dernier ne répondit pas. D'un pas peu assuré, il se précipita tout à coup dans la cour, écartant Milly et Eva d'un geste brusque au passage. Ignorant les appels de ses amis, il se mit à courir, le cœur battant à tout rompre dans sa poitrine, son regard fouillant l'établissement dans les moindres recoins avec panique, à la recherche de la jeune fille au carré plongeant qui représentait son univers tout entier Il fallait qu'il en ait le cœur net !

Cela faisait un temps fou que sa petite amie et lui n'avaient plus passé de temps l'un avec l'autre, il ne pouvait le nier, Sissi le fuyant comme la peste depuis sa lecture de la lettre de Soprano, dont il ignorait toujours tout, éludant ses questions volontairement et se montrant distante. Pourtant, jamais il n'aurait pu croire qu'elle lui dissimulerait quelque chose d'aussi important que son départ de Kadic ! Cette pensée lui paraissait inacceptable, peu importait la façon dont il la retournait dans sa tête. Sissi avait toujours fait partie de sa vie, que ce soit en bien ou en mal, tantôt insupportable harceleuse pimbêche, tantôt adorable petite-amie partageait tous ses moments difficiles. Imaginer sa vie sans elle lui était soudain inconcevable, tout simplement. Comme si l'univers tout entier risquait de s'écrouler sans Sissi.

En proie à la plus grande confusion, il pressa le pas, alors qu'un vent glacé lui cisaillait les os de l'extérieur, comme pour se moquer de son humeur.


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Sissi déambulait sous les arcades, rigolant béatement avec son groupe d'amis, lorsque la voix d'Ulrich l’interpella soudain derrière elle, lui glaçant le sang. D'une voix légèrement tremblante, elle recommanda à ses compagnons de partir devant sans l'attendre et resta sur place, incapable de se retourner, comme paralysée.

Elle sentait le souffle de son petit ami dans son cou tant il était proche désormais. Le léger essoufflement qu'elle percevait dans sa nuque lui indiquait qu'il avait couru pour la rattraper. Le doute n'était pas permis, il savait.

La jeune fille au carré plongeant poussa un profond soupir. Elle s'était préparée à cette confrontation qui aurait bien du survenir dans sa vie tôt ou tard. Pourtant, et malgré sa résolution, elle sentit son cœur se serrer dans sa poitrine à l'idée de ce qu'elle s'apprêtait à dire à son petit-ami. Mais sa décision était prise depuis des jours désormais, et il était trop tard pour reculer. Elle devait faire face, avec le courage dont elle seule savait faire preuve par moment. Celui qui lui permettait de soulever des montagnes lorsque sa superficialité apparente venait à se fissurer.

- Sissi… Je sais tout, lâcha le jeune homme d'un ton mêlant tristesse et effarement.

Inspirant une grande bouffée d'oxygène, la jeune fille se retourna finalement en direction de son petit ami. Elle fut surprise de se retrouver à seulement quelques centimètres de lui, incapable de détourner son regard de ses orbes bruns dans lesquelles elle pouvait lire tout le désespoir du monde. Une boule se forgea dans sa gorge, l'empêchant de parler. Sa résolution vacilla. Pourquoi fallait-il qu'elle prenne une décision aussi dure ?

- Que… Qu'est-ce que tu sais ? questionna-t-elle dans une vaine tentative d'innocence, dans le but de gagner du temps.

Ulrich parut soudain furieux, ses sourcils s'arquant dans une expression colérique qu'elle connaissait bien. Ce regard qu'il lui lançait en cet instant présent, c'était celui qu'il lui avait adressé pendant des années au collège, lorsqu'il rejetait ses avances. Le regard qui l'avait mystérieusement poussée à tomber plus amoureuse encore et à s'accrocher pendant tant d'années. Brusquement, elle eut envie de fuir, mais ses jambes tremblaient trop pour le lui permettre.

- Tu sais très bien de quoi je veux parler, s'écria-t-il avec colère, ton départ du collège avec ton père ! Quand est-ce que tu comptais m'en parler ? Tu voulais vraiment que je l'apprenne de quelqu'un d'autre, c'est ça ?

Sissi vacilla, ébranlée. Ulrich avait l'air plus blessé que jamais par cette trahison et elle-même ne pouvait se pardonner d'avoir tant hésité avant de lui parler de ce choix difficile. Mais il était trop tard désormais, le mal était fait et elle ne pourrait plus jamais l'effacer. Il lui fallait agir maintenant et assumer ses actes, même si cela devait leur faire du mal à tous les deux.

- Je suis désolée Ulrich, murmura-t-elle, éprouvée, je ne pouvais pas me résoudre à t'annoncer ça… J'avais peur de ta réaction.

La peine que l'ont pouvait discerner dans la voix de l'adolescente suffit à calmer quelque peu les nerfs de son petit ami.

- Tu ne peux vraiment rien y changer… ? demanda-t-il avec espoir, saisissant sa main qu'il sentit tressauter entre ses doigts, tu pourrais… Tu pourrais rester à l'internat ! Ton père n'y verrait pas d'inconvénient je suis sûr !

- Non, Ulrich je… Il a besoin de moi, je suis désolée. Je ne peux pas le laisser seul avec Mlle. Soprano, jamais je ne pourrais.

D'un geste mal assuré, elle retira sa main, sous le regard désespéré de son petit-ami, qu'elle voyait de plus en plus flou derrière les larmes emplissant peu à peu ses yeux.

Ulrich l'observa, interdit. Pour la première fois depuis des semaines, il la voyait de près. Elle avait changé, cela lui paraissait flagrant désormais. Son visage, habituellement savamment maquillé, était aujourd'hui d'une pâleur blafarde et es cernes violacées soulignaient ses yeux. Ses cheveux, si soigneux depuis des années, tombaient désormais en mèches tristes devant son front et son habituelle taille fine digne d'un mannequin avait fait place à une maigreur affolante. Elle semblait épuisée et quelque chose disait à son petit-ami que le poids des examens n'y était pour rien.

Un brusque sentiment de culpabilité emplit subitement la poitrine du jeune homme. Depuis combien de temps n'avait-il pas pris le temps de s'intéresser à Sissi, de voir comment elle allait ? Des jours ? Des semaines ? Il lui semblait que cela faisait une éternité qu'ils ne s'étaient plus retrouvés seul à seul. Avait-elle finit par se lasser de cette distance qu'ils avaient inconsciemment adoptés entre eux ? Une envie de savoir, de comprendre ce qu'elle pouvait ressentir le dévorait de l'intérieur.

- Qu'est-ce qui t'arrive, Sissi ? insista-t-il avec peine, réponds-moi ! Pourquoi est-ce que tu me caches tant de choses dernièrement ? D'abord la lettre de Soprano, maintenant ça… Est-ce que c'est lié ? S'il-te-plaît, parle-moi…

La jeune fille resta muette, plus déchirée que jamais au fond d'elle-même. Ulrich avait été l'amour de sa vie pendant tant d'années… Elle aurait été capable de tout faire pour ses beaux yeux couleur chocolat ! Pourtant, en cet instant précis, elle ressentait pour la première fois la limite de ses sentiments. Le secret qu'elle partageait avec son père et son amante dépassait de loin tout ce qu'elle pourrait jamais avouer à son entourage… Même à Ulrich !

Il avait cependant raison sur un point : le départ précipité de son père n'était pas sans lien avec ce qui était arrivé à sa mère. En effet, après une longue discussion avec sa fille et la nouvelle femme qui partageait sa vie, le proviseur avait fini par prendre la lourde décision de quitter Kadic. Démarrer une nouvelle vie était nécessaire pour eux trois désormais, se retirer quelque part à la campagne où ils pourraient enfin tourner la page… Tous les trois, loin du fantôme de Mélissa Delmas.

Un regain d'énergie s'empara de Sissi à la pensée de cette longue discussion qu'elle avait eue avec les deux adultes. Quoi qu'en dise Ulrich, sa décision était prise. Il fallait qu'elle s'éloigne au maximum de cet environnement qui lui rappelait trop de mauvais souvenirs, quitte à laisser ce qu'elle avait connu de meilleur derrière elle pour recommencer ailleurs, loin de son ancienne vie…

- Je suis désolée Ulrich, répéta-t-elle simplement, d'un ton plus ferme désormais.

Un silence lourd de sens s'écoula entre les deux adolescents, tandis que tous deux mesuraient les conséquences de cette décision de départ avec plus d'intensité que jamais.

- Alors dans ce cas…Qu'est-ce qu'on devient tous les deux ? s'enquit finalement Ulrich avec appréhension.

Il connaissait déjà la réponse au fond de son cœur mais la peur l'empêchait de l'accepter. Il était dans le déni le plus total. Sissi, quant à elle, n'avait jamais paru plus déterminée qu'en cet instant.

Avec douceur, elle saisit les mains de son petit-ami entre les siennes, plongeant ses yeux sombres dans les siens pour, elle le savait, la dernière fois.

- On ne peut pas continuer tous les deux, affirma-t-elle d'une voix brisée, mais ferme, rester ensembles alors que je ne vais pas tarder à disparaître de ta vie serait trop douloureux… Autant pour toi que pour moi. Soyons réalistes, Ulrich, il est temps qu'on passe tous les deux à autre chose… Même si ça me brise le cœur de te dire ça.

Le jeune homme recula en trébuchant, ébranlé. Non… Il n'était pas prêt. Pas si peu de temps après Yumi. Son être tout entier était incapable d'encaisser une nouvelle, rupture, il le sentait.

Sissi, un sourire triste sur le visage, le laissa s'éloigner sans réagir. Cette attitude lui déchira le cœur encore un peu plus.

- Pourquoi… ? murmura-t-il malgré lui, au comble du désespoir.

- Écoute, Ulrich, reprit-elle avec douceur, je ne suis pas aveugle tu sais… J'ai bien vu ce qui se passait depuis quelques semaines. Tu recommences à traîner avec ta bande. Lentement mais sûrement les choses redeviennent comme avant et tu t'éloignes. Ne nie pas, je le sais, et je ne t'en veux pas… Cette parenthèse que nous avons été l'un pour l'autre a été un moment fantastique… Peut-être même le plus beau de ma vie ! Et je ne regrette rien. Mais il est temps d'y mettre un terme et de redevenir qui nous sommes vraiment tous les deux, tu ne crois pas ?

Ulrich, fauché sur place, ne trouva rien à répondre. Pendant un bref instant, il avait eu l'impression que Sissi savait tout, pour le Supercalculateur et le reste. Et puis, il comprit soudain qu'à ses yeux tout cela ne signifiait rien de plus qu'un retour à la normale. Depuis qu'il fréquentait sa bande, Sissi avait toujours été mise à l'écart, et pour cause. Pendant un instant, elle avait failli partager leur vie de héros, faire partie des Lyokô-guerriers à part entière. Avant même Yumi elle avait découvert l'usine et ses sombres secrets et avait même fait preuve d'une certaine bravoure.

Seulement, à l'époque déjà, comme en ce jour, sa famille s'était révélée plus importante que leur groupe et elle les avait trahi, menant son proviseur de père à l'usine. Un Retour vers le Passé avait suffi à arranger les choses et la mémoire de Sissi avait été effacée mais, de cet épisode, une rancœur était restée entre elle et le groupe des Lyokô-guerriers, raison pour laquelle Ulrich avait mis tant de temps à lui faire confiance et à lui ouvrir son cœur.

Pourtant, en ce jour précis, alors que Sissi, pour la première fois de sa vie, repoussait ses sentiments, il constatait que cette jeune fille effrayée qui avait accourue auprès de son père lorsque les choses s'étaient gâtées était toujours présente, quelque part derrière ces yeux tristes et cette fragilité apparente.

Sissi avait raison sur un point au final : petit à petit, sa réalité changeait, se courbait pour retrouver la forme qu'elle avait toujours eu avant l'extinction du Supercalculateur. Ce secret qu'ils partageaient suffisait à modifier leur monde.

- Ne sois pas triste, insista Sissi avec un nouveau sourire pâle, cela fait longtemps que je savais que cette période bénite où on pouvait être tous les deux ensembles ne pourraient pas durer. Tu as ce secret dont tu refuses de me parler depuis si longtemps et, aujourd'hui, j'ai le mien. C'est dans l'ordre des choses, rien de plus.

- Alors… Tout est fini ? demanda Ulrich d'un ton soudain très calme, au fur et à mesure que son esprit se faisait à l'idée de la séparation.

- J'en ai bien peur… sourit une dernière fois Sissi alors que des larmes perlaient le long de ses joues, lui arrachant un sursaut de surprise, eh bien… Adieu Ulrich. Et merci pour tout.

Et, sans un mot de plus, elle fit volte-face et s'éloigna d'un pas lent, incapable de stopper ses pleurs silencieux. Le jeune homme aux cheveux bruns la regarda s'éloigner sans dire un mot, le cœur plus lourd que jamais. Il n'essaya pas de la rattraper. Cette discussion qu'ils venaient tous les deux d'avoir n'était rien d'autre que la concrétisation d'un sentiment qu'il éprouvait depuis longtemps déjà.

- Adieu, Elisabeth Delmas, lâcha-t-il à son tour, une fois seul, avant de faire lentement demi-tour en direction de ses amis, restés auprès du distributeur de boissons.

Cette fois-ci, tout était bel et bien terminé.


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Les jours avaient tendance à rallonger depuis quelques temps sur la Ville de la Tour de Fer si bien que, lorsque Stéphanie et Yumi sortirent ensembles des cours pour se diriger vers le Kiwi Bleu, le soleil était encore haut dans le ciel, nimbant les immeubles gris de nuances roses et dorés laissant rêveur. Les nuages cotonneux se dissipaient peu à peu et il y avait fort à gager que le beau temps serait définitivement de retour d'ici peu.

- A quel heure est-ce qu'on a rendez-vous ? interrogea Stéphanie, faisant rouler son vélo à côté d'elle afin de se maintenir à l'allure de son amie.

La japonaise vérifia rapidement le message que lui avait envoyé Aelita le matin-même sur son portable, du coin de l'œil.

- 18h30, l'heure de la pause d'Anthéa, finit-elle pas répondre, on sera un peu en avance mais ça nous laissera le temps de boire un café et de discuter entre filles, qu'est-ce que tu en dis ?

L'accro aux mangas approuva d'un grand signe de tête enjoué tandis que Yumi déboutonnait son veston, libérant son chemisier avec un soupir d'aise. Il faisait de plus en plus chaud sur la ville, même après les cours, si bien qu'une couche de vêtement en moins n'était pas de refus. Habituée au climat plus élevé du sud de la France, Stéphanie conserva néanmoins son pull.

Il ne fallut que quelques minutes aux deux adolescentes pour atteindre le petit café coincé au milieu du carrefour, surmonté de son habituelle enseigne au néon bleu grésillant sous l'air frais du soir. D'un même mouvement, elles poussèrent la porte qui teinta avec un bruit de clochette, pénétrant dans l'établissement chaleureux et convivial.

A leur grande surprise, Aelita, Mathieu et Jérémie étaient déjà installés à une table un peu plus loin, juste en face d'une grande baie vitrée donnant sur la rue, sirotant leur soda dans un silence tendu à la lueur des lampes.

Avec un regard entendu, Yumi et Stéphanie vinrent se glisser sur la banquette moelleuse à leur côté, les saluant bruyamment afin de réchauffer l'atmosphère.

- Vous êtes déjà là ? fit remarquer la japonaise avec étonnement, rejetant ses longs cheveux de soie noir en arrière pour éviter qu'ils ne trempent dans le verre du blond à lunettes.

Jérémie fronça les sourcils tandis qu'Aelita répondait à sa place, en bonne meneuse.

- J'ai préféré sécher notre dernière heure de cours, affirma-t-elle, il y avait quelque chose dont je voulais discuter avec vous en particulier avant qu'on ne commence le débriefing de la dernière mission.

Sans attendre que Yumi lui eut posé plus de questions, elle posa son BlackBerry sur la table et, après un regard méfiant en direction des serveurs, déambulant à quelques mètres d'eux, elle appuya sur la touche « play » de la fonction magnétophone du portable. Le fichier MP3 se mit presque aussitôt en route en grésillant, diffusant la voix étrangement déformée par le haut-parleur minuscule de Mathieu. La japonaise, intriguée, ne tarda pas à reconnaître l'enregistrement : il s'agissait de la dernière prédiction du jeune homme sur Endo.

« Le dénouement approche. L'ange en cage et l'ange innocent devront se battre et l'un d'entre eux tombera au terme. L'ingénu devra plonger pour sauver le perdant et alors seulement tout sera terminé pour lui. Un choix s'imposera alors à lui et de ce choix dépend la survie des mondes en fusion. Puisse-t-il faire le bon… »

Aelita stoppa l'appareil et contempla ses amis d'un air grave. Ils n'avaient pas vraiment eu le temps de prendre garde à la prédiction la dernière fois mais, ce soir-ci, dans la quiétude du Kiwi Bleu, son sens leur sautait brusquement aux yeux. Yumi arborait désormais une expression franchement inquiète tandis que Jérémie, l'air sombre, gardait les doigts croisés sous son menton dans une attitude méditative. Quant à Mathieu, on aurait dit qu'il aurait préféré disparaître derrière son verre, le sirotant le plus discrètement possible. Le souvenir de ce triste épisode sur Endo le mettait indubitablement mal à l'aise.

Seule Stéphanie paraissait incrédule, dévisageant ses amis à tour de rôle, en quête d'explication.

- Eh bien quoi ? fit-elle au bout d'un moment, pour moi ça ressemble plus à du charabia qu'autre chose -sans vouloir te vexer Mathieu !

Le jeune homme eut un geste vague. Peu importait pour lui que l'on critique ses prédictions involontaires, dont il ne gardait aucun souvenir par ailleurs. C'était une sensation étrange d'entendre ainsi sa propre voix psalmodier des mots sans queue ni tête sans pour autant parvenir à se souvenir les avoir énoncés à un moment donné.

- C'est pourtant simple, répliqua Jérémie, agacé, faisant à nouveau preuve de son habituel manque de patience envers ceux qu'il considérait comme des « esprits lents », les deux anges font références aux apparences virtuelles d'Angel (l'ange en cage) et Aelita (l'ange innocent). En d'autres termes cela signifie…

- …Que notre meilleur chance de libérer Angel, c'est que je l'affronte en combat singulier, conclut la jeune fille aux cheveux roses, déterminée.

Yumi se redressa aussitôt, les sourcils froncés d'un air peu convaincue.

- Aelita, tu as conscience que cette prédiction ne parle en aucun cas de ta victoire ? Tu pourrais tout aussi bien y rester ! Et de toute manière, dévirtualiser Angel ne suffira pas à le libérer !

- Exact, approuva Jérémie, j'y ai déjà réfléchi et, même dévirtualisé, Angel ne réapparaîtrait pas dans nos scanners mais bien dans celui de la Green Phoenix ! Il y a trop d'inconnues dans cette affaire pour se lancer dans un combat tête baissée pour le moment.

Aelita le fusilla d'un regard qu'il ignora superbement, se concentrant de nouveau sur son verre. Pensait-il véritablement qu'elle n'avait pas réfléchis à tout cela de son côté ? La prenait-il pour une idiote ?

- Oui… reprit-elle dans un souffle irrité, c'est vrai. Raison pour laquelle j'en viens à la deuxième partie de la prophétie de Mathieu, celle où l'ingénu doit plonger pour sauver celui des deux anges qui aura été vaincu.

Jérémie l'interrompit de nouveau d'un ton sec.

- Ça ne nous avance pas beaucoup, fit-il en réajustant ses lunettes, cette métaphore peut s'appliquer à une quantité de choses ! Plonger dans le monde virtuel, dans la Mer Numérique… ? Ou bien…

-…Plonger sur Terre ! acheva la jeune fille pour lui avec agacement. La tension était palpable entre eux depuis leur dernière discussion nocturne, Yumi et Jérémie, vous savez à quoi je pense…

La japonaise laissa échapper un sifflement apeuré.

- Une Translation, murmura-t-elle, visiblement horrifiée.

Stéphanie et Mathieu échangèrent un regard, perdus, incapables de comprendre ce dont parlaient leurs amis. Aelita, saisissant leur trouble, se tourna dans leur direction afin de s'expliquer.

- Laissez-moi tout reprendre depuis le début, fit-elle à leur intention, à l'époque où l'on traquait encore XANA (le dangereux programme multi-agent de mon père dont on vous a déjà parlé) dans le Réseau, Jérémie avait mis au point une technique pour nous envoyer directement sur Terre au niveau des Supercalculateurs infectés par le programme et les détruire, sans avoir besoin de recourir à un scanner. Ce procédé était connu sous le nom de « Translation ».

- Incroyable ! souffla Stéphanie, médusée, la tête entre les mains, alors comme ça vous pouviez vous matérialiser n'importe où sur Terre juste en appuyant sur un bouton !?

On sentait à son ton que, malgré son aversion pour Jérémie, elle était impressionnée.

- Pas exactement, se hâta de tempérer le jeune homme aux lunettes, en réalité il s'agissait plus d'envoyer des spectres numériques des autres sur Terre par le biais du Skid. L'avantage, c'était que je pouvais leur attribuer une apparence et des pouvoirs similaires à ceux de leurs avatars virtuels. Aussi, les risques étaient moindres puisque, une fois sur Terre, ils ne risquaient rien de plus que de se faire dé-translater et de revenir dans le Skid, un peu sonnés mais en vie. C'était toujours moins risqué que de les envoyer en chair et en os là-bas !

Yumi confirma d'un signe de tête, retenant un frisson. Le souvenir des horribles créatures transgéniques créées par XANA dans ses laboratoires éparpillés au quatre coins du monde hantait encore ses nuits par moment.

Stéphanie, quant à elle, paraissait au comble de l'admiration, comme si toute son aversion pour Jérémie n'avait jamais rien été de plus qu'une vague plaisanterie. Mathieu, assis à côté de son compagnon de chambre, paraissait tout aussi impressionné.

- Donc si je comprends bien, fit-il lentement, réfléchissant avec intensité, tu penses que ma… la prophétie fait référence à une Translation et que pour sauver Angel une fois dévirtualisé…

- …Il faudra que l'un de nous se Translate dans le laboratoire de la Green Phoenix pour le faire sortir, approuva Aelita avec un sourire, contente d'être sur la même longueur d'onde que son ami, oui c'est ce que je pense !

Un bruit de verre renversé attira brusquement leur attention. Yumi s'était levée un peu trop vivement, renversant le verre de Jérémie au passage qui laissait s'écouler son fond de limonade goutte à goutte sur le sol désormais, la tache de liquide s'étendant lentement sur le bois de la table, le teintant d'une nuance sombre.

- Aelita c'est de la folie ! affirma-t-elle avec colère, sa pâleur japonaise plus accentuée que jamais sous l'effet de l'inquiétude, et si tu te trompais ? Qui sait ce qui pourrait arriver à la personne translatée face aux scientifiques de la Green Phoenix !? Tu oublies un peu trop vite la suite de la prédiction : « tout sera terminé pour lui »… Ça me parait plutôt lugubre, pour ne pas dire de sombre présage !

Le groupe la contemplait, effaré, tandis que, réalisant subitement l'attention qu'elle attirait dans le bar, la jeune fille se rasseyait brutalement. Jérémie, très calme, se contenta d'éponger les restes de sa limonade répandue sur la table à l'aide d'une pile de serviettes, sans prêter la moindre attention à ses invectives. Cette attitude nonchalante eut pour effet d'agacer la japonaise un peu plus profondément encore.

- Et puis… reprit-elle en faisant des efforts pour se maîtriser, et puis si tu te trompais sur toute la ligne ? Et si l'ange qui devait perdre c'était toi et que tu te retrouvais prisonnière de la Mer Numérique ou je ne sais quoi ? Et si l'un d'entre nous devait se sacrifier pour te sauver ? Non, je suis désolée Aelita mais tu es trop précieuse… On ne peut pas se permettre de se lancer une mission aussi suicidaire sans réfléchir un peu ! Je pensais que l'épisode de la dernière fois sur Endo t'aurait servi de leçon…

La jeune fille aux cheveux roses se rembrunit presque aussitôt, le regard fixé sur ses mains croisées. Au fond d'elle, elle savait que son amie pouvait très bien avoir raison et il était hors de question pour elle de faire de nouveau courir le moindre risque à ses amis sans un minimum de préparation. Pourtant, à ses yeux, le sens de la prédiction de Mathieu lui paraissait évident et elle ne pouvait se résoudre à démordre de son idée. Pour elle, la solution résidait dans ces quelques phrases énigmatiques, enregistrées sur son téléphone.

- Je sais que c'est risqué Yumi, finit-elle par dire d'un ton apaisant, mais c'est la seule piste que nous ayons. Et c'est précisément parce que cette mission serait périlleuse que j'ai choisi de vous en parler avant que ma mère ne finisse son service.

Tout en parlant, elle jeta un regard soupçonneux envers Anthéa Stones qui, en tenue de serveuse, était trop occupé à prendre la commande des clients de plus en plus nombreux pour prêter attention à leurs messes basses.

- Je sais qu'elle s'opposerait à mon idée de suivre la prédiction de Mathieu à la lettre, reprit-elle, je sais aussi qu'Odd refuserait catégoriquement de me voir prendre un tel risque. C'est pour ça que j'ai besoin de vous pour agir dans leur dos si besoin est un de ces quatre. Je sais que c'est beaucoup vous demander mais je ne vois pas d'autre solution pour l'instant pour tirer Angel des griffes de la Green Phoenix. Qu'est-ce que vous ne dites ?

Un silence de plomb accueillit sa déclaration. Mathieu se sentait tiraillé au fond de lui-même entre l'amour qu'il éprouvait pour Angel et la solide amitié qui s'était forgée au fil du temps entre lui et Aelita. Était-ce bien raisonnable de la laisser courir de tels risques pour son petit plaisir personnel ?

Stéphanie fut la première à rompre le silence, un air surexcité sur le visage.

- Moi ça me va ! affirma-t-elle, je te fais confiance Aelita ! Et puis, vous me connaissez, prendre des risques c'est ma grande passion !

Elle eut un petit rire auquel personne ne répondit. Jérémie, après une fraction de seconde de réflexion, ouvrit la bouche à son tour, les sourcils arqués en une expression inquiète.

- Laisse-moi au moins faire quelques recherches complémentaires avec ta mère avant toute initiative personnelle, protesta-t-il, si on ne trouve aucun autre moyen pour ramener Angel ou au moins le libérer de l'influence de la Green Phoenix alors je veux bien suivre ton plan. Mais seulement dans ce cas-là !

- Merci Jérémie, murmura Aelita avec sincérité. La confiance que lui accordait soudain son ex-petit-ami lui allait droit au cœur.

Mathieu, dévoré par la culpabilité, finit par céder à son tour. Malgré tous ses efforts, les sentiments qu'il éprouvait pour Angel étaient plus importants que tout. Pourtant, il se promit de veiller sur Aelita au mieux si les choses devaient mal tourner.

D'un même mouvement, les quatre adolescents se retournèrent vers Yumi, restée muette jusqu'à présent. La jeune fille leur lança à tous un regard noir, les bras croisés avec raideur sur sa poitrine.

- Désolée mais je ne veux pas être mêlée à ça, affirma-t-elle d'un ton glacial, je ne peux pas accepter de vous perdre simplement parce qu'on aura fait preuve d'impétuosité ! J'ai eu suffisamment peur la dernière fois comme ça et je ne vous laisserez pas courir à la mort une nouvelle fois !

Stéphanie parut pendant un instant choquée, comme si son amie venait brusquement de la trahir. Aelita, de son côté, resta sereine.

- Je comprends, fit-elle d'un ton triste, je ne te demanderai pas de nous soutenir Yumi, tu as le droit de penser ce que tu veux… Je sais que tu t'inquiètes pour nous avant tout et je te remercie pour ça. Mais je te demande de garder le secret pour l'instant, par amitié. S'il-te-plaît…

La japonaise parut soudain mal à l'aise sur son fauteuil, jetant un coup d'œil en coin à Anthéa au passage.

- Tu sais que si j'ai vent à nouveau de cette mission je me devrai d'en parler à ta mère, insista Yumi d'un air grave, en se penchant légèrement vers son amie.

Cette dernière approuva d'un signe de tête avec candeur.

- Tout ira bien, ne t'en fais pas, insista-t-elle, je ne t'embêterai plus avec cette affaire !

La jeune fille ne parut pas rassurée pour autant mais Aelita s'était déjà redressée, passant presque aussitôt à autre chose. Mathieu, de son côté, arborait désormais un air songeur.

- Et pour la dernière partie de ma prédiction alors ? fit-il au bout d'un moment, la partie sur le choix que devra faire la personne mentionnée… Qu'est-ce que ça peut vouloir dire ? Quel type de choix pourrait être si important pour sauver deux mondes à la fois ?

A ces mots, Aelita et Jérémie échangèrent un imperceptible regard que seule Yumi, toujours furieuse, parvint à remarquer. Un regard effrayé des plus alarmants. La jeune fille eut soudain la nette impression que ses deux amis en savaient plus qu'ils ne voulaient bien l'admettre et s'empressa d'ouvrir la bouche pour les questionner plus avant, bien décidée à ne pas les laisser en paix si vite.

- C'est vrai, qu'est-ce que vous en pensez tous les deux… ? questionna-t-il avec insistance, les yeux plissés dans une expression soupçonneuse.

Cependant, le tintement de la porte d'entrée du Kiwi Bleu l'empêcha de poursuivre et le groupe se retourna pour accueillir Odd et Eva qui marchaient tous deux vers eux main dans la main, épargnant à Jérémie et Aelita de répondre. D'un accord tacite, ils cessèrent aussitôt de discuter de la prédiction de Mathieu.

- J'espère qu'on n'a pas été trop longs, s'inquiéta le jeune homme au béret en tirant deux chaises supplémentaires à leur table.

- Du tout, répondit Aelita avec un grand sourire, heureuse de pouvoir changer de conversation, installez-vous, je vais commander des verres.

Ulrich n'arriva que bien plus tard dans la soirée, poussant d'un geste brusque la porte du Kiwi Bleu alors que le soleil ne dessinaient désormais plus qu'une ligne rouge à l'horizon, plongeant la Ville de la Tour de Fer dans la pénombre de l'éclairage public.

Yumi, seule à être restée plongée dans ses pensées durant tout ce temps, ne put s'empêcher de remarquer ses yeux rougis, comme s'il avait pleuré juste avant de venir, et voulut l'interroger avant qu'Odd n'ait eu le temps d'apporter un siège supplémentaire.

A cet instant le patron du café lança à Anthéa qu'elle pouvait prendre sa pause et l'informaticienne eut tôt fait de rejoindre le groupe d'adolescents, ôtant son tablier et empêchant la japonaise de se faire davantage de souci pour le jeune homme aux cheveux bruns. Ils formaient un curieux groupe vu de l'extérieur : composé uniquement d'adolescents à l'exception d'une seule adulte, qui semblaient tous partager le même lourd secret, discutant à voix basse.

La jeune fille aux cheveux roses inspira un grand coup, fin prête, chassant définitivement la prédiction de Mathieu de son esprit. Il était temps de passer aux choses sérieuses.

- Bon, commença Anthéa en tirant à elle le café brûlant que sa fille avait commandé pour elle, je pense qu'après le fiasco de la dernière mission il va sans dire que nous allons devoir revoir notre stratégie si vous voulez continuer à vous battre.

Aelita retint un soupir soulagé en constatant que sa mère avant renoncée à leur interdire de s'approcher de l'usine au moindre danger. Bien que réticente, elle semblait plus à même de leur faire confiance désormais.

- Je suis d'accord, suggéra Jérémie, il faut qu'on prenne des mesures pour éviter à tout prix de se retrouver sans personne de virtualisable sous la main si la prochaine mission venait à mal tourner. Je suggère de diviser le groupe en deux équipes à chaque fois, dont l'une resterait en arrière pour le renfort en cas de souci.

Les deux femmes aux cheveux roses approuvèrent d'un signe de tête. Aelita en profita presque aussitôt pour ramener un sujet qui lui tenait particulièrement à cœur.

- Je pense aussi qu'on devrait travailler au mieux sur le programme de virtualisation pour l'améliorer, affirma-t-elle, si on pouvait envoyer sur Lyokô les personnes de plus de 18 ans, notre groupe n'en serait que renforcé !

- Aelita, on en a déjà parlé, coupa Yumi d'un ton sec, c'est impossible et tu le sais ! Tu avoues toi-même que la technologie de ton père vous dépasse, comment veux-tu t'infiltrer dans un système aussi complexe que celui des scanners pour l'améliorer ? Qui plus est, je ne suis pas sûre de vouloir me virtualiser de nouveau…

- Eh bien moi ça ne me dérangerait pas ! l'interrompit Stéphanie avec colère, peut-être que tu t'en fiches de les aider mais moi je veux me battre ! Et on pourrait en profiter pour faire revenir William dans le groupe en plus !

Yumi rougit sur le coup, ses joues livides se marbrant de plaques et Odd crut bon d'intervenir avant que la situation ne dégénère de nouveau entre les deux filles.

- Hum… Et si on remettait la question à plus tard ? suggéra-t-il innocemment, s'attirant une paire de regards noirs de la part des deux jeunes filles, la vraie question ce serait plutôt : c'est quoi la suite du programme ? Qu'est-ce qu'on fait maintenant qu'on sait avec certitude qu'Angel est dans le monde virtuel de la Green Phoenix ?

Anthéa croisa les bras, songeuse.

- En fait, fit-elle d'un ton lourd, je suis surtout intriguée par ce que la Green Phoenix manigance. On savait qu'ils avaient créé un monde virtuel à l'image de Lyokô jusqu'à présent pour s'en servir comme d'un générateur de Monstres et les envoyer via la Faille sur notre monde virtuel pour le détruire et ainsi accéder au Projet Carthage. Pourtant, j'ai été surprise par la complexité de leur monde virtuel !

- Oui ça m'a frappé également, confirma Jérémie d'un air sombre, pourquoi recréer un univers tout entier avec 5 territoires bien définis ? Qu'est-ce que ça leur apporte ? Il y a clairement quelque chose qui nous échappe dans tout ça…

- Sans compter cette mystérieuse Tour noire au cœur d'Endo, ajouta Aelita d'un ton soupçonneux, Angel y était enfermé et je n'ai pas eu le temps d'accéder aux données pour savoir pourquoi il y était analysé ! En tout cas une chose est sûre, on avait peut-être raison sur le fait que la Green Phoenix l'utilisait pour diriger l'envoi des monstres, à l'image de ce que faisait XANA avant, mais ils ont vraisemblablement un tout autre objectif ! Et je ne parle même pas de cette silhouette humanoïde supplémentaire au cœur du territoire…

Odd fronça les sourcils, se calant un peu mieux sur sa chaise. Encore de nouvelles questions sans réponse. Quand pourraient-ils enfin prendre une longueur d'avance sur la Green Phoenix, qui semblait les regarder de haut depuis le début de cette affaire ? Discrètement, il tourna ses yeux gris vers Mathieu et son cœur se serra. Tout ce qu'il espérait, c'était qu'ils seraient bientôt en mesure de libérer Angel pour pouvoir faire ainsi d'une pierre deux coups et aider le jeune homme à se débarrasser de ses souffrances.

- Voilà ce que je suggère, reprit Anthéa, tirant le jeune homme tout de violet vêtu de ses pensées, il faudrait nous infiltrer de nouveau au sein d'Endo pour en apprendre davantage sur le plan mystérieux de la Green Phoenix, au moins en analysant la structure de ce monde virtuel ! Ça pourrait déjà nous aider à répondre à certaines questions.

- C'est faisable, répondit Aelita en se grattant la nuque, j'ai aperçu des interfaces la dernière fois au moment de nous enfuir ! A mon avis il doit être possible de pirater les ordinateurs de la Green Phoenix à partir de là pour en savoir plus. Ça vaut toujours le coup d'essayer !

Yumi, elle, se montra dubitative une fois de plus.

- Vous semblez oublier quelque chose, fit-elle remarquer presque aussitôt, comment est-ce que vous comptez retourner sur Endo ? La dernière fois la Green Phoenix vous a coincé je vous rappelle, et elle peut recommencer !

- J'y ai pensé, avoua Jérémie en dégageant quelques mèches blondes de son large front, et je pense que la solution est la même que celle que j'ai utilisé pour m'infiltrer sans me faire prendre la dernière fois ! Faute de pouvoir emprunter la Faille, il faut passer par le Réseau. Je pense qu'on n'a plus le choix désormais, il faut reprogrammer le Skid.

Un murmure d'excitation s'empara aussitôt de la table. Même Ulrich, plongé dans ses sombres pensées jusqu'à présent, montra soudain une certaine forme d'intérêt, se redressant légèrement. Seule Yumi semblait toujours aussi peu convaincue.

- Ça va vous prendre des mois, objecta-t-elle.

Pour toute réponse, Jérémie se tourna vers la mère d'Aelita, le sourire aux lèvres.

- Anthéa, si je vous confie mes notes, vous pensez pouvoir programmer un nouveau Skid en combien de temps ?

La femme aux longs cheveux roses pâles fronça les sourcils, une expression songeuse sur le visage. Elle calculait rapidement dans sa tête.

- Si vous me prêtez main forte avec Aelita, je pense que deux semaines seront suffisantes ! Peut-être moins en épurant le design au maximum et en supprimant certaines fonctions superflues !

Satisfait, Jérémie se retourna vers la japonaise qui, ne trouvant rien à redire, se mura de nouveau dans son silence, s'enfonçant sur la banquette. On sentait néanmoins sa désapprobation suinter par tous les pores de sa peau. Elle était inquiète, et cela était plus que compréhensible. Depuis le début, la jeune fille se montrait réticente à la reprise de leurs aventures et la catastrophe qu'avait été leur dernière mission n'avait fait que la conforter dans cette idée.

- Et si la Green Phoenix bouche l'entrée d'Endo par le Réseau aussi ? insista Yumi une dernière fois, sans grand espoir.

Une fois de plus, l'argument fut balayé d'un revers de main.

- J'en doute, répondit Anthéa, si on en croit ce qu'on sait déjà, la Green Phoenix n'a pour connaissance de l'univers numérique que les notes de mon ancien époux et les données résiduelles de XANA. Qui plus est, ils ne vous ont pas affrontés au cours de vos aventures incluant le Skidbladnir, autrement dit…

- Autrement dit, pour eux le Réseau est impraticable, conclut Jérémie, ou du moins ils ne savent pas comment l'emprunter ni comment il fonctionne, ce qui signifie que cette voie est sûre pour l'instant, autant en profiter !

Eva approuva d'un signe de tête, rassurée. Elle non plus de savait rien des voyages à travers le Réseau, n'ayant rejoint le groupe qu'après la destruction du Skidbladnir. Les paroles des deux informaticiens de génie avaient de quoi dissiper ses doutes premiers. Par ailleurs, Odd avait l'air confiant et elle voulait croire en lui, plus que tout au monde. Aguicheuse, elle resserra sa prise sur les mains de son petit-ami mais ce dernier était déjà passé à autre chose, la mine concentrée. L'américaine eut une petite moue déçue mais s'abstint de tout commentaire.

- Il y a un autre point qui m'inquiète, fit remarquer Odd en se grattant son bouc blond d'un air pensif, la capture d'Aelita de la dernière fois ! Si la Green Phoenix veut tant que ça se débarrasser de nous, pourquoi ne pas l'avoir tuée directement ? Pourquoi utiliser un Gardien ?

La jeune fille aux cheveux roses parut décontenancée par cette question. Elle échangea pendant un bref instant un regard avec sa mère qui détourna aussitôt les yeux, lui faisant froncer les sourcils.

- Je n'en ai aucune idée, finit-elle par déclarer, il va falloir enquêter sur ça aussi une fois sur Endo…

- En tout cas on ne va pas se plaindre de ce traitement de faveur ! commenta Odd avec un sourire, sans ça, on aurait pu te perdre et j'aime autant que ça n'ait pas été le cas !

Aelita eut un sourire gêné et Eva crispa brusquement sa main sur celle de son petit-ami, lui arrachant une grimace de douleur. Pourquoi devait-elle se montrer aussi jalouse ?

Mathieu, malgré sa déception, se força à sourire. Il avait espéré pouvoir agir pour Angel directement, maintenant qu'il savait avec certitude où se trouvait ce dernier, aussi la perspective d'une nouvelle mission de reconnaissance le désespérait quelque peu. Quand pourrait-il enfin revoir l'élu de son cœur sain et sauf, en chair et en os ?

Stéphanie, habituée aux humeurs de son ami, perçut son appréhension et lui adressa un petit signe encourageant de loin, auquel il répondit par un sourire sincère cette fois-ci. Son soutient lui faisait toujours chaud au cœur.

Odd, qui avait observé la scène de loin, ne put s'empêcher de ressentir une pointe de jalousie. Pourquoi Mathieu devait-il être si proche de cette jeune fille, qui semblait le connaître sur le bout des doigts, tandis que lui-même trimait pour le comprendre ? Après tout, lui aussi tenait à son bonheur à tout prix… Pourquoi ne pouvait-il donc pas se reposer sur lui un peu plus… Le remarquer au moins.

Malgré lui, le souvenir de la discussion qu'il avait eu avec Ulrich quelques jours plus tôt lui revint en mémoire et il se surprit à fixer le fond vide de son verre de soda, dans lequel les glaçons finissaient de fondre, perdu dans ses questionnements intérieurs. Que ressentait-il vraiment au fond de lui… ?

A l'extérieur, la nuit avait fini par tomber sur la Ville de la Tour de Fer et la circulation des voitures se faisait plus fluide, nimbant par moment les vitres du Kiwi Bleu de la lueur jaune-orangée de leurs phares. Stéphanie fut la première à étouffer un bâillement.

- Anthéa, j'aurais besoin de toi au comptoir ! tonna brusquement la voix du patron de l'établissement, les faisant tous sursauter.

La mère d'Aelita jeta un coup d'œil à sa montre avant de se lever précipitamment, renfilant son tablier.

- Mince, ma pause est déjà finie ! fit-elle très vite à l'adresse des adolescents, je pense qu'on a fini pour ce soir de toute manière. Dorénavant, notre objectif principal sera de recréer le Skid ! On ne prendra aucun risque d'ici là alors restez vigilants, compris ?

Tous approuvèrent avant de commencer lentement à quitter le bar, Odd et Eva les premiers, talonnés de peu par Mathieu. L'heure du couvre-feu était dépassée depuis longtemps sur Kadic et ils avaient intérêt à presser l'allure s'ils ne souhaitaient pas se faire punir par un pion quelconque.

Jérémie mit plus de temps, se levant paresseusement de sa place, tandis qu'Anthéa retournait à son travail en adressant de petits gestes de la main aux amis de sa fille, disparaissant les uns après les autres dans la noirceur de la nuit.

- Tu ne rentres pas ? s'enquit-il timidement auprès d'Aelita, qui était restée assise.

La jeune fille se pencha sur son sac, évitant le regard de son ex-petit-ami, visiblement gênée.

- Non, répondit-il du ton le plus courtois possible, je vais attendre que ma mère ait fini, j'ai de quoi m'occuper de toute manière ! Rentre vite avant de te faire prendre…

Joignant le geste à la parole, elle sortit un épais trieur de son sac, faisant mine de commencer des révisions. Jérémie attendit encore quelques secondes avant de renoncer, s'éloignant avec un soupir triste, le dos rond. Mathieu, qui l'attendait de l'autre côté de la porte, lui emboîta le pas et ils se dirigèrent tous deux en direction de leur internat, sous le regard vaguement coupable d'Aelita.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:18   Sujet du message: Répondre en citant  
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La température s'était considérablement radoucie à l'extérieur si bien que Yumi, en simple chemisier, tremblait légèrement en raccompagnant Stéphanie jusqu'à son vélo.

- Désolée de m'être emportée, fit-elle à l'adresse de son amie tandis que cette dernière s'acharnait contre le code récalcitrant de sa chaîne, je ne voulais pas… Je suis sincèrement inquiète, pour Aelita comme pour William.

- Je sais, la rassura Stéphanie avec assurance en parvenant enfin à libérer sa bicyclette dans un geste de triomphe, ne t'en fais pas, va ! A demain !

Et, après un dernier sourire apaisant, elle enfourcha son vélo et se mit à pédaler, disparaissant dans la nuit, laissant la japonaise seule avec ses pensées.

Traînant le pied, elle fit demi-tour et marcha d'un pas lent jusqu'au passage pour piétons le plus proche. Il était tard et ses parents devaient s'inquiéter de ne pas la voir rentrer… Son cœur s'emballa lorsqu'elle reconnut soudain la silhouette musclée d'Ulrich, debout devant la chaussée à attendre que le feu passe au vert, seule tâche de lumière au milieu de la rue sombre.

- Hey, murmura-t-elle en se plaçant à côté de lui, troublée.

- Hey…

Ils restèrent silencieux un instant, profitant de la quiétude ambiante pour détendre leurs nerfs, mis à rude épreuve au cours de la journée, pour des raisons distinctes. Pour une raison qu'ils ignoraient, la simple présence de l'autre suffisait à les apaiser, leur procurant une vague sensation de bien-être. Constatant que son amie frissonnait, Ulrich eut tôt fait de se départir de sa veste en cuir et de la lui passer autours des épaules, en dépit de ses protestations. Reconnaissante, elle finit par serrer le manteau, trop grand pour elle, autours de son corps frigorifié. L'odeur du jeune homme imprégnait ses narines, lui faisant tourner la tête. Elle se sentait si heureuse en cet instant précis, sans pouvoir déterminer pourquoi.

L'adolescent aux cheveux bruns, resté coi, contemplait le ciel étoilé à peine visible à travers la barrière de l'éclairage des lampadaires, une expression indescriptible sur le visage.

- Tout va bien Ulrich ? finit par s'enquérir la japonaise n'y tenant plus, tu avais l'air distrait ce soir… Il s'est passé quelque chose ?

Le feu passa au vert. Aucun des deux adolescents ne bougea, les yeux dans le vague. La brise légère faisait voler les cheveux fins de la japonaise, ombre mouvante parmi les ténèbres d'une fascinante beauté. Ulrich sentit son estomac se retourner dans son ventre. Devait-il lui en parler ? Il avait toujours pu lui faire confiance après tout, en dépit de tout ce qu'ils avaient traversé.

- Sissi a rompu avec moi… finit-il par lâcher, d'une voix blanche. Cette phrase lui avait coûté beaucoup d'efforts il se sentit soudain comme essoufflé.

Yumi resta silencieuse, abasourdie. Au loin, la minuscule tache de couleur verte représentant un piéton passa de nouveau au rouge. Une fois de plus, ni l'un ni l'autre ne tournèrent la tête. Le vent s'intensifia, faisant claquer le cuir des manches de la veste d'Ulrich dans les airs. La japonaise resserra sa prise.

- Je suis désolée, murmura-t-elle, ça avait l'air de si bien marcher entre vous…

- Comme toi avec William, répondit Ulrich avec sincérité pour la première fois, il faut croire qu'on a été naïf tous les deux cette année.

La jeune fille ne put qu'approuver d'un geste triste. Devant eux, un cortège de voitures défila en vrombissant, sans pour autant les troubler. Elles passaient devant leurs yeux sans qu'ils les voient, simples taches flous parmi tant d'autres dans ce vaste monde décoloré qui perdait peu à peu tout son sens. Où en étaient-ils désormais ? Aucun des deux n'aurait pu fournir de réponse précise à cette question.

Une nouvelle fois, le feu passa au vert et, cette fois, Yumi parvint à émerger de sa rêverie, s'engageant seule sur le passage, laissant un Ulrich éperdu derrière lui.

- Yumi est-ce que… lança-t-il brusquement, comme saisit d'inspiration, la faisant se retourner au milieu de la route. Ses orbes noirs le décontenancèrent un moment et il se sentit rougir, est-ce que… Je peux passer la nuit chez toi ? Je me sentirais trop seul à Kadic…

La question prit l'adolescente au dépourvu. Pendant une seconde folle, elle fut tenter d'accepter, de céder à ses pulsions pour une fois et de crier au jeune homme de la rejoindre, de rattraper le temps perdu. Et puis, une fois de plus, la réalité s'imposa à elle avec violence, la faisant chanceler. C'était vrai… Leur histoire appartenait au passé désormais, et elle ne pouvait s'autoriser à céder cette nuit là. Ulrich parlait sous l'impulsion du désespoir : un moment de faiblesse de sa part suffirait à les faire souffrir tous les deux plus que de raison.

Se sentant soudain très vide, elle secoua la tête en signe de dénégation. Il était trop tard pour cela, beaucoup trop tard…

- Rentre à Kadic Ulrich, sourit-elle avec tristesse en finissant de traverser, ça vaut mieux pour nous deux, crois-moi.

A cet instant, le feu passa au rouge de nouveau et une file de voitures s'interposa entre le jeune homme et la japonaise, l'empêchant de la rejoindre. Lorsqu'enfin le flot de véhicules se fut atténué, Yumi avait disparu, laissant l'adolescent seul avec ses problèmes, au milieu de la rue froide et sombre.

Un profond sentiment de solitude envahit brusquement Ulrich et il sentit la tête lui tourner. Pour la première fois depuis des années, il réalisait à quel point il était seul.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:18   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 39 :

Épisode 138 : En hommage à Franz_



Comme l'avait prévu Anthéa, la reconstruction du Skidbladnir avança bien plus rapidement que ce que Jérémie aurait pu escompter dans ses rêves les plus fous. L'informaticienne faisait en effet une nouvelle fois preuve d'une étonnante virtuosité, saisissant les codes avec habileté, supprimant les données redondantes ou inutiles dues à la maladresse du débutant avec adresse. Le jeune homme et Aelita passaient désormais presque tout leur temps libre à l'usine à travailler aux côtés d'Anthéa sur leur sous-marin numérique au lieu de préparer leur TPE.

« Il y a des choses plus importantes que les études », avait un jour déclaré Jérémie à Mathieu, à la grande surprise de son compagnon de chambre, lorsque ce dernier s'était inquiété de ce manque de sérieux.

Cela ne pouvait que confirmer la volonté du petit génie, plus déterminé que jamais à racheter ses fautes en travaillait d'arrache-pied.

Aelita, de son côté et malgré les remontrances de Yumi, s'était attelée à l'analyse poussée du programme de virtualisation des scanners, tentant de l'améliorer au mieux afin d'autoriser des virtualisations d'êtres humaines adultes. Jusqu'à présent, cependant, toutes ses tentatives s'étaient révélées infructueuses.

« Le plus gros problème, c'est que le programme se base sur l'imagination du la personne scannée, avait-elle annoncée à Stéphanie, épuisée, lors d'un ses rares moments de temps libre, à moins d'affiner l'analyse du scanner ou d'augmenter la capacité d'imagination de l'adulte, il n'y a strictement rien que je puisse faire ! Je commence à désespérer… ».

Elle n'ajouta rien de plus dans les jours qui suivirent, entièrement absorbée par la programmation du nouveau Skidbladnir. Ce dernier était si chronophage désormais qu'elle n'avait même plus le temps de travailler en parallèle sur la virtualisation améliorée et ses amis ne la voyait désormais plus qu'en classe, lorsqu'elle ne séchait pas avec Jérémie.

Ulrich, de son côté, s'était muré dans un silence bougon depuis sa rupture avec Sissi. Il évitait avec soin le groupe de Yumi, désireux d'éviter une situation de malaise comme celle de ce fameux soir à la sortie du Kiwi Bleu, et ne fréquentait plus non plus la bande de la fille du proviseur, ce qui avait fait de lui de nouveau l'être renfermé et solitaire qu'il avait été lors de ses premières années de collège. Le Ulrich playboy et prétentieux avait désormais entièrement disparu, et cela avait fait les choux gras des Échos de Kadic, jusqu'à ce qu'Odd n'intervienne auprès de Milly pour lui annoncer, d'un air sombre, que si elle ne refrénait pas son enthousiasme elle risquait d'avoir de gros ennuis avec lui.

Ulrich lui avait été reconnaissant de cette intervention et, au fur et à mesure, les deux jeunes gens s'étaient rapprochés, recommençant à nouer cette complicité qui les avait toujours caractérisée, au grand dépit d'Eva, à qui son petit ami consacrait de moins en moins de temps.

Mathieu aussi n'avait pu s'empêcher de se sentir attristé de la soudaine distance qui s'était instaurée entre lui et le beau blond, rejoignant pour la première fois l'avis de l'américaine. Odd s'était toujours montré très attentionné envers lui, même après son coming-out, et le voir ainsi s'éloigner en faveur du séduisant Ulrich lui procurait comme un pincement au cœur.

Il se consolait comme il pouvait en songeant que, d'ici peu, il serait en mesure de voir Angel de nouveau, même brièvement. Ses songes étaient désormais de nouveau peuplés de regards ambrés et d'ailes sombres, tant et si bien qu'il se réveillait plusieurs fois en sursaut au beau milieu de la nuit, le corps ruisselant de sueur, ce qui avait le don d'agacer Jérémie au plus haut point.

Ce n'était pas temps le sommeil du jeune prodige qui s'en retrouvait dérangé par ailleurs, mais plutôt son travail. En effet, ce dernier passait désormais nuits blanches sur nuits blanches à travailler sur le programme du Skid et les réveils intempestifs de son compagnon de chambre n'arrangeaient en rien son humeur colérique, due au manque de sommeil.

Finalement, la deuxième semaine de programmation intensive s'acheva et, alors que tous désespéraient de voir Anthéa et les autres parvenir à tenir leurs délais, cette dernière passa brusquement un coup de fil à Odd et aux autres, alors que le soleil commençait à décliner sur la journée de Dimanche.

- Le nouveau Skid est achevé, annonça-t-elle d'un ton fier, faisant aussitôt se dresser le jeune homme sur son lit, qui sommeillait à moitié jusqu'à présent, si vous êtes motivés rejoignez-nous dans l'usine d'ici une heure pour le baptiser !

La communication coupa et le jeune homme au béret se retourna avec précipitation vers Ulrich, rêvassant devant son portable d'un air absent.

- Le Skid est prêt, annonça-t-il simplement, un grand sourire aux lèvres.

Il n'en fallut pas plus pour motiver le jeune qui bondit aussitôt de son matelas, s'engageant à la suite d'Odd dans le couloir. Tandis que ce dernier se diriger vers la chambre au bout des dortoirs pour prévenir Mathieu, Ulrich composait le numéro de Yumi sur son téléphone afin de la prévenir, le cœur battant. Ce serait la première fois qu'il lui adresserait véritablement la parole depuis deux semaines.

Celle-ci décrocha dés la première tonalité et se montra inutilement ravie face à la nouvelle de la fin de la programmation du Skidbladnir, à laquelle elle n'avait accordée qu'un bref intérêt jusqu'à présent.

Ulrich soupçonnait, en réalité, que cette joie mal placée lui était plutôt destinée et un sourire naquit aussitôt sur ses lèvres. Se fut sur un ton guilleret qu'il l'enjoignit à prévenir Stéphanie au plus vite avant de raccrocher, un bonheur sourd cognant dans sa poitrine, au moment où Odd venait le rejoindre, un Mathieu surexcité sur ses talons.

Ils passèrent rapidement prendre Eva au foyer des élèves avant de s'éclipser nonchalamment en direction du parc, faisant mine de profiter de cette chaude soirée de mai pour se prélasser au soleil qui brillait désormais en continue sur le ciel de Kadic.

Franchir le passage dissimulé par la plaque d'égout fut un jeu d'enfant à cette heure tardive et Odd, joyeusement nostalgique, se laissa aller à dépoussiérer son vieux skateboard laissé à l'abandon, surfant avec adresse devant le reste du groupe qui le suivaient du regard d'un œil amusé, malgré ses roues rouillées dont le grincement se répercutait sur la voûte du sombre tunnel.

Lorsqu'enfin ils arrivèrent à la grille ancienne délimitant le fleuve, la nuit était tombée à l'extérieur, nimbant la Ville de la Tour de Fer de sa pâle lueur lunaire.

Odd, légèrement essoufflé par ses prouesses au skate, laissa ses amis passer devant avant d'emprunter à son tour l'échelle d'acier tremblante, le sourire aux lèvres.

Le vélo de Stéphanie freina en crissant devant la barrière bloquant l'accès au pont au moment précis où la tête du jeune homme émergeait de la bouche d'égout.

Satisfaite par sa propre ponctualité, l'adolescente entreprit de cadenasser fébrilement sa bicyclette avant d'enjamber habillement le barrage, rejoignant les autres d'un pas serein.

- Yumi arrive, annonça-t-elle tandis qu'Eva l'ignorait superbement, aidant son petit-ami à se hisser sur le pont, j'ai fait aussi vite que j'ai pu… On avance ?

Mathieu approuva avec un sourire avant d’emboîter le pas d'Odd et de l'américaine, les suivant jusqu'à la gueule béante de l'usine, plus ténébreuse que jamais à la lueur de la lune, Ulrich sur leurs talons.

Il faisait si sombre à l'intérieur que Stéphanie du sortir son portable le temps d'éclairer les cordes métalliques un bref instant, aidant ainsi ses amis à descendre à l'intérieur de la vaste et poussiéreuses salle cathédrale sans risque, avant de se laisser glisser à son tour à leur suite, les dents serrées. Elle n'arrivait toujours pas à s'habituer à ce grand vide qu'ils devaient franchir à chaque fois.

L'habitacle du monte-charge était éclairé de son habituel néon si bien que le petit groupe n'eut pas besoin du téléphone de la jeune fille pour presser le bouton d'appel, descendant dans les profondeurs de l'usine avec nervosité.

Enfin, les portes coulissèrent avec fracas, leur libérant l'accès à la salle de contrôle du Supercalculateur. Anthéa les y attendait, assise, comme à son habitude, sur le haut siège pivotant monté sur rail. Sa fille, appuyée non loin de là contre l'ancien dispositif de Retour dans le Temps, désormais hors d'usage, releva la tête de son ordinateur dés leur arrivée afin de les saluer. Jérémie, installé dans un coin de la pièce entre deux câbles, ne bougea pas le petit doigt, trop concentré sur sa tablette pour leur prêter attention.

- Vous voilà ! lâcha Aelita avec un grand sourire, se relevant en s'étirant pour les rejoindre, on n'attend plus que Yumi pour vous montrer notre travail.

La japonaise ne se fit pas attendre, émergeant du monte-charge à son tour à peine une poignée de minutes plus tard, ses longs cheveux mouillés s'égouttant peu à peu sur le plancher vermoulu. Visiblement, elle sortait tout juste de la douche. Ulrich se surprit à la déshabiller du regard, à la pénombre du laboratoire. Même dans le noir et trempée, elle était magnifique, de cette beauté froide qui caractérise nombre de japonaises en toutes circonstances. Gêné, il se ressaisit rapidement, détournant le regard. Comment avait-il pu oublier à quel point elle était capable de le perturber ?

- Bon, fit brusquement Jérémie, semblant soudain réaliser la présence de ses amis autours de lui, maintenant que tout le monde est là est avant de parler du Skid 2.0 j'ai des petits quelques choses pour vous.

D'un geste impérieux, il fit signe au reste du groupe de faire cercle autours de lui, apposant sa sacoche en cuir au sol. Un tintement sourd s'en échappa. Intrigués, les adolescents lui obéirent sans discuter, Aelita contenant à grand peine un froncement de sourcils méfiant. Le jeune homme ne lui avait pas parlé de cet intermède imprévu.

D'un geste théâtral, l'adolescent ouvrit la poche de son sac, dévoilant enfin son contenu. Odd retint un sifflement estomaqué.

- Eh ben ! souffla-t-il, quand tu fais des cadeaux tu n'y vas pas à moitié toi !

En effet, face à eux, s'étalait une demi-douzaine d'I-pod nano multicolores, tous sertis de leur bracelet-accessoire assortis. Les appareils semblaient neufs, leur minuscule écran carré immaculé étincelant à la lueur des écrans du Supercalculateur.

- Modère ton enthousiasme, Odd, recommanda froidement Jérémie en se servant lui-même au milieu du tas, nouant avec adresse l'I-pod de couleur blanche à son poignet, j'ai modifié ces lecteurs MP3 pour les bloquer sur une fonction précise alors n'espère pas écouter de la musique avec !

Dépité, le jeune homme au béret s'empara du premier appareil violet à sa portée, l'allumant d'un geste impatient pour découvrir effectivement que seule l'application montre fonctionnait. Son excitation retomba aussi sec.

- Et donc ? interrogea Ulrich en examinant de plus prêt un I-pod de couleur verte, c'est quoi l'utilité de ces machins ?

- Vous prévenir efficacement en cas d'attaques de la Green Phoenix sur Lyokô, expliqua Jérémie, non sans un brin de fierté dans la voix, je me suis dit qu'entre les cours et les examens qui approchent, on risque de ne pas avoir la possibilité de se prévenir à temps en cas de problème. C'est là qu'intervienne ces petits bijoux !

- Comment ça fonctionne ? s'enquit Stéphanie, fasciné, en dévisageant un I-pod d'une jolie teinte orangée entre ses doigts.

On aurait dit que Jérémie n'avait attendu que cette question.

- C'est très simple, expliqua-t-il modestement, j'ai relié chacun de ces appareils à la fonction Superscan de mon Supercalculateur. Si le programme détecte une faiblesse dans le Firewall, il enverra aussitôt un signal vers vos appareils et la fonction montre changera aussitôt, affichant le symbole de Lyokô en bipant. Plus efficace qu'un téléphone portable, non ?

- Très, approuva Yumi, impressionnée pour une fois, en glissant à son propre poignet un I-pod d'un noir profond, dommage qu'on n'ait pas eu ça à l'époque de XANA ! Ça nous aurait sacrément aidés !

Aelita, de son côté, scrutait le petit tas d'appareils avec une expression douteuse.

- Je peux savoir avec quel argent tu as pu obtenir un tel stock d'I-pod nano… ? questionna-t-elle à l'adresse de Jérémie, soupçonneuse, rien qu'un seul de ces trucs coûte une fortune !

- J'ai détourné l'argent du lycée, répondit l'adolescent très calmement, s'attirant une grimace offusquée de la part de son ex-petite-amie.

Mathieu, qui avait fait mine de s'emparer d'un appareil bleu, le reposa presque aussitôt, dégoûté. Ce que venait de faire Jérémie n'était ni plus ni moins que du vol ! Vexé, son compagnon de chambre le fusilla du regard.

- Ne me regarde pas comme ça, lança-t-il d'un ton ferme à l'adresse d'Aelita, comment est-ce que tu crois que j'ai pu payer ta scolarité ou ton téléphone avant qu'on ne retrouve ta mère ?

- La situation était différente, protesta la jeune fille, offusquée qu'il se serve d'elle comme argument pour justifier son larcin, tu avais promis de ne plus détourner d'argent depuis l'épisode du TGV l'année dernière !

Jérémie rougit sur le coup face à l'allusion de ce souvenir cuisant dans sa mémoire. L'année passée, à la recherche d'informations sur l'Ermitage, ancienne demeure d'Aelita et de Franz Hopper, le jeune homme avait prit le risque de dérober quelques euros sur le compte de l'internat afin de payer à leur groupe un voyage en train. La tentative s'était dévoilée désastreuse et les adolescents s'étaient retrouvés au poste de police en un quart de seconde. Ils n'avaient du leur salut qu'à une exceptionnelle clémence de la part de l'inspecteur en chef ce soir-là mais l'expérience s'était révélée douloureuse pour le jeune homme, qui avait alors juré de faire preuve de plus d'honnêteté.

Cependant, cette époque était loin derrière lui désormais et la situation avait changée. A l'époque, la menace que constituait la Green Phoenix leur était encore inconnue et aujourd'hui il était convaincu que son choix avait été le bon. Qu'était-ce qu'une poignée d'argent comparé à la sauvegarde de l'humanité ?

- J'ai agi comme il fallait le faire, répliqua Jérémie d'un ton froid, je préfère frauder plutôt que laisser à la Green Phoenix le champ d'agir. Mais si ça peut te rassurer, je rembourserai chaque centime sur le compte de l'école dés que possible… Ça te va ?

Le ton railleur poussa Aelita à ne pas répliquer, désireuse d'éviter un nouveau conflit. Cependant, elle ne parvint pas à faire taire la lueur menaçante étincelant au fond de son regard d'un vert meurtrier.

Du bout des doigts, d'un air profondément dégoûtée, elle finit par céder et par enfiler à son tour l'I-pod rose pâle que lui tendait Jérémie, un sourire triomphal aux lèvres. Qu'est-ce qu'il pouvait l'agacer à se montrer si sûr de lui ainsi !

Eva noua sans se formaliser du vol son propre appareil d'un rouge écarlate autour de son poignet et Mathieu, après une dernière brève seconde d'hésitation, s'exécuta à son tour, se munissant de l'I-pod de couleur bleu, le dernier restant, échangeant des regards incertains avec le reste du groupe. Ils étaient tous parés à faire face à une éventuelle attaque de la Green Phoenix désormais.

- N'oubliez pas de les recharger régulièrement, recommanda une dernière fois Jérémie en distribuant des boites de chargeurs à tour de bras avant d'enfin se retourner vers Anthéa qui attendait patiemment depuis son siège depuis tout ce temps, un air dubitatif sur le visage. Tout comme sa fille, elle n'approuvait guère les méthodes de Jérémie.

- Bien, je pense qu'on va pouvoir revenir au sujet principal de la soirée, annonça-t-elle finalement une fois que le jeune homme aux lunettes eut fini de refermer sa sacoche, à savoir, votre nouveau sous-marin numérique !

Une rumeur excitée monta du groupe d'adolescents qui se massa presque aussitôt devant les écrans luminescents du Supercalculateur, frétillant d'impatience. Satisfaite de son petit effet, Anthéa pressa une touche sur le clavier et une fenêtre s'afficha face à eux.

Yumi et Ulrich écarquillèrent les yeux de surprise. La silhouette en trois dimensions qui tournait lentement face à eux n'avait que très peu de points communs avec le Skidbladnir qu'ils avaient connu autrefois. Odd, quant à lui, arborait un air fier.

- Nouveau design pensé et corrigé par Mathieu et moi, je tiens à la préciser ! affirma-t-il à la cantonade, faisant rougir de gêne son ami aux cheveux auburn sur le coup.

Il disait pourtant en partie la vérité. Durant leur dernière heure de cours d'art plastique, le jeune homme s'était amusé, en suivant les conseils d'Odd, à dessiner la possible nouvelle forme du sous-marin numérique, se basant sur ses descriptions approximatives du Skid précédent. L'adolescent au béret violet avait été tellement impressionné par le résultat final qu'il avait fini par convaincre Mathieu de montrer son croquis à Jérémie. Contre toute attente, ce dernier s'était montré for intéressé par le dessin et l'avait même ramené au laboratoire afin de travailler dessus, laissant son compagnon de chambre béat de surprise. Il était parfois surpris par l'étonnante ouverture d'esprit dont pouvait faire preuve le jeune informaticien quand bon lui chantait.

- Le concept était très bon et nous a bien simplifié la vie, approuva Jérémie simplement, l'idée principal était de se débarrasser des Navskids pour former un seul habitacle commun pour tous. On a aussi supprimé les canons et les armes pour nous concentrer sur les propulseurs.

- Plus d'armes ni de Navskids ? s'étonna Yumi, les sourcils froncés, et si jamais la Green Phoenix nous envoie des monstres depuis le Réseau ?

- On a préféré prendre le risque, expliqua Anthéa d'un ton grave, c'était le seul moyen d'achever la reconstruction du Skid 2.0 assez rapidement pour pouvoir intervenir. De toute manière, en prenant en compte le manque de connaissances de la Green Phoenix concernant la nature du Réseau, cela vaut le coup ! On a pu voir qu'ils n'utilisent les anciens monstres sous-marins qu'à l'intérieur des territoires de toute manière, cela confirme bien notre théorie.

La japonaise s'abstint de tout commentaire mais sa désapprobation était palpable. Pour elle, rien ne valait la prudence, surtout après leur dernière mission désastreuse. Elle aurait espéré qu'Anthéa au moins se montre plus raisonnable que sa fille, mais il fallait croire qu'elle avait nourri de faux espoirs.

Néanmoins, elle devait reconnaître que, depuis l'ordinateur, le nouveau Skid semblait opérationnel et efficace. Les trois informaticiens du groupe avaient bien travaillés !

- C'est du bon boulot, honey, approuva Eva en se lovant contre son petit-ami tandis que Stéphanie félicitait chaudement Mathieu pour sa contribution.

- Alors, sourit Aelita lorsque les éloges se furent tus, maintenant que le Skidbladnir 2.0 est terminé, je pense qu'il est temps de lui trouver un petit nom bien à lui, histoire de le différencier de son prédécesseur… Vous avez une idée ?

- Le Skid n°2, ça ne suffirait pas ? questionna Ulrich, placide.

- Ça risque de nous porter la poisse, désapprouva Odd en secouant la tête, légèrement superstitieux depuis la première version du vaisseau virtuel, et pourquoi pas… Overkill Anihilator ? Ça pète comme nom !

Même Eva, habituellement d'une mièvrerie sans faille face aux idées de son petit ami, ne put retenir une grimace de dégoût. Le jeune homme, ayant baptisé la quasi-totalité des monstres de XANA, était réputé pour son originalité sans faille en matière de noms.

- Bah quoi ? Ça en jetait je trouvais, bougonna l'adolescent face au refus général.

Mathieu eut un sourire amusé. Visiblement, son ami avait réfléchi à ce nom loufoque toute la semaine !

- Je maintiens que le Nautilus passerait très bien, affirma Jérémie d'un ton assuré avant de se faire raillé par un Odd moqueur. Il avait déjà tenté de proposer ce nom à l'époque du Skidbladnir, sans succès.

Un silence lourd de réflexion s'installa très vite sur la salle obscure, chacun cogitant à la lueur verte des écrans.

- J'ai peut-être une suggestion, annonça finalement timidement Stéphanie au bout d'un moment, attirant tous les regards vers elle, Aelita tu… Tu nous as bien dit que ton père s'était sacrifié pour toi afin de vaincre XANA la première fois il y a deux ans ?

La jeune fille se raidit à la mention de son défunt parent. Le souvenir de ce jour maudit restait douloureux dans sa mémoire, malgré toutes ces années. Pourtant, elle se força néanmoins à approuver d'un signe de têt douloureux.

Le visage de Stéphanie s'éclaira alors, déterminé.

- Dans ce cas, fit-elle en se tournant vers les autres, je pense qu'on devrait baptiser ce vaisseau en sa mémoire et l'appeler par son nom… Qu'est-ce que vous en dites ?

Un silence religieux accueillit cette proposition. Anthéa paraissait subitement bouleversée sur son siège. Pendant un instant, Stéphanie crut qu'elle était allée trop loin et faillit se rétracter lorsque Yumi lui saisit doucement les mains, un air apaisant sur le visage.

- Je trouve que c'est une très belle idée, murmura-t-elle doucement, qu'est-ce que tu en penses Aelita ?

La jeune fille paraissait émue au possible, ses yeux d'un vert profond brillant à la lueur des écrans. La proposition inattendue de Stéphanie l'avait touchée plus qu'elle ne l'aurait cru.

- Je… Je suis d'accord, approuva-t-elle en ravalant les larmes qui menaçaient de couler à tout instant, enfin, si ça vous va à tous bien entendu ?

Odd et Ulrich approuvèrent aussitôt vigoureusement tandis que Jérémie se contentait d'un hochement de tête entendu. Personne, mieux que Franz Hopper, ne méritait de donner son nom à leur vaisseau numérique. Le père d'Aelita avait été son idole et tous s'accordaient pour le qualifier de héros. Même Stéphanie et Mathieu, qui ne l'avaient pas connu, semblaient apprécier sa valeur.

Seule Eva émit une petite moue dubitative, mais se résolut finalement à céder face à la majorité.

- Ça fait un peu morbide, commenta-t-elle à voix basse, s'attirant le regard foudroyant de Yumi, mais si ça vous convient…

- Très bien, dans ce cas c'est adopté, approuva Anthéa d'une voix légèrement chevrotante, comme bouleversée, le nom de votre nouveau vaisseau numérique sera désormais celui de « Hopper ».

Finalisant la cérémonie, elle entra les quelques lettres de l'acronyme sur la fenêtre du sous-marin virtuel, achevant de le baptiser officiellement.

Les Lyokô-guerriers se drapèrent d'une minute de silence solennel, en respect pour la mémoire du père d'Aelita. Puis, Odd reprit la parole d'un ton bourdonnant d'impatience.

- Alors ? fit-il, à quand notre nouvelle infiltration d'Endo avec notre Hopper flambant neuf ?

- Pas ce soir en tout cas, l'interrompit Anthéa, lui causant sa deuxième déception de la soirée, j'ai encore quelques tests finaux à lancer avant que notre vaisseau soit pleinement opérationnel. Je vous propose cependant de lancer la mission d'infiltration dés demain, une fois qu'on aura tous pris un peu de repos.

- Parfait, approuva Jérémie en hochant la tête, étouffant un bâillement, ne nous reste plus qu'à désigner qui va y aller et qui va rester en renfort en cas de besoin ! Aelita ? Tu es partante pour une plongée ? On aura besoin d'une informaticienne sur place pour pirater les interfaces.

La jeune fille fronça ses sourcils roses d'un mouvement excédé.

- Et pourquoi tu n'irais pas pour changer ? protesta-t-elle en croisant les bras sur sa poitrine, il faut encore que je travaille sur le nouveau programme de virtualisation et tu t'en es relativement bien sorti la dernière fois dans le monde virtuel, non ? Maman n'aura pas besoin de toi au labo de toute façon…

Jérémie laissa échapper une grimace. A voir son air blême, la perspective de devoir passer de nouveau par un scanner pour se rendre sur l'univers mortel de la Green Phoenix ne l'enchantait guère.

- Tu risques moins que moi là-bas, objecta-t-il, cherchant des arguments à toute vitesse, après tout, tu es la seule que la Green Phoenix ne désire pas tuer, pour une raison qui nous échappe ! Non, il vaut mieux que ce soit toi qui t'en charges.

La jeune fille entrouvrit la bouche mais, ne trouvant rien à redire, finit par abandonner, se contentant de le fusiller du regard.

- Ne t'inquiète pas princesse, la consola Ulrich avec une petite tape amicale sur l'épaule, je viendrais avec toi pour te servir de garde du corps, comme au bon vieux temps ! Si on doit faire face à Angel, je serais sans doute le plus efficace avec mes katanas.

- Je viens aussi ! s'exclama Odd presque aussitôt, levant le poing en l'air, j'ai une revanche à prendre envers la Green Phoenix pour la dernière fois et ça ne me va pas de rester inactif…

- Si Odd vient, alors moi aussi, surenchérit Eva, s'attirant un regard courroucé de la part de Stéphanie.

Anthéa interrompit leur précipitation d'un geste, sévère.

- Non, tous les deux vous resterez dans la team de renfort, imposa-t-elle, ce serait trop risqué d'envoyer tout nos meilleurs éléments d'un coup et vous le savez bien !

Le jeune homme au béret s'apprêta à protester, vexé d'être ainsi mis sur la touche, mais un regard impérieux de la part d'Aelita suffit à le dissuader. Il se mura donc dans un silence boudeur, son américaine de petite-amie tentant de le consoler en lui caressant doucement le bras. Elle-même devait reconnaître qu'elle était plutôt satisfaite de ne pas avoir à risquer sa vie pour une fois !

- Je… fit soudain Mathieu, saisit d'inspiration, est-ce que je pourrais vous accompagner moi aussi ? S'il-vous-plaît… ?

Une demi-douzaine de regards se tournèrent aussitôt vers lui, dubitatifs. Ulrich fronça les sourcils il n'avait pas oublié la perte de sang froid de l'adolescent lorsque ce dernier s'était retrouvé face à Angel et ne voulait en aucun cas risquer un nouvel esclandre. A choisir entre ses deux « élèves », il aurait préférer qu'Eva les accompagne plutôt que Mathieu pour le coup, malgré l'insupportable prétention de la jeune fille.

Stéphanie, de son côté, dévisageait son ami avec inquiétude. Il paraissait déterminé cette fois-ci mais qu'en serait-il une fois sur Endo, confronté à Angel ?

- Tu es sûr de toi ? demanda Anthéa avec insistance, je suis d'accord qu'il serait préférable de former un groupe de trois pour cette mission mais si tu n'es pas capable de contrôler tes émotions…

- Ça ira, affirma Mathieu, dissimulant sa honte comme il le pouvait, j'ai… J'ai fait une erreur la dernière fois et je tiens à me racheter ! Laissez-moi une chance de me montrer à la hauteur…

Ulrich et Aelita échangèrent un regard. L'adolescent paraissait sincère, et un troisième Lyokô-guerrier pour les accompagner ne serait pas de trop. A moins cette fois-ci Anthéa pourrait le dévirtualiser si les choses venaient à mal tourner. Les risques étaient moindre, cela valait la peine de tenter le coup.

- C'est d'accord, approuva finalement la meneuse aux cheveux roses et soyeux, arrachant un grand sourire reconnaissant à Mathieu.

- Parfait, approuva Anthéa d'un air sage, maintenant que les équipes sont constituées… Tout le monde au lit ! Je crois que nous avons tous mérité un peu de repos… On se retrouve ici après vos cours, demain soir !

Un long bâillement approbateur lui répondit et, un à un, les lycéens se dirigèrent en direction du monte-charge, s'étirant avec souplesse. L'informaticienne posa son oreillette et lança quelques programmes tests de base avant de mettre les écrans en veille et de venir les rejoindre d'un pas chancelant. Elle semblait de tous la plus épuisée et Yumi et Stéphanie se hâtèrent de se tasser sur les côtés, la laissant s'appuyer contre la paroi de l'ascenseur, tandis que les portes se refermaient sur eux en coulissant bruyamment, les happant rapidement vers l'extérieur de l'usine, hors de cet espace confiné.


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- Vous êtes prêts ? grésilla la voix d'Anthéa à travers les haut-parleurs.

Ulrich, Aelita et Mathieu, chacun en place à l'intérieur d'un des caissons de la salle des scanners, s'empressèrent d'approuver vivement.

La journée leur avait paru s'éterniser, traînant de plus en plus en longueur. Aussi, lorsqu'enfin la cloche avait résonné, sonnant le glas de leur libération, ils en avaient aussitôt profité pour filer hors de l'établissement, empruntant le passage de la chaufferie afin d'éviter les regards curieux des élèves, profitant tous du beau temps depuis quelques jours en traînant dans le parc. Odd et Eva étaient restés en arrière à l'internat afin de les couvrir au mieux auprès des surveillants, en cas d'éventuel problème.

Anthéa était assise seule ce soir là devant le poste de contrôle du Supercalculateur, pianotant à toute allure sur son clavier. Jérémie avait lui aussi sciemment choisi de rester à Kadic afin, avait-il affirmé, d'avancer un peu sur son TPE en commun avec Aelita, qui avait prit beaucoup de retard avec la programmation du Hopper. Cependant, au fond d'elle-même, la mère de la Lyokô-guerrière aux cheveux roses savait que l'adolescent souhaitait avant tout éviter au maximum la présence de sa fille, avec qui il était plus en froid que jamais.

- Bon, je lance la procédure, affirma-t-elle en rajustant son micro, une fois sur Lyokô vous rejoindrez les plots d'embarquement à l'intérieur de la sphère centrale pour embarquer dans le Hopper… C'est parti !

D'un geste expert, elle sélectionna à l'écran principal les trois cartes représentant les avatars respectifs des Lyokô-guerriers désignés pour la mission. Très vite, et sous l'inflexion de ses doigts courant sur le clavier, les avatars du samouraï, de l'homme-lapin et de l'elfette virtuelle se chargèrent simultanément à l'écran, à mesure que le scan progressait dans la pièce du dessous, jusqu'à enfin s'illuminer tout trois d'une lueur verte rassurante. Tout se déroulant sans accro.

- Virtualisation, acheva Anthéa en pressant la touche « Enter » sans hésiter.

Dans la salle des scanners, les immenses caissons se mirent à vibrer avec force, dégageant une chaleur étouffante dans un vrombissement de fin du monde avant de brutalement s'interrompre, se rouvrant l'un après l'autre en grinçant, vide. Aelita, Ulrich et Mathieu étaient en route pour Lyokô.


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Mathieu fit une longue chute de plusieurs mètres avant de se réceptionner de justesse sur le sol accidenté du monde virtuel, parvenant cette fois-ci à garder son équilibre.

Son esprit mit moins de temps à s'acclimater à l'univers numérique dans lequel il baignait désormais et l'habituel bourdonnement qui le déstabilisait de prime abord s'estompa presque aussitôt.

Clignant les yeux de son double virtuel, le jeune homme se tourna en direction d'Aelita et d'Ulrich, atterris non loin de lui. Tous deux avaient l'air de se porter comme un charme, manipulant leurs avatars à l'apparence juvénile avec autant de facilité que s'il s'était agit de leur propre corps. Mathieu eut un demi-sourire. C'était toujours une sensation étrange pour lui de se retrouver le plus grand du groupe dans le monde de Lyokô.

- Allons-y, proposa Aelita en désignant la sphère centrale.

L'adolescent aux oreilles de lapin tourna les yeux vers le cœur de l'univers et constata, sans surprise, qu'Anthéa y avait apporté quelques ajustements afin de permettre le passage du Hopper. Une grande ouverture protubérante se dessinait désormais à son sommet, pour l'instant fermée par une structure similaire à celle constituant les cubes du territoires, d'un profond bleu parcouru de stries.

La mère d'Aelita avait dors et déjà programmé deux véhicules afin de leur permettre d'y accéder et Mathieu eu tôt fait d'enfourcher l'Overwing, laissant Ulrich prendre son Overbike habituel, le faisant vrombir avec satisfaction.

L'elfe aux cheveux roses déploya ses ailes d'énergie et tous trois se mirent aussitôt en route vers la sphère à demi-effondrée, l'œil aux aguets. Pour l'instant, la Faille au dessus de leur tête semblait calme, pulsant de sa lueur maladive derrière son Firewall. Cependant, ils avaient trop l'habitude du combat pour savoir que la situation pouvait rapidement dégénéré et, malgré la quiétude ambiante, aucun d'entre eux ne baissa sa garde.

Ils arrivèrent néanmoins sans encombre au sommet de la gigantesque sphère centrale, atteignant le passage verrouillé en quelques minutes à peine.

- Je vous ouvre, avertit la voix d'Anthéa, se répercutant à travers la Voûte Céleste.

Presque aussitôt, le sas se mit à trembler, libérant une entrée par laquelle Ulrich et Aelita s'engouffrèrent sans hésiter, laissant leur véhicule à l'extérieur.

Mathieu les imita après une brève seconde d'hésitation, atterrissant de justesse sur une sorte de ponton bringuebalant recouvert d'une texture sombre, légèrement réfléchissante.

Ses amis l'attendaient déjà sur les plots d'embarquement à quelques pas de là, très similaires à ceux qui leur avait autrefois permis d'emprunter la Faille jusqu'à Endo, à ceci près qu'ils étaient deux fois plus nombreux.

Relevant la tête, Mathieu s'apprêta à les rejoindre avant de s'interrompre brusquement, un pied en l'air, le souffle coupé.

Au dessus de lui, prit en tenaille par des sortes de grands piliers articulés, se dressait le Hopper, le dominant de toute sa hauteur avec majesté. L'adolescent se révéla soudain incapable de détacher son regard de l'appareil titanesque, subjugué. Voir sa silhouette en fil de fer depuis un écran était une chose, lui faire face en chair et os virtuels en était une autre !

Le sous-marin tenait plus du vaisseau spatial d'où il se tenait, avec sa forme élancée dont la pointe effilée était dirigée vers le bas. Un enchevêtrement de câbles complexes était visibles à travers les rainures que la coque souples et rutilantes ne parvenait pas à couvrir. Un grand symbole de Lyokô avait été gravé à sa surface entre les phares, étendant ses branches jusqu'à deux grands bras articulés se détachant de ses flancs, sertis de puissants réacteurs amovibles, dirigeables dans toutes les directions.

Enfin, au sommeil de l'appareil, avait été comme enchâssée une sorte de sphère gigantesque, constituée d'une structure bleutée translucide. A y regarder de plus prêt, on pouvait distinguer, à travers les milliers d'hexagones d'énergie la constituant, une grande plateforme destinée à l'embarquement des Lyokô-guerriers. La sphère avait été prévue pour coulisser dans toutes les directions en fonction des mouvements du sous-marin, offrant un champ de vision optimal à 360°.

Malgré lui, Mathieu poussa un soupir admiratif. L'engin était magnifique.

- Joli travail Aelita, complimenta Ulrich qui contemplait également le Hopper depuis sa place, tout aussi subjugué, et toi aussi Mathieu ! Ton design est parfait !

L'adolescent, gêné au possible, choisit de dissimuler son embarras en venant rejoindre ses deux compagnons sur les plots d'embarquement, s'arrachant enfin à la contemplation du sous-marin virtuel.

- Je peux vous transférer ? questionna Anthéa une fois qu'il fut en place à son tour, parfait… Embarquement !

Une colonne de lumière s'éleva du centre de la plateforme, happant Aelita qui disparut sur le coup, bien vite suivie par Ulrich et Mathieu.

Les trois adolescents se rematérialisèrent presque aussitôt à l'intérieur de l'habitacle du Hopper, leur corps virtuel grésillant légèrement sous l'effet du transfert.

La plateforme était circulaire et spacieuse, permettant de loger au moins une dizaine de personnes. L'espace du cockpit avait été très largement agrandi depuis le temps du Skid, permettant désormais d'accueillir l'ensemble des Lyokô-guerriers, anciens comme nouveaux, au grand complet. Un grand nombre de cercles au sol, répartis sur tout le pourtour, délimitait les plots de débarquement sur lesquels Ulrich et Mathieu venaient d'apparaitre, un peu sonnés, tandis qu'un dernier, central cette fois-ci, menait au poste de pilotage.

Ce fut Aelita qui se retrouva aux commandes, dévisageant la nouvelle interface du Hopper avec curiosité. Trois grands claviers ornementés de nombreux boutons blancs hexagonaux s'alignaient devant elle, surplombés par une barre au design épuré rappelant le volant d'une voiture.

Légèrement hésitante, Aelita pressa l'unique bouton rouge d'allumage et plusieurs interfaces gigantesques s'allumèrent aussitôt devant elle et sur les parois de la sphère d'énergie indestructible, indiquant en détails les niveaux de puissance et d'énergie du Hopper, ainsi que nombre d'informations complémentaires que seul un œil aguerri pouvait saisir.

Mathieu s'accrocha à la barre métallique fixée dans le vide face à lui, promenant son regard subjugué d'un écran translucide à un autre. C'était comme se retrouver aux commandes d'un gigantesque vaisseau spatial tout droit sorti d'un univers de science-fiction. Il avait l'impression qu'ils allaient décoller vers les étoiles d'un instant à l'autre.

- Alors, tu démarres, princesse ? lança Ulrich à l'autre bout de l'habitacle, un sourire flottant sur ses lèvres.

- Une minute, intima Aelita d'un air concentré, pianotant sur ses claviers avec hâte, il faut que je m'habitue à la nouvelle interface… Désarrimage !

Elle pressa sans hésiter trois petits boutons blancs sur la console à sa droite et attendit, satisfaite.

Presque aussitôt, à l'extérieur, les piliers maintenant le Hopper en place se replièrent sur eux-mêmes, libérant l'appareil. Aelita pressa deux autres boutons et les réacteurs se mirent aussitôt en marche, propulsant le vaisseau vers le haut.

Lentement mais sûrement, le sous-marin numérique hissant sa grande carcasse à l'extérieur du dôme, débouchant droit sur la Voûte Céleste.

D'un geste peu assuré, Aelita empoigna la barre, la tirant vers elle avec légèreté. Elle n'avait eu l'habitude de diriger le Skid que par le biais de pad directionnel et cette nouvelle interface la déstabilisait quelque peu. Malgré tout, elle trouva rapidement ses marques et dirigea d'une main experte le Hopper jusqu'à l'extrémité du territoire, jouant sur la puissance des propulseurs pour le faire lentement descendre en direction de la Mer Numérique, dont les vagues menaçantes clapotaient en contrebas.

Mathieu retint son souffle, c'était l'instant de vérité.

- Bon, annonça Aelita en inspirant un grand coup, levant la tête vers les interfaces s'affichant sur la voûte du gigantesque cockpit circulaire, Boucliers activés, sonar activé… Stabilisateurs branchés et vérifiés… Axe principal déverrouillé, propulseurs lasers branchés !

Ulrich ne put retenir un sourire en coin. Combien de fois avait-il entendu ces vérifications de routines deux ans auparavant, lors de leurs nombreuses missions dans le Réseau Informatique Mondial ? En cet instant précis, il lui semblait être revenu en arrière dans le temps.

- Tout est OK de mon côté aussi, confirma Anthéa à travers les haut-parleurs du cockpit, vous pouvez y aller !

- Bien, fit Aelita en baissant le guidon, tenez-vous bien, on plonge !

Ulrich et Mathieu s'agrippèrent aussitôt à leur barre métallique respective et, un instant plus tard, le sens de propulsion de l'appareil s'inversa et il fila droit dans la Mer Numérique, la traversant d'un saut comme si rien aucun obstacle n'avait été présent.

Pendant un instant, le jeune homme aux oreilles de lapin crispa les poings sur sa barre, inquiet. Puis, finalement, les particules virtuelles similaires à de petites bulles pixelisées cessèrent de tourbillonner autours de la sphère centrale du Hopper et Mathieu put admirer le saisissant spectacle autours de lui.

- Waouh… lâcha-t-il, incapable de se contenir.

C'était la première fois qu'il observait le Réseau de l'intérieur, contrairement à ses compagnons, habitués à ce décor grandiose, aussi l'immense cité retournée s'étendant à perte de vue dans les eaux profondes d'un bleu azur le subjugua presque instantanément. Aelita et Ulrich échangèrent un regard entendu. Voir Mathieu si fasciné par le Web leur rappelait leur propre état d'intense béatitude, le jour de leur première plongée avec le Skid.

- C'est… Saisissant ! parvint à lâcher le jeune homme au bout d'un moment, incapable de décrocher les yeux de la surface transparente du cockpit, sur laquelle rebondissait par moment les milliers de particules virtuelles perdues dans les méandres du Réseau.

Se retournant, il dévisagea avec autant d'effarement le globe gigantesque rappelant une planète pourvue d'un sas qu'était Lyokô, se rendant à peine compte des manœuvre d'Aelita, qui faisait désormais pivoter la carcasse du Hopper autours de leur sphère, en positionnant la pointe droit devant elle, prête à prendre la route en mode « sous-marin » cette fois-ci.

- En tout cas, le Hopper fonctionne aussi bien que le Skid, annonça-t-elle non sans une pointe de fierté à l'adresse de sa mère.

- Je vois ça, approuva celle-ci depuis son ordinateur, ne traîne pas trop quand même ! La réserve d'énergie de votre vaisseau n'est pas infinie…

Se re-concentrant sur la mission, Aelita passa la main sur un pavé tactile blanc au niveau de son clavier de contrôle central. Aussitôt, l'une des interfaces tapissant la voûte du cockpit fit une embardée pour venir se placer dans la direction de la Faille, serpentant au loin de sa lueur sanguine à travers les banques de données renversées jusqu'à la paroi de Lyokô. Elle n'eut qu'à taper quelques touches du bout des doigts pour verrouiller la position de l'écœurant tunnel, programma la direction d'Endo au sein du radar du Skid.

- C'est parti, annonça-t-elle en enfonçant deux boutons carrés bleus.

Aussitôt, les réacteurs se mirent en marche, dégageant une flopée de particules virtuelles tout en propulsant le Hopper à travers le Réseau, en direction de l'univers virtuel de la Green Phoenix. Ils échappèrent rapidement au champ d'attraction de Lyokô et le sous-marin numérique adopta sa vitesse de croisière, Aelita veillant à rester en vue de la Faille liant les deux univers.

Mathieu, toujours aussi émerveillé, jetait de fréquents coups d'œil autours de lui, dévisageant avec intérêt les arborescences d'informations luminescentes clignotant à la surface des banques de données et les Hubb se dressant au loin entre les immeubles, leurs tuyaux translucides disparaissant dans les hauteurs infinies de la voûte du Réseau. De son œil subjugué, il observa également Lyokô s'éloigner jusqu'à ce que celui-ci disparaisse dans les tréfonds bleutés et opaques de la Mer Numérique.

- Quand je pense qu'on est en train de visiter le Web de l'intérieur, répétait-il sans cesse, visiblement incapable de se remettre de cette expérience saisissante, c'est dingue !

- Reste concentré, intima Aelita en faisant lestement virer de bord le sous-marin, évitant un grand immeuble renversé, une fois sur Endo on n'aura plus le temps de s'émerveiller… C'est une mission sérieuse !

Mathieu se reprit aussitôt, détournant le regard du fantastique décor l'environnant pour le garder rivé droit devant eux. Au loin, la forme sombre et gigantesque de l'univers virtuel de la Green Phoenix se dessinait déjà peu à peu, en tout point similaire à Lyokô vu de l'extérieur.

« Courage Angel, encore un peu et je te sors de là… » songea-t-il avec dureté, une étrange sensation au cœur de sa poitrine.

- Une fois sur Endo, vous devriez restés protégés parle champ d'action du Hopper, avertit Anthéa depuis son poste de contrôle, ce qui signifie que la Green Phoenix ne pourra pas vous repérer tant que votre vaisseau sera entier, ni vous faire disparaître définitivement par une simple dévirtualisation. Faites juste attention aux Méduses et tout devrait bien se passer !

Ulrich, qui s'était tendu à l'approche du monde virtuel, ne s'apaisa pas pour autant, gardant la main sur la poignée d'un de ses katanas.

Lentement, Aelita positionna le Hopper face au sas d'entrée d'Endo, faisant pivoter la coque de façon à placer le centre du symbole de XANA à sa surface en face du verrou. Elle n'eut qu'à presser un bouton pour en faire jaillir un fin faisceau de lumière blanche, analysant en détail sa structure.

Depuis son ordinateur, Anthéa reçut presque aussitôt le flux de données et commença à le décortiquer d'un regard expert, décryptant avec aise le code d'accès.

Quelques secondes plus tard, le rayon éclatait en particules numériques et le sas s'ouvrait en grinçant lentement, déverrouillé, le symbole d'Angel à sa surface libérant l'accès peu à peu.

- C'est parti, grimaça Aelita en poussant légèrement sur le guidon du sous-marin.

Ce dernier, sous son impulsion, s'avança lentement à l'intérieur de la sphère aux dimensions titanesques, disparaissant peu à peu au sein de son éblouissante lumière blanche. Ils eurent à peine le temps de passer que, déjà, le sas se refermer sur eux, les emprisonnant dans les profondeurs de la Mer Numérique d'Endo.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:20   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 40 :

Épisode 139 : Projet ENDO_



- J'en ai maaaaarre !

Odd ponctua sa longue plainte en se laissant tomber sur le lit de Mathieu de tout son long, laissant choir la tablette de Jérémie à ses côtés sur les draps. Ce dernier, assis devant son bureau, ne s'en formalisa pas, se contentant de corriger une ligne erronée de son TPE à l'écran.

Démotivé, le jeune homme aux vêtements violets resté étendu quelques minutes, le regard dans le vide. Il se redressa bien vite en constatant que l'odeur de Mathieu, ayant imprégné son oreiller, commençait à lui faire tourner la tête. Le rouge aux joues, il choisit de faire défiler quelques sites internet sur la tablette de son ami afin de se changer les idées, sans succès. L'image du beau jeune homme aux cheveux auburn et à l’envoûtant regard bleu ciel continuait à flotter devant ses pupilles. Lâchant un profond soupir, il renonça, s'appuyant contre le mur avec nonchalance. Son TPE n'avait pas avancé d'un iota depuis le début de l'heure et il ne parvenait même plus à rester concentré désormais. Autant dire que son oral, d'ici quelques jours seulement, était fort mal parti !

- Eva ne pourrait pas te filer un coup de main ? balança Jérémie sans se détourner de son écran, lassé d'entendre son ami se plaindre derrière lui.

Le jeune homme secoua la tête en signe de dénégation, une moue irritée sur le visage.

- Nope, fit-il, elle est occupée à tenter de convaincre le proviseur de laisse jouer Miss. Pück au bal de fin d'année, elle n'a pas le temps pour notre TPE…

C'était du moins ce qu'elle lui avait raconté mais, plus les minutes s'écoulaient, et plus Odd commençait à soupçonner sa petite-amie de s'être inventée une excuse pour s'esquiver, le laissant se débrouiller seul avec le fastidieux dossier. Depuis son arrivée en France, la sulfureuse américaine ne s'était guère montrée passionnée par les études, il fallait bien le reconnaître…

- J'espère qu'ils s'en sortent à l'usine, commenta Odd à la dérobade, le regard perdu avec envie en direction du ciel bleu filtrant à travers la fenêtre de la chambre.

- C'est une mission de routine et les risques sont minimes, fit Jérémie d'un ton morne, je suis sûr que tout va bien.

L'adolescent aux yeux gris ne répondit rien, se contentant de soupirer. Le scientifique pouvait bien dire ce qu'il voulait, il ne pouvait s'empêcher de se sentir frustré de ne pas pouvoir se trouver lui-même sur place, ne serait-ce que pour avoir des nouvelles des autres, et plus particulièrement de Mathieu. Son attitude, la dernière fois qu'il s'était retrouvé face à Angel, lui était restée en tête et il était persuadé que, derrière son assurance apparente, le jeune homme n'était pas prêt pour une nouvelle confrontation.

Imaginer la peine qu'avait du ressentir son ami en revoyant celui qu'il aimait plus que tout au monde suffisait à lui soulever le cœur. Cela avait du être si dur pour lui de l'abandonner… Lui-même aurait-il pu supporter une telle douleur ? Dire qu'il lui avait crié dessus ce jour-là, lui reprochant son égoïsme… Depuis sa discussion avec Ulrich, il ne pouvait s'empêcher de culpabiliser face aux paroles qu'il avait prononcé. Qu'est-ce qui lui avait pris de s'emporter à ce point ?

Saisissant l'oreiller de Mathieu pour le caler derrière son dos, il détourna le regard en direction de Jérémie. Le jeune homme s'obstinait à lui tourner le dos, raide, concentré sur son travail. Comme à chaque fois qu'il cogitait dur, l'adolescent aux lunettes semblait s'être enfermé dans un autre monde, s'isolant de toute forme d'agitation extérieure en se plongeant dans un mutisme des plus sérieux, son visage pâle et maigre tendu dans une expression plus concentrée que jamais.

Pendant un instant, Odd se contenta de le regarder travailler avec ardeur. Il avait commencé à serrer inconsciemment l'oreiller de Mathieu entre ses bras, recroquevillé contre le mur inconfortable, la tête vide.

- Dis, Jérémie, finit-il par lâcher de nouveau de longues minutes plus tard, j'ai été surpris par la facilité avec laquelle tu as accepté notre croquis, à Mathieu et à moi, pour le Hopper ! Je croyais que tu le détestais ce type ?

L’interpellé soupira, agacé d'être une nouvelle fois dérangé. Il était à peu près aussi en retard dans son dossier que le ES, en raison de son départ précipité de Kadic quelques mois auparavant, et aurait souhaité pouvoir se concentrer pleinement dessus sans qu'Odd ne soit présent pour le distraire aussi régulièrement.

- Je ne le déteste pas, rectifia-t-il finalement, se prêtant au jeu, en recommençant à pianoter sur son clavier, enfin… Disons qu'on a fini par trouver un terrain d'entente tous les deux, rien de plus. On partage la même chambre après tout, on ne peut pas se faire la tête de façon puérile toute l'année !

- Il t'a avoué qu'il était amoureux d'Angel, hein ? devina Odd avec un grand sourire moqueur.

Pendant une fraction de seconde, Jérémie se figea, prêt à démentir, avant de capituler, soupirant une nouvelle fois.

- Oui, j'admets que ça a joué sur la question, avoua-t-il, arrachant un petit ricanement à son interlocuteur, n'empêche qu'il aurait du m'en parler dés janvier… Ça aurait évité par mal de quiproquo !

- Bah, l'homosexualité c'est pas si facile que ça à assumer, fit remarquer Odd d'un ton vague en se grattant le bout du nez, surtout quand on connaît son histoire…

Jérémie n'avait aucune idée de quelle histoire pouvait bien parler son ami mais il n'éprouvait cette dernière qu'un intérêt modéré en comparaison avec son TPE. Forçant son cerveau à se concentrer, il ouvrit de nouveau l'onglet de son navigateur, parcourant les lignes d'un article complexe qui pourrait lui apporter quelques précieuses informations supplémentaires. Odd, de son côté, s'était replongé dans un silence songeur. Sa tablette s'était éteinte et il ne semblait pas disposé à la rallumer de sitôt.

- Dis, je me posais une question… reprit-il soudain d'un ton inhabituellement grave, sans lequel Jérémie l'aurait très certainement envoyé balader, irrité.

Levant les yeux au ciel, il fit l'effort de faire pivoter sa chaise dans sa direction, se détournant momentanément de l'article.

- Oui ? questionna-t-il, désireux d'en finir au plus vite.

Le jeune homme hésita un instant avant de poursuivre.

- Qu'est-ce qui va se passer quand toute cette histoire sera terminée ? lâcha-t-il finalement, je veux dire, une fois qu'Angel sera libéré… Tu penses que Mathieu continuera à nous prêter main forte dans notre combat contre la Green Phoenix ou bien tu crois qu'il retournera à sa vie d'avant, comme si de rien n'était ?

Jérémie haussa un sourcil songeur. Il n'avait jamais pris le temps de réfléchir à la question à dire vrai.

- Eh bien notre histoire ne le concerne pas, concéda-t-il, maintenant c'était aussi votre cas au début quand je vous ais parlé de mon désir de ramener Aelita sur Terre, mais vous avez quand même fini par vous intéresser pleinement à l'affaire, malgré les risques encourus. Tu sais, cette histoire est tellement dingue que je ne pense pas qu'il soit si facile d'y échapper ou de l'oublier… Pourquoi cette question ?

Odd inspira profondément, essayant vainement de se souvenir de son état d'esprit avant sa découverte du Supercalculateur. Il avait la sensation que, du début à la fin, il n'avait eu d'autre but que de s'amuser.

- Pour rien, fit-il finalement, évasif, je m'inquiétais juste pour lui et son obsession pour Angel. J'ai peur qu'il ne finisse blessé à la fin à force de s'intéresser d'aussi près à une histoire qui n'est pas la sienne.

On ressentait au fond de sa voix son profond désir de protéger le jeune homme des risques que lui-même encourrait sans sourciller.

- Tu sais, ce qu'il ressent pour cet Angel n'est pas si différent de ce que je ressentais à la base pour Aelita, parvint à affirmer Jérémie en se retournant vers son ordinateur, blasé, tu ne devrais pas t'en faire pour lui à ce point.

- Sauf que, dans ton cas, fit remarquer Odd d'un ton soudain devenu amer, les sentiments étaient partagés, pas comme pour avec Angel.

- Qu'est-ce que tu veux dire ? s'étonna Jérémie en se détournant de nouveau de son écran, sans parvenir à se maîtriser cette fois, ce type n'est pas amoureux de lui ?

Ce fut au tour du jeune homme en violet d'écarquiller grand ses yeux de surprise.

- Angel ? Bien sûr que non ! Il a même tabassé à mort Mathieu simplement parce qu'il était gay et l'a forcé à quitter son école à force de le harceler ! Pourquoi est-ce qu'il a intégré l'internat de Kadic selon toi ? Il ne t'en avait pas parlé ?

Jérémie paraissait médusé, figé de stupeur sur sa chaise. Cette fois-ci, les TPE venaient de complètement disparaître de son esprit.

- Tu rigoles ? s'exclama-t-il, mais si c'est le cas pourquoi est-ce qu'il lui court après ou même s'inquiète pour lui !? Un type aussi affreux qui a fait de sa vie un enfer… Il est maso ou quoi ?

De façon inexplicable, Odd sentit soudain une bouffée de colère montée en lui contre Jérémie. Comment osait-il traiter Mathieu de la sorte !? Furibond, il réussit néanmoins à conserver assez de sang froid pour répondre calmement, d'une voix triste :

- Je ne sais pas… Je suppose qu'il est trop amoureux pour se montrer lucide dans cette affaire. Sa vision des choses doit être totalement altérée et c'est bien ça qui m'inquiète.

Jérémie ne trouva rien à répondre. Lui-même ne connaissait que trop bien les folies qu'un homme pouvait être conduit à faire par amour. En cet instant, il ressentait pour la première fois un profond sentiment de pitié envers son compagnon de chambre. Le jeune homme était destiné à souffrir quoi qu'il advienne et ni lui, ni Odd n'étaient capables de faire quoi que ce soit pour lui venir en aide, n'en déplaise à l'adolescent.


http://elementaryschool.perso.neuf.fr/code_lyoko/xana.png


Le Hopper émergea de la Mer Numérique de lave sous le ciel d'un rouge décharné du Territoire du Volcan, ne laissant sur son passage qu'une volée de particules numériques.

Aelita, rendue fébrile par l'environnement d'Endo, dirigea d'une main adroite le vaisseau virtuel jusqu'à un haut volcan sombre flottant dans les airs, suffisamment large pour les dissimuler.

- On y est, souffla-t-elle une fois l'appareil stabilisé, qu'est-ce que tu vois sur tes écrans, maman ?

- Pour l'instant la Green Phoenix ne vous a pas repéré semble-t-il, répondit la voix d'Anthéa à travers les haut-parleurs, je détecte la présence de Blocks à quelques kilomètres de votre position mais ils se dirigent dans la direction opposée. Sûrement de simples sentinelles, restez vigilants cependant.

L'elfe rose hocha la tête gravement avant de se retourner vers ses compagnons, restés figés sur le emplacement circulaire respectif.

- Parfait, annonça-t-elle, on va pouvoir y aller… Débarquement !

Elle abaissa aussitôt trois petites manettes sur sa console de gauche et, aussitôt, le corps des Lyokô-guerriers se mit à grésiller d'électricité jusqu'à s'effacer entièrement pour réapparaître à quelques mètres de là, chancelant, sur un plateau accidenté.

Aelita leva presque aussitôt les yeux vers le volcan dissimulant le Hopper avant de se laisser aller à sourire, soulagée. Tout allait bien, on ne pouvait localiser le vaisseau qu'à condition d'en connaître la position exacte depuis leur emplacement.

Ulrich, méfiant, avait déjà dégainé ses katanas et observait avec attention l'environnement, son regard se posant sur chaque pierre, sur chaque crevasse, comme s'il s'attendait à voir surgir un monstre à tout instant.

- Ne traînons pas, intima Aelita en prenant les devants, se mettant à courir en direction de l'extrémité du territoire.

Le samouraï enjoignit Mathieu à lui emboîter le pas avant de fermer la marche, toujours aussi prudent. Cette mesure de précaution se révéla peu nécessaire puisque, bien vite, les trois Lyokô-guerriers se retrouvèrent au bout du plateau sans avoir croisé le moindre monstre. Il fallait croire que le système de dissimulation du Hopper était efficace.

Aelita ne s'arrêta de courir qu'une fois que le dernier volcans flottant dans les airs fut derrière elle, sautant au dessus d'une ultime crevasse pour arriver à l'extrémité du territoire : une pente escarpée plongeant droit vers la Mer Numérique. Prudente, elle se tint à un aplomb rocheux d'un noir de suie afin d'éviter de glisser.

- On y est, annonça-t-elle à l'adresse de sa mère tandis que Mathieu et Ulrich la rejoignait, tu peux nous envoyer le Transporteur.

- Je fais ça dans un instant, répondit la voix distante d'Anthéa Stones, résonnant directement au creux de leurs oreilles virtuelles, par contre il me faut vous prévenir d'une chose…

- Laissez-moi deviner, trancha Ulrich, un rictus inquiet sur les lèvres, en appelant le Transporteur on va révéler notre position à la Green Phoenix, comme la dernière fois ?

L'informaticienne approuva d'un ton sinistre avant de poursuivre :

- Oui, raison pour laquelle vous allez devoir agir vite une fois dans le 5ème territoire d'Endo, affirma-t-elle, j'ai peur que la Green Phoenix ne tente de neutraliser les téléporteurs à l'intérieur des satellites donc ne perdez pas de temps et foncez une fois dans l'Aréna, c'est compris ?

Tendus, les adolescents répondirent néanmoins par l'affirmative.

Sans plus attendre, Anthéa tapa le code Hannibal sur son ordinateur et attendit, fébrile.

Presque aussitôt, une forme sphérique blanche se découpa au loin dans le ciel d'un rouge sanguin du Territoire du Volcan. Le Transporteur fut bientôt clairement visible aux yeux des Lyokô-guerriers, le symbole d'Angel d'un noir d'encre dessiné à sa surface luisant d'une lueur malsaine.

- On y va, affirma Aelita en se détachant du roc, prête à sauter dans la sphère lumineuse.

Celle-ci s'ouvrit en deux à quelques mètres d'eux et les trois adolescents se laissèrent aussitôt happer par sa lumière, disparaissant dans ses entrailles tandis qu'il se refermait tout aussi vite.

Accélérant brutalement, le Transporteur se mit à fuser à travers le territoire, manquant de renverser au passage les Blocks sentinelles, incrédules, un bruit d'alarme tonitruant en toile de fond. La Green Phoenix les avait repérés.

Avant même que les informaticiens aient pu leur envoyer le moindre monstre, la sphère luminescente avait déjà traversé l'intégralité du Territoire du Volcan, disparaissant à travers les couches nuageuses d'un rouge carmin pour se retrouver plongée dans un océan de données numérique. Bien vite, le Transporte émergea de la Voûte Céleste, se dirigeant droit vers le 5ème territoire d'Endo.


http://elementaryschool.perso.neuf.fr/code_lyoko/xana.png


Lorsque Mathieu retrouva ses esprits, il se tenait droit au centre d'une grande plaque circulaire d'un noir de jais, à peine tranchée par le symbole d'un blanc nacré d'Angel à ses pieds. La voûte au dessus de sa tête, constituée d'un assemblage complexe de millier de petits cubes, ne semblait tenir que grâce à l'action de sorte de grosses racines organiques blanchâtres, évoquant un corail gigantesque.

- Vous êtes bien arrivés dans un des planétoïdes du 5ème territoire, confirma brusquement la voix d'Anthéa à ses oreilles, foncez au bout du couloir en face de vous ! Je ne pourrais pas bloquer les tentatives de verrouillage du téléporteur de la Green Phoenix bien longtemps et vous risquez de vous retrouver coincés ici !

S'arrachant à la contemplation de l'Aréna, le jeune homme se mit aussitôt à courir à la suite d'Aelita et d'Ulrich, déjà loin devant lui, s'enfonçant d'un bond à l'intérieur d'un fin couloir sombre.

Ils eurent tout juste le temps de débarquer dans la minuscule salle basse de plafond et de se jeter à tour de rôle dans le téléporteur de forme circulaire au sol avant que la Green Phoenix ne parvienne à se débarrasser des tentatives de piratage d'Anthéa et n'en bloque l'accès, trop tard cependant.

Mathieu sentit son corps virtuel se défragmenter momentanément avant de reprendre consistance dans une colonne de lumière à l'intérieur de la planète principale du territoire désormais, miraculeusement intacte. Il avait fait preuve de temps de précipitation qu'il chuta malgré lui au sol, s'écrasant de tout son long. Compatissant, Ulrich lui tendit néanmoins la main afin de l'aider à se redresser.

- Où est-ce qu'on a atterri ? questionna l'adolescent aux oreilles de lapin, troublé, je ne reconnais pas cette pièce…

Ils étaient en effet positionnés sur une plateforme si fine qu'ils avaient du mal à s'y tenir, longeant un grand mur courbé. Face à eux, le reste de la vaste salle semblait être uniquement constitué d'un grand vide sombre, impossible à percer des yeux. Rien à voir avec l'interminable labyrinthe dans lequel ils s'étaient retrouvés la dernière fois.

- Je vais faire un peu de lumière, proposa Aelita en levant la paume de sa main gantée de rose en l'air.

Son habituel chant de création s'éleva bientôt dans les airs, se répercutant contre les parois en résonnant de façon gracieuse et envoûtante. Très vite, une sphère de lumière se condensa devant elle avant de partir flotter un peu plus loin, se positionnant au centre de la pièce tel un minuscule soleil, la nimbant de sa lueur d'un blanc éclatant. Mathieu poussa un cri de surprise.

Face à eux, jaillissant d'un vide si profond qu'on ne pouvait en distinguer le bout, se dressaient des dizaines de grosses racines irisées similaires à celle du planétoïde, venant s'accrocher au plafond telles des lianes difformes.

Aucune plateforme n'étaient visibles nulle part excepté dans le coin opposé de la pièce, une bonne trentaine de mètre plus loin. Une ouverture s'y dessinait, simple rectangle de lumière juste en dessous d'un interrupteur en forme de symbole d'Angel.

- Une clef ! reconnut aussitôt Aelita, il doit y avoir un compte à rebours à désactiver !

- Exact, confirma Anthéa d'un air inquiet depuis l'usine, vous n'avez que quatre minutes pour la désactiver, avant quoi, la salle risque de se reconfigurer, comme la dernière fois ! Et je ne peux pas vous envoyer vos véhicules d'ici, les codes de virtualisation semblent différents !

- Fichue Green Phoenix, marmonna Ulrich entre ses dents, comment est-ce qu'on va traverser ce vide maintenant ? C'est mission impossible !

Silencieuse, Aelita se contenta d'appuyer sur son bracelet-étoile d'un geste fébrile. Cette fois-ci la chance lui sourit et ses ailes se déplièrent derrière son dos, nimbant les murs sombres l'environnant de leur lueur rose.

- Je vais voler jusqu'à la clef, annonça-t-elle en s'élevant dans les airs, essayez de traverser en vous accrochant à ces espèces de racines en attendant, vite !

Sans plus attendre, elle s'élança en avant à tir d'ailes, se dirigeant tout droit vers l'interrupteur, minuscule point à peine visible au loin.

Ulrich inspira profondément, résigné, avant de saisir soudain le bras de Mathieu, le faisant sursauter.

- Q-quoi… ? questionna-t-il troublé.

- Prépare-toi, se contenta de lancer le samouraï, un sourire étrange aux lèvres.

Sans crier gare, il se mit brusquement à tourner sur lui-même, entraînant Mathieu avec lui, le faisant lâcher un glapissement de frayeur au moment où ses pieds quittaient le sol.

Avec violence, le jeune homme aux cheveux bruns projeta son compagnon en l'air de toutes ses forces, l'envoyant valser droit au dessus du vide. L'adolescent, estomaqué, parvint tout juste à s'agripper à l'une des branches irisées d'une des racines avant de retomber. Il lui semblait que son cœur aurait battu à tout rompre s'il s'était retrouvé dans son corps réel sous l'effet de la peur.

Ulrich, loin de se formaliser de l'état de son ami, prit un peu de recul avant de se propulser à son tour vers un des gigantesques coraux à l'aide de son Supersprint, se réceptionnant d'un geste leste sur une autre branche, à quelques mètres de celle de Mathieu.

Il n'attendit pas longtemps pour repartir, bondissant de racine en racine avec adresse, ne laissant derrière lui qu'une traînée de lumière jaune. Le Lyokô-guerrier aux oreilles de lapin, toujours cramponné sur son maigre support, ne put s'empêcher de se sentir impressionné. Réunissant son courage à deux mains, il se risqua à se hisser sur ses pieds tremblants sur sa branche avant de bondir à son tour vers le corail le plus proche, ignorant la sensation de vertige qui commençait à poindre en lui de son mieux. A sa grande surprise, son saut le mena bien plus loin qu'il ne l'aurait escompté et il faillit manquer la branche qu'il visait, ne s'y réceptionnant une fois de plus que de justesse, dans la position du cochon pendu.

- Ok… murmura-t-il, soufflé, en se redressant fébrilement, dans le monde virtuel les lois de la physique ne sont pas respectées comme sur Terre… Vaudrait mieux que je m'en souvienne la prochaine fois.

Prenant un instant pour calculer son nouveau saut, il tourna la tête en direction de la tâche de lumière rose qu'était Aelita au loin. La jeune fille n'était plus qu'à quelques mètres de l'interrupteur. Encore une poignée de battements d'ailes, et elle l'aurait atteinte.

Alors que le soulagement s'apprêtait à s'emparer de lui, un laser jaillit brusquement de nulle part, venant faucher l'elfe virtuelle droit dans le dos. Avec un cri mêlant effrois et surprise, l'adolescente sentit ses ailes se rétracter et elle se retrouva soudain à chuter droit dans le gouffre sans fond s'étendant sous elle, incapable de reprendre son envol.

- Aelita !

Dans un bond impressionnant, Ulrich se projeta de son corail à toute allure, la réceptionnant tout juste au passage à l'aide de son Supersprint. Son pouvoir faiblit momentanément sous l'effet de la brusque surcharge de poids mais il parvint néanmoins à s'agripper de justesse à la dernière branche d'une des épaisses racines, Aelita agrippée solidement à son poignet en grimaçant, ses jambes pendant dans le vide.

Tournant la tête d'un geste brusque, Mathieu leva les yeux en direction du responsable de se désastre et se figea d'horreur. Au dessus d'eux, glissant sur leur queue métallique, leur gueule béante pointée sur eux, des dizaines et dizaines de Rampant descendaient dans leur direction le long des coraux, leurs pattes fines et souples s'agrippant avec adresse à leur surface iridescente. Ils étaient pris au piège !

Paniqué, Ulrich s'empressa de lancer Aelita en direction de la branche supérieure avant de se hisser lui-même sur son support, dégainant un katana un passage, prêt à combattre. Grand bien lui en pris puisqu'une véritable pluie de laser ne tarda pas à s'abattre sur lui, que seul le plat de sa lame parvint à parer de justesse.

- Eh merde ! hurla-t-il en tentant de renvoyer quelques tirs en direction de ses agresseurs, sans succès, comment est-ce qu'on va se sortir de ça !?

Aelita, à l'abri sous une grosse branche blanchâtre, tentait de retarder la progression des Rampants à coup de Champs de Force tandis que Mathieu, luttant pour garder son équilibre sur son mince support malgré les tirs, absorbait lasers sur lasers, chargeant peu à peu ses armes sans parvenir à répliquer pour autant.

- Vous n'avez plus que 2 minutes 50 pour atteindre la Clef, insista la voix d'Anthéa à leurs oreilles, ajoutant à leur stress, dépêchez-vous !

- Facile à dire, répliqua Aelita alors que le premier Rampant atteignait son niveau, merde ! Champs de Force !

La sphère d'énergie rose vint faucher la créature presque aussitôt que tomba dans le vide en poussant un glapissement rauque, vaincue. Cependant, deux de ses congénères avaient déjà pris sa place, menaçants. Ulrich bondit presque aussitôt au niveau supérieur, les fauchant sur place de son katana. Il profita de leur explosion pour dégainer son second sabre, les dents crispées, alors que cinq nouveaux monstres rampaient dans leur direction.

- On n'y arrivera jamais ! s'écria-t-il en lançant une de ses lames en l'air en désespoir de cause, crucifiant la créature la plus proche sur place.

Mathieu, de son côté, était littéralement submergé par les Rampants, luttant contre leurs pattes et leur queue à coup de poings. Les monstres tentaient de le faire tomber dans le vide !

- Allez-vous en ! hurla-t-il, cédant à la panique, déchargeant ses sphères métalliques dans toutes les directions, sans succès.

Un laser qu'il n'avait pas vu venir, submergé comme il l'était par la masse mouvante des monstres, lui fit soudain perdre l'équilibre et il tomba aussitôt à la renverse dans un cri terrifié, se retenant de justesse à la branche d'une main. Il était à la merci des Rampants désormais !

- Mathieu ! s'écria Aelita, en proie à la panique, couvre-moi Ulrich !

Sans attendre de réponse, elle leva la main dans sa direction et se concentra, son chant de synthétisation s'élevant de nouveau autour de la pièce, tandis que le samouraï parait les lasers du mieux qu'il le pouvait.

Un des Rampants en profita cependant pour se faufiler sur l'autre bord de la racine, déchargeant un tir ultra-concentré droit sur la main de l'elfe rose, lui faisant momentanément perdre sa concentration dans une pluie d'étincelles.

Ce fut le moment où Mathieu lâcha brutalement sa prise sous l'affluence des monstres, chutant droit dans le vide, terrifié.

Il n'eut cependant pas le temps de crier, ses fesses atterrissant avec dureté droit sur une fragile plateforme qui venait de se former à la base de son corail, lui sauvant la vie par la même occasion. Aelita dissimula un sourire triomphal depuis son pose d'observation, elle avait réussi !

Le soulagement de Mathieu fut cependant de courte durée. En effet, sous l'effet de son poids, la plateforme sur laquelle il avait atterri commençait à pencher dangereusement, menaçant de le faire chuter dans le vide. Distraite par le Rampant, l'elfe rose n'avait pas eu le temps de consolider la structure de façon suffisante !

- Saloperie ! grinça Ulrich, tranchant littéralement en deux le monstre responsable d'un coup de sabre, accroche-toi Mathieu !

- Non, attends ! s'interposa Aelita en secouant sa main blessée, levant l'autre d'un geste brusque, laisse-toi glisser et fais-moi confiance ! C'est notre seul chance !

- Quoi !?

Le jeune homme avait l'air peu rassuré mais les Rampants étaient déjà sur lui, le canardant de nouveaux lasers, et il n'avait guère le choix. Crispant les yeux, il lâcha prise et se mit aussitôt à dévaler la plateforme penchée, ne laissant sur son passage qu'une traînée de pixels. Aussitôt, Aelita entama de nouveau son chant de création, son visage crispé sous l'effort.

Sous son injonction, la pente s'allongea brusquement sous Mathieu, se transformant peu à peu en un véritable toboggan le faisant traverser la salle à toute vitesse. Les Rampants encore suffisamment en hauteur pour l'atteindre tentèrent de stopper sa progression d'une nouvelle salve de lasers mais il était trop rapide désormais pour leur permettre de viser comme il le fallait. Aucun tir ne l'atteignit.

- Aelita, tu es sûre que c'est une bonne idée ? s'enquit Ulrich tout en transperçant monstre sur monstre.

En effet, la plateforme-toboggan s'effondrait sur elle-même petit à petit, menaçant de précipiter son hôte dans le vide sous-jacent à tout instant. La jeune fille ne répondit pas, préférant se concentrer sur l'action de son pouvoir. Elle se sentait sur le point de céder et la moindre distraction risquait de s'avérer mortelle pour Mathieu.

Soudain, n'y tenant plus, elle leva brusquement sa main et la pente suivit aussitôt le mouvement, projetant le jeune homme dans les airs à toute allure.

Battant vainement des bras, ses oreilles de lapin fouettant son visage, l'adolescent distingua soudain droit devant lui la Clef, se rapprochant de plus en plus de lui entre les lasers qui fusaient désormais vers lui de toutes les directions, le frôlant tout juste.

Miraculeusement, il eut le réflexe de tendre la main au moment où il heurtait le mur de plein fouet, le souffle coupé, manquant la dévirtualisation de peu. Sa paume s'écrasa littéralement sur le symbole d'Angel, le faisant s'enfoncer dans la paroi d'un coup alors qu'il glissait lentement au sol, ébranlé, le corps parcouru d'étincelles.

- Trente-sept secondes ! annonça Anthéa, un soupçon de soulagement dans la voix, c'était juste mais vous avez réussi !

Profitant de la surprise des Rampants, Ulrich empoigna subitement Aelita, la faisant valser dans ses bras avant de se jeter vers le mur du fond à son tour, lançant son Supersprint au maximum.

Il atterrit de justesse sur le bord de la plateforme, lançant la jeune fille à terre qui le rattrapa de justesse avant qu'il ne bascule en arrière, en direction du vide.

- On file ! intima-t-elle alors qu'une nouvelle pluie de lasers furieux s'abattait sur eux.

Mathieu, encore légèrement étourdi, du se faire traîner par le samouraï à travers l'ouverture, quittant la pièce juste à temps avant que les tirs ne l'atteignent. La porte se referma presque aussitôt sur leur passage, leur arrachant un soupir de soulagement. Ils étaient tirés d'affaire !

D'un geste ample, Aelita décocha un Champ de Force en direction du l'interrupteur à l'autre bout de la pièce dans laquelle ils venaient de déboucher et l'habituel pont se détacha de la paroi, leur déverrouillant l'accès à la salle noyau.

- Pas le temps de ralentir, affirma la jeune fille en poussant Mathieu, épuisé, devant elle, on n'a qu'un temps limité pour traverser !

Effectivement, Ulrich eut tout juste le temps e se jeter à l'intérieur de la sphère au centre de la pièce derrière Aelita avant que le pont ne pivote de nouveau en arrière dans un grincement infernal, leur bloquant toute chance de faire demi-tour.

- Continuons, proposa le samouraï en déglutissant une fois que le silence fut retomber sur le 5ème territoire.

Menant la marche, il s'avança d'un pas prudent le long du couloir de plus en plus sombre, les éclats de son seul katana restant scintillant à la lueur irisée des cubes constituant la voûte.

Enfin, après quelques minutes de marches dans un mutisme réciproque, les trois adolescents débouchèrent dans la minuscule et ténébreuse salle du Cœur. La Tour au halo noir y était toujours présente, se dressant, fière et menaçante, droit au dessus de l'étrange silhouette fœtale brillant faiblement entre ses racines, seule source de lumière de la pièce.

Aelita constata dans un froissement de sourcils que cette dernière paraissait plus nette que lors de sa dernière visite, ses traits semblant nettement plus distincts, ses doigts plus fermes. Quoi que puisse être cette chose, elle gagnait en puissance.

Un frisson la parcourut à mesure qu'elle approchait de la Tour, plus sinistre que jamais. Son étrange halo noir lui donnait froid dans le dos, sans qu'elle puisse expliquer précisément pourquoi. Derrière elle, Mathieu s'était raidit, les yeux obstinément fixés dans la direction de l'édifice blanchâtre. Il savait que, derrière ses parois aussi consistantes que de l'eau, était emprisonné Angel. Pourtant il ne pouvait pas céder, par maintenant. Ils avaient une mission à accomplir…

Détournant le regard, Aelita leva la tête vers le grand trou dans le plafond de la salle les surplombant tous, menant à la salle des Interfaces qu'elle avait entraperçut la dernière fois.

- Maman, tu peux nous envoyer quelques véhicules ? demanda-t-elle en effectuant une légère pression sur son bracelet étoile.

Ses ailes se déployèrent alors que sa mère, obéissant à son invective, virtualisait Overbike et Overboard devant les jeunes Lyokô-guerriers. Mathieu aussi un sourcil circonspect face à la planche violette d'Odd, qu'il n'avait jamais pilotée. Comment allait-il réussir à tenir sur un engin pareil ?

- C'est pas si compliqué, tu verras, le rassura Ulrich en interceptant son regard dérouté.

Son assurance ne l'empêcha pas cependant d'emprunter son Overbike avec un grognement de satisfaction avant de s'élancer à la suite d'Aelita vers l'ouverture hexagonale. Lui-même n'aimait pas beaucoup monter sur le véhicule de son compagnon de chambre, trop instable pour lui.

Mathieu, après une grande inspiration, posa un pied sur la planche flottant à quelques centimètres du sol avant de se hisser dessus, les bras écartés afin de conserver son équilibre. Il se sentit presque aussitôt adhérer à l'engin comme par magie, une sorte d'électricité statique s'insufflant dans ses jambes. Il comprenait mieux désormais comment Odd faisait pour réaliser ses acrobaties sans tomber au moindre virage !

Plissant le visage de concentration, il entreprit de diriger la planche vers le haut et d'activer les réacteurs pour grimper à son tour, cependant la tâche se révéla beaucoup plus ardue. L'Overboard, trop fin, ne cessait de tanguer sous lui si bien qu'il finit par se résoudre à s'accroupir à sa surface, les doigts crispés sur les bords du véhicule, afin d'éviter de tomber en arrière et pouvoir monter plus tranquillement.

Ulrich, déjà posé dans la Salle des Interfaces, observa la manœuvre avec un petit sourire amusé au coin des lèvres tandis qu'Aelita, plus concentrée, se dirigeait déjà vers un des écrans translucides flottant dans les airs. Une simple pression du doigt à sa surface lui suffit à afficher une grande quantité de données, lui arrachant un petit « yes » triomphant. De toute évidence, ce 5ème territoire fonctionnait à l'image de son homologue sur Lyokô et offrait un accès direct aux codes sources de l'univers virtuel, sans avoir besoin de pirater quoi que ce soit !

- Je trouve des traces résiduelles de la Première Ville et du Miroir dans les codes des territoires, annonça-t-elle à voix haute en commençant ses fouilles minutieuses, nerveuse. Les monstres pouvaient débarquer à tout instant ! cela confirme ce que l'on pensait depuis le début : la Green Phoenix a simplement utilisé les travaux de mon père pour la création de ce monde virtuel, raison pour laquelle il est si semblable à Lyokô. Il y a bien 5 territoires également, chacun possédant 10 Tours respectives, dont une de passage, à l'exception du noyau qui lui n'a qu'une seule Tour, la noire qu'on vient de croiser.

- En parlant de cette Tour, dépêches-toi ma chérie, intima Anthéa à travers la voûte de la salle, soudain inquiète, je détecte de l'activité de ce côté-là et j'ai peur qu'Angel n'en sorte pour vous attaquer à tout instant, essaye de m'envoyer un maximum de données…

Mathieu, qui était enfin parvenu au niveau de ses acolytes et venait de sauter au sol, un peu tremblant, se figea tout à coup, inquiet à la perspective de se retrouver face à l'élu de son cœur aussi tôt. Ulrich lui asséna une petite tape rassurante dans le dos, confiant. Tout allait bien se passer.

Pressée par sa mère, l'elfe virtuelle se remit à la tâche de plus belle, s'enfonçant de plus en plus profondément dans le cœur du programme d'Endo. Les fenêtres s'ouvraient et se fermaient si rapidement à la surface de l'interface désormais que les deux Lyokô-guerriers restés en retrait avaient l'impression de ne voir qu'un ensemble de taches floues bleutées et informes défiler devant leurs yeux.

- Ça c'est curieux, commenta soudain Aelita à voix basse, les sourcils froncés en s'arrêtant sur une ligne de codes clignotante, je retrouve des similitudes étonnantes entre la configuration des territoires d'Endo et ceux de Lyokô… Le territoire du Volcan ressemble à s'y méprendre à l'ancien territoire de la Forêt en terme de structure… Voyons pour les autres !

Rapidement, elle décala la fenêtre qu'elle était en train d'étudier sur la gauche et en ouvrit quatre autres. Son visage afficha presque aussitôt un air consterné.

- Quoi ? s'enquit Ulrich, nerveux, son sabre dégainé tout en gardant un œil sur la Tour noire en contrebas, toujours aussi calme jusqu'à présent en dépit des mises en garde d'Anthéa.

- C'est bien ce que je pensais, affirma la jeune fille en guise de réponse, troublée, l'homologue du territoire des Montagnes est celui du Ciel (où se trouvait Eva la dernière fois) et celui de la Banquise est celui des Abysses (le territoire où Odd avait été envoyé). Quant à celui du Désert, il correspond ligne de code pour ligne de code à celui de la Ville, le tient Ulrich… Qu'est-ce que ça peut bien signifier… ?

Soudain, une lueur de compréhension affolée s'alluma au fond du regard d'un vert profond de l'elfe rose. D'un geste précipitée, elle ferma les quatre fenêtres pour ouvrir deux diagrammes d'apparence complexe, pianotant à toute allure à la surface tactile de l'interface, grésillant sous ses doigts. Sous son inflexion, les deux schémas se superposèrent aussitôt et un signe d'erreur menaçant s'afficha aussitôt face à elle, sa couleur rouge tranchant sur le bleu des fenêtres.

Incapable de se contenir, Aelita amorça un pas de recul, horrifiée.

- Maman, je t'envoie ça tout de suite, lança-t-elle d'un ton brusque sans se soucier du regard inquiet qui lui adressèrent de concert Ulrich et Mathieu, il faut que tu vois ça…

A l'instant précis où elle lançait le transfert, une sonnerie tonitruante se mit à retentir dans la salle du Cœur, déchirant les tympans virtuels des Lyokô-guerriers.

D'un même mouvement, tous se tournèrent en direction de la Tour au halo noir sous leurs pieds, crispés. Une série de cercles concentriques d'un bleu lumineux se diffusaient désormais lentement à sa surface, telle l'onde troublant une eau calme et limpide. Délicatement, presque avec grâce, un visage émergea de la paroi de l'édifice, suivi par des épaules certes d'une armure d'or et des bras recouverts d'étoffes noires portant entre leurs doigts fins une faux gigantesque, soigneusement ouvragée.

Angel acheva de sortir de sa prison blafarde en chutant au sol, accroupi, déployant son aile unique d'un geste brusque. Ses paupières s'ouvrir lentement, laissant voir ses pupilles de soleil liquide, vides de toute expression. La Green Phoenix lançait l'offensive !

- Mathieu, couvre-moi ! rugit aussitôt Ulrich, réagissant au quart de tour.

D'un bond, il avait sauté à travers le trou au centre de la pièce, fusant à toute allure vers son adversaire, le katana brandit, prêt à en découdre.

Angel, resté immobile jusqu'alors, riposta avant même que Mathieu ait pu se remettre de sa stupeur, fendant l'air de sa lame avec une rapidité déconcertante. Surpris, Ulrich eut tout juste le temps de parer le coup, un poil trop tard cependant. Des étincelles fusèrent et le samouraï se retrouva à voler à l'autre bout de la pièce, littéralement propulsé par le coup.

Débarrassé de son adversaire immédiat, le captif de la Green Phoenix déploya presque aussitôt son aile ténébreuse avant de s'envoler à toute allure en direction de la Salle des Interfaces. Il fut sur Mathieu en une fraction de seconde, qui, toujours en proie à sa torpeur, ne put que regarder la faux fuser dans sa direction dans un éclair d'or, impuissant.

- Champ de Force !

La sphère d'énergie rose vint cueillit Angel alors que la pointe de son arme n'était plus qu'à quelques millimètres de la gorge de sa cible. Bien qu'en partie absorbé par l'armure sur sa poitrine, le choc projet aussitôt le jeune homme aux cheveux de jais en arrière, le faisant s'écraser en contrebas.

Incrédule, Mathieu se retourna vers Aelita, furieuse.

- Qu'est-ce que tu fabriques !? s'emporta-t-elle, on ne t'a pas fait confiance pour que tu recommences comme la dernière fois ! J'ai besoin que tu me couvres pendant que j'achève le transfert de données, tu penses pouvoir y arriver ?

La remontrance eut l'effet d'un électrochoc sur l'adolescent Secouant brusquement la tête, il fit volte-face vers l'ouverture en forme d'hexagone au sol et se mit aussitôt à décharger ses armes en direction d'Angel, le forçant à parer les lasers absorbés par ses soins sans lui permettre de se redresser. Aelita avait raison, il ne pouvait plus faire preuve d'autant de faiblesse désormais ! Ses amis comptaient sur eux et il devait verrouiller son cœur pour l'instant, quitte à souffrir le martyr une fois la mission terminée.

Profitant de l'ouverture créée par Mathieu, Ulrich, qui s'était relevé entre temps, fonça droit vers l'ennemi à l'aide de son Supersprint et parvint à tromper sa garde momentanément, entaillant son épaule de son katana avant de se faire violemment repousser par un savant coup de pied. Angel semblait indifférent aux étincelles qui jaillissaient désormais de son bras, maniant sa faux avec hautain d'aisance qu'à l'accoutumée.

Parant un énième laser de Mathieu avec une facilité déconcertante, il fendit l'air de son arme et une onde de choc dorée en jaillit aussitôt, forçant le jeune homme à s'écarter de justesse.

- Où tu en es, Aelita ? s'enquit-il tout en vérifiant son stock de munitions. Il constata, avec une moue de dépit, que seuls deux segments étaient encore illuminés de rouge à la surface de ses boules métalliques. Il n'allait guère pouvoir tenir plus longtemps à ce rythme.

- Téléchargement achevé à 82%, affirma l'adolescente du tac-au-tac, tendue, essayez de tenir encore un tout petit peu.

Par chance, Ulrich croisait désormais le fer au niveau inférieur avec Angel, l'empêchant tant bien que mal de monter de nouveau, les éclats bleus et or de leur lame respective illuminant les parois de la pièce.

- Anthéa, vous ne pourriez pas me virtualiser de nouveau mon second sabre !? supplia-t-il en sentant qu'il commençait à flancher face aux assauts répétés de son adversaire. Il avait du mal à tenir le rythme avec un seul katana, bien que cela lui coûtait de l'admettre.

- Je fais ce que je peux ! répondit la voix affairée de l'informaticienne tandis que la barre de téléchargement atteignait les 91% à son écran, patiente encore un tout petit peu…

Cependant, cette poignée de seconde suffit à Angel pour désarçonner son adversaire, faisant valser d'un habile revers de lame son sabre à l'autre bout de la pièce.

S'en désintéressant brusquement, l'ange déchu s'éleva de nouveau dans les airs, fusant droit vers Aelita, sa faux prête à la transpercer sur place.

- 96%... marmonna-t-elle en tapotant l'interface à toute allure, incapable de se détourner.

A cet instant précis, le deuxième katana d'Ulrich se matérialisa dans la paume du jeune homme. Sans attendre qu'il ait fini de se stabiliser, le jeune homme l'envoya d'une main experte vers Angel, lui coupant la trajectoire avec adresse. La manœuvre suffit à le surprendre, le ralentissant de quelques microsecondes. Ce fut suffisant.

Au moment précis où la lame s'abattait sur l'interface, Aelita plongea sur le côté, évitent le coup d'un cheveu. Angel poussa un hurlement de fureur. A la surface de la fenêtre translucide, désormais tranchées en deux par sa faux, s'affichait en clignotant un petit « 100% ».

- Trop tard, le nargua l'elfette virtuelle avec un sourire narquois avant de lui décocher deux champs de force simultanée.

Mathieu en profita, les jambes rendues tremblantes par la proximité du jeune homme, pour le prendre en tenaille avec ses derniers lasers, le forçant à plonger de nouveau en contrebas.

- Parfait, on dégage d'ici ! s'écria-t-il, incapable de supporter le combat plus longtemps, vite !

Mais Aelita s'était figée dans une attitude méditative, son étonnant regard vert émeraude fixé sur la Tour au halo noir quelques mètres en dessous d'elle.

Prenant brusquement sa décision, elle déploya ses propres ailes et s'élança dans le vide malgré les supplications de Mathieu pour se poser juste à côté d'Ulrich qui, ayant récupéré ses deux katanas, tenait désormais Angel en joue, méfiant. Ce dernier jouait avec nonchalance avec sa faux dans un coin de la pièce, l'air profondément ennuyé, semblant se demander à quel moment il allait frapper.

- Aelita, qu'est-ce que tu fous !? grinça le samouraï entre ses dents sans perdre une once de sa concentration pour autant, les doigts crispés sur les poignées de ses armes.

- Je vais essayer d'analyser la Tour noire, annonça-t-elle, déterminée, sans replier ses ailes translucides, avec un peu de chance, je pourrais comprendre ce que la Green Phoenix tente de faire à Angel et trouver un moyen de le libérer de leur influence… Je pourrais peut-être même la désactiver, mais j'ai besoin que tu le retiennes pour moi ! Tu penses pouvoir faire ça ?

Ulrich eut un geste de la tête dédaigneux.

- Moi ? Le retenir ? Tu veux plaisanter, ce sera un jeu d'enfant… Fonce princesse !

Sans crier gare, il activa brusquement son Supersprint, fusant dans une traînée de lumière jaune droit sur son adversaire, toute lame devant. Ce dernier s'était préparée et fendit l'air de son arme au moment précis où le jeune homme arrivait sur lui. Cependant, au lieu de le trancher en deux, la faux sembla le traverser comme s'il n'était plus qu'une simple lumière sans la moindre consistance, se scindant brusquement en trois. L'instant d'après, trois Ulrich encadraient l'ange virtuel, une sabre pointé dans sa direction afin de le tenir à distance, l'autre prêt à frapper, menaçants.

- Vite, Aelita ! lancèrent-ils d'une même voix, pressants.

La Gardienne de Lyokô n'avait pas attendu leur injonction pour foncer, volant à tir d'ailes en direction de la paroi de la Tour. Frustré, Angel, tourbillonna brusquement sur lui-même, fauchant d'un seul coup les deux clones d'Ulrich qui disparurent aussitôt dans une traînée de pixels. L'orignal parvint à esquiver le coup de justesse mais laissa le champ libre au jeune homme pour qu'il décoche une nouvelle onde de choc en direction de l'adolescente en rose, sans cesser de virevolter.

Le jet d'énergie la frôla, décocha une gerbe d'étincelle au niveau de son pied, mais il ne suffit cependant pas à la déstabiliser et elle parvint à traverser la paroi de la Tour de justesse, au moment précis où l'attaque venait s'écraser en une myriade de particules dorées sur le mur couvert de simili-corail d'en face.

Angel sembla brusquement prit d'un accès de démence et, le visage tordu de rage, il se jeta d'un bond à la suite d'Aelita, bien décidé à la réduire à l'état de pixels virtuels. Deux katanas croisés s'interposèrent soudain sur sa trajectoire et il se retrouva soudain prit dans une véritable lutte de puissance avec Ulrich, son visage à quelques centimètres à peine de celui, crispé sous l'effort, du samouraï.

- Désolé, mais on ne passe pas, répliqua-t-il entre ses dents serrés, glissant malgré tout de quelques pas en arrière sous la violence de l'impact.

Mathieu, fiché au bord de l'ouverture en hexagone depuis la pièce supérieure, observait la scène de haut en se rongeant les sangs, incapable de venir en aide à son ami. Il était tellement frustré… Pourquoi, ses armes déchargés, était-il incapable de venir en aide à ses compagnons d'armes ? N'avait-il donc aucune forme d'utilité dans le groupe ?


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Aelita haletait sous l'effet du stress, à genoux au centre de la plateforme circulaire évoquant le symbole d'Angel constituant l'intérieur de la Tour. Elle avait réussi à passer !

Laissant ses ailes se désagréger d'elles-mêmes, elle se précipita presque aussitôt au milieu de la plaque et leva la paume en l'air, déclenchant presque aussitôt l'apparition de l'interface de l'édifice circulaire. Tant qu'Angel n'était pas là pour la protéger, elle pouvait y fouiller tout à son aise, à la recherche de nouveaux indices concernant les mystérieux plans de la Green Phoenix. Cependant, la barrière formée par Ulrich et Mathieu n'allait pas tenir indéfiniment et il fallait qu'elle fasse vite !

Tapotant à la surface tactile avec habileté, elle fit défiler les lignes de code de la Tour, les déchiffrant avec la même aisance que si elle avait été en train de lire une simple comptine. Les symboles en rouge accrochant de temps à autres son regard représentaient les parties du programme modifiées par la Green Phoenix. A partir de ces dernières, qu'elle enregistrait au fur et à mesure sur une fenêtre à part, elle pourrait sans nulle doute parvenir à déchiffrer l'effet que cet étrange halo noir avait sur Angel.

- Contrôle mental bien entendu, déchiffra-t-elle rapidement à voix haute, mais le reste alors… ? Il y a beaucoup trop de code dans ce programme pour se cantonner à ça… Réfléchissons… La dernière fois que je suis venue dans cette Tour, elle était en train d'analyser Angel. Mais pourquoi faire ?

La réponse lui sauta brusquement aux yeux, au détour d'une énième ligne de code. Son poing se crispa aussitôt sur l'interface, furieux.

- Ils sont en train de le copier droit vers le Cœur ! éructa-t-elle, scandalisée, ou du moins les parties de son esprit qui les intéressent ! C'est pour ça qu'il y a une silhouette qui lui ressemble temps entre les racines de la Tour ! Il ne s'agit que d'un ersatz de lui-même, créé artificiellement par la Green Phoenix ! Mais dans ce cas… ?

Elle n'eut pas le temps de poursuivre plus loin ses investigations. Un brusque tremblement de terre secouant l'ensemble de l'édifice, manquant de la désarçonner. Quelques fichiers informatiques parsemant les parois tombèrent dans le vide en se décrochant sous l'impact. Visiblement, le combat gagnait en intensité à l'extérieur.

- Quoi qu'il en soit, je dois désactiver cette Tour, affirma-t-elle, déterminée, en effaçant les traces de ses recherches pour revenir à l'interface principal, ça le libérera de l'influence de la Green Phoenix tout en coupant la copie à coup sûr !

D'un geste sûr, elle apposa la paume de sa main dans un petit carré prévu à cet effet à la surface du panneau de contrôle grésillant et attendit, patiente, que la Tour la reconnaisse, lui permettant de saisir le Code Lyokô, comme du temps où elle luttait contre XANA.

Cependant, à sa grande perplexité, une alarme retentit brusquement et un symbole d'erreur rouge illumina soudain l'interface. Poussant un cri, Aelita retira à toute vitesse sa main, désormais parcouru d'électricité. La Tour venait de la rejeter ! Mais pourquoi ?

- Merde ! s'exclama-t-elle, rageuse, en frappant l'interface de toute ses forces sous l'effet de la frustration, profondément vexée par ce tout premier échec de désactivation, ne parvenant qu'à la faire légèrement vaciller, les clefs d'Endo sont différentes de celles de Lyokô ! Je ne suis pas habilité à désactiver les Tours !

Elle aurait du s'y attendre, songea-t-elle en se mettant à faire les cents pas sur la plateforme, cogitant à toute allure. En fait, plus elle y réfléchissait et plus il lui paraissait évident que la seule personne possédant les Clefs d'Endo et donc à même de désactiver la Tour emprisonnant Angel, était son prisonnier lui-même ! Ingénieux de la part de la Green Phoenix… Ainsi, ils s'assuraient que personne ne viendrait jamais le libérer de leur contrôle. C'était une très mauvaise nouvelle pour eux tous. A ce rythme, Angel ne serait pas libre avant plusieurs dizaines d'années, le jour où une erreur fortuite se produirait dans les systèmes de la Tour. Ils étaient pris au piège !

S'immobilisant un instant, la jeune fille se prit la tête entre les mains, réfléchissant. Comment parvenir à désactiver la Tour sans passer par le Code Lyokô ? Détourner de l'énergie de leur 5ème territoire afin de tenter de l'activer d'eux-mêmes depuis leur Supercalculateur ? Inutile, Lyokô manquait trop d'énergie justement en cet instant précis pour leur permettre de lutter contre la puissance d'Endo. Détruire la Tour ? Avec Angel dans les parages, cela relevait de la mission impossible ! Le jeune homme avait bien réussi à leur tenir tête à tous à lui tout seul.

Aelita se détendit légèrement, désespérée. Ne restait qu'une solution : la destruction pure et simple d'Endo, ceci incluant la Tour noire. Cependant, à supposer qu'ils parviennent à échapper à l'effondrement du monde virtuel sur lui-même, comment parviendraient-ils à tirer Angel de là à temps si ce dernier restait possédé trop longtemps ? Le timing nécessaire à al réussite d'une telle mission nécessitait un véritable miracle ! Cette fois-ci, la situation semblait sans issue.

Plongée dans ses pensées, la Lyokô-guerrière ne sentit pas la seconde secousse arriver et fut cette fois-ci jetée à terre sous le coup de la surprise.

- Aelita, ça commence à chauffer dehors ! résonna la voix de sa mère à travers les parois de la Tour, sort d'ici en vitesse, Ulrich ne va plus tenir très longtemps !

A regret, la jeune fille jeta un dernier coup d'œil en direction de l'interface, semblant la narguer au centre de la plateforme, avant de se redresser et de se précipiter vers la sortie, traversant le mur comme de l'eau. Il ne fallait pas se montrer imprudente dans une situation pareille, elle aurait tout le temps de penser à une solution à tête reposée une fois qu'ils seraient tous de retour à l'usine sains et saufs.

Alors qu'elle émergeait dans la Salle du Cœur, une silhouette jaune vint brusquement s'écraser à ses pieds, percutant de plein fouet une des racines de la Tour en lui arrachant un cri de surprise. Sautant à Terre, elle reconnut Ulrich, visiblement épuisé par son combat, le torse et le dos parcourut d'étincelles bleutés sous l'effet de l'impact. Un sifflement sourd retentit soudain au dessus d'eux. L'elfe rose leva la tête.

- Aelita, fiche le camp ! hurla le samouraï avant de retenir un haut le cœur.

La faux d'Angel venait de fendre l'air, le clouant littéralement au sol. Transpercé de part en part, il regarda avec incrédulité sous corps s'effacer peu à peu sous les pixels avant de disparaître définitivement, laissant son amie seule face à leur adversaire.

Ce dernier, flottant dans le vide à l'aide de son aile unique, retomba brusquement à côté d'Aelita, se réceptionnant sur le manche de son arme avec grâce. Contrairement à Ulrich, il paraissait toujours aussi serin, le visage impassible, comme si son combat n'avait été qu'une formalité.

Arrachant brusquement d'une main sa faux du sol, il fendit l'air devant lui, manquant l'adolescente aux cheveux roses de peu qui, prévoyante, s'était baissée juste à temps.

- Maman, demande à Mathieu de m'envoyer l'Overboard, vite ! s'écria-t-elle alors que la lame s'abattait de nouveau sur elle, à la verticale cette fois-ci. Le rythme d'Angel était trop élevé pour lui laisser un instant de répit et lui permettre d'appuyer sur son bracelet-étoile.

Anthéa n'eut rien besoin de répéter. Mathieu, à l'affut depuis tout à l'heure, propulsa littéralement la planche virtuelle d'un violent coup de pied en direction du sol, visant Aelita au mieux.

La jeune fille profita d'un nouvel assaut d'Angel pour rouler sur le côté avant de sauter à plat sur l'Overboard au moment où ce dernier passait sous elle, le faisant virer de bord presque aussitôt.

Renonçant à la poursuivre à l'aide de son aile, le captif de la Green Phoenix leva brusquement sa main libre en l'air et un véritable vortex de lumière bleu commença à s'y former.

- Accroche-toi, Mathieu ! cria Aelita sans prendre la peine de se retourner, le bras tendu dans la direction de son coéquipier.

Ce dernier le saisit au vol, se laissant emporter par la jeune fille qui, le propulsant dans les airs, se laissa lestement tomber de l'Overboard au moment où l'adolescent retomba miraculeusement debout dessus, le souffle coupé. Sous l'effet de la peur et de l'excitation, il ne songea même pas à se demander comment piloter l'engin diabolique et se contenta de plier les genoux, accélérant quelque peu, tandis qu'Aelita le rattrapait rapidement, ses ailes désormais déployées. Finalement, le véhicule n'était pas si difficile à conduire lorsqu'on évitait de trop réfléchir… La sortie était désormais visible au dessus de leur tête, véritable pluie de lumière menant à la Voûte Céleste.

Un cri strident retentit soudain derrière eux, les faisant se retourner aussitôt.

Une dizaine de Mantas jaillissaient l'une après l'autre de la paume levée d'Angel, se lança à leur poursuite de toute l'ardeur de leurs ailes ondulantes, leur fin museau illuminé de rouge. Elles allaient tirer !

- Mathieu, tes armes ! s'exclama Aelita en joignant aussitôt deux champs de force, forgeant son habituelle système de protection rudimentaire.

L'adolescent ne chercha même pas à réfléchir et tendit les bras en arrière, déverrouillant dans un déclic ses sphères vides à son poignet. Grand bien lui en pris puisqu'une quantité phénoménale de lasers s'abattit brusquement sur eux, venant remplir ses munitions à vue d'œil.

La meneuse aux cheveux roses parvint à parer habillement quelques coups avant de se faire toucher au creux du ventre dans un glapissement sourd. Ses ailes disparurent presque aussitôt, se rétractant dans son dos, mais elle parvint néanmoins à se réceptionner de justesse à la surface de l'Overboard, guidé désormais d'un pied de maître par un Mathieu Survolté, déchargeant ses lasers à toute allure à mesure que ses armes se remplissaient. Malheureusement une seule Manta fut touchée, explosa devant ses congénères, les poussant à se stopper momentanément dans leur poursuite. L'adolescent, plus paniqué que jamais, en profita pour franchir d'un saut l'ouverture au sommet du 5ème territoire d'Endo, débouchant enfin à l'air libre.

- Plus que 20 Points de Vie Aelita, fait attention ! prévint la voix d'Anthéa tandis que les deux adolescents se laissaient aller à décompresser légèrement, profitant de la quiétude momentanée qui s'offrait à eux.

Un pincement au cœur saisit Mathieu sous la myriade d'étoiles que constituaient les fichiers de la Voûte Céleste. Une fois de plus, il était contraint de laisser Angel derrière lui, sans n'avoir rien pu faire…

Perdu dans ses sombres pensées, il perdit momentanément sa concentration et ne vit pas les deux Mantas se dresser de part et d'autres de lui, tentant de le prendre en tenaille !

- Mathieu, attention !

Aelita n'eut le temps que de lancer un seul champ de force, détruisant la Manta de droite tandis que celle de gauche l'atteignant en plein entre les omoplates, lui coupant le souffle sur place.

Rageur face à son soudain manque d'attention, le conducteur de l'Overboard lui décocha un laser, la faisant imploser à son tour, avant de se retourner prestement vers son amie, inquiet. Celle-ci, les sourcils levés en une expression légèrement décontenancée, observait son corps d'avatar s'effacer lentement sous ses yeux, laissant derrière elle une traînée de pixels.

- Aelita, non… ! s'écria Mathieu en tentant de saisir sa main, comme pour a forcer à rester dans le monde virtuel. En vain, ses doigts ne rencontrèrent que du vide, traversant la silhouette en fil de fer de la jeune fille.

- Mathieu… rejoins vite le Hopper, recommanda avec un bref sourire l'elfe rose avant que les pixels n'atteignent finalement sa tête, la faisant disparaître entièrement.

Pendant une horrible seconde, le jeune homme réalisa qu'il était seul au milieu d'Endo et il manqua de faire une embardée sur son Overboard sous le coup de la panique. Comment faire ? Sans Aelita, jamais il n'arriverait à rejoindre le sous-marin numérique ! Et quand bien même il s'en révélerait capable, il n'avait aucune idée de comment le piloter !

Dans son dos, de nouveaux cris stridents lui indiquèrent que le reste des Mantas invoquées par Angel l'avaient rattrapé, mais sa tête demeura vide, l'empêchant de se préparer. C'était la première fois qu'il se retrouvait seul en mission dans le monde virtuel et cela ne lui disait rien qui vaille…


Dernière édition par Zéphyr le Sam 23 Avr 2016 15:22; édité 1 fois
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:21   Sujet du message: Répondre en citant  
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Aelita se laissa tomber de son scanner en crachotant, les jambes fauchées, la respiration saccadée. Son cœur battait beaucoup trop vite et elle avait l'impression que ses yeux allaient se révulser sous l'effet de la douleur imprégnant chaque cellule de son corps. Elle accueillit néanmoins avec un certain soulagement la sensation de métal brûlant transperçant ses genoux et l'air âcre et empli de fumée qui emplissait désormais ses poumons. Elle n'avait jamais vraiment pu se faire à l'environnement sans saveur de Lyokô et ses mèches trempées de sueur collant contre son front lui semblaient une bénédiction en comparaison avec ce simulacre de cheveux solides qu'elle arborait dans le monde virtuel.

La douleur reflua peu à peu et sa tête cessa enfin de tourner, lui permettant de distinguer de nouveau son univers normalement. Ulrich était assis dans un deuxième scanner à quelques mètres d'elle, récupérant peu à peu, livide, son T-shirt rendu moite par la transpiration dessinant à la perfection ses muscles saillants.

A sa grande surprise, Aelita constata qu'une troisième personne se trouvait également dans la pièce, penchée dans sa direction d'un air inquiet, son interminable couette unique flottant dans les airs sous le souffle s'échappant encore du scanner.

- J'ai fait aussi vite que j'ai pu pour venir à l'usine après les cours, je voulais voir comment ça se passait, expliqua-t-elle sans attendre de question, tout en aidant la jeune fille à se redresser, un voile de panique au fond du regard, où est Mathieu ?

- Toujours sur Endo, répondit l'adolescente lorsqu'elle eut retrouvé un semblant de souffle, et il faut à tout prix qu'il y reste pour le moment si on veut parvenir à ramener le Hopper ! Pas question qu'il subisse le même sort que le Skid dés sa première mission !

- Mathieu est seul ? s'exclama Ulrich d'une voix faible, se hissant sur ses jambes tremblantes avec difficulté, il n'arrivera jamais à s'en sortir ! Il vaut mieux le ramener tout de suite avant qu'une Méduse ne surgisse et ne l'attrape ! Je vais prévenir Anthéa, tant pis pour le Hopper !

- Non ! l'interrompit presque aussitôt Aelita alors que le jeune homme, dont le sens de l'équilibre n'était pas encore tout à fait de retour, trébuchait contre la paroi de son scanner, il est justement impératif que le Hopper reste intact pour le moment ! S'il est détruit on n'aura jamais assez de puissance pour le programmer de nouveau, ou du moins pas avant une éternité ! Le Supercalculateur a été trop affaibli par le Code Down l'année dernière pour nous permettre ce genre d'erreur.

Renonçant à se relever, Ulrich se contenta de fixer le sol de la salle brillamment éclairé d'un œil sombre. On pouvait lire l'inquiétude dans son regard.

- Ne t'en fais pas, fit Stéphanie presque aussitôt d'un ton qui se voulait rassurant mais dans lequel on percevait des accents peu assurés, Mathieu est plus capable que vous ne le pensez ! Je suis sûr qu'il va s'en sortir.

Le jeune homme eut une moue peu convaincue mais se retint néanmoins de répliqué, refrénant ses à-priori. Qu'il ait raison sur le compte de Mathieu ou que Stéphanie dise vrai, cela n'avait guère d'importance. Il fallait que leur ami réussisse à sortir d'Endo en un seul morceau avec le Hopper, c'était leur seule et unique chance. Il ne leur restait donc plus qu'à croire en Mathieu, ne leur en déplaise.

Ulrich leva les yeux en direction de la trappe menant à la salle de contrôle du Supercalculateur, son cœur battant sourdement dans sa poitrine. Il ne croyait pas en l'existence des miracles mais, en cet instant précis, il aurait tout donné pour que l'un d'entre eux ait lieu.

Lorsqu'ils remontèrent à la pièce supérieure par le biais de l'élévateur après avoir récupéré, ce fut pour trouver une Anthéa en pleine argumentation avec un Mathieu visiblement paniqué, les yeux rivés sur son écran. Elle avait l'air en pleine effervescence et leur accorda à peine un regard avant de continuer à crier des conseils à travers son micro.

- Mathieu écoute, il faut que tu te calmes ! Concentre-toi sur la mission avant tout ! Maintenant que tu as passé le tunnel tu as au moins les Mantas en moins aux trousses, il faut juste que tu arrives jusqu'au Hopper que je puisse t'y transférer… Je te guiderais d'ici là ! Ait confiance en toi !

- Comment ça se présente ? s'enquit Aelita en se précipitant aussi vite que ses jambes, encore un peu faibles, le lui permettait jusqu'au poste de contrôle.

Anthéa secoua la tête d'un air navré.

- J'ai détecté la présence d'une Méduse à ses trousses, lâcha-t-elle d'un ton sombre, simplement.

Ce fut comme si un courant d'air glacé venait de s'infiltrer dans les profondeurs de l'usine. Stéphanie avait plaqué ses mains sur sa bouche, tétanisée dans une expression de terreur sourde, tandis qu'Ulrich s'était raidit sur place, inquiet.

- Appelez l'équipe de renfort ! intima-t-il d'une voix sourde, saisissant le siège de l'informaticienne d'un geste autoritaire, maintenant !

- Non, protesta la mère d'Aelita d'un ton ferme, dardant ses yeux d'un bleu de glace droit dans ceux du jeune homme, Mathieu n'est qu'à quelques dizaines de mètres du Hopper. Il y sera dans cinq minutes, inutile d'affoler les autres sans raison !

- En plus, les Première ont encore cours à cette heure, tenta de raisonner Stéphanie timidement.

Ulrich lâcha une sorte de grognement de frustration étrange, s'éloignant d'un pas vif. Il ne pouvait pas supporter toute cette tension, néanmoins Anthéa avait raison sur un point. S'il annonçait à Odd que Mathieu était seul sur Endo et prit en chasse par une Méduse, ce dernier risquait de commettre une bêtise en se précipitant, compte tenu de ses sentiments troublés. Mieux valait le laisser en dehors du coup pour l'instant. Et il était hors de question de prévenir Eva, jamais l'américaine n'accepterait de risquer sa peau pour l'adolescent sans avoir son petit-ami à ses côtés, et encore !

Le regard chocolat d'Ulrich s'illumina soudain dans la pénombre, triomphant. Il ne restait plus qu'une solution pour débloquer la situation.

- Dans ce cas n'appelez que Jérémie, proposa-t-il avec espoir, lui au moins saura comment piloter le Hopper vu qu'il a aidé à la programmation, et il pourra venir en aide à Mathieu en cas de soucis !

Anthéa échangea un regard circonspect avec sa fille, peu convaincue. La proposition du jeune homme était tentante, mais Jérémie restait néanmoins un novice en matière de combat virtuel et son envoi sur Endo risquait de causer plus de problèmes qu'autre chose.

- Entendu, finit cependant par céder la meneuse du groupe, sous l'air consterné d'Aelita, tu t'en charges Ulrich, moi je dois guider Mathieu à tout prix !

Reconnaissant, le jeune homme dégaina presque aussitôt son téléphone et composa le numéro du petit génie, qu'il connaissait toujours par cœur depuis le temps. Il n'y avait pas de temps à perdre, une vie était en jeu !


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Mathieu fonçait à la surface du Territoire du Volcan, son Overboard soulevant sur son passage une traînée de poussière numérique noirâtre, inspirant profondément à intervalles réguliers afin de tenter de juguler sa peur. Ses oreilles de lapin, battant l'air derrière lui, lui semblait une cible facile et il pestait intérieurement contre l'inutilité de son avatar virtuel. Pourquoi ne pouvait-il pas être un samouraï surpuissant, à l'image d'Ulrich, ou un homme-félin à l'agilité remarquable, comme Odd ? Il s'en serait sans nul doute beaucoup mieux sorti dans une situation pareille.

Derrière lui, un glissement sourd l'informa que la Méduse qui l'avait repéré, ennemi invisible dont il ne voyait toujours pas l'ombre d'un tentacule, gagnait du terrain, lui arrachant un frémissement de terreur. Il arqua encore un peu plus les genoux sur sa planche de surf volante, mais celle-ci était déjà projetée à vitesse maximum.

- Anthéa, le Hopper est encore loin ? questionna-t-il d'une voix tendue en évitant de justesse un gros rocher sur sa trajectoire.

Il avait l'impression que tout se ressemblait autours de lui, impossible de différencier un volcan d'un autre ! Où pouvait bien se trouver ce fichu sous-marin numérique ?

- Plus vraiment, répondit la voix déformée par le micro de son infortunée guide, tourne à gauche en arrivant au prochain plateau puis… Non ! Attends, freine !

Mathieu, surpris par l'ordre sec de l'informaticienne, pila sur place et manqua de chuter de son véhicule. Il se rattrapa néanmoins de justesse et vint positionner l'Overboard derrière un grand roc grisâtre, cerné par un ensemble de crevasses calcinées et rougeoyantes. Prudent, il jeta un œil par-dessus son abri afin de s'enquérir du danger repéré par Anthéa et retint un juron apeuré. Il avait eu bien fait de suivre ses conseils aussitôt et de s'arrêter !

Face à lui, s'étendant sur toute la longueur du plateau inférieur, se dessinaient les silhouettes écarlates de dizaines de Krabes, alignés dans une sorte de garde-à-vous funestes, leur immonde tête plate couvertes d'une coque purulente de pustules tournées dans la direction du ciel à la lueur sanguine, guettant son arrivée de leurs six yeux glauques et vides.

Inquiet, Mathieu jeta un coup d'œil inutile en direction de ses réserves de munition. Huit segments étaient encore illuminés de rouge. Huit lasers de Manta en réserve contre toute une armée de Krabes ! Autant dire que la Green Phoenix l'avait pris au piège désormais, jamais il ne pourrait franchir une telle barrière sans se faire dévirtualiser, ou pire…

- Tu ne peux pas rester là ! fit la voix d'Anthéa, nerveuse à travers le territoire, la Méduse n'est plus qu'à quelques mètres de toi et il ne faut surtout pas qu'elle t'attrape !

Paniqué, le jeune homme lança aussitôt un regard circulaire derrière lui, mais il ne rencontra que le vide désolant du territoire du Volcan. La créature était toujours hors de vue… Où pouvait-elle bien se cacher ? Cette incertitude constance, associée à la peur de voir ses tentacules jaillir soudain d'un rocher pour l'emprisonner dans leur étau rendait le Lyokô-guerrier en herbe extrêmement nerveux.

- Qu'est-ce que je fais maintenant alors ? questionna-t-il d'un ton frôlant l'hystérie, trépignant du pied sur place.

- Commence par te calmer ! fit Anthéa d'un ton sec, on va essayer autre chose… Le Hopper a une portée de plusieurs mètres, il n'est donc pas nécessaire que tu te retrouves juste en face de lui pour que je puisse t'y transférer. Tu vois où je veux en venir ?

Mathieu se força à reprendre le contrôle de ses nerfs, fermant un instant les yeux en se massant les tempes. Ce geste n'avait aucun effet sur son avatar virtuel, rigide des pieds à la tête, mais lui permettait au moins de s'occuper l'esprit et de penser à autre chose qu'à la Méduse qui rôdait quelque part autour de lui, attendant le bon moment pour fondre sur sa personne.

- Oui, finit-il par répondre d'une voix sensiblement plus détendue, sérieux, il faut que j'arrive à m'avancer suffisamment pour être à portée des radars du Hopper… Il y a un autre passage ?

Le sourire approbateur d'Anthéa fut sensible, même à travers le micro. Elle était fier du self-control du jeune homme !

- Fais demi-tour et prends la route vers l'ouest, ordonna-t-elle, tu y trouveras un sentier qui mène à un autre plateau par lequel tu pourras t'approcher du volcan sans être vu par les Krabes dans l'immédiat. Après ce sera une question de timing, tu penses pouvoir y arriver ?

- Il va bien falloir, marmonna le jeune homme entre ses dents tout en faisant virer de bord son Overboard dans la direction indiquée par l'informaticienne.

Il allait devoir continuer à s'accrocher sur Endo encore un moment !


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La porte du laboratoire s'ouvrit sur un Jérémie à l'air passablement agacé, adossé contre la paroi du monte-charge, les bras croisés sur sa chemise bleue. La température avait grimpé en flèche au cours des derniers mois si bien qu'il avait renoncé à porter son pull habituel, arborant un look plus décontracté.

- Bon, alors c'est quoi l'urgence ? fit-il en s'avançant d'un pas dédaigneux, les mains dans les poches de son jean, à travers la pénombre de la salle en direction de ses compagnons, attroupés autours d'Anthéa dans un silence angoissé.

- Mathieu est coincé seul sur Endo, résuma l'informaticienne d'un ton pressant, on a besoin que tu te virtualises pour piloter le Hopper le plus rapidement possible, tu penses en être capable ?

Le visage de Jérémie sembla soudain se décomposer à la lueur blafarde des écrans. Pendant un instant, il ne trouva rien à dire, visiblement déchiré entre son envie de voler la vedette à son compagnon de chambre et sa peur panique à l'idée de devoir se retrouver enfermé dans un scanner de nouveau.

- Je ne sais pas si c'est une bonne idée, lâcha-t-il d'une voix mal assurée, je n'ai jamais eu à piloter le moindre engin dans le monde numérique et puis… Vous ne pourriez pas envoyer Aelita plutôt ?

La jeune fille en question leva les yeux au ciel, excédée.

- Je viens d'être dévirtualisée, tu veux me faire avoir une crise cardiaque à coup sûr en me renvoyant là-bas ? le fustigea-t-elle d'un ton cinglant avant de se retourner vers le reste du groupe, dédaigneuse, laissez tomber, je vous avais dit qu'il ne voudrait pas nous venir en aide sur ce coup.

Le visage de Jérémie s'empourpra et il se redressa presque aussitôt, profondément vexé. Comment Aelita osait-elle prétendre qu'il ne tenait pas à cœur leurs intérêts après toutes ces années ?

- Anthéa, faite chauffer les scanners ! grommela-t-il en tentant de se donner une contenance, je vais y aller, piloter le Hopper, et sans problème !

Et, sans attendre la réponse de l'informaticienne, le jeune homme fit demi-tour en direction de la trappe au sol menant à la salle inférieure, dégageant l'ouverture d'un coup de pied rageur en direction des câbles l'encombrant, sous le regard médusé de ses condisciples.

Ce ne fut que lorsque sa dernière mèches de cheveux blonds eut disparu à l'intérieur du passage que Stéphanie prit le risque de se retourner vers Aelita, les sourcils froncés. La jeune fille aux cheveux roses arborait désormais un étrange sourire indécis sur les lèvres.

- C'était quoi, ça ? s'enquit la gothic lolita, soupçonneuse.

Son amie de Première laissa échapper un petit rire.

- Il avait besoin d'un petit stimulus, j'ai pensé que ça ne lui ferait pas de mal de se prendre une « claque » pour une fois ! annonça-t-elle simplement avant de s'intéresser aux écrans de nouveau, comme si de rien n'était.

Stéphanie semblait partagée entre l'admiration et le scrupule tandis qu'Ulrich, de son côté, retenait à grand peine un sourire moqueur. La nouvelle relation qui unissait désormais Jérémie et Aelita était inédite pour leur groupe et promettait d'être quelque peu intéressante à l'avenir ! Une chose était certaine aux yeux du jeune homme, les deux adolescents n'en avaient pas fini l'un avec l'autre, loin de là.


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Jérémie se rematérialisa les bras en croix, au sommet du cockpit du Hopper. Chutant dans le vide, il n'eut pas le temps de se reprendre et s'écrasa lamentablement au sol, comme lors de ses précédentes virtualisations. Un juron lui échappa, il avait l'impression d'être plongé dans un liquide saturé en électricité et un son horriblement strident résonnait à ses oreilles. S'asseyant sur le plateau circulaire qui constituait l'intérieur du vaisseau, il attendit patiemment que son esprit s'adapte à son avatar virtuel, le débarrassant de cette affreuse sensation d'emprisonnement, se remettant peu à peu de son passage au scanner. Une fois de plus, la dématérialisation avait été pour lui une véritable épreuve.

- Je suis dans le Hopper ? s'enquit-il avant de le regretter presque aussitôt. Il avait oublié à quel point sa voix paraissait enfantine, coincé comme il l'était dans cet avatar désuet.

- Oui, affirma Anthéa à ses oreilles, le faisant grimacer, vu qu'il est directement lié à Lyokô j'ai pu t'y transférer, même si ça a pris un peu plus de temps que d'habitude. Comment tu te sens ?

D'un regard las, Jérémie observa ses minuscules mains gantées de vert et ses ridicules chaussons à extrémité en tourbillon de lutin pointant sous lui. Il avait toujours l'air aussi ridicule…

- Aussi bien que ça puisse aller compte-tenu des circonstances, lâcha-t-il finalement d'un ton âcre avant de se redresser et de se diriger vers le poste de contrôle au centre de l'appareil, sans se formaliser de la beauté envoûtante de sa création, bon, il est où Mathieu ?

- Il arrive, répondit la mère d'Aelita de façon évasive, laissant l'adolescent rallumer d'une main experte les écrans du Hopper.

Jérémie eut un petit sourire en constatant que l'interface de leur sous-marin numérique était aussi simple d'utilisation qu'il l'avait escompté. Même virtuel, il n'avait aucune peine à reconnaître les fonctions et boutons qu'il avait lui-même programmer. Sortir le vaisseau d'Endo allait se révéler être un jeu d'enfant, pour un peu que Mathieu parvienne jusqu'à lui rapidement.

Ce dernier tardait à se montrer, serpentant avec difficulté à travers le terrain accidenté du territoire du Volcan. Le chemin que lui avait indiqué Anthéa était loin d'être facile d'accès, aussi l'adolescent devait-il redoubler de prudence, sous peine de se voir propulser hors de son Overboard à tout instant.

- Je suis encore loin ? questionna-t-il en virant de bord sur un sentier étroit, juste au dessus de la Mer Numérique de lave, bordés d'une rangée de cratères crachant des trainées de souffre pixelisées à intervalles réguliers.

Un crissement juste à côté de lui lui fit tendre l'oreille mais, une fois de plus, la Méduse demeurait hors de vue, s'amusant à jouer avec ses nerfs plus qu'autre chose. Cela avait le don de le mettre hors de lui et il se sentait de plus en plus nerveux à mesure que le temps passait.

- Plus très, répondit finalement Anthéa après une rapide vérification sur sa carte tridimensionnelle, Jérémie vient d'arriver pour piloter le vaisseau aussi donc tu ne devrais pas avoir de soucis…Si tu veux que je te rematérialise immédiatement ?

Mathieu freina légèrement, frustré. Lui qui s'était démené avec tant d'ardeur pour arriver jusqu'au Hopper se retrouvait désormais mis de côté comme si de rien n'était ! N'aurait-ils pas pu le prévenir de la venue de son compagnon de chambre auparavant ? Il y avait de quoi être agacé.

- Non, s'obstina-t-il, maintenant que j'ai fait tout ce chemin je… AAAARGH !

Le cri résonna à travers le casque d'Anthéa comme une horrible plainte à glacer le sang. Rapidement, la mère d'Aelita se mit à pianoter sur son clavier, le cœur battant à toute allure, lançant un scan du terrain. Stéphanie, horrifiée, s'était mise à se cramponner sur sa chaise, blême.

- Quoi ? Qu'est-ce qu'il se passe !? s'énerva-t-elle, sous pression.

Anthéa paraissait littéralement sous le choc, ses doigts tremblants au dessus des touches. Sa fille l'écarta brusquement de devant les écrans afin de mieux juger de la situation elle-même, et son visage se décomposa.

- Oh non, souffla-t-elle… La Méduse…

- Elle était cachée derrière les traînées de souffre, ça masquait son signal ! se lamenta Anthéa en se prenant la tête entre les mains, pourquoi n'y ais-je pas pensé plus tôt !?

Stéphanie blêmit à son tour, tandis qu'une icône représentant la tête de l'avatar virtuel de Mathieu s'affichait devant elle, une barre de chargement se vidant peu à peu sur le côté. La créature avait réussi à s'emparer de son ami !

- Ça va aller, tenta de rassurer Aelita en prenant la place de sa mère, les mains moites, je vais le rematérialiser avant qu'il ne soit trop tard !

- Inutile, coupa Anthéa d'un ton ferme, tant qu'il est entre les tentacules de la Méduse, je n'ai aucun contrôle ! Et il est encore trop loin du Hopper pour qu'on puisse le transférer…

Jérémie, tranquillement installé dans le cockpit du vaisseau numérique, s'était figé sur place. Toute la conversation lui était parvenue dans les moindres détails et une sourde appréhension commençait à l'envahir.

- Très bien, se marmonna-t-il à lui-même en saisissant la barre du Hopper, les dents serrées, voyons un peu ce que tu as dans le ventre…

D'un geste brusque, il fit décoller le sous-marin virtuel, le faisant virer de bord. En une fraction de seconde, il se retrouva hors de son abri bien en vue pour la rangée de Krabes, toujours présents, qui n'attendaient que cela.

D'un même, mouvement, ils se mirent à faire pleuvoir une quantité de lasers inimaginables sur l'appareil, rebondissant contre sa coque. Le cockpit se mit à trembler sous l'effet des coups mais Jérémie tint bon, se contentant d'enfoncer le bouton d'accélération au maximum pour passer à travers le rideau de tirs. Par chance, les boucliers avaient l'air de tenir bon, mais pour combien de temps encore… ?

- Jérémie, qu'est-ce que tu fais !? s'écria Anthéa à travers son micro, visiblement dépassée par les événements.

- Puisque Mathieu ne semble pas destiné à venir à moi, c'est moi qui viens à lui ! s'écria-t-il sans quitter des yeux le radar de l'engin, sur lequel clignotait faiblement la position du Lyokô-guerriers en détresse. Le temps jouait contre lui, il ne pourrait plus tenir très longtemps face à la Méduse !

Il savait que son action relevait de la folie furieuse. Le Hopper risquait de se désintégrer à tout instant et lui avec sous les tirs des Krabes, cependant il devait tenter le coup ! C'était la seule solution s'il voulait parvenir à sauver son compagnon de chambre.

D'un geste frustré, il tenta de relever la manette d'embarquement de l'adolescent, sans succès, un message d'erreur s'affichant presque aussitôt à la surface d'une de ses interfaces dans une sonnerie tonitruante, venait se mêler au vacarme des lasers mettant à mal les boucliers de l'engin.

Un décompte indiquant la distance manquante avant que Mathieu soit à portée du Hopper s'afficha brusquement grand sur la coque du cockpit, agressant les yeux de Jérémie. Celui-ci se crispa sur la barre, sans changer son cap. Plus qu'une dizaine de mètres… Plus que cinq… Il n'avait pas le droit de céder maintenant, quelles que puissent être les supplications d'Anthéa à ses oreilles.


http://elementaryschool.perso.neuf.fr/code_lyoko/xana.png


Le Lyokô-guerrier en herbe, de son côté, sentait peu à peu ses forces le quitter. Il ne parvenait même plus à lutter contre l'étau des tentacules de la Méduse enroulés solidement autours de son torse, le maintenant à plusieurs pieds du sol. Le regard de plus en plus vide, il fixait sans la voir l'immense tête flasque et translucide du monstre, se gorgeant peu à peu de ses codes humains, dans le seul but de permettre à la Green Phoenix de l'effacer définitivement. Les filaments placés sur ses tempes semblaient frétiller d'excitation à chaque nouvelle pulsation de données. C'était la fin… Plus que quelques secondes et il serait perdu, sans avoir pu sauver Angel, sans avoir pu dire à Stéphanie à quel point il regrettait de l'avoir impliqué, sans avoir pu remercier aucun Lyokô-guerrier de leur soutient sans faille.

Et puis, brusquement, son corps tout entier se mit à grésiller. La Méduse, surprise, relâcha légèrement sa concentration, relevant son écœurante et à la fois gracieuse cervelle dans les airs, desserrant quelques peu sa prise sur sa proie. Un gigantesque appareil métallisé venait de surgir de derrière un grand plateau, fonçant à toute allure sur eux, ses longs bras articulés le propulsant de toute la puissance de leurs réacteurs. Jérémie, à l'intérieur du cockpit d'un bleu translucide, hurlait de rage sous la pluie de lasers de Krabe continuant à le canarder.

- DEGAAAAGE ! s'écria-t-il de toute la force de ses poumons virtuels avant d'enfin parvenir à enfoncer d'un coup sec la poignée de réembarquement.

Mathieu, dont le visage reprenait peu à peu des couleurs, fut soudain comme parcouru d'électricité avant de brusquement s'évaporer dans le airs, laissant les tentacules de la Méduse se refermer vainement sur du vide. Un horrible cri strident de frustration jaillit de la créature informe, qui tenta de fouetter l'appareil de loin de ses filaments, mais il était trop tard.

Jérémie avait déjà enfoncé le bouton des réacteurs, dirigeant l'appareil droit vers la Mer Numérique. Mathieu, les jambes coupées, était assis sur son plot d'embarquement, haletant comme s'il venait de courir le cent mètres. Cette fois-ci il avait vraiment sentit sa vie défiler devant ses yeux !

- Jérémie… articula-t-il dans un souffle en s'agrippant de justesse à la barre métallique lui faisant face, évitant ainsi d'être propulsé en arrière par un soubresaut du vaisseau, je…

- Plus tard les remerciements ! le coupa le lutin virtuel alors qu'un énième laser les frôlait de peu, d'abord on se tire d'ici !

Et, sans plus attendre, il écrasa deux boutons des réacteurs auxiliaires, propulsant le Hopper droit à travers le rideau inconsistant de la Mer Numérique, les précipitant tout deux à l'abri du Réseau, sous les rafales de tirs rageurs des monstres. Contre toute attente, ils étaient tirés d'affaire définitivement !

- On rentre à la maison, souffla Jérémie, se détendant enfin sur sa barre, légèrement tremblant, tandis que le sous-marin numérique traversait le sas d'entrée d'Endo en sens inverse, débouchant dans la vaste ville numérique renversée qu'était le Réseau Informatique Mondial.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:22   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 41 :

Épisode 140 : Confessions sous la lune_



Mathieu eut à peine le temps d'émerger dans un panache de vapeur de son scanner, éreinté et essoufflé, qu'une masse de cheveux sombre se précipitait déjà sur lui, l'écrasant à moitié dans une étreinte si violente qu'elle lui coupa le souffle.

Incrédule, il eut à peine le temps de reconnaître le visage enfantin rongé par les restes d'inquiétude perçant derrière sons soulagement apparent de Stéphanie avant que la jeune fille ne le délaisse brusquement, sautant littéralement au coup de Jérémie au moment ou ce dernier s'extrayait de son scanner à son tour avec difficulté, grimaçant de douleur. L'adolescent eut un regard consterné derrière ses lunettes mais il ne chercha pas à repousser Stéphanie pour autant, trop faible pour protester.

- Merci, murmura-t-elle une bonne quinzaine de fois tandis que la porte du monte-charge coulissait en arrière-plan, dévoilant les silhouettes souriantes d'Aelita et Ulrich, sans toi Mathieu aurait pu… Il aurait… C'était très courageux de ta part de voler ainsi à son secours ! Merci !

A en juger l'intonation de sa voix, il était évident que la jeune fille venait de revoir totalement son jugement concernant le petit génie si froid en apparence. C'était après tout la seconde fois qu'il venait en aide à son ami sans demander son reste et un profond sentiment de gratitude s'était emparée d'elle, effaçant les affres de la première impression avec une rapidité étonnante. Stéphanie avait toujours été très encline à pardonner, lorsque les circonstances le permettaient.

- Refrène ton enthousiasme, sourit Ulrich en soutenant Mathieu le temps que ce dernier retrouve sa pleine motricité, ça fait au moins vingt minutes que tu sais qu'ils sont en sécurité, calme-toi !

Le voyage de retour dans le Réseau s'était en effet déroulé sans le moindre encombre et Anthéa, restée à l'étage, avait eu tout le loisir de calmer ses nerfs mis à rude épreuve en compagnie des adolescents. Elle s'était néanmoins empressée de rematérialiser Mathieu et Jérémie dés le Hopper dans son garage, sans préambule. On sentait qu'elle avait eu très peur.

Aelita, restée légèrement en retrait dans la salle des scanners, adressa néanmoins un petit signe de tête en guise de remerciement à l'adresse de son ex-petit-ami par-dessus l'épaule de Stéphanie. Le jeune homme se surprit à rougir de confusion et prétexta une violente quinte de toux afin de détourner le regard, troublé. Il avait toujours autant de mal à se faire à la nouvelle distance instaurée entre lui et l'adolescente aux cheveux roses.

- Quand vous aurez récupéré remontez à la salle de contrôle, proposa cette dernière avec un franc sourire satisfait, ma mère veut qu'on face un topo sur la mission du jour et sur les données récupérées sur Endo, et croyiez-moi : on a du lourd ! Tu as prévenu Odd ?

Elle s'était adressée à Ulrich, le fixant d'un regard interrogateur. Ce dernier aida Mathieu à s'adosser contre la paroi extérieure de son scanner avant de se retourner dans sa direction pour lui répondre, évasif :

- Je lui ai envoyé un message, il devrait prévenir Eva normalement, par contre si quelqu'un pouvait se charger de Yumi à ma place…

Stéphanie, relâchant enfin Jérémie qui retint à grand peine un soupir de soulagement, s'empressa de s'exécuter avec plaisir, tandis qu'Aelita dévisageait son ami aux cheveux bruns d'un regard vert perçant. Était-ce seulement son impression ou le jeune homme venait-il de se dérober ? Il aurait fallu être aveugle pour ne pas remarquer la tension palpable entre les deux adolescents depuis leur dernière réunion au Kiwi Bleu s'étant instaurée au cours des dernières semaines, cependant la jeune fille ne pouvait s'empêcher de s'interroger sur la cause de ce soudain revirement. Depuis le retour d'Ulrich dans le groupe, lui et Yumi n'avaient cessés de se rapprocher de nouveau et elle avait secrètement espéré que leur rupture respective avec Sissi et William aurait conduit à une progression de leur relation, en vain. Intérieurement, elle se promit de tenter d'en savoir plus dés que leur mission contre la Green Phoenix lui en laisserait le temps.

Un bruit sourd associé à un petit cri de frayeur lui fit brusquement relever la tête, la tirant de ses pensées futiles. Elle sentit brusquement son sang se glacer dans ses veines. Jérémie, enfin lâchée par Stéphanie, venait soudain de s'effondrer au sol, les paupières closes inanimé.

Sans réfléchir, la jeune fille aux cheveux roses se précipita sur son ex-petit-ami, folle d'inquiétude, oubliant momentanément leur dispute. Cependant, l'adolescent reprenait déjà connaissance, se redressant d'un air hébété en se massant le crâne sur lequel une bosse de taille conséquente commençait à se former, conséquence directe de sa chute. Son habituel air hautain avait disparu, laissant place à une franche incrédulité. Lui-même ne semblait pas comprendre la cause de son soudain étourdissement.

- Tout va bien ? questionna Mathieu qui avait déjà bien récupéré de son retour sur Terre, tendu, tandis qu'Aelita se reprenait en vitesse, dissimulant la terreur sourde qui l'avait brusquement envahie sous un masque d'inquiétude polie.

- Je… Je ne sais pas ? répondit le jeune homme en toute honnêteté, s'asseyant d'un air confus sur le sol poussiéreux, j'ai fait un malaise je crois… Rien de grave, sûrement une conséquence indirecte de la rematérialisation. Je suis moins habitué au transfert que vous autres après tout !

- Ça devient quand même inquiétant, fit remarquer Ulrich en fronçant ses épais sourcils avant de se tourner vers Aelita, je commence à me dire que tu n'as pas tord et qu'il faudrait trouver une solution pour améliorer le programme de virtualisation avant qu'on ne finisse avec un blessé grave sur les bras !

La jeune fille haussa les épaules, frustrée. Elle avait beau travailler sur ce projet depuis plus de deux semaines, elle était toujours au point mort et commençait à désespérer de parvenir un jour à surpasser les travaux de son père. Cette fois-ci, elle avait l'impression de s'être attaquée à trop gros pour elle.

- Je suis sûre que tu vas y arriver, la rassura Stéphanie d'un ton confiant tout en massant le dos de Jérémie pour l'aider à se reprendre, percevant son regard inquiet, bon… Et si on remontait en haut ? Anthéa doit s'impatienter !

Le groupe d'adolescents s'exécuta presque aussitôt, soulagé à l'idée de quitter la morbide pièce aux trois hauts caissons, de plus en plus mortels au fil du temps. Un voyage dans le monte-charge suffit à faire sortir de leur esprit l'incident de l'évanouissement de Jérémie et le soulagement face à la réussite de la mission reprit bien vite le dessus lorsque la mère d'Aelita se précipita vers le petit génie pour le féliciter chaudement à son tour, étreignant les deux rescapés dans une étreinte maternelle.

Odd et Eva arrivèrent à l'usine une dizaine de minutes plus tard. Mathieu eut tout juste le temps de les saluer joyeusement que l'adolescent a béret s'était jeté sur lui, le serrant dans ses bras de toutes ses forces à la stupéfaction générale, sous le regard profondément dégoûté de sa petite-amie. Le jeune homme aux cheveux auburn, troublé, sentit son rythme cardiaque s'accélérer sous l'effet de la surprise. Il ne s'était pas attendu à un tel débordement d'affection ! A en juger le sourire en coin d'Ulrich, ce dernier avait pris soin de faire part à son compagnon de chambre de l'épisode de la Méduse.

- Plus jamais, s'écria Odd en relâchant enfin un Mathieu à l'air un peu froissé, plus jamais je ne te laisse partir en mission sans moi, tu m'entends ? Ne me fais plus une peur comme ça, espèce d'abruti !

On sentait dans sa voix qu'il avait eu peur lui aussi et qu'il aurait souhaité se retrouver sur place lui-même au moment des faits. Son ami ne put que bredouiller des excuses maladroites tandis qu'Eva, vexée d'être ainsi laissée de côté, enroulait pernicieusement ses doigts autours de ceux de son petit-ami, marquant ainsi son territoire non sans perfidie.

Observant son petit manège de loin, Stéphanie s'apprêtait à lui balancer une remarque cinglante lorsque la porte du monte-charge coulissa de nouveau, dévoilant une Yumi nettement plus sereine que ses amis, son sac de cours encore sur l'épaule. Elle venait de quitter la bibliothèque de Kadic où elle effectuait quelques révisions et son amie n'avait pas commis l'erreur de lui parler du drame qui avait failli se dérouler sur Endo, aussi personne ne prit la peine de lui faire un compte-rendu détaillé de la mission, désireux d'éviter un de ses nouveaux regards réprobateurs, désormais réputées.

- Bien, maintenant que nous sommes tous réunis, commença Anthéa une fois que les Lyokô-guerriers se furent massés face à elle, s'asseyant comme à leur habitude contre l'ancien dispositif de Retour dans le Temps, je pense nécessaire de faire un petit point sur les données qu'Aelita a réussi à dérober au cœur d'Endo aujourd'hui.

Tout en parlant, elle adressa un signe de tête reconnaissant à l'adresse de sa fille qui répondit par un sourire léger, se rembrunissant bien vite. Elle était bien placée pour savoir que ce que s'apprêtait à annoncer sa mère était bien loin des réjouissances.

Pendus aux lèvres de l'informaticienne, les adolescents firent silence, la laissant poursuivre tandis qu'elle affichait une série de codes sur son écran principal d'une simple pression du pouce sur le clavier.

- Le point qui me parait le plus important concerne Endo en lui-même, annonça Anthéa d'un ton sombre, grâce aux données récupérées, j'ai pu enfin comprendre la raison de son existence et de sa complexité !

Elle marqua une pause le temps de rassembler ses esprits avant de reprendre, inspirant profondément pour se redonner contenance :

- Je pense que la Green Phoenix compte s'en servir afin de détruire Lyokô dans son intégralité.

Un silence consterné répondit à cette annonce. C'était encore pire que ce qu'ils avaient pu imaginer : une fois le monde virtuel de Franz Hopper détruit, le Projet Carthage se retrouverait totalement libre dans le Réseau, à la merci de l'organisation maléfique, et tout serait alors perdu.

- Comment ça ? insista Odd, fixant ses yeux gris inquiets sur l'informaticienne, je veux dire… Qu'est-ce qui vous fait dire une telle chose ?

- Tout d'abord, les codes sources de chacun des territoires d'Endo, répondit Anthéa presque aussitôt, faisant défiler les lignes sur son écran, comparant les données, chaque ancien territoire de Lyokô semble posséder son homologue dans l'univers virtuel de la Green Phoenix, comme s'ils avaient été programmés sur le même modèle, pour se superposer quelque part. Mais ce n'est pas tout, Aelita à profiter de son séjour sur Endo pour réaliser une simulation de ce qui se passerait si les deux univers virtuels venaient à entrer en collision. Je vous laisse observer le résultat.

D'un doigt légèrement hésitant, elle enfonça la touche Enter de son clavier et laissa une fenêtre s'ouvrir à l'écran. Les adolescents tendirent le cou, intrigué. Deux formes sphériques tridimensionnelles tournaient sur elles-même désormais, chacune constitués de quatre territoires organisés en étoile autours d'une sphère centrale. Lyokô à son apogée et Endo, indubitablement. Lentement, les deux sphères se fusèrent en une seule et les jeunes gens retinrent leur souffle. Dans un premier temps, il ne se passa rien. Puis, soudain, dans un grand bruit d'alarme tonitruant, la forme obtenue s'effondra brusquement sur elle-même, ne laissant derrière elle que quelques pauvres pixels tristes. La simulation parlait d'elle-même.

D'un geste triste, Anthéa stoppa la vidéo et se retourna vers les adolescents, interdits, massés devant elle. Tous mesuraient peu à peu la gravité de la situation.

- Quelque chose m'échappe, finit par lâcher lentement Stéphanie, rompant enfin le silence, pourquoi ne pas avoir déjà agi… ? Ils auraient pu venir à bout de Lyokô d'un seul coup s'ils l'avaient voulu plutôt que d'envoyer leurs monstres ?

- Oui et non, répondit Anthéa, réfléchissant tout haut, une attaque de cette ampleur nécessiterait énormément d'énergie, je pense qu'il faudrait activer au moins une trentaine de Tour en simultanée sur Endo, si ce n'est plus. Qui plus est, une seule erreur de calcul et ils risqueraient de se retrouver eux sans univers virtuel tout en nous laissant intact. Je pense qu'ils attendent un peu plus de certitude avant de lancer l'assaut.

- Je pense qu'ils ont déjà prévu quelque chose pour mener l'assaut sans risque en fait, interrompit soudain Aelita, s'attirant les regards intrigués de ses camarades, lorsque j'ai analysé la Tour emprisonnant Angel j'ai pu constater qu'ils tentaient de copier son esprit dans le cœur de leur univers virtuel, un peu comme pour créer une intelligence artificielle sans avoir à se fatiguer. C'est intelligent quelque part, ils gagnent plusieurs années de travail fastidieux comme ça, cependant ça nous pose un énorme problème !

Le regard d'Anthéa et Jérémie sembla brusquement s'éclairer au sein de la pénombre environnante. Les autres durent cependant se contenter d'attendre la suite des explications patiemment, légèrement déboussolés.

- Oui ça se tient, commenta la mère d'Aelita en fronçant les sourcils dans une expression concentrée, avec une intelligence artificielle à l'image de XANA capable de diriger Endo tout entier ils pourraient mener l'assaut sans avoir à se soucier de rien. De plus, ce serait bien plus pratique que d'utiliser un humain en guise de programme multi-agent, comme ils le font jusqu'à présent avec Angel pour nous envoyer leurs monstres. Plus facile à contrôler et avec moins de risques surtout. Tout cela est vraiment très inquiétant…

- Attendez un instant, souffla brusquement Mathieu, une sourde appréhension perçant dans sa voix, qu'est-ce qu'ils vont faire d'Angel une fois leur intelligence artificielle copiée et prête à l'emploi ? A quoi est-ce qu'il leur servira ?

Aelita échangea un regard sombre avec sa mère. Le jeune homme avait mis le doigt sur le point sensible qu'elles n'osaient aborder depuis tout à l'heure.

- C'est justement ce qui nous fait peur, finit par lâcher l'adolescent aux cheveux roses avec inquiétude, une fois leur programme multi-agent prêt, ils n'auront plus aucune utilité du modèle d'origine et… Honnêtement, j'ai peur qu'ils ne s'en débarrassent. Définitivement.

Un frisson d'horreur parcourut l'assistance. Mathieu avait subitement blêmi à la lueur des écrans et ses mains s'étaient crispés d'effrois sur son jean. La perspective qu'Angel n'en avait peut-être plus pour longtemps lui était tout simplement intolérable. Comment pouvait-il rester là, à discuter tranquillement assis en tailleur dans ce laboratoire poussiéreux tandis que l'élu de son cœur risquait sa peau à chaque instant, prisonnier de cette Tour noire maudite ?

- Ne t'en fais pas, s'empressa de le rassurer Aelita, le téléchargement n'en était qu'à un petit 75% quand j'ai vérifié ça tout à l'heure dans la Tour. Si j'en juge la complexité de l'esprit humain qu'ils essayent de copier et d'asservir, on a encore un bon mois devant nous avant qu'il ne soit trop tard. Mais il est clair qu'il faut agir au plus vite.

Bien loin de lui remonter le moral, l'annonce eut un effet désastreux sur le moral de Mathieu qui sentit brusquement son cœur chuter dans sa poitrine. Un mois… ? Ils n'avaient plus qu'un mois pour agir avant qu'il ne soit trop tard ? Cette limite si soudainement imposée lui paraissait absurde. C'était impossible, comment pouvait-il leur rester si peu de temps ? Qu'allait-il bien pouvoir faire ?

Alors qu'il sentait la panique le submerger peu à peu, une main chaude et douce pressa subitement son épaule dans un geste de se réconfort et il se retourna d'un geste vers Odd, le fixant d'un regard rassurant, le sourire aux lèvres.

- Ne te fais pas de soucis, chuchota-t-il d'un ton inhabituellement calme et doux pour lui, on va trouver une solution. On y arrive toujours, même quand la situation parait impossible. Fais-nous confiance.

Pour une raison qu'il ignorait, le discours de l'adolescent eu un effet apaisant sur lui et Mathieu sentit son cœur repartir à un rythme normal dans sa poitrine, enfin calmé.

Jérémie, que cette démonstration de bons sentiments avait quelque peu agacé, se racla la gorge, attirant l'attention sur lui. Stéphanie tiqua mais ne dit mot. Elle était encore trop reconnaissante envers le jeune homme pour se montrer agressive au moindre manque de tact.

- Personnellement il y a autre chose qui m'inquiète, annonça-t-il d'un ton sérieux, avec l'état actuel de Lyokô, la Green Phoenix pourrait lancer l'assaut dés demain et avec une dizaine de Tours tout au plus, et je suis généreux ! Je ne pense pas qu'ils se soient encore rendu compte de son affaiblissement mais en tout cas les faits sont là : sans ses territoires, Lyokô est trop vulnérable. Si la Green Phoenix se rend compte des dommages qu'il a reçu et qu'il décide de lancer l'attaque, on ne pourra même pas tenter de résister ! Tout serait fini en une fraction de seconde… Il devient impératif de ramener Lyokô à son état d'origine.

- Comment ça ? s'étonna Stéphanie, perdue, ils sont si importants que ça ces territoires ?

En guise d'explication, Aelita se leva, empruntant un stylo et une feuille de papier à Yumi, la seule à être encore pourvue de son sac de cours. D'un geste vif, l'adolescente aux cheveux roses traça un cercle sur le papier et le montra à la gothic lolita.

- Ça, c'est le cœur de Lyokô, expliqua-t-elle rapidement, la première protection entourant le Projet Carthage et actuellement la seule barrière encore présente, avec les restes du 5ème territoire. Il s'agit de la mesure de défense la plus faible, la plus directe et la plus accessible.

Le visage de Stéphanie s'était plissé en une expression concentrée. Poursuivant ses explications, Aelita traça un second cercle, plus vaste, autours du premier.

- Ça, c'est le 5ème territoire lorsqu'il est dans son état normal. Il constitue la seconde protection dite « physique » du Projet Carthage et est actuellement en ruine et donc extrêmement vulnérable. Ensuite –un troisième cercle vint rejoindre les deux autres- voici le lien entre les différents territoires de Surface. C'est la Voûte Céleste du 5ème territoire, continua-t-elle, deuxième barrière de protection qui constitue le corps physique de Lyokô, dans lequel circulent les données relatives aux programmes le faisant fonctionner. Elle est essentielle pour la cohésion de l'univers, puisqu'elle constitue le lien entre les différentes Tours de Passage, à partir desquels s'articulent les territoires de surface (Volcan, Abysse, Ville et Ciel pour Endo), tu me suis ?

Stéphanie hocha lentement la tête, hésitante. Les explications étaient complexes à suivre pour une novice mais elle avait l'impression de saisir où la jeune fille venait en venir. Satisfaite, Aelita continua en traçant trois petits traits en dessous du dernier cercle englobant les deux autres.

- Les Territoires de Surface dits « neutres », expliqua-t-elle avant d'ajouter une quatrième et dernière barre au sommet du cercle, et le Territoire « meneur », celui ayant servi de base à la conception des trois autres et à travers lequel transitent toutes les opérations majeures relatives à l'univers virtuel. Sans lui, il est impossible d'avoir un contrôle absolu sur la réalité alternative, puisque toutes les installations de programmes et autres se font à partir de sa Tour de Passage. Sur Endo il s'agit très probablement du Territoire du Volcan, étant donné que c'est là que se trouve la Faille. Sur Lyokô, c'était celui de la Forêt.

- C'est pour ça qu'on est passé par ce territoire la première fois pour te matérialiser ! réalisa soudain Odd, un peu lent à la détente.

Aelita approuva avec un petit sourire avant de se retourner vers Stéphanie, un air grave sur le visage, laissant sa feuille de côté sur laquelle on pouvait désormais très nettement distinguer l'habituel symbole de XANA.

- Tu comprends maintenant pourquoi Lyokô ne peut pas rester dans son état actuel ? Il n'a même pas le quart de ses défenses habituelles tandis qu'Endo est un univers virtuel complet et construit en détail. Dés que le programme multi-agent le dirigeant sera mis au point alors nous n'aurons plus aucune chance. Raison de plus pour parvenir à ramener Angel le plus vite possible !

Anthéa approuva d'un signe de tête, plus déterminée que jamais. La pression semblait réveiller en elle l'ancienne informaticienne de génie, la poussant à redoubler d'efforts et à faire preuve d'une force insoupçonnée derrière sa frêle silhouette, éprouvée par les années.

- Je vais me mettre à la réparation complète de Lyokô dans la semaine à venir, histoire de profiter de vos TPE pour avancer un peu. Ça ne devrait pas prendre trop de temps, vous avez déjà fait la majorité du travail de surface en mon absence. Ce sera toujours ça de pris… Ensuite il faudra s'atteler à trouver un moyen de ramener Angel chez nous et je pense qu'une nouvelle mission sur Endo sera nécessaire pour cela.

Ulrich, resté silencieux jusqu'à présent, eut une moue peu convaincue.

- Pour cela, il faudrait déjà trouver un moyen de réussir à passer la protection que constitue Angel lui-même, ironisa-t-il, ça me peine de le reconnaître mais ce type est ridiculement puissant ! Même avec mes deux sabres je n'arrive pas à lui tenir tête, sans compter que j'ai encore l'avatar d'un gamin de 14 ans alors que lui fait facilement 17 ans dans sa tenue de guerrier, pas moyen de lui faire face avec ça !

Jérémie leva les yeux au ciel. Ce que suggérait Ulrich lui promettait de nouvelles nuits blanches à plancher sur une mise à jour des tenues virtuelles de ses amis, comme au temps du collège, lorsque cela s'était révélé nécessaire la première fois peu de temps après la capture de William par XANA. Aelita paraissait tout aussi frustrée de son côté. Elle considérait la remarque d'Ulrich comme un reproche envers elle-même et son incapacité à améliorer le programme de virtualisation.

- C'est vraiment dommage, se lamenta Stéphanie en hochant la tête, si seulement vous pouviez gagner des points d'expérience sur Lyokô et vous améliorer à chaque combat comme dans la plupart des jeux vidéos ! Ça nous éviterait bien des problèmes…

Sentant un silence, la jeune fille releva la tête pour constater que trois paires de regards complètement médusés s'étaient tournés vers elle. Aelita, Jérémie et Anthéa paraissaient tous trois sous le choc et l'adolescent se demanda un instant quelle énormité elle avait pu encore prononcer.

- J'ai dit quelque chose de mal… ? risqua-t-elle d'un ton timide, prête à s'excuser.

- De mal… murmura Aelita, incapable de parler plus fort, sous l'effet de la stupéfaction, au contraire ! Comment j'ai pu être aussi stupide… ? C'était là, sous mes yeux, depuis le début ! La solution à l'amélioration du programme de virtualisation… C'était tellement simple ! Il ne me manquait qu'un peu de créativité !

Stéphanie paraissait profondément perplexe désormais, incapable de suivre le cheminement de pensée des trois génies. Eva, l'air profondément ennuyée, se décida à prendre la parole. Elle n'était visiblement que très moyennement intéressée par la conversation générale depuis le début.

- Est-ce qu'on peut savoir ce qui vous avez compris de si géniale ? fit-elle d'un ton détaché, observant ses ongles parfaitement manucuré d'un œil indifférent.

Aelita se tourna aussitôt vers elle, l'air surexcité. Elle semblait remontée à bloc.

- Grâce à Stéphanie, je pense avoir trouvé un moyen de résoudre notre problème de virtualisation bloquée à partir de 18 ans et de manque de puissance face à Angel par la même occasion ! Il suffit d'instaurer un système de barre d'expérience qui se remplirait au fur et à mesure des combats et feraient évoluer nos avatars passé un certains niveau en ré-analysant notre subconscient régulièrement ! Une sorte de virtualisation évolutive si je peux me permettre l'expression.

- Oui, ce serait non seulement possible mais extrêmement simple à réaliser, surenchérit Jérémie ne se grattant le menton. On sentait qu'il avait déjà commencé ses calculs complexes dans sa tête, en utilisant le programme de stats que j'avais installé en Troisième on pourrait même gagner un temps fou ! Stéphanie c'était brillant, vraiment !

Quoi qu'encore un peu désarçonnée par la tournure des événements, la jeune fille se sentie profondément touchée par le compliment provenant du froid jeune homme et un sourire fier pointa sur ses lèvres. Pour une fois, elle avait pu se montrer utile et cela lui procurait un intense sentiment de satisfaction, elle devait l'avouer.

- Bah c'est super ! commenta un Odd admiratif en se redressant sur ses jambes tout en s'étirant, par contre la journée a été longue et je pense qu'on aimerait tous avoir le temps de prendre une bonne petite douche avant le dodo, non ?

Ce-disant, il jeta un coup d'œil significatif envers Jérémie, Aelita, Mathieu et Ulrich, dont la vague odeur de sueur moite qui leur collait à la peau depuis leur rematérialisation commençait si singulièrement à empester dans la pièce qu'on commençait à se demander à quel moment le nez d'Eva allait rentrer dans son visage, tant elle s'obstinait à le plisser de dégoûts, les lèvres hermétiquement closes, d'un air pincé.

Anthéa eut un petit rire amusé.

- Très bien, ce soir repos pour tout le monde ! annonça-t-elle en claquant dans ses mains, annonçant le départ des troupes, vous l'avez bien mérité. Mais dés demain on se met au boulot !

Tous approuvèrent avec une joie teintée d'épuisement avant de se préparer à partir, se dirigeant comme un seul homme en direction du monte-charge. Seule Yumi resta légèrement en retrait, le visage sombre masqué derrière sa cascade de cheveux habituelle. L'avisant, Ulrich s'en approcha discrètement, sous le regard interrogateur de son compagnon de chambre.

- Pars devant, lui intima-t-il avant de rejoindre la japonaise, seule dans le coin de sa pièce. Elle paraissait anormalement tendue après la réussite de leur mission.

- Ça va ? s'enquit l'adolescent en apposant doucement sa main sur son épaule.

La jeune fille tressauta mais ne chercha pas à se dégager. En arrière-plan Anthéa, qui réglait quelques formalités d'usage sur son ordinateur tandis que le monte-charge commençait à s'élever, fit mine de ne pas les voir.

- Ça va, soupira la japonaise, indécise, c'est juste que… Tout ces risques qu'on prend… On n'avait jamais été confronté à une situation pareille et quoi qu'en dise Odd à Mathieu, ce qu'on a appris complique énormément les choses. Je suis inquiète, Ulrich. Je me demande si cette fois-ci tout va bien se dérouler, comme les dernières fois…

Désarçonné, le jeune homme ne sut quoi répondre. Yumi lui apparaissait comme étonnamment fragile depuis quelques mois, elle qui avait toujours su se montrer si forte, si déterminée face aux attaques de XANA et de la Green Phoenix par le passé semblait soudan flancher sous le poids de la pression.

- Qu'est-ce que tu veux que je te dise ? fit-il d'un ton gauche, oui c'est dangereux ce qu'on fait, ça l'a toujours été, mais de là à perdre espoir… On a encore un mois pour trouver une solution pour Angel, c'est plus qu'inespéré au final ! Fais confiance à Aelita et aux autres, ils savent ce qu'ils font.

La japonaise poussa un profond soupir, se mordant la lèvre nerveusement. Enfin, ce qu'elle redoutait tant de dire finit par franchir le seuil de sa bouche, comme dans un souffle :

- Je leur fais confiance mais… Honnêtement je pense que tout ceci nous dépasse depuis trop longtemps et je commence à me dire qu'il vaudrait mieux prévenir le gouvernement de ce qui est en train de se passer, tu ne crois pas… ?

Elle avait prononcé cette phrase fatidique si bas que ses mots ne parvinrent pas jusqu'à Anthéa, assise à l'autre bout de la salle sur son siège, trop concentrée sur ses chiffres pour leur prêter attention. Ulrich, en revanche, s'était raidi. Avant qu'il n'ait eu le temps de répliquer, Yumi s'était reprise. Relevant brusquement la tête dans une tentative forcée de sourire, elle cala un peu mieux son sac sur son épaule, balayant sa propre remarque d'un geste de la main gracieux.

- C'est idiot, oublie, marmonna-t-elle avec difficulté, comme si une boule dans la gorge l'empêchait de parler normalement, je sais très bien les ennuis qu'on aurait, notamment Anthéa et Aelita, si on en parlait. Sans compter Stéphanie qui a volé la lettre de la Green Phoenix à la police… Oublie ce que je viens de dire, bonne nuit Ulrich.

Et, sans attendre son reste, sans laisser le temps au jeune homme de la rappeler, la japonaise se précipita vers le monte-charge et disparut derrière la porte qui se referma dans un chuintement électrique, laissant son ami seul et incrédule au milieu de la pièce. Il ne comprenait plus rien… Qu'arrivait-il donc à Yumi ? Était-elle inquiète au point d'envisager la pire des possibilités ? Et lui, comment avait-il fait pour ne pas remarquer cette détresse dans ses yeux d'ébène tout ce temps ?


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Deux jours s'écoulèrent dans une impatience fébrile sur Kadic. Si la plupart des élèves de Première vivaient désormais avec l'angoisse se rapprochant de plus en plus des TPE, le groupe des Lyokô-guerriers, lui, s'inquiétait de l'avancement des travaux d'Anthéa sur Lyokô, la menace de leur dernier mois de sursit pesant au dessus de leur tête.

Aelita et Jérémie avait fini par sécher les codes, laissant au pauvre Mathieu la lourde tâche de les couvrir maladroitement. Le bac semblait désormais une distraction dérisoire à leurs yeux à tous. Stéphanie, elle seule, paraissait de plus en plus surexcitée à mesure que les heures avançaient, trépignant sous l'effet de la hâte.

- Tu crois que je vais pouvoir retourner sur Lyokô avec ce nouveau programme de virtualisation ? répéta-t-elle pour la dixième fois de a journée un midi au réfectoire à une Yumi visiblement excédée.

- Honnêtement, je préférais que ce ne soit pas le cas ! avait-il fini par craquer hors d'elle, je ne veux pas te voir prendre de risques inconsidérés, tu es trop casse-cou… Comme William à l'époque !

Et, sans rien ajouter, elle s'était éloignée avec son plateau, allant s'installer à une table déserte du préfabriqué sous le regard médusé de son amie. Son enthousiasme s'en était retrouvé considérablement refroidi et elle avait veillé à ne plus poser aucune question ayant trait à Lyokô ou l'usine face à la japonaise à partir de cet instant.

Elle devait également veiller à éviter scrupuleusement le sujet Angel face à Mathieu qui, depuis qu'il avait appris que la vie de ce dernier était en sursit, se montrait extrêmement nerveux à sa simple mention et pouvait subitement entrer dans une colère noire avant de se plonger dans un profond mutisme déprimé, préférant s'isoler de tous dans ces moments-là.

- Il est juste très inquiet, avait annoncé sobrement Jérémie lors de son retour de son travail acharné sur la reconstruction de Lyokô un soir, laissez-lui le temps de digérer la nouvelle et surtout ne le provoquez pas.

Finalement, la veille de l'oral des TPE, Odd eut l'idée de convier le jeune homme à une visite surprise à l'usine, histoire de s'enquérir de l'avancement des différents projets des informaticiens du groupe. Mathieu refusa dans un premier temps, plongé dans une de ses phases d'apathie extrême, mais finit par céder face à l'insistance du beau jeune homme en violet et de son compagnon de chambre, tout aussi désireux de se changer les idées. Il avait en effet passé son temps à penser à Yumi au cours de la demi-semaine écoulée et l'idée d'avoir autre chose sur quoi se focaliser le séduisait grandement.

Les trois jeunes gens attendirent donc que la nuit tombe sur Kadic avant de se glisser dans le parc, une veste sur l'épaule afin de se protéger des résidus de froid nocturne planant encore dans l'air, un Odd légèrement boudeur fermant la marche. Eva avait en effet refusé catégoriquement de les accompagner, prétextant qu'elle était bien trop fatiguée pour ce genre de mésaventure, sans compter qu'ils avaient un oral de TPE à préparer pour le lendemain et « qu'il aurait mieux fait de s'en souvenir plutôt que de se soucier uniquement du bien-être de ce petit imbécile de Mathieu ». L'américaine avait fait preuve d'une telle hypocrisie ce soir-là que son petit-ami l'avait laissée seule dans sa chambre sans même la saluer, profondément vexé.

Au grand regret de Mathieu, Stéphanie avait également du décliner leur offre de sortie nocturne. Bien que brûlant d'envie de prendre des nouvelles de l'avancement du nouveau programme de virtualisation, elle s'était rendue compte, suite à une juste remarque de Yumi – qu'Ulrich n'avait pas osé inviter cette fois-ci – qu'elle était extrêmement en retard dans son travail et, le bac approchait, elle s'était résolue à contrecœur à rédiger quelques fiches plutôt qu'à piquer un sprint jusqu'à l'usine sur son vélo, faisant taire la sourde frustration menaçant de pointer en elle à chaque instant.

La traversée des égouts s'était faite sans encombre et celle du pont avait suffi à vider la tête des trois complices de leurs soucis respectifs. La lune, plein ce soir-là, brillait de tout son éclat sur le ciel dégagé, nimbant l'usine d'un étrange halo argenté, apaisant son habituel aspect sinistre, la transformant presque en un espace accueillant et familier.

Les adolescents se laissèrent glisser le long des cordes – Ulrich en serrant les dents malgré lui – et laissèrent la lueur des étoiles filtrant à travers les vitres cassées les guider jusqu'au monte-charge.

Lorsqu'ils arrivèrent au sein de le laboratoire, ce fut pour trouver un Jérémie seul, attablé devant le poste de contrôle du Supercalculateur, occupé à tapoter distraitement quelques notes sur sa tablette tactile, reliée par un câble à l'interface principale. Il leur accorda à peine un regard en les entendant entrer, trop absorbé par sa besogne pour se formaliser de leur visite.

Aelita, qui venait de se hisser à l'intérieur de la pièce par la plaque de fer menant à la salle des scanners en contrebas, son ordinateur portable sous le bras, se montra nettement plus enthousiaste.

- Salut ! fit-elle avait un grand sourire en se précipitant vers eux. L'énergie débordait de tout son être malgré les épais cernes violacés sous ses yeux s'accordant à merveille avec la couleur de ses cheveux. Elle semblait n'avoir que très peu dormi au cours des derniers jours, qu'est-ce que vous faites ici ?

- On vient voir comme ça avance, répondit Odd en lui rendant son salut joyeusement, pas trop dur de bosser à ce rythme ?

Aelita eut un geste vague, comme pour dire « on a l'habitude ».

- Ça avance bien je dois dire, annonça-t-elle fièrement en dépliant son portable, le rallumant d'une pression du doigt sur le bouton « power », en fait on pense pouvoir finir le nouveau programme de virtualisation évolutive dés ce soir !

Les trois jeunes gens écarquillèrent les yeux de surprise. Leurs camarades avaient décidément travaillés à une cadence infernale pour parvenir à un tel résultat !

- Déjà ? s'étonna Ulrich, le souffle coupé.

Il n'avait pas oublié qu'il avait fallu près d'un an et demi à Jérémie à l'époque pour ne serait-ce que dénicher le programme de matérialisation des scanners, pourtant on ne pouvait plus basique avec du recul.

Aelita haussa les épaules en s'asseyant contre l'appareil anciennement destiné au Retour dans le Temps, pianotant distraitement sur son clavier.

- On est bien plus rapides à trois il faut dire, avoua-t-elle en jetant un bref coup d'œil en coin à Jérémie, et puis l'urgence nous fait mettre les bouchées doubles, si tu vois ce que je veux dire…

Elle se garda bien d'aller plus loin. Mathieu, resté légèrement en retrait, s'était raidi à la mention à demi voilée d'Angel et de l'épée de Damoclès au dessus de sa tête.

A cet instant, la porte du monte-charge coulissa pour la seconde fois de la soirée, laissant entrer une Anthéa échevelée, les mains pleins d'une substance noire et salle évoquant du cambouis. L'informaticienne se figea en découvrant tout ce beau monde au milieu de la pièce avant de leur adresser à tous un sourire de bienvenue, nettoyant ses doigts à l'aide d'un grand mouchoir blanc.

- Je reviens de la salle du Supercalculateur, annonça-t-elle sans attendre les questions en tirant hors de l'ascenseur une lourde boite à outil qu'aucun des visiteurs n'avaient remarqués jusqu'à présent pas remarquer, je crois en avoir fini avec la réparation des circuits abîmés par le Code Down, la puissance quantique de l'appareil devrait désormais être presque entièrement recouvrée.

Jérémie, resté presque entièrement silencieux jusqu'à présent, fit pivoter son siège sur son rail afin de faire face à l'informaticienne, faisant craquer ses doigts d'un air satisfait :

- De mon côté j'ai fini la première phase du programme de restauration système de Lyokô, merci aux notes de Franz Hopper pour ça ! annonça-t-il d'une voix légèrement rauque. On sentait qu'il s'était tu pendant un long moment, trop absorbé par son travail pour se lancer dans une discussion, on peut lancer la procédure quand vous voulez !

- Les simulations ont fonctionné ? questionna Anthéa en s'approchant des écrans d'un air intéressé, dans ce cas autant y aller directement sans attendre… Lançons la procédure ! On va bien voir si mes réparations ont porté leurs fruits.

Obtempérant consciencieusement, le jeune homme débrancha sa tablette et tapa quelques lignes de code au clavier avant de presser la touche « Enter » d'un geste assuré.

Mathieu, Ulrich et Odd, un peu perdus mais très attentifs, se penchèrent à leur tour derrière l'épaule du jeune homme, intrigués. A l'écran principal, quatre silhouettes cylindriques en trois dimensions tournoyaient désormais lentement sur elle-même, s'illuminant peu à peu de vert comme sous l'effet d'un lent chargement. Sur la fenêtre de droite, une icône représentant la jauge de puissance du Supercalculateur clignotait dangereusement mais aucun des informaticiens présents dans la salle ne semblait s'en alarmer.

Finalement, l'un après l'autre, les quatre cylindres virèrent au blanc et un symbole en forme de plus s'afficha à l'écran, arrachant un cri de triomphe à Jérémie et Anthéa. Aelita, de son côté, amorça un sourire ravi.

- Euh, il vient de se passer quoi là ? questionna Odd, incapable de comprendre pourquoi ces pauvres silhouettes semblaient à ce point satisfaire les informaticiens.

- On vient de réussir à recréer les quatre Tour du passage de Lyokô, expliqua Jérémie en redressant ses lunettes sur son nez aquilin, c'était le plus gros du travail ! Maintenant il ne nous reste plus qu'à les activer et elles devraient travailler toutes seules en se multipliant peut à peut pou créer les différentes Tours neutres qui permettront alors de générer les Territoires de surface. Un simple reboot, et Lyokô sera comme neuf !

Urich et Odd échangèrent un regard impressionné. Si Aelita leur avait semblé aller vite, Jérémie et Anthéa venaient également de se surpasser à leurs yeux ! La rapidité à laquelle ils avaient travaillés était tout simplement remarquable.

- Il va falloir attendre demain pour l'activation par contre, nuança la femme aux longs cheveux roses en jetant un rapide coup d'œil à la jauge de puissance de l'écran de droite, le temps pour le Supercalculateur de recharger ses batteries… Il a bien travaillé ce soir !

Elle parlait de l'appareil sur un ton cajolant, presque amoureux, comme s'il s'était agi d'un animal de compagnie particulièrement adorable. Exaspérée par l'attitude de sa mère, Aelita leva les yeux au ciel avant de se retourner vers les trois novices en informatique.

- Ça va prendre encore un peu de temps avant que j'ai terminé le nouveau programme de virtualisation, annonça-t-elle, allez prendre l'air en attendant ! Je vous préviendrai quand il y aura quelque chose à voir.

Odd approuva avec un certain plaisir. Il n'avait jamais vraiment apprécié de devoir se retrouver enfermer dans un laboratoire et la possibilité de pouvoir se dégourdir un peu les jambes l'enchantait au plus haut point. Ulrich et Mathieu lui emboîtèrent donc le pas jusqu'au monte-charge, laissant les informaticiens de génie travailler tranquillement.

- A tout à l'heure, lança le samouraï de Lyokô tandis que la lourde porte de fer de l'ascenseur coulissait sur eux, les enfermant à l'intérieur de l'habitacle de bois branlant.


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Mathieu rêvassait, les jambes pendues dans le vide au dessus de l'eau, laissant la quiétude de la nuit l'envahir, une brise d'air frais lui caressant l'échine. Il s'était assis sur le grand pont de bitume menant à l'usine, ses bras ballants mollement accrochés entre deux des grands arcs métalliques maintenant la structure en place, le regard rivé sur la noirceur d'encre du fleuve dont seule une flaque blanche, reflet de la lune au dessus de sa tête, venait troubler l'uniformité.

Perdu dans ses pensées aussi sombres et impénétrables que la nuit l'environnant, il n'entendit pas le léger bruit produit par les pas d'Odd sur l'asphalte tandis que celui-ci le rejoignait tranquillement, les mains dans les poches.

- Ah, tu étais là, fit tranquillement remarquer le jeune homme au béret en arrivant à son niveau, le sourire aux lèvres, je t'ai cherché partout dans l'usine ! Tu t'es sauvé tellement vite à la sortie du monte-charge, je m'inquiétais… Ça va ?

Mathieu leva distraitement la tête vers lui mais ne trouva rien à répondre, comme s'il éprouvait quelques difficultés à refaire surface dans le monde réel. La fatigue était lisible sur son visage. Avec une pointe de culpabilité, Odd réalisa qu'il avait sans doute du se torturer l'esprit toutes les nuits depuis qu'Aelita lui avait annoncé que les jours de l'amour de sa vie étaient comptés. Lui qui avait tout risqué pour lui devait se sentir tellement mal à présent. Il s'en voulait ne pas avoir eu un peu de temps à lui consacrer au cours de la semaine écoulée, trop pris par la rédaction de dernière minute de son dossier de TPE.

Poussant un petit soupir, le jeune homme se laissa tomber à terre, glissant ses jambes entre deux poutrelles de métal à son tour, les laissant pendre au dessus du fleuve à côté de celles de son ami. Ses Victoria violettes tranchaient sur la noirceur de la nuit, faisant écho au rouge des Converses de Mathieu, uniques taches de couleur dans ce monde de ténèbres en noir et blanc.

- Tu penses à Angel pas vrai ? questionna-t-il doucement, sans oser regarder le jeune homme en face, ses mains nerveusement accrochées aux poutres rouillées de chaque côté de sa tête, je suppose que ce qu'a dit Aelita la dernière fois continue à t'inquiéter…

Mathieu n'eut même pas la force de nier, se contentant d'acquiescer d'un signe de tête. Après toutes ces journées et ces nuits à passer d'un état de colère profond à la peur la plus envahissante, il se sentait brusquement très vide. Comme si son cerveau avait pris l'initiative de verrouiller toutes les sensations négatives qu'il éprouvait depuis des mois afin de lui éviter de perdre l'esprit. A vrai dire, il accueillait ce bref instant d’accalmie dans son cœur comme une bénédiction et aurait préféré qu'Odd ne vienne pas lui rappeler des souvenirs douloureux qu'il tentait de refouler sans succès. Cependant, le ton profondément inquiet du jeune homme le dissuada de le rejeter et il le laissa parler, résigné. Il n'avait pas le cœur de le repousser ce soir, pas plus que de se disputer avec n'importe qui d'autre.

Un silence pesant s'installa tandis qu'Odd s'amusa à balancer quelques petits morceaux de gravats friables dans le fleuve en contrebas, observant les cercles argentés se diffuser peu à peu jusqu'à disparaître à la surface de l'eau à chaque impact.

- Je peux te demander quelque chose ? finit-il par risquer, se retournant vers Mathieu d'un geste hésitant, qu'est-ce que tu comptes faire une fois qu'Angel sera libéré ? Je veux dire… Par rapport à lui comme par rapport à la Green Phoenix ? Toute cette histoire ne te concernera plus alors.

L'adolescent aux cheveux auburn se risqua à relever la tête vers son vis-à-vis, plongeant ses yeux dans les siens. Il fut troublé de constater à quels points ceux d'Odd avaient pris une teinte argentée surréelle à la lueur de la lune. Le jeune homme, de son côté, sentit son cœur louper un battement tandis que le reflet de l'astre nimbait le ciel infini du regard de son ami d'une nuance incroyable. Jamais il n'avait vu de tels yeux, même pas chez Eva… Il sentit soudain sa bouche devenir très sèches et regretta de ne pas avoir emporté une bouteille d'eau dans sa précipitation de quitter Kadic quelques minutes plus tôt.

- Je ne sais pas à dire vrai, finit par répondre Mathieu, le surprenant. Il avait été tant troublé par ce regard qu'il en avait presque oublié sa question, je crois que je n'y ai jamais vraiment pensé… Pour moi tout s'arrête au moment où il pourra enfin être libre, je n'ai pas l'impression qu'il puisse y avoir un futur après ça, c'est assez difficile à décrire. Tu comprends ce que je veux dire… ?

Odd hocha distraitement la tête. Il avait l'impression, en cet instant, de mieux comprendre le jeune homme que jamais, comme si leurs âmes s'étaient connectées par ce simple échange de regard. Dans la fraîcheur de la nuit, il eut soudain la folle impression que son univers tout entier se reflétait dans les pupilles de son ami et que, si jamais il osait ne serait-ce que cligner des paupières, ce dernier risquait de voler en éclat. Il ne pouvait plus se détourner désormais, pris au piège de ces orbes d'un bleu troublant, incapable d'aligner deux pensées cohérentes. Un brusque sentiment d'appréhension se mit à étreindre sa poitrine, sans qu'il puisse comprendre pourquoi. Ils ne risquaient pourtant rien, assis seuls tous les deux sur ce pont, à discuter l'un de l'autre comme si de rien n'était.

- Bien sûr, je ne suis pas suffisamment stupide pour penser que le simple fait de le sauver changera les sentiments d'Angel à mon égard, lâcha Mathieu d'un ton amer, indifférent à l'état de son ami, mais… Je ne sais pas… Je suppose que j'espère quelque chose malgré moi tout au fond et ça me rend fou de rage envers moi-même… J'aimerais tellement que tout soit plus simple.

De lassitude, il ferma ses paupières un instant, épuisé. Lorsqu'il les rouvrit, il se rendit enfin compte pour la première fois de l'air étrange qui s'était installé sur le visage de son ami. Odd paraissait ailleurs, comme prisonnier d'une autre réalité, son regard voilé fixé sur lui sans parvenir à se détourner. Un air de douleur profonde était clairement visible sur ses traits. Une douleur sans commune mesure que l'adolescent ne lui avait jamais vue.

- Euh, Odd ? questionna-t-il, soudain inquiet, tu vas bien ? Tu es très pâle…

Le jeune homme ne répondit pas. Son cœur s'était mis à battre à une allure qu'il n'avait jamais connu jusqu'à présent et ses mains, moites glissaient contre les poutrelles métalliques en tremblant légèrement, sans qu'il puisse parvenir à se contrôler. Toute sensation, toute perception du décor extérieur s'étaient éclipsés de son esprit, ne laissant plus place qu'à une seule chose : cet adolescent au regard délicieusement incrédule assis face à lui, sa silhouette nimbé d'un halo argenté à la lueur de la lune semblant sublimé chaque trait de son visage parfait.

Avant même qu'il ait pu se retenir, avant que son cerveau n'ait pu esquisser le moindre signal d'alarme, Odd se pencha lentement en avant, laissant ses lèvres se coller contre celles de son ami, fermant les paupières. Le baiser eut l'effet d'un feu d'artifice au sein de sa poitrine, et une sensation de chaleur qu'il n'avait encore jamais connu, plus agréable que tout ce qu'il avait pu ressentir au cours de toute sa vie, se mit à inonder sa poitrine. Pendant un instant, il oublia Angel, l'usine et le pont. Plus rien d'autre n'avait d'importance que ses lèvres tièdes posés contre celles, si douce, de Mathieu. Le baiser lui sembla durer une éternité, comme si le temps s'était figé autours d'eux, et la vérité le frappa soudain avec la force d'un boulet de canon. Il était profondément amoureux de ce garçon qu'il venait d'embrasser. Un amour extraordinaire douloureux et puissant habitant tout son être, un amour tel qu'il n'en avait jamais connu dans sa longue vie de Don Juan… Ou peut-être était-ce là le premier sentiment authentique qu'il ressentait ?

Et puis, brusquement, son cerveau reprit ses droits et, tel Adam venant de goûter au fruit défendu, il prit brusquement conscience d'où il se trouvait et de ce qu'il venait de faire. Paniqué, il se décolla d'un coup de Mathieu, se redressa d'un bond, son cœur battant à tout rompre dans sa poitrine, de peur cette fois-ci. Il sentit le rouge lui monter aux joues et l'agréable sensation de chaleur qui l'avait envahie un peu plus tôt se transforma en un horrible embrasement, comme si on venait de le brûler de l'intérieur.

Mathieu, décontenancé, était resté assis, se passant nerveusement ses doigts pâles sur ses lèvres, visiblement incapable de rassembler ses esprits suffisamment longtemps pour comprendre ce qui venait de se passer.

- Je… Je suis désolé ! lâcha Odd en reculant, manquant de trébucher au passage dans sa précipitation, je… Je ne sais pas ce qui m'a pris. Oublie tout ça s'il-te-plaît.

Et, avant que Mathieu ait pu ne serait-ce que prononcer un mot, il avait déjà tourné les talons, s'enfuyant à toute jambes vers l'usine, cédant à la panique.

L'adolescent, resté seul sur le pont, le regarder s'éloigner sans même songer à l'appeler ou à se lancer à sa poursuite. Une part de lui ne parvenait pas à accepter ce qui venait de se dérouler. Et pourtant, la sensation sur ses lèvres, la chaleur au creux de son ventre, tout ne pouvait que le rappeler à la réalité incroyable de ce moment. Odd venait de l'embrasser, il ne pouvait pas faire comme si rien ne s'était passé, cela aurait été fuir le problème.

Qu'avait-il ressenti au moment où leurs lèvres s'étaient jointes ? Il ne parvenait pas à le définir avec des mots, pourtant, une chose était sûre, cela l'a profondément perturbé. Il ne savait plus quoi ressentir vis-à-vis de son ami désormais.

Avec un froncement de sourcil surpris, il réalisa que, pour la première fois depuis le début de la semaine, il avait momentanément réussi à cesser de penser à Angel momentanément lors de ce baiser impromptu.


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Ulrich laissait ses jambes le porter à travers la pénombre poussiéreuse de l'usine, perdant son regard dans les hautes poutrelles soutenant la structure complexe de la salle cathédrale, à demi plongée dans l'obscurité. Une sensation de profonde sérénité se dégageait de ce lieu de nuit, comme s'il s'était retrouvé prisonnier d'un monde parallèle, loin de la ville et des tracas du quotidien. Par moment, un rayon de lune s'accrochait à la chevelure chocolat de l'adolescent lorsque celui-ci passait devait une des hautes fenêtres aux vitres à moitié brisée par le temps.

Rêveur, il observa la silhouette d'Odd disparaître à l'étage supérieur sur le pont, sans songer à le rejoindre. Il avait de se retrouver un peu seul ce soir, et l'absence de ses deux amis était pour lui une chance inespérée.

Traînant des pieds, il se laissa aller à explorer les recoins de la vieille usine en ruine qu'il connaissait désormais par cœur, s'enfonçant peu à peu dans ses profondeurs. Machinalement, il passa le long d'un grand couloir aux carreaux petits et crasseux et bifurqua, s'enfonçant dans une pièce annexe dissimulée derrière une lourde porte de fer rouillé. Il était désormais dans la partie du bâtiment que ni lui, ni le reste des Lyokô-guerriers n'avaient l'habitude d'emprunter, puisque non relative au Supercalculateur. On distinguait encore dans cette salle, entre les chaises renversées et les restes de gobelet en plastique et de feuilles jaunâtre pourrissant au sol, les vestiges de l'activité qui avait jadis fait vivre cette usine, à l'époque où celle-ci tenait encore debout.

Un grand nombre d'écrans cathodiques, hors services depuis longtemps, s'alignaient sur le mur adjacent à la porte. Sûrement l'ancienne salle de contrôle, où les employés de nuit devaient autrefois perdre leur temps à observer les allés et venus des ouvriers en jouant aux cartes, trompant l'ennui.

Une autre porte, couverte d'une ancienne peinture rouge si écaillés qu'on n'en distinguait plus guère que quelques traces, était visible au fond de la pièce, tranchant dans la pénombre ambiante. La salle était dépourvue de fenêtres.

Sans trop réfléchir, Ulrich se dirigea vers la nouvelle ouverture et poussa la poignée récalcitrante qui émit un profond grincement de protestation.

Il déboucha alors dans une vaste salle en arc de cercle, dont le mur d'en face était entièrement tapissé de grandes baies vitrées, laissant filtrer les rayons de lunes argentés, rebondissant contre les colonnes empêchant le plafond décrépi de s'effondrer sur sa tête. Une quantité de poussière inimaginable s'était accumulée en ce lieu au fil des années et Ulrich dut se retenir de tousser en y pénétrant.

Promenant son regard sur le lieu désert, il s'immobilisa soudain, l'oreille aux aguets. Un son diffus venait de lui parvenir, similaire à un soupir.

Tous les muscles de son corps tendus sous l'effet de l'appréhension, il s'avança lentement à l'intérieur, aux aguets. Il avait provoqué beaucoup de bruit en entrant ainsi sans réfléchir, la mystérieuse personne présente sur place l'avait-elle repérée ? Il sentit son cœur s'arrêter brusquement en distinguant une longue silhouette filiforme face à lu, se découpant à la lueur de la lune, le visage tourné vers l'extérieur.

Une vague de soulagement l'envahit lorsqu'il reconnut la longue chevelure de jet et le chemisier clair de Yumi. La jeune fille, plongée dans sa contemplation du lac de l'autre côté des vitres fêlées et poussiéreuses, ne semblait pas avoir remarqué sa présence, son beau visage affichant une expression de profonde mélancolie.

Discrètement, l'adolescent toussota doucement, afin de signaler sa présence. La japonaise sursauta aussitôt, faisant volte-face dans sa direction, avant de se détendre à son tour en le reconnaissant, se laissant aller à un sourire accueillant.

- Salut, fit-elle alors qu'il la rejoignait face à la baie vitrée.

- Salut, répondit-il, gêné de la retrouver dans un tel endroit alors qu'il la croyait déjà profondément endormie chez ses parents, qu'est-ce que tu fais ici ?

L'adolescente poussa un petit soupir, serrant les pans de son chemisier de ses bras croisés. Elle semblait ailleurs, comme plongée des années en arrière par la vétusté de l'usine environnante.

- Je n'arrivais pas à dormir, alors j'ai voulu faire un tour dehors et c'est le premier endroit qui m'est venu en tête… C'est stupide hein ?

Elle s'était expliquée d'un ton très calme, détaché de la réalité. Son regard d'encre, léger, donnait l'impression d'être plongé en plein rêve. Ulrich secoua la tête, il ne trouvait pas l'attitude de la jeune fille stupide, loin de là. Combien de fois la vieille usine sur son fleuve avait-elle hantée ses nuits au cours de l'année écoulée ? L'endroit avait beau avoir quelque chose de terrifiant, il n'en demeurait pas moins étrangement fascinant pour eux deux depuis le début, comme pour le reste des Lyokô-guerriers par ailleurs. Après tout, il était le lien qui les soudait, en dépit de tout.

- Je me souviens de cette pièce, commenta soudain Yumi, comme plongée dans une vague de souvenir, frissonnant sur le coup, en Seconde pour moi et en Troisième pour toi, XANA avait pris possession de motards et ils m'avaient poursuivis jusqu'ici.

- Oui, se remémora Ulrich en tremblant à son tour, se rappelant comme si c'était hier les horribles visages aux traits déformés par la possession, les yeux pulsants du symbole de Lyokô, leurs doigts crachant des éclairs rougeoyant, c'était le jour où Odd s'était mis en tête d'emmener Kiwi sur Lyokô… Tu avais bien failli y rester cette fois !

La japonaise eut un petit rire sourd qui semblait déplacé en de pareilles réminiscences.

- C'est vrai, approuva-t-il vaguement, sans se défaire de son sourire triste, mais tu avais volé à mon secours cette fois-ci, comme à chaque fois.

Ulrich ne sut comment prendre la remarque et se contenta d'un grognement diffus, plongeant à son tour son regard vers l'extérieur. La discussion l'avait perturbé et une flopée de souvenirs qu'il aurait préféré ressurgissait peu à peu, envahissant son esprit. Toute cette époque de lutte contre XANA ne lui semblait plus désormais qu'un vieux cauchemar lointain et pourtant, quelques années auparavant seulement, tout cela lui avait paru d'une réalité saisissante. Plus encore que sa vie d'étudiant solitaire en conflit constant avec ses parents.

- Il y avait aussi eut cette autre fois, lâcha-t-il soudain à son tour, n'y tenant plus, en Quatrième, le tournage de James Finson. XANA avait prit possession d'un des automates en forme d'alien qui devait servir d'accessoire au film.

- Je me souviens, confirma Yumi en secouant la tête, comme pour en chasser le souvenir de l'horrible créature dégoulinante de bave collante, saisissante de réalisme, elle nous avait coincé ici et il s'en est fallu de peu avant qu'on ne se fasse tuer ! C'était à l'époque où Aelita n'avait pas encore été ramenée sur Terre… On ne savait même pas qu'elle était vraiment humaine, tu te rends compte ?

Ulrich hocha doucement le menton, désormais bel et bien perdu dans ses souvenirs de collégien, qui lui revenaient les uns après les autres avec un luxe de détails dont il aurait cru ne jamais pouvoir se rappeler encore quelques semaines plus tôt.

- Il y avait Sissi avec nous, ajouta-t-il avec un demi-sourire, c'était une vraie peste à l'époque ! Elle se prenait tellement pour une grande actrice prête à percer… Toujours à me coller partout… Jamais je n'aurais cru que j'allais finir par sortir avec elle et que ce serait elle qui me larguerait au final. Comme quoi…

Un silence lourd de souvenirs s'imposa entre les deux adolescents, tandis que les images de leurs aventures passées continuaient à défiler devant leurs yeux, sans qu'ils parviennent à en tarir le flot. Plus il y repensait, et plus il leur apparaissait à quel point ils avaient frôlé la mort chaque jour à cette époque si lointaine.

- On n'avait pas peur à l'époque, fit finalement remarquer Ulrich d'un ton dans lequel pointaient des accents de nostalgie. Que n'aurait-il pas donné pour retrouver l'insouciance de son ancien « lui » ?

- Peur ? répéta Yumi dans un petit rire nerveux, bien sûr qu'on n'avait pas peur ! On n'était que des enfants, on ne comprenait même pas dans quoi on s'était engagés… En fait, je crois qu'on n'a jamais vraiment pris le temps d'y penser. C'est cette année d'inactivité qui nous a fait réaliser à quel point toute cette histoire nous dépassait et était dangereuse.

- Peut-être… admit le jeune homme.

Il restèrent silencieux encore un instant, chassant peu à peu de leur esprit respectif ces souvenirs à la fois fantastiques et douloureux, jusqu'à ce que seule l'instant présent reste entre eux. Tout à coup, ils sentirent très seuls, comme si une part d'eux-mêmes venait de les quitter définitivement. Oui, ils avaient été des enfants, il y avait des années-lumière de cela. Mais cette époque était révolue désormais et ils ne pouvaient plus faire semblant et fuir la réalité avec la même facilité.

- Ah, en parlant de souvenirs, s'exclama soudain Ulrich avec un demi-sourire, farfouillant dans son sac en bandoulière, regarde ce que j'ai retrouvé dans mes affaires en faisant du tri l'autre jour !

Intriguée, Yumi leva les mains, saisissant l'objet rectangulaire que lui tendait son ami d'un geste excité. Elle leva à la lueur des rares étoiles perçant à travers les carreaux afin de mieux distinguer de quoi il s'agissait, plissant ses beaux yeux en amande. Il s'agissait d'un minuscule carnet vert à la couverture d'un vert vase décoléré élimée. A sa surface, une étiquette jaunie par le temps qui ne semblait plus tenir que par quelques rares traces de colle vétuste, indiquait d'une écriture cursive et gauche la mention « Ulrich Stern – Journal Intime ». Mais elle avait reconnu l'objet bien avant d'avoir pu lire ceci, son cœur ratant un battement.

- Sissi ! s'exclama-t-elle, tandis qu'une nouvelle vague de souvenirs enfouis la submergeait de nouveau.

- Elle me l'avait dérobé en quatrième et tu m'avais aidé à le récupérer, approuva Ulrich en plongeant ses mains dans ses poches, en guise de reconnaissance, je t'avais promis de te laisser lire ce que j'y avais écrit un jour. Je pense que c'est aujourd'hui ou jamais, désolé pour tout ce retard… J'aurais du avoir le cran de le faire il y a des années.

La japonaise resta figée sur place, éberluée. Elle-même ne se souvenait même plus de cette vieille promesse après tout ce temps, elle ne pouvait croire qu'Ulrich se soit remémoré ainsi chaque détail de cette conversation après près de trois longues années.

- Je… Je ne peux pas accepter, Ulrich, bredouilla-t-elle, touchée au plus profond de son être, c'est à la Yumi que j'étais à cette époque que tu as fait cette promesse, pas à moi. Reprends ce journal.

Lui tendant vainement le petit carnet, elle sursauta soudainement, surprise. En tentant de le forcer à reprendre son vieux journal intime, ses mains avaient subrepticement effleuré celles du jeune homme. Elle ne s'était pas attendue à ceci et avait fait preuve de plus de zèle qu'elle ne l'aurait souhaité face à un contact aussi innocent. Aussi fut-elle reconnaissante à Ulrich de n'émettre aucun commentaire.

- Non, garde-le, insista le jeune homme d'un ton calme mais ferme, je tiens à garder mes promesses. D'autant plus que je sais que tu n'as pas autant changé que tu essayes de le faire croire.

L'adolescente ne trouva rien à répondre, ouvrant sa bouche aux fines lèvres asiatiques sans qu'aucun son ne sorte de sa bouche. Un vrombissement de portable s'éleva brusquement à travers la pièce, rompant cet instant troublant. Ulrich, toussotant légèrement sous l'effet de la gêne, dégaina son appareil, faisant défiler le message à l'écran d'un geste distrait.

- Apparemment, Aelita a fini le nouveau programme de virtualisation, fit-il d'un air satisfait avant de glisser de nouveau le téléphone dans sa poche, tu veux m'accompagner jusqu'au labo, puisque tu es là ?

- Je… Non, merci, hésita la japonaise d'un ton troublé, je vais rentrer chez moi avant que mes parents ne remarquent mon absence je pense… Bonne nuit Ulrich.

Visiblement déçu, le jeune homme la salua néanmoins d'un signe de tête avant de faire demi-tour vers la porte de sortie, s'enfonçant dans ses ténèbres jusqu'à disparaître totalement. Un souffle d'air frais s'engouffra sur son passage, faisant frissonner Yumi involontairement. Restée seule, la jeune fille réalisa qu'elle pressait toujours le petit journal intime rapiécé contre son cœur.

En caressant la couverture rêche d'un doigt distrait, elle hésita un instant, profondément plongée dans ses pensées. Puis, cédant à une mystérieuse impulsion, elle se laissa glisser contre une des hautes colonnes de pierre parsemant la vaste salle en demi-cercle, et commença à lire.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:23   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 42 :

Épisode 141 : Trouver le courage_



Une nouvelle belle journée s'annonçait sur Kadic. Un soleil resplendissant scintillait au dessus des toits de tuiles anciens, les gorgeant de lumière, et quelques collégiens flânaient dans le parc en attendant la pause de midi, profitant du retour du beau temps non sans une certaine forme d'allégresse.

En revanche, côté lycéen, l'ambiance était à tout sauf à la détente, et notamment parmi les Premières. En effet, en ce magnifique jeudi de mai, l'épreuve des TPE commençait pour les pauvres bacheliers et le stress qui s'était accumulé parmi eux tout au long de la semaine semblait avoir désormais atteint son apogée.

Les couloirs étaient à présent emplis d'élèves de 16 et 17 ans, fébriles, révisant nerveusement leur exposé à voix basse d'un ton hésitant ou s'assurant bien que le diaporama accompagnant leur présentation était au point et fonctionnel avant l'heure fatidique de leur passage. Des listes d'horaires avaient été placardées un peu partout sur les portes des salles de classe, et tout le bâtiment des sciences avait été réservé pour les Première Scientifique pour l'occasion. Jérémie et Aelita, relativement sereins, parcouraient d'un œil silencieux une dernière fois leur Powerpoint sur l'ordinateur portable de cette dernière, évitant soigneusement de s'adresser la parole, comme à leur habitude, assis sur les marches du grand escalier menant aux salles de SVT. Seul le tapotement nerveux du pied de la jeune fille aux cheveux roses dénotait une certaine anxiété.

Mathieu, adossé contre la rampe un peu plus bas, avait le regard fixé à travers la fenêtre la plus proche, désœuvré. Il ne voulait pas risquer de troubler la concentration de ses amis mais se sentait malgré tout étranger à toute cette angoisse ambiante, dispensé d'épreuve comme il l'était.

D'un geste négligent, Jérémie observa la montre que constituant son nouvel I-pod Touch avant de se relever en lissant les plis de sa chemise d'un geste nerveux.

- C'est à nous dans cinq minutes, annonça-t-il tandis qu'Aelita, poussant un soupir angoissé, fermait l'écran de son ordinateur d'un geste lent, on ferait mieux d'aller devant la salle, histoire d'être prêts le moment venu.

- Oui, approuva poliment la jeune fille avant de se retourner vers Mathieu, un sourire pâle aux lèvres, tu ferais mieux de nous attendre au Foyer, on te racontera comment ça s'est passé.

- Hm… répondit vaguement l'adolescent sans vraiment l'écouter, perdu dans ses pensées.

Haussant les épaules, Aelita se résolut néanmoins à gravir les dernières marches de l'escalier pour rejoindre un Jérémie à l'air impatient, disparaissant derrière la double porte menant au couloir des sciences.

Mathieu, resté seul, hésita un instant avant de se résoudre à redescendre jusqu'à la sortie. Il ne pouvait pas supporter de rester confiner par une si belle journée. Cela n'aurait fait qu'ajouter à l'impression d'étouffer qu'il éprouvait depuis la veille, suite à l'épisode du baiser sur le pont.

Retenant un frisson, il chassa ce souvenir troublant qu'il tentait tant bien que mal d'ignorer depuis le début de la journée et laissa ses pas le porter vers l'extérieur, clignant légèrement des yeux face à la luminosité du parc, les rayons de soleil brûlant léchant sa peau pâle. On se serait presque déjà cru en été tant il faisait chaud.

N'ayant aucune idée de ce qu'il désirait faire en attendant la fin du passage de ses camarades de classe, il jeta un bref coup d'œil à l'I-pod Touch à son poignet. A cette heure-ci, Odd et Eva devait se préparer à passer avec fébrilité. Il aurait pu aller les rejoindre dans le couloir des salles de Langue mais son estomac, tendu d'appréhension à l'idée de se retrouver de nouveau face avec le garçon qui l'avait subitement embrassé sans la moindre explication la veille, le dissuada de mener ce plan à bien.

Résigné, il se décida finalement à se diriger vers le parc, histoire de faire quelques croquis afin de se chasser les idées. A sa grande surprise, Ulrich était présent à la lisière des arbres, adossé contre un chêne au tronc épais, ses écouteurs enfoncés dans ses oreilles, les yeux mi-clos. Il redressa la tête en sentant arriver le jeune homme et lui adressa un sourire accueillant, se décalant légèrement afin de lui permettre de s’asseoir à côté de lui, tout en arrêtant sa musique d'une pression du pouce sur son portable. Mathieu eut tout juste le temps de percevoir les dernières notes de « Break Away » des Ceb-digitals, avant que celles-ci ne s'interrompent brusquement.

- Salut, fit-il, heureux de trouver quelqu'un à qui parler, tu n'es pas en train de réviser pour tes TPE ?

Ulrich eut un haussement d'épaules, comme si cette épreuve ne constituait pour lui qu'un aspect négligeable légèrement ennuyeux de sa vie scolaire.

- Je suis en groupe avec des amis de Sissi alors forcément, depuis qu'on a rompu ce n'est pas la grande joie entre nous, expliqua-t-il sobrement, je préfère me détendre l'esprit avant mon passage plutôt que me prendre la tête.

Mathieu approuva. Il comprenait parfaitement ce désir de se tenir à l'écart, la situation ne devait pas être aisée pour le jeune homme. Ulrich, soudain songeur, s'était mis à le fixer intensément de son regard chocolat.

- Dis-moi, questionna-t-il soudain d'un ton brusque, tu vas bien ? Je me serais attendu à te voir avec Odd… Vous vous êtes disputés ou quoi ?

- Non, non, du tout ! s'exclama l'adolescent en rougissant sur le coup, gêné par l'allusion à son ami de ES, il… On n'a juste pas trop eu l'occasion de discuter dernièrement et je ne veux pas l'embêter, rien de plus.

Pas dupe, l'élève de Première littéraire arqua ses sourcils broussailleux en une expression perplexe.

- Tu es sûr ? insista-t-il, vous agissiez bizarrement hier soir après qu'Aelita nous ait appelé, il s'est passé quelque chose ?

Mathieu ne trouva rien à répondre, troublé par l'assaut de questions du jeune homme. Il devait bien admettre que leur attitude respective avait eu de quoi surprendre la veille, au moment de retourner dans le laboratoire. En effet, ni lui, ni Odd n'avait osé croiser le regard de l'autre et ils avaient veillé à conserver une certaine distance de sécurité, évitant de s'adresser la parole plus que nécessaire sous peine de voir leur teinte de peau virer au rouge pivoine.

Aelita, si elle s'était momentanément formalisée de cette soudaine distance suspecte, avait rapidement enchaîné sur son nouveau programme de virtualisation, enfin achevé.

- Le principe est très simple, avait-elle expliqué, attablé à la place de sa mère face à la console du Supercalculateur, le programme analyse toujours notre imaginaire afin de vous forger un avatar virtuel correspondant le plus à votre univers onirique, cependant j'ai ajouté un système de barre d'expérience, qui se remplira au fur et à mesure de nos combat. Passé un certain stade, on pourra désormais monter d'un niveau et le programme ré-analysera automatique nos nouvelles facultés physiques et notre imaginaire pour adapter notre apparence virtuelle au mieux. Techniquement parlant, il faut toujours avoir moins de 18 ans pour la première virtualisation mais, à partir du moment où notre image numérique est enregistrée dans le programme des scanners, on pourra y passer sans problème de façon inépuisable et ce, quel que soit notre âge !

- Ça veut dire que Stéphanie ne pourra toujours pas se virtualiser, avait raisonné Mathieu d'un air sombre, elle risque d'être déçu…

Mais Aelita s'était empressée de répliquer, joyeuse :

- Bien sûr que si elle pourra ! avait-elle fait, sa dernière virtualisation a certes été un fiasco et on a peut-être du lancer un retour vers le passé mais son avatar est bel et bien enregistré dans la mémoire de la machine ! Elle devrait pouvoir passer aux scanners sans problème désormais, et il en va de même pour Yumi.

Jérémie s'était alors redressé légèrement, sa tablette à la main, prenant le relais pour les explications.

- Par contre, afin d'éviter un conflit avec l'ancien programme de virtualisation, il va falloir que je supprime les améliorations que j'avais apporté à vos avatars en Troisième pour combattre William… Sans compter tous les petits add-on que j'avais foutu au fil des années, comme l'amélioration du système de stockage des Flèches Lasers ou le deuxième éventail de Yumi !

Odd s'était presque aussitôt indigné, déçu.

- Ça veut dire qu'on va se retrouver de nouveau avec nos avatars pourris et tout faibles du début ? Ça craint ! Comment vous voulez qu'on combatte la Green Phoenix et Angel avec ça ?

Mais Aelita s'était contentée d'un petit sourire mystérieux. Jérémie, moqueur, avait fini par fournir de plus amples explications.

- Non, avait-il annoncé tout en branchant sa tablette à l'interface principale du poste de commande, par chance, mon vieux programme de stats a tourné pendant toutes nos années de combat, enregistrant vos performances et vos combats sur Lyokô en continue ! On aura juste à coupler ces données au programme de virtualisation évolutif lors de votre prochaine virtualisation et votre niveau devrait être calculé automatiquement. Par contre je ne peux rien garantir quand à vos nouvelles apparences virtuelles, ce sera la surprise !

Et, sans plus de formalité, il avait sélectionné les améliorations des équipements des Lyokô-guerriers sur son I-pad, et les avait effacées d'un simple geste, sous le regard nostalgique du jeune homme au béret.

- Elles vont me manquer quand même nos vieilles tenues, avait-il annoncé avec un sourire morose, j'aimais bien mes petites oreilles de chat en fait !

Mathieu, lui, s'était contenté de regarder tournoyer à l'écran principal les quatre silhouettes virtuelles représentant les tout premiers avatars d'Aelita, Ulrich, Odd et Yumi. Il ne pouvait distinguer grand-chose d'où il était mais tous paraissaient beaucoup plus jeunes et archaïques que ceux qu'il connaissait. Il avait également pu découvrir pour la première fois le look de ninja de la japonaise, qu'il n'avait encore jamais eu l'occasion d'apercevoir sur Lyokô, ayant rapidement laissé place à une nouvelle forme similaire à celle d'une geisha traditionnelle.

Ulrich claqua brutalement des doigts devant les yeux du jeune homme, le ramenant à la réalité. Hébété, il cligna vaguement des paupières, surpris de se retrouver à la clarté du parc en lieu et place de l'atmosphère confinée de l'usine.

- C'est la nuit qu'on rêve, vieux, fit remarquer le jeune homme aux cheveux bruns, amusé, alors avec Odd, raconte ? Qu'est-ce qui vous arrive encore ?

Pendant un instant, Mathieu hésita, indécis. Ulrich avait toujours fait preuve de la plus grande sympathie envers lui, à défaut de se montrer réellement amical. Il avait toujours exprimé son soutient lorsque la situation l'exigeait et ne le jugeait en aucune manière pour son homosexualité. Qui plus était, il était comme son mentor sur Lyokô, celui qui lui avait appris à se battre et avait même amorcé un semblant de réconciliation entre Eva et lui. Mais pouvait-il lui faire confiance pour autant ? Il était certain que si Odd n'avait pas fait part de ce baiser impromptu à son camarade de chambre, c'était pour une très bonne raison. Et puis d'ailleurs, y avait-il vraiment eu baiser au clair de lune ? Plus les minutes s'écoulaient et plus Mathieu avait l'impression que ce bref instant d'intimité sur le pont n'avait été qu'un long rêve à la fois perturbant et curieusement agréable…

Au moment où il prit la décision de se murer dans son silence, la main d'Ulrich s'abattit sur son crâne d'un geste bourru, lui ébouriffant les cheveux avec une affection paternel.

- Bah, ne dis rien va si tu ne le sens pas ! sourit-il de toute ses dents en le gratifiant d'un regard empli de compréhension, tu viendras me parler au moment venu, prend le temps de réunir tes pensées en tout cas et quel que soit le soucis, essaye de ne pas trop te prendre la tête !

Mathieu eut un rictus incertain et, faute de mieux, resta silencieux, malgré tout touché par l'attitude affectueuse du jeune homme envers lui. Une agréable sensation de chaleur qui n'avait rien à voir avec l'attirance qu'avait suscité en lui l'adolescent lors de leur première rencontre naquit soudain au creux de sa poitrine. En dépit de toutes les complications ayant pris possession de sa vie au cours des derniers mois, jamais il ne s'était senti si serein, si en sécurité. Pour la première fois de sa vie, il avait l'impression qu'on tenait à lui et qu'il pouvait faire confiance aux autres sans trop se poser de questions. Comme si Kadic était devenu, en l'espace de quelques merveilleuses semaines, le premier véritable foyer qu'il n'ait jamais connu ! Ici, assis dans ce parc à échanger des banalités avec un ami, il se sentait curieusement bien…

« C'est donc ça le pouvoir de Lyokô ? réalisa Mathieu en écarquilla ses yeux bleus fixé sur le ciel infini au dessus de sa tête, limpide, réunir des personnes qui n'auraient jamais eu l'idée de se fréquenter sans certaines circonstances ? Leur donner une nouvelle famille… ».

Ulrich resta quelques minutes, adossé contre son arbre, à contempler le visage apaisé pour la première fois depuis de longs mois de son vis-à-vis. Puis, sans crier gare, son portable se mit à vrombir dans sa poche sous l'effet de l'alarme qu'il avait programmé quelques heures plus tôt et un soupir lui échappa. Résigné, il se redressa sur ses jambes en s'étirant paresseusement, tel un gros chat couleur chocolat.

- Désolé, Mat' ! fit-il en étouffant un bâillement, mais il va falloir que je te laisse ! C'est bientôt l'heure de mon passage… On se voit tout à l'heure au réfectoire, souhaite-moi merde !

Et, sans attendre la réaction de son ami, il s'éclipsa en direction des bâtiments, lui adressant un petit salut de la main sans se retourner. Mathieu le regarda s'éloigner tandis que le premier surnom affectueux qu'on lui eut jamais attribué résonnait doucement dans sa tête.


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Anthéa pianotait d'une main sur son clavier d'un air affairé, la lueur verdâtre des écrans conférant à son visage un aspect blafard. Sa seconde main portait régulièrement à ses lèvres une tasse de thé tiède dont l'arôme embaumait l'ensemble de la salle de contrôle du Supercalculateur, lui conférant une ambiance raffinée et douce des plus inhabituelles. Devant ses grands yeux bleus éprouvés par le temps, les lignes de codes s'affichaient les unes après les autres, encadrant la photo d'un homme à l'épaisse barbe grisonnante, tenant dans ses bras une petite fille au visage en forme de cœur souriant de toutes ses dents devant un tableau noir couvert de symboles difficilement déchiffrables pour un néophytes. Franz Hopper, ou plutôt, comme elle l'avait connu toute sa vie, Waldo Schaffer, et leur fille à tous les deux.

Une vague de nostalgie emplit l'informaticienne tandis qu'elle rectifiait les codes du programme de reboot du Supercalculateur de son défunt époux, l'adaptant peu à peu à son désir de réparation de Lyokô. Il y avait tant d'années qu'ils avaient été séparés désormais… Et jamais le temps perdu ne pourrait être rattrapé. A chaque fois que cette pensée lui traversait l'esprit, elle ne pouvait s'empêcher de ressentir une pointe au fond de son vieux cœur usé et meurtri. Waldo avait été son seul et unique amour, l'homme de sa vie. Aucun autre homme ne lui avait paru plus brillant, plus à même de la combler de bonheur, et sa mort avait eut pour effet de creuser un vide immense dans sa vie dont, elle le savait, elle ne serait jamais capable de guérir totalement.

- Allez, du nerf, s'ordonna-t-elle, serrant à travers son pull le médaillon d'or gravé à leurs initiales, seul souvenir de cette période de sa vie si heureuse, ce n'est pas le moment de flancher… Aelita me ferait la morale si elle me voyait !

D'un geste délicat, elle baisa ses deux doigts avant de les déposer sur le visage intimidant de l'homme à travers l'écran avant de fermer la photo d'une pression sur une touche, un vague sourire aux lèvres.

- Notre fille a bien grandi, Waldo, soupira-t-elle en se remettant au travail, j'aurais aimé que tu puisses la voir grandir toi aussi… Parfois j'ai l'impression que c'est elle l'adulte à la maison !

Se reculant légèrement sur son siège, elle observa d'un œil critique le programme qu'elle venait de taper d'une traite, sans prendre de pause, après la fin de son service de la matinée au Kiwi Bleu. Tout semblait correct à en juger les dernières simulations se déroulant en parallèle sur les écrans de gauche et de droite. Elle n'avait plus qu'à tout mettre en marche et croiser les doigts !

- Au moins, il y a toujours une chose que je peux faire pour elle, l'assister au mieux dans toute cette histoire ! affirma-t-elle à l'adresse de son mari avant de presser enfin la touche Enter d'un doigt souple, attendant.

Quatre fenêtres s'allumèrent aussitôt à l'écran principal, représentant autant de longs cylindres tournant sur elles-mêmes, s'illuminant peu à peu de vert. Un sourire triomphant naquit sur les lèvres d'Anthéa tout se passait comme prévu. Les quatre Tour de Passage activées, la reconstruction de Lyokô n'était plus qu'une question de minutes désormais !

Alors qu'elle s'apprêtait à savourer quelques minutes de repos bien méritées, une alarme tonitruante raisonna brusquement dans le confinement de la pièce et son début de sourire fondit aussitôt comme neige au soleil. Se redressant d'un bond, l'informaticienne aux longs cheveux rose pâle se précipita de nouveau sur son clavier, alors qu'un message d'alerte venait remplir aux trois quarts l'écran principal de l'ordinateur. Y avait-il un problème avec l'activation des Tours ? Avait-elle commis une quelconque erreur de manipulation ?

Elle réalisa sa méprise lorsque la fenêtre d'alerte eut fini de dévoiler ses codes sur son injonction, laissant apparaitre le programme de surveillance de la Faille qu'elle avait elle-même mise au point. Le pare-feu venait d'être corrompu et la Green Phoenix était parvenue à pénétrer leurs défenses une fois de plus, envoyant une nouvelle vague de Monstres à l'assaut du Cœur !

Furibonde, Anthéa se mit à pianoter sur son clavier à toute allure, ouvrant de nouvelles protections autours de Lyokô à toute allure, retenant à grand peine un juron consterné. Pourquoi justement à cet instant précis ? Le Supercalculateur été ralenti par la re-modélisation des Territoires de Surface, si bien que le programme de son Firewall réadaptable en cas de menace tournait au ralenti, incapable de supplanter les tentatives de pénétrations de la Green Phoenix suffisamment longtemps pour bloquer l'arrivée des monstres. A ce rythme, le cœur serait détruit bien avant que la barrière protectrice n'ait eut le temps de se reconfigurer d'elle-même, il était impératif d'accélérer les choses manuellement !

Une goutte de sueur froide perla le long du menton en forme de cœur d'Anthéa, avant de s'écraser sur le bord du clavier, moite. Il fallait qu'elle tienne bon avant l'arrivée des enfants, c'était la seule solution convenable pour l'instant !


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Mathieu était occupé à griffonner sur son carnet de croquis à l'ombre du grand chêne sous lequel Ulrich venait de le laisser lorsqu'un vrombissement tonitruant fit soudain vibrer son poignet, faisant glisser involontairement son crayon sur toute la longueur de la page en lui arrachant un sursaut effrayé.

Avec effarement, le jeune homme porta son regard bleu écarquillé sur le symbole aux cercles concentriques pulsant désormais à la surface de son I-Pod Touch, modifié par Jérémie. Son sang parut se glacer dans ses veines lorsqu'il en comprit enfin le sens, retrouvant ses esprits. Une alarme ! Le Farewall contenant la Faille avait céder et la Green Phoenix avait réussi à s'infiltrer dans Lyokô ! Il fallait rejoindre l'usine en toute hâte.

Se levant d'un bond un peu trop brusque, Mathieu se prit de plein fouet une branche de l'arbre sur lequel il était adossé à l'arrière du crâne, lui arrachant un grognement de douleur accompagné d'un « crac » sonore des plus déplaisant.

Massant l'épaisse bosse qui commençait à poindre sous son cuir chevelu, il hésita brusquement, troublé. Ulrich venait tout juste de rejoindre les bâtiments principaux de Kadic pour son entretient et Jérémie et Aelita, tout comme Odd et Eva, étaient dors et déjà en pleine entrevue pour leur TPE, aux prises avec les délicates questions de leurs professeurs respectifs. En d'autre terme, il était le seul Lyokô-guerrier disponible cette fois-ci !

Une vague de terreur se mit à l'envahir lorsque cette pensée lui traversa enfin l'esprit. Tout était perdu ! Il était bien trop inexpérimenté pour parvenir à faire face seul à toute une armée de monstres… Beaucoup trop faible ! Comment pouvaient-ils ne serait-ce qu'espérer gagner cette fois ?

Alors qu'une horrible aura de désespoir commençait à s'insinuer en lui, le paralysant tel un poison mortel, brouillant ses sens dans un kaléidoscope d'appréhension, une scène s'imposa brusquement à son regard, stoppant net ses tremblements de peur incontrôlable. Sous un immense clair de lune, perchés sur un pont, deux adolescents s'embrassaient doucement.

Une agréable sensation de chaleur vint peu à peu chasser la résignation au fin fond de sa poitrine alors que le regard gris perlé d'Odd s'imposait à lui avec plus de netteté que jamais, ses joues se colorant de rose. Oui, tout n'était pas encore perdu. S'il abandonnait maintenant, personne, pas même lui, ne pourrait jamais lui pardonner. Même s'il n'était ni très fort, ni très expérimenté, il pouvait encore tenter de tenir suffisamment longtemps jusqu'à l'arrivée des autres. Un entretient pour les TPE ne durait pas plus d'une demi-heure, il lui suffisait de résister ce laps de temps durant en attendant la venue des secours ! Rien d'impossible en somme, n'avait-il pas fait la même chose sur Endo après tout quelques semaines auparavant ?

Ragaillardi, Mathieu fit promptement volte-face avant de se mettre à courir à travers le parc en toute hâte, son cœur battant la chamade, ses joues giflées par les branches d'arbres de plus en plus feuillues à mesure que la saison avançait. Cette fois-ci, c'était à son tour de prouver ce dont il était capable.

« Sans compter que, si je n'agis pas maintenant, je n'aurais sûrement jamais plus l'occasion de demander à Odd ce que signifiait ce baiser… » pensa-t-il bien malgré lui dans une pointe d'égoïsme avant de disparaître dans les fourrées, ne laissant derrière lui que quelques brins d'herbe piétinés.


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Le foyer des étudiants était littéralement surpeuplé à cette heure. Les quelques collégiens habituels devaient en effet cette fois-ci subir la présence de nombreux élèves de Terminale, libérés de leurs obligations habituelles en raison des TPE, occupant la plupart de leurs professeurs. De fait, la salle croulait sous la population et les rires et cris incessants des élèves faisaient tant vibrer vitres et murs qu'on se demandait à quel moment la petite pièce allait s'effondrer sur ses occupants.

Yumi avait réussi à s’asseoir sur une des dernières banquettes libres, malheureusement non loin de la télévision devant laquelle un petit groupe de Terminale S se disputait violemment avec un groupe de Seconde dans le but de savoir qui aurait accès à l'unique télécommande du foyer et déciderait du programme à regarder. En fond sonore, la chaîne ne cessait de changer à l'écran, alternant entre une émission de variété et le dernier épisode en date d'une série médicale, produisant une joyeuse cacophonie venant se mêler aux protestations des étudiants.

La japonaise, insensible à ce tumulte, s'était contentée d'enfoncer ses écouteurs dans ses oreilles, dégageant ses mèches de cheveux interminables d'une main gracieuse, son beau visage de porcelaine rivé sur les petites feuilles à carreaux que ses doigts fins s'acharnaient à noircir de mots et de termes littéraires complexes, soulignant ça-et-là quelques points clefs. Le bac approchait à grands pas et, avec toutes ces histoires de Green Phoenix et de Supercalculateur, Yumi avait finit par accumuler un peu de retard dans ses révisions, raison pour laquelle elle préférait, contrairement à la grande majorité de ses camarades, consacrer ces quelques heures de trou inespérées à la rédaction de ses fiches plutôt qu'à la détente. De toute manière, réviser avait toujours eu un effet apaisant sur ses nerfs. Ainsi, elle évitait de trop penser à ses problèmes personnels, à commencer par les mots contenus dans les pages d'un petit carnet usé dissimulé au fond de son sac…

Un grognement juste à côté d'elle la tira soudain de sa concentration. Stéphanie venait de s'insérer à côté d'elle, deux canettes fraîchement tirées du minibar du foyer après quelques savants coups de coude dans sa main, bousculant au passage plusieurs élèves de ES qui avaient profité de son absence temporaire pour coloniser sa place.

- Comment tu fais pour bosser dans un endroit pareil ? ronchonna l'adolescente aux cheveux bruns noués en une couette unique, sans prendre garde aux regards noirs qui lui étaient adressés, tu ne veux pas réviser dans le parc plutôt ? On y serait plus tranquille…

Yumi se contenta d'un pâle sourire, se gardant bien d'expliquer à son amie que la raison pour laquelle elle avait choisi cette ambiance confinée n'avait rien à voir avec son travail. Au fond d'elle, elle savait que dés qu'elle se retrouverait prisonnière de la quiétude extérieure, elle serait obligée de recommencer à penser à ce qu'elle avait lu le soir même au sein du vieux journal intime d'Ulrich, dissimulée sous l'édredon de son futon, son portable à la main en guise de lampe-torche.

A cette simple pensée, le blanc de ses joues parfaites se teinta d'une légère nuance de rouge et elle préféra faire mine de relire un passage de ses cours, dissimulant habillement son visage sous ses longs cheveux d'un noir brillant.

Affichant une moue circonspecte, Stéphanie se contenta de boire une gorgée de sa canette de soda gagnée à la sueur de son front, son étrange regard aux éclats violets se posant sur une silhouette solitaire, à l'autre bout du foyer.

- Il a l'air malheureux, commenta-t-elle plus pour elle-même que pour Yumi, tandis que William, inconscient du regard que l'adolescente lui portait, lâchait un profond soupir.

La japonaise ne lui adressa qu'un bref coup d'œil, troublée, avant de se replonger dans des études de texte datant de début d'année, un floues dans sa tête. Malgré elle, Stéphanie, perchée au sommet de sa banquette afin de profiter de plus de place, ne put s'empêcher de se dire avec culpabilité que son amie ne réagirait pas aussi légèrement si elle avait eu vent de leur conversation au cinéma il y avait peu de temps… Après tout, elle n'avait pas hésité à engager l'ex-petit-ami de la jeune fille à venir les rejoindre dans leur combat, sans même la consulter avant. Elle qui ne savait rien de tout ce qu'ils avaient vécu auparavant… Avait-elle outrepassé ses droits à cet instant ?

Perdu dans ses pensées, elle mit quelques instants avant de sentir le léger vrombissement à son poignet. Yumi avait redressé la tête, ôtant ses écouteurs d'une main distraite, troublée.

- Tu n'entends pas comme un bruit ? fit-elle en tendant l'oreille malgré le brouhaha ambiant.

Pour toute réponse Stéphanie, blême, lui tendit son I-pod Touch orange sur lequel pulsait désormais le symbole de XANA en caractère lumineux, dégageant une sonnerie d'alerte à peine audible.

Sentant son sang se glacer dans ses veines, la japonaise remonta la manche de son chemisier précipitamment pour y découvrir son propre appareil, noir, ornementé du même signe. La Green Phoenix lançait une attaque sur le cœur de Lyokô !

Tandis que le visage de Yumi se décomposait, rongé par l'inquiétude, celui de Stéphanie, au contraire, se fendit soudain d'un grand sourire qui lui attira un regard incrédule de la part de son amie.

- Qu'est-ce qu'il te prend ? questionna-t-elle, troublée, tandis que l'adolescente sautait de la banquette pour se réceptionner gracieusement sur le sol, lissant les plis de sa jupe avec insistance.

- Eh bien on ne va pas rester là, non ? répondit-elle d'un ton surexcité, faisant taire l'alarme à son poignet afin de ne pas attirer l'attention plus que nécessaire, Anthéa va avoir besoin de nous au labo pour combattre l'assaut de la Green Phoenix ! Ça veut dire que je vais enfin pouvoir retourner sur Lyokô !

L'incrédulité, puis la colère passèrent tour à tour sur le visage de Yumi. Furibonde, elle se leva à son tour de sa place, manquant de bousculer de peu ses camarades autours d'elle au passage dans la précipitation.

- C'est hors de question, siffla-t-elle en jetant des coups d'œil inquiet autours d'elle de peur d'être entendue, tu ne peux pas te virtualiser, c'est trop dangereux ! Le programme de virtualisation…

- …Est parfaitement opérationnel maintenant, protesta Stéphanie en croisant les bras d'un air boudeur, Mathieu m'a tout raconté en détail par SMS la nuit dernière. Yumi, on est en train de perdre du temps !

La japonaise ne se laissa pas démonter pour autant, bloquant farouchement le passage à son amie qui faisait mine de se diriger vers la sortie du foyer, impatiente.

- Tu ne penses qu'à t'amuser ! s'énerva-t-elle en fronçant ses sourcils dans une expression glaciale comme elle seule pouvait le faire, c'est comme ça qu'on a perdu William la dernière fois et je ne te laisserai pas faire la même erreur ! Sans compter qu'ils n'ont probablement pas besoin de nous à l'usine ! Les autres…

- …Sont tous en train de passer leurs TPE à l'exception de Mathieu, la coupa une nouvelle fois Stéphanie en haussant à son tour le ton pour la première fois. Les insinuations de son amie l'avaient profondément vexée, crois-moi Yumi, je sais à quel point c'est risqué dans le monde virtuel ! On a failli perdre les autres la dernière fois sur Endo et c'est moi qui aie fini à l'hôpital lors de ma première plongée. Tu penses honnêtement que je n'ai pas conscience des risques encourus ?

Le ton anormalement sérieux de la gothic lolita suffit à troubler la japonaise, qui se défit aussitôt de son air courroucé, incrédule.

- Je… Non, bien sûr que non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire ! bredouilla-t-elle, réalisant son erreur, je… J'ai juste peur qu'il t'arrive quelque chose. Tu es ma seule amie depuis longtemps et je ne veux pas risquer de te perdre, comme la dernière fois…

Stéphanie se radoucit presque aussitôt, un sourire coupable se dessinant sur ses lèvres. Pourtant, malgré la détermination de son amie à ne pas la laisser risquer sa vie, son regard affichait toujours la même étincelle. Maintenant qu'elle pouvait enfin se rendre utile, elle n'allait pas céder à la facilité, quoi que Yumi puisse en penser.

- Fais-moi confiance, se contenta-t-elle de dire doucement avant de contourner son amie, se dirigeant d'un pas décidé vers la porte de sortie.

La japonaise resta figée un instant sur place, en proie à l'indécision, avant de finalement faire volte-face à son tour, résignée. Malgré tout le dégoût que pouvait lui inspirer Lyokô depuis quelques temps, elle ne pouvait laisser son amie risquer sa vie seule.

Obnubilée par le tracas que lui causait cette nouvelle mission impromptue, elle ne vit pas la silhouette sombre s'infiltrer à sa suite à travers l'interstice de la porte laissée entrouverte, se dissimulant en toute hâte derrière un pilier, les observant disparaître sous le couvert des arbres du parc avec nervosité.


http://elementaryschool.perso.neuf.fr/code_lyoko/xana.png


Lorsque la porte du monte-charge coulissa, libérant Yumi et Stéphanie à l'intérieur de l'espace poussiéreux et confiné du laboratoire, ce fut pour dévoiler une Anthéa en pleine effervescence devant son écran, occupée à pianoter furieusement sur son clavier tout en glapissant des ordres à travers son micro.

- Bien joué ! s'écria-t-elle sans prendre garde aux deux jeunes filles qui s'approchèrent d'elle aussitôt, la japonaise restant sur la réserve, maintenant fonce au nord de ta position, il y a trois Kankrelats qui tentent de prendre le Cœur à revers, dépêche-toi ! Je te programme un nouvel Overwing !

- Comment ça se présente ? questionna Stéphanie sans parvenir à masquer l'excitation au fond de sa voix, tirant la scientifique de son travail.

Celle-ci poussa un profond soupir, se massant les tempes d'un geste épuisé.

- Pour l'instant Mathieu a réussi à contenir la première vague de monstres à lui tout seul, répondit-il vaguement, mais la Faille montre de plus en plus de signes d'activité et il ne pourra pas continuer à tenir ce rythme-là une fois que la Green Phoenix aura réussi à renforcer ses objectifs, il faut que vous plongiez immédiatement !

Tandis que Stéphanie faisait presque aussitôt mine de faire volte-face, se ruant en toute hâte vers le monte-charge, Yumi resta sur place les bras croisés, une moue dubitative sur le visage.

- Et le nouveau programme de virtualisation alors ? s'enquit-elle avec prudence, suspicieuse, il a bien fonctionné ?

- Bien entendu, sinon je ne vous aurais pas demandé de vous virtualiser ! répliqua non sans une pointe d'agacement Anthéa, s'écartant légèrement de l'écran pour permettre à la japonaise de juger par elle-même.

En effet, la nouvelle représentant l'avatar virtuel de Mathieu, d'un bleu azur au lieu du jaune habituel, affichait désormais, en plus des Points de Vie –déjà faible- et de son habituelle barre d'Energie une nouvelle indication chiffrée, correspondant à son niveau actuel, calculé en permanence par le programme de statistiques de Jérémie. Pour l'instant, le chiffre « 5 » clignotait à côté de l’icône de son homologue virtuel, qui ne semblait pas avoir subit d'altération jusqu'à présent.

- Il est à un niveau plutôt impressionnant pour un nouveau venu dans le groupe, commenta Anthéa avec admiration, sa volonté de se battre doit être vraiment très forte ! Pour l'instant on n'a pu constater aucune modification dans ses facultés mais mes écrans m'indique un upgrade au niveau de ses armes, il va falloir attendre avant de voir ce que cela nous réserve…

A cet instant, un bruit métallique retentit dans le dos des trois faces, les faisant faire immédiatement volte-face. Stéphanie ne put retenir un glapissement d'effroi, plaquant une main contre sa bouche.

Émergeant de l'obscurité impénétrable du plafond, s'agrippant barreau après barreau à l'échelle de fortune aménagé contre le mur, descendait peu à peu vers elles la silhouette d'un jeune homme. Il avait du emprunter un des autres passages menant à ce laboratoire pour les rejoindre, plus long mais plus discret.

Finalement, face à leurs regards interdits, l'adolescent posa le pied au sol, tournant vers eux son visage émacié, aux yeux sombres souligné de cernes violacés à peine visible derrière ses mèches noires folles, le menton mangé par une barbe de trois jours qu'il n'avait pas pris la peine de raser. William.

D'un seul coup, le corps tout entier de Yumi sembla se crisper tandis qu'elle foudroyait du regard son ex petit-ami, furieuse de le voir ainsi débarquer à l'improviste alors que la situation était déjà bien suffisamment tendue pour elle.

- Ça devient une habitude de venir ici en douce dans le dos des gens, siffla-t-elle dans un murmure glacial, les bras croisés sur sa poitrine, qu'est-ce que tu veux ?

Elle faisait là allusion à sa dernière venue à l'usine, plus de deux ans auparavant, peu après qu'ils aient réussi à le libérer de l'influence de XANA, au prix d'efforts insurmontables. Ce jour-ci, ils avaient cru en finir définitivement avec le redoutable programme informatique, au coût de la vie du père d'Aelita. Un jour funeste qui restait un souvenir amer dans leur mémoire à tous, même des années après.

Ignorant Yumi, William se tourna en direction d'Anthéa. Il paraissait nerveux, sa jambe tremblant malgré elle, faisant cliqueter la chaîne accrochée à son pantalon, son regard fuyant celui de ses interlocutrices, ses mains épaisses plongées dans les poches de son jean troué.

Hésitant, il inspira profondément avant de prendre la parole, d'une voix rauque :

- Je suis venu pour vous demander d'accepter de m'envoyer sur Lyokô une nouvelle fois, affirma-t-il à la stupeur générale, s'il-vous-plaît.

Anthéa, qui n'avait eu vent de William que par les récits de sa fille et des autres Lyokô-guerriers, parue sérieusement déconcertée. Se retournant vers Yumi, elle chercha de l'aide dans son regard, sans succès. La jeune fille affichait désormais une expression profondément consternée, fixant celui qui avait un jour tant signifié pour elle avec froideur.

- Tu plaisantes j'espère… ? souffla-t-elle avec colère, excédée par l'attitude puérile du jeune homme, après tout ce qui a pu t'arriver sur Lyokô ? Avec tous ces cauchemars qui hantent tes nuits ? Je pensais qu'au moins toi, plus que les autres, tu aurais conscience du risque encouru mais je suppose, qu'une fois de plus, j'avais tord à ton sujet ! Tu es toujours le même garçon immature qu'il y a deux ans et des poussières !

- Yumi ! s'exclama Stéphanie d'un ton outré, s'apprêtant à voler au secours de son camarade de classe, il…

Cependant, William l'interrompit d'un geste de la main, sans quitter Yumi des yeux pour autant. La respiration saccadée, il franchit les quelques pas le séparant de la japonaise, plongeant ses yeux de charbon dans l'ébène de ceux de l'adolescente. Elle avait beau être étonnamment grande, lui-même la dominait de plusieurs centimètres. Pendant un moment, les deux anciens amants se toisèrent sans dire un mot. Puis, finalement, après avoir réuni tout le courage qui lui était nécessaire, le jeune homme reprit la parole, d'un ton calme mais étonnamment ferme.

- Je sais ce que tu penses de moi Yumi et je sais que tu ne veux rien d'autre qu'éviter un scénario catastrophe, comme lors de ma dernière virtualisation, commença-t-il, néanmoins pour cette fois – et uniquement pour cette fois – je te demande de respecter ma décision !

Offusquée, l'adolescente ouvrit la bouche, faisant mine de protester mais l'adolescent la fit taire, apposant son index sur ses lèvres pâles d'un geste apaisant.

- Laisse-moi finir, s'il-te-plaît, reprit-il, tu parlais de mes cauchemars tout à l'heure. Si j'ai fini par prendre la décision difficile de venir vous prêter main forte aujourd'hui c'est parce que le X… Je veux dire, le psy du lycée pense que faire face à la source de mes problèmes, de ce qui me hante pourrait me permettre d'avancer, et je suis d'accord avec son point de vue. Tant que je continuerai à fuir les fantômes de mon passé, jamais je ne serai en paix. Je dois retourner sur Lyokô, pour moi et pour ma santé mentale. Et si toi, Yumi, tu veux véritablement mon bien, comme tu me l'affirmais encore il y a quelques mois, tu comprendras ce besoin et tu me laisseras vous accompagner, juste pour cette fois. S'il-te-plaît.

Sa voix avait diminué peu à peu au fur et à mesure de son discours, jusqu'à se transformer en un murmure presque suppliant. Touchée en plein cœur, son interlocutrice ne trouva rien à répondre, amorçant un pas de recul sous la violence des mots. C'était la première fois que William se livrait à elle avec tant de sincérité et elle ne pouvait nier qu'elle en était bouleversée.

Stéphanie, de son côté, demeurait silencieuse, retenant à grand peine les larmes de compassion qui avait progressivement envahi ses yeux.

- Est-ce que ça en vaut vraiment la peine… ? répliqua finalement tristement la japonaise, se passant une main nerveuse dans ses longs cheveux de soie noire, prendre un tel risque… Et si ça empirait la situation au lieu de t'aider ? William je t'en supplie, ne me force pas à prendre ce genre de décision !

Mais le jeune homme ne cilla pas. Au fond de son regard sombre, ne se lisait que sa sourde détermination. Il avait pris sa décision depuis longtemps en vérité, mais il lui avait fallu des semaines avant d'enfin trouver le courage de les suivre jusqu'à l'usine. Peut-être les paroles de Stéphanie, proférées ce fameux soir au Majestic, avaient-elles fini par faire pencher la balance ? Toujours était-il que, s'il se tenait debout devant l'ancien amour de sa vie en cet instant précis, parvenant enfin à lui faire face, ainsi qu'à sa vie passée, ce n'était pas pour faire demi-tour et prendre la fuite une fois de plus.

Alors que le silence indécis s'éternisait, les deux adolescents s'affrontant du regard, une alarme tonitruante emplit soudainement la pièce plongée dans sa lueur verdâtre, les faisant tous sursauter. D'un geste vif, Anthéa fit de nouveau pivoter son siège en direction de ses écrans pour constater l'inévitable : la Faille venait de céder de nouveau, libérant la seconde vague d'assaut de la Green Phoenix, bien plus conséquente que la précédente. Cette fois-ci, il était hors de question de laisser Mathieu se débrouiller seul. Il fallait prendre une décision, quitte à blesser les sentiments d'une des personnes présentes dans cette pièce.

- Très bien, abdiqua-t-elle, appréhendant d'avance la réaction des adolescents, vu la véritable armada que nous envoie la Green Phoenix, un combattant de plus ne serait pas de refus. Si tu te sens prêt à plonger William, alors tu es le bienvenue !

Yumi retint à grand peine un glapissement outragé. Comment la mère d'Aelita pouvait-elle faire preuve d'un tel manque de discernement !

- Anthéa, vous… tenta-t-elle de protester vainement avant que l'informaticienne ne l'interrompe précipitamment.

- Yumi, on n'a pas le temps pour ce genre de débat ! fit-elle d'un ton brusque qui ne lui était guère coutumier à l'encontre des Lyokô-guerriers autres que sa fille, cette mission est quasiment sans danger pour William, ce n'est pas comme à l'époque où vous combattiez XANA ! Il n'y aura pas de Méduse sur Lyokô et, au moindre souci, je serai là pour le ramener si cela peut te rassurer. Maintenant, je voudrais que vous descendiez tous en salle des scanners le plus vite possible et sans discuter, le temps presse !

Pendant un instant, la japonaise fit mine de continuer à argumenter mais Stéphanie choisit d'intervenir à cet instant, apposant avec douceur sa main sur l'épaule de la japonaise en secouant légèrement la tête, lui faisant signe d'abandonner. Avec un soupir rageur, Yumi finit par baisser les bras, sans se priver de fusiller son amie du regard au passage, incapable de digérer ce qu'elle considérait comme un acte de trahison pur et dur. L'adolescente eut un haussement d'épaules gêné avant de courir rejoindre les deux anciens amants dans le monte-charge, se tournant respectivement le dos dans des coins opposés de l'habitacle, boudeurs.

Stéphanie dut actionner le mécanisme d'elle-même, penaude, et l'appareil s'ébranla, les conduisant dans un silence pesant jusqu'à la salle des scanners.

A peine la paroi se fut-elle ouverte de nouveau en coulissant que Yumi s'en extirpait d'un pas vif, disparaissant à l'intérieur d'un des scanographes, se drapant dans ce qui lui restait de dignité avec fureur. Les portes se refermèrent presque aussitôt sur sa silhouette bien droite dans un chuintement, la masquant au regard de ses camarades de classe qui ne purent s'empêcher d'échanger un regard gêné. Ils avaient l'impression, dans cette histoire, d'être les complices d'un vaste complot orchestré à l'encontre de la japonaise.

D'un pas léger, Stéphanie sortit à son tour de l'habitacle. Hésitant un instant au milieu de la pièce, elle se retourna vers William, qui se dirigeait déjà vers un des scanners resté libre, un peu raide.

- William, le héla-t-elle alors qu'il se stoppait face au grand caisson aux parois légèrement vibrantes, le faisant sursauter, je voulais juste te dire… C'était très courageux de venir nous rejoindre aujourd'hui ! J'espère que cette plongée sur Lyokô t'apportera ce que tu cherches, sincèrement.

Puis, avant de lui laisser le temps de répondre, légèrement rougissante, la jeune fille prit la fuite, disparaissant à l'intérieur de l'ultime scanner restant, sa couette virevoltant derrière elle avec grâce.

Troublé par cette remarque, William resta immobile un instant, la tête vide, avant de se retourner vers le caisson qui semblait l'attendre face à lui, ses mains moites croisées derrière son dos. Vu de près, le haut pilonne d'acier lui apparaissait plus menaçant que jamais, comme si une horrible créature, tapis à l'intérieur de sa surface dorée, s'apprêtait à se jeter sur lui, le happant vers l'inconnu à l'instant même où il aurait posé le pied sur le socle intérieur.

Une sourde appréhension se mit à battre à ses temps tandis que d'horribles souvenirs défilaient devant ses yeux. Des images qu'il n'avait que trop ressassées en rêve au cours des dernières années. Une créature volante aux multiples tentacules resserrait son étau autours de lui, faisant voler son arme au loin. Il plantait sa lame au sein du cœur de Lyokô, le transperçant de part en part, un rire glacial qui ne lui appartenait pas surgissant de ses lèvres. Un panache de fumée noire jaillissait de ses mains, propulsant une Aelita plus jeune vers la Mer Numérique. Les coups pleuvaient entre lui et un Ulrich hors de lui. Yumi, sous l'apparence d'une ninja vêtue d'une tunique pourpre, lui tendait la main, suppliante, dans une vaste étendue de glace…

Revenant brusquement à la réalité, il se força à prendre une profonde inspiration, ignorant la sueur froide qui lui coulait le long du dos. Il n'était plus le temps de se perdre dans les ténèbres de son passé. S'il était descendu dans cette salle de si funeste souvenir pour lui en ce jour, c'était pour faire face à son futur, rien de plus. Il lui fallait faire preuve de courage désormais et avancer, quel qu'en soit le coût.

Retenant son souffle, il leva le pied et franchit le dernier pas le séparant du scanner, pénétrant enfin à l'intérieur pour la première fois depuis plusieurs années. L'électricité statique parcourant les parois fit dresser les poils sur ses bras et une désagréable sensation de chaleur l'envahit. Il se sentit transpirer à grosse goutte, comme enfermé dans un four, tandis que la voix d'Anthéa, soudain lointaine, annonçait le début de la procédure de virtualisation. Il était trop tard pour reculer désormais.

Pourtant, alors que l'habitacle commençait à vrombir, une brusque sensation de panique se mit à envahir William, le faisant trembler des pieds à la tête. C'était trop pour lui, il ne pouvait plus supporter la pression sur ses épaules. Un souffle d'air brûlant commença à souffler sous lui, fouettant son visage, les portes se refermant lentement dans un chuintement de fin du monde. Brusquement, il se sentit étouffer, comme compressé dans l'espace exigu du scanner. Il fallait qu'il sorte, il ne pouvait plus tenir, il allait perdre l'esprit !

Alors que la peur achevait d'envahir chaque parcelle de son être, une main aux ongles bariolés s'inséra brusquement dans l'interstice encore ouvert des portillons du scanographe, les empêchant de se clore. Sous son regard incrédule, Stéphanie passa son visage rond à travers l'ouverture, affichant un sourire mystérieux.

Sans un bruit, sans un souffle, elle apposa ses lèvres charnues sur les siennes, sèches, l'embrassant doucement. William frissonna. C'était comme si, à travers ce baiser inattendu, sa peur et ses angoisses venaient brusquement d'être absorbés, lui libérant l'esprit. Il ne tremblait plus.

- Tout va bien se passer, assura calmement la jeune fille en se détachant lentement du jeune homme, sans se défaire de son sourire mystique, tu verras.

Et, sans rien ajouter, elle disparut de nouveau dans une cascade de cheveux bruns, laissant les portes du caisson se refermer finalement sur un William éberlué, incapable d'aligner deux pensées rationnels, le goût de Stéphanie continuant à étreindre ses lèvres avec douceur.

Le regard vide, il suivit des yeux les particules de lumière commençant à tourbillonner autours de lui, traversant sa peau moite, sans entendre la voix d'Anthéa énumérer les différentes étapes de la procédure en fond sonore. La désagréable sensation de brûlure du scanner avait fait place à une douce chaleur, comme si une quelconque entité s'était amusée à l'étreindre afin de le rassurer. Contre toute attente, il n'avait plus peur et accueillit avec sérénité le flash de lumière aveuglant qui désintégra son corps, le propulsant directement au sein de la réalité virtuelle.

Son combat contre son sinistre passé pouvait commencer désormais.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:23   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 43 :

Épisode 142 : Virtualisation évolutive_



Odd retint à grand peine un soupir de dépit, le regard plongé à travers la fenêtre grande ouverte de sa salle de classe. Une brise fraîche bienvenue soufflait à travers, compensant pour le chauffage qui n'avait pas encore été coupé au sein de l'établissement. A côté de lui, Julien Xao, qui faisait équipe avec eux pour les TPE, débitait d'un ton monocorde le texte qu'il avait rédigé la veille face à une rangée austère de professeurs, assis sur les bureaux leur faisant face, les toisant d'un air sévère tout en griffonnant quelques lignes sur leurs carnets. Eva, quant à elle, se contentait d'appuyer sur une touche du rétroprojecteur à intervalle régulier, faisant défiler les slides à l'écran sans chercher à dissimuler son ennui apparent.

Malgré lui, l'adolescent au béret violet jeta un énième coup d'œil à la fonction montre de l'I-pod à son poignet, qui avait affiché de façon impromptu le symbole de XANA quelques instants plus tôt. Odd émit un léger grognement entre ses dents, le temps semblait s'écouler à une vitesse si lente qu'elle en devenait indécente ! N'était-il pas déjà 11h13 il y avait de cela cinq minutes ? Toujours était-il que lui et son groupe en avant encore pour vingt-deux bonnes minutes avant d'enfin pouvoir être libérés, leur permettant à Eva comme à lui de filer rejoindre les autres à l'usine. Vingt-deux longues minutes à se tourner les pouces lors d'un examen idiot alors que Mathieu était sûrement seul sur Lyokô, à lutter pour la sauvegarde de l'humanité. Tout cela était franchement risible !

Ignorant le claquement de langue agacé de son professeur d'SES qui ne semblait pas voir d'un très bon œil son attitude nonchalante, Odd se perdit de nouveau dans la contemplation du parc, bien visible à travers la fenêtre de la salle de classe presque vide. Il espérait juste que tout se déroulait bien là-bas, au sein de la sinistre usine désaffectée sur son fleuve.


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Mathieu courrait à perdre haleine sur la veste étendue de cubes sombres qui constituait Lyokô, ses oreilles de lapin flottant dans son sillage. D'un bond, il se précipita derrière une haute dénivellation du terrain et attendit, aux aguets, tenant ses armes à moitié chargées prêtes. La Faille, pulsant de sa lueur rouge malsaine au dessus de sa tête, venait de lui envoyer plus d'une dizaine de Blocks et, prit sous un tir croisé, il avait été contraint de prendre la fuite.

Jetant un bref coup d'œil derrière son abris de fortune, le jeune homme put constater que les monstres s'étaient dors et déjà désintéressés de lui, se dirigeant de toute la force de leurs minuscules pattes cliquetantes vers la titanesque sphère centrale.

Celle-ci, sous l'action des quatre Tours de Passage recréés par Anthéa qui se dressaient désormais aux points cardinaux respectifs du territoire, s'était finalement séparée du reste du plateau, reprenant sa consistance première. Elle n'avait désormais plus rien du globe à demi-effondré qu'elle avait été auparavant et trônait désormais au centre de Lyokô, fière et noble. Seule une large ouverture venait strier sa surface à la verticale, offrant un accès direct à ses entrailles labyrinthiques. Même si les Blocks parvenaient à franchir le fossé qui séparait désormais le territoire principal du Cœur, il y avait fort à parier qu'ils finiraient perdus à l'intérieur, Mathieu avait donc encore un peu de temps devant lui.

Remettant ses esprits en place, le Lyokô-guerrier en herbe se redressa légèrement, admirant les changements qui avaient été opérés au sein de l'univers virtuel, sous l'action des Tours de Passage, scintillant d'un halo vert vif tranchant sur le bleu de la Voûte Céleste.

De longues crevasses avaient scindés le territoire principal en quatre, le délimitant en quatre vastes plateaux prenant naissance au niveau des hauts piliers organiques à la surface nacré. Qui plus était, la Mer Numérique, qui clapotait habituellement doucement à travers le ciel de fichier informatique, n'était désormais plus visible qu'en contrebas, vaste étendue d'eau sombre et mortelle, et la Voûte Céleste semblait avoir ainsi gagné en épaisseur. S'ajoutait à cela un perpétuel vrombissement, comme si l'air tout entier s'était empli d'électricité statique sous l'effet de la restructuration lente mais sûre de Lyokô.

Avec un frisson d'angoisse, Mathieu se remémora les paroles qu'avaient profanées Anthéa, juste avant qu'il ne parte rejoindre un scanner en catastrophe afin de se faire virtualiser.

« Avec le programme de reboot de Lyokô qui tourne, j'ai bien peur que notre temps ne soit limité pour bloquer la Green Phoenix, avait-elle annoncé d'un air inquiet, d'ici une demi-heure tout au plus, les Tous auront achevé leur calcul et commenceront leur duplication, entraînant la restructuration complète des territoires de surface ».

Mathieu, troublé par un tel jargon scientifique, l'avait fixé sans comprendre jusqu'à ce qu'elle ne synthétise sa pensée pour lui.

« En clair, avait-elle achevé, nous avons une demi-heure pour stopper les Monstres avant que Lyokô ne se reconstruise, sans quoi l'univers virtuel sera si chaotique pendant quelques minutes qu'il sera hors de question de t'y laisser, sous peine de te voir chuter dans la Mer Numérique, c'est bien clair ? ».

Sous l'effet de la pression, il n'avait pu s'empêcher de déglutir mais avait fini, à contrecœur, par pénétrer dans un scanner, acceptant le risque encouru.

En cet instant précis désormais, il avait l'impression de se tenir sur une véritable bombe à retardement et avait plus conscience que jamais d'à quel point chaque seconde comptait dans ce combat.

- Mathieu ? résonna soudain la voix d'Anthéa à travers la Voûte Céleste, le tirant de ses pensées, tout va bien, je viens de t'envoyer Yumi, Stéphanie et William ! Le programme de virtualisation évolutive a fonctionné sans encombre, comme prévu, ils ne devraient pas tarder à venir te rejoindre.

Effectivement, la silhouette translucide des trois adolescents commençait déjà à se dessiner non loin de sa position, les bras en croix à plusieurs mètres du sol.

« William ? ne put s'empêcher de s'étonner Mathieu en courant rejoindre ses camarades, soulagé, mais qu'est-ce qu'il fait là ? Décidément, ce n'est vraiment pas une mission habituelle aujourd'hui… ».

Stéphanie fut la première à prendre forme, chutant au sol en se réceptionnant sur ses bottes à talon haut avec grâce. Elle se redressa rapidement, grimaçant sous la sensation désagréable de se retrouver ainsi coincée dans son avatar numérique. Cintrée dans son corset de cuir, sa jupe rouge plissée ondulant autours des fines aiguilles mortelles fixées à sa cuisse, elle arborait de nouveau sa tenue de gothic lolita, son épaisse frange brune laissant apercevoir ses yeux, d'un violet nettement plus prononcé que dans le monde réel.

- Waouh, ça fait bizarre de se retrouver de nouveau dans ce corps virtuel après tout ce temps ! commenta-t-elle de sa voix légèrement déformée par l'interface du Supercalculateur, observant d'un air satisfait les courbes généreuses de son avatar, j'ai hâte de débotter du monstre à nouveau !

Au dessus de leur tête, en parallèle, les silhouettes de Yumi et de William achevaient de se télécharger, des pixels d'or inhabituel calculant leur nouvelle apparence avec application sous l'effet du nouveau programme de virtualisation.

Finalement, le jeune homme ténébreux chuta au sol, manquant de s'écraser face contre terre, bien vite suivit par la japonaise qui, déstabilisée par son changement d'avatar, eut quelques peines à se réceptionner elle aussi.

- Waouh, siffla Stéphanie pour la seconde fois, sans parvenir à retenir un sifflement d'admiration, vous avez vraiment la classe tous les deux sur Lyokô !

Yumi, légèrement troublée par l'environnement numérique dans lequel elle baignait désormais, se redressa d'un geste ample, dévisageant sa nouvelle tenue. La tunique moulante de ninja que Jérémie lui avait programmé en Seconde avait disparu, faisant place à un long Yukata, ou kimono d'été, tombant en un drapée somptueux devant ses jambes interminables. D'un blanc très pâle, il était ornementé de liserées carmins complexes, évoquant les formes entremêlées de branches de cerisier et de carpes koï, véritables symboles du Japon, ne pouvant tromper ainsi personne sur ses origines.

Ses cheveux, encore plus longs que sur terre, ondulaient gracieusement dans son dos jusqu'au niveau de ses genoux, flottant sous l'effet d'une brise inexistante, parcourus de reflets bleu artificiels. Son visage évoquait désormais celui d'une poupée de porcelaine chinoise de plus belle facture. D'une blancheur éclatante, il n'était rehaussé que par un discret trait de noir intensifiant son regard en amande et par une pointe de rouge-à-lèvre très vif, donnant à sa bouche la forme délicate d'un cœur, ou d'un pétale. Elle était devenue l'incarnation même de la geisha traditionnelle, jusqu'à la pointe de ses interminables talons qui lui permettait de dépasser tous les autres Lyokô-guerriers de plusieurs centimètres.

William, légèrement tremblant, se releva à son tour, dévisageant sa tenue d'un geste brusque, inquiet. Non sans soulagement, il constata que la combinaison de guerrier des ténèbres qui hantait ses nuits avait disparu. En lieu et place, une tunique bicolore cintrait désormais son corps musculeux, alternant gris très pâle tirant sur l'azur et bleu marine si sombre qu'on aurait pu le croire entièrement noir sans certains reflets. Des sangles de similicuir virtuel étaient accrochées à ses épaules, ses bras et ses hanches, pendant mollement sans aucune autre utilité apparente que celle de la pure décoration, et une ceinture aux reflets métalliques, ornementé d'un symbole constitué de triangles concentriques, avait été passée autours de sa taille. Il avait également gagné plusieurs centimètres depuis sa dernière virtualisation, arborant désormais une taille équivalente à celle de son corps terrestre actuel.

Troublé par ce changement d'apparence, il fit mine de se passer sa main dans les cheveux mais ne rencontra qu'une texture solide, dans laquelle ses mèches rebelles avaient été grossièrement modélisées. Involontairement, il émit un rictus : sur Lyokô, sa masse capillaire arborait une étrange couleur bleuté, en opposition avec le noir de jais de son équivalence terrestre.

- Il faudrait que tu te rases, commenta Stéphanie d'un ton moqueur en pointant le fin liseré sombre au niveau de son menton, ça rend bizarrement sur Lyokô.

Sans relever la pique, le jeune homme se détourna précipitamment, gêné, le souvenir de ce baiser inattendu au moment d'entrer dans les scanners se rappelant à lui avec la violence d'un boulet de canon. Elle agissait de façon si insouciante, comme si rien ne s'était déroulé. Comment pouvait-elle l'embrasser un moment et agir avec tant de naturel l'instant d'après ? Cela le dépassait.

- Sympa les oreilles de lapin, commenta-t-il simplement à l'adresse de Mathieu afin de dissimuler son trouble.

L'adolescent en question se renfrogna aussitôt, vexé. Il connaissait à peine le jeune homme mais n'appréciait guère son attitude moqueuse. S'ajoutait à cela la désagréable sensation d'être le seul de la bande à avoir droit à un avatar virtuel ridicule, d'autant plus que, entouré de tous ces Terminales, il avait l'impression d'être sensiblement plus petit qu'à l'accoutumée.

- Stéphanie, tu es de niveau 6 ! annonça la voix d'Anthéa d'un ton impressionné, ajoutant à la frustration de Mathieu, considérant que tu n'as été virtualisée qu'une fois jusqu'à présent, c'est plutôt impressionnant ! Tu dois vraiment avec des prédispositions… William, tu as juste un niveau de plus, je suppose que tes combats sous le contrôle de XANA entraient moins en compte dans le programme de stats de Jérémie…

« Encore heureux » songea le jeune homme avec un frisson de dégoût. Pourquoi fallait-il qu'elle lui rappelle cette horrible période de sa vie ? C'était déjà suffisamment désagréable comme cela de se tenir ici sur Lyokô, dans ce corps étrange aux perceptions inhabituelles.

- Yumi, quant à toi, tu es de niveau 11, acheva Anthéa sans tenir compte du trouble de William, pour le coup je suis assez surprise, je me serais attendue à beaucoup plus, étant donné ton palmarès sur Lyokô au cours des années précédentes… Enfin, tu restes la plus puissante du groupe à priori !

- Peu importe cette histoire de niveau, répliqua la japonaise d'un ton froid –visiblement, se retrouver sur Lyokô contre son gré ne l'enchantait guère-, nous avons une mission je vous rappelle ! Dîtes-nous plutôt où en sont les Monstres ?

Coupable, la mère d'Aelita pianota un instant son clavier, scannant l'Holomap en détail sur ses écrans. Elle reprit la parole au bout d'une courte pause.

- Je les ais ! fit-elle, il y a six Blocks qui se dirigent vers le Cœur en ce moment depuis le plateau sur lequel vous vous trouvez. Quatre autres semblent avoir fait demi-tour pour vous retenir, alors restés sur vos gardes. Je repère également la présence de Frôlions dans les airs à l'ouest de votre position et, à en juger l'activité de la Faille, c'est loin d'être fini ! Je vous envoie des véhicules au cas où.

Tandis que l'informaticienne se re-concentrait sur sa programmation, Yumi se retourna vers ses comparses, son yukata virevoltant avec grâce autours d'elle.

- Je pense qu'on ferait mieux de se séparer en deux groupes, annonça-t-elle, prenant d'instinct la direction de l'opération, William et Stéphanie, puisque vous avez l'air de si bien vous entendre, je vous conseille d'aller vous occuper des Frôlions. Mathieu et moi, on reste ici pour s'occuper des Blocks.

Son ex-petit-ami préféra ignorer son ton de reproche évident, se contentant d'acquiescer d'un simple hochement de tête. Il préférait de toute manière la compagnie de la pétillante gothic lolita pour l'instant, d'autant plus qu'il y avait plus d'une chose dont il devait parler avec elle. Notamment ce baiser impromptu…

Mathieu, de son côté, retint un soupir de soulagement. Le jeune homme ténébreux le mettait mal à l'aise et, s'il aurait préféré faire équipe avec son amie de Sainte Bénédicte, Yumi avait au moins une certaine forme d'expérience derrière elle et éviterait donc de trop se reposer sur ses capacités à lui.

A l'instant précis où les contours bleutés de l'Overbike, l'Overwing et l'Oveboard se dessinaient à leur côté, un cliquetis métallique leur fit brusquement tourner la tête. Les Blocks chargés de les retenir étaient dors et déjà en vue, dardant leur globe oculaire menaçant dans leur direction, prêts à faire feu.

- Eh merde, ils sont déjà là ! grinça Yumi entre ses dents, se campa dans une position défensive quelque peu gêner par les tissus étroitement serrés de son nouveau kimono, William, Stéphanie, foncez à l'ouest ! On se charge de les retenir ici !

- Je réserve la moto trop classe ! s'écria la gothic lolita presque aussitôt, se ruant littéralement sur l'Overbike d'Ulrich avec un sourire de satisfaction. La perspective d'être enfin plongée dans l'action semblait lui avoir conféré bien plus d'énergie que nécessaire : elle paraissait littéralement survoltée !

Yumi profita de l'effervescence causée par son amie pour apposer sa main sur la poignée de son Overwing, faisant ainsi implicitement comprendre à son ex-petit-ami qu'il pouvait toujours rêver pour le lui emprunter.

Agacé par l'attitude de la japonaise, William fit volte-face en direction de la planche de surf violette restant avant de butter soudain contre quelque chose de long et solide, produisant un tintement métallique.

Surpris, il baissa les yeux pour découvrir à ses pieds une gigantesque épée. Sa lame, étonnamment large, était enserrée dans un enchevêtrement complexe de ce qui évoquait des sortes de racines, ou du corail d'une étrange teinte bleue sombre miroitante.

Machinalement, le jeune homme se pencha et ramassa l'arme, tâtant la surface de son « zanbâto ». Malgré la gangue l'emprisonnant, il s'agissait là bel et bien de l'épée qu'il avait eu l'habitude d'utiliser par le passée, et ce depuis sa première virtualisation. Il avait du la laisser tomber par inadvertance en arrivant sur Lyokô un peu plus tôt, trop troublé par le transfert et par sa nouvelle apparence pour y prendre garde.

A l'instant où il soupesait son poids, curieusement lourd pour une arme virtuelle sans véritable consistance, un bruit de tir retentit brusquement et il eut tout juste le temps de se réfugier derrière l'immense lame avant qu'une pluie de lasers ne s'abatte sur lui.

- Qu'est-ce que tu fiches !? fulmina Yumi, couverte temporairement par Mathieu dont les bras décrivait un étrange ballet afin de permettre à ses armes d'absorber les rayons un à un, file, en vitesse !

Sans attendre qu'il ait repris ses esprits, la japonaise porta sa main à l'arrière de son obi rose pâle, à la recherche de ses « tessens », sortes d'éventails d'acier tranchant qui avaient toujours été ses fidèles compagnons depuis sa première plongée sur Lyokô. A la place, ses doigts se refermèrent sur une sorte de long et fin cylindre flexible.

Fronçant ses sourcils à peine soulignés par son avatar, la geïsha se résolut néanmoins à dégainer l'arme, dévoilant un bâton de taille raisonnable, affûté à son extrémité en une pointe menaçante. Sur le bout opposé, quelque chose semblait replié, aussi Yumi entreprit-elle de fendre l'air d'un coup sec afin de le déloger. Presque aussitôt, dans un « flop » clairement audible, une ombrelle de toile fine, ornementée des mêmes motifs qui fleurissaient sur son yukata, prit naissance à l'extrémité de son bâton, lui arrachant une grimace horrifiée.

- C'est une blague… ? ne put-elle s'empêcher de souffler, profondément dégoûtée par l'aspect ridiculement fragile de son arme. Elle en aurait presque regretté ses éventails qu'elle avait pourtant toujours trouvés stupides !

William, qui s'était perché entre temps avec plus ou moins de facilité sur l'Overboard, légèrement déséquilibré par le poids de son arme qu'il tenait à bout de bras, ne put retenir un rire clairement moqueur avant de décoller, suivant la route tracée par Stéphanie, déjà loin sur son propre véhicule.

Deux Blocks en profitèrent pour tourner leur hideuse tête cubique, les mitraillant sans leur laisser le moindre répit. Frustrée, Yumi replia son ombrelle qu'elle projeta, pointe vers l'avant tel un javelot, sur le monstre le plus proche qui fut aussitôt transpercé de part en part, remuant vainement ses petites pattes avant d'imploser, offrant à William et Stéphanie suffisamment de répit pour filer, disparaissant déjà à l'horizon.

- Pratique en fait, commenta la japonaise d'un ton satisfait avant d'esquiver de justesse, dans une pirouette impeccable, les tirs de protestation du Block restant. Elle manqua de trébucher cependant à la réception, empêtrée dans son kimono et jura alors qu'un laser perdu l'atteignait en plein dans l'épaule, lui faisant cracher des étincelles.

- Saleté ! fit-elle en se réfugiant derrière un Mathieu qui, un peu désarçonné par la tournure des événements, la vengea en canardant le monstre responsable, se débarrassant de lui à son tour, il va vraiment falloir que je m'habitue à cette nouvelle apparence ! Qu'est-ce que ce n'est pas pratique un yukata pour se battre…

Profitant d'une courte accalmie de la part des créatures restantes, Yumi entreprit de se concentrer, plissant ses yeux en amande tout en tendant la main en direction de son ombrelle, restée plantée dans le sol à quelques mètres d'eux. Presque aussitôt, une étrange lueur rouge l'enveloppa et le bâton tremblota un instant avant de s'envoler droit vers sa main, sous l'influence de son pouvoir.

La japonaise, un petit sourire satisfait sur ses lèvres maquillées, déploya de nouveau l'ombrelle juste à temps pour se protéger d'une nouvelle salve de tirs, projetant l'arme droit devant elle à l'image d'un bouclier. Par chance, malgré son aspect de toile fine, l'ustensile traditionnel semblait aussi résistant aux tirs que ses anciens éventails métalliques.

« Une chance que mon pouvoir de télékinésie fonctionne toujours lui au moins, pensa-t-elle en intimant à Mathieu d'un geste sec de se réfugier derrière son ombrelle afin de pouvoir répliquer à son aise, espérons que la chance continue à me sourire comme ça ! ».


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- Attends-moi ! s'écria William à l'adresse de sa coéquipière, peinant à suivre son allure en raison du poids de son épée, déséquilibrant sans cesse la planche trop fine lui servant de véhicule, il faut qu'on discute !

- De quoi ? questionna vaguement Stéphanie, filant en ligne droite sur le sol du territoire accidenté avec un plaisir manifeste, sa couette enserrées dans son ruban rouge fouettant l'air derrière elle.

William, peu habitué à manipuler l'Overboard, se positionna tant bien que mal à son niveau tandis que, prise de pitié, elle ralentissait légèrement l'allure.

- De ce… Ce baiser dans la salle des scanners ! parvint-il finalement à prononcer, gêné au possible, qu'est-ce que ça voulait dire ? Yumi était juste à côté en plus !

Un petit rire nerveux s'échappa de la bouche de la gothic lolita qui entreprit aussitôt de reprendre son allure normale, appuyant sur l'accélérateur de l'Overbike.

- Je voulais simplement t'aider à te détendre un peu, affirma-t-elle d'un ton évasif sans se retourner vers lui, tu avais l'air d'étouffer dans ton scanner… Je me suis dis que ce serait une bonne idée sur le coup, ne va surtout pas t'imaginer des choses !

William fronça les sourcils, peu convaincu, tandis qu'un vrombissement se faisait peu à peu entendre dans les airs. Ils ne devaient plus être loin de l'essaim de Frôlions.

- Qu'est-ce que ça veut dire ? insista-t-il en haussant le ton, vexé, tu embrasses n'importe qui pour leur remonter le moral, comme ça ? Ça ne signifie rien de plus pour toi ? Par exemple, si ton pote Mathieu là était en train de stresser pour un examen, tu l'embrasserais sur la bouche ?

- Ne sois pas ridicule ! répliqua Stéphanie, piquée au vif, en dardant cette fois-ci son étrange regard violet sur lui, la situation était particulière tout à l'heure voilà tout, je pensais bien faire ! Je ne te pensais pas si romantique…

« Là n'est pas la question… » songea William qui se sentait de plus en plus frustré pour une mystérieuse raison. Il n'eut cependant pas le temps de livrer le fond de sa pensée puisque, déjà les premiers monstres ailés se dirigeant à l'horizon, leur dard illuminé de rouge, prêts à les fusiller sur place.

- Ah, enfin un peu d'action ! s'exclama Stéphanie avec un sourire carnassier, portant une main à sa cuisse afin d'en dégainer une longue et fine aiguille, l'autre restant fermement campée sur le guidon de l'Overbike, on va pouvoir s'amuser !

Sans crier gare, elle bondit brusquement de son véhicule, l'envoyant s'écraser au loin tout en fendant l'air de sa lame dans une pirouette impeccable, ignorant le cri de surprise de William en arrière plan. Trop surpris par la manœuvre pour l'éviter, les deux premiers Frôlions de l'escadrille se firent faucher sur place, explosant dans les airs au moment précis où Stéphanie reprenait contact avec le sol, rengainant son arme dans un chuintement métallique.

- Pixoflame ! hurla-t-elle sans prendre le temps de se reposer, pointant deux doigts dans le ciel en direction de l'essaim qui commençait dors et déjà à fondre sur elle, la bombardant de lasers.

Aussitôt, des gerbes de flammes et d'étincelles pixelisées rouges et or jaillirent de sa main tendue, brûlant aussitôt les ailes des Frôlions les plus infortunés qui n'eurent pas la présence d'esprit de virer de bord au dernier moment, échappant à la fournaise.

- « Pixoflame » ? répéta William en sautant de son Overboard pour rejoindre la jeune fille, trop heureux d'enfin se débarrasser de cette planche de surf volante, peu adaptée à son avatar virtuel.

- Mon pouvoir, fit simplement Stéphanie en se redressant, dégainant deux nouvelles lames –une pour chaque main- au passage, j'ai mis des semaines à trouver le nom ! La classe hein ? Ça fait diminuer les Points de Vie des monstres touchés progressivement.

En effet, les hideux frelons géants atteints avaient beau battre furieusement des ailes dans un vrombissement cauchemardesque, ils ne parvenaient qu'à accélérer la propagation des flammes pixelisées, grignotant leur carapace petit à petit dans un chuintement discordant.

Les rares créatures encore indemnes, furieuses pour leur comparses, firent aussitôt demi-tour vers les Lyokô-guerriers, crachant des jets d'acide verdâtre et purulente de leur long dard effilé. Stéphanie eut tout juste le temps d'amorcer un bond de côté, évitant de peu les vapeurs nocives. William eut moins de chance, surpris par la manœuvre, perdant au passage quelques Points de Vie.

- Ressaisis-toi ! intima la gothic lolita tandis qu'il tentait de fendre l'air de son Zanbatô sur le passage des Frôlions, sans succès. Son arme n'était guère indiquée pour ce genre de monstres ailés, tu n'as pas un pouvoir toi aussi ? Essaye de l'utiliser !

Le guerrier virtuel bicolore serra les dents, frustré. Il avait beau diriger toute sa volonté dans la bataille, son corps semblait refuser de lui obéir comme il le désirait, plus tétanisé qu'autre chose. Devant ses yeux, l'image de dizaines de tentacules l'enserrant amoureusement ne cessait de flotter, le paralysant sur place. Il avait peur, trop peur des risques pour agir normalement. Prisonnier de ses horribles souvenirs, il se prit la tête entre les mains sans s'en rendre compte, haletant, au moment précis où l'essaim enflammé fondait sur lui.

Étouffant un juron, Stéphanie se précipita entre lui et la trajectoire d'une nouvelle salve de lasers, croisant ses aiguilles devant elle juste à temps pour parer les coups. Les Frôlions, profitant du début de panique du jeune homme, avaient commencé à les encercler, les mettant dans une fâcheuse posture.

De rage, Stéphanie visa soigneusement avant de lancer l'une de ses armes droit sur un des monstres, le transperçant sur place, rompant la formation. L'explosion des quelques créatures volantes atteintes par ses Pixoflames lui offrit un court répit supplémentaire.

- William, écoute-moi ! intima-t-elle en profitant de l'accalmie qu'elle avait créée pour empoigner le jeune homme par l'épaule, le forçant à tirer sa tête hors de ses mains crispées, c'est fini maintenant ! Le passé où ce XANA t'avait possédé est révolu ! Maintenant on a besoin de toi pour se battre… J'ai besoin de toi ! Alors essaye de lutter et d'affronter tes démons, parce que je ne garantis pas de pouvoir sauver tes belles petites fesses lors du prochain assaut !

En effet, les Frôlions restant avait fini de rassembler leurs forces et tournoyaient désormais au dessus de leur tête, leur dard respectif s'illuminant de plus en plus de rouge, prêts à les prendre dans un feu croisé. Ils étaient pris au piège !

Déterminée, Stéphanie libérant William de son étreinte, dégainant sa dernière aiguille de son fourreau dans une posture défensive. Même s'il lui restait deux de ses armes à portée de main, elle n'était pas certaine de pouvoir paré le nombre de lasers que leurs promettaient les monstres de la Green Phoenix, pas avec son manque d'expérience actuelle.

Soudain, contre toute attente, William se redressa brusquement, les yeux écarquillés, un air inhabituellement déterminé sur le visage. Sa coéquipière avait raison, il ne pouvait pas rester prisonnier du passé plus longtemps ! Il allait se battre, et leur prouver à tous qu'il était capable de racheter ses erreurs, pour lui comme pour eux… Ou pour elle !

- Supersmoke ! clama-t-il d'une voix légèrement éraillée mais ferme, invoquant le pouvoir que XANA lui avait autrefois octroyé en désespoir de cause, faisant preuve d'un courage dont il ne se serait jamais cru capable quelques heures plus tôt.

Un immense panache de fumée grise, épaisse, jaillit brusquement du corps du jeune homme dans un bruit d'explosion, masquant les deux Lyokô-guerriers à la vue des Frôlions qui, surpris, tentèrent malgré tout une rafale de tirs, en vain.

Stéphanie en profita pour jaillir de l'écran formée, roulant au sol afin de récupérer sa troisième aiguille avant de se retourner promptement vers les créatures, lançant ses armes dans leur direction tels de gigantesques kunaïs. L'effet de surprise les empêcha d'esquiver et trois d'entre eux furent aussitôt transpercés, explosant l'un après l'autre, illuminant la Voûte Céleste de rouge.

Le dernier rescapé, en panique, tenta de fuir en faisant pétarader ses ailes dans la direction opposée mais une gerbe de Pixoflame l'intercepta aussitôt, scellant son destin.

Les poings sur les hanches, Stéphanie observa la créature s'éloigner en vrombissant jusqu'à ce qu'elle implose à son tour sous l'effet de son pouvoir, un sourire satisfait sur les lèvres.

Non loin d'elle, le nuage de fumée opaque se dissipait peu à peu, laissant voir un William visiblement hébété, son énorme épée à la main, clignant des yeux à de multiples reprises.

- Ce n'était pas censé faire ça, fit-il d'un ton étonné tandis que Stéphanie le rejoignait, dégageant ses aiguilles du sol une à une pour les remettre en place au sein de leur fourreau attaché à sa cuisse, normalement c'est moi qui devait me changer en fumée et devenir impossible à atteindre ! Je ne devais pas faire une espèce d'explosion comme ça.

- On s'en fiche, c'était super pratique ! commenta l'adolescente en lui décochant son plus beau sourire, tu vois que tu es capable de te battre quand tu veux !

William tiqua face à la remarque, croisant les bras d'un air vexé.

- Et toi tu es totalement inconsciente ! répliqua-t-il avec hargne, on aurait dit moi le jour de ma première virtualisation et je ne pense pas avoir à te rappeler comment ça s'est terminé ! Tu vas finir par t'attirer des ennuis à foncer dans le tas comme ça…

L'adolescente afficha une moue boudeuse, imitant l'attitude de son vis-à-vis en croisant à son tour ses bras, mettant involontairement en avant la poitrine généreuse de son avatar virtuel, moqueuse.

William, pour la première fois, réalisa à quel point sa camarade de classe disposait d'une apparence numérique sensuelle, avec sa peau halée largement dénudées et ses courbes impeccables, sans oublier son troublant regard mauve. Il y avait, en réalité, comme une discordance entre l'attitude puérile de la jeune fille et son physique. Une opposition que bon nombre de garçon aurait pu trouver des plus attrayantes. Malgré lui, le jeune homme se fit la réflexion que ses joues se serraient probablement embrasées en cet instant précis s'il avait été dans son corps réel. Le souvenir du goût de ses lèvres lui revint brusquement en tête et il préféra capituler, levant les yeux au ciel.

Stéphanie ne put retenir un petit sourire taquin. Elle appréciait de pouvoir taquiner le jeune homme et lui parler sans qu'il ne s'énerve au-delà du raisonnable. En réalité, il lui apparaissait de compagnie plutôt plaisante en cet instant précis.

« Si seulement tu pouvais sourire un peu, pensa-t-elle à son attention avec un petit rire mental, ça pourrait te rendre franchement attirant ! ».

- Loin de moi l'idée de vous déranger, annonça brusquement la voix d'Anthéa à travers son micro, les arrachant brusquement tous deux à leurs pensées respectives, à des lieux de Lyokô et de la Green Phoenix, mais on dirait que la Faille va remettre ça, préparez-vous !

En effet, à peine avait-elle finit de parler, qu'une violente secousse ébranla brusquement le territoire, projetant les deux Lyokô-guerrier au sol. L'épée de William lui échappa et vint valser au loin, laissant une longue strie sur son passage sur le sol. Au dessus de leur tête, la Brèche au cœur de la Voûte Céleste palpitait avec plus d'intensité que jamais.

Brusquement, une nouvelle pulsation retentit et des dizaines de sphères d'énergie rouge furent crachées par l'ignoble plaie purulente, une bonne partie s'écrasant non loin d'eux, adoptant peu à peu la forme longiligne et arachnéenne de Tarentules, poussant l'une après l'autre un puissant cri rauque.

Stéphanie se redressa presque aussitôt, déglutissant, tandis que William rampait jusqu'à son arme, s'en saisissant rapidement, paniqué. Il détestait particulièrement ce genre de créatures pour en avoir chevauchées un certain nombre au cours de son rôle de XANA-guerrier. Une chose était sure, ce combat-ci serait loin d'être aussi aisé que le précédent !


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Yumi et Mathieu étaient parvenus à se débarrasser des Blocks leur obstruant le passage et filait à la surface du territoire en direction des monstres restant lorsque la Faille récidiva, manquant de les désarçonner de l'Overwing au passage.

Levant la tête, le Lyokô-guerrier aux oreilles de lapin, accroché à la taille de la geïsha, eut tout juste le temps de voir trois sphères de fumée rouge fuser au dessus d'eux à travers le ciel avant que celles-ci ne s'écrasent devant eux, prenant la forme de Krabes menaçant, leurs grands yeux vides fixés dans leur direction.

Agacée, Yumi jura en virant de bord avec son véhicule, esquivant une salve de tirs de justesse.

- Ça n'en finira donc jamais !? s'exclama-t-elle avec colère en dégainant de nouveau son ombrelle de son obi, d'une main, Anthéa, vous en êtes à où avec la réparation du Firewall ?

- Plus très loin ! répondit l'informaticienne d'un ton évasif, concentrez-vous, il ne reste plus beaucoup de temps avant la restructuration de Lyokô et vous devez impérativement en finir avant qu'il ne soit trop tard !

Yumi se mordit sa lèvre virtuelle, tentant de ne pas succomber à la pression. Elle était bien rouillée depuis le temps qu'elle n'avait pas mis un pied sur le monde numérique et, ne lui en déplaise, son coéquipier était loin d'être à la hauteur en combat, sans compter qu'elle ne maîtrisait pas encore tous les aspects de son nouvel avatar. Ajouter une limite de temps à cette addition lui faisait paraître cette mission comme impossible.

- Bon, écoute-moi, fit-elle très rapidement à l'adresse de Mathieu, son cerveau carburant à toute allure, je vais m'occuper des fruits de mer qui nous barrent le passage et je te laisse les Blocks ! Il faut les arrêter avant tout, par conséquent, je propose d'utiliser mon pouvoir de télékinésie sur un des Krabes et tu pourras alors filer dans l'ouverture créer avec l'Overwing en me laissant derrière, tu penses en être capable ?

Loin d'être convaincu, Mathieu opina néanmoins du chef, fronçant les sourcils en une expression volontaire. Avaient-ils vraiment le choix de toute manière.

Inspirant un grand coup, la japonaise fit de nouveau demi-tour sur leur véhicule en commun, les faisant se précipiter droit sur la barrière de Krabes qui, prévoyant commençaient déjà à charger leurs lasers.

- Maintenant ! glapit-elle en levant la main vers le monstre central, son habituel halo rougeâtre commençant à l'envelopper.

Cependant, et à sa grande surprise, au lieu des pinces du Krabe, se furent ses pieds à elle qui quittèrent brusquement le sol, la propulsant à plusieurs mètres dans les airs dans un glapissement de surprise.

Les créatures elles-mêmes parurent distraites l'espace d'un instant si bien qu'il ne virent pas arriver l'Overwing droit sur eux, dépourvu de conducteur. Le véhicule s'écrasa de plein fouet sur le monstre central, le faisant exploser tout droit avec lui tandis que Mathieu valsait plusieurs mètres plus loin, le corps parcourut d'étincelles, sonné.

Presque aussitôt, les deux survivants se reprirent et, tandis que l'un se dirigeait à grand renfort de cliquetis vers le Lyokô-guerrier à terre, l'autre entrepris aussitôt de canarder Yumi, toujours désespérément perchée dans les airs, se cramponnant de toutes ses forces à son ombrelle en gesticulant vainement pour redescendre.

- Je ne peux utiliser mon pouvoir que sur mon arme !? finit-elle par comprendre alors que deux lasers l'atteignant en plein sur la plante des pieds, la forçant à crisper ses genoux, merde ! Puisque c'est comme ça.

Se concentrant, elle laissa ses dons de télékinésie la guider avec grâce jusqu'à la tête plate du Krabe la canardant, à la surface de laquelle elle se laissa tomber, déterminée.

- On va commencer par se débarrasser de toi ! fulmina-t-elle en plantant d'un geste sec et précis la pointe de son arme droit sur le symbole d'Angel de la créature, et ensuite…

Sans attendre que le monstre ait fini d'exploser, elle s'élança de nouveau dans les airs, planant un instant jusqu'à atterrir pile entre Mathieu, toujours gisant à moitié inconscient au sol, et son adversaire, lui présentant son ombrelle juste au moment où il déchargeait ses lasers, protégeant son comparse de justesse.

Plusieurs rayons ricochèrent à la surface aussi solide que de l'acier de l'arme, si bien que le monstre ne put tout éviter et dut battre en retraite, affaibli. Yumi en profita pour aider l'adolescent aux oreilles de lapin à se redresser, l'époussetant des étincelles qui parcourrait encore son épaule droite.

- Maintenant Mathieu, ordonna-t-elle d'un ton ferme en lui leva brusquement le bras, sans attendre qu'il n'ait fini de récupérer.

Surpris, le jeune homme obéit sans se poser de question, laissant la sphère métallisée à son poignet s'ouvrir dans un cliquetis, déchargeant ses lasers sur le Krabe qui, parfaitement verrouillé par la main experte de la japonaise, ne put que succomber sur les tirs, implosant sur le coup dans une violente détonation.

Soulagée, la geïsha poussa un profond soupir tandis que les restes informes de la créature achevaient de disparaître sans laisser de traces en grésillant. Ils avaient frôlé le désastre de peu cette fois, une chance qu'elle ait réussi à juguler sa panique naissante à temps !

- Tout va bien ? s'enquit-elle d'un ton las auprès de Mathieu qui, l'air ahuri, laissait lentement son bras choir contre ses flancs, vidé de toute son énergie.

- Je… je crois ! bredouilla-t-il, impressionné par le sang froid tout japonais de la jeune femme. Jamais il ne l'aurait cru capable de telles prouesses en combat, elle était au moins aussi forte qu'Ulrich ! Par contre, je pense qu'il ne doit plus me rester beaucoup de Points de Vie…

- Vingt seulement, confirma la voix d'Anthéa à leurs oreilles, et Yumi, tu as aussi perdu Quarante Points de Vie pendant que tu étais perchée dans les airs. Je vous programme un nouveau véhicule immédiatement. Dépêchez-vous, les Blocks sont presque arrivés à la Sphère centrale !

Cependant, à cet instant, une sonnerie tonitruante résonna à travers la Voûte Céleste, faisant grimacer les deux adolescents.

- Qu'est-ce qui se passe encore ? questionna la japonaise d'un ton résigné.

- Plus de puissance pour les véhicules avec le programme de reboot qui tourne à plein régime ! répondit simplement Anthéa avec colère, eh mince ! Vous allez devoir continuer à pied.

Au moment où l'informaticienne achevait son explication, un grand cri strident retentit au dessus de la tête des deux Lyokô-guerriers, leur faisant lever les yeux promptement. Quatre longues silhouettes nacrés ondulaient gracieusement à plusieurs mètres du sol, leur laser chargé pointé dans leur direction.

- Des Mantas… reconnut Yumi avec un frisson de dépit, tenant son bâton prêt, je me disais bien en avoir vu sortir de la Faille tout à l'heure… Fonce t'occupe des Blocks Mathieu ! En combat aérien, c'est moi qui ait l'avantage pour l'instant.

Et, sans rien ajouter de plus, la jeune fille fléchit légèrement les genoux avant de se propulser dans les airs, auréolée de pourpre, se mêlant au ballet des créatures volantes avec volupté sous le regard impressionné de son acolyte.

- Très bien, concéda-t-il en faisant cliqueter les sphères à ses poignets tandis que la Voûte Céleste s'illuminait de rouge sous l'effet des lasers qu'affrontait désormais vaillamment la japonaise en corps à corps, à moi de foncer !

Sans plus attendre, le jeune homme s'élança aussitôt en direction de la Sphère Centrale, profitant de la diversion offerte par la japonaise pour filer à toute jambe en direction des Blocks.


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Du côté de William et Stéphanie, la situation ne s'avérait guère prometteuse. Deux Tarentules avaient dors et déjà réussi à filer tandis que leurs comparses restantes s'acharnaient à mitrailler de toute la puissance de leurs canons les deux adolescents, ne leur accordant pas une minute de répit. Seule l'endurance prodigieuse accordée par leur enveloppe virtuelle leur avait permis de tenir jusqu'à présent mais William, que le poids de son épée associé à la répulsion que lui inspiraient les créatures n'avantageait guère, avait déjà perdu bon nombre de Points de Vie.

Dans un geste désespéré, il parvint cependant à amorcer une roulade pour se placer juste sous les flancs d'une des horribles araignées filiformes, lui décochant un violent coup de zanbatô en plein dans le thorax. Au lieu de la transpercer, l'impact propulsa la créature plusieurs mètres en arrière la déstabilisant momentanément. Stéphanie en profita pour lui envoyer l'une de ses aiguilles qui vint aussitôt se ficher dans sa gorge mise à nue dans un sifflement métallique, l'achevant sur le coup. Cela réduisant son nombre d'arme à une seule, sa troisième lame ayant été envoyée au loin par une salve de tirs depuis bien longtemps.

- Désolé ! s'excusa William précipitamment en s'éloignant d'un bond de la seconde Tarentule, c'est cette fichue gangue de racine autours de mon épée ! On dirait que ça réduit les dégâts…

- Pas de soucis, fit l'adolescente, trop concentrée sur la véritable pluie de lasers qui tombait sur elle pour se formaliser d'un tel détail, oh non… William, derrière toi !

Mais il était trop tard. Sans crier gare, une troisième Tarentule venait de se glisser sournoisement derrière le jeune homme. Fendant l'air d'une de ses pattes filiformes, elle parvint à s'accrocher à l'une des sangles pendant dans le dos de sa cible, le forçant à quitter le sol avec brusquerie avant qu'il n'ait eut le temps de fuir. William se retrouva propulsé à plusieurs mètres au dessus des monstres, complètement à découvert. Presque aussitôt, deux paires de fins canons se tournèrent dans sa direction, le mitraillant de toute part.

- William ! hurla Stéphanie en se mettant à courir vers les monstres, tendant les mains dans le but de les asperger de ses Pixoflames, en vain. Seuls quelques malheureux pixels rouges jaillirent de ses doigts : elle avait du trop forcé sur son pouvoir et sa jauge ne devait plus être loin de zéro !

Par chance, le jeune homme eut le réflexe d'enclencher son nouveau Supersmoke juste ou moment où les lasers arrivaient sur lui, disparaissant derrière un panache de fumée grise avec les Tarentules.

Incapable de repérer une cible quelconque, Stéphanie fut forcée de s'arrêter de courir, son arme prête, fixant d'un regard violet concentré l'écran opaque se dissipant peu à peu, plus tendue que jamais.

« Pourvu qu'il n'ait rien, pensa-t-elle » en récupérant précautionneusement une autre de ses aiguilles, fichée dans le sol non loin de là.

Grand bien lui en prit car, soudain, un cri rauque jaillit de la fumée, bien vite suivi par une Tarentule, littéralement projetée dans les airs, droit sur Stéphanie ! La gothic lolita virtuelle eut tout juste le temps de croiser ses lames devant elle dans un geste mortel, fendant la créature sur toute la longueur qui ne put qu'imploser derrière elle dans un ultime râle, vaincue.

Son cœur numérique battant à tout rompre sous l'effet de l'angoisse, la jeune fille se retourna vers le nuage de fumée commençant à se dissiper. Une rafale de lasers en jaillit brusquement, précédant un William portant son épée à bout de bras, les bras grésillant d'étincelles. Stéphanie s'empressa de se précipiter pour lui porter secours, s'interposant entre lui et la dernière Tarentule.

- Bien joué ! approuva-t-elle en faisant danser ses aiguilles devant elle, y faisant ricocher les lasers dans un tintement métallique l'un après l'autre.

- J'ai perdu trop de Points de Vie ! protesta le jeune homme en reprenant son souffle, posant son zanbatô à terre un instant, à ce rythme encore un coup et je suis fini !

- Alors arrange-toi pour ne pas te faire toucher ! répliqua simplement Stéphanie dans un rictus amusé.

Parant un énième rayon de lumière rouge, elle virevolta brusquement sur elle-même avant de lancer l'une de ses aiguilles droit sur son adversaire, tel un javelot incroyablement précis et aiguisé. La Tarentule n'eut aucune peine à parer le coup, croisant ses canons à la texture métallique devant sa tête allongée afin de protéger son point faible. La lame y rebondit dans un choc violent, dégageant quelques étincelles, avant de se ficher dans le sol derrière elle sans lui avoir occasionné le moindre dommage.

Satisfaite de sa manœuvre, la créature fit mine de se retourner vers la Lyokô-guerrière mais eut la surprise de la retrouver à seulement quelques centimètres d'elle, fonçant droit sur sa position, son unique aiguille restant tourbillonnant autours de son doigt tel les pâles d'une hélice létale. Sans même avoir put réagir, la Tarentule se retrouva avec la tête tranchée en deux, vacillant sur ses pattes d'un air ahuri avant d'exploser brusquement en un millier de particules numériques.

Victorieuse, la gothic lolita freina sa course avant de rengainer sa lame dans son fourreau d'un geste sûr, la faisant rapidement disparaître sous sa jupe comme si de rien n'était. William, resté en retrait, la contemplait d'un air béat. Comment pouvait-elle être aussi forte après seulement une virtualisation ? Cette jeune fille ne semblait avoir peur de rien !

Un claquement de doigts dans les airs le poussa brusquement à reprendre ses esprits.

- Allô ? fit Stéphanie d'un air amusé tout en redressant l'Overbike, miraculeusement intact, sur sa roue unique, on est encore loin d'avoir fini tu sais ! Il faut encore rattraper les Tarentules restantes avant qu'elles n'atteignent le Cœur de Lyokô !

Se souvenant de sa mission, William s'empressa de chasser ses pensées futiles de sa tête avant de s'élancer vers le véhicule, l'enfourchant derrière la jeune fille, qui s'était une fois de plus autoproclamée pilote. Celle-ci démarra presque aussitôt en trombe, manquant de le désarçonner, aussi le guerrier aux sangles bicolore fut-il forcé de mettre sa pudeur de côté, enserrant sa taille de son bras libre, l'autre laissant son énorme épée traîner sur leur sillage. Leurs deux avatars, bien plus grands que ceux des Lyokô-guerriers à l'époque où Jérémie avait programmé les véhicules, manquaient de place sur le siège unique de l'Overbike, si bien que l'ambiance à bord était des plus confinée désormais.

Malgré lui, William fut forcé de constater que, comprimé ainsi contre la gothic lolita, forcé de se tenir à ses hanches, il était à des lieux des préoccupations qui avaient manqué de lui provoquer une crise de panique avant sa virtualisation. Stéphanie semblait posséder cet étrange pouvoir sur lui : celui de le plonger dans l'instant présent avec une telle force que même ses cauchemars récurrents quittaient son esprit l'espace d'un instant. Et elle n'avait pas besoin de se forcer pour cela : tout était naturel dans son attitude ! Cela, ni Yumi, ni Eva n'avait réussi à l'égaler jusqu'à présent.

A cet instant, un brusque séisme ébranla soudain tout le territoire. Désarçonnée, Stéphanie n'eut pas le temps d'activer le mode volant de l'Overbike et l'engin eut une formidable embardée. Entraîné par le poids de l'épée de William, il ne put que s'écraser lamentablement au sol, envoyant valser ses occupants à plusieurs mètres de là, sonnés.

- Eh merde, qu'est-ce qui se passe !? s'exclama la gothic lolita en se redressant, sur ses gardes, une aiguille dégainée, encore la Faille !?

- Non… murmura William, lui tournant le dos, les yeux fixés au loin, effaré.

Fronçant les sourcils, l'adolescente se retourna dans la direction indiquée par son ténébreux comparse, plissant les yeux afin de mieux voir. Soudain, un glapissement de surprise s'échappa de ses lèvres et elle ne put retenir un mouvement de recul, stupéfaite.

A plusieurs centaines de mètres d'eux, en dessous de la Voûte Céleste, le halo de la Tour de Passage de leur portion de territoire s'était mis à étinceler d'une lueur si aveuglante qu'elle en devenait presque blanche. Brusquement, une dizaine d'immenses racines entrecroisées jaillirent devant l'édifice, ondulant un instant dans les airs avant de plonger de nouveau à l'intérieur du plateau. Très vite, le processus prit une ampleur démesurée. De gros câbles entremêlés jaillissaient par poignée du sol, dévastant le territoire sur leur passage, creusant la texture avec violence, se répandant dans toutes sortes de direction différentes en faisant gronder Lyokô dans un vacarme épouvantable.

- C'est mauvais ! crachota la voix d'Anthéa à travers son micro, soudain distante, les Tours de passage ont commencé leur duplication ! Lyokô va commencer sa régénération d'un instant à l'autre, fichez le camp !

Sans se faire prier, Stéphanie et William se mirent aussitôt à courir, abandonnant l'Overbike derrière eux, fuyant le véritable cataclysme qui submergeait le monde virtuel. A peine avaient-ils quitté leur emplacement que de larges crevasses se formaient derrière eux sous l'influence des racines des Tours, restructurant tout le territoire dans un schéma apparemment aléatoire. Partout autours d'eux de gigantesques blocs constituant le terrain se dressaient dans les airs, formant de véritables montagnes enchevêtrés sur leur chemin, manquant au passage de les propulser de peu, tout n'était plus que chaos !

Courant à perdre haleine, ses aiguilles battant contre ses flancs, Stéphanie crut entrapercevoir à un moment la silhouette filiforme d'une Tarentule glisser en chuintant le long d'une côte nouvellement formée, chutant droit vers la Mer Numérique en contrebas. Un frisson la parcourut : si les monstres de la Green Phoenix étaient en difficulté désormais, il en était de même pour eux ! A ce rythme là, ils allaient tous finir virtualisés à jamais en un rien de temps !

Soudain, un cri retentit derrière elle, glaçant son sang numérique. Elle fit aussitôt volte-face pour découvrir un William à terre, les pieds pris dans une crevasse qui s'élargissait peu à peu sous lui, manquant de le précipiter dans le vide.

Prise de panique, la jeune fille se précipita vers son camarade, tendant la main juste à temps pour l'agripper avant qu'il ne chute droit vers la Mer Numérique, qui semblait de plus en plus proche désormais.

- Lâche ton épée ! ordonna-t-elle en grimaçant, le tirant en arrière avec toute la force dont son avatar virtuel était capable, elle est trop lourde ! On va finir noyés tous les deux à ce rythme.

A contrecœur, le garçon obéit, laissant l'immense zanbatô dégringoler jusqu'aux eaux mortelles qu'il traversa aussitôt, ne laissant derrière-lui qu'une traînée de lumière bleue en se désintégrant, virtualisée à jamais.

Dans un ultime effort, Stéphanie parvint à le ramener sur leur plateau au moment précis où une énième racine s'écrasait à quelques pas d'eux à peine, les noyant sous son ombre avec fracas.

- Il faut qu'on continue à courir, intima Stéphanie en entrainant William derrière elle, sans prendre garde aux blocs volant dans toutes les directions autours d'eux, Anthéa ! Quand est-ce que vous pensez pouvoir nous rematérialiser ?

- Pas avant la fin du reboot de Lyokô, j'en ai peur ! répondit l'informaticienne sur un ton de panique, entre ça et la restructuration du Firewall, le Supercalculateur tourne à plein régime et une simple dévirtualisation de votre part serait le calcul de trop pour lui ! Le mieux serait encore pour vous de rejoindre la sphère centrale avant la séparation complète des territoires ! Vous devriez être en sûreté là-bas… Je vous ai envoyé un Overwing mais j'ai peur qu'il ne soit un peu loin de votre position !

Effectivement, les contours arrondis de l'appareil se dessinaient désormais à plusieurs mètres d'eux, sur un plateau nouvellement formé légèrement surélevé, s'éloignant du leur à vue d'œil.

Un frisson de terreur les secouant, les deux adolescents s'élancèrent presque aussitôt, bondissant plus qu'ils ne courraient à une allure qu'ils ne se seraient jamais crus capables d'atteindre sur Terre. William, déchargé de son épée, fut le premier à atteindre le plateau, sautant les quelques mètres le séparant de l'Overwing dans un bond impeccable.

Empoignant le guidon du véhicule, il fit mine de se retourner, tendant la main vers Stéphanie afin de l'attraper au vol, mais il était déjà trop tard.

Les yeux écarquillés de stupeur, il ne put que voir, comme au ralenti, la jeune fille s'élancer trop tôt, ratant le plateau de peu, sa longue couette brune ondulant dans les airs, ses doigts bariolés tendus vers elle, ses yeux violets figés dans une expression de terreur.

Un cri horrifié jaillit de la bouche de William alors que la jeune fille disparaissait de sa vue, comme happée par le vide. Soudain, le vacarme ambiant laissant place à un silence assourdissant dans sa tête tandis que l'absurde réalité se frayait un passage jusqu'à son esprit tétanisé par la peur. Elle était tombée dans la Mer Numérique. C'était impossible. Comment, en une fraction de seconde, la vie de cette adolescente si pétillante avait-elle put basculer de la sorte ?

Alors qu'une vague de panique commençait à l'envahir, sa main tremblant sur le guidon de l'Overwing qu'il serrait avec plus de force que jamais, un bruit de sifflement empli soudain l'air et, l'instant d'après, une forme claire émergeait brusquement de la crevasse dans laquelle Stéphanie venait de disparaître.

L'instant d'après, dans un bruit sourd, la gothic lolita s'écrasait à l'arrière de l'Overwing, ses grands yeux violets clignant d'un air hébété, visiblement incapable de comprendre ce qui venait de lui arriver.

Débordant de reconnaissance, William se retourna vers la silhouette gracieuse de Yumi qui flottait désormais au dessus de leur tête, assise en amazone sur son ombrelle, un halo rouge l'entourant avec douceur.

- C'était moins une cette fois ! annonça la japonaise d'une voix trahissant la panique qu'elle venait d'éprouver, une seconde de plus et je te ratais Stéphanie !

- Merci Yumi, souffla la jeune fille avec sincérité, encore tremblante de peur, où est Mathieu ?

- Il était parti s'occuper des Blocks la dernière fois que je l'ai vu, expliqua son amie en les enjoignant à reprendre leur route, tandis que le flot de racines incessant s'approchait dangereusement d'eux, je n'ai aucune idée d'où il peut être mais il n'était pas bien loin de la Sphère Centrale donc je pense que ça devrait aller, filons !

Peu convaincue, la jeune fille se laissa néanmoins entraîner par William à bord de l'Overwing, emboîtant le pas à Yumi qui menait désormais la marche depuis son ombrelle, fusant à travers le territoire tandis qu'un cri rauque emplissait le ciel derrière eux.

- Elles ne vont jamais me lâcher ou quoi… ? fulmina la japonaise en se retournant vers les deux Mantas qui venaient de jaillir à sa suite, ondulant d'un air furieux dans sa direction, bon…

Sautant de son bâton, elle émit un prodigieux salto dans les airs entre les lasers commençant à pleuvoir sur elle, son kimono voltigeant sur sa trajectoire, avant de transpercer les deux monstres d'un seul et même coup circulaire appliqué.

Lorsqu'elle eut touché le sol de ses talons hauts, désactivant son pouvoir pour se remettre à courir presque instantanément, les deux créatures volantes avaient déjà implosés en une myriade de particules numériques depuis bien longtemps.

- Tiens le coup ! l'encouragea Stéphanie depuis l'Overwing tandis que la japonaise peinait à garder son équilibre lui le sol de plus en plus mouvant du territoire, la Sphère Centrale n'est plus très loin !

En effet, l'immense globe était si proche désormais qu'il semblait emplir entièrement le ciel face à eux. Plus que quelques mètres à franchir, et ils seraient enfin en sûreté…
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:24   Sujet du message: Répondre en citant  
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Mathieu courrait si vite qu'il avait l'impression de décoller du sol. Tout bien réfléchi, c'était peut-être bien le cas au final, tant ce dernier ne cessait de se mouvoir sous ses pieds, les cubes le constituant s'encastrant, se soulevant, se réassemblant dans un ballet incessant, manquant de le faire trébucher à chaque instant.

Devant lui, les Blocks continuaient à courir de toute la force de leurs pattes chétives, sans se soucier des gigantesques racines de Tour jaillissant sans cesse autour d'eux, restructurant le territoire.

Pour faire bonne figure, le Lyokô-guerrier en herbe fit mine de viser un des monstres de ses armes et tira un laser qui manqua sa cible de plusieurs mètres. Inutile, le terrain était trop changeant pour lui permettre plus de précision ! Surprise, la créature cubique tourbillonna aussitôt sur elle-même, faisant mine de le mitrailler à son tour, sans plus de succès.

- Ne te soucie pas des Blocks ! ordonna la voix d'Anthéa, résonnant dans son crâne avec force, il faut surtout que tu te mettes à l'abri ! Avec un peu de chance, tu peux encore atteindre la Sphère Centrale avant qu'il ne soit trop tard. Fonce !

Mais l'informaticienne se trompait sur ce point. Alors que Mathieu n'était plus qu'à quelques dizaines de mètre du noyau, noyé sous son ombre titanesque, un tremblement de terre sous ses pieds le désarçonna momentanément, le projetant au sol. Avant même d'avoir pu se relever, le terrain sur lequel il se trouvait se détachait lentement du plateau encore rattaché à la Sphère, dérivant vers la Voûte Céleste en entraînant avec lui le Lyokô-guerrier, impuissant.

- Oh non… souffla-t-il en bondissant sur ses pieds tandis que le territoire commençaient à se restructurer autours de lui, l'isolant peu à peu sur un sentier de plus en plus mince, menaçant de le précipiter vers la Mer Numérique, non !

Sans réfléchir plus avant, n'écoutant que son instinct, le jeune homme bondit sur un plateau voisin avant que celui-ci ne s'éloigne trop, s'y agrippant de justesse. Une colonne de cubes imbriqués de façon anarchique se dressa soudain derrière lui, lui permettant de prendre appui à sa surface afin de se hisser, tremblant sur le large plateau. Tout autour de lui, des comparses de cet étrange pilier s'élevaient rapidement, surgissant du vide dans un grincement de fin du monde.

- Anthéa qu'est-ce que je fais !? s'exclama Mathieu, cédant à la panique. Le dôme central était désormais hors de vue.

Avant que l'informaticienne ait pu trouver une réponse, un enchevêtrement de câbles électriques jaillit du sol à côté de lui, dispersant des dizaines de cubes mortels dans sa direction, l'épargnant de justesse. Subjugué, il observa la racine serpenter encore un instant tel un immense serpent à travers le territoire avant de brusquement s'interrompre à plusieurs mètres de lui, au bord du plateau. Là, sous ses yeux ébahis, commença à se dresser la silhouette en fil de fer d'un large cylindre, enchâssé dans un socle d'aspect organique. L'instant d'après, l'apparition se textura pixel après pixel, dévoilant la forme d'une Tour, en tout point identique à sa génitrice, à l'exception de l'absence de halo autours d'elle.

- C'est ça ! s'exclama brusquement Anthéa à travers ses oreilles, qui avait suivi la duplication de l'édifice depuis son écran, la Tour de Passage de ton territoire ! Actuellement, c'est le seul endroit sûr encore accessible sur Lyokô ! Tu n'auras qu'à t'y réfugier le temps que le reboot soit achevé, je vais te guider !

Mais Mathieu s'était déjà redressé, glacé. Face à lui, dérivant à toute allure au bout d'un sentir de cubes en constante expansion, se dressait le halo vert aisément reconnaissable de la Tour en question.

L'adolescent, interdit, resta immobile une fraction de seconde, trop choqué pour réagir, avant de brusquement s'élancer en avant, courant à perdre haleine. Son salut était à portée de main, il ne pouvait pas se permettre de le laisser lui échapper un instant de plus.

Le terrain avait beau onduler sous ses pieds, manquant à chaque instant de le projeter dans les airs, il n'y prenait pas garde, se contentant de foncer comme si sa vie en dépendait, ignorant les câbles électriques s'enracinant aux quatre coins du territoire, donnant à chaque fois naissance à une nouvelle Tour. L'extrémité du plateau sur lequel il se trouvait avait dors et déjà atteint la frontière marquée par la Voûte Céleste et s'appliquait à la traverser peu à peu, menaçant le jeune homme. Il n'avait que peu de temps.

Un Block miraculeusement rescapé de la restructuration de Lyokô jusqu'à présent jaillit brusquement face à lui, et, tout en continuant de fuir, ne put s'empêcher de tourner un œil globuleux vers lui, projetant un rayon gelant droit dans sa direction.

Horrifié, Mathieu n'eut que le temps de lever les bras devant son visage dans une posture défensive. Il était perdu ! S'il se retrouvait prisonnier de la glace à un moment pareil, c'était la chute vers la Mer Numérique assurée !

Cependant, et contre toute attente, un cliquetis résonna à ses oreilles et, l'instant d'après, la sphère à son poignet droit s'ouvrit brusquement, absorbant le laser bleuté entièrement avant de se refermé sur la petite sphère d'énergie formée dans un son guttural.

Le Block, aussi surprit que sa cible, resta pétrifié sur place et il fallut un moment à Mathieu avant qu'il ne brandisse brusquement son bras gauche, décochant un de ses lasers emmagasinés droit sur le monstre pour le faire exploser, profitant de la situation.

Tout en se remettant à courir, le Lyokô-guerriers jeta un bref coup d'œil à la sphère métallique à son poignet droit. L'un de ses faisceaux était désormais illuminé d'une étrange lueur blanche, en lieu et place du rouge ou bleu habituel. Venait-il réellement de réussir à absorber ce rayon gelant ? Mais pour quelle raison ? Il en avait été incapable lors de sa première confrontation avec un Block et cela lui avait même coûté quelques Points de Vie à l'époque…

Une seule explication lui venait à l'esprit : Anthéa avait sûrement dit vraiment en mentionnant la mise à jour de ses armes. Le nouveau système de niveau de son avatar virtuel était donc bel et bien efficace, voilà qui était bon à savoir !

Perdu dans ses réflexions, il faillit ne pas remarquer le gouffre béant qui venait de s'ouvrir sous ses pieds sous l'action des racines des Tours et ne dut son salut qu'à un dérapage de dernière minute, s'immobilisant à quelques millimètres à peine du bord dans un cri de surprise. En dessous de lui, clapotait la Mer Numérique qui s'était teintée d'une couleur verdâtre.

« Et maintenant ? » pensa Mathieu avec désespoir en observant le sentier devant lui s'éloigner peu à peu, emportant avec lui la Tour de Passage. Son halo était déjà presque invisible à travers la foultitude de piliers de cubes striés qui s'était érigée devant lui.

Instinctivement, sa main se porta à son poignet, caressant la sphère métallique y était magnétiquement fixée. Fronçant les sourcils, le jeune homme tira doucement dessus et parvint à la décrocher, la levant devant ses yeux. A sa surface, le segment illuminé de blanc clignotait doucement d'une lueur apaisante. Une idée commençait à germer dans son cerveau.

- Anthéa, affirma-t-il d'un ton ferme tout en jetant un bref coup d'œil à la Voûte Céleste qui continuait à se rapprocher dangereusement, je m'apprête à tenter quelque chose de plutôt risqué alors dites-moi, est-ce qu'il reste encore des Monstres dans les parages ?

Un bruit de cliquetis sur le clavier lui répondit tout d'abord avant que la voix de l'informaticienne ne résonne de nouveau à travers le territoire, légèrement inquiète.

- Si j'en crois l'Holomap, tous les Blocks alentours sont tombés dans la Mer Numérique depuis longtemps oui… Qu'est-ce que tu comptes tenter ?

C'était tout ce qu'il avait besoin de savoir. Sans prendre la peine de répondre, le jeune homme inspira profondément avant de prendre soudain son élan et de s'élancer droit dans le vide, arrachant un cri horrifié à Anthéa depuis son ordinateur. Ne s'en préoccupant pas, il appuya brusquement sur le bouton à la surface de l'arme dans sa main et la lança droit devant lui en direction de la Mer Numérique, déclenchant le système d'ouverture. C'était quitte ou double !

Dans un petit « clic », la sphère se scinda en deux libérant son contenu dans toutes les directions. Ce fut comme si une véritable explosion de glace s'était formée sous Mathieu, formant une véritable plateforme au dessus du vide qui ne cessait de s'étendre dans un crissement de givre autours de l'arme métallique. Mathieu s'y réceptionna de justesse, dérapa un instant avant de rebondir, s'élançant de toute la puissance de ses jambes virtuelles vers le sentier menant à la Tour du Passage.

Dans une roulade maladroite, il parvint finalement à atteindre le chemin branlant au dessus de vide, son cœur numérique battant la chamade sous le coup de la peur, mais entier. Derrière lui, la plateforme de glace qui lui avait servi de tremplin se désagrégeait déjà en une centaine de pixels blancs, mais il n'avait pas le temps d'y prendre garde. Autours de lui, les blocs commençaient déjà à se disloquer, reconfigurant à nouveau la zone, et la Voûte Céleste avait achevé d'englober le plateau qu'il venait de quitter, se dirigeant dangereusement dans sa direction.

Ignorant les remontrances d'Anthéa, Mathieu se redressa brusquement, se remettant à courir à perdre haleine, abandonnant derrière lui son arme, déjà tombée depuis longtemps dans la Mer Numérique. La Tour de Passage était désormais clairement visible droit devant lui, son halo vert similaire à un phare au milieu de cette forêt de piliers bleues sombres qui lui masquaient la vue.

Derrière lui, un effrayant bourdonnement l'informa que la barrière formée par la Voûte Céleste gagnait du terrain. Encore quelques secondes, et il serait happé par le ciel de données et, alors, dieu seul savait ce qui adviendrait de son avatar. Il ne pouvait pas se permettre de se retourner.

Plus que trente mètres.

Sous ses pieds, le sentier se scinda soudain en deux, manquant de l’entraîner dans la mauvaise direction. Sans hésiter, il bondit sur un cube légèrement surélevé et atterrit de nouveau sur le bon chemin, haletant sous l'effet de la peur. Il se remit à courir.

Plus que vingt mètres.

Au fur et à mesure qu'il courait, il lui semblait que les blocs sous ses pieds se faisaient un malin plaisir de se décaler les uns par rapport aux autres, allongeant la distance entre lui et l'édifice miroitant aux fumerolles d'émeraude. Il força l'allure, puisant dans toutes les fantastiques ressources que lui offrait son avatar virtuel. Jamais son corps physique n'aurait pu supporter une telle allure.

Plus que dix mètres.

Un premier fichier luminescent constituant la voûte céleste frôla une de ses oreilles de lapin, déclenchant des fourmillements dans tout son corps. Il y voyait trouble, toutes les images semblaient sauter autours de lui comme à travers un film abîmé. Son esprit ne parvenait plus à faire le lien avec son corps numérique, il allait perdre contenance ! Des centaines de particules électriques dansaient dans son dos, prêtes à l'absorber à tout instant. La Tour n'était plus qu'à quelques pas de lui, semblant le noyer sous sa lueur protectrice.

Plus que cinq mètres.

Dans un ultime sursaut de courage, Mathieu parvint à pousser sur ses jambes, se projetant tête la première droit sur la paroi, en apparence solide, de la Tour de Passage. Celle-ci l'absorba avec bienveillance, le faisant disparaître au moment précis où la Voûte Céleste l'atteignait enfin, achevant d'éjecter le territoire hors du centre de Lyokô, précipitant le jeune homme droit vers l'inconnu.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:25   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 44 :

Épisode 143 : Entre l'or et la perle_



Stéphanie entrouvrit ses grands yeux mauves, hébétée. Clignant plusieurs fois des paupières, elle mit un instant avant de se rendre compte qu'elle était allongée de tout son long sur un William a l'air passablement décontenancé. Reprenant ses esprits, elle s'écarta d'un bond, remerciant Lyokô de lui épargné un rougissement intempestif gênant. Derrière eux deux, Yumi s'était déjà redressée, un peu haletante mais entière. Si elle paraissait calme en apparence, sa main, crispée sur son ombrelle, était légèrement tremblante.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? questionna la gothic lolita virtuelle en examinant le décor alentour, on a réussi à atteindre la sphère centrale ?

Les derniers instants de leur fuite demeuraient flous dans son esprit. William, se relevant à son tour, observait avec angoisse les hauts cubes bleutés les cernant de toute part. Une chose était sûr, ils étaient bel et bien dans le cinquième territoire ! Il ne reconnaissait que trop bien ce macabre décor, froid et sans vie, qui avait été le théâtre de son enlèvement par XANA des années auparavant. Un lieu qui, malgré le temps passé, continuait à lui faire froid dans le dos.

- On dirait que ça s'est calmé dehors, commenta Yumi en lissant la texture de son yukata, allons y jeter un œil…

Tout en parlant, elle désigna une large fente dans le mur leur faisant face, à travers laquelle une éblouissante lumière filtrait. En face, n'était visible que le vide, ils n'avaient donc guère de choix.

Prudente, Stéphanie fut la première à s'engager dans l'ouverture, bien vite suivie par William, pressé de sortir de la pièce, la japonaise fermant la marche. Le spectacle qui s'offrit à eux une fois à l'extérieur leur coupa le souffle.

A perte de vue, s'étendait la Voûte Céleste, nimbant le paysage de sa lueur bleue envoûtante, les fichiers informatiques à sa surface scintillant comme des étoiles. De grands tunnels de données luminescents émergeaient des quatre point cardinaux de l'immense sphère au sein de laquelle ils se tenaient, venant se plonger dans les méandres du ciel. En contrebas, la Mer Numérique n'était plus visible et il n'y avait plus aucune trace des territoires à l'horizon. Ne demeurait qu'une fine plateforme sur la tranche de la Sphère sur laquelle ils se tenaient actuellement, menant vers l'intérieur, et au bout de laquelle luisait faiblement une interface. Lyokô avait retrouvé sa grandeur d'antan.

Tandis que William et Stéphanie, subjugués, tentaient d'apercevoir les deux sas aux pôles de la Sphère menant respectivement au Cœur du monde virtuel et au garage du Hopper, Yumi leva la tête vers le ciel, hélant Anthéa d'une voix forte.

- Quel soulagement, vous n'avez rien ! répondit presque aussitôt l'informaticienne d'un ton haletant. Elle avait du se faire un sang d'encre, incapable d'intervenir depuis son écran, c'était moins une !

- Oui, approuva la japonaise avec un frisson, avant de revenir à l'essentiel, qu'en est-il de la Faille ? Je n'arrive pas à l'apercevoir depuis notre position…

- Elle est de nouveau endiguée par le Firewall, ne t'en fais pas, confirma Anthéa –on sentait le sourire poindre sur ses lèvres à travers sa voix, et mes écrans ne détectent plus aucun monstre. Je pense que la mission est un succès !

- Et Mathieu ? coupa soudain Stéphanie, redescendant brusquement sur terre, un froncement de sourcil inquiet barrant le visage de son avatar, il n'était pas avec nous dans la Sphère, est-ce que… ?

- Il va bien, la rassura la mère d'Aelita d'un ton apaisant, il s'en est fallu de peu mais il a réussi à se réfugier dans une des Tours de Passage avant que la restructuration ne s'achève. Je vous ramène immédiatement avant de m'occuper de lui, inutile d'attendre plus longtemps.

William approuva sombrement derrière les deux jeunes filles. Il n'avait guère envie de s'éterniser à la surface de ce monde virtuel qu'il haïssait tant.

Patientant le temps qu'Anthéa finisse d'entrer la procédure de Matérialisation dans l'ordinateur, Stéphanie s'assit le long de la plateforme, laissant ses jambes battre dans les vide, son regard violet perdu dans la contemplation des nuances de bleu infinies de la Voûte Céleste.

- C'est beau quand même… souffla-t-elle d'un ton rêveur, Lyokô… Et calme ! Je trouve ça vraiment relaxant quand il n'y a pas de monstres.

Le guerrier bicolore eut une petite moue dubitative dans son dos mais se garda de tout commentaire. Au lieu de cela, il prit à son tour le temps d'observer le ciel surréel qui s'étendait à perte de vue au dessus de lui. Il se surprit alors à sentir son cœur s'apaiser, comme si ces longs mois passés sous le joug de XANA n'étaient plus qu'un mauvais rêve.

Soupirant, il tritura nerveusement l'une des sangles de sa combinaison, s'arrachant à la contemplation du 5ème territoire. Il y avait du vrai dans ce que disait Stéphanie après tout. Quelque part, il comprenant en quoi Franz Hopper avait voulu créer un paradis numérique pour lui et sa fille. Ce n'était pas Lyokô qui était diabolique après tout, mais plutôt ce que les hommes et XANA en avaient fait. Son origine, elle, était des plus paisibles.

Yumi, restée légèrement en retrait, adossée contre la paroi de l'ouverture, dévisagea William en silence, ses lèvres savamment maquillées pincées. Il y avait quelque chose de différent chez son ex petit-ami qu'elle ne parvenait à définir, comme si la présence de Stéphanie, assise à ses côtés, suffisaient à libérer son cœur d'un poids.

C'est ainsi, perdus dans leurs pensées, que les trois camarades de Terminale virent peu à peu leur silhouette numérique s'effacer, pixel après pixel, avant de s'évanouir dans les airs, laissant un nouveau Lyokô intact reposer derrière eux.


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Le rideau de fer masquant l'entrée du monte-charge se releva avec une lenteur exaspérante, grinçant à tout va, tandis qu'Odd, son béret de travers, légèrement essoufflé, trépignait d'impatience devant le bouton de l'ascendeur. Eva, plus calme à ses côtés, paraissaient profondément ennuyée, triturant d'un geste négligeant l'i-pod nano à son poignet.

Enfin, l'habitacle de bois fut libéré et l'adolescent se rua à l'intérieur, suivi par sa compagne qui ne put retenir un petit soupir.

- Retenez la porte ! s'exclama soudain une voix au loin dans la salle cathédrale, faisant sursauter le couple.

Odd eut tout juste le temps de glisser sa main sous le rideau de fer qui commençait à redescendre avant que ne se glisse habilement à l'intérieur une Aelita échevelée, talonné par un Jérémie haletant, dont les lunettes ne cessaient de glisser sur son nez maculé de sueur. Il avait visiblement fournit un effort intense pour suivre le rythme de son ex-petite amie à la sortie des TPE et n'avait pas eu le temps d'éteindre correctement son I-pod, qui continuait à biper à intervalle régulier. Résignée, Eva lui vint en aide tandis que la porte du monte-charge se refermait enfin et que l'habitacle se mettait en branle, les entraînant dans les profondeurs de l'usine.

- Des nouvelles d'Ulrich ? questionna Odd d'un ton nerveux.

Aelita secoua la tête d'un geste négatif.

- Il doit toujours être en plein oral, il passait un peu après nous, affirma-t-elle, j'espère qu'il pourra se libérer à temps.

- J'espère surtout que tout se passe bien sur Lyokô, grogna l'adolescent au béret, trépignant sur place.

L'idée de savoir Mathieu livré à lui-même dans le monde virtuel lui était insupportable.

Enfin, après un moment qui lui sembla durer une éternité, le monte-charge s'immobilisa et la porte coulissa en chuintant, libérant l'entrée du labo plongé dans la pénombre. Odd fut le premier à s'y ruer, fou d'inquiétude.

- On est là Anthéa ! s'exclama-t-il à l'adresse de l'informaticienne, confortablement attablé devant sa console, désolés pour le retard… Alors ? Où en est la situation sur Lyokô ?

- Tout va bien, le rassura la femme aux cheveux roses tandis que sa fille se glissait derrière elle pour jeter un coup d'œil sur ses écrans, le Firewall vient de se reconfigurer et il n'y a plus aucun monstres sur mes écrans, vous arrivez trop tard ! J'ai déjà lancé la procédure de rematérialisation. Stéphanie, Yumi et William devraient être là d'un moment à l'autre.

- « William »… ? relevèrent Aelita et Jérémie d'une même voix, surpris.

Eva, de son côté, émit un petit sourire discret. Ainsi le jeune homme avec qui elle avait tant partagé avait fini par franchir le pas de son côté et retourner sur Lyokô. Elle ne pouvait nier qu'un léger sentiment de fierté pour l'adolescent l'habitait suite à cette nouvelle.

Odd, lui, semblait à des lieux de s'interroger sur la présence du ténébreux ancien XANA-guerrier parmi l'équipe.

- Et Mathieu ? s'enquit-il, chassant bien vite le sourire naissant de sa petite-amie, au profit d'une moue agacée, est-ce qu'il va bien ?

- Il est sur le territoire de la Forêt, confirma Anthéa, un peu secoué mais entier ! Je le ramène juste après les trois autres.

Le soupçon de soulagement qui commençait à poindre sur le visage de l'adolescent s'assombrit brusquement. Sans rien ajouter de plus, il fit prestement demi-tour en direction du monte-charge, s'attirant les regards surpris de ses amis.

- Quoi ? fit-il d'un ton bougon, gardant sa main appuyée sur le bouton de montée de l'appareil, on n'a plus besoin de nous ici et il faut bien que quelqu'un prévienne Ulrich, qu'il ne fonce pas comme un dératé à l'usine après son TPE… Je me charge de l'avertir !

Et, sans plus attendre, il s'éloigna du panneau de contrôle, laissant la double-porte du monte-charge se refermer sur son regard contrit. Eva, restée figée sur place, était blême de fureur. Comment pouvait-il choisir de quitter l'usine comme un voleur en la laissant derrière ? N'était-elle pas sa petite-amie ? Son manque de considération au cours des derniers jours commençait sincèrement à l'agacer !

Aelita, de son côté, arborait un air tout aussi soupçonneux. Était-ce elle où l'annonce du retour de Mathieu sur Terre avait-elle fait fuir son ami ? Il y avait indéniablement quelque chose de bizarre dans son attitude, lui qui avait paru si pressé de se rendre au labo un instant plus tôt. Dissimulait-il quelque chose ?

La tête pleine de pensées, elle observa d'un regard vague les avatars d'une geïsha, d'un guerrier et d'une gothic lolita se décharger peu à peu à l'écran.


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Une douce lueur bleutée s'infiltra à travers les paupières de Mathieu, le ramenant peu à peu à lui. Un sentiment de plénitude inhabituel flottait dans sa poitrine, se répandant à travers tous son corps tels un liquide chaud et apaisant. Ouvrant les yeux progressivement, il se retrouva dans la pénombre de la Tour qu'il venait de traverser, seulement éclairé par quelques fichiers luminescents le longs des parois, échangeant leur place de temps à autre en silence. Une sorte de bourdonnement envahissait l'air, témoignant de la puissance électrique qui reposait au sein de l'édifice.

Se redressant sur ses pieds, le Lyokô-guerriers jeta un rapide coup d'œil alentour, détaillant l'intérieur. Dans l'ensemble, il était très similaire à celui des Tours sur Endo, à l'exception de la plateforme sur laquelle il se trouvait, en forme de symbole de XANA en lieu et place de celui d'Angel, bien entendu, ainsi que l'absence d'interface en son centre.

- Mathieu ? résonna avec volupté la voix d'Anthéa le long des parois, le tirant de sa rêverie, tu peux sortir maintenant, Lyokô vient d'achever sa reconstruction. J'ai déjà ramené les autres, il ne manque plus que toi.

Obtempérant, le jeune homme aux oreilles de lapin s'avança le long de l'arrête principale de la plateforme et, après une fraction de seconde d'hésitation, traversa le mur plongé dans les ténèbres devant lui, se fondant à la surface de la tour comme s'il s'était agit d'eau ou de gaz.

L'instant d'après, il émergeait à l'extérieur, légèrement désorienté, ne laissant que quelques cercles concentriques bleus le long de la paroi qui s'effacèrent presque aussitôt. Relevant la tête, il retint soudain un cri de stupeur, ébahi. Le décor avait bien changé autours de lui.

En lieu et place des habituels blocs imbriqués, s'étendait désormais à perte de vue devant lui de larges sentiers d'un vert vif reliant plusieurs plateaux entre eux, couvert par endroit d'une texture évoquant de la terre et de la mousse. Parsemant ces étonnants chemins suspendus au dessus du vide, se dressaient de-ci de-là de gros blocs grisâtres, similaires à des rochers. Mais l'élément le plus surprenant de cette étonnante architecture était sans nul doute la profusion d'arbres d'une longueur interminable dressant leur haute silhouette au dessus de sa tête, flottant dans les airs entre les sentiers et les plateaux, perdant leurs branches nues loin au dessus de sa tête, à travers lesquelles filtraient les rayons d'un soleil crépusculaire. Le tout évoquait une forêt luxuriante grossièrement taillées à même une structure virtuelle, de véritables jardins de Babylone suspendus à plusieurs mètres au dessus d'une Mer Numérique d'un vert pâle, clapotant doucement en contrebas.

- C'est magnifique… ne put s'empêcher de souffler le jeune homme, estomaqué.

Subjugué par cet étonnant spectacle, Mathieu s'avança de quelques pas. A travers les arbres étroitement resserrés, il parvenait à distinguer de-ci de-là le halo bleuâtre d'une Tour désactivé. A travers les branches fleurissant au dessus de sa tête, diffusant de vagues tâche de lumière sur le sol, était clairement visible, rouge et purulente, enserrés à travers ses entraves qu'étaient le Firewall, la Faille de Lyokô. Elle avait vraisemblablement subit un déplacement en même temps que le reste du territoire lors de la restructuration du monde virtuel.

Jetant un bref coup d'œil derrière lui, Mathieu put constater que la Tour de Passage, fier édifice d'un blanc crème se fondant dans le paysage avec habileté, avait retrouvé un halo bleu neutre. Le reboot de Lyokô était bel et bien terminé.

« C'est étrange, ne put s'empêcher de songer le jeune homme en se laissant de nouveau aller à la contemplation du Territoire Forêt, cela ressemble à Endo en tout point, et pourtant il se dégage une certaine sérénité de cet endroit… Comme si tout avait été conçu pour être plus calme, plus paisible. »

Cela n'avait rien d'étonnant après tout. Endo avait été créé dans un but de destruction et Lyokô dans un but de préservation. Il fallait s'attendre à une différence aussi flagrante entre le calme luxuriant de la Forêt et la terreur sourde du Volcan.

- Je te rematérialise Mathieu, annonça brusquement la voix d'Anthéa, tirant le jeune homme de sa contemplation muette, tu es prêt ?

- O-oui, répondit-il maladroitement en se forçant à reprendre ses esprits. C'est quand vous voulez.

Une fraction de seconde plus tard, les pixels de sa combinaison grise ample se désagrégeaient, laissant peu à peu place à une silhouette bleutée. Le jeune homme ferma les yeux, se préparant avec angoisse au douloureux retour sur Terre. L'instant d'après, une lumière blanche l'aveugla et tous ses sens s'éteignirent, précipitant son esprit à travers les méandres de l'entre-deux numériques, en direction des scanners.


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Le chuintement sonore de la porte de son caisson s'ouvrant sur le deuxième sous-sol de l'usine fut la première chose qui lui parvint. Bien vite après, ses yeux se remirent à fonctionner normalement et une lumière aveuglante lui transperça les rétines tandis qu'une fumée moite s'infiltrait dans ses narines nouvellement reformée. Suffoquant, Mathieu, de nouveau vêtu de son sweat et de son jean, tituba hors du scanner, manquant de peu de trébucher contre le bord, son cœur à nouveau opérationnel battant la chamade.

Désorienté, il mit un moment avant de comprendre ce qui le perturbait à ce point. Fixant ses mains, moites de sueur, il finit brusquement par réaliser. Le retour sur Terre, bien que perturbant pour ses sens, était loin d'être aussi douloureux qu'à l'accoutumée ! Ne subsistait dans ses muscles qu'une vague trace de tension qui s'atténuait déjà, tout comme les battements de son cœur, conséquence direct du nouveau programme de virtualisation sans nul doute. Une chose était sûre, la rematérialisation était bien plus agréable ainsi !

Dégageant ses mèches de cheveux auburn de devant ses yeux, il put enfin distinguer la salle des scanners poussiéreuses dans son ensemble.

Stéphanie, ses formes de nouveau camouflées sous son épais pull rapiécé et ses yeux ayant récupéré une teinte brune plus classique, aidait un William visiblement éprouvé à se redresser, le soutenant malgré sa stature. Une fois de plus, Mathieu ne put s'empêcher de constater à quel point il était étrange de revoir ses camarades en chair et en os après un séjour sur le monde virtuel. Les reflets bleus dans les cheveux du jeune homme lui manquaient presque, mais au moins sa barbe de trois jours faisait moins décalée !

Déjà en place dans le monte-charge, Yumi s'était plongée dans un silence méditatif, ses longs cheveux d'un noir de jet, trempés de sueur, ramenés en arrière afin de ne pas coller devant ses yeux. Elle avait troqué son yukata contre un chemisier blanc plus simple, cintré dans un veston chic, mais n'en semblait pas perturbée outre mesure, plus habituée que le reste du groupe à ces allez-et-retours entre virtuel et réel.

Mathieu ne put s'empêcher de déglutir. Il était difficile d'appréhender la japonaise, quel que soit le moment, et cela le rendait quelque peu mal à l'aise. Seule Stéphanie semblait la comprendre pleinement, peut-être parce que la jeune fille avait décidé de lui ouvrir son cœur, qu'elle gardait hermétiquement clôt pour ses autres connaissances ? Il n'aurait su le dire…

- Ça va aller ? fit Stéphanie en parvenant enfin à remettre un William chancelant sur ses jambes, croulant à demi sous son poids.

Le jeune homme eut un rictus.

- Ça va, ne t'en fais pas… En tout cas ça ira toujours mieux que sur Lyokô !

Avec un pauvre sourire, l'adolescente l'enjoignit à le suivre dans le monte-charge, talonné par un Mathieu un peu décontenancé par l'attitude de la jeune fille. D'ordinaire, elle n'était aussi attentive qu'avec lui et, cette fois-ci, c'était à peine si elle lui avait accordé un regard, préférant s'occuper de William. Pourquoi agissait-elle soudain de la sorte ?

Indifférente, Yumi se contenta de presser le bouton de montée une fois tout ce beau monde à bord et l'ascenseur s'éleva presque aussitôt en chuintant jusqu'à l'étage supérieur, où les attendaient Jérémie, Eva et Aelita, en compagnie d'Anthéa, à leur grande surprise. Ils avaient du passer tellement de temps sur Lyokô que leur TPE était déjà passé depuis longtemps.

Avec un petit pincement au cœur, Mathieu ne put s'empêcher de remarquer l'absence d'Odd au sein du groupe. L'adolescent continuait-il donc de l'éviter depuis leur baiser inattendu sur le pont ?

Derrière lui, William s'était raidi, surpris de se retrouver face à un comité d'accueil aussi vaste. Si Eva lui adressa un petit geste de la main encourageant, Aelita et Jérémie froncèrent tous deux les sourcils sans dire un mot, dans une synchronisation étonnement parfaite.

- William, fit la jeune fille aux cheveux rose la première, le saluant brièvement, je suis surprise que tu ais décidé de venir nous aider aujourd'hui ! J'avais cru comprendre que tu ne voulais plus avoir à faire à Lyokô après… Après tout ce qui t'est arrivé.

Il n'y avait aucune nuance de reproche dans la voix de l'adolescente, ce n'était là rien de plus qu'une simple constatation. William, s'il ne le montra pas, se sentit infiniment reconnaissant envers la jeune fille. Ce fameux jour maudit où il était tombé entre les griffes de XANA, lui et Aelita avait fait équipe sur Lyokô et il n'avait tenu compte d'aucun de ses conseils, préférant foncer tête baissée ce qui avait conduit au drame que tous connaissaient. La jeune fille aurait eu toutes les raisons du monde de lui en vouloir, d'autant plus qu'il avait indirectement causé la perte de son père ce jour-là. Pourtant, bien loin de lui garder la moindre rancœur, elle avait toujours été la plus compréhensive du groupe et la plus prompt à lui pardonner ses erreurs. Encore aujourd'hui, elle se montrait simplement inquiète pour ses sentiments, alors qu'ils ne se fréquentaient pas plus que cela, et cela ne faisait qu'ajouter à son sentiment de culpabilité.

Sentant son trouble, Stéphanie lui caressa le bout des doigts avec discrétion, lui arrachant un léger frisson. A travers son contact chaleureux, un soupçon de courage se diffusa en lui. Il n'avait plus le temps d'hésiter, sa décision avait été prise à l'instant même où il avait quitté le foyer, plusieurs minutes plus tôt, choisissant de suivre son ex-petite-amie et la jeune fille jusqu'à l'usine. Il ne pouvait plus reculer désormais.

- J'ai fini par changer d'avis, répondit-il enfin simplement, d'un ton ferme mais calme qu'il se serait cru incapable d'adopter encore quelques heures auparavant, si je peux vous aider à vous battre, alors je le ferais. Pour moi-même et pour éviter que d'autres aient à endurer le même sort que le mien. J'aurais déjà du prendre cette décision il y a bien longtemps, veuillez me pardonner…

Jérémie eut un soupir résigné, redressant légèrement ses lunettes tandis qu'Aelita lui adressait un sourire rassurant. Yumi, crispée à quelques mètres de lui, conserva ses lèvres closes, bien que la pression mentale qu'elle exerçait sur elle-même pour s'empêcher de protester fût presque tangible. Elle avait perdu le droit de remettre en cause les choix de William et elle le savait. Peut-être même avait-elle été folle de croire un jour pouvoir se le permettre ? C'était ce trait de caractère qui l'avait rendue si seule jusqu'à présent.

- Bon retour dans la bande, approuva Eva, gratifiant le jeune homme de son premier sourire sincère depuis des lustres.

Seul Jérémie paraissait peu enchanté par la décision de l'adolescent ténébreux.

- Ça ne m'arrange pas tout ça, affirma-t-il d'un ton plaintif, il va falloir que je commande un nouvel I-pod nano et que je le trafique aussi pour que tu puisses êtres averti en cas d'attaque de la Green Phoenix… Il faudrait aussi que je rajoute une place au Hopper au cas où, et puis il faut te briefer sur tout ce qui s'est passé pendant ton absence et…

Aelita l'interrompit d'un geste du doigt, son regard vert perçant les ténèbres de l'usine avec colère.

- On va éviter de détourner encore plus d'argent si tu veux bien en ce qui concerne ton I-pod, fit-elle d'un ton froid avant de se retourner vers les adolescents encore massés devant les portes du monte-charge, quant à cette histoire de brief, je suis sûr que Yumi pourrait tout lui expliquer entre deux cours… Si ça ne t'embête pas bien sûr !

- Je vais le faire, coupa Stéphanie d'un ton brusque en sentant le regard de son amie japonaise s'assombrir à vue d'œil à la perspective de se retrouver seule à seule avec son ex, après tout, je suis un peu plus concernée par les dernières tournures des événements que Yumi. Ça te va, William ?

Le jeune homme aux mèches sombres, perdu depuis le terme « Green Phoenix », se contenta d'acquiescer d'un geste peu assuré. Entre sa froide ex-petite-amie et la trépidante Stéphanie, il ne savait guère avec qui il préférait se retrouver seul à seul pour parler de ce qu'il haïssait le plus au monde.

- Bon, si c'est réglé j'aimerais fixer quelques points avec vous tous avant que vous ne retourniez au lycée, fit Anthéa après avoir accordé aux adolescents un moment de silence tendu. On sentait à sa voix que la perspective d'impliquer un autre jeune garçon dans l'aventure ne l'enchantait que peu, mais elle s'était résignée depuis longtemps à ne plus interférer dans leurs sentiments, qui la dépassait de toute évidence.

Les invitant à s’asseoir sur l'ancien dispositif de Retour dans le Temps, la mère d'Aelita fit pivoter son siège sur son rail de sorte à leur faire face, croisant ses doigts sous son menton dans une attitude de profonde réflexion. Elle attendit que tous eurent fini de prendre place, Mathieu le dernier, avant de poursuivre, d'un ton sombre :

- Maintenant que Lyokô est entièrement reconstitué et prêt à résister à une intrusion définitive d'Endo, et qu'il a été physiquement démontré que le nouveau processus de virtualisation évolutive fonctionne à merveille, je pense qu'il est grand temps de nous focaliser sur la libération d'Angel une bonne fois pour toute.

- Je t'expliquerai, souffla à voix basse Stéphanie à l'adresse de William, qui se sentait toujours aussi étranger à la discussion.

- J'y ai pas mal réfléchi ces derniers temps, poursuivit Anthéa du même ton de voix, repoussant une mèche de cheveux rose pâle derrière ses oreilles, et une idée m'est venue pour tenter de le libérer de la Green Phoenix. Une idée dangereuse, certes, avec de faibles chances de succès, mais étant donné le peu de temps qu'il nous reste, je pense que nous n'avons plus le luxe d'hésiter.

Un silence tendu lui répondit. Mathieu, installé sur le socle rouillé de l'ancien Holomap, s'était raidit sur place, ses mains crispés sur son assise. L'image d'un Odd fuyant était désormais à des années lumières de son esprit, remplacée par celle d'un jeune homme au regard de soleil liquide.

- Tu penses à la Translation ? devina Aelita, le cœur battant, songeant à la prophétie de son ami aux cheveux auburn. Jérémie lui adressa un bref regard en coin, sans un mot.

Gravement, Anthéa approuva d'un signe de tête.

- D'une certaine façon oui, répondit-elle, je pense qu'en vous envoyant sur Terre depuis Endo avec le Hopper, il vous serait possible de vous infiltrer dans le Supercalculateur de la Green Phoenix pendant un instant, le temps de connecter Angel à notre propre signal avec un programme déterminé à l'avance. Ainsi, il n'y aurait plus qu'à le dévirtualiser et, au lieu d'être renvoyé chez l'ennemi, il atterrirait directement dans un de nos scanners et serait libéré de leur contrôle !

- Un jeu d'enfant, lâcha Yumi d'un air sombre, ironique, et comment escomptez-vous qu'on vienne à bout d'Angel, à supposer qu'Aelita ou Jérémie parvienne à entrer le programme depuis l'ordinateur de la Green Phoenix sans se faire prendre, bien entendu ? Je vous rappelle qu'il demeure invaincu pour le moment ! Son avatar est beaucoup trop fort pour nous, même William sous le contrôle de XANA ne lui arriverait pas à la cheville !

Le jeune homme en question serra les dents, profondément blessé par la réplique de la japonaise, mais parvint cependant à se contenir. Il savait bien, qu'au fond, il ne s'agissait là que d'une simple remarque, elle n'avait pas songé à mal. Simplement, il lui arrivait parfois d'oublier à quel point ses mots pouvaient être brutaux pour son entourage. Stéphanie, percevant son trouble, lui adressa un bref sourire qui diffusa comme une onde de chaleur au creux de son estomac. Très vite, il se sentit de nouveau apaisé.

Anthéa, habituée aux remarques dubitatives de la japonaise, ne se laissa pas démonter.

- J'ai conscience du faible taux de réussite de ce plan, répondit-elle lentement en choisissant soigneusement ses mots, pourtant, à l'heure actuelle, c'est le seul que nous ayons. Si vous l'acceptez, il va falloir commencer à s'y préparer dés aujourd'hui, chaque seconde compte ! Je propose de commencer par une familiarisation avec vos nouveaux avatars. Avec le programme de virtualisation évolutive, j'ai bon espoir que l'un d'entre vous parvienne à obtenir la puissance nécessaire pour venir à bout d'Angel. En ce qui concerne le programme, sa réussite repose entièrement sur nos capacités à Jérémie, Aelita et moi-même.

- Il va falloir également réfléchir à une manière d'échapper à la Green Phoenix une fois Translatés, réfléchit à haute voix Jérémie en se grattant le menton, songeur, avant de relevé ses yeux bleu marine vers l'informaticienne, c'est sans nul doute un plan risqué, comme l'a fait remarqué Yumi, mais je pense qu'il a des chances de succès. Je suis partant !

- Moi aussi, approuva vivement Mathieu, s'attirant un hochement de tête approbateur de la part de Stéphanie, il est temps d'agir.

Au fond de lui, grondait désormais comme un mugissement sourd. Le monde se mettait enfin en marche. Pour la première fois depuis des mois, il savait où il se rendait et la possibilité de libérer enfin Angel après tout ce temps miroitait devant ses yeux, le gonflant d'un espoir nouveau. Il se sentait renaître.

Stéphanie, surexcitée, semblait déborder littéralement d'enthousiasme et on pouvait presque sentir les rouages de son cerveau s'égrener à la recherche d'un plan d'infiltration, la transformant en une véritable espionne. William, un peu décontenancé à côté d'elle, l'observait d'un regard inquiet.

Même Yumi finit par capitulée, une nouvelle fois vaincue. Elle n'avait rien de mieux à proposer.

- Dans ce cas, mieux vaut en parler aux autres dés maintenant, fit-elle en se relevant, s'étirant de toute sa longue silhouette filiforme, le mieux serait de lancer un entraînement sur Lyokô le plus vite possible en vue de cette mission, histoire d'éviter un nouveau désastre comme la dernière fois.

Eva, le regard vague, la fixait d'un air indifférent. Peu lui importait le plan à l'instant présent. Seul Odd, et sa fuite inexpliquée un moment plus tôt, lui occupait l'esprit.

Quant à Aelita, elle était la seule à demeurer silencieuse, plongée dans ses pensées. Il y avait quelque chose qui n'allait pas dans le plan de sa mère, elle le sentait. Quelque chose d'essentiel. Peut-être attachait-elle trop d'importance à la prophétie de Mathieu, mais son instinct lui hurlait de réfléchir à une autre idée. Elle était convaincue, au fond d'elle-même, que tant qu'elle ne serait pas confrontée à Angel directement, quitte à risquer sa vie, rien ne serait réglé.

- Aelita, tout va bien ?

La voix de Jérémie la tira de ses pensées. Surprise, elle constata en relevant la tête que le reste de ses camarades s'étaient déjà relevés, se dirigeant comme un seul homme vers la porte du monte-charge. Il était temps de quitter les lieux. Même sa mère avait reposé son oreillette contre le clavier, mettant en veille les écrans avant de se hisser hors de son siège inconfortable, faisant craquer ses articulations endoloris au passage.

Avec un soupir, la jeune fille aux cheveux roses se releva à son tour, époussetant son short en jean au passage.

- J'étais simplement dans mes pensées, ne t'en fais pas, affirma-t-elle d'un ton neutre, préférant dissimuler ses doutes à son ex-petit-ami, d'autant plus en présence de sa mère. Après tout, elle et Jérémie étaient toujours en froid.

Sans rien ajouter, l'adolescente se dirigea d'un pas svelte et assuré vers le monte-charge sous le regard décontenance du jeune homme, rejoignant du même geste ses camarades, déjà entassés à l'intérieur de l'habitacle de bois faiblement éclairé. Il était plus que temps de retourner au lycée avant que leur absence ne se fasse remarquer.


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Le jour commençait à descendre sur Kadic, le nimbant de lueurs orangées emplies de rêves diurnes. Au loin, les réverbères n'avaient pas encore été allumés mais cela n'empêchait guère les voitures de rouler plein phares, perçant le crépuscule naissant de vives tâches de lumières.

William s'était négligemment adossé contre les grilles de fer surplombant l'établissement, profitant de la cohue des élèves, pressés de quitter le lycée après une rude journée de cours, pour se faufiler à l'extérieur, non loin du parking réservé aux motos et autres scooters.

Une cigarette à demi-entamée était encore allumée entre ses doigts rudes, laissant les volutes de fumée s'échappant de son extrémité calcinée répandre leur odeur à la fois nauséabonde et curieusement entêtante dans l'air. Son regard sombre perdu dans le vide, il paraissait plongé dans ses pensées tortueuses, comme à son habitude depuis bien des mois désormais, laissant le goût âcre de la nicotine se diffuser à travers son palais jusqu'à son cerveau, le vidant peu à peu de ses préoccupations complexes.

Une pichenette sortie de nulle part fit brusquement valser la cigarette de ses doigts, l'envoyant droit dans le caniveau tout en le tirant de ses songes avec un clignement d'yeux de surprise.

Agacé, il tourna la tête vers les doigts aux ongles bariolés responsables de ce gâchis. Stéphanie, du haut de sa petite taille, le fixait avec un immense sourire innocent.

- Ça va te bousiller la santé ce truc ! affirma-t-elle d'un ton joyeux des plus déplacés avant de se hisser à ses côtés contre le muret au sein duquel étaient fichés les grilles métalliques, qu'est-ce que tu fais ici tout seul ? J'essaye de te parler depuis qu'on a quitté l'usine mais tu me fuis depuis le déjeuner on dirait ! Quelque chose te tracasse ?

- J'avais seulement besoin d'être un peu seul, soupira le jeune homme d'un air bougon, renonçant à fustiger la jeune fille pour la perte injustifiée de sa précieuse cigarette –il se serait énervé après n'importe qui d'autre, seule Stéphanie était capable de le déstabiliser à ce point par son attitude insouciante- après tout ce qui s'est passé aujourd'hui… C'est un peu lourd à digérer tu comprends ?

Sans se défaire de son petit sourire taquin, l'adolescente hocha la tête en signe d'assentiment avant de se joindre à William dans la contemplation de la foule de collégiens et de lycéens, déferlant en une masse bruyante et compacte hors du haut portail de fer pour finalement se dissoudre peu à peu dans les rues adjacentes à l'établissement.

- Tu comptes me dire ce que ça t'a fait ? finit-elle par reprendre, sans tourner la tête vers son interlocuteur, lui arrachant un haussement de sourcils, l'engageant à s'expliquer plus avant, de retourner sur Lyokô je veux dire ?

William soupira. Au fond de lui, il s'était attendu à ce que quelqu'un lui pose la question tôt ou tard. La vérité était qu'il était incapable de fournir une réponse satisfaisante. Son cœur, tout comme son esprit, étaient trop embrouillés pour parvenir à faire le point sur la situation dans laquelle il venait sciemment de s'enfoncer, malgré les risques. Peut-être ne pas réfléchir du tout et arrêter de ressentir des choses aurait-il était plus simple en cet instant précis ?

- C'était bizarre, affirma-t-il en tout honnêteté, et… Et effrayant ! Mais quelque part, je crois que je suis satisfait d'avoir franchit le cap. Le X avait raison au final, ce n'est qu'en affrontant ses problèmes qu'on peut aller de l'avant. J'aurais du m'en rendre compte il y a longtemps déjà.

Stéphanie eut un petit sourire, entortillant une longue mèche de sa couette sans y prendre garde, le regard dans le vague.

- Tu as été très courageux en tout cas, lâcha-t-elle finalement au bout d'un moment d'intense trituration méditative, rosissant légèrement, je le pense sincèrement ! Et puis aussi… Je tenais à ce que tu saches que ça m'a fait vraiment plaisir d'être ta partenaire en combat. Je suis sûre que tous les deux on pourrait former une sacrée équipe avec un peu de temps !

Surpris de prime abord, William finit par se détourner de sa camarade de classes, les mains fourrées dans les poches de sa veste de cuir, un léger rictus étirant son visage émacié.

- Décidément, tu es une fille bizarre toi… soupira-t-il, incapable de trouver quoi que ce soit de plus à répondre.

Avec un brin d'étonnement, il constata soudain qu'il n'avait plus aucune envie de nicotine, assis là sur ce léger rebord de muret, à l'entrée de son lycée, une adolescente déjantée aux ongles bariolés assise à sa gauche.

Ils restèrent un instant silencieux, profitant de la quiétude offerte par le crépuscule. La plupart des élèves étaient hors de vue désormais, et les quelques lycéens restant attendaient à plusieurs mètres d'eux, profitant d'une dernière cigarette pour se réchauffer ou finissant d'épuiser les derniers ragots du jour. Il régnait sur Kadic une atmosphère quelque peu endormie qui appelait à la tranquillité et à la détente, le genre d'ambiance que seul pouvait prodiguer une fin de journée de cours bien remplie.

Avec un léger soupir, Stéphanie finit par se laisser glisser au sol, s'étirant paresseusement à la manière d'un chat. Involontairement, William ne put s'empêcher de comparer sa gestuelle à celle de Yumi, emprunte d'élégance. Si la jeune fille qui lui faisait face faisait preuve d'une certaine maladresse dans ses mouvements, il ne s'en dégageait pas moins une dynamique étonnante, un je-ne-sais-quoi des plus envoûtants.

- Allez, demi-tour vers ta chambre ! lui intima l'adolescente en se retournant vivement vers lui, indifférente à son regard appréciateur, tendant sa main dans sa direction d'un geste engageant, il est temps que je te raconte un peu tout ce que tu as raté !

Esquissant un sourire, William obtempéra de bonne grâce et, saisissant les doigts tendus de sa camarade de classe, se laissa de nouveau entraîner vers le parc de Kadic, prêt pour une soirée entière d'explications complexes à lui retourner le cerveau.


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Mathieu, allongé sur son lit, feuilletait d'un œil distrait un manga prêté par Stéphanie quelques jours plus tôt. Les lignes de dialogue et les dessins défilaient devant ses yeux mi-clos sans parvenir à y trouver leur signification, se confondant en un ensemble de courbes noires et blanches floues. Involontairement, son pied ne cessait de tapoter dans le vide, heurtant à intervalle régulier l'armoire lui faisant face dans un petit bruit sourd.

Jérémie, occupé à pianoter sur son ordinateur comme à son habitude, ses écouteurs vissés au fond de ses oreilles, s'il ne paraissait rien entendre de ce tapage involontaire, se laissait cependant trahir par le léger raidissement de son dos.

Levant le nez de sa lecture, Mathieu, plongé dans ses pensées, eut le temps de se demander vaguement quel genre de musique pouvait bien écouter son compagnon de chambre avant que celui-ci ne finisse par craquer, se retournant d'un bond dans sa direction, excédé.

- Écoute Mathieu si tu tiens tant que ça à aller le voir, vas-y ! explosa Jérémie d'un ton exaspéré, baissant son casque momentanément, s'il n'y a que ça pour que je puisse avoir la paix… Je te signale que je bosse sur un programme plutôt complexe là !

- Désolé, s'excusa platement Mathieu en cessant aussitôt de taper contre l'armoire, se redressant légèrement, mais je ne pense pas que ce soit une bonne idée… Odd m'évite complètement ces jours-ci !

Son compagnon de chambre soupira, résigné. Il avait visé juste. Depuis qu'il commençait à s'ouvrir à Mathieu, le comprendre se révélait presque aussi simple que de lire dans un livre ouvert.

- Bon, fit-il en essuyant le verre de ses lunettes de marque d'un geste dédaigneux, je ne sais pas quel est le souci entre vous exactement mais ce que je sais c'est que, tant que vous n'en parlerez pas, rien ne se résoudra. Sans compter que ça risque de mettre en péril notre mission de sauvetage d'Angel s'il y a des tensions, et je suppose que tu préférerais éviter ça, non ?

Mathieu garda le silence, troublé par les paroles du jeune homme aux cheveux blonds. Dans son esprit, des pensées contradictoires se bousculaient. Devait-il enfin céder à ses pulsions et courir interroger le jeune homme au sujet de la signification de leur baiser, ou bien devait-il jouer la carte de la prudence et attendre que la situation se tasse, comme si de rien n'était ?

Et puis, finalement, n'y tenant plus, le jeune homme se redressa brusquement, le regard fixe, un peu fou. Jérémie ne put retenir un soupir de soulagement : il s'était enfin décidé.

- Je sors un instant, à tout à l'heure ! annonça-t-il comme si de rien n'était, se dirigeant vers la porte du dortoir d'un pas déterminé, bien que ses mains, enfoncés dans les poches de son sweat, étaient moites de sueur.

- Fais attention aux pions, lui balança Jérémie avec flegme, renfonçant ses écouteurs dans ses oreilles en guise d'ultime conseil avant que son compagnon de chambre ne disparaisse dans le couloir, le laissant enfin en paix avec ses calculs complexes.

Une fois dehors, Mathieu prit quelques secondes pour inspirer profondément, réunissant tout son courage. Il allait lui en falloir pour affronter l'épreuve qui l'attendait…

« Et maintenant ? songea-t-il en observant les portes des chambres, toutes identiques, s'étendant à perte de vue autours de lui, où peut bien se trouver Odd à cette heure ? Est-ce que je ne ferais pas mieux de l'appeler ? ».

Un bref instant de réflexion lui suffit à écarter cette idée. Le jeune homme l'évitait lorsqu'il le croisait dans un couloir et n'avait répondu à aucun de ses SMS jusqu'à présent, pourquoi prendrait-il la peine de répondre à un appel de sa part ?

Se ravisant, Mathieu choisit, en désespoir de cause, de se diriger vers la chambre de l'adolescent au béret violet, le cœur battant la chamade. Une fois devant la porte numérotée « 026 », l'adolescent se stoppa à nouveau, hésitant un instant. Avait-il bien raison de faire cette démarche ?

Jugulant à grand peine sa nervosité, il finit par se décider à toquer à la porte, deux petits coups brefs qui résonnèrent longtemps à travers le couloir vide. Au loin, la poussière tourbillonnait en des milliers de particules d'or devant la fenêtre, nimbant l'espace de la lueur crépusculaire embrasant l'extérieur. Il faisait si chaud tout à coup…

Enfin, une voix profonde l'autorisa à entrer et, les mains tremblantes, Mathieu poussa la porte, pénétrant dans le dortoir d'Odd.

A sa grande déception, seul Ulrich était présent, négligemment appuyé contre une pile de coussins qu'il avait visiblement empruntés à son camarade de chambre absent, un magazine entre les mains. La lumière filtrant à travers les persiennes nimbait son épaisse chevelure chocolat de reflets d'or.

- Il est sorti, fit-il simplement sans même prendre la peine de lever la tête vers Mathieu, tournant une page de sa lecture négligemment.

- Ah… souffla le jeune homme, pas vraiment surpris qu'Ulrich ait ainsi deviné ses intentions, tu saurais où est-ce qu'il pourrait être par hasard ?

L'adolescent baissa temporairement son magazine, fixant le plafond d'un air concentré.

- Je crois qu'il comptait s'exercer avec le reste de Miss. Pück, finit-il par expliquer, ses sourcils broussailleux froncés, il a dit qu'il voulait profiter de notre dernière soirée de libre avant le début de nos entraînements sur Lyokô pour aider au maximum ! Tu le trouveras sûrement dans la salle de répétition avec les autres…

Mathieu se renfrogna presque aussitôt. Cela ne l'arrangeait guère : si Odd était en train de répéter avec Miss. Pück, alors Eva devait se trouver avec lui. Difficile de mentionner un sujet aussi épineux que leur baiser en présence de son américaine de petite-amie !

Remerciant Ulrich néanmoins, il s'éclipsa discrètement, regagnant le couloir. Que convenait-il de faire maintenant ? Devait-il descendre jusqu'à la salle allouée au groupe ou valait-il mieux laisser tomber pour cette fois ? Mathieu ne se sentait pas la force d'affronter Eva ce soir…

Alors que, la mort dans l'âme, il s'apprêtait à renoncer, faisant demi-tour vers sa chambre, un bruit de pas au bout du couloir lui fit relever la tête. L'instant d'après, les portes coupe-feu face à lui pivotèrent, laissant passer un Odd seul, son sac sur l'épaule, l'air plongé dans ses pensées.

Celui-ci se figea en apercevant Mathieu, son regard gris traversé de façon fugitive par une brusque sensation de surprise, mêlée d'appréhension. Pendant un bref instant, le jeune homme aux cheveux auburn crut que son vis-à-vis allait prendre la fuite de nouveau. Puis, finalement, après plusieurs secondes d'incertitude angoissante, Odd finit par capituler, poussant un profond soupir résigné.

- Viens par là, il faut qu'on discute, marmonna-t-il en entraînant Mathieu dans un couloir adjacent.

Au contact de ses doigts, le jeune homme sentit une fois de plus son cœur rater un battement, et le goût des lèvres de son interlocuteur lui revint brusquement en mémoire, tel un électrochoc.

- Dégagez ! balança Odd d'un ton sec en pénétrant dans la salle de bain de l'étage des garçons, chassant les deux collégiens qui s'y trouvaient en les fusillant du regard.

Après s'être assuré qu'ils étaient seuls, le jeune homme referma la porte, inspirant profondément au passage. Mathieu avait reculé jusqu'à s'adosser contre les lavabos, la tête pleines de pensées sans queue ni tête. Lui qui avait été si avide de se retrouver face à Odd ne trouvait désormais plus rien à dire, se murant dans un silence gêné.

- Bon… finit par lâcher son vis-à-vis d'un ton bégayant après un moment d'hésitation, je… Je suppose que tu voulais qu'on discute de ce qui s'est passé sur le pont la dernière fois… Pas vrai ?

Il n'avait donc pas rêvé, ce baiser avait bel et bien eut lieu… Malgré lui, Mathieu ne put s'empêcher de constater un léger rosissement au niveau des joues du jeune homme. Son cœur s'emballa un peu plus dans sa poitrine, manquant de le faire suffoquer. Il tint bon cependant, osant enfin ouvrir la bouche à son tour, lâchant ce qu'il avait sur la conscience depuis un moment désormais.

- Oui… admit-il simplement d'une voix anormalement faible, submergé par la pression, je… Qu'est-ce que ça voulait dire ? Ce baiser… T-tu m'as bel et bien embrassé, hein ? Pourquoi ? Est-ce que tu… As des sentiments pour moi ?

Il avait formulé cette dernière phrase d'une voix blanche, sans y croire. Même longtemps après avoir quitté sa bouche, elle résonna contre les carreaux avec un son étrange, discordant. Comme si ce qu'il suggérait relever du surnaturel.

Le visage littéralement embrasé, Odd attendit quelques secondes avant de finalement céder. Ulrich avait raison, il devait être honnête avec lui-même, comme il l'avait toujours été. Il était temps de faire tomber les masques, autant pour Mathieu que pour lui-même.

D'un geste raide, il hocha lentement la tête en signe d'assentiment. Son interlocuteur, incrédule, sembla ne pas comprendre le mouvement, incapable d'aligner deux pensées cohérentes. Odd se mordit la lèvre. Dieu, qu'il était craquant avec sa bouche entrouverte dans une expression de profonde stupéfaction, cela lui faisait si mal au cœur… Comment sa poitrine pouvait-elle se compresser à ce point à sa vue sans le faire exploser de l'intérieur ?

- Oui… Je suis… Je suis amoureux de toi, Mathieu. Je pense que j'en suis sûr maintenant.

Cette phrase avait coulé de sa bouche sans qu'il parvienne à la maîtrisée, trop longtemps retenue au fond de son être. Pour la première fois depuis des semaines, il se sentit soulagé d'un poids, comme si son corps tout entier s'était soudain fait plus léger de plusieurs kilos. Cependant, à la place de ce secret qu'il avait gardé enfoui pendant si longtemps, s'installèrent bien vite de tous nouveaux sentiments, envahissant totalement son esprit embrumé. La peur du rejet, l'angoisse, la honte… Tout se mêlait dans son cerveau dans une cacophonie assourdissante, lui faisant tourner la tête. Il se sentait mal, comme sur le point de vomir après une rematérialisation, mais à un stade bien plus cruel. Ce n'était pas son corps qui criait de toutes ses forces cette fois-ci, mais son âme, son cœur mis à mal. Il n'en pouvait plus de cette tension, c'était trop pour lui.

Néanmoins, il tint bon, faisant face à Mathieu, se forçant à plonger ses perles grises lui servant d'yeux au fond du ciel infini constituant ceux de l'élu de son cœur. Celui-ci paraissait trop choqué pour parvenir à répondre quoi que ce soit de cohérent, se contentant de bredouiller quelques veines paroles incompréhensibles.

Cédant à ses pulsions, Odd franchit brusquement les quelques pas le séparant du jeune homme et, sans mot dire, la respiration saccadée, il prit dans ses bras l'adolescent sous le choc, l'étreignant avec force contre son torse musculeux.

Surpris, Mathieu se laissa submerger par l'odeur d'Odd, un subtil mélange de lilas et de miel doux, emprisonnant ses sens. Son corps tout entier semblait sous le contrôle de cette flagrance il n'avait même plus la force de se dégager, profitant simplement de l'étreinte inattendue. Comment aurait-il pu lutter de toute manière, alors que ses entrailles s'étaient mises à danser au creux de son ventre ? Il ne savait plus ni où il était, ni quand. Désormais, plus rien d'autre n'existait dans son univers que ses bras puissants enlacés autours de ses frêles épaules, et ces mèches décolorées dans lesquelles étaient plongées son nez.

- A partir de maintenant, et quoi qu'il advienne, je veux te protéger, annonça Odd d'une voix étonnement douce, gagnant en assurance à chaque syllabe prononcée. Ce qu'il énonçait en cet instant précis, il l'avait sur le cœur depuis bien longtemps déjà, je ne veux plus te voir souffrir, peu importe la raison ! Je veux être là pour toi quoi qu'il arrive, que tu te reposes entièrement sur moi si besoin est. Je veux mourir pour toi. Je suis prêt à faire tout ça, si tu m'accordes ne serait-ce qu'un centième de ton amour. Alors, je serais l'homme le plus heureux que cette Terre puisse porter.

- Mais… Tu es hétéro… ! parvint à balbutier Mathieu d'un ton peu convaincu, revenant à la réalité, et… Il y a Eva ! Qu'est-ce que tu en fais ?

Parvenant enfin à ses dégager, l'adolescent fit mine de se reculer de quelques pas. Il ne savait plus quoi penser. Cette déclaration le chamboulait à un point qu'il aurait cru inimaginable encore quelques secondes plus tôt. Alors qu'il se sentait prêt à perdre connaissance sous le coup de l'émotion, un regard s'imposa à son esprit. Un regard de soleil liquide, vide de toute expression, qui l'avait hanté pendant si longtemps. Lentement, son cœur retrouva un rythme décent dans sa poitrine. Le visage triste, il leva ses yeux éperdu vers Odd, déchiré.

- Odd, tu es conscient que je suis amoureux d'Angel n'est-ce pas ? fit-il d'un ton hésitant, je… Je suis désolé, mais même si j'arrive un jour à me mettre en tête que tu as effectivement des sentiments pour moi, je ne peux pas te garantir de l'oublier… J-J'ai fait tout ce que j'ai fait jusqu'à présent pour lui, alors comment… ?

Un doigt se posa brusquement sur ses lèvres, l'interrompant net. Odd s'était rapproché de lui, plongeant ses orbes gris dans ses yeux. Il en eut le souffle coupé jamais son regard ne lui avait semblé si embrasé, si vaste. Il aurait pu s'y perdre pendant des heures. Lentement, l'adolescent glissa deux doigts sous son menton, lui faisant relever la tête avec douceur. Mathieu sentit son cœur tressauter délicieusement dans sa poitrine malgré lui. Plus il se noyait dans l'océan de perle des yeux d'Odd et plus l'or de ceux d'Angel se faisait flou à son esprit. Pourquoi ne parvenait-il donc plus à se souvenir avec autant de précision de leur éclat ? De leurs nuances si envoûtantes ? C'était comme si une brume d'argent s'était subrepticement glissée devant le soleil, l'aveuglant totalement. Son cerveau semblait avoir cessé de fonctionner normalement. Amorçant un pas de recul, il se surprit à butter contre le mur de la salle de bain. Odd avait réussi à l'acculé, il n'y avait plus aucune échappatoire. Il était désormais prisonnier de son regard, de son souffle chaude, à quelques centimètres de son cou.

- Tu ne peux pas savoir à quel point je me contrefous de cet Angel, là, maintenant… souffla le jeune homme au béret violet.

Et, sans rien ajouter, il se pencha en avant, embrassant Mathieu tendrement, scellant leurs lèvres comme pour sceller un secret, perdu au fond de cette humide salle de bain à l'éclairage artificiel grésillant.


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Occupée à ranger les instruments de musique dans le débarras attribué à leur salle de répétition, Eva fut brusquement parcourut d'un frisson.

Fiévreuse, elle posa à terre la guitare électrique qu'elle transportait et se laissa tomber sur un carton, la tête entre les mains. Aelita ayant quitté la pièce quelques minutes plus tôt et Odd ayant annoncé qu'il avait besoin d'une douche, elle se retrouvait seule aux prises avec elle-même. Pourquoi s'était-elle tout à coup sentie si angoissée ? Comme si on venait de lui enfoncer une pointe de métal dans le cœur par derrière… Peut-être était-elle trop tendue depuis quelques temps ? Entre Lyokô et les TPE qui venaient de s'achever, elle devait bien admettre qu'elle était épuisée.

Se relevant lourdement, elle observa son reflet à travers la vitre de la petite pièce poussiéreuse. L'obscurité tombant peu à peu sur le parc à l'extérieur lui permis de distinguer ses larges cernes violacés soulignant ses yeux. Elle avait perdu du poids aussi et son visage, autrefois d'une finesse digne des plus grands mannequins américains, évoquait celui d'un squelette. Un squelette malade qui plus était.

Soupirant, Eva entreprit de se redonner contenance en remettant un semblant d'ordre dans ses mèches blondes. Au moins elles restaient-elles toujours aussi souples et soyeuses. Peut-être demanderait-elle à Odd de passer un moment dans sa chambre ce soir ? Elle avait besoin d'être enlacée, d'oublier la pression que ce monde exerçait sur elle pour un instant.

Laissant ses pensées dériver, elle reconnut à la lueur des lampadaires parsemant le parc la silhouette de Stéphanie s'éloignant vers le haut portail de fer délimitant la sortie de Kadic. Elle devait tout juste sortir de la chambre de William, après l'avoir briefé sur leurs dernières aventures. Elle paraissait curieusement joyeuse, à flâner ainsi au milieu du sentier de terre bordé d'arbre, inconsciente du lourd regard pâle posé sur elle.

« Je me demande s'il va bien après ce retour sur Lyokô ? songea l'américaine, l'image du ténébreux jeune homme flottant un instant dans son esprit, peut-être ses cauchemars cesseront-ils enfin ? Les miens ne se stopperont pas avant la fin de toute cette histoire en tout cas… ».

Tirant les rideaux de la salle, elle se força à s'arracher à ses sombres pensées. Qu'elle puisse dormir ou pas, le monde continuerait de tourner, alors pourquoi s'en soucier ? Un vent froid traversa la pièce.

Pour une raison qui lui échappait, elle se sentait anormalement seule ce soir.

Se dirigeant d'un pas vif vers la porte de sortie, elle plongea la main dans sa poche, en tirant la clef de la salle du club, qu'elle enfonça prestement dans la serrure avant de la faire tourner deux fois, verrouillant la pièce avec un cliquetis métallique satisfaisant, ignorant que, à quelques mètres au dessus de sa tête, son petit-ami était occupé à embrasser passionnément l'être qu'elle détestait le plus au monde.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:26   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 45 :

Épisode 144 : Pour Angel_



William étouffa un bâillement, allongé paresseusement sur son lit. Ses livres de cours, ouverts depuis une bonne demi-heure déjà, reposaient, inertes, sur les draps. Leur aspect quasiment neuf témoignait du peu d'attention que le jeune homme leur avait portée jusqu'à présent. Malgré lui, ses paupières se fermaient d'elles-mêmes, engourdies par les rayons de lumière chaude filtrant à travers ses volets entrebâillés. C'était une belle journée de mi-mai qui commençait sur Kadic. Le printemps s'éloignait au profit de l'été et les vêtements s'allégeaient peu à peu. Toute excuse était bonne pour les lycéens pour profiter de ce temps plus clément et, dans l'ensemble, l'humeur des pensionnaires semblait s'améliorer de jour en jour.

William ne faisait pas exception. Si ses cauchemars le hantaient toujours, ils ne le réveillaient plus en sursaut, couvert de sueur chaque nuit. Au contraire, au réveil, une sourde emplissait chaque parcelle de son être, un peu plus forte de jour en jour. Au final, il avait fini par en conclure que choisir d'affronter ses peurs profondes et retourner sur Lyokô avait été la meilleure décision qu'il ait pu prendre au cours des mois écoulés.

Alors que, parfaitement relaxé, il sentait sa conscience peu à peu glisser vers un sommeil bienfaiteur, la porte de sa chambre s'ouvrit avec fracas, le faisant sursauter.

Il eut à peine le temps de se redresser, clignant des yeux d'un air hébété, qu'une longue masse de cheveux bruns entraient dans son champ de vision, précédés par un regard d'un violet rieur. L'instant d'après, Stéphanie s'était négligemment assis sur son matelas, rayonnante d'innocence.

- J'ai bien réfléchi ! annonça-t-elle sans se formaliser de son intrusion intempestive dans le temple de relaxation de son camarade de classe, et je pense qu'il faut qu'on retravaille le plan une dernière fois avant la mission de ce soir ! J'ai passé la nuit à écrire ces notes, regarde.

Tout en parlant, elle avait extirpé de son sac un large calepin, noirci de notes et de schémas maladroits, dont elle fit défiler les pages rapidement, avant de les plaquer devant les yeux du jeune homme, toujours aussi mal réveillé.

- Ulrich a un GROS point négatif : il ne peut pas attaquer à distance, l'envoyer contre Angel serait du suicide, et ça vaut aussi pour toi ! Par contre Mathieu ne peut pas attaquer au corps à corps et ça aussi c'est un problème, alors je pense qu'il faudrait trouver un moyen de le désarmer avant toute chose ou au moins de bloquer ses ondes de choc ! Ensuite, je pense que je devrais faire partie de l'équipe n°1 ! Avec mon pouvoir, je pourrais l'affaiblir progressivement si j'arrivais à le toucher et…

Un coussin s'abattit brusquement sur sa tête, la coupant net. Dans une moue boudeuse, elle le laissa lentement glisser au sol, vexé, tandis que son agresseur, William, la fixait d'un air mi-amusé, mi-agacé.

- Stéphanie, pourquoi tu n'admets pas tout simplement que tu veux participer à la mission toi aussi ? rit le jeune homme, moqueur, habitué à l'attitude de l'impulsive Lyokô-guerrière. Après tout, cela faisait près d'une semaine qu'elle le harcelait constamment avec ses nouvelles « brillantes idées » quotidiennes.

La jeune fille soupira, résignée, envoyant valser son carnet, inutile, parmi les livres de cours de William.

- C'est juste que je suis inquiète à l'idée de te savoir embarqué dans cette mission alors que tu n'y es pas impliqué directement… Je serais plus rassurée si je pouvais t'accompagner ! On fonctionne bien en duo tous les deux, on a pu le vérifier pendant les séances d’entraînement.

Il y avait du vrai dans ce qu'elle disait. A chaque nouvelle virtualisation imposée par Anthéa afin de les préparer à l'infiltration d'Endo, Stéphanie et William brillaient par leur efficacité, la prudence du jeune homme alliée à la pugnacité de l'adolescente faisant souvent des ravages. S'ajoutait à cela l'alliance explosive de leurs pouvoirs respectifs, Pixoflame et Monosmoke (spécialement renommé par Stéphanie, au grand dam du guerrier ténébreux).

- Et si tu cessais de t'en faire ? proposa l'adolescent pour la énième fois depuis le début de la semaine, j'ai choisis de participer à la mission de toute manière, et Anthéa a soigneusement réfléchi avant de nous sélectionner chacun pour nos facultés. Tout va bien se passer, ne t'en fais pas. Et puis de toute manière, je ne peux pas laisser cet Angel sous le contrôle de la Green Phoenix, impliqué ou pas dans l'histoire. Je sais ce que ça fait d'être sous le joug de quelqu'un, et je ne peux permettre à personne d'autre de souffrir à ce point…

Sa voix s'était durcie à cette annonce. Stéphanie, silencieuse, préféra garder pour elle ses répliques, renonçant à se battre. Ce n'était pas tant la détermination nouvelle de William qui lui causait problème. Au fond d'elle-même, elle devait bien admettre qu'elle avait confiance en le plan qu'Anthéa avait passé des jours et des nuits à mettre au point. Si elle estimait qu'il valait mieux la garder à l'usine en cas de besoin, c'était qu'il s'agissait là probablement de la meilleure solution. Qui était-elle pour en juger ? Cela dit, elle ne pouvait s'empêcher de se sentir frustrée d'être ainsi laissée sur la touche.

Sentant la rancœur de son amie, William préféra changer de sujet, se grattant l'arrière de la nuque d'un air gêné.

- En parlant de laissée pour compte… Tu n'es pas avec Yumi ? Elle aussi ne participe pas à la mission ce soir si j'ai bien compris ? Pas sur le premier plan en tout cas !

- Elle révise pour les derniers examens blancs dans le parc, j'ai préféré la laisser tranquille vu que ça ne me branchait pas plus que ça… expliqua Stéphanie, non sans s'étonner au passage de l'aisance apparente avec laquelle William abordait le sujet de son ancienne petite-amie. Lui qui avait été si tourmenté par la japonaise au cours des derniers mois paraissait curieusement calme à sa mention depuis quelques temps.

Fronçant les sourcils, elle jeta à la dérobée un coup d'œil au fond des prunelles du jeune homme, tentant d'y discerner la moindre trace de tension, en vain. Depuis son retour sur Lyokô William s'était pour ainsi dire métamorphosé : passant d'un adolescent nerveux et violent à un jeune homme étonnamment calme et détaché de toutes choses, peut-être grâce à la diminution de ses cauchemars ? Il lui était devenu très difficile de percer ses émotions à jour.

Machinalement, l'adolescente se mordilla la lèvre inférieure, agrippant quelques longs cheveux de son unique couette au passage, plongée dans ses pensées. Qui pouvait bien deviner quels tourments dissimulaient encore ces grands yeux sombres et calmes ? Et si toutes ces émotions sous-jacentes ressurgissaient au moment le moins propice, lors de la grande bataille finale pour libérer Angel ? C'était un risque qu'ils ne pouvaient se permettre d'encourir.

Ses grands yeux nuancés de violet dérivèrent vers le grand ciel bleu s'étendant à perte de vue à travers les volets de la chambre de William, la fenêtre légèrement entrebâillée laissant entrer un souffle d'air chaud annonçant l'arrivée de l'été. C'était une belle journée, d'un paisible étonnant, compte tenue de ce qui s'apprêtait à avoir lieu, une fois le soleil couché derrière les hauts bâtiments gris de la Ville de la Tour de Fer et le silence de la nuit tombé sur Kadic. Lentement, mais sûrement, un dénouement approchait pour eux tous.


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Le pied de Mathieu tapotait le sol à intervalle régulier malgré lui, faisant résonner un petit « poc » à peine audible contre les carreaux de la salle de Mathématiques, dans laquelle il était confinée depuis plus de trois quart d'heure, confiné entre les autres élèves de Première Scientifique de Kadic, tous silencieusement plongés sur la quantité phénoménale d'exercices que Madame Meyer, leur enseignante, avait cru bon de leur assigner.

Le regard dans le vague, le jeune homme se contentait de mâchonner nerveusement l'embout de son crayon, déjà bien entamé, ses doigts battant la mesure contre sa tempe à mesure que sa concentration faiblissait. Dans un ultime effort, il tenta de se concentrer sur le complexe calcul s'étalant devant ses yeux, écrit à la craie sur le vaste tableau noir, en vain. Les équations s'emmêlaient dans son cerveau et les formules perdaient leur sens d'elle-même à chaque fois qu'il tentait de se référer à son livre de cours, se mélangeant sournoisement les unes aux autres. Pour un peu, il aurait presque crut entendre leurs rires moqueurs ! Son esprit était arrivé à un point de saturation de non-retour et une seule chose pourrait l'en délivrer désormais : le son salvateur de la sonnerie annonçant la fin des cours pour la journée.

Étouffant un soupir à travers ses dents serrées, il s'apprêtait à se résoudre à regarder le soleil décliner à travers la haute fenêtre de la salle de classe brillamment éclairé pour le reste de l'heure lorsque, brusquement, un vrombissement en provenance de sa trousse fit battre la chamade à son cœur. Il n'eut pas besoin de vérifier le numéro : une seule personne pouvait se risquer à lui envoyer un SMS ainsi à une heure pareille.

Pris d'une brusque aspiration il se leva soudain de sa chaise, main tendue en direction de la professeure qui corrigeait négligemment quelques copies d'élèves de Troisième depuis son bureau, s'attirant le regard surpris de ses congénères, et notamment d'Aelita, sa voisine de table, désœuvrée depuis bien longtemps. Jérémie était absent de sa place habituelle, occupé à régler d'ultimes détails techniques en compagnie de sa mère.

- Excusez-moi, madame, se plaignit Mathieu dans une imitation de malade tout à fait convaincante, faisant relever la tête du professeur Meyer, vaguement étonnée d'être ainsi interrompue, je ne me sens pas très bien… Je peux aller faire un tour à l'infirmerie ?

Il n'eut guère besoin d'appuyer sa prestation plus avant : son regard encore un peu embrouillée par les mathématiques et la pâleur de son visage suffirent à convaincre l'enseignante qui céda au bout de quelques secondes après avoir jeté un coup d'œil à sa montre. Après tout, peu lui importait qu'un de ses élèves manque les dernières minutes de son cours.

- Fort bien, consentit-elle, mais faîtes-vite !

Mathieu ne se fit pas prier et, laissant ses affaires derrière lui, s'éclipsa d'un pas rapide de la salle de classe, suivi par le regard soupçonneux d'Aelita. En effet, ce n'était pas la première fois qu'il s'évadait ainsi d'un cours avant l'échéance, ce qui n'était guère dans ses habitudes, et la jeune fille aux cheveux roses commençait à se poser des questions. Haussant les épaules, elle finit cependant par mettre son comportement douteux sur le compte de l'imminence de leur mission de sauvetage d'Angel, et retourna à ses exercices, vérifiant ses calculs pour la troisième fois consécutive.

Elle espérait juste que tout se passerait bien le soir venue une fois à l'usine. Mathieu et elle étaient de mission ce soir et, malgré l'assurance que lui conférait son nouvel avatar, qu'elle avait largement eu l'occasion de tester au cours des derniers jours, elle ne pouvait s'empêcher de s'inquiéter quant à l'état d'esprit de son ami. Si sa nervosité venait à persister une fois en situation de combat, la situation pourrait très vite dégénérer !

A des années-lumière des préoccupations de sa camarade de classe aux cheveux roses, Mathieu courraient désormais à travers les couloirs déserts et baignés de lumière de Kadic, le rouge aux joues, légèrement essoufflé. Son cœur tambourinant dans sa poitrine lui faisait mal, mais il ne pouvait se résoudre à ralentir l'allure. Laissant ses pas le guider, il descendit quatre à quatre les escaliers menant à la cour de l'école, veillant bien à rester à l'ombre des arcades et des platanes feuillus afin de ne pas se faire repérer par un quelconque enseignant curieux depuis sa salle de classe, suivant le trajet qu'il avait pris l'habitude d'emprunter presque tous les jours depuis le début de la semaine.

Enfin, il parvint jusqu'au petit bâtiment de pierre abritant le vieux distributeur désuet de l'établissement, haletant, un incontrôlable sourire aux lèvres. Odd l'y attendait déjà, adossé contre le mur décrépit, une étincelle de malice au fond de ses orbes perlés, son béret vissé sur sa tête le protégeant du soleil.

L'échange de regard fut bref, le baiser interminable. A demi-dissimulés dans l'ombre du minuscule bâtiment, les deux adolescents se laissèrent aller un instant, profitant de l'intimité toute relative que leur offrait ce petit moment de bonheur rien qu'à eux.

La température avait bien augmenté à Kadic au fil de la semaine et, si Mathieu ne s'était toujours pas départi de son polo rayé, Odd avait laissé tombé sa veste violette, se contentant de conserver son T-shirt fantaisiste au col en V plongeant, attisant le désir de celui qui partageait sa vie désormais.

Enfin, après de longues minutes passionnées, les deux jeunes gens se séparèrent à regret, reprenant légèrement leur souffle, leur goût respectif flottant sur leurs lèvres humides.

- Tu m'avais manqué, tenta de justifier nerveusement Odd, laissant échapper un petit rire, comme il l'avait fait tout au long de la semaine, désolé de te faire quitter le cours aussi tôt, mais c'est le seul moyen de se voir sans avoir Eva sur le dos…

- Pas de soucis, on ne faisait rien de bien passionnant de toute façon, le rassura Mathieu avec le même petit rire, laissant ses doigts s'entrecroiser entre ceux de son compagnon avant de s'assombrir, inquiet, je persiste à croire qu'on ne peut pas laisser la situation s'étendre de la sorte… Eva va finir par se douter de quelque chose et… Franchement je me sens un peu coupable ! On ferait mieux de lui dire en face ce qu'il se passe entre nous, tu ne crois pas ?

Odd poussa un profond soupir, dépité. Au fond de lui, il savait que Mathieu avait raison et il devait bien admettre que, si le jeune homme se sentait coupable, lui était mortifié du traitement qu'il infligeait à l'américaine. Après tout, Eva était toujours sa petite-amie et, peut importait la façon dont il retournait la situation dans sa tête, ce qu'il faisait en cachette avec l'adolescent depuis quelques temps ne s'apparentait à rien d'autre qu'à de la tromperie pure et dure !

Peut-être avait-il eut tord, ce fameux jour dans la salle de bain de l'internat lorsqu'enfin il avait céder aux pulsions qui l'animaient depuis des semaines, avouant ses sentiments à Mathieu ? Peut-être cela avait-il était une erreur monumentale de continuer à le voir par la suite, à l'embrasser de la sorte, plongeant de plus en plus dans le plaisir coupable, se noyant dans l'ivresse que lui procurait cette sensation d'interdit qu'ils enfreignaient à chaque fois, soigneusement dissimulés à la vue des autres dans ce petit bâtiment de pierre qui était devenu, au fil des jours, le refuge de leur secret.

Et pourtant, il suffisait d'un regard d'azur de l'élu de son cœur pour chasser de son esprit tout sentiment de culpabilité, sitôt remplacé par le désir et l'excitation, oblitérant toute autre sensation. Une fois Mathieu dans ses bras, il n'avait plus rien d'autre en tête que la farouche envie de le protéger et de l'aimer, quoi qu'il puisse arriver.

- Je sais, je pense comme toi, finit-il par consentir néanmoins, coupable, ramassant son béret qui avait glissé au sol lors de leurs embrassades, mais… Ce n'est pas quelque chose de facile à aborder et avec la grosse mission de ce soir, je me dis qu'il vaudrait mieux attendre que toute cette histoire soit terminée, tu ne crois pas ?

Indécis, Mathieu hocha légèrement la tête, son sourire s'affaissant. Le baiser qu'il venait d'échanger avec Odd avait momentanément chassé de son esprit la périlleuse expédition qui les attendait tous deux d'ici quelques heures. Brusquement, l'image d'Angel, cintré dans son armure d'or, son regard vide de toute expression, s'imposa à son esprit et il se sentir vaciller, soudain fébrile.

Odd, percevant le trouble de son ami, raffermit sa prise sur sa main, lui en caressant doucement la paume du bout du pouce, chassant peu à peu son angoisse par ce simple geste.

- Ça va aller ? s'enquit-il d'un ton inquiet, les sourcils arqués, si tu ne te sens pas prêt pour ce soir on peut toujours demander à Anthéa…

- Non, l'interrompit Mathieu avec un pauvre sourire, reprenant ses esprits, je veux dire… Oui je suis terrifié. Terrifié à l'idée que quelque chose se passe mal, à l'idée que cette ultime tentative pour sauver Angel puisse mal se dérouler mais, d'un autre côté, ce sentiment ne diminuera pas avec le temps, je le sais. C'est parce que le danger est si grand qu'il faut agir maintenant et que je me dois de faire face à mes peurs ! Ne t'en fais pas Odd, je vais faire de mon mieux ce soir… Quoi qu'il arrive !

Le jeune homme aux cheveux blonds eut à son tour un pâle sourire avant de se pencher de nouveau vers les lèvres de son vis-à-vis, l'embrassant délicatement de nouveau, comme pour chasser ses sombres pensées à travers leur étreinte.

Au fond de lui, une angoisse sourde pesait également, il devait bien le reconnaître, bien qu'il ne se sentait en aucun cas prêt à en faire part à Mathieu. Le pauvre avait bien assez de préoccupations comme cela !

La vérité était qu'Odd était littéralement pétrifié à l'idée de la mission qui les attendait. Ce n'était pas le danger de se retrouver à nouveau sur Endo, à la merci de la Green Phoenix qui hantait son esprit depuis des jours, il y était préparé. Non, ce qui le perturbait tant était plutôt les conséquences que cette mission pourraient avoir sur son futur avec Mathieu…

Si le jeune homme semblait avoir accepté ses sentiments et se laissait volontiers aller entre ses bras, il ne pouvait se résoudre à croire qu'il lui avait été aussi facile d'oublier Angel, l'amour de sa vie jusqu'à présent, en si peu de temps. Une fois libéré de l'emprise de la Green Phoenix, que se passerait-il ? Mathieu continuerait-il à lui rester fidèle ou se lasserait-il bien vite, une fois certain que le beau jeune homme aux yeux d'or serait tiré d'affaire ? Peut-être n'aurait-il alors plus besoin de lui, de son soutient… Qu'arriverait-il alors ? Rien que d'y penser un frisson d'angoisse lui parcourrait l'échine, le transperçant de part en part telle une pointe de glace et de terreur.

Et s'ils ne parvenaient pas à libérer Angel ? Et si ce dernier se retrouvait prisonnier à jamais de la Green Phoenix avant d'être effacé définitivement de leur Supercalculateur, qu'adviendrait-il ? Il était mortifié à l'idée que Mathieu puisse l'en tenir responsable et se mette alors à le détester. Lui-même n'était pas sûr de pouvoir jamais se pardonner un tel échec si celui-ci devait se produire.

« Ressaisis toi ! s'ordonna-t-il mentalement, se séparant délicatement du jeune homme aux cheveux auburn, qui lui adressait désormais un regard interrogateur, surpris par son silence prolongé, tout ce qui t'importe, c'est que Mathieu soit heureux et rien de plus ! Le reste tu peux l'endurer alors fais juste ton job, comme tu l'as toujours fait… ».

- En tout cas, fit-il brusquement, reprenant son air enjoué habituel, j'ai hâte que tu vois enfin mon nouvel avatar ! Tu vas voir, il déboîte !

- Depuis le temps que tu refuses de me dire à quoi il ressemble pour ne pas « gâcher la surprise », rit Mathieu à son tour, amusé, je suis sûr que ça vaut le coup d'œil !

A cet instant, la cloche se mit à vrombir, diffusant sa sonnerie tonitruante à travers toute la cour, agissant comme un choc sur les deux adolescents qui lâchèrent leurs mains respectives avec précipitation, un sourire gêné sur les lèvres. La fin des cours venait d'être annoncé et il était hors de question de se faire surprendre par un de leurs camarades.

- Bon, je ferais mieux d'y aller ! annonça Odd en hissant son sac, laissé contre le distributeur jusqu'à présent, sur son épaule robuste, histoire qu'Eva ne se pose pas trop de questions… On se voit pour le dîner ! Courage d'ici là !

Et, sans rien ajouter, il s'élança vers les bâtiments, sa silhouette disparaissant peu à peu sous les rayons du soleil couchant, déclinant de plus en plus à l'horizon.

Mathieu lui adressa un bref salut, restant sur place tandis que la foule des élèves, enfin libérés de leur éprouvante semaine de cours, émergeaient peu à peu des arcades pour se diriger comme un seul homme vers le haut portail de fer, pressés de profiter de leur week-end bien mérité. Aucun d'entre eux n'avait conscience que, le soir même, à quelques pas de là, au terme d'un long passage secret dissimulé dans les égouts, la bataille finale pour la vie d'un jeune homme au regard d'or bien particulier allait se dérouler.


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Yumi attendait patiemment, adossée contre l'une des grandes baies vitrées du Kiwi Bleu, ses longs cheveux d'un noir de jais ramenés en arrière, son beau visage d'ivoire baissé en direction d'un grand classique de la littérature française, presque achevé, entre ses doigts fins.

Le repas frugal qu'elle avait commandé, à peine entamé, refroidissait lentement sur la table de bois lui faisant face. A l'extérieur, le soleil déclinait peu à peu, dessinant des motifs d'or complexes sur le métal des couverts, soigneusement posés à côté de son assiette.

Il était encore tôt et le petit café n'était guère rempli à cette heure. En dehors de Yumi, seul un petit groupe de collégiens et un vieil homme solitaire étaient attablés devant le bar, les uns conversant joyeusement, l'autre muré dans son silence, probablement perdu dans des pensées qui n'appartenaient qu'à lui.

Le patron de l'établissement, calme, faisait ses comptes silencieusement derrière le comptoir, semblant patienter jusqu'à l'heure d'affluence, qui n'aurait su tarder. La japonaise, sans lui prêter plus d'attention que nécessaire, tourna une nouvelle page de son livre, sereine. Elle n'avait pas à s'inquiéter pour ses parents pour ce soir : il lui avait suffit de prétexter une soirée révisions chez Stéphanie pour pouvoir s'éclipser de la maison un instant plus tôt sans problème.

Le tintement de la porte d'entrée résonna soudain dans la chaleur du modeste établissement, brisant la quiétude ambiante, et Yumi se laissa aller à relever le menton. Un sourire sincère fendit ses lèvres.

Venant tout juste de pénétrer dans le café, son sac de cours encore sur le dos, Ulrich s'avançait désormais dans sa direction d'un air joyeux, ses épais cheveux bruns illuminés de soleil, ses yeux chocolat pétillant dans la pénombre accueillante.

- Hey ! la salua-t-il simplement, se glissant sur la banquette lui faisant face, c'est tout ce que tu manges ?

- Salut, répondit-elle avec chaleur, rosissant légèrement face au reproche informulé, oui, j'ai l'estomac un peu noué ce soir. Je veux dire, à l'idée de ce qui nous attend…

- Bien sûr, la rassura le jeune homme, compréhensif.

Lui-même devait reconnaître avoir une boule dans la gorge depuis qu'il s'était levé le matin même. La mission qu'ils s'apprêtaient à accomplir avait une importance capitale et le rôle qu'on lui avait confié était clef. Il n'avait pas le droit à l'erreur et, malgré sa confiance en ses capacités une fois dans le monde virtuel, il ne pouvait s'empêcher de se sentir nerveux.

Fort heureusement, la simple vue de la sublime japonaise lui faisant face suffisait à apaiser légèrement ses nerfs. Yumi avait toujours eu ce pouvoir sur lui : sa beauté orientale et son calme olympien suffisaient souvent à l'aider à évacuer le stress qu'il était capable d'accumuler, et ce depuis ce premier jour de leur rencontre, lorsqu'ils s'étaient affrontés sur le tatami du gymnase, des années auparavant.

La gorge soudain sèche, le jeune homme attira à lui la carafe d'eau glacée posée sur la table afin de se servir un verre. Yumi lui tendit le sien, inutilisé jusqu'à présent, un petit sourire aux lèvres.

- Tiens, bois, tu dois être tendu avec ce qui t'attends ! fit-elle, perspicace, en lui servant elle-même le liquide.

- Merci beaucoup.

Ulrich but une gorgée, sans quitter la japonaise du regard. Au fond de lui, il ne pouvait s'empêcher de se sentir étonné de l'aisance avec laquelle eux deux parvenaient à converser depuis quelques temps. Eux qui avaient été si distants pendant des mois après leur rupture, semblaient désormais redevenus les amis intimes qu'ils avaient toujours étés, n'ayant besoin que d'un regard pour comprendre les sentiments de l'autre. Et désormais que Sissi l'avait laissé pour célibataire, il ne pouvait nier être quelque peu troublé par la situation.

Mal à l'aise face au regard intense du jeune homme, Yumi se dissimula derrière une mèche de cheveux, faisant mine de se recoiffer. Pourquoi devait-elle toujours avoir l'air d'une collégienne effarouchée face à lui ? Le temps était loin depuis l'époque où elle était capable de le mettre au tapis en un tour de main.

- Hum, fit-elle, changeant rapidement de sujet en se penchant vers son sac, dissimulant les couleurs de son visage, puisque tu es là je voulais juste te rendre ça avant de partir pour l'usine, tiens.

D'un geste leste, elle extirpa un minuscule carnet à la couverture verte élimée, le tendant d'une main un peu hésitante vers son vis-à-vis.

Se penchant pour le saisir, Ulrich reconnut brusquement son ancien journal intime et son visage s'embrasa à son tour.

- Je l'ai fini hier soir, poursuivit la japonaise, soudainement fascinée par le ballet des voitures à l'extérieur, projetant la lueur de leurs phares contre la vitre, il y avait des choses assez… Assez intime dedans…

- C'est le principe d'un journal, ne put s'empêcher de la taquiner Ulrich en rangeant le petit calepin au fond de sa sacoche, plus par nervosité qu'autre chose.

Yumi se mordit la lèvre, ne relevant pas la pique. Elle avait d'autres choses en tête.

- Tu… J'occupe une place assez importante dans ce que tu as pu écrire, constata-t-elle, le rose aux joues en se forçant à le regarder dans les yeux, triomphant enfin de sa timidité intempestive, en fait tu écris sur moi depuis bien avant la fois où Sissi avait joué à la peste en te rédigeant une fausse lettre d'amour à mon nom… J'avais toujours cru que ça avait été l'élément déclencheur de… Enfin tu vois.

Ulrich eut un pauvre sourire. L'anecdote était restée cuisante dans son esprit, même si un Retour vers le Passé de Jérémie lui avait suffit à prendre sa revanche à l'époque. Profitant de son silence, Yumi poursuivit sur sa lancée, déterminée.

- J'ai… J'ai aussi pu lire tout ce que tu ressentais au sujet de ton père et de son intransigeance… Au sujet du divorce de tes parents aussi…

Ulrich se raidit. Il avait voulu que Yumi lise son journal et cela ne le surprenait guère qu'elle soulève ces points, les plus importants entre les nombreuses lignes qu'il avait pu écrire pendant toutes ces années. Cependant, avoir son âme ainsi mise à nue face à la japonaise était légèrement inconfortable. S'il s'était écouté, il aurait probablement fuit le café en courant. Pourtant, ses jambes refusaient de le soulever, pour une raison qui lui échappait, le clouant littéralement sur ce siège.

Sentant sa gêne, Yumi, après un bref instant d'hésitation, se résolut à tendre ses mains pour saisir entre ses longs doigts pâles celles de son ami, le faisant légèrement tressauter. Son regard s'était empli d'une douceur qu'il ne lui avait pas vue depuis bien longtemps.

- Ulrich, je sais que tu as toujours été quelqu'un de solitaire, préférant résoudre ses problèmes seul dans son coin, affirma-t-elle d'un ton vague avant de raffermir sa prise, déterminée, néanmoins, si à l'avenir tu te retrouves à nouveau submerger par ce que tu ressens comme tu l'as décris dans ces pages… Je veux que tu saches que je serais toujours là pour toi, comme tu as été là pour moi à l'époque, et peu importe ce qui a pu se passer entre nous. Tu as été mon ami le plus proche et tu le seras toujours, ne l'oublie pas.

Pendant un interminable moment, Ulrich demeura silencieux, le regard dans le vide. A l'extérieur, le ciel s'était teinté d'orange et commençait à virer au noir lentement. Les néons parsemant les enseignes s'étaient allumés et les lampadaires commençaient à grésiller les uns après les autres, diffusant leur lueur rassurante telles autant de flaques de lumière sur le bitume.

Pendant un instant, les deux adolescents se perdirent dans la contemplation du soleil déclinant et de la ville s'éveillant peu à peu à son activité nocturne, leurs mains liées. C'était comme basculer dans un monde parallèle, à la fois identique et différent en des milliers d'infimes nuances.

- C'est presque l'heure, fit remarquer Ulrich, la voix rauque, au bout d'un moment, retirant soudain ses doigts de ceux de Yumi, rompant la magie, on ferait mieux de se mettre en route.

Silencieuse, la jeune fille hocha la tête. Déposant le prix de son repas sur le plateau central de la table, en se releva délicatement, emportant son sac, et fit mine de se diriger vers la sortie lorsqu'une main se referma brusquement sur son poignet, la faisant sursauter. Incrédule, elle se retourna vers Ulrich, toujours assis à sa place. Sa paume était chaude contre son bras et une lueur étrange luisait au fond de ses yeux. Une lueur enflammée qu'elle ne lui avait pas connu depuis des années.

- Yumi… Merci, lâcha-t-il finalement, les inflexions de sa voix traduisant la plus grande sincérité possible.

Touchée en plein cœur, la japonaise sentit son regard s'embuer légèrement.

- On y va ? se contenta-t-elle de répondre, acceptant le remerciement d'Ulrich d'un simple sourire.

Dans la pénombre du Kiwi Bleu, tous deux avaient la sensation que quelque chose de profond et de solide venait d'être scellé entre eux.


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La porte du monte-charge coulissa en grinçant, libérant ses occupants dans l'atmosphère confinée et poussiéreuse de la salle de contrôle du Supercalculateur. D'un pas incertain, Yumi pénétra dans la vaste pièce au haut plafond, les lueurs verdâtres en provenance des écrans se reflétant sur ses interminables cheveux soyeux, talonnés par un Ulrich au regard dur et déterminé.

Anthéa et Jérémie les attendaient, la première attablée sur son siège habituel, son visage encadré de ses longues mèches roses pâles affichant une expression confiante, le second adossé contre l'ancien dispositif de Retour dans le Temps, ses lunettes illuminées par la lumière projetée par sa tablette ne suffisant guère à dissimuler ses cernes marqués et la ride inquiète barrant son front.

Plissant les yeux le temps de s'habituer à la pénombre, Yumi discerna à l'autre extrémité de la pièce une troisième silhouette. Eva, cintrée dans une robe d'été rouge et légère, était assise en tailleurs contre un enchevêtrement de câbles et avait l'air de s'ennuyer profondément. Cependant, le tapotement nerveux de ses doigts aux ongles parfaitement manucurés contre ses genoux trahissait son appréhension. Cela n'avait rien d'étonnant : après tout, elle faisait parti de l'équipe de renfort, tandis que son petit-ami était directement confronté au danger. Il y avait de quoi être frustrée !

- Enfin vous voilà, commenta Anthéa d'un air radieux en faisant pivoter son fauteuil sur son rail pour leur faire face. Descends en salle des scanners, Ulrich, William vient d'arriver, je m'apprêtais à le virtualiser ! Les autres sont déjà sur Lyokô.

Malgré elle, Yumi ne put retenir un froncement de sourcils. Dans l'atmosphère d'angoisse sourde qui pesait sur l'usine, l'optimisme d'Anthéa sonnait étrangement. Avait-elle à ce point confiance en son plan pour parler avec tant de légèreté ? Il y avait quelque chose de suspect…

Insensible aux doutes de la japonaise, Ulrich se contenta d'incliner la tête en signe d'assentiment, faisant demi-tour de nouveau vers le monte-charge après un ultime sourire à l'intention de Yumi.

- Bonne chance ! lui lança la jeune fille tandis qu'il disparaissait de nouveau derrière l'épaisse double-porte mécanisée.

La descente de l'ascendeur se fit dans un silence religieux, à peine rompu par les brèves secousses des planches de bois constituant les parois de l'habitacle, jusqu'au moment où, enfin, il atteignit sa destination, libérant l'adolescent à la veste de cuir droit dans la lueur jaune tamisée de la salle des scanners.

William et Stéphanie s'y trouvaient, plongés dans une grande conversation à voix basse, qu'ils interrompirent aussitôt que la porte eut fini de coulisser. Ulrich les salua poliment et son ancien rival lui adressa un bref signe de tête, le regard neutre.

L'adolescent retient un grincement de dents. Ils avaient beau n'avoir eu que peu de contacts au cours des deux dernières années, une légère tension subsistait entre eux deux. Sûrement ne parviendraient-ils jamais à s'entendre parfaitement ! Toujours était-il qu'il allait falloir faire preuve de maturité et mettre le passé de côté pour cette mission. Après tout, selon le plan d'Anthéa, ils étaient sensés faire équipe tous les deux…

- Bon, je vous laisse, fit Stéphanie d'un ton nerveux tandis que les deux jeunes hommes pénétraient chacun dans un des hauts caissons bourdonnants, bon courage à tous les deux ! J'espère ne pas avoir besoin de venir vous donner un coup de main…

Et, sans rien ajouter, elle tourna les talons et se mit à escalader les échelons fixés au mur du fond, disparaissant rapidement à travers la trappe du plafond, les laissant seuls derrière elle. L'instant d'après, les portes des scanners coulissaient, les enfermant en leur sein.

Ulrich plissa légèrement les yeux tandis qu'une vive lueur illuminait l'habitacle, l'éblouissant. Habitué, il laissa les particules de lumière l'environner tandis qu'un anneau de métal s'élevait de la base du socle, l'analysant en vrombissant.

- Transfert Ulrich et William, Scanners… Virtualisation ! annonça tour à tour la voix déformée par le micro d'Anthéa à ses oreilles, à peine audible à travers le vacarme de l'appareil.

Il y eut un flash aveuglant, l'impression habituelle que son corps éclatait de l'intérieur et, l'instant d'après, l'esprit d'Ulrich était parti, voyageant à travers les câbles électriques jusqu'à Lyokô, plus que prêt pour, il l'espérait, l'une de ses ultimes missions.


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Les bras en croix, le jeune homme aux cheveux bruns mit un instant à s'habituer à l'environnement virtuel de Lyokô. Lorsqu'enfin il y parvint, son avatar s'était déjà décroché du ciel, chutant de plusieurs mètres avant d'atterrir lestement sur une plateforme circulaire bleu marine, illuminée d'une lueur douce, tracée par un marquage au sol imitant l'ancien symbole de XANA.

- Tout va bien ? fit a voix douce d'Aelita, légèrement altérée par le Supercalculateur, qui lui tendait désormais une main afin de l'aider à se relever.

Reconnaissant, Ulrich s'en saisit, détaillant du regard l'Aréna dans laquelle il venait d'atterrir. Cela faisait une éternité qu'il n'avait pas remis les pieds dans cette étrange salle circulaire, aux murs constitués d'épais blocs striés de bleu, empilés les uns sur les autres, point d'entrée du 5ème Territoire de Lyokô, lorsque celui-ci était au mieux de sa forme.

Avec un sourire, le jeune homme détailla du regard la nouvelle tenue virtuelle d'Aelita, fixée par le programme de virtualisation évolutif quelques jours plus tôt.

Une fine tunique lâche, évoquant de la soie rose et douce, dessinaient les courbes de son corps de jeune femme avec délicatesse et ce qui ressemblait à une cape, d'une teinte plus prononcée, enveloppait ses bras fins et gracieux, serrée au niveau du cou par un cordage complexe. Ses oreilles, à l'instar de la texture solide lui servant de cheveux, s'étaient encore allongées, évoquant encore plus l'elfe virtuelle qu'elle était, et les marquages sur son visage avaient disparu, laissant son visage en forme de cœur intact. Un pantalon de la même couleur que sa tunique, légèrement bouffant, lui arrivait à mi-mollet et des bottes, maintenues par un entremêlement de bandes pourpres, venaient compléter sa tenue. Dans son dos, une minuscule paire d'ailes, bien physiques cette fois-ci, battait doucement, les plumes numériques d'un blanc laiteux s'illuminant par instants de reflets roses.

Tandis qu'elle s'éloignait de nouveau, Ulrich constata que la paume de sa main était couverte par ce qui semblait être une sorte de boussole à trois cadrans, faite d'une étrange matière luminescente évoquant du cristal. De longues bandes translucides en émergeaient, s'enroulant délicatement autours de ses bras jusqu'à disparaître dans son dos, derrière les ailes. Il était inutile de préciser que, malgré son aspect virtuel, elle était d'une étonnante beauté.

Ulrich lui-même n'était pas en reste. Cintré dans une tunique verte d'aspect moderne, il était désormais protégé par une véritable armure de samouraï brune, couvrant ses poignets, son torse musclé et ses genoux. Son bandeau jaune avait fait place à un chapeau rond et pointu traditionnel, tenant comme par magie à l'arrière de son crâne et lui conférant une allure noble et combative. Dans son dos, il pouvait sentir l'unique fourreau contenant sa nouvelle arme, dont il n'allait pas tarder à devoir se servir, il le savait.

Sentant un regard peser sur lui, il se retourna pour trouver William, virtualisé à son tour, toujours vêtu de sa tenue bicolore, occupé à caler son énorme épée dans les sangles pendant de son attirail. Le jeune homme semblait apprécier la nouvelle combinaison de son ancien rival à sa juste valeur, jaugeant ses capacités en silence.

- Alors, prêts à donner une bonne leçon à la Green Phoenix ? résonna une voix grave non loin de lui.

Faisant volte-face, il se retrouva nez-à-nez face à Odd qui se dirigeait dans sa direction, Mathieu sur ses talons, et un sourire incontrôlable étira ses lèvres numériques.

Enfin débarrassé de son apparence enfantine, le jeune homme, qui dépassait désormais son ami au costume de lapin de plusieurs centimètres, comme dans le monde réel, n'avait rien perdu de l'originalité de son équipement pour autant. Vêtu d'une combinaison noire en partie déchirée au niveau du cou et des poignets, striée de marques de griffures mauves par endroits, ses mains étaient toujours d'énormes pattes de chat, d'un violet éclatant jurant avec le côté sombre de sa nouvelle tenue. Ses cheveux, désormais ramenés en plusieurs pics évoquant un personnage de jeu vidéo de fantasy à l'arrière de sa nuque, étaient sertis de deux grandes oreilles félines désormais qui remplaçaient entièrement ses oreilles habituelles. Sa taille était enserrée dans une ceinture dont la boucle, métallique, évoquait le visage d'un chat et deux sortes de pistolets cartoonesques y était accrochées, une figure féline gravée également à leur surface. Dans le bas de son dos, deux longues queues noires, terminées par de minuscules lames recourbées, battaient l'air.

- Pas mal ton nouvel avatar, commenta le samouraï avec un rictus moqueur, j'espère qu'il est à la hauteur !

- Et comment ! fanfaronna Odd, sans déceler l'ironie dans les propos de son compagnon de chambre, attends de voir mes Catguns à l'œuvre ! D'après Yumi, je suis un « Nekomata » désormais, une sorte d'esprit japonais qui ressemble à un chat à deux queues… C'est toujours plus classe qu'un simple matou violet !

- Ta nouvelle tenue est classe elle aussi, affirma Mathieu à l'adresse d'Ulrich, se forçant à sourire.

Malgré son assurance apparente, on pouvait sentir la tension percer dans le fond de sa voix.

Une main s'abattit soudain sur son épaule, le faisant sursauter. William avait profité de sa distraction pour se glisser dans son dos, un sourire narquois sur les lèvres.

- Allez, vous échangerez vos civilités plus tard ! affirma-t-il, on a du pain sur la planche je vous rappelle ! Ouvre la voie vers le Hopper, mon lapin !

Mathieu tiqua aussitôt face au surnom, agacé par l'attitude moqueuse du jeune homme, mais consentit néanmoins à se diriger vers la sortie de l'Aréna, marquée par une haute ouverture dans la courbe du mur, Odd sur ses talons.

Tandis qu'Ulrich fronçait ses épais sourcils dans une attitude réprobatrice, William se contenta de lui adresser un bref clin d'œil avant de s'élancer à la suite des deux Lyokô-guerrier, laissant le jeune homme déconfit sur place.

- Il essaye juste de détendre l'atmosphère, lui expliqua Aelita, se faufilant derrière lui avec un sourire penaud, William n'a jamais été très subtil, mais tu sais qu'il a bon fond…Honnêtement je suis heureuse de l'avoir avec nous ce soir !

- Oui, admit Ulrich à contrecœur, c'est bien qu'il puisse faire face à ses peurs comme ça… Bon ! On y va ?

Sans plus attendre, les deux adolescents retrouvèrent aussitôt leur sérieux et franchir à leur tour l'ouverture, rejoignant leurs comparses dans une vaste salle, constituées de cubes imbriqués les uns dans les autres, à l'image de la précédente. A l'extrémité d'une longue plateforme, Odd, William et Mathieu les attendaient, face à une gigantesque et complexe structure noire et polie, soutenant un ascenseur bringuebalant, constitué de la même matière.

Comme un seul homme, les cinq Lyokô-guerriers y prirent place et, l'instant d'après, l'appareil s'élevait dans les airs à toute allure dans un grincement sourd, les entraînant avec lui vers leur prochaine destination. A mesure qu'ils avançaient, la vive luminosité les environnant se faisait plus tamisée jusqu'à ce que les cubes qu'ils croisaient ne soient plus que des tâches bleues sombres devant leurs yeux, à peine discernables dans les ténèbres.

Enfin, la plateforme ralentit jusqu'à s'arrêter doucement face à un complexe échafaudage, d'une texture similaire à celle de sa surface, lisse et sombre. Les adolescents retinrent leur souffle.

Face à eux, baignant dans un puits de lumière, coincés entre une série de rampes d'amarrages, se dressait le Hopper, toujours aussi imposant avec sa carcasse de métal et le dôme protecteur à son sommet, illuminé d'énergie bleuté, pulsant doucement dans l'obscurité.

- C'est parti, souffla Aelita simplement, désignant d'un geste les plots d'embarquement à leur droite, leur blancheur tranchant sur l'obscurité du garage.

Il était temps de se rendre sur Endo de nouveau, à leurs risques et périls. Quoi qui les attendait là-bas, cela scellerait leur destin à jamais.


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La traversée de la Mer Numérique, puis du Réseau Informatique Mondiale se fit sans problème. A mesure que la lueur sanguine caractérisée par la Faille serpentant au dessus de leurs têtes s'intensifiait, chacun des Lyokô-guerriers se murait un peu plus dans un silence inquiet et tendu, pleinement concentrés sur la tâche qui les attendait, les mains cramponnées aux barres du Hopper, campés sur leur plot respectif.

Enfin, au bout d'un temps qui sembla interminable à Mathieu, Aelita fit pivoter l'appareil en douceur, et le vaisseau s'engouffra au sein du sas béant d'Endo, plongeant dans ses méandres obscurs et incertains.

- On va émerger, les prévint la meneuse aux cheveux roses, affairée devant les commandes, un pli concentré barrant son front, attention…

Lentement, le Hopper s'éleva jusqu'à enfin crever la surface de la Mer Numérique, éblouissant momentanément ses occupants. Lorsque, clignant des yeux, Mathieu put de nouveau observer son environnement, ce fut pour reconnaître le ciel d'un bleu limpide d'un territoire qui n'avait rien à voir avec l'habituel Volcan, à l'atmosphère saturé de souffre virtuel.

- La Ville ? s'étonna-t-il en regardant Aelita manœuvré le Hopper en direction d'un large plateau grisâtre, duquel s'élevaient des centaines de simili-gratte-ciels dans tous les sens, ce n'est pas le territoire du Volcan cette fois ?

- D'un point de vue stratégique, ce territoire est mieux pour accostage, tu vas très vite comprendre, répondit d'un ton placide la meneuse, tout en affichant devant elle les radars intégrés à l'appareil d'une simple pression sur un bouton, ah ! Trouvée…

En effet, au détour de deux immeubles pointant vers la Mer Numérique depuis la surface inférieure du plateau le plus proche, étincelait désormais la lueur brumeuse et bleutée d'une Tour renversée, désactivée de toute évidence.

D'une main experte, Aelita fit glisser le volumineux sous-marin numérique jusqu'en face du haut édifice à moitié organique, évitant les bâtiments de justesse, avant de le stabiliser avec un grognement de satisfaction.

- Bien, sous le plateau, on ne devrait pas avoir de problème avec la plupart des monstres, fit-elle enfin, se retournant vers le reste de l'équipe, son regard vert étincelant de détermination, avant de commencer, je pense qu'il serait bon de faire un petit récapitulatif de la mission.

Mathieu se tendit depuis sa place, plus nerveux que jamais. L'atmosphère d'Endo le mettait mal à l'aise, rien avoir avec l'aspect apaisant de Lyokô qu'il avait appris à connaître au cours des derniers jours, et le stress engendré par la mission n'arrangeait rien.

L'elfe rose s'était tournée vers lui, ses bandes vaporeuses ondulant avec grâce autours de ses bras, suivant les mouvements de son corps.

- Mathieu et moi, nous allons nous translater directement dans le repère de la Green Phoenix, énonça-t-elle d'un ton grave, s'attirant l'attention pleine et complète des Lyokô-guerriers, une fois là-bas, nous allons déclencher une alarme qui occupera les scientifiques et les hommes de main, le temps de nous permettre de nous faufiler jusqu'à l'unité centrale. C'est là qu'Ulrich et William interviennent.

e samouraï en vert prit le relais. Sa nouvelle apparence virtuelle lui conférait une certaine carrure qui rendait son discours encore plus solennel et impressionnant.

- En parallèle, William et moi nous dirigerons jusqu'à l'extrémité du territoire. Dés l'alarme déclenchée de vôtre côté, Anthéa tapera le Code Hannibal et appellera ainsi le Transporteur qui nous amènera directement jusqu'au 5ème Territoire. Ainsi, même s'ils seront capable de tracer le signal du Hopper, avec l'alarme enclenchée cela devrait nous laisser le champ libre pour rejoindre la Salle Noyau et réveiller Angel. C'est là que commence la partie compliquée…

- Exact, approuva le guerrier bicolore avec un frisson nerveux, une fois ce type réveillé, il va falloir le combattre et gagner impérativement une fois qu'Aelita aura réussi à pirater son programme depuis le labo de la Green Phoenix. Comme ça, il devrait réapparaitre directement dans les scanners une fois dévirtualisé ! J'ai tout bon ?

L'elfe aux cheveux roses approuva d'un signe de tête, satisfaite. Ils avaient bien appris leur leçon il n'y avait donc aucune raison pour que les choses se déroulent mal… En théorie tout du moins.

- Parfait, affirma-t-elle avant de se tourner vers le félin virtuel, resté silencieux adossé contre sa barre jusqu'à présent, jouant négligemment avec ses deux queues, Odd quant à toi…

- …Je reste ici pour protéger le Hopper en cas de pépin, compléta-t-il pour elle avec un grand sourire rassurant, ne t'en fais pas princesse, tout va bien se passer ! Tu peux nous transférer sur le territoire.

La meneuse eut un haussement d'épaules gêné. Elle était aussi nerveuse que les autres, et ne pouvait s'empêcher de vouloir s'assurer que tout se déroulerait correctement, au point d'en oublier de faire confiance à ses camarades Lyokô-guerriers, qu'elle savait pourtant tout aussi capables qu'elle !

- J'ai déjà envoyé les véhicules, lança la voix d'Anthéa à la cantonade depuis son poste de contrôle à l'usine, les ramenant à l'urgence de la mission, bon courage à tous !

En effet, les contours violets de l'Overboard se dessinaient désormais à quelques mètres du Hopper, clairement visible à travers la coque d'énergie transparente de l'habitacle. Aelita, plus tendue que jamais, fit un ultime effort pour se reprendre, inspirant profondément. Il n'y avait plus de temps à perdre désormais.

- Très bien, je vous fais confiance, souffla-t-elle au bout d'un moment en se retournant vers les commandes du Hopper, apposant ses doigts sur trois des manettes de débarquement, Odd, je vais t'envoyer directement sur ta planche, tu n'auras qu'à patrouiller autours du Hopper en attendant que l'alarme ne se déclenche. Ulrich et William, l'extrémité du territoire se trouve au nord… Bonne chance !

- Bonne chance à vous, répondit Odd tout en adressant un discret clin d'œil à l'adresse de Mathieu, parvenant à lui arracher un sourire.

Après un bref calcul de coordonnées depuis l'interface, Aelita abaissa enfin les minuscules leviers, faisant aussitôt luire les plaques de débarquement sous les pieds des trois adolescents. L'instant d'après, leur silhouette numérique se dématérialisait dans un concert de grésillement. Nerveuse, Aelita jeta un bref coup d'œil vers le ciel, obstrué par l'immensité du plateau s'étendant au dessus de leur tête, les dissimulant à la vue des monstres.

Le nekomata qu'était devenu Odd virevoltait déjà sur sa planche autours du vaisseau, levant le pouce en signe de triomphe. La jeune fille ne put retenir un soupir de soulagement. Ouf, elle ne l'avait pas envoyé dans la Mer Numérique. Un vrombissement au dessus de sa tête lui confirma qu'Ulrich et William, à bord de l'Overbike, étaient déjà en route pour leur destination.

- Bien, à nous, affirma-t-elle en se retournant vers Mathieu, resté seul en sa compagnie dans l'habitacle du sous-marin virtuel, occupé à se triturer nerveusement ses oreilles de lapin, paré pour la Translation ?

Le Lyokô-guerrier en herbe émit une vague grimace incertaine. Il n'avait encore jamais subit le processus et ne savait donc guère à quoi s'attendre. Tout ce qu'il espérait, c'était que la sensation serait plus agréable qu'une dévirtualisation forcée !

Aelita, interprétant son silence comme un signe d'acquiescement, se retourna vers sa console et pianota les touches blanches et hexagonales pendant quelques secondes.

Un instant plus tard, un faisceau de lumière rose jaillissait de la base du Hopper, juste au centre du symbole de Lyokô se dessinant sur sa carcasse métallique, pour venir frappé la Tour retournée de plein fouet.

Pendant un instant, son halo bleuté sembla trembler dans les airs avant de se faire happer par le rayon, virant progressivement au vert à mesure que les particules de lumières allaient et venaient entre le vaisseau et sa surface lisse.

- Le Hopper est arrimé correctement et la Tour est activée à notre profit, confirma Aelita après vérification sur ses écrans de contrôle translucides, avant de se fendre d'une mine soucieuse, j'espère que les programmes de camouflage empêcheront bien la Green Phoenix de détecter l'activation…

- Il est trop tard pour se soucier de ça, coupa la voix d'Anthéa depuis l'usine, le programme de Translation est prêt de mon côté, tout est en ordre ! Il ne me reste plus qu'à appuyer sur Enter…

Après une courte pause, l'informaticienne reprit la parole, soudain inquiète :

- Je vous rappelle que vous n'avez aucune idée de ce qui vous attend une fois sur Terre et que je risque de mettre un moment avant de vous localiser… Par conséquent, je vous recommande la plus grande prudence à partir de maintenant, est-ce que c'est clair ?

Mathieu déglutit tandis qu'Aelita s'activait à rassurer sa mère. La tension était à son comble et ce nouveau plongeon vers l'inconnu ne lui disait rien qui vaille. Peut-être un autre Lyokô-guerrier plus expérimenté aurait-il été mieux indiqué à sa place ? Il en venait à douter de ses belles résolutions.

Alors que son courage se mettait à vaciller au fond de lui, il se surprit à perdre son regard dans les méandres verdâtres de l'édifice connecté au Hopper, et l'image d'Angel, prisonnier de sa propre Tour au halo noir, lui revint brutalement à l'esprit.

Une vague de détermination l'envahit brusquement et ses doigts cessèrent enfin de trembler contre la barre métallique faisant le pourtour de l'habitacle. Il n'était pas arrivé jusqu'à ce point pour renoncer au dernier moment. Qu'auraient alors signifié toutes les épreuves qu'il avait traversées avec succès ? Il n'était plus temps de renoncer, il fallait agir, quitte à mettre de côté ses états d'âme.

- Tu es prêt ? s'enquit Aelita, inquiète face à son subit changement de regard, il va falloir se donner à 100% cette fois !

Le jeune homme, tournant la tête dans sa direction, lui adressa un bref sourire rassurant, détaillant l'elfe rose des yeux avec sérénité. Elle avait été la première à lui tendre la main lors de son arrivée à Kadic, à lui redonner foi en l'amitié et à lui insuffler du courage. C'était à elle que, pour la première fois, il avait réussi à confier ses secrets, à se laisser aller à être qui il était réellement. Sans elle, il n'aurait jamais réussi à mûrir à ce point, à surmonter toutes les peines que la vie lui avait infligées jusqu'à présent, parvenant enfin à suivre son cœur, endurci par les épreuves. Il y avait quelque chose de symbolique dans cette façon dont il faisait équipe, pour leur dernière mission. Peut-être le destin s'en était-il mêlé ?

- Crois-moi, je suis plus prêt que jamais, affirma-t-il finalement, en toute sincérité, s'attirant un regard surpris de la part de la jeune fille avant de se tourner vers le dôme au dessus de leur tête, haussant la voix, vous pouvez laisser le programme Anthéa !

Depuis son écran, l'informaticienne ne se fit guère prier et, après une ultime prière, pressa enfin la touche d'exécution, scellant l'avenir des deux jeunes gens.

Dans le Hopper, les plots sur lesquels Aelita et Mathieu se tenaient se mirent à luire d'une vive lueur, les aveuglant complètement. Le jeune homme aux oreilles de lapin retint son souffle tandis que son corps, désormais parcouru d'étincelles, semblait perdre peu à peu sa consistance.

- Pour Angel… murmura-t-il en fermant les yeux.

Leurs enveloppes virtuelles respectives semblèrent brusquement s'embraser de l'intérieur et, l'instant d'après, ils s'évanouissaient dans une flopée de particules numériques, ne laissant derrière eux qu'un bref grésillement à peine audible. Ils étaient désormais en route pour le QG de la Green Phoenix, à leurs risques et périls.


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Dans l'obscurité de son bureau, la silhouette d'une jeune femme aux courts cheveux d'un pourpre sanglant, face à son ordinateur personnel, laissa un franc sourire étirer ses lèvres pâles. Un rictus mauvais et terrifiant, plein de froideur, comme elle seule savait les arborer.

- Allez, venez jouer les enfants… L'heure du dénouement approche ! souffla-t-elle tout bas avant de se fendre d'un rire sardonique qui résonna longuement contre les parois de la vaste salle.

La température de la pièce sembla chuter de plusieurs degrés et même ses gardes de corps, postés de chaque côté de la porte d'entrée, le regard dissimulé derrière d'épaisses lunettes de soleil, ne purent s'empêcher de déglutir, inquiets. Jamais ils n'avaient vu leur employeuse dans un tel état d'euphorie, et cela ne pouvait être que de mauvais augure.

La jeune femme se calma enfin, retrouvant son sérieux. Il était temps de démarrer les festivités !

Scarlet, cintrée dans sa blouse noire frappée de l'emblème de la Green Phoenix – un oiseau vert stylisé –, se préparait à accueillir ses invités.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:27   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 46 :

Épisode 145 : Scarlet (partie 1)_



Mathieu eut soudain l'impression qu'un intense courant électrique parcourait tout son corps, le transperçant de part en part. Sa vision était obstruée par un flash blanc aveuglant et les sons lui parvenaient étrangement distordus, lointains.

Alors que, désorienté, il manquait de trébucher, une main vigoureuse lui saisit brusquement le bras, l’entraînant à sa suite. Il eut le temps d'entendre un coulissement métallique avant qu'enfin sa vue ne revienne et son ouïe ne s'adapte de nouveau à son environnement. Hébété, Mathieu dut cligner des yeux plusieurs fois avant de se souvenir où il se trouvait.

Une chose était sûre : il avait quitté l'habitacle virtuel du Hopper. Il se trouvait désormais au sein d'une minuscule pièce obscure, dont l'espace était en grande partie occupé par de hautes étagères débordantes de cartons de rangement. Une ampoule unique se balançait doucement au dessus de sa tête, déversant sa lumière tremblotante contre les murs gris et nus. Par endroits, des toiles d'araignées étendaient leurs filaments d'un bord à l'autre des étagères, signe que le lieu n'avait pas été entretenu depuis longtemps. Pas de doute : il était bel et bien de retour dans le monde réel ! La Translation avait fonctionné !

Grimaçant face au léger bruit suraigu qui persistait au creux de ses tympans, Mathieu tourna la tête pour se retrouver nez à nez avec Aelita, appuyée contre la porte du placard dans lequel elle venait de les précipiter tous les deux, son oreille d'elfe aux aguets.

- Chut, souffla-t-elle tout bas d'un ton pressant, je crois qu'il y a du monde dans le couloir derrière, j'attends de voir s'ils sont passés…

Haussant un sourcil, Mathieu constata que, si tout ce qui les entourait était criant de vérité, la silhouette de la jeune fille aux cheveux roses lui paraissait curieusement déplacée au milieu de ce décor. Il mit un moment avant de comprendre qu'elle arborait toujours sa tenue de Lyokô-guerrière malgré leur retour sur Terre, ses ailes minuscules luisant d'une douce lueur rose dans la pénombre, ses cadrans de cristal toujours accrochées à la paume de ses mains. Elle semblait elle-même émettre une discrète lueur qui ne laissait guère de doute quant à l'aspect artificiel de son corps.

Levant ses mains, elles aussi légèrement luminescente, devant lui, Mathieu put constater que lui aussi était toujours vêtu de sa combinaison grise, et que ses oreilles de lapins pendaient toujours de chaque côté de son visage. A y regarder de plus près, ses doigts étaient régulièrement comme parcourus d'électricité statique, tremblotant légèrement comme s'ils n'avaient rien été de plus que des projections holographiques et, en se concentrant bien, il parvenait par moment à distinguer le sol poussiéreux du placard au travers. Il était donc bel et bien loin d'être réel.

- Waouh… souffla-t-il sans parvenir à se contrôler, impressionné, on a vraiment été transportés sur Terre depuis le Hopper… C'est dingue !

Aelita, s'étant bien assurée que personne ne traînait derrière la porte de leur refuge, se tourna vers lui, le regard plein de malice.

- Eh oui ! confirma-t-elle, actuellement ton corps est en réalité une sorte de spectre électrique généré par l'activation de la Tour sur Endo, comme le mien ! Normalement, tu dois pouvoir utiliser certains pouvoirs de ton double numérique également, essaye sur cette lampe pour voir !

Surpris, Mathieu porta de nouveau son regard sur ses poignets, auxquels ses éternelles sphères métalliques étaient accrochées. A sa grande surprise, il constata que leurs faisceaux, au lieu du bleu déchargé habituel, étaient désormais illuminés d'un blanc clignotant indistinct, comme si elles hésitaient à définir leur état.

Obéissant à la proposition d'Aelita, il pointa son arme droit sur l'ampoule crasseuse au dessus de sa tête, la touchant presque, avant de se concentrer de la même façon qu'il l'aurait fait dans le monde virtuel.

Presque aussitôt, un arc électrique jaunâtre jaillit de la lampe, lui arrachant un cri de stupeur, avant de traverser littéralement son arme. Presque instantanément, la lumière s'éteignit, les plongeant dans l'obscurité toute relative de la pièce confinée. Seules leurs deux silhouettes légèrement luminescentes leur permettaient d'y voir quelque chose désormais.

Secoué d'un étrange tremblement, Mathieu observait ses poignets d'un air étonné. Était-ce lui où se sentait-il soudainement revigoré, comme boosté à bloc ?

- C'est bien ce que je pensais, approuva Aelita en hocha la tête, satisfaite, ton corps translaté peut absorber l'énergie électrique, ça nous sera utile pour notre diversion ! Essayons de contacter ma mère…

Sans rien ajouter, la jeune fille porta deux doigts à ses oreilles d'elfe, comme pour presser le bouton d'une oreillette invisible. Un peu perdu, Mathieu fit de même d'un geste maladroit, se concentrant sur son ouïe. Il était vrai que persistait, en fond sonore, comme le bruit discordant d'un micro débranché. Peut-être Anthéa bataillait-elle en cet instant précis pour rétablir la liaison ?

- Maman ? murmura Aelita en insistant, troublée, est-ce que tu m'entends ?

Enfin, après de longues secondes de silence, la voix de l'informaticienne aux longs cheveux roses résonna brusquement contre leurs tympans respectifs, faisant tressauter Mathieu. Plus encore que sur Lyokô, c'était comme avoir une personne parler à l'intérieur de soi-même : la sensation était des plus désagréables. De plus, il avait l'impression que chaque son projeté à travers le micro faisait trembler sa structure instable. Il ne put réprimer une grimace.

- C'est bon, j'ai votre signal ! confirma Anthéa, une nuance de soulagement dans la voix, désolée, j'ai eu un peu de mal à vous localiser après la Translation… Tout va bien de votre côté ?

- On a atterri dans une espèce de couloir au tout début et, pour l'instant, on a trouvé refuge dans un débarra, répondit Aelita sans hausser la voix, accordant un bref regard circulaire à la pièce au passage, ça a l'air calme de l'autre côté. Il faudrait qu'on tente une sortie avant que des hommes de la Green Phoenix n'arrivent !

- Attends un peu que je trouve des infos sur l'endroit où vous vous trouvez d'abord, ordonna Anthéa d'un ton autoritaire, mieux vaut ne pas foncer à l'aveuglette, le système GPS calcule mais ce serait bien de pouvoir obtenir plus d'infos pour affiner les recherches… Vous pouvez me dire quelque chose de concret sur là où vous vous trouvez ?

Hésitant une fraction de second, Aelita finit par faire coulisser la poignée de la porte, l'entrebâillant légèrement tout en laissant filtrer un raie de lumière à l'intérieur. Curieux, Mathieu s'accroupit derrière elle afin de jeter un coup d'œil au couloir.

Ce dernier était, comme l'avait deviné la jeune fille, désert. Très sombre, il s'étendait sur plusieurs mètres et ne semblait avoir pour unique fonction que de relier deux sas, à ouverture magnétique, se perdant dans l'obscurité. Seuls quelques néons flambant neufs grésillaient à intervalles régulier au niveau du plafond, projetant leur lueur blafarde sur les murs lisses et dépourvus de personnalité. Le tout donnait l'impression de se trouver dans une structure scientifique de grande valeur.

Mathieu plissa les yeux. L'air était glacial à l'extérieur et, même si sa peau artificielle constituée de particules électriques était bien moins sensible que son équivalent réel, il ne pouvait s'empêcher de frissonner.

- Il n'y a aucune fenêtre, constata Aelita en refermant la porte doucement, et c'est curieusement silencieux… Je pense qu'on doit se trouver quelque part sous terre, en tout cas ça ne ressemble pas beaucoup à l'ancien centre de la Green Phoenix !

- Plutôt logique, répondit Anthéa –on pouvait sentir ses doigts s'activer sur son clavier malgré la distance, avec le gouvernement qui veille dessus, ils avaient tout intérêt à dénicher un nouveau refuge… Bon je vais affiner la recherche aux structures souterraines en France, avec un peu de chance, on arrivera à quelque chose.

Un petit « ding » résonna soudain aux oreilles des deux adolescents, précédé par un cri de triomphe.

- Bingo ! s'exclama l'informaticienne, vous êtes quelque part dans le Sud, au milieu d'une grande forêt dans un ancien bunker datant de la Guerre Froide. Je pense que l'armée avait du le mettre en place secrètement à l'époque en cas de guerre nucléaire avant de l'abandonner. En tout cas, je dois pouvoir en récupérer les plans en piratant un ou deux sites gouvernementaux, laissez-moi quelques minutes…

Docile, Aelita se laissa glisser au sol, s'asseyant à côté de Mathieu, le visage songeur. Le jeune homme conserva le silence, histoire de ne pas troubler sa concentration. Lui-même était trop tendu pour parler par ailleurs. A quelques mètres de lui, dans ce vaste bâtiment dans lequel ils venaient d'atterrir, se trouvait le Supercalculateur gérant la capture d'Angel. Avec un peu de chance, d'ici quelques minutes, ils seraient en mesure de le libérer enfin, après ces longs mois d'emprisonnement dans un monde virtuel insipide et informe. Il en avait des frissons rien que d'y penser et, si son corps de spectre électrique avait eu des organes, nulles doutes que son cœur se serrait mis à battre à toute allure à l'instant, sous l'effet de l'adrénaline portée par son sang.

Jugulant sa nervosité comme il le pouvait, Mathieu se recroquevilla contre une des étagères de métal, fixant son regard bleu électrique dans le noir sur l'ampoule, désormais morte, au dessus de leurs têtes.

Au bout d'un moment, Anthéa reprit la parole, concentrée.

- J'ai les plans, annonça-t-elle simplement, sans plus de préambules. Aelita se redressa précipitamment, d'après ce que j'ai pu déterminer, il y a trois sous-sols répartis sur une assez grande surface de couloirs avec seulement quelques pièces fonctionnelles. Le débarra dans lequel vous êtes est au deuxième et, à en juger l'espace nécessaire pour gérer un Supercalculateur quantique, je pense que votre but se situe au troisième, tout au fond. L'idéal serait d'amener les personnes y travaillant vers la zone la plus éloignée possible, au premier, ça nous laisserait du temps.

Aelita, désormais pleinement opérationnelle, se gratta l'arrière de la nuque, ses longues manches pourpres ondulant dans les airs d'une façon peu naturelle, son visage marqué par une intense concentration. Mathieu, étonné, constata au passage que ses doigts semblaient passer au travers de chaque cheveux rose, comme s'ils n'avaient pas d'existence réelle.

- Une diversion, réfléchit l'elfe numérique à haute voix, en faisant chuter la tension dans un endroit important on devrait pouvoir attirer un certain nombre de scientifiques, qui viendraient immédiatement voir où est le problème. Dés qu'ils constateront qu'il y a eu sabotage, la Green Phoenix s'organisera aussitôt pour chercher les intrus dans l'étage en question. D'ici là, on en profitera pour s'infiltrer au troisième sous-sol, en évitant ainsi les gêneurs. Ça irait tu penses ?

Elle s'était adressée à sa mère qui s'accorda un temps de réflexion avant de répondre, consciencieuse.

- Ça pourrait fonctionner mais le timing sera serré pour s'échapper le temps qu'ils arrivent, remarqua-t-elle finalement, il va falloir que l'un d'entre vous reste en retrait pour occuper les hommes de la Green Phoenix et retenir les scientifiques. C'est la seule solution !

Un frisson glacé parcourut Aelita. L'idée de se séparer en terrain ennemi ne l'enchantait guère mais ils n'avaient guère de temps pour réfléchir. A tout instant, un agent de l'organisation pouvait décider d'ouvrir la porte de ce placard et les repérer, faisant tomber leur plan à l'eau. Il fallait prendre sa décision au plus vite !

- Je vais le faire, la rassura Mathieu avec un petit sourire faible, s'attirant un regard surpris de sa part, je ne suis peut-être pas très fort mais en maîtrisant l'électricité je devrais te faire gagner du temps ! Qui plus est, on a besoin de toi pour entrer le programme virus dans l'avatar d'Angel et le relier à notre Supercalculateur. Ta mère a raison, on n'a pas le choix !

- Je n'aime pas ça, répondit Aelita en se mordant la lèvre, incertaine, j'aurais préféré qu'on se lance dans cette mission avec plus de préparation ! Peut-être faire une mission de reconnaissance dans le QG de la Green Phoenix avant de décider d'un plan ?

- On ne peut pas se permettre ce luxe et tu le sais, la reprit sa mère depuis son micro, plus pressante que jamais, la prochaine fois la Green Phoenix pourrait avoir trouvé un moyen de contrer la Translation ! Mieux vaut agir maintenant, tant qu'on le peut. Tu te sens prêt, Mathieu ?

Le jeune homme aux oreilles de lapin inspira profondément avant de répondre.

- Paré, fit-il en entrouvrant de nouveau la porte de leur abri de fortune, guidez-moi Anthéa !

- Très bien, consentit Aelita à contrecœur, résignée, quoique vexée d'être ainsi ignorée, j'attendrai ici que l'alarme se déclenche et, dés que je serais sûre que la voix sera libre, je me rendrai au niveau 3. En espérant qu'on ne se trompe pas ! Bon courage, Mathieu…

Le jeune homme lui adressa un petit signe de tête rassurant qui manquait toutefois de naturel avant de s'élancer dans le couloir, la laissant seule dans la minuscule pièce obscure. Depuis son poste, la jeune fille l'observa s'éloigner, suivant les indications de sa mère à travers son micro.

- Prends la porte de gauche, disait-elle, elle mène au premier niveau. Je te guiderai ensuite jusqu'à la salle du générateur…

Aelita soupira tandis que la conversation s'interrompait en grésillant à ses oreilles. Désormais, il lui fallait attendre, et croire en Mathieu, quoi qu'il arrive. De sa diversion, dépendait la réussite de la mission désormais.


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Jérémie observait les quatre écrans du Supercalculateur d'un œil circonspect, perché en équilibre instable sur le socle de l'ancien appareil de Retour dans le Temps.

Stéphanie, collée à Yumi non loin de sa position, rongeait son frein, tapotant le sol de son pied à intervalles irréguliers, en proie à l'angoisse et à la frustration de ne pouvoir aider ses amis. La japonaise, d'un stoïcisme impeccable en comparaison, restait silencieuse, son visage de porcelaine figé dans une expression des plus neutres. On sentait néanmoins sa peur sous-jacente, suintant dans l'air tel un gaz épais et nocif.

Eva, de son côté, avait refusé de s'approcher, se contentant d'attendre patiemment que la situation évolue depuis son siège de fortune, constitué d'un entremêlement de câbles. On pouvait néanmoins deviner à son regard fuyant qu'elle aussi nourrissait une certaine inquiétude.

Frustré, Jérémie se laissa glisser au sol, histoire de se dégourdir les jambes, son I-pad sous le bras. Anthéa lui accorda à peine un regard, occupée à ânonner des instructions à un Mathieu visiblement à bout de nerf.

- Il y a quelque chose qui me tracasse, fit soudain remarquer tout haut le jeune homme aux lunettes, lissant les plis de sa chemise dans une attitude concentrée, je ne sais pas quoi mais quelque chose me perturbe…

- Moi aussi ! s'exclama aussitôt Stéphanie, n'y tenant plus, se redressant à son tour brusquement, manquant de bousculer Yumi au passage, Anthéa ! C'est trop risqué d'envoyer Mathieu seul dans ce repère truffé d'ennemis pour faire diversion ! Laissez-moi au moins le rejoindre, je serais plus utile sur le terrain à lui prêter main forte qu'à attendre ici que quelque chose de mal se passe !

- Mathieu est tout à fait capable de se débrouiller, répliqua l'informaticienne d'une voix sèche qui ne lui était pas coutumière, je ferai appel à toi si la situation l'exige. En attendant tâche de rester calme, tu perturbes notre concentration…

Profondément offusquée par les paroles de la mère d'Aelita, Stéphanie se rassit aussitôt avec brusquerie, croisant les bras dans une attitude boudeuse, ses yeux violacés lançant des éclairs dans la direction du poste de contrôle. Dans son dos, Eva ne put retenir un rictus. Voir la gothic lolita se faire ainsi remettre à sa place la mettait en joie, elle devait bien le reconnaître. Son attitude de fonceuse lui tapait sur les nerfs.

Jérémie accorda un bref regard froid à l'américaine avant de se focaliser de nouveau sur les écrans, redressant ses lunettes sur son nez aquilin. Il y avait définitivement quelque chose qui attirait son attention dans toute cette histoire, mais quoi ? Il ne parvenait pas à mettre la main dessus…

Discrètement, le jeune homme ralluma sa tablette et entreprit d'y afficher les plans du bunker de la Green Phoenix, à l'insu d'Anthéa, trop occupée à guider Mathieu pour lui prêter attention. Il fallait qu'il vérifie quelque chose.

Faisant défiler la carte jusqu'à obtenir une vue d'ensemble, l'adolescent se figea soudain, les mains moites. Non… C'était impossible, la coïncidence était trop importante ! Anthéa l'avait-elle remarquée ?

Incertain, Jérémie releva la tête dans sa direction mais l'informaticienne paraissait toujours aussi absorbée par la progression du petit point représentant Mathieu sur ses écrans. Le jeune homme aux cheveux blonds ne put retenir un froncement de sourcils. Peu à peu, les rouages s'imbriquaient dans son cerveau. Il avait l'impression d'avoir mis le doigt sur quelque chose d'important mais ne parvenait toujours pas à en discerner une vue d'ensemble. Cette situation était des plus frustrantes ! Il fallait qu'il réagisse.

Faisant mine de se diriger vers Eva comme pour s'enquérir de son état, le jeune homme sortit discrètement de sa poche ses écouteurs-micro qu'il brancha habilement à la prise adaptée à cet effet sur sa tablette.

Discernant son petit manège, l'américaine lui adressa un regard interrogateur mais l'adolescent se contenta de la faire taire d'un geste rapide, roulant des pupilles vers Anthéa en arrière-plan. Eva en eut l'air franchement déconcertée mais conserva néanmoins le silence, laissant Jérémie sélectionner l'icône d'Aelita sur son écran. Elle se rapprocha néanmoins d'un demi-centimètre, intriguée.

- Aelita… ? murmura le petit génie en couvrant sa main derrière sa bouche. De là où il se trouvait, sa voix ne portait pas jusqu'au poste de contrôle, j'ai à te parler une minute…

- Jérémie ? s'étonna la voix de l'élue de son cœur. Les accents de froideur et de surprise se mêlaient dans son ton, qu'est-ce que tu veux ?

L'adolescent baissa encore la voix, lançant des coups d'œil rapide derrière lui. Anthéa ne semblait pas avoir remarqué son petit manège.

- Il y a quelque chose de bizarre, commenta-t-il, concernant l'endroit où vous vous trouvez je veux dire… J'ai lancé mes propres recherches et il se trouve que c'est juste à côté de l'établissement pour surdoués que j'avais intégré en cours d'année ! Ça me parait un peu trop gros pour être vrai, si tu vois ce que je veux dire… Je ne pense pas que ta mère ait pu rater un tel détail !

Un silence lui répondit. Eva, plus intéressée que jamais, semblait pendue à ses lèvres depuis sa place.

- Tu penses qu'il y a un lien ? finit par répondre l'elfe virtuelle, concentrée, mais lequel ?

Impuissant, Jérémie secoua la tête, agacé.

- Je n'en sais rien, concéda-t-il d'un ton frustré, mais ce n'est pas tout… Écoute Aelita, méfie-toi de ta mère ! Je ne sais pas ce qu'elle manigance mais il y a quelque chose de pas net dans toute cette mission… Elle vient de crier sérieusement après Stéphanie pour pas grand-chose et je trouve aussi qu'envoyer Mathieu seul pour faire diversion, ça relève du suicide ! Il y a quelque chose de louche…

- Qu'est-ce que tu insinues ? commenta froidement la jeune fille depuis son micro. On aurait presque pu sentir la température chuter de plusieurs degrés.

Eva tendait l'oreille, comme pour saisir les nuances cachées de leur conversation. Jérémie soupira.

- Ce que je veux dire, c'est que ta mère a travaillé pour la Green Phoenix pendant un moment… Et si elle avait un autre but que le notre ? Et si…

- N'en dis pas plus Jérémie ! l'interrompit brusquement Aelita. Dans sa voix, perçait désormais des accents de colère, ma mère n'est plus Memory ! Elle tient autant à en finir avec la Green Phoenix que nous, alors tu ferrais bien de lui faire confiance ! Je coupe la communication.

Et, avant même que l'informaticien ait pu ajouter quoi que ce fut, l'icône d'Aelita se refermait sur son écran, l'empêchant de poursuivre. De frustration, Jérémie décocha un violent coup de pied dans le tas de câbles sur lequel Eva était assise, la surprenant sur le coup. Fort heureusement, le bruit fut étouffé et Anthéa ne s'en formalisa pas.

De dépit, le jeune homme se laissa tomber aux côtés de l'américaine, qui lui adressa un petit regard désolé. Comment pouvait-il parvenir à convaincre son entêtée d'ex-petite amie qu'il y avait bien là quelque chose d'étrange ?

- Hum, Jérémie ? finit par lâcher Eva après un long moment de silence frustré, il faut que je te dise quelque chose que nous a raconté Aelita au sujet de sa mère… C'est en lien avec la mort de Madame Hertz et je pense que ça pourrait t'aider.

Haussant un sourcil surpris, le jeune homme se rapprocha néanmoins, interpellé. Alors, tout doucement, d'une voix sourde, la petite-amie d'Odd commença à lui raconter au creux de l'oreille la conversation qu'Aelita avait surprise entre sa mère et l'ancienne enseignante, des mois auparavant, alors que Jérémie était à des kilomètres de distance, dans son ancien lycée.


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Mathieu courrait à perdre haleine à travers les interminables couloirs du QG de la Green Phoenix. C'était une sensation étrange que de courir sous cette forme de spectre électrique : il ne ressentait en aucun cas l'épuisement et ses sens, comme brouillés, lui faisait se sentir bien plus léger qu'il ne l'était d'ordinaire. Il ne ressentait, de fait, aucune sensation dans ses pieds à chaque enjambée. Rien de plus qu'un vague fourmillement ébranlant sa structure au contact du sol, preuve de l'instabilité de son enveloppe physique. Il allait lui falloir rejoindre la salle du générateur du complexe le plus rapidement possible !

Une appréhension sourde battant contre ses tempes, il acheva de gravir les marches d'un long escalier d'un noir laqué avant de déboucher dans un énième couloir, désert lui aussi, comme tous ceux qu'il avait croisés jusqu'à présent. Il en profita pour faire une pause de quelques secondes, appliquant ses sphères métalliques contre les néons incrustés dans les murs. Ceux-ci clignotèrent brièvement à mesure qu'il en absorbait l'énergie, rechargeant peu à peu ses batteries. Il allait avoir besoin de munitions s'il devait faire face aux agents de la Green Phoenix.

- C'est curieux quand même… murmura-t-il plus pour lui-même que pour Anthéa, cédant à la nervosité, pas un seul garde, rien ! Comment est-ce que c'est possible ?

- Il ne faut pas oublier que la Green Phoenix a été démantelée une fois, répondit l'informaticienne pour le rassurer, le personnel doit être bien réduit et concentré dans les étages relatifs à la gestion du Supercalculateur. Par conséquent, tu ne devrais pas risquer grand-chose jusqu'à présent.

Retrouvant soudain son ton autoritaire, la mère d'Aelita changea brusquement de sujet, inquiète :

- Mieux vaut ne pas trainer pour autant, la porte du générateur devrait être dans ce couloir, juste en face de toi… A toi de jouer pour causer un maximum de dégâts ! Je te rappelle au passage que, si ton corps est artificiel et ne risque donc aucune blessure, tu disposes néanmoins d'un certain niveau de vulnérabilité. Une fois ta structure suffisamment endommagée, c'est retour direct dans le Hopper pour toi, alors essaye de tenir le plus longtemps possible !

Dépité, le jeune homme inspira profondément pour se donner du courage. Il pouvait sentir ses jambes trembler légèrement à l'idée de se lancer dans le combat. La situation était très différente de sur Lyokô, ou même sur Endo. Ce n'était pas des monstres grotesques qu'il allait devoir affronter mais des êtres humains en chair et en os ! D'un seul coup, la réalité de la situation le submergeait. La porte se dessinant au bout du couloir –son objectif- lui apparaissait désormais comme horriblement menaçante.

Néanmoins, il se força malgré tout à avancer de nouveau, le visage plissé par la concentration et les efforts qu'il devait produire pour juguler sa peur. Une seule chose le faisait avancer désormais : la perspective de pouvoir peut-être enfin revoir, au terme de cette journée, le regard de soleil liquide d'Angel en face. Plus il franchissait les mètres, et plus un vrombissement sourd de machinerie lui parvenait. Anthéa ne s'était pas trompée : le générateur du bâtiment souterrain était bel et bien dans cette pièce.

- La porte est verrouillée par un dispositif numérique, souffla-t-il entre ses dents en arrivant face au haut panneau de métal coulissant, il y a une espèce d'interface qui doit fonctionner avec une carte magnétique…

En effet, les contours d'un panneau de commande, barré d'une encoche longiligne, se dessinaient sur le mur aux côtés de la haute porte, hermétiquement verrouillée. Un minuscule écran luminescent à sa surface projetait sa lueur blafarde sur le couloir.

Avec toute la discrétion dont il était capable, Mathieu se pencha en avant et colla son oreille contre le battant, retenant son souffle. Des voix diffuses lui parvinrent et il eut la soudaine impression que son cœur se serrait arrêté s'il s'était trouvé à sa place habituelle. Il y avait du monde à l'intérieur. Il allait devoir se battre ! Plus question de faire machine arrière désormais.

Alarmé, il fit un pas en arrière mais les mystérieux individus à l'intérieur ne semblaient pas avoir remarqué sa présence, probablement trop occupés à prendre soin des machines.

- Comment est-ce que je rentre ? s'enquit-il auprès d'Anthéa sans oser trop hausser le ton, de peur de se faire repérer.

Tout en parlant, il jetait des regards nerveux en arrière, afin de s'assurer qu'aucun agent n'allait surgir au coin du couloir, lui barrant toute retraite.

- Essaye d'aspirer l'énergie du panneau de contrôle avec tes armes, lui conseilla l'informaticienne d'un ton horriblement détendu qui sonnait étrangement dans l'atmosphère oppressante de ces souterrains glacés et sombres, les procédures d'urgence devraient enclencher l'ouverture automatique des portes si je ne me trompe pas… Bonne chance !

Mathieu soupira, résigné. De la chance, il allait en avoir besoin.

Reculant encore d'un pas, il leva une main tremblante vers le petit panneau aux contours illuminés, inspirant et expirant profondément sous l'effet de l'angoisse. Il fallait qu'il se ressaisisse impérativement, il n'avait pas droit à l'erreur !

Soudain, son bras se raffermit et la sphère à son poignet se mit à luire de concert avec son regard, déterminé. Il était temps de prouver que lui aussi pouvait être utile.

Dans un grésillement, une gerbe d'éclairs jaillit de l'appareillage dont l'écran grésilla un instant avant de s'éteindre définitivement dans un chuintement de fin du monde, tandis que son arme avalait goulûment jusqu'à l'ultime étincelle d'énergie.

Presque aussitôt, un grincement retentit et le sas se mit à coulisser sur lui-même, libérant une pièce haute de plafond et brillamment éclairée, occupée en grand majorité par de hautes machines à demi-rouillées et vrombissantes, dont le vacarme se répercuta brusquement avec plus d'intensité que jamais contre les murs du couloir.

Deux hommes, vêtus d'une blouse noire ornementé d'un symbole en forme d'oiseau vert que Mathieu ne reconnaissait que trop bien, fixaient l'ouverture nouvellement formée d'un air ahuri, visiblement stupéfaits face à l'apparition incongrue de ce jeune homme au costume de lapin face à eux.

- R-Rejet ! s'exclama Mathieu sous l'effet de la panique, pointant ses deux bras droit devant lui.

Avant même que les ingénieurs, trop surpris, n'aient pu réagir, un jet d'éclair jaillit brusquement de ses sphères métalliques pour venir les frapper de plein fouet. Le plus mince fut littéralement projeté en arrière, s'écrasant droit sur ce qui ressemblait à un centre de commande, tandis que le second, plus corpulent, convulsa un instant sur place, les yeux révulsés, avant de s'effondrer au sol, inerte.

Horrifié, Mathieu se précipita dans leur direction, tremblant de tous ses membres. Un silence de mort semblait régner sur la pièce, malgré le vacarme des machines autour de lui. En proie à la plus grand panique, le jeune homme entreprit de tâter le pouls de l'employé de la Green Phoenix le plus proche. Les avaient-ils… ? Il préférait ne pas y songer tant cette simple pensée lui donnait la nausée. Maintenant qu'il se trouvait face à eux, ses ennemis lui apparaissaient comme horriblement ordinaires. Comment pouvait-il se permettre de leur infliger un tel sort ?

Un soupir de soulagement lui échappa lorsqu'enfin, lorsque ses tremblements se furent un peu atténués, il parvint à capter la faible pulsation au niveau du cou de sa victime. Ils étaient bels et bien vivants ! Une immense vague de chaleur le parcourut et il sentit ses forces et son courage le regagner peu à peu. Si ses jets d'éclairs n'étaient pas mortels mais suffisaient à assommer ses adversaires, alors il pouvait s'en donner à cœur joie !

Alors qu'il se redressait, rassuré, un bruit de métal dans son dos attira son attention, suivit d'un faible grésillement. Alarmé, il fit aussitôt volte-face pour se retrouver face à une femme visiblement terrorisée, recroquevillée contre le mur du fond, ses cheveux noirs et rêches trempés de sueur froide collant à son front. Elle serrait fermant entre ses mains un talkie-walkie, au point que ses jointures semblaient sur le point de céder.

- Alerte en salle du générateur, niveau 1 ! s'égosilla-t-elle à travers l'appareil, d'un ton étonnement ferme contrastant avec son aspect terrifié, demande d'envois de renforts immédiat ! Je répète, demande…

Elle n'eut jamais le temps de finir sa phrase. D'un geste vif, Mathieu lui décocha à son tour un éclair qui l'envoya aussitôt au tapis, inconsciente. Pour faire bonne mesure, il foudroya également l'appareil de communication tombé au sol, le faisant exploser sur le coup, mais il était trop tard. L'appel était passé… Tant mieux ! C'était là l'effet recherché après tout !

- Anthéa, ça commence à chauffer par ici, énonça le jeune homme d'une voix tendue tandis que, déjà à l'autre bout du couloir, un bruit de pas de course se faisait entendre, se rapprochant dangereusement, prévenez Aelita qu'elle va bientôt pouvoir y aller !

Puis, sans attendre de réponse, le Lyokô-guerriers leva brusquement les bras en l'air, tel un ange tout puissant, et laissa le pouvoir de son nouveau corps agir. Presque aussitôt, ses armes s'illuminèrent d'une lueur aveuglante et l'énergie fusa des machines l'environnant dans un grésillement infernal, saturant l'air en électricité, le gorgeant de puissance. Les lumières faiblirent autours de lui, clignotant jusqu'à en faire exploser les lampes, le plongeant dans l'obscurité. Il n'y prêta aucune intention, des coups de feu commençaient déjà à retentir dans sa direction, rebondissant maladroitement contre le métal des machines.

Lentement, les lumières de secours prirent le relais, nimbant la pièce dans une lueur rougeâtre et malsaine.

- C'est parti, souffla-t-il tandis que les silhouettes d'agents de terrain, cintrés dans leurs costumes impeccables étaient désormais clairement discernables à travers le couloir, se précipitant dans sa direction comme un seul homme, arme brandie.

Et, sans réfléchir plus avant, il déchargea ses foudres droit sur ses assaillants, illuminant le souterrain d'un blanc aveuglant. Cette fois-ci, il jouait le tout pour le tout !

« Alerte, intrusion dans le niveau 1, évacuation immédiate, je répète, évacuation immédiate ! » clamait désormais en boucle une voix mécanique à travers des haut-parleurs invisibles.

Un rictus étira les lèvres de Mathieu qui ne faiblit pas pour autant, redoublant d'effort dans ses assauts. Il avait réussi, restait à voir combien de temps il pourrait tenir désormais !


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Ulrich reprit pied lestement sur le sol bicolore du planétoïde du 5ème territoire d'Endo. William, déséquilibré par sa large épée, eut un peu plus de mal à se réceptionner mais parvint néanmoins à garder contenance. Déjà le Transporteur, ornementé du symbole d'Angel, disparaissait à travers le plafond dévoré par les branches de corail irisées.

- Dépêchons-nous ! intima Ulrich en pointant du doigt la haute ouverte sombre en face d'eux, j'ai peur que la Green Phoenix ne nous laisse guère de temps avant d'accéder au téléporteur !

William ne se fit pas prier et, prenant de l'avance sur le samouraï, se rua à toute allure à travers le passage, bien vite talonné par son partenaire. Tous deux se laissèrent happé par le rayon de lumière projeté par le socle au terme de leur course effrénée et, l'instant d'après, se repixelisaient, entiers, dans un nouveau haut couloir, constitué de cubes d'un blanc miroitant, légèrement agressif. Ulrich en profita pour se détendre légèrement, sans baisser sa garde pour autant.

- Ça y est, on est à l'intérieur du 5ème Territoire, affirma le guerrier bicolore à l'adresse d'Anthéa, reprenant son souffle, je suppose qu'il y a une clef à désactiver, comme pour Lyokô ?

- Exact, approuva l'informaticienne depuis son poste, vous avez trois minutes à compter de maintenant ! Si mes prévisions sont exactes, le chaos causé par Mathieu du côté de la Green Phoenix devrait vous épargner les rencontres déplaisantes, mais restez vigilants.

- Comment ça se présente de leur côté ? s'enquit Ulrich tout en avançant aux côtés de William jusqu'à une nouvelle ouverture se dessinant face à eux.

- Bien pour l'instant, le rassura Anthéa d'un ton doux, je n'ai pas de nouvelles de Mathieu mais il n'est toujours pas de retour dans le Hopper, ça signifie qu'il tient bon. Quant à Aelita, elle est déjà en route pour la supposée salle de contrôle du Supercalculateur. A vous de jouer vôtre rôle maintenant.

Obéissant, le samouraï virtuel baissa la tête afin de franchir l'ouverture à la suite de son partenaire avant de cligner légèrement des yeux, scrutant la salle dans laquelle ils venaient de déboucher d'un regard chocolat circonspect.

- C'était trop beau pour durer, siffla-t-il entre ses dents, dépité.

En effet, face à eux, à la surface des hauts murs d'un blanc nacré les encerclant, s'étendaient des centaines d'interrupteur, tous identiques en forme les uns aux autres, imitant la forme du symbole d'Angel. Certains étaient d'une taille ridiculement petite, d'autres, au contraire, aux proportions démesurés, étaient accrochés si haut qu'il était impossible de les atteindre par la voie normale. Certains allaient même jusqu'à dépasser sur le plafond, semblant narguer les deux adolescents comme autant de paires d'yeux globuleux et moqueurs.

Ulrich retint un juron.

- Anthéa, ça craint ! fit-il, il y a des centaines de Clefs par ici ! Sûrement des leurres… Comment parvenir à distinguer la vraie ?

Pendant qu'il discourait, William s'était discrètement glissé jusqu'à l'interrupteur le plus proche, le dévisageant avec attention. De taille et de proportion moyenne, il paraissait relativement inoffensif.

- On a qu'à tous les tester, on verra bien ! finit-il par conclure avant de presser brusquement le bouton, sans attendre de réponse de son partenaire.

Ulrich, horrifié, regarda la Clef s'enfoncer dans son mur sans pouvoir intervenir, tandis qu'un brusque signal d'alarme résonnait à travers toute la pièce, leur vrillant les tympans.

Presque instantanément, des dizaines d'ouvertures coulissèrent un peu partout sur les parois, libérant de grandes niches à l'intérieur desquelles luisait l'unique œil rouge et malveillant de Rampants. Ulrich émit un glapissement de frayeur tandis qu'autant de lasers convergeaient d'un seul coup vers William qui, abasourdi, ne semblait guère avoir la présence d'esprit de réagir.

Réagissant au quart de tour, Ulrich porta la main à la poignée de son arme et l'extirpa de son fourreau dans un crissement métallique.

- Supersprint ! Hurla-t-il.

Presque aussitôt, une traînée de lumière verte jaillit de sa silhouette et il fut propulser en avant à toute allure, juste à temps pour s'interposer entre William et les lasers, les envoyant tous valser d'un habile revers de lame.

- Ton Monosmoke, vite ! s'époumona-t-il tandis que les Rampants, depuis leur cache respective, se préparaient à un nouvel assaut.

William, qui peinait à extraire sa propre épée, empêtré dans ses sangles, réagit juste à temps, levant les bras au ciel pour déclencher l'épais nuage de fumée grise quelques secondes à peine avant qu'une seconde salve de tirs ne leur pleuve dessus.

Lorsque la vapeur obscure se fut dissiper, le calme était revenu sur la pièce, et les Rampants avaient de nouveau disparu à l'intérieur de leur paroi, attendant silencieusement une nouvelle erreur de la part des deux Lyokô-guerriers.

Tendu, Ulrich attendit quelques secondes avant de rabaisser son nouveau katana, la respiration sifflante. William s'attarda un instant sur sa forme. La lame était plus courte que les anciens sabres de son rival et était désormais séparée en deux parties : une noire, qui s'était illuminée de vert au moment de renvoyer les lasers, servant à parer, et une tranchante d'une blanc métallique étincelante. La poignée, d'une longueur étonnante, était terminée par une sorte de cordon décoratif. Elle ressemblait plus à une arme véritable que les espèces de simulacres de lames que possédait autrefois le samouraï, dommage qu'il ne lui en restait plus qu'une seule sur deux désormais…

Alors qu'il s'apprêtait à le remercier, William eut soudain la surprise de voir le katana fuser dans sa direction pour s'arrêter à quelques millimètres à peine de sa gorge, le faisant sursauter. Ulrich, à l'autre bout, paraissait plus énervé que jamais.

- Je peux savoir ce qui t'a pris !? tempêta-t-il, tu te rends compte de comment ça aurait pu se terminer à cause de toi !? Imagine si on avait été dévirtualisés ! Qui auraient pu s'occuper d'Angel après, hein !? Tu es stupide où tu le fais exprès ?

- Je ne pouvais quand même pas savoir que les interrupteurs piégés faisaient venir des monstres ! se défendit le guerrier bicolore avec hargne, repoussant la lame d'un coup de coude, et puis on est encore là, non ? A quoi ça sert de me gueuler dessus… ?

Éberlué, Ulrich cligna des yeux un bref instant avant de soupirer, rengainant son arme d'un geste précis.

- Je te signale simplement que la dernière fois, c'est exactement comme ça que tu as fini sous l'emprise de XANA pendant des mois : en faisant preuve d'imprudence, fit-il d'un ton froid, je ne tiens pas à ce qu'on te perdre une nouvelle fois, rien de plus… Tâche de t'en souvenir !

L'argument désarçonna tellement William qu'il ne trouva rien à répondre. Pour un peu, il aurait presque pu croire qu'Ulrich, qui n'avait jamais pu le supporter à l'époque du collège, s'était fait du souci pour lui… Toujours était-il qu'il y avait du vrai dans ses paroles : il avait agi sans réfléchir.

- Je suis désolé, murmura-t-il d'une voix à peine audible.

Parvenant enfin à extraire sa large épée de ses sangles, au cas où, le jeune homme aux cheveux sombres se retourna vers le plafond, haussant la voix à l'adresse de leur meneuse.

- Et concernant ces Clefs sinon, vous avez une idée, Anthéa ?

- Pendant que vous faisiez les idiots, je travaillais de mon côté figurez-vous, railla-t-elle, accentuant le sentiment de culpabilité de William, cette salle doit être une version par défaut que la Green Phoenix met en place pour freiner d'éventuels intrus quand ils ne peuvent pas s'occuper eux-mêmes des monstres ou du labyrinthe…

Elle s'éclaircit brièvement la voix avant de poursuivre :

- Quoi qu'il en soit, je pense avoir repérer la Clef authentique : c'est la cinquième du mur de droite au dessus d'Ulrich. La seule à ne pas être reliée au même mécanisme que les autres…

- Essayons toujours, grimaça le samouraï virtuel en se dirigeant vers l'interrupteur indiqué par la mère d'Aelita.

Activant de nouveau son nouveau Supersprint vert, il se laissa propulser dans les airs jusqu'à atteindre le niveau souhaiter et enfonça le bouton dans le mur d'un coup sec de la main.

Celui-ci s'enfonça sur lui-même en chuintant et les deux adolescents se crispèrent, prêts à en découdre mais, cette fois, aucune alarme ne retentit et, à la place, une nouvelle ouverture coulissa dans le mur du fond, leur libérant le passage. William ne put retenir un soupir de soulagement.

- On y va, enjoignit Ulrich en s'élançant vers la porte baignée de lumière, toute trace de rancœur disparue de son visage. Il était pleinement de retour dans la mission.

Se reprenant à son tour, le jeune homme lui emboîta le pas et, bien vite, les deux jeunes gens débouchèrent dans la vaste salle centrale habituelle, abritant la pièce noyau, alias, la prison d'Angel. Cette fois-ci, la passerelle était directement levée, comme pour les inviter à entrer.

Ulrich eut un grognement dubitatif, tout cela était bien trop facile. Tout d'abord, cette salle labyrinthique aux pièges grotesques qu'Anthéa n'avait eu aucun mal à défaire, maintenant cette invitation… Son instinct lui dictait de se méfier. La Green Phoenix avait confiance en ce qu'elle faisait et ce n'était pas pour rien qu'elle leur mâchait ainsi le travail ! Il s'agissait de faire preuve de prudence, même si pour l'instant, leur seul alternative était de continuer à avancer.

D'un pas assuré, le samouraï fut le premier à s'engager sur la plateforme, dégainant son arme au passage dans un éclair de lumière verte. William le suivait à bonne distance, méfiant, ses yeux scrutant chaque recoin de la salle avec attention. A peine eurent-ils atteints le palier de la sphère centrale qu'un grincement sourd se faisait entendre. L'instant d'après, la passerelle avait disparue dans la paroi d'en face, les coupant du reste du territoire. William déglutit tandis qu'Ulrich, affichant un haussement d'épaules résigné, poursuivait sa route dans les ténèbres de l'étroit couloir.

Enfin, les deux adolescents débouchèrent dans la Salle du Cœur, nimbée, comme à son habitude, des lueurs dansantes de la silhouette humanoïde informe emprisonnée entre les racines de la Tour noire.

William se sentit pris de vertiges face à ce spectacle. C'était sa première visite sur Endo et plus particulièrement dans cette partie si profonde, aussi la sensation malsaine qui émanait de cette salle recluse et confinée agissait-elle doublement sur ses nerfs. Serrant les dents, il tint son épée emprisonnée dans sa gangue végétale prête.

Ulrich, aux aguets, attendit patiemment, son regard perçant fixé sur la paroi de la Tour unique du territoire. Un silence pesant les enveloppait, les faisant suffoquer. Les minutes s'écoulèrent, interminables.

Et puis, soudain, dans un faible miroitement bleuté, la surface du haut édifice se rida et le corps d'Angel s'en extirpa avec grâce, déployant son aile unique non sans une certaine volupté, sa faux à lame dorée pendant négligemment au bout de son bras musclé.

Les yeux clos, il semblait avancer lentement en suivant les directives d'une quelconque entité, attendant patiemment que ses visiteurs fassent le premier pas pour enfin éveiller sa toute puissance.

- Tu es prêt, William ? s'enquit Ulrich du coin des dents, ses pieds campés sur le sol, prêt à bondir.

Le jeune homme répondit par l'affirmative, déterminé. Il s'agissait là du signal qu'Angel attendait.

Brusquement, ses paupières s'ouvrirent, libérant l'éclat d'or de ses prunelles dépourvues de sentiments et, sans crier gare, il se mit à plonger à toute allure vers les deux adolescents, sa faux gigantesque prête à frapper.

Son ultime combat venait de commencer.


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Aelita évoluait à travers un réseau de couloirs de plus en plus étroits et sombres. L'ensemble de l'installation semblait souffrir du court-circuit qu'avait engendré Mathieu et seules quelques rares loupiotes rouges venaient rompre la noirceur du paysage, baignant la jeune fille de leur lueur sanguine en clignotant au rythme de l'alarme qui ne cessait de retentir au dessus de sa tête.

Grimaçant face au froid, de plus en plus mordant, l'adolescente se campa face à une énième porte verrouillée et se concentra momentanément, la paume levée. Aussitôt, l'aiguille de la sorte de boussole de cristal sur sa main se mit à tourner lentement et chaque atome de son corps d'électricité sembla vibrer à l'unisson, produisant un son harmonieux très proche de celui de son chant de création sur Lyokô.

Il y eut un petit déclic et, l'instant d'après, le battant se déverrouillait, coulissant pour lui laisser le champ libre.

Elle cligna des yeux. Pour la première fois depuis qu'elle avait quitté son abris de fortune, après avoir entendu un certain nombre de pas défiler à toute allure devant elle, ce n'était pas un couloir qui s'offrait à elle mais bel et bien une vaste pièce, contenant pour unique mobilier un bureau d'apparence soignée et une chaise confortable. La salle semblait avoir été épargnée par la coupure de courant généralisée et une vive lueur provenait des néons du plafond, aveuglant en parti la jeune fille.

S'avançant à l'intérieur, elle sentit brusquement comme un mouvement sur les côtés et réagit au quart de tour, pointant les paumes de ses mains droit dans la direction du bruit.

- Champ de Force ! s'écria-t-elle tandis que l'aiguille de ses armes prenait place sur le premier cadran.

Presque aussitôt, une sphère d'énergie électrique rouge jaillit de ses doigts tendus et vint frapper les deux gardes qui s'écroulèrent sur le coup, sonnés, sans avoir eu le temps de se servir de leurs armes, qui tombèrent au sol dans un fracas métallique. Ils ne s'étaient pas attendus à sa visite de toute évidence, trop focalisé sur le chaos aux étages supérieures pour penser être attaqués.

« Au moins je me rapproche de mon objectif, songea l'elfe rose en se dirigeant vers le fond de la pièce, curieuse, on ne laisse pas des gardes en place s'il n'y a rien à protéger ! »

De l'autre côté du bureau, une large baie vitrée laissait voir l'intérieur d'une salle obscure, apparemment vide. En se penchant, Aelita parvint à distinguer plusieurs box, sur lesquels un ordinateur trônait, allumé. Les occupants avait du s'enfuir avec précipitation, laissant leur espace de travail en marche, sûrement en raison de l'ordre d'évacuation qui avait résonné un instant auparavant. Mais ce n'était là qu'une salle de gestion auxiliaire, pas ce que recherchait la jeune fille.

Se désintéressant de l'open-space, Aelita fit face aux deux gardes inertes au sol, cintré dans leur costume impeccable aux couleurs de la Green Phoenix. Ils étaient allongés devant une seconde porte, plus petite que celle d'où provenait Aelita… Cela ne pouvait être que ça !

- Bingo, souffla-t-elle, une nuance de triomphe dans la voix.

Levant la paume de la main négligemment, elle usa du même pouvoir que précédemment pour déverrouiller le battant qui céda avec une étonnante facilité, libérant un ultime couloir au terme duquel brillait une lumière douce et froide. Son but était à portée de main !

Sentant son pouls artificiel s'accélérer sous l'effet de la tension, la jeune fille pressa le pas et franchit rapidement les quelques mètres restant, débouchant dans la nouvelle salle, si haute que le plafond, plongé dans les ténèbres, était invisible. Elle retint son souffle.

Devant elle, se dressait désormais un gigantesque poste de commande. Autours d'un écran central sur lequel s'affichaient données après données, des dizaines d'ordinateurs projetaient leur lueurs blafardes sur le sol de pierre délavé, entre les câbles mis à nus et les chaises de bureaux réservés aux employés.

Face à l'un des murs, deux grands caissons horizontaux translucides dans lesquels baignait un mystérieux liquides pulsaient d'une douce lumière bleue. Aelita s'en approcha d'un pas prudent, prenant bien garde à ne pas se laisser surprendre par un éventuel homme de main embusqué. Mais non, elle était seule. La pièce était bel et bien vide.

Promenant sa main à la surface de l'un des caissons, la jeune fille sentit sa surface vibrer doucement. Il n'y avait aucun doute qu'il s'agissait là de la version des scanners de la Green Phoenix. Si leur aspect témoignait de l'écart de niveau évident avec le système mis au point par son père, elle devait admettre être impressionnée par la technologie mise en œuvre autour de cet appareillage.

- Ils sont plus forts que je ne le pensais, reconnut l'adolescente à contrecœur.

Cette découverte l'inquiétait plus qu'elle ne voulait bien l'admettre.

Se désintéressant des prototypes de scanners, l'elfe numérique fit volte-face vers le poste de commande, se dirigeant d'un air afféré vers les écrans. De ce qu'elle pouvait voir, chacun avait sa spécificité. Certains géraient le bon maintien des territoires, tandis que d'autres permettait la création de monstres. Mais l'interface qui l'intéressait était la centrale, qui semblait régir l'ensemble de l'installation, à en juger sa taille et son positionnement.

Faisant face au gigantesque écran tactile, la jeune fille y apposa son doigt et aussitôt une série de fenêtres s'affichèrent, qu'elle s'empressa de détailler du regard. Un sourire triomphant étira ses lèvres. Oui, c'était bel et bien là ! Tournoyant en haut de l'écran, se trouvait la silhouette translucide d'Angel, les bras en croix, gérée par une carte similaire à celle de leurs propres avatars à l'usine.

- J'y suis maman, annonça-t-elle en portant un doigt à ses oreilles d'elfe, surexcitée, je me lance dans la modification du programme immédiatement, transmets-moi les données !

D'un geste rapide, elle fit pivoter la fenêtre qui l'intéressait sur le devant de l'écran et ouvrit un clavier numérique sur lequel ses doigts se mirent à courir avec frénésie, happant les touches si vite qu'elles avaient à peine le temps de s'illuminer avant qu'une autre ne prenne le relais. Très vite, un nombre impressionnant de lignes de code se mit à défiler devant ses yeux mais cela ne la fit pas ralentir. Elle n'avait pas le droit à l'erreur. Dans cette salle obscure perdue dans les profondeurs de la terre, chaque seconde comptait pour Angel !

Plongée dans sa concentration, elle n'entendit pas le froissement d'étoffe se faufilant adroitement dans son dos.

Alors qu'elle était en plein milieu d'un calcul particulièrement complexe, l'écran grésilla brusquement avant de s'éteindre, sous ses yeux horrifiés.

- Non… murmura-t-elle avant de soudain hausser le ton, éperdue, non ! Ce n'est pas possible, qu'est-ce qui se passe !? Pas maintenant…

- Je pense que je suis probablement la responsable.

La voix de femme glaciale dans son dos la figea sur place. D'un geste vif, elle fit volte face, prête à propulser ses Champs de Force sur l'intruse, avant de s'interrompre net, ses grands yeux verts écarquillés de stupeur.

Face à elle, se dressait une copie conforme de sa propre personne, un sourire cruel étirant ses fines lèvres pâles, un câble d'alimentation débranché dans ses mains délicates.

- Aelita je présume ? lâcha l'apparition en laissant tomber sa prise qui vint rebondir contre le sol dans un bruit sourd, résonnant longtemps à travers l'immense salle déserte, c'est un plaisir de te rencontrer enfin.

La jeune fille resta muette, pétrifiée, tandis que son double s'affairait à lisser les pans de sa blouse noire, agrémenté du symbole vert de la Green Phoenix.

- J'ai toujours su que le jour de notre rencontre finirait par venir, bien que je ne m'attendais pas à faire ta connaissance dans un attirail aussi… étrange, poursuivit la femme de la même voix froide, si similaire à celle d'Aelita et en même temps si différente, comme si toute trace de candeur s'en était évaporée à un moment donné, sans se soucier de l'évidente stupéfaction de sa vis-à-vis. En réalité, la situation avait plutôt l'air de l'amuser.

- Qui êtes-vous… ? parvint enfin à murmurer l'elfe aux cheveux roses, surmontant sa stupeur première.

La jeune femme lui répondit avec un simple sourire, empli de mystère. Son visage, pourtant, semblait toujours figé dans ce même masque de froideur si éloigné de la douceur d'Aelita.

- Moi ? répondit-elle avec un petit rire glacé, mais je suis Scarlet bien sûr… L'actuelle dirigeante de la Green Phoenix. Celle qui l'a fait renaître de ses cendres pour mener enfin Lyokô à sa perte.

Constatant que son interlocutrice ne saisissait toujours pas, la jeune fille au port altier se fendit d'un soupir avant de brusquement se décider à franchir les quelques pas la séparant de son double, ses hauts talons d'un noir de jais claquant contre le sol de pierre avec intensité.

- Allons, ne me dis pas que tu n'as toujours pas compris, sourit-elle à nouveau, en caressant du bout des doigts le visage en forme de cœur, si similaire au sien, de la jeune fille, pétrifiée, c'est pourtant si évident… Je suis ta sœur, Aelita.


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Odd, assis à califourchon sur son Overboard, ses queues pendant négligemment au dessus de la Mer Numérique d'un bleu profond, se tenait la tête entre les mains, l'air de s'ennuyer profondément. Tout était si calme sur Endo, c'en était presque trop beau pour être vrai.

Cela faisait de longues minutes que les autres étaient chacun partis de leur côté afin d'accomplir leur mission respective, le laissant seul à se tourner les pouces pour la garde du Hopper.

Soupirant légèrement, le nekomata noir et violet tourna la tête vers l'imposant vaisseau, flottant à quelques mètres de lui, projetant son ombre gigantesque sur la Tour qu'il parasitait. Les particules roses continuaient d'aller et venir entre sa base et le halo vert, assurant le bon fonctionnement de la Translation.

Jouant avec l'un de ses Catguns, le jeune homme ne put s'empêcher d'afficher un air préoccupé. Il n'avait plus de nouvelles de Mathieu depuis longtemps désormais. Était-il sain et sauf de l'autre côté, à jouer les appâts pour la Green Phoenix ? Rien n'était mon sûr… Pourquoi ne pouvait-il pas être à ses côtés afin de le protéger, comme il l'avait toujours fait ? La tension lui usait les nerfs, il avait besoin de se dégourdir les pattes !

Alors que, perdu dans ses sombres pensées, Odd se retournait vers l'immense ville renversée s'étendant sur le plateau au dessus de sa tête, un long cri rauque et strident résonna soudain dans les airs, glaçant son sang numérique.

Se redressant d'un bond, il dégaina lestement son second pistolet en forme de tête de chat, sur le qui-vive, tous ses sens en alerte. Il avait distinctement entendu le cri d'un monstre à l'instant… S'agissait-il d'un éclaireur solitaire ou d'une simple patrouille ? Il ne pouvait l'affirmer mais il lui fallait assurer son rôle et se tenir prêt.

Pendant de longues secondes, aucun autre bruit ne vint perturber la quiétude du territoire et Odd commença légèrement à se détendre. Puis, brusquement, il y eut comme un craquement et le jeune homme eut tout juste le temps de propulser son Overboard à bâbord avant qu'un pan entier du plateau supérieur ne s'effondre sur lui-même, laissant passer un véritable bombardement de lasers rouges dans une traînée de pixel.

Ébloui par la lumière du ciel, brusquement libéré, Odd plissa les yeux, prêt à riposter face à ses opposants. Il eut soudain le souffle coupé, horrifié.

A travers l'ouverture c'était des dizaines de Mantas et de Frôlions qui s'engouffraient désormais, fonçant sur lui tantôt en ondulant, tantôt en vrombissant, prêts à faire feu. Deux gigantesques Krabes, cintrés dans leur cuirasse rougeâtre, s'infiltraient dors et déjà à travers l'ouverture, plongeant profondément leurs épaisses pinces dans le sol afin de se déplacer à l'envers sur le plateau sans paraître troublés par ce nouveau sens de la gravité pour autant. Du reste, toute une série de Blocks, leurs quatre yeux globuleux fixés dans sa direction, gardaient désormais la sortie, le tenant en joue.

Odd déglutit, plongeant pour éviter la véritable pluie de lasers qui le mitraillait désormais, sans lui laisser la moindre occasion de riposter. Il était pris au piège ! La Green Phoenix était parvenue à le repérer, sans qu'il sache comment, et avait envoyé les forces nécessaires pour se débarrasser des gêneurs ! A ce rythme, le Hopper ne ferait pas long feu. Déjà, des dizaines de tirs ricochaient sur ses boucliers, entamant sa réserve d'énergie, ébranlant sa carcasse toute entière.

- Eh merde, ça craint ici, Anthéa ! s'écria le nekomata en brandissant ses nouvelles armes, sans savoir sur qui tirer pour autant, je suis balaise mais là je ne vais pas pouvoir tenir tout seul ! Il me faut du renfort !

Mais, cette fois-ci, aucune voix ne lui répondit. A bien y réfléchir, Odd trouvait curieux que l'informaticienne n'ait pas cherché à le prévenir d'une telle affluence de monstres. Elle avait du forcément les repérer depuis ses écrans, pour quelle raison avait-elle tu une information aussi capitale ?

Avec un cri de rage, Odd pressa les gâchettes de ses Catguns, desquelles jaillirent plusieurs salves de Flèches Lasers d'énergie. Quelques Mantas furent touchées, mais leur nombre demeurait bien supérieur au sien, il allait succomber sous les tirs si cela continuait ainsi !

- Anthéa !? implora-t-il une dernière fois, sans espoir, tandis qu'une vague de Frôlions pivotait vers lui, tout dard devant, prêts à le renvoyer droit dans les scanners.


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Depuis son poste, l'informaticienne aux longs cheveux roses demeurait silencieuse, aveugle face au carnage qui commençait sur Endo. Elle avait coupé la transmission d'Odd depuis longtemps, les doigts tremblants. Ce qu'elle faisait était mal, elle le savait, et risqué. Pourtant, son attitude constituait là son unique espoir. Elle avait trop attendu, trop sacrifié pour renoncer à cet instant précis.

Qu'importait les cris de rage de ces adolescents dans son dos, les insultes de Stéphanie, les supplications de Yumi ou les questions sans fin de Jérémie. Toutes ces paroles ne lui parvenaient que dans un ensemble confus, à peine audible. Elle s'était réfugiée dans une carapace muette et ne se laisserait pas atteindre si facilement. Elle avait verrouillé son âme et son cœur à triple tour, dans l'attente de ce seul et unique jour.

Le jour où, enfin, elle serait de nouveau réunie avec sa seconde fille. Celle dont elle avait tu l'existence pendant prêt de dix-sept ans, allant même jusqu'à se mentir à elle-même.

Mais le temps des mensonges était révolu. Désormais, sonnait l'heure des retrouvailles.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:27   Sujet du message: Répondre en citant  
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Chapitre 47 :

Episode 146 : Scarlet (partie 2)_



Aelita avait la sensation qu'un liquide glacé venait de s'insinuer sournoisement en elle, la paralysant sur place. Tout à coup Angel, le laboratoire autours d'elle, le ronronnement des machines, tout cela s'évanouit de son esprit pour ne plus laisser place qu'à une seule pensée. Scarlet, l'actuelle dirigeante de la Green Phoenix, l'unique obstacle entre elle et la vie normale dont elle avait toujours rêvé, prétendait être sa sœur.

La jeune femme, si semblable à elle-même, la dévisageait depuis l'un des nombreux bureaux parsemant la vaste pièce, jambes croisées, un sourire moqueur étirant ses lèvres cruelles.

- Ma… Sœur ? répéta l'elfe rose, incapable d'assimiler ses mots, comme si son esprit tout entier s'était mis à fonctionner au ralentis. Elle se sentait prise de vertiges, mais… C'est impossible !

Un simple rire glacé lui répondit, lourd de sens. Eperdue, Aelita détailla Scarlet du regard, comme pour nier cette sourde réalité qu'elle lui énonçait avec tant d'évidence.

Maintenant que le choc initial de se retrouver face à son double était passé, elle constatait que l'adolescente qui lui faisait face ne lui était pas si semblable. En dehors de son visage en forme de cœur et de son nez retroussé, très similaires aux siens, son front était légèrement plus haut et ses pommettes plus saillantes, lui conférant une beauté certaine, mais terriblement froide. Ses lèvres étaient plus minces, sa peau plus pâle et ses cheveux, coupés courts, tiraient plus vers le pourpre que vers le rose très pur de sa propre chevelure. Probablement une teinture. Quant à ses yeux, ils constituaient le principal point de divergence entre leurs deux physiques. Bien loin du vert émeraude qu'elle-même avait hérité de son père, ils étaient d'un noisette diffus, presque mystique, et aucune étincelle de candeur n'y était lisible, rien qu'un puits de noirceur et de froideur inexpressive. Des yeux cruels, qui évoquaient quelque chose de particulièrement désagréable et d'étrangement familier à Aelita, sans qu'elle parvienne à mettre la main dessus.

- Tu commences à faire le lien je constate, commenta avec ironie la prénommée Scarlet, je parie que ton cerveau est en pleine effervescence en ce moment. « Qui est cette fille ? », « Comment peut-elle être ma sœur ? », « comment peut-on se ressembler autant ? »… Toutes ces questions se bousculent dans ta tête en cet instant précis, je me trompe ? Allons, Aelita, réfléchis bien… Une fille brillante comme toi ne devrait pas avoir de mal à répondre elle-même à ces quelques interrogations.

Mais le cerveau d'Aelita ne parvenait plus à réfléchir correctement, comme emprisonné dans un étau qui ne cessait de se resserrer autours de son crâne, le faisant suffoquer peu à peu. Tout ce qu'énonçait cette femme, si semblable à elle-même, n'avait pas le moindre sens. Ses paroles pénétraient son esprit avec la violence d'une massue, le transperçant de part en part telle une lance sanguinaire, sans lui laisser la moindre possibilité de se reprendre.

- Je vais te donner un indice, susurra Scarlet au bout d'un moment, prise de pitié face à la lutte mentale de la jeune fille, pour être exact, je suis ta demi-sœur… La fille d'une personne que tu as bien connue… Et de ta mère, Anthéa Ael. Est-ce que tu commences à entrevoir la vérité ?

Peu à peu, les rouages du cerveau d'Aelita se remirent en place. Elle sentait toujours ce même poids énorme peser sur sa poitrine, lui déchirant les entrailles mais, curieusement, son esprit retrouvait petit à petit toute sa lucidité, laissant place à une évidence terrifiante. Une vérité qu'elle avait toujours craint et choisit d'ignorer en son fort intérieur mais qui, aujourd'hui, prenait vie sous ses yeux horrifiés.

- Tu es la fille d'Hannibal Mago… souffla-t-elle, sans parvenir à croire elle-même les paroles que sa bouche formulait, le fondateur de la Green Phoenix… Et le responsable de l'enlèvement de ma mère il y a des années !

Elle avait l'impression que sa voix appartenait à une toute autre personne, distante de plusieurs kilomètres. Les sons résonnaient étrangement à ses oreilles, curieusement sourds et éloignés, comme s'ils n'avaient eu aucun encrage dans la réalité. Pourtant, la jeune fille qui lui faisait face était tout sauf une illusion.

- De notre mère, corrigea la jeune femme aux courts cheveux pourpre, un rictus mauvais étirant ses lèvres, mais c'est exact. Je suis heureuse de voir que malgré la situation tu parviens toujours à faire usage de ton formidable esprit de raisonnement. Tu as bel et bien raison, je suis la fille d'Hannibal Mago, anciennement connu sous le nom de Mark James Hollenback, et du fruit de ses désirs du temps où elle lui était encore dévouée et portait le prénom de « Memory ».

Aelita se sentit chavirer. C'était trop d'informations à enregistrer d'un coup. Vacillante, elle dut s'agripper avec force à l'écran d'ordinateur le plus proche sous peine de s'écrouler au sol, les jambes fauchées par le choc. Il lui semblait que son cœur, perdu dans le flot de données la constituant, s'était subitement arrêté.

Impassible, Scarlet la fixait sans un mot, savourant la détresse de sa demi-sœur avec une délectation morbide. Elle avait attendu ce jour trop longtemps pour ne pas en profiter dignement.

- Fais-toi une raison, ma chère sœur, reprit-elle en insistant cruellement sur le dernier mot, comme pour enfoncer le couteau dans la plaie d'Aelita plus profondément encore, ta mère a eu un enfant avec l'être que tu haïs le plus au monde pendant de nombreuses années pour te l'avoir arrachée, alors que tu n'étais encore qu'une petite fille. Je suis le fruit de cette union impie et défendue, l'enfant du diable et de l'ange. Je suis Taelia Hollenback, ta seule et unique demi-sœur, que cela te plaise ou nom.


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- Taelia…

Anthéa avait murmuré ce prénom en écho à la conversation qui lui parvenait à travers ses écouteurs, caressant l'écran de contrôle du Supercalculateur du bout des doigts, comme en transe. Son regard bleu, d'une étonnante profondeur, semblait à des lieux de l'usine. Comme si c'était elle, subitement qui s'était retrouvée au cœur du bunker de la Green Phoenix.

Derrière elle, les trois jeunes filles et le jeune garçon s'étaient figés, cessant momentanément leurs véhémences, stupéfaits par les révélations qu'ils venaient d'entendre. Tout cela était proprement aberrant ! Comment une femme comme Anthéa avait-elle pu avoir un enfant avec un homme tel qu'Hannibal Mago ? Un être sans cœur et sans pitié, prêt à tout pour arriver à ses fins !

Pourtant, dans le cerveau de Jérémie, plus pâle que jamais, les dernières pièces du puzzle se mettaient enfin en place. Scarlet… Taelia… Cela lui paraissait si évident désormais, comment avait-il pu passer à côté de tels éléments sans les voir ? Était-il aveugle à ce point !?

Seule Stéphanie, restée légèrement en retrait, paraissait ne pas saisir toute l'intensité du moment, son regard allant et venant de Yumi à Anthéa, en quête d'explication.

- Taelia Hollenback… Mon dieu mais quelle idiote ! souffla la japonaise au bout d'un moment, se prenant la tête entre les mains, elles étaient si semblables, c'était pourtant évident… Comment est-ce qu'on a pu ne rien soupçonner !?

- Attendez une minute, finit par lancer Stéphanie, entortillant nerveusement le bout de sa couette entre ses doigts, je ne comprends pas… Comment Aelita peut-elle avoir une sœur ? Vous connaissez cette fille ?

Jérémie lui vint enfin en aide, s'extirpant à grand peine de sa torpeur. Derrière lui, Eva paraissait à deux doigts de la crise de nerfs, occupée à ronger ses ongles parfaitement manucurées, son regard limpide braqué sur la fenêtre affichant l'icône de son petit-ami, submergé par les monstres sur Endo.

- On ne la connaît que vaguement, expliqua le jeune homme d'un ton sourd, tentant de se reprendre tant bien que mal, elle avait intégré notre classe brièvement en Quatrième avant de repartir pour un établissement spécialisé… Le lycée pour surdoués Stendhal, dans lequel je me suis justement inscrit temporairement cette année… Lycée qui se trouve justement à côté du bunker servant de refuge à la Green Phoenix ! Tout se tient ! Il n'y a aucun doute possible : même si c'est dur à avaler, Scarlet n'est nulle autre que Taelia Hollenback, la fille d'Anthéa et d'Hannibal Mago…

Éberluée, Stéphanie plaqua ses mains sur sa bouche sous l'effet du choc. Elle n'avait entendu parler du fondateur de la Green Phoenix qu'à travers les récits de ses amis mais, pourtant, la nouvelle la laissait tout aussi troublée que les autres Lyokô-guerriers.

Yumi, qui n'avait écouté ces explications que d'une oreille très distraite, en proie au choc, se redressa brusquement, vibrante de colère, son visage de porcelaine soudain figé en un de ses terrifiants masques de froideur. Son esprit venait, à son tour, de parvenir à ses propres conclusions.

- Vous le saviez… fit-elle d'un ton glacial à l'adresse d'Anthéa qui, tremblante, tournait obligeamment le dos à la bande, le regard rivé sur ses écrans, depuis le début vous saviez qui était à l'origine de la résurrection de la Green Phoenix… C'est pour ça que vous aviez demandé à Madame Hertz d'enquêter. C'est aussi pour ça que vous aviez réussi à trouver le code du Transporteur d'Endo avec autant de facilité ! Le code « Hannibal », le nom de l'ancien fondateur de la Green Phoenix et du père de votre fille… Ça ne pouvait être que ça ! Vous étiez au courant de l'identité de cette Scarlet depuis le début !

- Je n'avais que des doutes jusqu'à présent… siffla l'informaticienne entre ses dents, ses poings crispés contre les accoudoirs de sa chaise, le visage livide, mais aujourd'hui, enfin, le voile est levée. Ma Taelia… Je sais enfin où elle se trouve, après toutes ces années… Je l'ai enfin retrouvée…

Elle paraissait presque comme possédée, à énoncer ces phrases à voix basses sans se soucier des adolescents, happée par son ordinateur. Dans son regard, s'affichait petit à petit une démence qui ne lui était pas coutumière.

- Tout ça n'a strictement aucune importance ! glapit brusquement Eva, n'y tenant plus, faisant sursauter tout le groupe. Elle semblait à la limite de l'hystérie, la mission est ratée ! Faites revenir tout le monde ou virtualisez-nous sur Endo afin de prêter main forte à Odd avant qu'il ne se fasse totalement submerger et qu'on ne perde le Hopper, et le seul espoir de ramener les autres par la même occasion… Vite !

Mais Anthéa restait sourde à ses supplications, un sourire empli de douce folie étirant ses lèvres. A la lueur des écrans, chaque ride de son visage s'en trouvait accentuée, lui prodiguant un aspect des plus inquiétants. Elle semblait ne plus avoir aucune notion de la réalité.

- Non… soupira-t-elle, caressant son micro du bout de ses doigts secoués de spasmes, pas si près du but… Pas après tant de temps… Je veux pouvoir lui parler, au moins une dernière fois.

Les quatre adolescents échangèrent un regard consterné, mêlé d'inquiétude. Ils n'avaient pas le temps pour de tels états d'âme : il fallait agir et vite.

Lentement, mais avec fermeté, Jérémie apposa sa main sur l'épaule maigre de la femme aux cheveux roses, la faisant tressauter. Il ne pouvait se permettre de se livrer à une quelconque forme de sentimentalisme dans un moment pareil : ses amis courraient un grand danger de l'autre côté et il devait intervenir, coûte que coûte.

- Eva a raison, affirma-t-il d'un ton ferme à l'adresse d'Anthéa, intransigeant, manifestement, Taelia s'attendait à notre visite, on ne peut plus poursuivre la mission, il faut fait machine arrière avant qu'il ne soit trop tard !

- NON !

Le cri avait jailli de la bouche de l'informaticienne avec une force étonnante. D'un geste violent, elle repoussa l'adolescent qui se retrouva propulsé contre l'appareil de Retour dans le Temps. Ses lunettes volèrent à travers la pièce tandis qu'il retenait à grand peine un cri de douleur, se tenant les côtes. Anthéa s'était mise à pianoter sur son écran à toute allure, en proie à une véritable crise de démence. Stéphanie poussa un glapissement effrayé.

- Non, je ne vous laisserez pas interférer ! criait l'informaticienne, hors d'elle, je veux revoir ma fille ! Laissez-moi lui parler !

- Arrêtez-la, vite ! ordonna Jérémie, paniqué, en tentant de se relever malgré la douleur qui le lançait dans le dos désormais, trébuchant à moitié.

Yumi réagit au quart de tour. Retournant brusquement la chaise montée sur rail, elle empoigna d'un geste vif la mère d'Aelita au col et, avant que celle-ci n'ait eu le temps de réagir, elle lui administra un violent coup de poing au creux du ventre, soigneusement calculé à partir des restes de ses entraînements au Penchak Silat.

Le souffle coupé, ses yeux d'un bleu glacé révulsés, Anthéa ne put que s'effondrer au sol, sonnée par la prise impeccable de la japonaise. Avec l'aide d'Eva, cette dernière l'éloigna rapidement du centre de contrôle, le cœur tambourinant à toute allure dans sa poitrine.

Jérémie, soutenu tant bien que mal par une Stéphanie couverte de sueur froide, s'était déjà attelé au poste de commande, chaussant ses lunettes, désormais légèrement fissurés, sur son nez aquilin. Il était temps de reprendre la situation en main !

- Où on en est sur Endo !? s'enquit Yumi d'un ton brusque en le rejoignant rapidement, son corps tout entier tendu au possible.

- Mathieu vient de se faire dé-translater apparemment, il est coincé dans le cockpit du Hopper et Odd n'a déjà plus qu'une Quarantaine de Points de Vie, et ça continue de décroître ! Il ne va pas tenir longtemps à ce rythme… Il faut aller lui prêter main forte et rapatrier tout le monde vers le vaisseau le plus vite possible !

-T u ne peux pas faire sortir Mathieu d'ici pour l'aider ? s'enquit Stéphanie, inquiète, en se faufilant dans son dos à son tour.

Impuissant, le jeune homme secoua les épaules.

- Anthéa a bloqué toutes les commandes, et inutile de tenter de lui expliquer le fonctionnement du système de débarquement manuel d'ici, ce serait trop complexe. Avec la Mer Numérique juste en dessous il risque de faire un faux calcul ! La seule solution, c'est que j'aille les aider directement…

Ajustant son micro, Jérémie haussa soudain le ton, sélectionnant l'icône de l'elfe rose translatée sur son écran, tandis que les trois jeunes filles assimilaient peu à peu ses dires.

- Aelita ? Ecoute-moi bien et ne discute pas cette fois ! tempêta-t-il, retrouvant l'autorité naturelle dont il avait su faire preuve pendant des années, la mission a avorté, il faut battre en retraite ! Néanmoins je voudrais que tu extirpes un maximum d'information à Taelia, on ne sait jamais ! On s'occupe de tout sur Endo de notre côté mais toi tu dois impérativement rester translatée le plus longtemps possible ! Tu m'as bien compris ? On n'aura peut-être pas de seconde chance d'en savoir plus !

Un simple soupir lui répondit, distinct et assuré. Jérémie laissa échapper un demi-sourire : en dépit de leurs différents elle approuvait son plan.

Laissant de nouveau ses doigts courir sur le clavier à toute allure, le petit génie fit brusquement apparaître à l'écran un compte-à-rebours avant de se hisser hors de son siège, visiblement pressé.

- Parfait, Stéphanie, avec moi ! On file sur Endo donner un coup de main à Odd, je viens de programmer une virtualisation différée pour nous deux. Yumi, tu prends les commandes !

- Je vous accompagne ! s'écria Eva d'un ton impérieux tandis que Stéphanie, interloquée par la soudaine autorité du blond aux lunettes, lui emboîtait le pas.

- Pas question ! répliqua Jérémie avec fermeté, un pied déjà sur les échelons menant à la salle des scanners, si Anthéa se réveille, vous ne serez pas trop de deux pour la maîtriser ! Pas question qu'elle en fasse encore des siennes, et ne discute pas !

Avant qu'Eva n'ait pu émettre la moindre protestation, il avait déjà disparu à travers la trappe, talonné par une Stéphanie qui, à son regard, semblait se laisser entraîner par les événements sans même chercher à comprendre.

Sur les écrans devant lesquelles Yumi, la mine soucieuse, venait de s'atteler, deux avatars se mirent à tournoyer lentement sur eux-mêmes, s'illuminant peu à peu de vert.


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Les coups de lames pleuvaient dans la salle noyau du Cinquième Territoire d'Endo, nimbant tantôt les parois étroites d'or, tantôt de bleu, tantôt de vert, dans un ballet d'une rare violence.

Ulrich usait régulièrement de son Supersprint, tournant autours d'Angel à toute allure sans lui laisser un instant de répit tandis que William, plus prudent, profitait de la diversion offerte par le samouraï pour asséner quelques coups bien placés de sa lourde épée. Malheureusement son arme, peu tranchante, n'avait jusque là infligé que peu de dommage.

Peinant à suivre le rythme des assauts répétés de ses adversaires, le guerrier bicolore dut rapidement battre en retraite, légèrement essoufflé. Ulrich, sans réduire son allure pour autant, grinça des dents. La force brute ne menant à rien, il était temps de changer de tactique.

Dans une traînée de lumière verte, il s'élança à son tour en arrière, rejoignant William au niveau des murs recouverts de coraux. Angel, resté sur place, en profita pour juger de la situation, aile noire déployée, sa faux tournoyant à toute allure entre ses doigts, prête à frapper de nouveau. Fidèle à son habitude, il ne montrait aucun signe de fatigue, malgré l'amélioration flagrante de niveau de ses adversaires.

- Je n'y crois pas, même avec la virtualisation évolutive il arrive à nous tenir tête à tous les deux, jura William entre ses dents, stressé. Cet adversaire était autrement plus coriace que les monstres auquel il avait pu avoir affaire jusqu'à présent, qu'est-ce qu'on fait, Ulrich ?

- Ce qui m'inquiète surtout c'est le manque de nouvelles du côté d'Aelita, répliqua le samouraï virtuel sans répondre, n'oublie pas qu'on ne peut pas dévirtualiser Angel avant d'être sûr que le programme gérant sa virtualisation a été redirigé vers nos scanners à nous ! Il va falloir le piéger en attendant d'en savoir plus…

Cogitant à toute allure, il releva brusquement son katana devant lui, le visage plissé en une expression concentré. William, sur le qui-vive, le dévisagea avec curiosité.

- Je vais tenter quelque chose, souffla le jeune homme tandis qu'Angel, sentant la reprise du combat, cesser de jouer momentanément avec son arme, prudent, quand je te ferais signe, dirige ton Monosmoke sur le beau brun ! Tu m'as compris ?

Sans prêter garde au hochement de tête de son partenaire, Ulrich se concentra brusquement, un doigt de sa main gauche effleurant délicatement sa lame. Aussitôt, la partie sombre du métal s'illumina peu à peu, virant à une éclatante couleur verte, désormais caractéristique du samouraï.

Flairant le danger, Angel frappa le sol du manche de sa faux, l'éclairant d'un halo d'or à son tour, prêt à parer un nouvel assaut.

Brusquement, sans crier gare, Ulrich fendit l'air de son sabre et une large onde de choc en jaillit prestement, fusant à travers la salle dans un sifflement sonore, droit sur sa cible !

Ce dernier, surpris par cette nouvelle capacité, eut tout juste le temps de déclencher sa propre lame d'énergie avant que celle de son adversaire ne l'atteigne. Les deux attaques à distances se percutèrent en plein vol, aveuglant le possédé dans une explosion d'étincelles vertes et or. C'était le moment qu'attendait Ulrich.

- Maintenant ! hurla-t-il en direction de William tout en se propulsant droit sur son adversaire, telle une comète verte toute en puissance, prête à frapper.

Instantanément, le guerrier bicolore tendit le bras, ses sangles fouettant l'air au passage, et enclencha son pouvoir, pour la seconde fois de la journée. Il y eut une explosion et, l'instant d'après, un épais nuage sombre enveloppait Angel, l'empêchant de reprendre ses esprits. Avec un cri de triomphe, Ulrich se précipita à l'intérieur de la brume, disparaissant à la vue de son partenaire. Très vite, des sons d'entrechocs métalliques parvinrent aux oreilles du ténébreux jeune homme qui, impuissant, se contentait de tenir son épée prête, au cas où, attendant que la fumée se dissipe.

Finalement, les dernières vapeurs grisâtres s'évanouirent dans les airs au profit d'une vive lueur verte, faisant cligner les yeux d'un William éberlué.

Courant à toute allure autours d'Angel dans une trajectoire triangulaire, Ulrich était si rapide qu'on aurait cru le voir se multiplier, emprisonnant son adversaire dans une véritable gangue d'énergie. Sans intermittence, les coups de son katana pleuvaient sur l'ange déchu, ne lui laissant pas l'occasion de trouver une ouverture dans cette imparable barrière. Il était pris au piège !

- Duplicata ! s'écria soudain le samouraï à travers le vacarme produit par les entrechocs métalliques.

Il y eut une pluie d'étincelles vertes et, l'instant d'après, un second Ulrich jaillissait hors de la trajectoire, sautant en arrière dans un salto impeccable, sa ceinture claquant au vent. En l'espace d'une seconde, sa lame fendait l'air, s'immobilisant à quelques centimètres à peine de la gorge d'Angel qui, trop obnubilé par les coups répétés de son adversaire, n'eut pas le temps de lever sa faux pour se protéger.

La lueur verte diminua progressivement et, bientôt, ce fut par quatre Ulrich en tout point identiques que le jeune homme au regard mordoré se retrouva tenu en joue, chacune de leur lame luminescente menaçant une partie différente de son corps, l'empêchant de réaliser le moindre mouvement sous peine d'une dévirtualisation immédiate. Pour la première fois depuis le début du combat, l'adolescent semblait animer d'une certaine tension, sa prise se raffermissant sur sa faux, maintenue en direction du sol par le katana d'un des quatre samouraïs.

- N'essaye même pas, lui souffla le Ulrich le plus proche de son visage, menaçant, tandis que William se hâtait de les rejoindre, sa propre épée gargantuesque prête à frapper.

A cet instant, une voix s'éleva à travers l'ensemble du territoire. Une voix de jeune fille que les deux Lyokô-guerriers auraient pu reconnaître entre mille pour se l'être disputés pendant des années.

- Les gars, abandonnez la mission ! s'exclama-t-elle à travers son micro, les faisant se figer sur place. Même Angel, toujours maîtrisé par Ulrich, sembla tendre l'oreille, je répète, laissez tout tomber et retournez au Hopper immédiatement !

- Quoi !? s'écria William, incrédule, en direction du plafond, qu'est-ce que tu veux dire ? On y était presque !

- Changement de programme, répliqua la japonaise d'une voix ferme mais à travers laquelle perçaient quelques légers accents d'incertitude, de nouveaux éléments viennent d'apparaître et, surtout, Aelita est dans l'incapacité de pirater les ordinateurs de la Green Phoenix pour permettre à Angel de revenir dans nos scanners ! Le dévirtualiser ne servirait à rien, alors déguerpissez immédiatement. On a besoin de vous du côté du Hopper, des monstres ont surgi de nulle part !

Inquiets, les quatre clones d'Ulrich ne purent s'empêcher de froncer leurs épais sourcils d'un même mouvement. Qu'avait-il bien pu se passer pour un tel retournement de situation ? Il y avait quelque chose de frustrant dans le fait de, pour une fois, tenir cet Angel à leur merci, mais de ne pouvoir lui faire payer leurs échecs à répétition.

Cet instant de distraction suffit à l'ange déchu pour se reprendre. Sans crier gare, le beau jeune homme au regard mordoré décocha un violent coup de pied dans le ventre du clone maintenant sa lame au sol. Le souffle coupé par le choc, ce dernier ne put que se plier en deux, grésillant un instant avant de s'évanouir dans les airs en un nuage de pixels.

- Oh non ! gémit le véritable Ulrich en effectuant un bond de côté par pur réflexe, dans un éclair verdâtre.

Bien lui en prit car, un instant plus tard, un arc de cercle d'or fendait l'air, éliminant simultanément les deux doubles restant, qui disparurent presque aussitôt, partant rejoindre leur comparse dans le néant numérique.

En proie à la panique, William releva son épée emprisonnée dans sa gangue, prêt à se battre, mais Ulrich lui fit aussitôt signe d'arrêter.

- Ne le provoque pas ! s'exclama le samouraï, alerte, tu as entendu Yumi ? La mission a échoué ! Il faut qu'on s'enfuie avant de…

Mais le reste de sa phrase s'étrangla dans sa gorge en un long râle digitalisé, tandis que l'ombre d'une aile géante le recouvrait tel un voile macabre. Surpris, il baissa les yeux juste à temps pour voir Angel ôter sa faux de son abdomen, transpercé de part en part, duquel s'élevait déjà une volée de pixels blancs. Pour la troisième fois, l'adolescent possédé par la Green Phoenix venait de le vaincre, sans même qu'il ne puisse répliquer.

A peine la pensée de cette énième cuisante défaite lui traversait-elle l'esprit que sa silhouette disparaissait déjà dans les ténèbres de la salle, laissant un William ébranlé seul face à l'ange déchu, l'air plus déterminé que jamais à le réduire en pièce.

- Yumi… ? lança-t-il d'une voix blanche en direction du plafond, sa lourde lame fermement levée face à lui en position défensive tandis qu'Angel, nonchalant, faisait tournoyer la sienne, prêt à lui faire face.

- J'ai vu ! répondit la voix rageuse de la japonaise à travers la voûte de la salle du cœur, laisse-moi me concentrer, j'essaye de te programmer un Overwing pour sortir d'ici mais je ne vaux pas Jérémie ou Anthéa alors il va falloir tenir un petit moment encore !

Une vague de désespoir commença à envahir le jeune homme. Dans l'état actuel de son avatar, il n'avait aucune chance de tenir face à Angel suffisamment longtemps pour que Yumi parvienne à le ramener à l'extérieur. Peut-être valait-il mieux se laisser dévirtualiser, comme Ulrich ? Son arme n'était même pas capable d'infliger de véritables dégâts !

Mais, alors que son adversaire décollait de nouveau, fusant dans sa direction, une pensée toute autre lui traversa brusquement l'esprit. Était-ce vraiment lui qui songeait à abandonner ainsi sans même tenter de se battre ? Cela ne ressemblait tellement pas au jeune homme intrépide qu'il avait su être lors de sa première plongée sur Lyokô…

Avec un pincement au cœur coupable, William réalisa brusquement que son soi du passé, cet adolescent fier de ses capacités et capable de tout, ne lui aurait jamais pardonné ne serait-ce que d'envisager d'échouer à son tour là ou Ulrich, son rival de toujours, n'avait pas été à la hauteur.

Tandis que la lame d'Angel s'entrechoquait avec la sienne avec violence, le forçant à glisser en arrière de quelques pas, le regard du jeune homme changea brusquement, s'éclairant d'une lueur nouvelle, baignant les ténèbres de la peur qui avaient envahi ses prunelles pendant trop longtemps.

Non, il n'allait pas baisser les bras face à Ulrich. Aucun cauchemar, aucun traumatisme du monde ne saurait lui ôter cette dernière fierté. Sans compter que, là-bas, sur le Territoire de la Ville, ses compagnons d'arme avaient besoin de son aide. Il n'avait pas le droit d'abandonner maintenant !

Poussant un hurlement de rage, le guerrier bicolore pesa de tout son poids sur sa lame, parvenant, à sa propre surprise, à repousser Angel en arrière de quelques mètres.

Tandis que l'adolescent à l'aile unique secouait la tête, se préparant à répéter son assaut, William sentit soudain comme une étrange chaleur prendre possession de ses tripes, se répandant peu à peu au sein de son avatar. Étrange… D'aussi loin qu'il pouvait se le rappeler, jamais son corps virtuel n'avait ressenti la moindre sensation physique ?

Ébahis, il baissa les yeux vers son immense épée, de laquelle des gerbes de pixels dorés commençaient à se détacher progressivement, dans un ballet à la fois lent et envoûtant, remontant progressivement le long de la lame emprisonnée jusqu'à son bras.

-Que… Qu'est-ce qui se passe ? s'exclama-t-il tandis que même Anglel, fasciné par le spectacle, se figeait sur place, suivant de son regard stupéfait les étincelles lumineuse s'étendre peu à peu à travers son corps.

- J-Je ne sais pas, clama Yumi à travers son micro, tout aussi désemparée, mais la carte de ton avatar est en train de changer… William, je crois que tu viens de monter d'un niveau ! Tu es le premier du groupe.

Mais le jeune homme ténébreux ne l'écoutait plus désormais. Il se contentait d'observer, le regard émerveillé, le dernier pixel se détacher de sa lame, dévoilant une toute nouvelle épée, désormais libre de toute racine, étincelant littéralement de lumière.


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Mathieu reprit peu à peu connaissance tandis que le bruit distant d'une bataille parvenait à ses oreilles confuses, le tirant de force hors de sa torpeur.

Se frottant la tête, il sursauta violemment lorsqu'un laser vint s'écraser non-loin de son plot, à la surface du cockpit, achevant de le ramener à lui. En un bond, l'homme-lapin virtuel fut sur ses pieds, reconnaissant progressivement l'intérieur déserté du Hopper. Il avait été détranslaté, de toute évidence…

Avec un frisson, Mathieu se remémora l'affreuse sensation métallique explosant au cœur de ses tympans qu'il avait ressenti lorsqu'enfin, la balle d'un des gardes avait traversé sa tête de part en part, achevant de détruire sa fragile enveloppe corporelle et la faisant imploser sur le coup en une gerbe d'étincelles, précipitant son esprit de nouveau droit sur Endo.

Se réhabituant tant bien que mal à l'atmosphère du monde virtuel, l'adolescent eut soudain la surprise de voir passer, à travers le cockpit, l'Overboard d'Odd, fusant à travers le ciel du territoire en un éclair violet, une véritable armada de Frôlions et de lasers à ses trousses. Son cœur numérique ne fit qu'un bond tandis qu'il se cramponnait de toutes ses forces à la barre de soutient de son poste, hurlant le nom de son amant, en vain.

A cet instant, une vive lueur bleue s'éleva dans son dos, lui faisant tourner la tête juste à temps pour voir les silhouettes de deux avatars se découper progressivement à l'intérieur du compartiment circulaire. Une nuée de pixels plus tard, et Stéphanie atterrissait gracieusement sur le sol du Hopper, ses aiguilles effilées étincelant dans leur fourreau, son regard violet plus vif que jamais, éclatant de détermination. A ses côtés, se tenait également un jeune homme que Mathieu peinait à reconnaître.

Blond et longiligne, ses cheveux dressés en pics structurés contre son front, il avait la peau anormalement pâle pour une enveloppe numérique et la couleur de ses yeux était indéfinissable, masqué par une paire de lunettes à monture hexagonale, dont le verre semblait constitué d'une sorte de champ de force bleuté, parcouru de dizaines de chiffres et de symboles numériques complexes.

Ce ne fut que lorsqu'il ouvrit la bouche, s'adressant à lui d'une voix froide et coupante, que Mathieu reconnut avec stupeur Jérémie, affublé par le programme de virtualisation évolutif d'un tout nouvel avatar de toute évidence.

- Pourquoi est-ce que tu restes planter là sans réagir !? s'exclama son compagnon de chambre sans lui prêter plus d'attention que cela, se dirigeant d'un pas vif vers le poste de commande du Hopper, au cas où tu ne l'aurais pas remarqué le vaisseau est sous assaut et Odd ne va pas réussir à se débarrasser des monstres tout seul !

- Qu'est-ce que vous faîtes ici ? s'étonna le jeune homme ignorant les invectives de l'informaticien de génie, encore un peu étourdi par sa détranslation forcée, il y a un problème avec la mission ?

- En gros, Anthéa a pété un câble et Aelita essaye de gagner du temps face à sa sœur dont elle ignorait l'existence jusqu'à présent et qui se trouve être l'actuelle dirigeante de la Green Phoenix, expliqua Stéphanie d'un ton railleur tout en prenant place sur un plot de débarquement, faisant s'écarquiller les yeux de Mathieu de surprise et d'incompréhension, tu comprendras qu'on ait d'autres priorités que la mission pour le moment !

- Mais… Et Angel ? balbutia l'adolescent, alignant difficilement les nouvelles informations dans son esprit, il…

Sa voix s'étouffa tandis que Jérémie, l'ignorant superbement, abaissait trois manettes sur la console de commande, faisant se désagréger leurs avatars respectifs sur place en un concert d'étincelles.

Mathieu eut tout juste le temps d'entrapercevoir le regard violet désolé de Stéphanie avant de disparaître, se rematérialisant presque simultanément à la surface du Territoire de la Ville, baigné sous le soleil virtuel brillant à travers le ciel d'un bleu éclatant.

Déjà, son amie de Sainte Bénédicte avait dégainé ses lames et fonçait à vive allure en direction d'un groupe de Krabes, trop occupés à mitrailler le Hopper à travers une ouverture aménagée dans le sol pour lui prêter attention.

Jérémie avait bien calculé son cap manifestement : le petit groupe n'était qu'à quelques pas des monstres, sur la partie supérieure du plateau dissimulant leur sous-marin numérique à la vue des créatures.

Soupirant de dépit, Mathieu jeta un bref coup d'œil à ses armes . Par chance, les sphères métalliques à ses poignets étaient toujours en partie illuminées de bleu. Apparemment, sa détranslation ne l'avait pas empêché de ramener sur Endo une partie de l'énergie emmagasinée au sein du repère de la Green Phoenix.

Serrant les dents et réprimant comme il le pouvant son envie de hurler de frustration face au tournant que prenait la mission, il se précipita à la suite de Stéphanie, prêt à en découdre avec les Blocks.

Jérémie, resté en retrait, tentait de son côté de s'habituer à son nouvel avatar, détaillant sa combinaison d'un regard critique, évitant de foncer tête baissée avant d'en savoir plus sur ses capacités.

De son ancienne tenue de lutin vert, il n'avait conservé que les oreilles pointues, légèrement orientées vers l'arrière de son crâne. Du reste, son physique semblait s'être adapté à l'évolution de sa personnalité sur Terre au fil des années. Sa fine tunique de soie virtuelle avait fait place à une sorte de combinaison intégrale moulante et sombre, couverte en grande partie par une sorte d'armure dont la texture évoquait un plastique sophistiqué, grisâtre et luisant. Sur son torse, un symbole de l'infini se dessinait désormais, s'entrelaçant en une gravure complexe tout le long de sa poitrine. Quant à sa taille, elle était soulignée par une fine ceinture d'aspect métallique, à laquelle était aimantée une sorte de barre d'un noir intense, reflétant l'environnement dans ses moindres détails.

Haussant un sourcil, Jérémie se saisit de sa nouvelle arme du bout des doigts et la décrocha de sa ceinture avec une étonnante facilité. L'ustensile était creux et ne devait pas faire plus d'une trentaine de centimètre. Sa surface, hexagonale, était entièrement uniforme mais semblait réagir au contact de sa main, s'illuminant de minuscules pixels de lumière à l'endroit où ses doigts se posaient.

Malgré lui, Jérémie se mordit la lèvre, déçu. Il constata au passage que ses dents numériques paraissaient plus pointues que sur Terre. Était-il passé de lutin à vampire avec l'évolution de son avatar ? Toujours était-il que son arme paraissait nettement moins offensive que son ancien poignard, déjà peu efficace face aux monstres. Qu'était-il supposé faire de cet inoffensif bâton ?

- Jérémie, Ulrich est de retour dans les scanners ! l'informa brusquement Yumi à travers le micro, le tirant de ses réflexions maussades, et William vient de monter d'un niveau je crois mais ça risque de ne pas suffire s'il est seul face à Angel !

- Dis-lui de rappliquer ici en vitesse, ordonna-t-il d'un ton autoritaire, et essaye de nous envoyer des véhicules ! On ne va jamais réussir à combattre les monstres de la Green Phoenix sans ça.

Réprimant son envie folle de questionner la japonaise quant à la situation d'Aelita, Jérémie se concentra de nouveau sur son bâton, plissant les paupières afin de mieux en distinguer les détails à travers les colonnes de chiffres s'affichant à la surface de ses verres numériques.

A sa grande surprise, les données informes s'alignèrent tout à coup devant ses yeux et une minuscule flèche entra dans son champ de vision, pointant son arme avec insistance.

Les sourcils froncés en une expression indécise et ignorant les bruits de tirs qui commençaient à se rapprocher dangereusement de sa position, il tenta de déchiffrer les lignes de code affichées désormais au dessus du bâton, à la surface de ses lunettes. Non sans stupeur, il reconnut un programme d'analyse rudimentaire, décrivant en détail la structure de l'arme.

Mieux encore, il lui suffisait de se focaliser sur une ligne de code pour que celle-ci s'étende, ouvrant sur de nouvelles informations complémentaires à chaque clignement de paupière. C'était comme avoir accès à une gigantesque banque de données fouillant en permanence la structure des éléments l'environnant !

Un laser s'écrasa brusquement à ses pieds, le faisant bondir en arrière sur le coup, effrayé. Un Krabe qui avait réussi à échapper à l'attention de Stéphanie et Mathieu se précipitait dans sa direction, toutes pinces devants, ses multiples yeux d'un blanc livide irradiant de fureur meurtrière.

Effrayé, Jérémie se précipita droit vers l'immeuble virtuel le plus proche sous une pluie de lasers, en quête d'un abri. Par chance, une large ouverture rectangulaire avait été aménagée à la base du bâtiment et le jeune homme put y plonger, échappant momentanément à son assaillant. Il avait besoin de temps pour se concentrer sur son arme, en comprendre le fonctionnement et analyser la situation avec méthode avant de repartir à la charge !

S'adossant contre le mur d'un gris uniforme, l'adolescent leva la tête en direction des hauteurs du bâtiment, laissant ses lunettes interpréter les données l'environnant. Le lieu n'était qu'une pâle réplique d'un immeuble classique sur Terre d'après ce qui s'affichait devant ses yeux. Il y avait bien des étages et des pièces, mais les murs n'étaient qu'à moitié modélisé, sans compter les escaliers, allant et venant contre les murs sans le moindre sens. Le tout ne formait qu'un ensemble chaotique, un labyrinthe sans but, mais néanmoins idéal pour lui permettre de se dissimuler.

Détectant une ouverture dissimulée dans le mur d'à côté, symbolisée par un clignotement bleu discret à la surface de ses verres, le Lyokô-guerrier s'y dirigea prestement avant de s’asseoir à même le sol, baissant de nouveau la tête vers son bâton. A l'extérieur, les clameurs du combat semblaient avoir été atténuées par les murs.

Se concentrant de nouveau, Jérémie laissa les données s'afficher, les faisant défiler rapidement d'une simple inflexion mentale.

- Jérémie, qu'est-ce que tu fabriques !? résonna à ses oreilles la voix à la limite de l'hystérie de Yumi, le faisant grimacer, les autres ont besoin de toi à l'extérieur !

Ignorant l'invective de la japonaise, l'adolescent se focalisa de nouveau sur les lignes de code. D'après ce qu'il parvenait à déchiffrer du langage informatique complexe il y avait, injecté au cœur de son arme, une sorte de virus au pouvoir infectant particulièrement redoutable. Probablement de quoi faire imploser un monstre de la Green Phoenix en un instant, ce qui était plutôt un bon point.

Esquissant un sourire, le petit génie fit tourner entre ses doigts les bords réfléchissants du bâton. Il y avait là d'autres fragments de code particulièrement intriguant. A en juger les petits symboles bleutés s'accrochant devant ses verres à leur surface, il y avait possibilité d'influer directement sur la programmation de l'arme par un simple jeu de contact. Une pression bien positionnée, et une série de protocoles spécifiques s'enclencherait en un instant.

Rendu curieux par ces découvertes, et après une brève seconde d'hésitation –bien vite rompue par un nouveau coup de laser plus violent que les autres à l'extérieur-, Jérémie promena son doigt contre son arme, et pressa un point sublimé par ses lunettes.

Aussitôt, des lignes de code se mirent à défiler devant ses yeux, et une silhouette en fil de fer se dessina au dessus du bâton, le faisant sursauter de surprise. L'instant d'après, une texture se pixelisait autours, générant une seconde version de son arme, reproduite à l'identique, flottant à quelques millimètres à peine de son original, comme sous l'effet d'un puissant aimant.

Incrédule, le sourcil levé, Jérémie dévisagea sa nouvelle arme, qui venait de doubler de hauteur et paraissait, de fait, légèrement plus menaçante. Ainsi il avait la possibilité de démultiplier cet étrange bâton à volonté ? Peut-être y avait-il également possibilité d'agencer les copies d'une façon prédéfinie ?

L'imagination enflammée par les possibilités qui venaient de s'ouvrir à lui, le jeune homme ne put retenir un sourire triomphant. Encore quelques secondes d'analyse, et les monstres de la Green Phoenix ne seraient plus un problème.


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Taelia Hollenback avait délaissé sa demi-sœur depuis quelques instants déjà et arpentait la salle glaciale d'un pas lent, prenant un malin plaisir à faire claquer ses talons contre le sol de pierre à chaque enjambée, un air nonchalant plaqué sur son visage cruel.

Aelita, restée en retrait du côté des écrans, demeurait étrangement silencieuse, faisant de son mieux pour contrôler sa respiration artificielle, saccadée par le flot de choquantes informations qu'on venait de lui envoyer.

Malgré la véritable panique qui menaçait de l'envahir à chaque instant, elle faisant de son mieux pour conserver son calme, crispant ses poings dans son dos avec une férocité sans nom. Elle ne pouvait pas se laisser aller à céder à ses sentiments personnels, ou du moins pas tout de suite.

Jérémie et les autres comptaient sur elle. Si la mission de sauvetage d'Angel était plus que compromise désormais, la révélation de Scarlet lui donnait une toute autre nature et il était impératif, à présent, qu'elle parvienne à faire la part des choses suffisamment longtemps pour parvenir à lui soutirer ne serait-ce que des bribes d'informations.

Déglutissant afin de ravaler la bile amère qui envahissait son estomac, la rendant malade, Aelita parvint à desserrer ses lèvres pétrifiées d'un demi-millimètre, juste assez pour lancer une question dans un souffle. La seule et unique question qui importait en cet instant précis.

- …Pourquoi ?

Taelia, qui s'était entre-temps dirigée jusqu'aux scanners, son visage pâle et serein baigné des reflets bleutés du liquide contenu à l'intérieur des caissons, eut un léger rictus.

- Pourquoi quoi, ma chère sœur ? sourit-elle sans se retourner, accentuant le terme faussement affectif comme pour appuyer encore un peu plus la violence de cette révélation, pourquoi ai-je attendu tant de temps avant de me révéler au grand jour ? Pourquoi n'ai-je pas tenté de vous contacter, maman et toi, lorsque j'en ai eu l'occasion ? Pourquoi me retrouve-je aujourd'hui ici, à la tête de l'ancienne organisation de mon père à vous mettre des bâtons dans les roues, à suivre ses traces alors qu'il n'aura pas réfléchi bien longtemps avant de m'abandonner, dés mon plus jeune âge ?

Sa voix s'était faite acide à la mention de l'ancien dirigeant de la Green Phoenix. Imperceptiblement, ses longs doigts fins, caressant la surface translucide du scanner le plus proche, s'étaient également raidis et Aelita, si elle remarqua le changement d'attitude de sa Némésis du coin de l'œil, se garda bien de le lui faire remarquer.

- Pourquoi avoir monté toute cette manigance ? s'exclama-t-elle au lieu de cela, luttant à grand peine contre le timbre tremblant de sa voix, Endo, le retour de la Green Phoenix… Je ne comprends pas, pourquoi une telle chose ? Si tu dis vrai et que tu es effectivement ma demi-sœur, alors…

- Tu penses que j'aurai du tout faire pour suivre votre trace, à maman et à moi ? l'interrompit d'un ton glacial Taelia, se retournant vers elle cette fois-ci d'un geste vif, sa blouse noire virevoltant sur son passage, ç'aurait été si facile, pas vrai ? Une gentille nouvelle venue dans la petite famille parfaite des « Schaeffer ». Une belle ironie plutôt !

Malgré elle, Aelita sentit une bouffée de colère l'envahir, et dut une fois de plus rassembler toutes ses forces pour se contenir. Elle n'appréciait guère le ton méprisant qu'usait sa prétendue demi-sœur pour les décrire, sa mère et elle. De quel droit se permettait-elle de faire preuve d'une telle arrogance face à elle, après avoir brisé à jamais ses doux rêves d'une vie normale ? Elle ne pouvait le tolérer !

Néanmoins, ce fut une voix étrangement calme qui franchit ses lèvres, comme pour apaiser ce masque grossier, déformé par la rancœur, de cette personne si semblable à elle-même.

- Raconte-moi tout, insista-t-elle en s'osant à amorcer quelques pas vers la jeune femme aux cheveux pourpres, comment as-tu pu en apprendre autant sur nous pour commencer ?

Pendant de longues seconde, Taelia se contenta de dévisager sa demi-sœur d'un regard impassible, sans qu'il fut possible de lire la moindre trace de sentiment au fond de ses prunelles. Puis, lentement, ses mots se délièrent, franchissant la barrière de ses lèvres comme autant de coups de fouet cinglants, résonnant à travers la voûte de la vaste pièce.

- Tu veux tout savoir ? Très bien, fit-elle en lissant d'imperceptibles plis sur sa blouse, je vais tout te raconter. Il est temps que les masques tombent et que la vérité éclate au grand jour.

Se dirigeant soudain vers un secrétaire tout proche, largement noyé sous les câbles électriques, celle qui se faisait désormais appeler Scarlet dégaina d'un geste rapide une carte magnétique, qu'elle introduisit le long d'une fente à même le métal. Celle-ci s'illumina un instant de bleu avant qu'un long chuintement ne résonne, à mesure que le petit meuble d'acier s'ouvrait, libérant son contenu.

Intriguée, l'apparition spectrale qu'était Aelita tendit le cou vers les ténèbres de l'ouverture désormais formée, mais, déjà, la silhouette fine de Taelia s'interposait, lui bouchant la vue tandis qu'elle se penchait machinalement vers son contenu.

Pendant un bref instant, l'elfe numérique fut tentée d'activer ses cadrans, libérant l'énergie colossale de son corps instable sous la forme de champ de force, droit sur son adversaire, à sa merci dans cette position. Cependant, elle parvint une fois de plus à se contenir, ressassant sans cesse les paroles de Jérémie dans sa tête. Son ancien petit-ami était peut-être rancunier et irascible, mais il n'était pas idiot. Jamais il ne lui aurait ordonné d'avorter la mission s'il n'avait pas eu d'excellentes raisons de le faire.

Ainsi, au lieu de laisser libre court à la fureur qui la transcendait, elle resta de marbre, attendant avec la patience d'un ange que Taelia se relève, une forme épaisse recouverte d'un drap de lin noir entre les bras.

- Dis-moi, ma chère sœur, fit la dirigeante de la Green Phoenix d'un ton d'où perçait l'ironie, reconnais-tu cet objet ?

Et, d'un geste théâtral, elle découvrit le mystérieux artefact, arrachant un cri de stupeur à Aelita. Entre ses longs doigts pâles, se trouvait un étrange gant articulé noir, ornementé d'un nombre impressionnant de fils de couleurs et de capteurs, tous se réunissant autours d'un minuscule écran de contrôle, à la surface du dos de la main, en partie fissuré. L'objet, des plus lugubres, était loin d'être étranger à la jeune fille qui sentit toute sa structure électrique vibrer sous l'effet des émotions se bousculant au cœur de sa poitrine.

- Le Gant Mémoriel de Grigory Nictapolus… souffla-t-elle, identifiant l'objet, mais comment…?

- Il n'a pas été bien difficile de retrouver les restes de l'ancienne Green Phoenix, après que les éléments aient commencé à se mettre en place dans mon cerveau, répliqua d'un ton évasif Taelia, recouvrant de nouveau le gant de son drap, l'arrachant à la vue de son interlocutrice, toujours est-il que, grâce à la fantastique banque de données contenue dans ce petit artefact, j'ai pu récupérer en un temps record toutes les informations m'intéressant concernant le Projet Carthage, les personnes ayant travaillé dessus, dont ma propre mère, mon père, et ce fameux Franz Hopper. J'ai pu lire les archives intégrées à la carte mémoire juste avant que le Code Down ne détruise les anciens locaux de la Green Phoenix…

En effet, le Gant Mémoriel, redoutable merveille technologique développée par le père de Taelia, avait été utilisée à de multiples reprises, un an auparavant, afin de soustraire à toutes les personnes liées au Projet Carthage un certain nombre d'informations, directement au sein de leur mémoire. Ainsi, les hommes de la Green Phoenix avaient été en mesure de traquer la trace des Lyokô-guerriers, notamment en s'en prenant à leurs parents par le biais de cette machine infernale. Cet épisode avait été traumatisant pour l'ensemble du groupe et Aelita ne conservait que de l'amertume envers ce répugnant objet.

Toutefois, s'il expliquait le fait que son ennemie en sache autant sur eux, découvrir que Taelia était désormais en sa possession était loin de répondre à toutes ses questions, bien au contraire.

- Mais comment as-tu pu t'intéresser au projet Carthage en premier lieu ? s'exclama de nouveau Aelita, n'y tenant plus, qu'est-ce qui t'as mis sur la voie ?

Une fois de plus, un rictus mauvais fendit les lèvres de son sosie. Elle semblait sans cesse se délecter de l'incrédulité de sa demi-sœur.

- Dis-moi par hasard, te souviendrais-tu d'une jeune hollandaise du nom de Bringa Heringsdötir par hasard ?

Aelita sentit l'énergie qui courrait le long de son corps artificiel se figer sous l'effet de la stupéfaction. Sans parvenir à se retenir, elle ne put que plaquer ses mains contre sa bouche, horrifiée, tandis que toute la réalité de la situation lui apparaissait désormais de plus en plus clairement.

- Odd… lâcha-t-elle dans un murmure.

Un éclat de rire d'une froideur tranchante lui répondit.

-Oui, Odd ! railla-t-elle, à en juger ta réaction, je suppose que tu n'es pas sans savoir que ce petit imbécile a été incapable de tenir sa langue quant au Supercalculateur de ton père face à cette belle blonde, pourtant uniquement de passage dans le coin.

C'était la vérité. Sous la charme de l'envoûtante correspondante de Sissi, Odd avait, dans le courant de son année de Troisième, commis l'erreur d'emmener sa nouvelle conquête jusqu'à l'usine. Un acte qu'il avait eu tôt fait de regretter et lui avait valu une exclusion temporaire du groupe, jusqu'à ce qu'il ne fasse ses preuves de nouveau. Au final, Jérémie avait négligé de lancer un Retour vers le Passé à l'encontre de la blonde sulfureuse, comptant sur sa stupidité apparente. Ce n'était que maintenant, dans l'antre sombre et glaciale de la Green Phoenix, qu'Aelita réalisait les conséquences de leur négligence.

Par la suite, Bringa avait quitté le collège momentanément pour se rendre dans une petite école privée de campagne, sous les recommandations de Sissi. Il n'y avait guère besoin d'être un génie pour deviner qui la plantureuse hollandaise y avait alors croisé et quelle était le nom de l'école en question.

- Elle t'a tout racontée ? s'enquit Aelita d'un ton sombre, maudissant sa propre naïveté.

- Pas dans les détails, répondit Taelia d'un geste navré, cette pauvre sotte était bien incapable de comprendre ce à quoi elle avait fait face, et le reste de mes camarades était trop obnubilé par sa beauté pour prendre garde à ce qu'elle racontait. Moi seule, qui avait autrefois croisé votre petite bande et leurs regards étranges à Kadic, me suis montrée intriguée par l'histoire. Dés lors, il me fut facile d'emprunter la connexion internet de mon internat pour me renseigner sur cette mystérieuse île abandonnée sur le Fleuve de la Ville de la Tour de Fer. C'est ainsi que le nom de Franz Hopper a surgi et que, en rusant et après de longs mois de recherches dans les sites les plus secrets du gouvernement, j'ai pu finir par faire le lien et comprendre mon implication dans toute cette histoire.

Un nouveau silence s'écoula, durant lequel Taelia entortilla une mèche de ses cheveux courts et mauves entre ses doigts. A l'étage supérieur, il eut soudain comme un fracas lointain, faisant brusquement dresser la tête d'Aelita, sur ses gardes. Sa vis-à-vis, cependant, n'y apporta aucune forme d'intérêt.

- J'ai fini par tomber sur une photo de toi au détour d'un site listant les personnes disparues, poursuivit-elle, la ressemblance était si flagrante… Pendant quelques folles journées, j'ai cru n'être autre qu'Aelita Schaeffer, la fille des héros tragiques Waldo et Anthéa Schaeffer, prêts à sacrifier leur vie pour le bien de l'humanité. Et puis, petit à petit, la réalité s'est imposée à moi avec violence, notamment lorsque, pour la première fois, j'ai cherché à en savoir plus sur mes origines auprès de l'orphelinat m'ayant recueilli.

Il y eut une courte pause, tandis que le visage de Scarlet se durcissait à vue d'œil, pâlissant encore plus à la lueur des néons.

- Bien entendu, personne n'a voulu me transmettre la moindre information, d'autant plus que je n'étais alors qu'une mineure, mais les dérober depuis leurs ordinateurs fut un véritable jeu d'enfant. C'est ici que le nom d'Hannibal Mago –alias Mark James Hollenback- est apparu, me lançant dans le désarroi le plus profond. Du jour au lendemain, je n'étais plus la fille perdue d'un couple de héros mais bien l'enfant abandonnée du monstre qui avait été responsable de leur séparation. Pendant des semaines, je me suis haïe pour ce que j'étais… Et puis, petit à petit, j'ai commencé à réfléchir.

Malgré la sincère douleur qui perçait à travers ses paroles, il y avait quelque chose dans le ton, dans la façon d'agir de Taelia qui empêchait Aelita de se montrer compatissante. Bien au contraire, à ces yeux, plus la jeune fille parlait et plus sa simple présence la révulsait, comme s'il ne s'était agi de rien de plus qu'une stupide petite gamine pleurnicheuse, incapable de surpasser ses problèmes. Aelita elle-même ne s'expliquait pas son inhabituelle hostilité mais une chose était sûre : elle était intrinsèquement dégoûtée par cette demi-sœur impromptue.

- Alors que les vacances d'été avançaient, j'ai fini par comprendre que, si mon père était détestable par ses actions, les Schaeffer n'avaient rien à lui envier. Quelle sorte de mère choisirait d'abandonner sa propre fille sans la moindre forme de réponse et lui préférerait une pauvre petite idiote aux cheveux roses qui n'a pas grandi depuis 10 ans ? Quelle genre de personne serait suffisamment égoïste pour créer à lui seul une entité plus dangereuse encore que le Projet Carthage sous couvert de vouloir « se protéger » -c'était de XANA qu'elle parlait désormais- ? Et, enfin, quels genre de soi-disant justicier pousseraient un homme, aussi mauvais qu'il puisse être, à la mort, le laissant sombrer au font d'un fleuve sans jamais tenter de le sauver ?

D'un seul coup, la vision d'un jet pack explosant en plein ciel, précipitant le corps carbonisé de son occupant dans les profondeurs de l'eau environnant l'usine s'imposa à Aelita, lui arrachant un haut-le-cœur. C'était plus qu'elle ne pouvait en supporter.

Laissant brusquement les cadrans sur les paumes de ses mains se déchaîner, la jeune fille libéra l'énergie contenue dans son corps d'un seul coup, laissant les sphères d'électricité crépitantes naître au creux de ses doigts, saturant l'atmosphère en étincelles rougeâtres. Nimbée du reflet ocre de l'énergie, le visage de Taelia se fendait désormais d'un sourire machiavélique si large qu'il aurait suffi à faire trembler n'importe qui.

- Nous avons tenté de le sauver, il était trop tard ! siffla Aelita, laissant toute sa haine se déverser à travers ses paroles, zébrant la pénombre d'éclairs orangés, ton père a choisi de fuir au lieu de répondre de ses actes et il en a payer le prix fort en raison de sa simple erreur… Tu n'as aucun droit de nous mettre sa mort sur le dos, et cela ne justifie en aucun cas tes actions ! Pourquoi avoir enlevé Angel, qui n'avait rien à voir avec l'affaire ? Pourquoi avoir choisi de remonter la Green Phoenix ? Parle maintenant avant que je ne te force à le faire !

Jamais Aelita n'avait paru si menaçante, son visage habituellement si doux déformé par la rage. Taelia, quant à elle, n'était qu'un masque d'impassibilité et sa pâleur offrait un contraste frappant avec l'aura rosâtre qui avait commencé à émaner de sa demi-sœur.

- Si j'ai choisi de remonter la Green Phoenix, en détournant les fonds de divers organismes plus riches qu'ils ne devraient l'être, c'est pour que justice soit faite, répondit Taelia d'un ton si calme qu'Aelita peinait à l'entendre à travers le crépitement de ses boules de foudres, justice à mon père, mort à cause du projet Carthage, mais surtout justice à moi-même, l'enfant déchirée au milieu de cette sombre histoire qui n'a jamais choisi de subir les dommages de ce vaste gâchis. L'enfant qui n'aurait jamais du voir le jour. L'enfant que comptait si peu que sa propre mère préféra la nommer par le biais d'un stupide anagramme basé sur le prénom de son enfant chérie. Laisse-moi te montrer…

Contournant la silhouette auréolée d'énergie de sa sœur comme si de rien n'était, Taelia se dirigea d'un pas vif vers l'écran principal, au centre de la pièce et, d'une simple pression sur un bouton, l'alluma rapidement. Aussitôt, une carte en trois dimensions d'Endo s'afficha et Aelita put pour la première fois très clairement discerner les petits points lumineux symbolisant ses amis, cernés de toutes parts par les monstres au sein du Territoire de la Ville. De surprise, elle en perdit sa concentration et ses sphères électriques s'atténuèrent au sein de ses paumes jusqu'à disparaître dans le néant.

- Endo est mon ultime projet, susurra Taelia d'un ton presque amoureux, caressant du regard sa création, l'antithèse parfaite du Lyokô de ton père, conçu à partir des ruines du Miroir et de la Première Cité pour causer sa destruction. Lorsque l'intelligence artificielle qui grandit en son sein à partir de l'esprit d'Angel sera arrivée à maturité, nous lancerons un assaut final envers Lyokô. Un assaut dont aucun des deux mondes ne se relèvera. A la fin, le Projet Carthage sera à ma merci complète et alors ni toi, ni même notre chère mère ne seront en mesure de m'empêcher d'en faire l'usage qui lui était destiné à l'origine, réduisant tous les systèmes informatiques gouvernementaux du monde à néant. Le monde sombrera dans une dystopie parfaite, contrôlée par mon bon vouloir, et tout ne sera plus que chaos à la surface ! Ainsi, tous pourront mesurer les conséquences des erreurs de leur gouvernement qui, d'égoïsme en égoïsme, aura conduit l'erreur que je suis à mener à bien ses desseins. Effrayant n'est-ce pas, à quel point la haine d'une enfant envers sa famille peu mener à de telles extrémités ?

Aelita sentit son corps tout entier se glacer alors que les paroles de sa vis-à-vis l'atteignaient les unes après les autres, aussi tranchantes que des lames de rasoir. Elle était folle. Totalement folle, mais surtout dangereusement intelligente et hors de contrôle. Cette jeune fille, si semblable à elle-même, avait depuis longtemps perdu l'esprit, ravagée par un combat qui n'avait jamais été le sien, naissance fortuite au sein d'un monde impur et corrompu. Pour la première fois depuis le début de leur entrevu, un élan de pitié la fit chavirer.

Et puis, sa colère refit brusquement surface, enflant tel un monstre difforme au creux de sa poitrine et, d'un coup, l'énergie électrique fusa de nouveau, tandis que des étincelles dorées s'élevaient de son corps spectral. Sous l'effet de la rage, ses minuscules ailes se déployèrent brusquement dans son dos, emplissant tout l'espace d'une intense lumière.

Sans réaliser que les parties roses pâles de sa tenue viraient peu à peu au blanc sous l'effet de sa montée de niveau inopiné, Aelita pointa la paume de sa main, laissant le premier cadran de son arme s'illuminer d'énergie incandescente. Cette fois-ci, Scarlet se garda bien d'esquisser le moindre sourire.

- Tu ne sais plus ce que tu dis, cracha l'elfe rose, le vert de son regard plus étincelant que jamais à travers la pénombre. Elle était littéralement hors d'elle.

- Lyokô est issue du japonais Ryokô, signifiant « Voyage », poursuivit Taelia comme si on ne l'avait jamais interrompue, une nuance folle dans la voix, de même, « Endo » est une déformation japonisante du mot « End », signifiant la « Fin ». Mon univers virtuel, mon Endo représente la fin de votre voyage faussement idyllique, et ce depuis le début.

- Je vais t'arrêter une bonne fois pour toute avant qu'il ne soit trop tard et que tu ne fasses plus de mal autour de moi, hurla Aelita, incapable de se contrôler désormais, y comprit à ce pauvre Angel !

Mais, alors qu'elle s'apprêtait à décharger toute sa foudre et sa fureur sur son sosie, une brusque décharge lui traversa le ventre, lui coupant le souffle. Malgré elle, elle se sentit chuter au sol, son corps grésillant de toute part comme en proie à un bug subit. Tournant la tête dans une grimace de douleur, elle parvint avec difficulté à discerner une véritable armée d'hommes en noir, l'arme au poing, foncer vert elle, le symbole de la Green Phoenix étincelant sur leur poitrine.

D'une démarche emplie d'une grâce mortelle, Scarlet vint lui faire face, s'agenouillant face à son corps plus instable que jamais, le regard froid.

- Deux semaines, chuchota-t-elle à son oreille pointue tandis que le cliquetis des pistolets se faisait entendre dans son dos, c'est le temps qu'il vous reste avant que la réplique d'Angel ne soit complète et que je ne sois en mesure de l'effacer définitivement de mon Supercalculateur. C'est le laps de temps que vous avez pour le sauver. J'attendrais.

Et puis, sans un mot de plus, sans un adieu, toujours avec la même froideur dans le regard, Elle saisit l'arme que lui tendait l'un de ses gardes et appuya sur la détente, transperçant l'enveloppe corporelle d'Aelita d'une balle de part en part.

La détonation résonna longuement à travers la voûte tandis que, dans un hurlement silencieux, le corps de l'elfe numérique implosait en un millier de particules électriques, s'évanouissant dans l'atmosphère glacée du laboratoire.
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 23 Avr 2016 15:28   Sujet du message: Répondre en citant  
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William, la respiration haletante, contemplait les ultimes pixels d'or s'incruster à la surface de la texture de sa tenue, achevant de stabiliser sa montée de niveau. Il ne comprenait pas tout à fait ce qui venait de se produire mais, une chose était sûre, les sensations que lui apportaient son nouveau corps virtuel étaient très différentes de celles de sa précédente incarnation. Plus léger, il pouvait constater d'ici que les partes noires de sa tenue s'étaient en grande partie résorbées, laissant place à un gris bleuté en adéquation avec le reste de la tunique. De ses sangles, ne restaient qu'une double ceinture épaisse et sombre autour de sa taille, bouclée par un symbole en triangle inversées concentrique et, d'autant qu'il puisse en juger, un bandeau recouvrait désormais son front, relevant la texture de ses cheveux de ses yeux légèrement.

Encore sonné par la métamorphose, le jeune homme eut à peine le temps de se dire que cette nouvelle apparence, bien moins proche de sa version Xanatifiée, lui convenait parfaitement qu'une lame d'or s'abattait droit sur lui, le forçant à plonger sur le côté. Angel s'était remis du phénomène plus vite que lui et repartait à l'assaut, toujours aussi inépuisable, toujours aussi déterminé à le renvoyer droit dans les scanners.

Levant son arme dans une posture défense, William eut la surprise de constater que la gangue de racine l'emprisonnant jusqu'à présent s'était rétractée pour former un manche végétal des plus harmonieux, duquel dépassait, telle une fleur grotesque, une gigantesque épée d'une épaisseur étonnamment fine, striée à intervalle régulier à l'image d'une lame de cutter.

Sans prendre le temps d'admirer plus longtemps sa nouvelle arme, le guerrier futuriste fendit l'air en direction de son adversaire qu'il manqua de quelques millimètres, désarçonné par la soudaine maniabilité du zanbato.

Profitant de l'ouverture, Angel lui asséna un brusque coup de pied circulaire, l'envoyer valser au loin, son bas-ventre désormais parcourut d'étincelles.

- Moins dix Points de Vie William, retentit la voix de Yumi à travers la salle du cœur, l'aidant à reprendre ses esprits tandis qu'il se
redressait, à ce rythme il vaut peut-être mieux que tu te laisses dévirtualiser, et tant pis pour Angel !

- Non ! protesta le Lyokô-guerrier avec hargne, resserrant sa prise sur le manche de son épée, il était hors de question qu'il flanche de nouveau. Il voulait se battre !

- Ne soit pas aussi entêté, protesta la japonaise avec colère tandis que William repartait à l'assaut, assénant de multiples et rapides coups de lames à Angel, qui semblait parer les coups avec autant de facilité qu'auparavant, à quoi ça t'apporte de faire preuve de fierté ? Plus personne ne peut plus relier Angel à nos scanners de toute façon, il est trop tard !

Un cri de frustration s'échappa des lèvres du jeune adulte tandis qu'un revers de lame de la faux de son adversaire le forçait de nouveau à battre en retraite. Yumi avait raison, s'était en refusant d'écouter les conseils de ses amis et en préférant continuer à se battre par pur entêtement qu'il avait fini par souffrir la dernière fois. Il était hors de question de commettre la même erreur !

Jugulant à grand peine son envie de repartir à l'attaque, William esquissa un mouvement de recul jusqu'aux racines de la Tour Noire, s'assurant de rester hors d'atteinte des vagues d'énergie de son adversaire.

- Dans ce cas envoie-moi au moins un véhicule ! s'exclama-t-il à l'adresse de Yumi tandis qu'Angel, resté sur place semblait réfléchir à la tactique à adopter, je vais aller rejoindre les autres pour les aider !

-L'Overwing est à 98% de chargement mais tout rame d'ici, protesta son ex petite-amie d'un ton trépidant, visiblement occupée à pianoter sur des touches, encore quelques secondes… Ça y est !

A peine avait-elle finit sa phrase, que les contours bleutés du véhicule aux formes arrondies se dessinaient non loin du jeune homme, tel une échappatoire providentielle. Soulagé, William se précipita vers le véhicule, en saisissant la poignée avant même qu'il n'ait fini de se stabiliser lorsqu'une vibration sourde se fit entendre, emplissant l'atmosphère d'un son curieusement discordant.

Angel, tel un automate, venait de lever la main en l'air, générant comme une sorte de vortex de lumière azure entre ses doigts, duquel des cris rauques ne tardèrent pas à s'échapper. L'instant d'après, des dizaines de Mantas jaillissaient de sa main, grandissant à vue d'œil avant de pointer leurs appendices illuminés de rouge droit sur William, menaçant de le mitrailler de lasers à la moindre occasion.

- Monosmoke ! rugit le ténébreux jeune homme plus sous l'effet de la peur qu'autre chose, activant son pouvoir dans le but désespéré de se dissimuler à la vue des créatures volantes, qui commençaient dors et déjà à fondre sur lui.

Cependant, en lieu et place de fumée grise, ce fut une véritable boule de lumière qui s'échappa de ses doigts tendus, fusant à travers la salle exiguë dans la direction opposée. Presque aussitôt, comme hypnotisée, les Mantas firent volte-face à même les airs, manquant de se heurter les unes aux autres dans leur incontrôlable désir de poursuivre la sphère, qui semblait avoir le même effet qu'un leurre à leurs yeux, délaissant totalement le Lyokô-guerrier.

- Waouh… souffla William, hébété. Sa montée de niveau semblait avoir également modifié son pouvoir, en plus de son arme. A croire que sa brusque reprise de confiance en lui avait définitivement éliminé les ultimes traces du passage de XANA en lui.

Mais, alors que, triomphant, il s'apprêtait à profiter de la diversion pour s'éclipser à bord de l'Overwing, un brusque coup de lame surgit de nulle part, lui transperçant la poitrine, arrachant un flot de pixels à son corps tout nouveau. Dans un hoquet de surprise, William contempla son enveloppe virtuelle s'effacer, impuissant, tandis qu'Angel, qui avait profité de l'instant de déconcentration du jeune homme pour se glisser dans son dos, rengainait sa faux, victorieux.

Une fois de plus, les Lyokô-guerriers s'étaient révélés incapables de lui faire face.


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Odd s'en donnait à cœur joie, mitraillant à tous vas l'armée de monstres aériens l'environnant, son Overboard enchaînant salto sur embardée à mesure qu'il esquivait lasers de Mantas et jets d'acide de Frôlions. Partout autour de lui, le ciel d'un bleu limpide du Territoire de la Ville semblait envahi du rouge des tirs et du jaune de ses flèches lasers lumineuses, le bouchant à la vue des monstres en un ballet aveuglant et mortel.

L'arrivée de ses camarades semblait lui avoir redonné toute sa vigueur et les créatures de la Green Phoenix se révélaient impuissantes face à son habilité en plein air et à la cadence de tir de ses Cat Guns si bien qu'à terre, les Blocks avaient choisi de délaisser Stéphanie et Mathieu pour concentrer leur feu sur lui, lui menant la vie dure.

- X-Shield ! s'exclama-t-il en croisant ses queues devant lui alors qu'une nouvelle salve se dirigeait vers lui, faisant ricocher les tirs à la surface de son nouveau bouclier d'énergie jaune en forme de croix, qu'il avait déjà eu l'occasion d'expérimenter lors de ses séances d’entraînement, Yumi, tu pourrais dire aux autres d'agir un peu en bas ? Je suis balaise mais si j'ai tous les monstres contre moi, je ne vais pas tenir longtemps ! Où en sont Aelita et William ?

- William vient de se faire dévirtualiser, répondit la japonaise d'un ton sombre, sa voix à peine audible à travers le vacarme des lasers, et je n'ai aucune nouvelle d'Aelita depuis un moment. Quant aux autres, ils sont déjà bien assez occupés avec leurs propres monstres !

C'était la vérité. Désireux de se rendre utile pour son bien-aimé, Mathieu tentait tant bien que mal d'attirer l'attention des Blocks sur lui, préférant leur renvoyer leur laser gelant afin de les mettre hors service momentanément plutôt que de risquer une dévirtualisation inopinée en se rapprochant trop des lasers. Quant à Stéphanie, elle avait mis la main sur l'Overbike, virtualisé par Yumi depuis quelques minutes, et se montrait presque aussi efficace que lui, décimant Krabe sur Krabe dans un long hurlement de satisfaction. Elle avait cependant perdu une de ses aiguilles et son corps projetait régulièrement des étincelles, principalement dues à sa négligence face à l'opiniâtreté des monstres.

Alors que, haussant un sourcil, le nekomata virtuel se demandait où pouvait bien avoir disparu Jérémie, une brusque explosion se fit entendre au loin, faisant tourner la tête des trois Lyokô-guerriers d'un même mouvement.

Émergeant brusquement de la forêt d'immeubles, ses dents plus longues que sous sa forme terrestre étroitement serrées, le petit génie se précipitait désormais dans leur direction, un long javelot constitué d'une répétition de segments hexagonaux entre les mains.

Presque aussitôt, les rares Frôlions restant choisirent de virer de cap, fonçant de toute la force de leurs ailes frémissantes droit sur le Lyokô-guerriers aux lunettes interactives. Loin de se laisser démonter, Jérémie fit mine de pianoter quelques instants le long de son arme avant de soudain fendre l'air de son javelot, droit en direction des monstres. Aussitôt, les segments le constituant semblèrent se démultiplier d'eux-mêmes, allongeant l'arme qui avait désormais adopté un aspect souple, imitant un fouet redoutable, claquant au vent d'un air menaçant. Deux des créatures ailées furent fauchées en plein vol, leur corps grossier parcourut un instant de chiffres bleutés sous l'action du virus contenu dans son arme avant d'exploser en vol erratique, vaincues.

Bouche bée, Odd relâcha sa concentration un bref instant, suffisamment longtemps pour permettre à une Manta de l'atteindre en pleine épaule. Jurant, le jeune homme en violet répliqua aussitôt d'une nuée de Flèche Lasers, détruisant la responsable sur le coup. L'efficacité inattendue de Jérémie l'avait surpris !

En contrebas, ce dernier libérait toutes les facultés de son arme à son plein potentiel, l'allongeant tantôt en une pointe mortelle vers les monstres les plus éloignés, la faisant tantôt se ployer à sa volonté afin de toucher d'autres ennemis, normalement inaccessibles depuis sa position. Venir à bout des monstres n'avait jamais été aussi facile pour lui ! Il lui suffisait de les effleurer de l'extrémité d'un de ses segments pour aussitôt lui insuffler son virus, le détruisant sur le coup. Sans pouvoir d'analyse cependant, nul ne doutait qu'il lui aurait sans doute fallu des semaines, voire des mois avant de commencer à saisir tout le potentiel de son armement.

Enorgueilli par son succès, il ne vit par le dernier Krabe épargné par Stéphanie se glisser dans son dos, lui assénant un coup de patte d'une rare violence. Valsant à terre, le souffle coupé et le corps parcourut d'étincelles, il eut tout juste le temps d'effleurer son bâton, revenu à sa forme d'origine sous le choc, selon la combinaison indiquée par ses lunettes pour former comme une sorte de parapluie à la structure hexagonale complexe, s'en servant comme bouclier contre les coups de pinces du monstre cuirassé.

Ployant sous les assauts malgré lui, il prit le temps de déchiffrer une nouvelle série de chiffres devant ses yeux avant de pianoter encore une fois selon un schéma complexe le manche de sa protection. Aussitôt, les bâtons se démultiplièrent de nouveau, formant comme d'immenses pattes articulés sur les pourtours de son bouclier, élevant son arme à la hauteur du Krabe adverse, adoptant une apparence étonnamment similaire.

- Virusage, souffla Jérémie en appuyant sur une face de façon judicieuse.

Aussitôt un ultime bâton jaillit de l'extrémité de la « tête », de sa créature, effleurant la carapace du monstre avant même que celui-ci n'ait pu charger le moindre laser. Vacillant sur ses pattes, le Krabessecoua son immonde face plate un instant, luttant vainement contre les symboles lumineux recouvrant progressivement son corps avant d'exploser de l'intérieur en une myriade de particules.

Haletant sous l'effet de la tension, Jérémie se risqua à s'éloigner légèrement, non sans conserver sa main à la surface de sa création. Indépendante, cette dernière pencha la structure lui servant de tête face à lui, comme avec curiosité, et un éclair de génie le traversa. Odd avec son Overboard et Stéphanie s'était appropriée l'Overbike, mais lui possédait beaucoup mieux que cela…

L'instant d'après, il chevauchait la créature générée par son arme, fonçant à toute l'allure des pinces manipulées par ses mains habiles en direction des Blocks, bien déterminé à les infecter à leur tour.

- Jérémie… Depuis quand tu es devenu aussi puissant !? s'exclama Odd entre deux rafales de flèches lasers, le nombre de Mantas face à lui déclinant à vue d'œil.

Mathieu, qui venait d'absorber avec succès –à sa propre surprise- une volée d'anneaux enflammées d'un des Blocks adverses, demeura bouche bée en voyant le « Krabe » de Jérémie le doubler, mettant en déroute les monstres de la Green Phoenix sur son passage, son créateur le visage plissé en une expression d'intense concentration sur son dos, l'allure de ses doigts faiblissant petit à petit à la surface de son bâton d'origine afin de diriger la créature.

- Waouh… ne put-il que lâcher, soufflé par l'apparition.

Ce fut le moment que choisi un Block, demeuré en embuscade jusqu'à présent derrière un building à moitié construit, pour surgir de sa cachette, décochant un laser bien placé droit sur le jeune homme.

Heurté de plein fouet au creux de l'omoplate, Mathieu ne put que vaciller avant de, sous le regard horrifié de ses camarades, chuter en direction du gouffre aménagé par les monstres au centre du plateau, plongeant droit vers la Mer Numérique, comme au ralenti.

- Mathieu ! hurla Stéphanie dans un cri de désespoir, impuissante, tandis que deux énormes Mantas lui barraient la route, l'empêchant de faire volte-face avec son Overbike pour voler au secours de son ami.

Odd crut sentir son cœur s'arrêter de battre. D'un coup, sans la moindre petite once de réflexion, délaissant le combat, il se mit à fuser vers l'homme de ses rêves, la main désespérément tendue dans sa direction, sans prendre garde aux lasers qui fusaient de toute part autours de lui. Déjà, les oreilles de lapin de la capuche de Mathieu dépassaient la pointe du Hopper, le rapprochant à une vitesse mortelle de l'immense étendue d'eau virtuelle sans retour.

Aveuglé par la peur, Odd ne put éviter tout les tirs et fut à son tour projeté dans le vide, laissant sa planche dériver un instant dans les airs avant d'exploser en une volée de pixels sous les lasers des Mantas.

- Mathieu ! s'époumona-t-il à son tour, tentant vainement de le viser de ses Catguns, sans se soucier de sa propre chute.

Brusquement, un choc sourd l'intercepta en plein vol et il se retrouva sur le dos d'un nouveau monstre ailé qui s'empressa de s'élever de nouveau vers le plateau, l'emmenant loin de son bien-aimé, lui arrachant son ultime espoir de le sauver.

- Noooon ! gémit-il, au comble du désespoir, une horrible douleur qui n'avait rien à voir avec le choc lui transperçant la poitrine.

Sans réfléchir, il planta de rage les lames à l'extrémité de ses queues droit dans la surface molle du dos de la Manta, lui arrachant un cri rauque de supplice.

Il se produisit alors un phénomène étrange. Ce fut soudain comme si une brusque lueur lui traversait l'esprit de part en part, le coupant net dans son élan de folie. Pendant quelques folles secondes, Odd eut l'impression que son esprit était partagé en deux. Puis, soudain, le symbole d'Angel sous ses pieds se mit à luire avant de se modifier progressivement, arborant la forme d'une patte de chat –la même que celle qui était visible sur le dos de la carte de son avatar. D'un seul coup, et sans bien comprendre pourquoi, Odd se sentit comme connecté à la Manta. Chaque extrémité de ses ailes, sa bouche cracheuse de laser, son corps souple et ondulant gracieusement… Il les ressentait avec autant d'intensité que s'il s'était agi d'une extension de son propre corps. Son nouveau pouvoir venait de se manifester.

Sans chercher à en savoir plus, Odd fit virer de bord la créature volante, désormais entièrement sous son contrôle, ignorant les cris furieux de ses congénères fusant dans sa direction. Il lui suffit d'une simple inflexion mentale pour ordonner à la Manta de tirer, décochant un unique laser rouge de l'extrémité de sa bouche allongée. Ce fut suffisant.

Le rayon fendit l'air en une trajectoire parfaite et atteignit Mathieu en plein cœur juste avant qu'il n'atteigne la surface de la Mer Numérique. En un instant, il avait disparu, se noyant dans un jet de pixels luminescents plutôt que dans les flots mortels. Il était sain et sauf.

Sentant une vague de soulagement indescriptible l'envahir, Odd n'eut pas le temps de se retourner avant que les consœurs de sa possession n'arrivent enfin sur lui, le délogeant de la Manta sous la violence des tirs. Fauché en plein vol, il ne put que se laisser dévirtualiser à son tour tandis que sa monture, victime du contrecoup de l'attaque, explosait sous le feu de ses comparses. Ce fut son ultime vision avant de s'évanouir dans le néant, son esprit happé par les câbles électriques pour être redirigé vers la chaleur rassurante des scanners de l'usine.


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La porte des scanners coulissa en un chuintement assourdissant auquel Odd ne prit aucunement garde. Ses oreilles de nouveau petites et bien loin de celles de chat de son apparence virtuelle, ses cheveux blonds ruisselant de sueur, le jeune homme, la respiration sifflante, s'extirpa à grand peine du caisson, ignorant les bouffées de vapeur chaude s'en échappant, lui brûlant la gorge et les narines.

Face à lui, un deuxième scanner venait de s'ouvrir, libérant la silhouette inanimée d'un jeune garçon aux cheveux auburn emmêlés, le visage pâle et les yeux bleus mi-clos.

Son sang ne fit qu'un tour tandis qu'il se précipitait vers l'élu de son cœur, cédant à la panique qu'il avait un tant soit peu jugulé une fois sur la Manta. Indifférent au regard de William, de nouveau mal rasé et en T-shirt et déjà debout face à la porte du monte-charge, il saisit la silhouette frêle de Mathieu entre ses bras musculeux, le secouant doucement, la voix tremblante d'inquiétude.

- Mathieu, hey ! l'appela-t-il, au bord de la crise de nerf, dans un murmure étouffé à peine audible à travers le ronronnement des machines, dis-moi que tu n'as rien, je t'en supplie…

- Odd… Tu me fais mal, gémit une voix faible mais bien vivante en guise de réponse.

Mathieu avait ouvert ses grands yeux bleus et lui souriait doucement désormais entre ses bras. Derrière eux, la porte du monte-charge, sous doute appelée par William, se mit à coulisser mais aucun des deux ne s'en préoccupa.

Sans réfléchir, cédant face à la peur qu'il venait d'éprouver, Odd murmura un faible « ne me refais plus jamais ça » avant de fondre sur les lèvres de son amant, l'embrassant dans le baiser le plus passionné et le plus sincère qu'ils aient jamais échangé. Pendant un bref instant, plus rien n'exista en dehors de leurs salives et de leurs odeurs mêlées.

Puis, brusquement, un glapissement étranglé leur fit tout deux relever la tête précipitamment, rouges de confusion. Odd sentit son sang se glacer dans ses veines.

Dans l'encadrement de la porte du monte-charge, à peine éclairée par la lueur tremblotante des néons, se tenait Eva, plus livide que jamais, son regard d'eau claire exorbité face à la vision de son petit ami et du garçon qu'elle haïssait le plus au monde enlacés dans le même scanner. Sans doute était-elle descendue accueillir son bien-aimé de retour sur Terre, sans se douter un seul instant du spectacle qui l'attendrait.

La bouche entrouverte, le visage ravagé, elle resta immobile un moment face au regard d'Odd qui sembla soudain se liquéfier sur place, le soulagement visible sur son visage un instant plus tôt se décomposant petit à petit pour laisser la place à l'expression de la terreur la plus absolue. Entre eux deux, allait et venait le regard de William, qui semblait incapable de déterminer de quelle façon il convenait de réagir face à une telle situation.

Puis, sans crier gare, l'américaine se précipita vers le bouton du monte-charge et activa la fermeture des portes, se soustrayant à la vue des trois garçons dans une tentative de fuite désespérée.

- Eva, attends ! la supplia Odd, un peu tard, lâchant Mathieu pour se redresser.

Il n'eut cependant que le temps d'apercevoir les yeux embués de larmes ravalées à grand peine de sa petite-amie à travers l'interstice avant que la porte ne se referme, scellant à jamais leur relation.

L'erreur avait été commise, et il n'y avait plus aucun retour en arrière possible désormais.


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Aelita, les jambes flageolantes, se sentit peu à peu reprendre connaissance à mesure que son esprit, violemment arraché à la Terre, réintégrait son corps numérique. Vacillante, elle se rattrapa de justesse à la barre longeant les plots de débarquement du Hopper pour se retrouver nez-à-nez avec la bataille faisant rage à l'extérieur de l'habitacle.

Apaisant tant bien que mal son esprit douloureux suite aux révélations de Taelia, elle se précipita aussitôt vers son poste de contrôle, réintégrant sa fonction de meneuse avec un sang-froid exemplaire. Elle n'avait pas le droit de céder maintenant, pas tant que les autres ne seraient pas hors de danger.

- Stéphanie, Jérémie ? appela-t-elle après avoir vérifié le nombre de présences sur Endo depuis ses écrans de contrôle et pressé la fonction de haut-parleur du vaisseau numérique, je vous rapatrie vers le Hopper d'urgence ! Il est trop tard pour continuer la mission, il faut filer d'ici avant que la barre d'énergie du sous-marin n'atteignent le zéro !

Sans attendre de réponse, elle releva deux manettes sur sa console et, une fraction de secondes plus tard, les silhouettes de ses camarades Lyokô-guerriers se matérialisaient non loin d'elle, Stéphanie toujours en position de combat.

- On n'attend pas William ? s'enquit la gothic lolita virtuelle tandis que Jérémie, docile, ramenait son arme à son état d'origine en évitant soigneusement de croiser le regard de l'elfe rose.

Aelita ne se détourna pas des commandes pour répondre.

- D'après mes écrans, il est déjà de retour sur Terre, Angel a du le dévirtualiser, fit-elle en affichant les interfaces liées aux passagers du Hopper, ça veut dire que rien ne nous retient ici… En route !

Et, les mains sur la barre, elle activa les engins du sous-marin virtuel à pleine puissance, fonçant à toute allure vers la Mer Numérique, poursuivie par les ultimes lasers des monstres de la Green Phoenix.

Tandis que la coque luisante du vaisseau s'enfonçait dans les profondeurs bleues marines de l'océan virtuel, Aelita ne put s'empêcher de se faire la réflexion, avec amertume, qu'une fois de plus leur mission se soldait par un échec retentissant, le rire de sa demi-sœur résonnant encore au creux de ses oreilles.
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