Inscrit le: 16 Mar 2013 Messages: 1110 Localisation: Au beau milieu d'une tempête.
Promesse tenue, j'ai rattrapé mon retard sur ta fic cette semaine. En fait, je trouve presque plus intéressant de lire tout un arc d'un coup que de lire les chapitres au compte-gouttes, on a moins cette impression de stagnation et d'ennui qu'on a pu ressentir auparavant. Dans la même veine, je pense que tu as réussi ton pari quant au regain d'intérêt que tu souhaitais ajouter à l'histoire, via les passages avec Senja ou les éléments étranges par-ci par-là. Enfin, à mon sens, tu as encore moyen de faire encore mieux pour nous captiver !
C'est parti pour une chiée de remarques en vrac sur l'arc.
J'ai adoré l'image de « trait d'union » symbolisée par le banc. C'est vraiment bien vu !
Concernant Émeline, c'est vrai que virtuellement c'est probablement la meilleure du lot, en excluant Alice. Je pense que le personnage gagnerait à avoir des séquences depuis son point de vue, ce qui collerait en bonus avec sa « prise de confiance » évoquée.
Les actions sont toujours aussi dynamiques et agréables à lire, avec ce côté un peu décalé qui te caractérise je dirais.
Le pavé relatant les débuts d'Hiroki sur Soulsilver, j'avoue ne pas lui avoir trouvé de réel intérêt. On avait CRACHE-FEU et Vrai con certes, mais une longueur pareille était-elle vraiment nécessaire pour préparer leur introduction ? En fait, je pensais que ce paragraphe amènerait à une chute autre que la mort de la batterie, c'est pour ça qu'il m'a déçu (en plus de devoir lire quelque chose que j'ai connu plusieurs fois o/). Selon moi, ce passage-là reflète carrément un manque d'inspiration pour l'histoire. Du coup, je salue la pause que tu as décidé de faire cet été, qui a apparemment été de bonne inspiration si on t'en croit.
Dans le chapitre d'introduction d'Alice, j'ai un peu tiqué sur la présence virtuelle d'Alexandre. Il met un vent à Floyd par sms dans le chapitre d'avant, la narration laisse presque entendre qu'il va tout lâcher, et il se ramène ensuite sur Lyokô comme une fleur ? Je veux bien que la confusion d'Alexandre soit dépeinte ensuite, mais ça fait vraiment « Whaaaaaat ? » sur le coup. Quand Alice a parlé de « sept visages inconnus », je me suis vraiment dit qu'elle était miro ou que Senja s'était dupliqué. Oh wait…
Pour rester sur Alexandre, j'ai un peu de mal à comprendre pourquoi c'est quelqu'un comme Floyd qui se charge de le convaincre de revenir. Comme spécifié par Alexandre lui-même, ils se parlaient pas spécialement, et dans les passages sur Floyd qu'il y a eu jusqu'à présent, il ne donnait pas l'impression d'être capable de prendre une initiative comme celle-là, ni de sortir une phrase aussi niaise que « Il y a encore du bon en lui » (d'autant plus que c'est le genre de phrase que t'envoies sur quelqu'un que tu connais mieux que ça x)). D'autant plus que ça arrive vraiment comme une couille dans la soupe, je ne crois pas avoir décelé un signe avant-coureur qui permette de vraiment justifier ça. Enfin, si il y aurait éventuellement la question de Senja à Floyd sur Alexandre, qui laisserait entendre que c'est le premier qui aurait demandé au second de tenter de rameuter le troisième, mais cette éventualité me convainc moins, surtout avec la création d'Alice.
Du coup, n'hésite pas à faire des passages dans la tête de Floyd pour donner des éléments plus tangibles, au détour d'une Émeline badass.
Un autre point que je voulais aborder était le relatif statut de boulets qu'on pouvait étiquetter sur le front de Sylith, Arry, Dorka, Floyd et Émeline (Alexandre étant un cas à part : un boulier). Ce qui me « choque » - à défaut de trouver un verbe moins puissant – c'est que tous remarquent un minimum que Senja n'est pas net (quelques observations, réflexions et discussions à droite à gauche le montre quand même, ce qui est une amélioration par rapport à ce que je disais dans un de mes autres commentaires sur eux), mais que personne ne semble troublé par ça, ni ne cherche à en savoir plus.
Je te l'accorde, les deux filles du quatuor originel ne sont pas assez objectives, et n'ont pas l'esprit d'initiative suffisant pour vraiment se tourner sur la question. Arry bécote, Dorka trop improbable. Reste à nouveau Alexandre, qui pour les mêmes raisons que j'ai exposé l'autre fois est en mesure de mettre en lumière et d'agir face au côté louche de Senja, mais bon, son départ, et même un éventuel retour étouffent cette possibilité. Ses couilles sont posées sur un plateau comme on dit.
Reste Floyd. Sachant que du temps a passé, ce que tu avais exposé le concernant est peut-être moins solide. Sachant qu'en bonus, il cherche à récupérer Alexandre de sa propre initiative, il commence à être prometteur de ce côté.
Toujours est-il que généralement, j'ai du mal à concevoir que les membres du groupe ne soient pas plus curieux par rapport à « l'accident » de Senja. Je ne me souviens même pas avoir lu que l'un d'eux avait un soupçon de doute le concernant. Et je trouve ça dommage niveau développement des personnages, parce que j'ai toujours aimé ceux qui arrivaient à remettre les choses en question. À ce stade, les LG de départ étaient mieux lotis avec Yumi et Jérémie o/.
Du coup, il me reste plus que Senja à traiter. Déjà, je suis plutôt d'accord avec son interlocuteur quant à sa discrétion. Il a du pot que les autres soient justes des boulets x_X.
Okay j'arrête avec ça et je deviens sérieux.
Comme je le disais plus haut, ça devient un peu plus dense niveau intrigue, principalement avec les entrevues entre Senja et son mystérieux contact (capable de lui éclater la gueule sur le mur <3 ?), mais aussi avec les points de vue du côté de Xana.
Déjà, on peut balancer sans se mouiller qu'on a un camp dans l'ombre qui agit via Senja. Comme d'habitude, il y a la question des objectifs qui se présente. Ils veulent détruire Xana, c'est assez transparent, mais pas maintenant (cross-over avec Ellana =o !). Senja parlait « d'objectif premier ». Le seul agissement des héros qu'on peut lier à ça, c'est l'annexion des Réplikas. On sait grâce à l'animé qu'utiliser un programme multi-agents sur Xana contribue à détruire tous les Réplikas qui lui sont attachés (et ce, peu importe que ça le tue ou non). Mais en volant le contrôle des SC générant les Réplikas avant de lancer le programme anti-Xana… Les machines sont épargnées, mais surtout, le gain de puissance qu'elles permettent de gagner.
Sachant que l'idée de vol des machines des Réplikas vient de Senja, on peut penser que cet autre camp a besoin de la puissance de plusieurs SC.
Par contre, définir un peu leur placement « gentils/méchants ? » est compliqué. Leurs paroles laissent entendre qu'ils ont contribué à vaincre des Xana, mais on peut tout à fait penser qu'ils sont du côté d'un Xana qui veut être the only one. Le coup de la brume givrante dans laquelle des monstres au design de ceux de Xana se forment alimente cette dernière théorie, puisque même Aelita était attaquée.
Par ailleurs, j'ai tendance à penser qu'en plus de la brume, la coup de l'Icermure était également du fait de ce camp, ce qui offrirait une porte de sortie bien pratique à un William qui s'emmerde en cas de « complications » .
Le deuxième point sur lequel je peux broder, c'est l'allusion de Senja : « X.A.N.A n'avait pas muté, c'était la faute de Jérémie qui avait mal codé le programme multi-agent ». Tiens, tiens Supernova, si je ne m'y attendais pas depuis quelques temps !
Associée à cette allusion, on a la répartie de l'interlocuteur quant à la discrétion de Senja là-bas. J'en déduis que c'était quelqu'un qui se trouvait dans l'environnement de Jérémie au moment où il bossait son programme multi-agents vu dans la série. Et il est assez évident, même avant cette scène, que la personne derrière le masque blanc n'était plus celle des cinq premiers chapitres. De base, j'ai pensé que c'était peut-être un autre Jérémie qui se faisait passer pour Senja (ouais y'a les cheveux qui collent pas, mais vive la technologie et la coloration). Ça expliquerait les compétences informatiques décuplées et le sous-entendu sur sa capacité à poutrer Xana (et Supernova nous aura montré qu'il pouvait être bon virtuellement o/). Problème : ça ne colle pas trop avec la perturbation du Jérémie de Supernova, sauf s'il a agi dans l'ombre. Mais le mot « perturbé » laisse entendre une certaine visibilité, et je doute que Jérémie trouve ça normal de voir un double de lui-même qui ne soit pas créé par Xana.
J'ai continué sur la piste informatique en regardant qui était un bon candidat : Hervé, Hopper, Joséphine (tellement Mary Sue qu'elle serait capable de se travestir parfaitement !).
Après avoir abandonné ses conneries, j'ai réfléchi à une possibilité bien plus intéressante. Et si sous le masque de Senja… se cachait William ? Ou plutôt : un autre William. Ça collerait plutôt bien avec l'usage du mot « perturbé », qui serait un renvoi à sa xanatification. Parce que de mémoire, Jérémie n'a commencé à plancher son programme multi-agents qu'à partir du moment où il avait un moyen de libérer William. Dans la même veine, on a aussi l'ultime arnaque xanatifiée de William qui a en sens « perturbé » Jérémie, qui venait juste de recevoir de quoi achever son programme via Mister Bouboule.
En plus, ça laisserait entendre que les actions de William qui ont permis son intégration chez les LG (saison 3 quoi) étaient calculées, et que le fameux « manque de discrétion », c'était justement ces interventions qui ont mené à ladite intégration. Ces dernières l'auraient grillé auprès de Xana, qui l'aurait donc de manière calculée et non random.
L'idée me plaît, mais quid des compétences informatiques ? Bah si on reste sur le principe que William avait calculé ses actions, ça voudrait dire qu'il avait été envoyé par le camp inconnu pour agir, à l'instar de ce qu'on peut voir ici. Mais comme son visage n'était pas masqué ici, il s'est assuré une couverture en se faisant passer pour un ténébreux-dragueur, le type de profil qu'on ne soupçonne pas avoir des accointances avec l'informatique.
Et surtout, il me semble que physiquement, les deux personnages ont des similarités (capillaires notamment), même si le style vestimentaire de Senja masqué est fait de telle sorte que les formes ne sont pas trop moulées (coucou jogging).
Autrement – pour enfin en finir – j'ai vraiment passé un moment sympa à lire cet arc d'un coup. Si la suite me donne des regains d'intérêt encore plus prononcés, ce serait bien cool o/.
Continue bien du coup !
(En espérant avoir cristallisé mes réflexions de manière claire surtout ! Sinon, j'ignore si j'arriverais à me comprendre après-coup...) _________________
« Jérémie avait fait un superbe travail. Ce dernier voyage sur Lyokô promettait d'être inoubliable. » Un jour, peut-être.
J'avoue que j'ai aimé ton com', c'est peut-être ce qui fait que j'ai commencé à y répondre assez rapidement, pendant que c'était frais o/ Comment ça j'ai rien à faire?
Cependant, une partie de LG a dû m'arracher à la rédaction de ma réponse à l'occasion...
Déjà, ton com' m'a pas mal soulagée en ce qui concerne l'intérêt de la fic. Si ça remonte déjà maintenant, c'est cool, parce que je suis convaincue que la suite est largement au-dessus de ce qui la précède. Donc merci pour ça, déjà.
Le trait d’union est venu comme ça, et je pensais pas qu’une random image placée au détour d’un chapitre marquerait quelqu’un, alors c’est qu’elle devait bien valoir le coup XD
Emeline commence en effet à roxxer. Elle a été favorisée par la politique de ré-équilibrage : je trouvais qu’elle était un peu mise de côté sur le plan virtuel alors j’ai joué sur sa grande force pour souligner qu’elle était capable de gérer et maintenant, j’adore l’utiliser. A l’inverse, on a Arry qui a finalement un peu un avatar de merde et qui tombe dans l’oubli sur le plan virtuel… Bref tout ça pour dire que son regain d’intérêt virtuel a causé un regain d’intérêt pour sa psychologie, et du coup, notamment dans le chapitre 24, on aura plus souvent son point de vue.
Le pavé...je plaide coupable. La partie sur William s’est avérée être trop courte pour remplir un chapitre et comme je voulais pas reprendre l’action avant le suivant, il m’a fallu…improviser. Mais on peut relier ça à un manque d’inspiration. Normalement, ça ne se reproduira pas dans les nouveaux chapitres, j’estime avoir bien eu de quoi les remplir, surtout qu’il commence à être temps de se diriger vers la fin de la fic, qui est pour dans une dizaine de chapitres environ…
La présence virtuelle d’Alexandre est explicable si on prend la situation autrement. Alexandre n’ose pas totalement lâcher le groupe et est pris entre deux feux, alors pour les attaques il se mouille pas mais là, il s’agissait d’une mission très très peu risquée, alors il a décidé de venir pour remplir ses quotas de présence et faire genre qu’on ne n’oubliait pas. Un peu comme quand Pika venait écouter les vocaux des Carpes sans rien avoir lu !
Là aussi, « pourquoi Floyd ». Dans le chapitre du départ d’Alexandre, la plupart en est à cracher sur le dos du littéraire en le traitant de tapette et autres noms fleuris, parce qu’il les abandonne. Floyd n’a pas eu cette réaction, il s’est montré plus compréhensif et a ensuite cherché à récupérer Alexandre parce qu’il a conscience que le groupe a un minimum besoin de ses combattants. Floyd est certes discret mais capable d’un minimum d’initiatives quand il l’estime nécessaire, et là il a choisi d’agir pour la cohésion du groupe, en gros. J’avoue que j’ai prévu moins d’introspections sur ce personnage parce qu’il reste un peu flou encore, alors qu’Emeline, je suis plus à l’aise.
Tu as assez bien énuméré les raisons qui font que les personnages ne cherchent pas à en savoir plus sur Senja, ce dernier a grosso modo pris le contrôle du groupe et exerce son autorité comme il l’entend. Comme je n’ai aucune envie de balancer toute mon intrigue, je te propose donc de repasser dans quelques chapitres, ça aura peut-être évolué
Puisqu’on parle de Senja, et de son copain dans l’ombre. Déjà, je note que tu réagis à une ou deux remarques dudit pote dans l’ombre (le fait d’être discret, et la tête éclatée)…je pense qu’un jour tu comprendras qu’elles sont, comme on dit, complexes sans en avoir l’air. (a)
Oh mon dieu, crossover avec Ellana J’avais pas signé pour ça !
Tes théories sont franchement intéressantes et je t’avoue que certaines ne me seraient même pas venues à l’esprit alors que ça aurait carrément fait classe. Bien entendu, je ne peux rien confirmer ou invalider (la suite le fera peut-être (a)) mais sache que j’ai adoré les lire 8D
Par contre, pour la suggestion de Hopper en fake Senja…je doute que Hopper arrive se faire passer pour un élève de première XD
Je reviendrai juste sur le fait que tu dis que William et Senja ont des similarités physiques…ben en fait, lol mdr xd, Senja n’a jamais eu droit à une description en bonne et due forme. Le chapitre 4 ou 5, je sais plus, témoigne qu’il a les yeux bruns, mais c’est tout. D’ailleurs j’ai réalisé que c’était aussi le cas pour Floyd. Preuve que j’arrive moi-même pas à me les représenter. Moralité : les mecs, je vous visualise mal XD
Citation:
Autrement – pour enfin en finir – j'ai vraiment passé un moment sympa à lire cet arc d'un coup. Si la suite me donne des regains d'intérêt encore plus prononcés, ce serait bien cool o/.
Je le redis, j’ai moi-même passé un moment sympa à lire ton com’, mais également à écrire ce que j’ai de l’arc quatre, ce qui n’étais pas le cas pour les derniers vieux chapitres de GB qui avançaient au compte-goutte. Résultat, je pense vraiment que cette suite si attendue dépotera plus…
C’est donc maintenant que je livre le dernier « vieux » chapitre de GB !
Il entame le 4ème arc, "Jotünheim". Originellement, il devait marquer une relâche dans la tension, mais puisqu'on fait table rase de mes plans originels pour les derniers arcs...
Profitez bien de ce dernier chapitre pépère et comique, les suivants ne prennent pas du tout la même allure. 8D
Chapitre 21 : Crépuscule
Spoiler
La fin de l’hiver se faisait presque ressentir. On abordait une nouvelle après-midi, une nouvelle semaine, et même un nouveau mois. Il faisait beau, pas trop froid, et pas mal de monde profitait de la fin de la pause déjeuner à l’extérieur. Sylith avait choisi de se replier sous les arcades, à l’ombre, son baladeur sur les oreilles, en attendant la reprise des cours. En général, elle passait ses pauses seule ou en compagnie de la bande du Supercalculateur.
Une tape sur l’épaule l’arracha à l’écoute attentive de sa musique.
-Admire ce que je viens de chopper, commenta Emeline en agitant un numéro des Echos de Kadic.
-Pff, qu’est-ce qu’elles ont encore écrit dedans ?
-Je sais pas, mais ça va sans doute être marrant. Tu veux lire avec moi ?
La brune haussa les épaules.
-Rien de mieux à faire.
Sa camarade l’entraîna donc jusqu’à un banc (malheureusement au soleil) et jeta un œil à la couverture de la feuille de chou. Elle représentait une photo compromettante d’un quelconque couple. Sylith haussa un sourcil et se prit à espérer qu’il y aurait mieux que ces niaiseries à lire.
Toutefois, Emeline n’avait même pas jeté un œil au premier dossier qu’elle fut interrompue par une voix. Elle leva le nez. Devant elles, un garçon en chemise bleue avec un catogan.
-Oui, hum, bonjour. Nous n’avons pas eu l’occasion de faire connaissance mais je suis un des principaux auteurs du dossier sur la fabrique d’essieux qui a inspiré…
-Qu’est-ce que tu veux ? demanda la plus jeune des deux, visiblement peu emballée.
-Et bien en fait j’aurais voulu savoir si vous étiez intéressées par ma version renegade des Echos de Kadic qui corrige de nombreuses incohérences et…
-Nan.
-Hum, je vois, vous devez être occupées.
Et il s’éloigna comme il était venu. Les Lyokoguerrières échangèrent un regard atterré.
-Bon, reprenons.
Emeline reporta son attention sur le dossier qu’elle allait aborder.
-Le couple le plus chou de Kadic, lut Sylith. Putain mais c’est de plus en plus niais leurs histoires…
-C’est pas que leurs histoires regarde : coécrit par une certaine Noémie.
-Visiblement elles ont recruté…
-C’est un top dix…
-Arry est dedans ? commenta la scientifique avec un sourire.
-Nan. Faut croire que le métal n’augmente pas le potentiel chou…
-Les vainqueurs sont Maly et Barbara.
-Quoiiii ?! Mais, c’est pas la sœur de Floyd ?
-Si…
-Ah mais attends cet article est à chier, il place Gaëlle avec les pieds d’Alex.
-Mais what the…
-Comme tu dis.
Elles restèrent silencieuses quelques instants, essayant d’évaluer la stupidité de ce qu’elles épluchaient, puis Emeline tourna la page.
-« Arnaud quitte le lycée, Violette se rabat sur Olivier »…c’est qui ?
-Aucune idée. Même les horoscopes sont plus marrants que ça…
-Hé attends y a une histoire de « casse du siècle 2 » par là…
-Non, j’ai mieux, contra vivement Sylith qui sauta quelques pages pour arriver à un article concernant le record d’heures de colles du lycée qui aurait été éclaté.
Elle lut la page en diagonale.
-« Hugo E. », cette tentative d’anonymisation foirée…le prénom suffit à le reconnaître, quoi…
Emeline cligna des yeux.
-Putain c’est un mec de ma classe. Mais ça date leurs infos, il s’est plus fait coller depuis des semaines…je crois qu’il se range. Même ses notes remontent.
-T’as l’air informée, commenta distraitement Sylith, ce qui lui valut un regard noir.
Floyd sortit son portable. Il considérait que le moment était venu, et passa son appel.
-Alors, on se retrouve quand ?
Il était seul dans un coin du parc, ayant volontairement choisi un endroit bien éventé et paisible pour passer son coup de fil sans être dérangé.
-Demain je termine les cours tôt. Je peux vous retrouver devant le lycée ?
-Je pense, oui. Je leur en parlerai.
Un moment de silence passa. Floyd laissa son regard dériver dans les feuilles et les trouées de lumière qui filtraient entre elles, puis il reprit :
-Et toi, comment tu le sens ?
Autre moment de silence. Leurs discussions auraient presque pu se résumer à ça. Des silences et des hésitations. Mais bientôt, la situation reviendrait à la normale. Du moins il osait l’espérer.
-Je ne sais pas.
La voix d’Alexandre avait vacillé un instant, puis il s’était repris. Il avait ensuite ajouté qu’il fallait qu’il y aille, qu’il allait bientôt reprendre. Floyd regarda l’heure une fois l’appel coupé : il avait intérêt à regagner le bâtiment aussi. Le chinois, ça n’attendait pas.
-Adolf, tu vas devoir m’expliquer ça, commenta le surveillant.
Le lycéen regarda l’état de sa chambre et se dit qu’il avait effectivement intérêt. L’énorme trace de liquide rouge sur ses draps et sur les murs y était sans doute pour quelque chose.
-Eh bien je…
Comment expliquer ?
Comment expliquer qu’une escouade d’individus impossible à identifier s’était pointée et lui avait explosé une pastèque sur la gueule après quelques coups de polochons ?
Kay avait d’ores et déjà décidé d’étouffer l’affaire, le ridicule de cette situation lui semblant au-delà de tout. Il avait forcé son sbire à faire de même, histoire de permettre qu’un minimum de charisme continue à auréoler leurs personnes.
-Je…
Devant l’éloquence de son élève, Alex reporta son regard sur le colocataire de ce dernier, assis sur le bord de son lit. Kay était aujourd’hui vêtu d’une grande veste à ample capuche noire qui obscurcissait son visage.
-Tu vois un truc avec ça ?
Vexé, Kay lui adressa une tête de pitbull.
-Du coup, si tu vois, tu es peut-être au courant de ce qui s’est passé ?
-Euh…je dirais que tout ceci n’était qu’une mesure de confort, répliqua-t-il avec l’air le plus hautain possible.
-Je vois. Ce sera quatre heures de colle mercredi, que vous passerez entre autres à récurer le coin. Filez en cours.
Après l’heure de LV3, les premières ES2 s’étaient regroupées devant la salle de maths, patientant tranquillement (ou pas) avant l’arrivée de Mme Meyer.
Senja était à l’écart du groupe, bras croisés, le masque cachant toujours son visage et empêchant de deviner ce qu’il pouvait penser. Emeline fut tentée de se frayer un chemin jusqu’à lui, mais la masse de personnes entre eux l’en découragea et elle se contenta d’observer les autres. Ils auraient bien le temps de discuter à la sortie. Elle repensa à ce que Floyd lui avait transmis.
Pas loin d’elle, elle remarqua Hugo. Elle repensa au numéro des Echos de Kadic lu tout à l’heure avec Sylith, et sourit. Elle l’aurait bien sorti, mais Mme Meyer venait d’arriver et d’ouvrir la porte. Et il valait mieux se dépêcher de s’installer…
Elle se cala à côté de Senja, comme d’habitude, et le cours commença.
-Bien, annonça le professeur en guise de préambule. Quelqu’un peut venir m’énoncer puis m’écrire la loi binomiale que l’on a vue la dernière fois ?
-Moi !
Mme Meyer fixa Hugo avec des yeux ronds.
-Euh, très bien. Je t’écoute.
-La probabilité d’un nombre de succès X vaut k parmi n, multiplié par p puissance k, multiplié par 1-p le tout à la puissance n-k.
Stupéfaction.
-Bon, eh bien tu peux aller écrire ça au tableau…
Après cet instant de surprise, le cours reprit normalement. Du moins jusqu’à l’arrivée d’Alex, qui avait visiblement quelques revendications.
-Hum alors ils ont examen blanc à côté et ils arrivent pas à se concentrer…ça va pas être possible. Vous allez devoir déménager.
-Ah.
Dans un brouhaha non dissimulé, la 1ère ES 2 rangea ses affaires et sortit, emboîtant le pas à leur enseignante qui partait chercher une autre salle. Emeline sauta sur l’occasion pour se glisser près de son voisin.
-Senja ? Je peux te parler ?
Il hocha la tête.
-En fait, Floyd a téléphoné avec Alexandre tout à l’heure. Il veut réintégrer la bande, finalement, il s’est décidé.
-Ah, pas trop tôt. Et donc ?
-Et donc il lui a donné rendez-vous demain devant le lycée, à la fin des cours. Tu seras là ?
Il fit mine de réfléchir.
-Ce soir je suis de sortie, mais demain tout va bien. Mais ce sera plutôt rendez-vous à l’usine. J’ai un truc à vous montrer.
Emeline allait l’interroger davantage, mais Mme Meyer ouvrit la porte d’une salle…pour constater qu’elle était occupée. Elle s’excusa rapidement auprès du professeur dérangé, et continua à entraîner sa classe dans les couloirs.
-Un truc ? reprit Emeline dans le bourdonnement des voix qui enflait de nouveau.
-On va dire ça comme ça, oui. Ça concerne XANA, répondit-il évasivement.
Elle comprit qu’elle n’en tirerait pas plus de lui pour cette fois. Senja était assez mystérieux sur ses activités à l’usine, et même sur celles qui le conduisaient à s’éclipser hors de Kadic sans prévenir personne, et pour aller on ne savait où. C’était déjà un miracle qu’il mentionne sa sortie devant elle.
Elle songea que ces sorties mystérieuses ne se produisaient pas avant qu’il revienne avec un masque sur la gueule. Mais il avait changé. En même temps, il y avait de quoi. Elle ne savait pas vraiment ce qui s’était passé, ni même l’étendue des dégâts (Sylith avait bien tenté de se renseigner mais en vain), mais ça avait l’air grave.
L’arrivée dans une nouvelle salle, vide cette fois, la força à changer de considérations : le cours de maths allait reprendre.
Il était de retour dans la douce obscurité. Le soleil couchant faisait filtrer quelques rayons orangés dans la pièce, qui se perdaient contre les tons résolument gris, noirs, parfois blancs. L’ambiance habituellement glaciale se réchauffait quelques peu, mais les deux personnages ne semblaient pas être affectés.
Cette fois, son interlocuteur mystérieux était assis sur le lit, pensif. Senja nota qu’il portait une chemise bleu nuit, cependant cette dernière paraissait noire à cause de la lumière particulière de la pièce.
-Comment avancent nos affaires ?
-Franchement, tu aurais pu me prévenir que ce XANA serait complètement dégénéré. C’en est presque trop facile.
L’autre l’observa, impassible, avant de répondre :
-Je ne pouvais pas savoir qu’il perdrait les pédales. Le but n’est pas de te fournir un challenge. Le but est de te faire battre XANA. Le challenge, le vrai, est ailleurs. Tu le sais.
-C’est vrai. Je pense que XANA n’est presque plus dangereux ici. Je pensais que muter le rendrait plus menaçant, mais c’est le contraire. Bientôt il s’autodétruira. Il est ridicule.
-Ce serait arrangeant qu’il se comporte comme ça chez nous aussi. Malheureusement, ce n’est pas le cas. Combien de Réplika possédez-vous ?
-Deux. Mais je ne doute pas que les trois prochains nous tomberont sous la main aisément, vu l’état dans lequel est XANA. Il n’a même pas tenté de récupérer le Réplika Forêt.
L’interlocuteur de Senja rit.
-Il n’a jamais été doué pour reprendre le contrôle de ses bases…
Derrière son masque, il sourit.
-Et avec les autres, comment ça se passe ? reprit celui qui portait une chemise.
-Rien de spécial, je dirais. Je ne pense pas qu’ils soient assez intelligents pour percevoir ce qui se passe tout autour d’eux.
-Evidemment, assura l’énigmatique personnage. Ils ne sont que des pions sur l’échiquier…
Un sourire lui étira les lèvres à cette mention, mais il ne fut qu’éphémère.
-Euh, techniquement, il n’y a plus de pion sur l’Echiquier.
-Ta gueule.
-Pas la peine d’être cassant. Préta n’est pas une si grande perte…
-Ce n’est pas le sujet, coupa l’individu dans l’ombre. On parlait de tes larbins. Ils ne posent jamais de question ? Pas de doute bizarre ?
-Non, vraiment. Ils ne saisissent pas, ils ont tout gobé. Pas la peine d’être nerveux.
-Je ne suis pas nerveux. Je suis juste prévoyant. Ai-je besoin de te rappeler que ta discrétion n’a pas toujours été sans faille ?
Derrière son masque, Senja fit la grimace. Son interlocuteur semblait prendre un malin plaisir à lui rappeler sa bourde.
-I did mistakes in this battle, admit-il.
-Hum ?
-Rien, oublie. Tu avais d’autres questions ? Des instructions ?
L’être en chemise bleue se leva, marcha un peu jusqu’à la fenêtre, regarda le soleil finir de disparaître derrière les bâtiments. Puis il se retourna vers son hôte.
-Non. Tu peux y aller, le but de nos entrevues n’est pas que tu te fasses coller pour avoir fait le mur.
-Attends ! ça me revient maintenant. J’aurais dû t’en parler plus tôt…
L’autre le regarda avec un haussement de sourcil dubitatif.
-Quoi ?
-Lors de notre dernière mission, Alice s’est fait attraper par la Méduse. Je n’ai pas pu déterminer si XANA avait eu le temps de drainer des choses importantes, mais…
L’individu habitué des ombres croisa les bras, songeur.
-Voilà qui pourrait poser problème. Y a-t-il moyen que XANA ait compris qui nous sommes ?
-Non, impossible. Enfin j’espère…
Mardi soir. Comme convenu, la petite bande s’était retrouvée sur le pont de l’usine, une fois que le mot avait circulé parmi eux. Floyd jouait distraitement avec sa planche de skate, donnant l’impression de s’ennuyer terriblement. C’était sans doute le cas pour tout le monde. Sylith jetait régulièrement un œil à son portable, échangeant peut-être avec une quelconque connaissance hors de la bande. Senja se tenait un peu à l’écart, bras croisés, toujours aussi impassible derrière son faux visage noir. Arry écoutait du métal. Dorka lisait ce qui ressemblait à un faux traité de nécromancie. Au milieu de tout ça, Emeline ne savait pas vraiment où se mettre, alors elle regardait l’eau du fleuve s’écouler.
Finalement, celui que tout le monde attendait se montra.
Cheveux bruns, chemise impeccable, toujours ce côté prétentieux. Alexandre n’avait pas changé. Il marcha jusqu’à eux, et Sylith nota qu’il semblait esquiver leurs regards. Tout compte fait, peut-être avait-il l’air un peu penaud…
Il s’arrêta face au groupe. Le groupe l’observa. Il sentit qu’on attendait qu’il parle, que rien ne pourrait se recoller sans quelques mots, sans une façon de signifier que l’on tirait un trait sur ce qui s’était passé.
-Je voudrais vous dire que…je suis désolé d’être parti comme ça. Ma mère m’a forcé la main, mais je n’ai pas eu le courage de lui faire face. Alors que vous aviez besoin de mon aide. Je ne veux pas dire que je suis indispensable, mais j’espère au moins être utile…j’ai beaucoup réfléchi ces derniers temps. A nous, à la bande, au combat contre XANA. Je me suis penché sur tout les éléments, j’ai examiné la situation. Je vous avoue que j’ai été tenté de ne pas revenir. Ç’aurait été plus simple. Mais je ne pouvais pas vous laisser en danger contre ce programme maléfique pour mon seul intérêt. Je ne pouvais pas vous abandonner, ou abandonner le monde. Je vous demande pardon, et je vous prie de m’accepter de nouveau parmi vous.
Un silence, le temps que tous soupèsent les paroles de leur (ancien ?) camarade.
-Tu penses vraiment que ce serait si simple ? finit par répondre Sylith. Que tu peux revenir avec tes grandes paroles pour nous embobiner et rejoindre nos rangs que tu as désertés ? Qui nous dit qu’on peut te faire confiance ? La guerre virtuelle, ce n’est pas un jeu qu’on peut quitter et retrouver quand on le souhaite. Si on ne peut pas compter sur toi, tu peux nous mettre plus en danger que si tu n’étais jamais revenu.
Nouveau silence. On sentait venir la joute verbale qui se profilait. Bientôt, l’orage éclaterait, sauf si Alexandre choisissait de conserver son attitude actuelle et faisait profil bas. Ce qui, le connaissant, serait difficile. Floyd dût deviner ça aussi, et considérer que ça allait à l’encontre de ses plans de réunification des troupes. Il s’interposa donc.
-Stop. Je me porte garant de lui. Il ne se défilera plus, même si ce sera sans doute plus compliqué pour lui de venir que s’il était à Kadic. Alexandre regrette sincèrement son départ et voudrait recommencer à zéro, comme au bon vieux temps. Je lui ai dit que ce serait possible.
-Promets pas ce que tu peux pas promettre, Floyd. Il nous a abandonnés, on ne peut pas le réintégrer comme ça !
-Mais si on peut ! On a besoin de lui !
C’est à cet instant que Senja choisit, lui aussi, de couper court au débat. Lorsqu’il parla, Sylith ravala sa réplique et écouta.
-Il peut nous être utile. Et en plus, XANA est clairement en dessous de ses moyens. On le gère très facilement. Aucun danger si jamais Alexandre se dégonfle.
Personne ne contesta. Alexandre le remercia à mi-voix, puis l’être masqué fit volte-face, et les entraîna tous dans l’usine, car après tout, il avait quelque chose à leur montrer. Le groupe, de nouveau au nombre de sept, emprunta le monte-charge.
Une fois réunis dans le labo, Senja annonça en s’installant aux commandes :
-J’ai le Réplika principal. Juste là.
Silence.
-Ben alors, qu’est-ce qu’on attend ? lança Sylith, toujours aussi impulsive.
L’autre la fixa un instant de derrière son masque, avant de déclarer laconiquement :
-Je pense qu’on a pas encore assez de puissance machine pour attaquer et lancer le programme efficacement. Moralité : on continue comme avant.
Nouveau silence.
-T’es en train de nous dire qu’on a la base principale de XANA mais qu’on peut pas y aller ?
-Oui.
Il attendit de voir si d’autres protestaient. Mais rien. La frustration se peignit sur les visages, et sans leur laisser le temps de se plaindre davantage, il se leva et marcha vers le monte-charge.
Dorka était à la bourre : elle était passée ranger son livre dans la chambre qu’elle occupait avec Arry, et devait maintenant rejoindre les quatre autres au réfectoire. Elle fit donc la queue comme tout le monde, parvint à négocier une portion double, s’écarta pour laisser passer Guy qui venait réclamer du rab’, et étudia la salle à la recherche de ses camarades. Elle nota qu’Adolf ne semblait pas enchanté à l’idée d’avoir de la pastèque au dessert, et repéra la tablée des Lyokoguerriers qu’elle s’empressa de rejoindre. Elle entendit vaguement Paul se plaindre que le menu manquait de pâtes, et Gaëlle que le fromage était vraiment inadmissible dans les plats.
-Re’, lança la blonde en s’asseyant à côté d’Arry. J’ai raté quelque chose ?
-Nan t’en fais pas. Emeline racontait le dernier cours de maths en date des ES, la rassura Sylith.
-Y a quoi de si spécial ?
-En gros, Alex les a virés de leur salle parce qu’ils faisaient trop de bruit…
-Naan c’est vrai ?
-Ouais !
Seul Senja ne prenait pas part à cette discussion de lycéens normaux. Ça ne devait pas spécialement le motiver. Soudain, toute la salle fut plongée dans l’obscurité, la lumière brusquement éteinte. Les Lyokoguerriers se tendirent : une attaque de XANA ? Que se passait-il ? Alors qu’ils commençaient à se lever de leurs chaises, on entendit une voix tonner :
-AHAHAH ! Je vais devenir le maître de la lumière !!!
Quelques secondes après, Alex, qui était présent dans la cantine pile au mauvais moment pour le plaisantin, ralluma la lumière et l’attrapa par l’oreille.
-Je te le déconseille fortement. Retourne manger.
De nombreux rires éclatèrent. Le fautif marmonna quelque chose, puis retourna s’asseoir à côté de sa correspondante thaïlandaise.
-Mais quel con ce mec, marmonna Sylith. Aucune maturité, et aucune discipline.
-Bah, tout le monde a le droit de rêver…
Petit à petit, le préfabriqué commençait à se vider. Les Lyokoguerriers attendirent que les allées soient plus dégagées, et allèrent débarrasser leurs plateaux. Ensuite, ils reprirent le chemin des dortoirs. Après avoir laissé Senja à l’étage des garçons, les filles grimpèrent l’escalier pour rejoindre le leur. Peut-être parlaient-elles un peu fort, parce qu’une de leur condisciple de terminale jaillit de sa chambre pour les enguirlander et leur signifier très clairement de rejoindre leurs quartiers rapidement, ou du moins de discuter ailleurs.
En se retenant de rigoler, Dorka et Arry se faufilèrent dans leur chambre, saluant les deux autres de la main. Sylith souhaita bonne nuit à Emeline en regagnant à son tour ses quartiers, et l’élève de ES s’en fut à son tour s’écrouler sur son lit.
Une seule chose lui trottait en tête.
En avaient-ils bientôt fini ?
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"Prouve-moi que tu avais raison, Jérémie, dans tout le mal que tu as causé."
Oblitération, chapitre 13
Et je remercie quand même un(e) anonyme qui refusait qu'on associe son nom à ce pack
Bien. C’est le moment de vérité, je crois. Je vous rebats les oreilles depuis un mois avec mes merveilleux chapitres post-pause, qui sont si merveilleux et blablabla. Maintenant, c’est le moment où je me jette à l’eau et où je prie pour que mon ressenti ne soit pas biaisé, pour que mon chapitre vaille vraiment tout ce que j’en ai dit, sinon vous allez être déçus et me lapider.
Je comprendrais toutefois que le titre vous laisse songeurs, vous êtes libres de faire des conjectures ou de chercher un peu. (a)
Mais surtout, faites des coms pour que je sache si je me suis chiée ou pas XD
Chapitre 22 : +
Spoiler
Ce soir-là fut une première.
Peut-être, pour commencer, à cause du « bip » insistant qui arracha Senja au sommeil. Hébété, il mit quelques minutes à comprendre ce qui se passait. Mais l’écran de l’ordinateur ne lui laissa aucun doute. Pas plus que la vibration de son portable affichant le SMS traditionnel d’alerte. Forcé de se reconnecter à la réalité, il s’autorisa deux minutes pour s’habiller, puis passa un coup de fil au premier des six qui lui tomba sous la main en sortant de sa chambre.
-Alors, qu’est-ce qu’il nous fait cette fois ?
La voix ensommeillée de Dorka résonna dans le labo. Le créneau de l’attaque n’arrangeait personne, puisque le groupe manquait cruellement de noctambules. Floyd était en chemin, mais sortir en douce de chez lui était une tâche complexe, puisqu’il fallait veiller à ne réveiller personne. Quant à Alexandre, son internat était trop loin pour qu’il puisse faire quoi que ce soit. Les mauvaises langues pourraient sous-entendre que ça l’arrangeait. Ne restaient donc que les filles de la bande pour écouter la réponse que l’être masqué aurait à leur faire. Après quelques rapides analyses, Senja annonça :
-XANA vient de lancer un drone. Il se dirige tout droit vers un gisement de gaz dans la mer de Norvège.
Les plus éveillées purent constater un léger tremblement dans sa voix habituellement inflexible. Ce qui était très rare. Cependant, personne ne releva. Sylith fronça les sourcils.
-C’est inhabituel. Pas son genre, d’habitude c’est nous qu’il vise…
-Raison de plus pour qu’on se méfie et qu’on désactive ça rapidement, décida Senja en bondissant de son siège sans laisser à personne le temps de réfléchir davantage. Dorka, tu t’occupes des procédures, et nous on va sur le terrain.
C’est donc suivi d’Arry, Emeline et Sylith qu’il descendit vers les scanners. Il les laissa cependant passer les premières dans les machines, et le délai de virtualisation lui sembla interminable. Lorsque le caisson du milieu se rouvrit, il s’avança (ou plutôt, plongea) dans le tube lumineux, et regarda les portes se refermer sur lui.
Quelque chose grondait au fond de son ventre.
-Qu’est-ce qu’on a comme monstres ? questionna Sylith, à peine l’avatar virtuel de Senja dessiné dans le ciel de la Banquise.
-William, Aelita, et une créature non identifiée qui traîne. La signature est similaire au pokémon que vous avez affronté la dernière fois…répondit Dorka d’un ton professionnel.
Les pieds de Senja touchèrent le sol et il se redressa vivement, prenant la conversation en cours de route.
-Donc, sans doute un autre pokémon…est-ce qu’une percée peut fonctionner ?
Les autres regardèrent Sylith, dubitatifs. Oui, forcément, foncer dans le tas avait l’avantage de leur permettre de retourner dormir plus vite…mais c’était risqué. Finalement, les yeux se reportèrent sur Senja, qui avait en général le dernier mot dans ce genre de cas. Il sembla réfléchir deux minutes avant de décider :
-Partez un peu devant pour les occuper. Je me faufilerai.
Les trois Lyoko-guerrières s’élancèrent en direction de la tour sans attendre, Sylith renonçant à sa propulsion enflammée le temps du trajet pour éviter de trop dégrader le terrain en fondant le sol. Le seul garçon virtualisé attendit un peu, puis constata qu’un petit être était apparu à côté de lui. Il se contenta de lâcher :
-Je t’ai connue plus rapide…allez viens, on y va.
Alice hocha la tête et prit son bouclier et son boomerang en main. Un peu en avant par rapport à Senja, elle était prête à bloquer le moindre assaut qui le viserait, et ce à n’importe quel prix. C’est dans cette configuration qu’ils se dirigèrent vers la tour activée.
Là-bas, le combat faisait déjà rage. Arry était tombée contre William, et ses lames de cristal peinaient à parer les coups assenés par le lourd zanbatô qu’il portait. Heureusement, elle arrivait encore à se tourner assez vivement pour contrer les feintes qu’il tentait avec la Supersmoke. Ce n’était pas pour autant qu’elle avait le dessus. Les mâchoires serrées à se les faire éclater, elle pivotait, tentait des contre-attaques difficiles, se repliait vivement pour bloquer, et activait de temps en temps son pouvoir pour repousser William avec les dents de cristal sorties du sol afin de souffler un peu. Elle savait qu’elle n’avait pas le droit à l’erreur, mais elle n’était pas sûre d’arriver à conserver l’attention de son adversaire si Senja passait dans la mêlée pour rejoindre la tour, quelques mètres plus loin…
Un coup de pied surprise du lieutenant de XANA l’envoya par terre alors qu’elle réfléchissait trop. Elle vit la large lame fondre sur elle, et eut le réflexe de lever l’avant-bras pour parer. Le cristal sonna contre l’acier, puis elle roula sur le côté pour se relever. Ce n’était définitivement pas gagné.
Ce qui faisait que la métalleuse avait plus de chance que les deux autres, c’était peut-être que son adversaire restait au sol, là où Sylith et Emeline fulminaient en suivant du regard le ballet aérien d’Aelita et d’un gros oiseau brun. Cependant, ledit oiseau, pour attaquer, était forcé de faire des plongeons en rase motte. Ça finit par lui être fatal lorsqu’Emeline le saisit au vol par une patte. Sous l’œil médusé d’Aelita (et dans une moindre mesure, du reste des combattants), la blonde tournoya sur elle-même à la façon d’une lanceuse de marteau, et expédia le monstre droit vers la lieutenante de XANA, qui eut du mal à se ressaisir à temps pour éviter. La parabole de la trajectoire du pokémon se poursuivit, et une colonne de lumière bleutée en signala la fin. Dans le milieu, on aurait dit « KO en un coup ».
-XANA est vraiment nul en termes de pokémon, commenta Sylith.
L’instant d’après, un champ de force s’écrasait tout près d’elle, et le rythme du combat reprenait. Aelita n’avait pas tout à fait pris le temps de viser, trop agacée par la facilité avec laquelle l’adolescente avait fait valser son animal de compagnie. Cependant, maintenant que Vrai Con était hors-jeu, les Lyokoguerriers prenaient un certain avantage numérique. Ce qui pouvait être déterminant. Brusquement, Sylith bondit sur William qui ne regardait pas de son côté, et le percuta de plein fouet, abandonnant à Emeline la responsabilité de gérer Aelita. Serpent réfléchit quelques instants, puis vit le boomerang noir d’Alice fuser vers la lieutenante de XANA, fendant l’air virtuel. Elle en tira les conclusions nécessaires dans un éclair de réflexion et s’accroupit pour poser les mains au sol. La glace se déchira, une partie semblant tirée vers le haut, et finalement, un tunnel sur plusieurs mètres se créa, passant entre les deux sbires de XANA, et protégeant celui qui l’emprunterait de leurs attaques.
Logiquement, Senja était concerné. Il plongea dedans et courut aussi vite qu’il le pouvait vers la tour, à l’autre bout. A l’unisson, les sbires du programme poussèrent un rugissement de dépit lorsqu’il se fondit dans la paroi blanche. De même, un « YEAH ! » peu contrôlé échappa à l’équipe des Lyokoguerriers.
Bientôt, une bulle lumineuse engloba l’usine, puis Paris, puis le monde, et le cours du temps, dérangé pendant son paisible sommeil, put se retourner et se rendormir.
Floyd perdit un peu de son sang-froid et se surprit à traiter le retour dans le temps de pute quand il constata qu’il avait fait le trajet vers l’usine pour rien. Certains jours, on avait pas de chance.
Le mois de février était passé très rapidement pour beaucoup d’élèves à Kadic. On en était qu’à la moitié, mais le spectre des vacances se profilait au bout de la dernière semaine, et ils avaient tous hâte de le rejoindre.
Les Lyokoguerriers s’étaient posés sur un banc. Leur banc. Senja n’était pas visible, peut-être en train de profiter de la fin du temps de pause déjeuner pour aller bidouiller sur son ordinateur, ce qui n’aurait pas été très surprenant venant de lui. En revanche, Floyd écoutait soigneusement le récit de l’attaque d’hier par ses camarades, se doutant qu’il serait sûrement chargé de faire le compte-rendu à Alexandre. Et de toute façon, il tenait à être au courant des évènements.
-Un drone ? Eh bah, XANA commence à être ambitieux. Vous pensez que c’est lié à ses dérives ? commenta-t-il d’un ton intrigué.
-C’est très probable, exposa Dorka d’un ton d’experte. Je ne vois pas trop ce qui pourrait mener à un tel changement de comportement, sinon de nouvelles données qu’il aurait assimilées…seulement, on ne sait absolument pas ce qu’elles pourraient être. Après tout, il a accès à tout Internet, et au vu de la masse d’informations qui y transite, il peut avoir mis la main sur tout et n’importe quoi.
Sylith hocha la tête d’un air légèrement lassé et choisit de rabattre la conversation sur un sujet qui l’intéressait davantage :
-Et vous avez vu que Senja avait l’air un peu bizarre, hier soir ?
Quelques regards sceptiques accueillirent la remarque.
-Tu sais, ça fait plus d’un mois, commenta Arry d’un ton plus tranchant qu’il n’aurait dû. Si c’est seulement maintenant que tu le remarques…
La brune souffla, agacée de la mauvaise foi de sa camarade. Elle avait parfois tendance à jouer sur les mots.
-T’as très bien compris que je parlais pas de ça ! Hier soir, il était pas exactement comme il est en ce moment. Mais je saurais pas dire ce qu’il y avait. Mais voilà, fin je sais pas, ça se sentait non ? pataugea-t-elle.
-Tu devrais être mal réveillée…je crois que personne ici n’a remarqué quoi que ce soit, intervint Dorka, pragmatique.
Après un marmonnement agacé, Sylith se renferma dans le silence et laissa les autres débattre sans plus vraiment écouter. Le lancer de pokémon d’Emeline fit grand bruit, cette dernière reçut les compliments de ceux qui n’avaient pas pu y assister (et même de ceux qui l’avaient vu). Le rouge lui monta au visage face à tant d’attention, et elle balbutia quelques paroles exprimant globalement que ce n’était pas vraiment grand-chose, et que ce n’était pas la peine de s’extasier là-dessus.
La fin du récit de mission passa, et puis Floyd lança à son tour un autre sujet de conversation, qui était tout autant d’actualité, mais beaucoup plus léger :
-Et sinon pour les vacances, vous avez prévu de bouger quelque part ? Voir de la famille ?
Et chacun évoqua, à tour de rôle. Pour la plupart, les congés de février s’annonçaient calmes et sans histoire, Dorka restant même à l’internat. L’exception notable fut Arry, qui avait prévu de partir en Suède avec ses parents pendant la deuxième semaine. Quelques blagues sur Emmanuel furent lancées, comme quoi il aurait du mal à survivre à cette si longue séparation. Elles ne firent pas tant rire. Peut-être qu’elles touchaient juste.
Un malaise s’installa, mine de rien. Arry tirait la tronche, Emeline se réprimandait intérieurement d’avoir dit le mot de trop, Sylith boudait encore par rapport à tout à l’heure. Dorka s’en foutait un peu, comme déconnectée de la conversation, les rouages de son cerveau tournant dans un silence bien huilé. Et puis Floyd regardait tout ça, perplexe. Il choisit cependant de ne pas moisir dans cette ambiance douteuse et utilisa le prétexte de devoir téléphoner à Alexandre pour lui raconter. Alors il s’esquiva vers le parc, tirant son portable de sa poche, tournant le dos à l’équipe.
Machinalement, il sélectionna le nom de son camarade dans le répertoire et appela. La voix curieuse du littéraire l’accueillit.
-Floyd ? Qu’est-ce que tu veux ?
Le soulagement de pouvoir s’aérer les idées emplit Floyd. Il tranquillisa son interlocuteur.
-Oh, rien de grave, t’en fais pas. Je dois juste te faire le compte-rendu de l’attaque d’hier, à laquelle tu n’as pas pu assister.
De la part d’un autre, Alexandre aurait senti une petite portion de reproche dans cette fin de phrase, mais pas Floyd. S’il y en avait un qui n’était pas hostile à son égard, c’était bien l’externe qui avait tout fait pour le ramener dans la bande lorsqu’il s’était…égaré. De ce fait, l’entendre énoncer une critique implicite à son égard eut été incohérent avec ses actions précédentes.
-D’accord, je vois ! Dis-moi tout. Que s’est-il passé ?
-De ce qu’on m’a dit, XANA a lancé une attaque avec un drone, ce qui est inhabituel. Sylith pense que Senja avait l’air bizarre, information à prendre avec des pincettes d’après les autres, et sinon la tour a été désactivée sans trop de mal. Je crois qu’Emeline a créé un tunnel de glace pour sécuriser le passage de Senja. Ah et elle a lancé un des monstres de XANA dans la mer numérique !...
Un petit blanc alors que le récit s’achevait. Le genre de silences gênants où une conversation meurt en silence sous nos yeux, et où on ne voit pas trop quoi dire pour la ranimer.
-C’était juste ça ?
Il n’était pas difficile d’imaginer la moue déçue et dédaigneuse d’Alexandre, à l’autre bout du fil.
-Sois pas chiant Alexandre, l’ambiance devenait moisie dans la conversation là-bas, j’avais besoin d’un prétexte pour me tirer, soupira Floyd.
L’autre chercha ses mots, un peu gêné à présent.
-Oh. C’est…je vois. Moisie à ce point ?
-Un peu ouais. M’est avis que les vacances feront du bien à tout le monde. Si XANA est pas trop chiant.
La sonnerie retentit derrière Floyd, qui sursauta et balbutia :
-Faut que je te laisse, j’ai pas vu le temps passer ! Tu dois pas trop tarder à avoir cours aussi…
-Non, moi j’ai encore une heure de libre, répondit naturellement le jeune homme.
-Putain de L, grogna simplement Floyd en raccrochant net.
Il était fébrile. Ça faisait longtemps qu’il ne s’était plus trouvé dans un tel état. Maladroitement planté devant la porte, il fouillait ses poches de survêtement. S’il avait oublié cette clé…eh bien il ne savait pas ce qu’il ferait, et priait pour que la panique ne le submerge pas.
Le nœud dans son estomac se desserra légèrement lorsque ses doigts rencontrèrent le métal froid, tellement rassurant. Il ferma les yeux quelques instants derrière son masque, tentant de retrouver un semblant de contenance, focalisé sur sa respiration. Dire qu’il avait failli se précipiter dans la pièce, dans son état d’agitation. Hors de question qu’il le voie comme ça. Il devait garder un minimum de contenance face à son interlocuteur.
Lorsqu’il eut le sentiment tout relatif que ses mains tremblaient moins, il introduisit la clé dans la serrure et tourna d’un geste sec. La chambre d’hôtel était égale à elle-même, la lumière du soir filtrant à travers la fenêtre voilée par les rideaux fantomatiques. Les tons de gris des murs et de noir du lit s’y ajoutaient, pour un rendu final froid et vide. Un peu mort, un peu spectral.
D’ailleurs, il n’y avait personne. L’ombre et l’écho de la présence de l’occupant étaient bien là, il pouvait presque les sentir, mais aucun signe de lui. Ce détail mit Senja assez mal à l’aise, et il s’assura que la porte derrière lui était bien fermée. Il savait que ce cas de figure pouvait se produire, mais maintenant était sans doute un des pires moments pour ça…cela n’allait pas arranger ses nerfs.
Néanmoins il inspira un grand coup et attendit. Il ne pouvait rien faire de mieux pour le moment. Attendre, attendre. Du regard, il chercha ce qui pourrait servir d’arche, tentant de tromper cet instant qui lui semblait déjà interminable. Cependant, il n’eut la réponse (et se sentit idiot) qu’une fois que la lumière bleue miroita dans la pièce. Lentement, il se retourna.
Appuyé contre le battant de la porte, son interlocuteur habituel. Sa chemise sombre, un peu à son image, et son air sûr de lui. Les bras croisés, un petit sourire qui n’avait rien de chaleureux. Senja sentit un poids lui tomber dans le ventre.
-Eh bien, il s’est passé quelque chose ?
Le ton grinçant indiquait clairement qu’il connaissait déjà la réponse. Il attendait simplement que Senja lui avoue la nature exacte du problème.
-…Oui, avoua-t-il. J’ai sous-estimé XANA.
L’autre le fixa sans faire de commentaire, et il attendit patiemment que Senja développe son propos. Il tenait les rênes de l’échange, et ce sans rien dire.
-Tu te souviens, l’autre jour, je t’ai dit qu’il avait récupéré des données d’Alice... Et bien hier, il a lancé une attaque au drone sur une plateforme de gaz de la mer de Norvège.
Le silence fut lourd de signification, le regard de l’être de l’ombre de même. Même de derrière son masque, Senja se sentit obligé de détourner le regard, tentant de trouver chez la moquette un semblant de sympathie. Il avait bel et bien fait une bourde.
-Donc, tu es en train de me dire qu’il a utilisé ce qu’il a drainé…on ne peut pas laisser ce XANA en liberté trop longtemps. Il devient menaçant, à faire n’importe quoi. Encore une erreur de négligence de ta part.
Le ton était froid, tranchant, péremptoire à souhait. Senja ne put rien répondre. Qu’aurait-il pu dire pour sa défense ?
-Et maintenant, tu viens me voir pour que je redresse le tir…
Un soupir franchit les lèvres du mystérieux personnage qui déambula un peu dans la pièce. Senja n’aurait su dire s’il réfléchissait à une solution, ou s’il en avait déjà une toute prête qui n’attendait que la fin d’un petit effet dramatique pour être énoncée. Si devoir languir était sa punition, il se voyait forcé de l’endurer. Oh, bien sûr, on avait vu pire. Mais Senja sentait que son interlocuteur se plaisait à le faire attendre. Et son état de stress actuel ne l’aidait pas à supporter cette attente.
-Est-ce que tu peux ? laissa-t-il échapper, avec l’impression très désagréable de supplier.
-Moi, personnellement, non. Toi, peut-être, si tu utilises ce qui est à ta disposition.
Il serra les poings. De la honte, il passait à la frustration. Voilà qu’il se sentait obligé de parler par énigmes ! Certes, il y avait un progrès, mais s’il pouvait avoir la réponse à son problème maintenant, ce serait plus simple ! Pourquoi fallait-il le faire poireauter comme ça ?
Senja était maintenant convaincu que l’adolescent face à lui avait envie de lui faire ravaler son arrogance des semaines passées. Mais il contint son agacement et continua à l’interroger, rassemblant toute la patience disponible. Après tout, il l’avait sans doute mérité. Son orgueil n’aimait pas cette conclusion, mais…
-Et qu’est-ce qui est à ma disposition ?
-Facile, XANA ! Même déglingué et hybridé comme il l’est, il dispose d’informations en plus par rapport à toi.
Là, il ne l’avait pas vu venir. La réponse avait sonné du tac au tac, comme une évidence. Qui n’avait pourtant rien d’évident.
-Comment XANA pourrait m’aider à le supprimer plus rapidement ? A quoi a-t-il accès de plus puissant que lui ? s’étonna Senja.
L’autre lui jeta un regard atterré, avant de se lancer dans les véritables explications. Il semblait lassé de jouer avec les nerfs du petit génie. Peut-être se disait-il que perdre trop de temps ici n’était pas souhaitable.
-Tu me déçois. Le Projet Carthage, ça ne te dit rien ? Oh bien sûr, dans ce monde-ci, XANA lui a scrupuleusement fait la peau dès que possible…ce qui ne l’a pas empêché de le réutiliser dans le fameux « journal de Franz Hopper », monté de toutes pièces pour mystifier les gamins. Mais Carthage avait tout de même plus de technologie. Où sont-ils ? Qu’en reste-t-il ? Je ne sais pas, et toi non plus. Mais XANA, oui. Tu commences à comprendre ce que tu dois faire ?
Senja hocha la tête. Tout était limpide désormais. Il se devait de reconnaître qu’il n’aurait pas eu l’idée tout seul.
-Oui. Lui rendre la monnaie de sa pièce, en quelque sorte…
-Bien. Tu allais me désespérer. Quand tu les auras repérés, tu emploieras les vacances de février pour faire un tour chez Carthage. J’espère que tes sbires n’ont rien de prévu.
Et, comme si le timing avait été calculé, l’occupant principal de la chambre cessa de faire les cent pas, se retrouvant exactement devant la porte. L’éclat bleu apparut, et il recula jusqu’à le traverser, adressant un petit sourire à Senja. Un sourire qui signifiait clairement « si tu foires ce coup-là, ça va mal se passer ».
Une fois la lueur évanouie, l’adolescent retira son masque pour éponger son front d’un revers de manche, puis le remit en place. L’accès de panique était terminé. Il était temps de se reprendre en main. Il avait certes toujours la pression, mais au moins, il avait un objectif et un mode d’action.
Beaucoup plus calme que quand il était entré, Senja s’éclipsa en donnant un tour de clé.
« Rendez-vous à l’usine, vite. »
-Il est sérieux ? soupira Arry, tranquillement installée sur son lit avec son Ipod.
Dorka haussa les épaules.
-Peut-être un truc urgent. On ferait mieux d’y aller, énonça-t-elle d’une voix sage.
Sa camarade de chambre marmonna.
-Bah oui je sais bien. Mais il est chiant…
Tandis que les quatre internes de Kadic se débrouillaient pour éviter les rondes d’Alex, à la maison, Floyd était confronté à d’autres difficultés…
Un dîner en famille qui s’éternisait.
Il grogna en voyant le SMS de Senja, devinant déjà qu’il aurait beaucoup de mal à être là. Il renvoya rapidement un message pour s’excuser, puis donna discrètement un coup de pied au chat sous la table.
-Bon, il semblerait qu’on ne soit à nouveau que cinq, six avec Alice, observa Senja d’un ton neutre.
Le reste de l’équipe était rassemblé sur le pont, attendant de descendre au labo, ou du moins qu’il leur explique pourquoi il les avait rassemblés là. Rien ne permettait de le deviner, il était impénétrable. Il ne se fit cependant pas attendre cent sept ans, et exposa le motif de leur réunion.
-J’ai fait quelques recherches, et j’ai fini par comprendre que XANA avait assimilé des données dangereuses, qui expliquent qu’il ait muté au point de se mettre à lancer des drones. Par conséquent, on va avoir besoin de nouvelles ressources pour le détruire, et si vous êtes là ce soir, c’est pour lui drainer des données afin d’élargir nos connaissances et notre marge de manœuvre.
Il aurait pu conclure son speech par « vous avez des questions ? » mais il n’en fut rien, et il tourna les talons, droit vers les profondeurs de l’usine. Visiblement, il n’y avait pas de temps à perdre. Les quatre filles lui emboitèrent le pas sans rien dire, Sylith et Dorka se dépêchant de le rattraper, tandis qu’au contraire, Arry traînait davantage. Le trajet dans le monte-charge se passa en silence.
-Est-ce qu’on plonge tous, ou est-ce que quelqu’un reste aux commandes ? questionna Sylith.
-Déjà, je m’occuperai personnellement du pompage à l’interface. Par conséquent, je pense que ce sera toi qui resteras au clavier, parce que Dorka y était déjà à la plongée précédente. Question d’équité.
Sylith regretta d’avoir posé la question, tout d’un coup. Elle s’assit donc sur la chaise de l’opérateur sans rien ajouter (protester n’était pas une option) tandis qu’Emeline rappuyait sur le bouton du monte-charge, droit vers la salle des scanners. La brune amorça la procédure de transfert vers le cinquième territoire, tout d’abord pour les trois autres filles, puis pour Senja. En entrant dans le scanner, ce dernier ajouta :
-Contacte Alice et dis-lui de venir prendre le transporteur. On aura sans doute besoin d’elle.
Elle hocha la tête, enclencha la virtualisation, puis fit ce que Senja avait demandé. Le transporteur partit en direction de l’extrémité du territoire Banquise lorsque l’IA y arriva, et la boule blanche la déposa au centre de l’Arena, rejoignant ainsi les quatre autres. Mieux valait prendre toutes ses précautions.
Le mur, qui avait largement eu le temps de s’ouvrir, était fendu dans le sens de la hauteur, dévoilant un étroit passage. On pouvait difficilement être plus de deux de front. Senja se plaça au centre, encadré devant par Emeline et Arry, et derrière par Alice et Dorka.
En progressant, le groupe finit par arriver dans une salle. Haute de plafond, comme souvent, elle était parsemée de blocs mobiles qui dérivaient plus ou moins rapidement dans un grand vide qui séparait les quatre entrées (une par mur).
-Par où on va, pour la voûte céleste ? demanda Emeline.
Sylith prit le temps de consulter ses radars pour être sûre de ne pas dire de bêtise. C’eut été regrettable.
-Vers la droite ! Ensuite vous reprendrez à gauche et ce sera tout droit vers l’ascenseur.
-Eh bien qu’est-ce qu’on a…
Emeline s’apprêtait à bondir sur le premier bloc à portée quand Alice la retint par le bras. La blonde croisa le regard vide de l’enfant, mais constata vite qu’il était dirigé vers le bloc en lui-même.
-Présence ennemie dans la pièce ! signala Sylith tandis que le radar s’agitait. Mais pas moyen de la localiser précisément…
L’IA pointa le doigt sans rien dire. Sur le bloc qu’Emeline prévoyait de s’approprier, une silhouette changeante se dessinait progressivement, sa transparence parcourue d’irisations légères. Après quelques instants d’hésitation, la forme opta pour un aspect humanoïde, un peu voûté, mal défini.
-C’est les silhouettes bizarres qui sont sorties de la brume quand Floyd et moi on gardait la tour ! se rappela Dorka.
-Et bien on dirait que celle-là en a eu marre du brouillard…
Sans crier gare, l’ombre s’anima et bondit sur eux, son bras semblant se modifier pour former une lame. Alice, plus vive que tout le monde, s’interposa entre Emeline et l’attaque, faisant ricocher le coup sur son bouclier. L’assaillant se liquéfia, tandis que l’écho métallique de l’impact se perdait entre les murs de Carthage. Le groupe se resserra nerveusement, en formation porc-épic autour de Senja.
-Il est toujours là, quelque part, se contenta de faire remarquer Sylith. Inutilement.
Le silence du cinquième territoire se faisait oppressant. La prochaine offensive de la créature allait arriver, et il faudrait la massacrer rapidement pour pouvoir avancer. Quelques instants (quelques secondes ? ) passèrent, jusqu’à ce que l’ombre se reforme face à Arry, qui sursauta et faillit être trop lente à réagir. Par chance pour elle, le poing d’Emeline envoya valser l’ombre, qui, désarticulée, chuta dans le vide lumineux en contrebas.
-Allez, on avance avant d’en avoir une autre sur le dos !
Le groupe ne se fit pas prier, peu importait qui avait donné l’ordre. Rapidement, ils progressèrent de quelques blocs, Dorka compensant ses difficultés motrices liées au blindage par des portails. Elle en profita pour sniper une ombre qui était apparue à l’autre bout de la salle.
-Putain, bien vu ! commenta Arry.
-C’est ça ouais, on se grouille, lança Emeline qui avait pris l’initiative d’ouvrir la marche.
Dès lors que la sortie droite fut atteinte, l’escadron accéléra, s’efforçant tout de même de ne pas perdre les plus lents.
-Ascenseur en vue !
-Wheeeee !
-Faites gaffe, encore une présence ennemie derrière vous !
-On gèrera ça à la voûte céleste ! lança Senja, désireux d’éviter que le groupe se disloque, malgré le chaos général déjà traduit par les réactions en pagaille.
Je dors. Je pense qu’on peut qualifier ça ainsi. Je suis coupé des évènements, et je ne peux pas m’y reconnecter. Ce n’est pas grave. Je le ferai plus tard. Autour de moi, le noir. Ça arrive de plus en plus souvent. Avant, je ne dormais pas. Je ne sais pas ce qui m’arrive, ni ce qui provoque ça. Et ce n’est pas ma préoccupation première. Ça peut attendre.
Le noir autour de moi disjoncte, passe au blanc pendant quelques instants. L’esprit replié sur lui-même, je m’agite mentalement. Non, ce n’est pas le réveil, non. Juste un instant de trouble. M’arracher au sommeil est trop pénible. Je n’en ai pas envie…
Une image se forme. Bizarre, normalement je ne vois jamais rien quand je dors. On dirait un être humain. Une fille. Blafarde, habillée en noir. Les cheveux, longs, de la même couleur. S’il n’y avait pas cette aura multicolore, on pourrait ne pas la voir sur le fond. Je m’interroge. J’aimerais trouver un mot pour la nommer…
« Rêve ». C’est ce qu’on voit lorsqu’on dort, après tout. Autant revenir aux définitions de base.
J’aimerais lui demander ce qu’elle fait là, mais en fait je m’en fiche. Je suis bien là comme ça, sans me torturer la tête. Ce n’est de toute façon pas la peine. Un rêve n’est pas réelle. Elle s’assied, si on peut considérer que le vide soit un sol viable pour ça, et je vois des lambeaux de lumière s’arracher à son aura et se perdre dans le néant. Où vont-ils ? Que deviennent-ils ?
Je ne sais pas. Et ce n’est pas grave. Je peux ignorer certaines choses, je pense…
-Aucun moyen de contacter XANA, soupira Aelita.
William ne dit rien, mais il n’était pas franchement étonné. XANA devenait de moins en moins joignable. La déception innocente de la jeune fille était pourtant signe qu’elle ne s’y faisait pas.
-Il se passe des choses sur le Cinquième Territoire de Lyoko, ajouta-t-elle, comme pour tenter de capter son intérêt.
Le sien ? Celui de XANA qui ne pouvait pas l’entendre ? Le ténébreux n’en avait franchement aucune idée.
-Il se passe quoi ? répondit-il tout de même, pour qu’elle ne soit pas trop seule.
-Les Lyokoguerriers font une plongée. Mais ils sont confrontés à…je ne sais pas. On arrive pas à identifier ce dont il s’agit.
Elle le fixa d’un regard lourd de sens. Il secoua la tête.
-Non. On n’a pas eu de consignes, alors on ne fait rien. XANA ne nous a jamais dit d’aller voir et d’entrer en contact avec eux.
William lui-même ne savait pas trop ce qu’il qualifiait par « eux ». Il reprit néanmoins pour cacher ce flou :
-Peut-être que ça fait partie du plan.
-Il me l’aurait dit !
Ce fut au tour de William d’avoir le regard lourd de sens. Depuis quand Aelita savait-elle tous des plans de XANA ? Elle baissa les yeux, consciente de ce qu’il lui communiquait.
-D’accord. On ne bouge pas, concéda-t-elle en se rasseyant sur un bloc gris.
Le lieutenant de XANA haussa les épaules. Puis il songea que leur Réplika devenait très similaire à la zone chaotique qu’il avait traversée pour récupérer Aelita…
_________________
"Prouve-moi que tu avais raison, Jérémie, dans tout le mal que tu as causé."
Oblitération, chapitre 13
Et je remercie quand même un(e) anonyme qui refusait qu'on associe son nom à ce pack
Alors déjà, le chapitre est bien. Je n'irai pas jusqu'à "merveilleux" mais c'est bien, enfin, je dis ça, mais dans la mesure ou les chapitres précédents ne m'avait pas semblé plus mauvais que ça, mon avis n'est peut-être pas très pertinent. ^^
Les enjeux commence à se dévoiler, c'est bien. Mais j'arrive pas à avoir un avis sur l'identité de son "supérieur", un ancien de Carthage ? Celui qui me fait beaucoup de peine dans ce chapitre, c'est Xana. Non-content de n'avoir rien trouvé de mieux à faire que de virtualiser deux pokémon ( et pas les meilleurs en plus ), le voilà qui rêve ( ce n'est pas explicitement dit, mais j'imagine que c'est lui ) et ... Dors ! XD
Aelita et William ont de quoi s'inquiéter ^^En parlant d'Aelita, je trouve que tu nous l'a fait un peu trop stupide quand même de mon point de vue, qu'elle soit fanatique ok, mais elle devrait être capable de réfléchir par elle-même un minimum, elle est un peu navrante ^^
Voila, comparés au standard habituel mon commentaire est un peu court, je sais, mais bon, je ne suis pas un habitué des pavés, au plaisir de lire la suite ! _________________
C'est l'ère des miracles. Et rien n'est plus terrifiant ... Qu'un miracle.
Inscrit le: 09 Avr 2014 Messages: 106 Localisation: Les deux mains dans le chocolat.
En effet, comme le dit Kronen, ton dernier chapitre est plutôt intéressant puisque les actions de Senja prennent toujours plus de dimension : ça donne envie d'en savoir plus. Pire, c'est frustrant. Pour l'adolescent face à lui, j'ai pensé à un dédoublement Senja noir/blanc mais quelque chose me dit que ça pourrait être encore plus palpitant. Bref, on a envie d'en savoir plus, je sens/j'espère que le rythme va s'accélérer, et c'est bien parti.
Toutes tes allusions dans les chapitres que je n'avais pas commenté prêtent à sourire, c'est sympathique. Encore un bon point. Le retour d'Alexandre encouragé par Floyd est pas mal, aussi. Alice de même, mais en fait, j'ai surtout eu un énorme coup de coeur pour le passage où William récupère une Aelita paumée et fanatique dans son bout de Replika tout cassé. Tout était très visuel alors que d'habitude j'ai du mal à visualiser ton cadre de récit.
Good job ! _________________ Willismine : nom égoïste. Vieux psychotrope interdit à la vente.
Bieen, alors, déjà on va passer répondre aux commentaires, ça faisait un petit moment x)
Kronen : Tiens, tu as fini par passer commenter Bon, du coup ton avis me renseigne pas forcément trop sur les chapitres mais pas grave o/
Par contre l'identité dudit supérieur sera tenue secrète encore une bonne plombe....mais vous pouvez y réfléchir, bien entendu, j'aime lire les hypothèses o/
XANA fait effectivement de plus en plus de la merde, c'est le principe. Le sommeil dans lequel il est plongé traduit sa dégénérescence qui avance tandis qu'il se perd de plus en plus o/
Aelita n'est effectivement pas la plus futée, mais sa mentalité est ainsi. Et puis vu comme elle est dans la série, je trouve ça cohérent (a) *PAN*
Les pavés viendront peut-être avec le temps x)
Lwise : Si Senja intrigue, c'est tant mieux. Il est un des éléments les plus mystérieux de l'histoire Ton hypothèse de dédoublement me dit quelque chose mais impossible de savoir où j'ai pu voir ça...
Merci pour le rythme bien parti, c'est l'impression que je voulais donner x)
Les allusions seront pas contre amenées à se réduire, puisque l'ambiance comique est supposée reculer pour un truc un peu plus obscur. o/
Alice, elle est badass. (y)
Tant mieux si le bout de Réplika t'a plu, je sais pas si je referai des dérives du genre
Bien! On peut maintenant passer à la publication de la suite x) Je suggèrerais volontiers de relire la fin du précédent pour pas être trop largués dans l'action puisque c'est dans la continuité...
Et sinon, bah bonne lecture. XD
Chapitre 23 : Re8-d8
Spoiler
Ce qui avait commencé dans une atmosphère calme, quoique légèrement pesante, était en train de se transformer en course effrénée dans le Cinquième Territoire. Le groupe, serré pour tenir sur la plateforme de l’ascenseur, regardait le sol qu’ils laissaient derrière eux. Dessus, des formes indéfinies, légèrement colorées et plus ou moins humanoïdes, les regardaient. Ou du moins, semblaient tournées vers eux. Tellement d’incertitudes émanaient de ces créatures, impossible de vraiment être précis.
Brusquement, l’une d’entre eux qui semblait s’être dotée d’ailes bondit dans les airs, tentant de rattraper l’élévateur dans un vain élan : Dorka épaula son fusil et tira sans arrière-pensée, quand bien même le risque qu’il les rattrape était maigre. Mieux valait ne pas le prendre, ils avaient assez de choses à gérer comme ça.
La décélération de l’ascenseur se fit sentir, et finalement, il s’arrêta devant une fente lumineuse, qui promettait la sortie et les réponses de la voûte céleste. Ils se précipitèrent au dehors. La formation utilisée précédemment n’étant pas adaptée au pompage de données, les Lyokoguerriers se réorganisèrent légèrement. Senja se colla immédiatement devant l’interface, faisant courir ses doigts dessus à la recherche des données requises, comme s’il était aimanté par l’écran. Alice et Dorka, représentant la force de frappe à distance, se mirent de part et d’autre de lui, vigilantes pour ce qui concernait le grand vide bleu qui les écrasait de sa magnificence. Emeline et Arry, elles, lui tournèrent le dos pour se positionner face à l’arrivée de l’ascenseur. Il n’y avait pas de doute que bientôt, les ombres jailliraient par ici. Les recevoir correctement n’était pas une option.
-Surtout, ne traîne pas trop hein, lança Emeline.
Senja accorda un regard aux deux tireuses, avant de commenter :
-Si des Mantas éclosent dans la paroi, Sylith les repèrera au radar. Soyez plutôt prêtes à aider les deux autres avec les créatures qui vont arriver, c’est plus urgent.
Puis il se replongea dans les données, impénétrable, tandis que sa consigne était exécutée. Peut-être le dernier conseil de stratégie qu’il leur donnerait pendant la bagarre. Bientôt, les émanations se montrèrent. Peu définies, désarticulées, celles-là semblaient bien faiblardes. Arry et Emeline leur foncèrent dessus, réglant la question de quelques coups alors que les créatures peinaient à coordonner une défense, que ce soit à l’échelle de leur propre corps ou de leur équipe.
Mais là n’était pas la difficulté. Tandis qu’elles reprenaient leurs positions, une nouvelle ombre se coula par la fente. De petite taille, une morphologie assez enfantine. Dans sa main, une forme coudée se dessina, et avant que les Lyokoguerriers ne saisissent, le boomerang translucide fusait déjà vers eux. Ce fut Alice qui bondit pour l’attraper au vol, encore une fois plus rapide que tous, mais avant qu’elle ne puisse le renvoyer à l’expéditeur comme elle le prévoyait, l’arme se liquéfia dans sa main, le matériau poisseux se reconfigurant pour l’immobiliser.
-Senja, va falloir se dépêcher…commenta Dorka en épaulant son fusil.
Alice se volatilisa, laissant la matière indéfinissable retomber par terre et s’évanouir. Elle réapparut derrière l’ombre et lui assena un coup de marteau, mais son adversaire se retrouva muni d’un bouclier rond qu’il utilisa pour parer le coup. Un style de combat qui rappelait des choses à toute l’équipe. Cette dernière commençait néanmoins à se ressaisir. Les premières balles de Dorka semblèrent faire prendre conscience à l’ombre qu’il fallait s’adapter pour faire face à autant d’ennemis. Elle ne perdit pas de temps pour le faire.
Sa silhouette grandit un peu plus, quittant cette apparence enfantine, on pouvait vaguement lui discerner un profil de salamandre, mais le plus important fut sans doute les deux chaînes qui balayèrent la plateforme. Alice disparut une fraction de seconde avant d’être touchée, grâce à ses réflexes, mais du côté de la première ligne des combattants humains, les dégâts furent assez importants, notamment Arry qui fut projetée à terre. L’ombre bondit dans les airs à une hauteur difficilement atteignable en temps normal, et l’acheva d’une frappe efficace avant qu’elle puisse bouger. Emeline grogna. Cette fois, elle ne pouvait pas agripper les chaînes pour faire valser la personne au bout : elle avait bien vu ce qui était arrivé à Alice en attrapant le boomerang. Dommage, parce que cette méthode avait déjà fait ses preuves…
-Sylith, je crois que XANA est fan de ton avatar, marmonna Serpent, qui prenait la direction des opérations. Dorka, continue à canarder, surtout !
Alice surgit à nouveau, marteau au poing, derrière l’envoyé de XANA. Elle lui assena un coup avant de se volatiliser une fois encore, indétectable jusqu’à sa prochaine offensive.
-Senja, t’en es où ? interrogea Sylith.
-Ouais ouais ça vient, marmonna-t-il de l’air de celui qui ne veut pas être dérangé.
Le poing d’Emeline fusa vers la créature polymorphe, mais celle-ci était largement assez rapide pour sauter et esquiver. Cependant, son bond fut parasité par les tirs de Dorka, et les points de vie de l’ombre devaient en pâtir aussi. La Lyokoguerrière fut trop lente pour l’accueillir à l’arrivée, mais ce ne fut pas le cas d’Alice, à qui les stratégies de harcèlement étaient toujours favorables. Profitant de la diversion occasionnée par le coup de marteau d’Alice, Emeline attaqua de nouveau, et cette fois-ci, son coup atteignit sa cible. La puissance de celui-ci n’était plus à prouver, et l’ombre éclata dans tous les sens, ses résidus se dissipant dans le vide virtuel. Elle prit le temps de lâcher un soupir tout à fait artificiel, et se rapprocha un peu de son protégé.
-Eh bah, ça aurait pu être pire en fait…
-Ces trucs sont quand même bizarres. Je me demande d’où ils viennent.
-Boarf. XANA déconne tellement que…
-J’ai fini, on rentre, coupa Senja en s’écartant de l’interface.
La troupe fut dévirtualisée sans pouvoir finir son échange cacophonique, et retrouva Arry dans la salle des scanners. Cette dernière n’avait pas bougé, écrasée par la frustration de s’être fait avoir comme une merde.
-Voilà le topo, annonça Senja en affichant les données récupérées sur l’écran. J’ai réussi à découvrir quelques trucs sur un vieil ennemi de XANA : le projet Carthage. Apparemment, ils ont été ravagés il y a quelques années par XANA en personne, mais leurs installations sont…disons, à moitié intactes, et paumées dans un coin de la France. Et je pense que ça vaut le coup d’aller jeter un œil pour récupérer des données ou du matériel. Histoire d’être sûrs de pouvoir le détruire rapidement.
Le groupe prit un air pensif, digérant ce qu’il venait d’apprendre. Ça faisait beaucoup en peu de mots. D’un côté, le regard illuminé de Sylith et Dorka, qui n’attendaient qu’une chose : suivre Senja. De l’autre, Arry et Emeline, plus réservées et mal à l’aise, hésitant sur la conduite à tenir. Le garçon masqué attendit quelques instants, avant de lancer le vif du sujet :
-Bien. Vous avez quelque chose de prévu ces vacances ?
Le premier jour des vacances, samedi vingt février, le groupe se sépara à la porte de Kadic. Alexandre avait fait le déplacement pour l’occasion, parce que c’était le moment de faire une dernière réunion de groupe, de distribuer les consignes, etc. D’un côté, Senja, Sylith, Dorka et Emeline, qui faisaient le déplacement. De l’autre, Alexandre, Floyd et Arry. Qui, logiquement, restaient sur place.
-Bon. Gardez XANA à l’œil autant que vous pouvez, si y a un problème, vous avez mon numéro, déclara simplement l’être masqué.
-Mais de toute façon, vous partez pas toutes les vacances ? lança Alexandre.
-Non non, trois jours suffiront largement, à mon avis. Surtout si on finit en une après-midi parce qu’il n’y a rien à trouver finalement…commenta Dorka.
Un silence plana, chacun cherchant peut-être quelque chose à ajouter. Mais force était de constater que rien ne venait sur les lèvres de personne. Pas de consigne. Pas de dernier conseil amical. Pas de « bonne chance ». Alors ce furent des au-revoir plus ou moins chaleureux. Du côté de ceux qui partaient, Emeline semblait la plus navrée de devoir laisser le reste du groupe. Alexandre avait une expression énigmatique sur le visage, et Sylith eut le vague sentiment qu’il était content de les voir partir. Floyd, égal à lui-même : cordial et impénétrable. Par contre, le visage fermé, buté, d’Arry était plus inhabituel. Ces deux-là adoptaient vraiment des réactions opposées, quand ils s’y mettaient…
Finalement, le quatuor, mené par Senja, s’éloigna en direction du métro le plus proche, valises à sa suite. Ce fut aussi bref que ça. Les trois restants eurent du mal à commencer à réaliser qu’ils étaient partis.
Un moment de flottement, puis Alexandre questionna :
-Tu pars quand en Suède, déjà, Arry ?
-La deuxième semaine, pourquoi ?
-Oh, pour savoir ! Moi je ne pars pas en vacances, je vais rester chez moi, alors…on pourrait se voir de temps en temps…je dis ça pour toi aussi, Floyd, hein ! assura le littéraire.
L’autre eut un petit sourire.
-Ouais, ça pourrait être sympa ! De toute façon, on reste en contact par SMS ?
-Evidemment, Floyd. Cela va de soi. Mais j’espérais qu’on puisse profiter de l’absence des autres pour discuter un peu plus entre nous et pouvoir resserrer nos liens !
Le visage d’Alexandre se retrouva paré de dents en tout genre, un sourire qui sonnait presque aussi creux que la conversation. Il se heurta à deux regards dubitatifs. Arry commenta, d’une voix sans émotion :
-T’avais l’air vachement emballé pour resserrer nos liens quand tu t’es barré.
Le sourire d’Alexandre se fana à une vitesse prodigieuse, tandis qu’elle tournait les talons et s’éloignait, la tête rentrée dans les épaules, sous les yeux stupéfaits des deux garçons.
-Mais…qu’est-ce qui lui prend ? souffla Alexandre, profondément choqué.
-J’en sais rien, avoua Floyd.
Le groupe s’était installé sous le tableau d’affichage de la Gare de Lyon, attendant patiemment que son train soit annoncé. Ils auraient pu faire la conversation pour passer le temps, mais un silence de plomb pesait sur l’ambiance, et plombait les chances de survies des phrases. Les gens leur jetaient des regards emplis de malaise, probablement à cause du masque de Senja. Ce dernier n’avait pas l’air dérangé, il devait être habitué à susciter ce genre de réaction. En revanche, Emeline s’efforçait de se faire toute petite dans son coin, les doigts crispés sur la poignée de sa valise. Elle n’aimait pas sentir toute l’attention dirigée vers eux. Le monde réel la mettait plus mal à l’aise que Lyoko. Il était plus grand, plus complexe, et elle se sentait beaucoup moins en position de force. C’était facile, sur le monde virtuel, elle reprenait confiance : elle pouvait envoyer voler n’importe quoi d’un coup de poing. Mais loin des scanners, sa confiance pouvait si facilement tomber en poussière…
-J’vais composter, annonça brusquement Dorka, qui prenait la logistique en main.
De nouveau, le silence se reforma derrière elle. Sylith lança, pour tenter de dynamiser la conversation :
-Tes parents sont quand même cool de tout payer…
-Mh.
Face à la réponse loquace de Senja, la brune n’eut d’autre choix que de se taire de nouveau. Que répondre à ça ? Emeline jeta un œil à ses phalanges blanchies, et inspira un grand coup pour tenter de se détendre. C’était la première fois qu’elle prenait le train, et ça n’aidait pas à la rassurer. Trop de paramètres inconnus et effrayants. Certes, Dorka et Senja semblaient avoir les choses bien en main, et Sylith être assez à l’aise, mais dans un sens, elle ne se sentait que plus faiblarde d’avoir peur. Par chance, personne ne semblait le remarquer dans leur groupe, ce qui l’incita à songer que peut-être ça ne se voyait pas trop. Ou alors ça se voyait, et ils ne faisaient rien pour la rassurer parce qu’ils s’en fichaient. Cette pensée lui tordit l’estomac. Elle leva une énième fois les yeux vers l’affichage, attendant que la voie de leur train soit affichée, et tentant surtout de chasser ses idées noires. Elle savait qu’elle se sentirait plus à l’aise dans le carré tranquille où ils se poseraient. Emeline avait hâte de pouvoir se caler près de la fenêtre pour regarder dehors, séparée du couloir par son voisin, et le dehors lui ferait oublier le reste du monde.
Oui, mais toujours pas de voie. Elle espéra que la voie ne soit pas annoncée trop tard, qu’ils aient bien le temps de rejoindre le train…
Avec une moue boudeuse, elle suivit du regard un pigeon qui déambulait dans la gare. L’animal, pataud, semblait passer son temps à éviter les pieds des passants, un peu déboussolé, presque somnambule. C’est l’impression qu’elle en tirait. Il n’avait pas l’air de savoir par où aller, et se contentait de marcher bêtement. D’ailleurs, il s’écarta précipitamment du chemin de Dorka qui revenait, les quatre billets compostés en main.
-Voilà, c’est fait !
« Le train TGV numéro… »
-C’est pour nous, observa-t-elle tandis que la lettre du quai apparaissait sur l’écran.
Les roues des valises se mirent à ronronner en roulant sur le sol. Le bourdonnement désagréable accompagna leurs pas jusqu’à l’ascenseur pour le quai, qu’ils choisirent de prendre pour ne pas se casser le cul (et les bras) à monter les bagages dans les escaliers. Là encore, debout tous les quatre dans la cage, ils ne surent quoi se dire. Les portes les délivrèrent rapidement. Ils remontèrent le quai, et Emeline tourna la tête pour observer la titanesque chenille de métal à côté d’eux. Elle l’imagina foncer à toute allure sur les rails à travers la France, vers une destination inconnue. Elle tenta de se représenter toute la puissance que cette chose pouvait déployer. Et pourtant elle avait l’air paisible, là, docilement arrêtée. Mais dès qu’elle déployait son potentiel, elle était capable de fendre l’espace, balayant tout ce qui serait sur son passage.
Emeline reporta son attention sur ses camarades. Sur le grand silence qui pesait. Elle imagina les trois jours qui allaient venir placés sous le signe de ce même mutisme. Ses yeux glissèrent sur le masque de Senja, sur ceux de Sylith résolument rivés sur le sol, sur Dorka qui regardait les numéros des voitures défiler en attendant le leur. Elle sentit une boule se créer dans sa gorge et déchargea cette bouffée d’émotion sur la poignée de sa valise. On est jamais aussi seul qu’entouré par des fantômes.
-On y est ! annonça Dorka tandis que Senja stoppait devant la voiture 13.
-Si Floyd voyait ça…sourit Sylith.
S’ensuivirent quelques minutes à monter les valises et à leur trouver une place dans le wagon, puis à chercher le numéro de leur carré. Enfin, Sylith pointa quatre sièges autour d’une table rectangulaire dépliable.
-Qui veut une place à la fenêtre ?
Telle fut la phrase qui marqua le début du casse-tête du positionnement.
Emeline fonça immédiatement. Elle se cala dans le coin du siège, le visage affalé sur le bord de la fenêtre, et regarda le quai, tournant le dos au reste du monde comme elle l’avait prévu. Les autres restèrent un instant debout, moment de flottement où chacun se demandait un peu où il allait se mettre. Finalement, Sylith prit l’initiative de se mettre en face d’Emeline, coulant un regard plein d’espoir à Senja. Intérieurement, elle bénit Dorka qui résolut de se mettre à côté de l’autre blonde. L’être masqué n’avait donc plus le choix, et prit la seule place restante. La brune n’était pas sûre qu’il l’aurait fait autrement.
-On arrive à quelle heure, déjà ? s’enquit Sylith, qui était plus motivée par le désir d’une conversation que par la flemme de regarder les billets.
-Vers 21h. Mieux vaut avoir de quoi s’occuper, commenta Senja.
Et encore un essai de discussion qui tombait à plat. Ça devenait tellement habituel. Sylith, passablement dégoûtée, tira son Ipod de son sac à dos et enfonça ses écouteurs dans ses oreilles. Tant pis, ils ne diraient rien pendant le trajet non plus, histoire de ne pas changer.
Le cœur de Dorka pulsait, lui semblait-il, à la vitesse des roues du TGV. Depuis le tout début de cette aventure, une curiosité maladive grandissait en elle pour la technologie quantique, véritable trésor dont elle rêvait de percer les mystères. L’ordinateur titanesque l’avait déjà éblouie, mais si à présent ils se préparaient à explorer une base remplie de tout ce qui était à la pointe du quantique et du virtuel…comment ne pas trépigner d’impatience ? Trois heures à attendre ? Trois siècles, oui ! Et encore, ils ne se rendraient sur place que le lendemain sans doute…
Elle était prête à suivre Senja dans les profondeurs de cette vieille base. Il savait où il allait, et il savait sans doute plus de choses qu’elle d’ailleurs. Qu’eux tous. Elle allait donc apprendre de lui, engranger le maximum de connaissances technologiques. Cette mission était une véritable aubaine personnelle.
Elle balaya les trois autres du regard, un regard froid et analytique. Sylith piquait du nez contre la vitre, Emeline semblait fascinée par l’extérieur, quant à Senja, impossible de savoir à quoi il pensait, comme d’habitude. Dorka s’interrogea sur leurs motivations. Sylith, c’était facile. Elle aurait suivi Senja n’importe où, peu importe ce qu’il faisait, avec un dévouement sans faille. Là où Dorka devait plus réfléchir, c’était en ce qui concernait Emeline et Senja. Emeline aussi suivait Senja, nécessairement, mais différemment. Avec plus de retenue. Elle était d’un naturel un peu timide et replié sur elle-même, en même temps. Elle prenait à cœur leur objectif, et en même temps, elle avait l’air d’être poussée par autre chose. Quoi ?
Dorka sentit un petit nœud de frustration en constatant qu’elle n’avait pas idée de ce « quoi ». Peut-être ne connaissait-elle pas assez Emeline. Et sa frustration ne s’arrangea pas lorsqu’elle tenta de réfléchir sur Senja. Il était beaucoup trop impassible, le masque aidant à dissimuler ses expressions faciales. Et en ce moment il paraissait…
-Bonjour, contrôle des billets ! lança une contrôleuse arrivée à leur niveau sans qu’ils fassent attention.
Dorka saisit les quatre bouts de papier sur la table et les tendit en rétorquant, agacée :
-Oui chef !
Puis elle reprit le fil.
D’après Sylith, Senja avait paru perturbé le soir de l’attaque du drone. A bien y réfléchir, elle n’avait peut-être pas tort. Après tout, elle était très vigilante pour ce qui concernait leur « chef ». Mais la question était de savoir ce qui avait bien pu le…
Un souvenir revint se glisser dans la tête de Dorka, et un sourire sur ses lèvres. Elle n’était pas sûre de la connexion, mais quelque chose lui était revenu en mémoire. Quelque chose que les autres n’étaient pas en mesure de savoir, et qu’elle était la seule à avoir vu. Quelle plus belle information que ce genre-là, dont on se sait unique détenteur ?… Reprenons. Il y avait ce fait intriguant dont le reste du groupe n’avait pas connaissance… Et quelques temps après, l’être masqué insistait pour qu’on draine des données à XANA ?
Ce n’était peut-être qu’une coïncidence, mais elle aimait se fier à son instinct. De toute façon, ça n’avait pas d’importance. Savoir ce qui se passait lui permettait d’étendre son contrôle sur la situation, mais ses objectifs étaient inchangés. Que Senja magouille ce qu’il voulait, elle s’en fichait, l’important était d’en apprendre toujours plus sur le supercalculateur, Lyoko, et tout le reste. S’il ne nuisait pas à ces objectifs, elle ne perturberait pas les siens. Pour le moment, la cohabitation se passait remarquablement bien. Le terme de collaboration était sans doute le plus adapté.
Arry s’était retranchée dans sa chambre une fois rentrée chez elle, reployée en boule sur son lit. L’ordinateur portable allumé en face d’elle diffusait les notes d’ « Ashes Against the Grain », le troisième album du groupe Agalloch. Le front dans les genoux, elle écoutait l’enchaînement funèbre des notes. Limbs, le premier titre…
Elle revoyait ses derniers combats. La façon dont l’ombre l’avait eue si facilement, sans qu’elle ne fasse rien, alors qu’Emeline, elle, l’avait démolie à coup de poings. Ses simples poings ! Et bien d’autres moments où elle avait été pire qu’inutile. Les autres avaient tous les moyens de gérer les attaques de XANA, de se défendre contre les monstres. Et elle, elle n’arrivait à rien. Elle était minable. Elle devait tellement les avoir déçus. Elle se souvenait du quatuor originel cherchant des combattants. Ils avaient eu de la chance de trouver Floyd, qui était un soutien aérien génial, mais elle ? Que leur avait-elle apporté ? N’auraient-ils pas eu meilleur compte à voir ailleurs ?
La blonde aurait tellement voulu pouvoir aider, vaincre XANA, sauver l’humanité, bref, agir pour le bien. Elle aimait à se dire que s’ils n’avaient pas été là, XANA aurait fait de nombreuses victimes, et que leur combat était noble. Elle les voyait un peu comme des chevaliers de l’ombre, des héros. Ils étaient tous utiles.
Tous, sauf elle, qui ne faisait que se faire dévirtualiser bêtement parce qu’elle était trop nulle. Même Dorka, qui n’était pas prévue dans le groupe à la base, faisait mieux. Elle était un de leurs piliers à distance, avec Floyd. Et puis Emeline représentait une force de frappe considérable au corps à corps, de même pour Sylith. Pas besoin d’elle, à ce stade. Elle n’avait ni la force de l’une, ni la portée de l’autre. Et en plus, il y avait Alice, tellement efficace. D’ailleurs, on avait bien utilisé une intelligence artificielle pour renforcer l’équipe suite au départ d’Alexandre, on pourrait en faire une pour la remplacer elle…ça vaudrait la peine, oui. Largement.
Elle se détestait d’être aussi nulle. Elle aurait tellement voulu faire mieux. Pour être utile, un minimum utile…
Son portable, posé près d’elle, vibra. Mollement, elle l’attrapa et leva la tête pour voir le SMS qui venait d’arriver : c’était Emmanuel.
« Coucou ! <3 Je me demandais si t’étais libre pendant la première semaine, parce que après je pars avec mes parents et ce serait quand même cool qu’on se voie pendant les vacances… »
Un pâle sourire lui fut arraché. Arraché, c’était le mot. Ouais, elle était libre. Enfin plus ou moins. Elle imaginait déjà le moment où elle devrait le planter en plein rendez-vous pour filer à l’usine en urgence tenter de stopper XANA. Et peut-être tout faire foirer parce qu’elle était trop nulle pour vaincre quoi que ce soit. Décevoir à la fois ses amis et son copain, quoi de plus réjouissant ? Elle aurait tellement voulu qu’Emmanuel soit là en ce moment pour pouvoir lui déverser tout ce qu’elle avait sur le cœur, ce sentiment d’inutilité et de faiblesse. De ne rien pouvoir faire. D’être un poids. Mais elle ne pouvait rien lui dire, rien du tout : trahir le secret n’était sans doute que la dernière chose qu’elle pouvait faire pour décevoir un peu plus. Elle reposa l’appareil, sans répondre, et se replia de nouveau en position fœtale.
Elle se rendait bien compte que ça la rongeait. Mais elle n’y pouvait rien : sa propre impuissance s’imposait à elle, irrépressible. Un peu comme le jour où, arrivée dans la cour, elle avait découvert le cadavre de Jim étendu par terre. Peut-être était-ce là le point de départ ?
Un sanglot la secoua alors que les images remontaient la hanter. Elle arrivait à apprendre à vivre avec, à force… Mais elle se souvenait du terrible sentiment de puissance qui coulait dans ses veines lorsqu’elle se faisait spectrifier. Cette impression de pouvoir décrocher les étoiles et tirer des soleils par les paumes. Et ça lui manquait. Ça lui manquait terriblement, car c’était ça son rôle dans le groupe, plus ou moins. Se battre sur terre avec les spectres et les xanatifiés. Mais maintenant que XANA n’attaquait quasiment plus, ou avec des drones, elle ne servait plus à rien.
Et ça la désespérait. Elle avait pu toucher la puissance du doigt, mais ce n’était plus possible de la retrouver.
Son portable vibra de nouveau. Elle se força à regarder.
« Salut ! Je me demandais pourquoi est-ce que tu avais réagi aussi froidement tout à l’heure devant le lycée, et si tu avais quelque chose contre moi. Je suis désolé si j’ai dit quelque chose qui a pu te froisser, j’aimerais qu’on en discute, si tu veux bien. »
Alexandre…d’un revers de manche, elle s’essuya les yeux et décida de se concentrer sur ce SMS pour reprendre contenance. Pleurer comme une merde n’aiderait pas à être utile au combat. Même si ne pas pleurer comme une merde ne changerait pas grand-chose non plus… Enfin s’excuser était déjà un début pour la cohésion de groupe, elle pouvait au moins faire ça.
« Non, excuse-moi, j’étais contrariée par autre chose et je me suis laissée emporter. Je n’aurais pas dû dire ça. »
Il était peut-être collé à son portable, elle n’en savait rien, mais il répondit très rapidement.
« Oh, tant mieux alors ! J’aimerais profiter de ces deux semaines pour me réintégrer un peu au sein du groupe et je me suis dit que c’était plus simple de commencer quand on était moins nombreux en fait, hihi. Ce serait bien qu’on se voie autrement que pour contrer XANA, histoire de discuter un peu ! Demain par exemple ? »
Arry songea à l’invitation d’Emmanuel, à laquelle elle n’avait pas répondu. Elle se mordit la lèvre. Puis elle tapa.
« Pourquoi pas. Demande à Floyd si ça le tente, je suis pas contre… »
Ensuite, elle se délesta du portable et s’allongea, fixant le plafond. L’album continuait à diffuser ses mélodies envoûtantes, comme autant d’idées noires qui tournoyaient lentement autour d’elle.
Le quatuor de Lyokoguerriers posa ses affaires dans la pièce. C’était une chambre basique d’auberge de jeunesse, avec deux paires de lits superposés et dans un coin, une petite tablette en haut du mur, à proximité de la prise électrique, placée de façon saugrenue.
-Ils sont sérieux ? commenta Sylith en constatant la localisation de ladite prise.
-On dirait, marmonna Dorka en jetant ses affaires sur le lit le plus proche.
Le même cirque que dans le train recommença pour décider tacitement de qui irait où. Senja prit automatiquement le lit le plus dans le coin, laissant uniquement les deux lits supérieurs. Forcément, Sylith se rua sur celui qui surplombait la couche de l’être masqué, et Emeline se retrouva donc avec le dernier, au-dessus de Dorka. C’était son tour d’avoir la place par défaut.
-Alors, c’est demain qu’on part en balade ? s’enthousiasma la dernière arrivée du groupe.
-Yep. Je vous préviens, même avec les transports en commun, faudra marcher un peu. Carthage n’est pas du genre à laisser traîner ses bases en pleine ville. C’est la nature, là-bas.
-Cool, qui aime la rando ? commenta Sylith avec un rire forcé.
Grand silence. Apparemment, personne n’était vraiment sportif dans la bande. La seule à apprécier un minimum était Emeline, mais ce silence lui coupait le sifflet, et elle n’osait pas exprimer son point de vue, comme souvent. Dorka, face au mutisme général, ouvrit sa valise et en tira un jeu d’échec.
-Quelqu’un veut jouer ? proposa-t-elle.
-Demain, il n’est pas exclu qu’on se sépare pour mieux chercher, ça dépendra de la taille de la base, coupa Senja comme si elle n’avait rien dit. De toute façon, vous avez tous des bases au sujet du Supercalculateur. Je pense même que vous êtes ceux du groupe qui le connaissez le mieux, alors ce ne sera pas un problème.
-Mais qu’est-ce qu’on cherche, exactement ? tenta Sylith en se penchant par-dessus la barrière pour voir Senja.
L’individu au masque marqua un silence posé, empli de réflexion.
-Je ne sais pas, cracha-t-il, dépité.
Puis il ne décocha plus un mot de toute la soirée.
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"Prouve-moi que tu avais raison, Jérémie, dans tout le mal que tu as causé."
Oblitération, chapitre 13
Et je remercie quand même un(e) anonyme qui refusait qu'on associe son nom à ce pack
Et oui, je me suis décidé : Ben, je n'ai pas vraiment ressenti d'ennui particulier même si les derniers chapitres étaient plus prenants.
Bon le chapitre maintenant : tout d'abord, je trouve assez frappant que sur Lyoko, nos LG 2.0 agissent vraiment comme une équipe alors que dans le monde réel, ils le sont de moins en moins, tout l'inverse des anciens LG d'ailleurs !
Il y a une vraie tension dans cet épisode, c'est vraiment dans ce chapitre que j'ai pris conscience que leur groupe était vraiment très fragile, si Senja y est pour beaucoup ce n'est pas le seul fautif par ailleurs.
Les ombres qu'affrontent les LG sur le Réplika sont vraiment étranges. Je doute qu'il s'agisse de monstre de Xana, mais alors à qui sont-ils ? Carthage peut-être ? Ou bien, il s'agit de simple bug ? Ou alors toute cette histoire est un "just as planned" à la Aizen de Xana même si je n'y crois pas trop.
Question : pour l'évènement que Dorka est le seul à connaitre, est-ce que c'est un évènement que nous connaissons déjà ? Si oui, rafraichir ma mémoire serait très appréciable. Si non, ce sera un mystère de plus Dorka m'est apparu sous un nouveau jour, plus calculateur que ce que je pensais.
"Quand on était moins nombreux en fait, hihi" Venant d'Alexandre, je trouve le "hihi" .... Je ne sais pas, ça ne lui va pas trop, je trouve x)
Ironiquement, c'est Alexandre, celui qui hésitait à tout abandonner, qui va peut-être réussir à ressouder une partie du groupe.
En tout cas, je ne la sens pas cette mission dans "un coin de la France". Le groupe est tout sauf soudés, ils ont tous des objectifs plus ou moins différents, et Carthage ne se laissera sans doute pas faire. Peut-être des morts à prévoir dans cette fic étonnamment "soft" comparés aux autres.
Conclusion : un bon chapitre, si tu voulais instaurer une ambiance lourde voir malsaine, c'est réussi. Je me trompe peut-être mais je sens le désastre arrivé. J'ai hâte de lire la suite en tout cas, si perte d'intérêt, il y avait, elle est définitivement enrayée !
ps : j'ai découvert Agalloch grâce à toi, merci bien
pps : c'est le deuxième chapitre où je ne comprends rien au nom que tu lui donnes, une explication peut être ( même si tu préféreras sans doute me laisser dans l'ignorance xD )
ppps : mes posts sont de plus en plus conséquents où c'est moi ? xD _________________
C'est l'ère des miracles. Et rien n'est plus terrifiant ... Qu'un miracle.
J'admets, j'ai levé un poil le pied sur la fic ces temps-ci. Mea culpa. Dites vous que c'est pour mieux réfléchir aux évènements précis du final et m'assurer que personne ne sera oublié. Parce que..."personne ne doit être abandonné, ni oublié".
C'est d'ailleurs pour cela que je vais répondre au post de Kronen! (Waouw, ça se suit)
Déjà, ça gère que les chapitres soient plus prenants. C'était le but. Donc merci de confirmer que ça marche Et pour le reste, je vais faire des tirets, parce que ça gère les tirets. Et j'avais noté comme ça dans mon brouillon.
-L’état du groupe suit en effet deux dynamiques distinctes. Les liens qui unissent les différents LG les poussent à s’organiser d’une façon un peu particulière sur Terre (vous aviserez très vite comment), en revanche le système de combat a été pensé pour prendre une dimension presque stratégique où l’on s’efforce d’exploiter au mieux chacun, ceci notamment sous l’impulsion de Senja qui supervisait les combats dans les premiers chapitres par exemple (analyse du terrain, etc).
-Bien entendu, on en saura mieux sur les ombres au bout d’un moment. Au niveau du « just as planned », je rappelle quand même que les ombres s’en sont prises à Aelita et Vrai Con à la fin de l’arc précédent, et ce en dehors de la vue des LG, ce qui me semble invalider un peu l’hypothèse
-Je vais t’aider à voir Dorka sous un tout nouveau jour : c’est une fille. Et oui, elle a pris un peu plus de personnalité en creusant dans ce côté perfide. J’ai essayé de développer un peu plus les différents personnages, notamment parce que leur personnalité et leurs affinités sont importantes dans l’organisation du groupe.
-Le hihi d’Alexandre a déjà été placé à l’écrit par Pikamaniaque, qui est la source d’inspiration de base du personnage. De là, ça ne me semble pas si aberrant, même si ça fait un peu bizarre. Et de fait, le personnage a vu son rôle souvent revu au fil de la fic, d’abord par son départ et puis par son retour. Il a eu un parcours un peu…atypique, dira-t-on ! Je lui réserve encore quelques surprises de toute façon…
-Carthage a été réduite en purée par XANA, et pour le coup ça n’a rien d’un bobard. Et effectivement, tu as raison de mettre le déplacement en lien avec l’état du groupe, parce qu’il existe une corrélation entre les deux. Laquelle ? Eh, cherchez un peu xD
-Des morts ? Moi ? Je ne vois pas sur quoi tu peux te baser pour insinuer que je pourrais vouloir en faire. Et puis allez savoir. Je ne sais même pas encore totalement comment ça se finira à ce niveau là.
-Yep, l’ambiance va pas mal bouger dans les prochains chapitres, jusqu’au 25 inclus m’est avis. Elle sera peut-être moins travaillée dans le 26, les circonstances s’y prêtant moins, mais je ne pense pas que ça entraînera une détente de l’atmosphère.
PS : Agalloch c’est le bien. Même si j’écris des trucs bizarres sous leur influence.
PPS : Mhhh, pour les deux titres…eh bien les chapitres 22 et 23 sont titrés en utilisant une notation bien réelle, que je n’ai pas inventée. Laquelle ? C’est en lien avec la fic, ça vous pouvez en être sûrs. Mais il n’est pas dit que ce soit visible tout de suite. Bref, je suis une enflure.
PPPS : Manifestement XD
Je vais maintenant vite fait présenter notre chapitre 24, Achromatopsie. Wikipédia sera votre meilleur ami, c'est le mien aussi, je vous assure qu'il est sympa. Et puis sinon, l'ambiance est un peu particulière, y a de l'introspection, un peu de scénar', et de la symbolique maggle parce que j'adore ça au fond, vous le savez. Je m'en suis donnée à cœur joie pour les prochains chapitres. L'ambiance dark, ça aide, mine de rien.
Allez hop.
(Pardon. Vous allez manger un pavé. <3)
Spoiler
Le vent bruissait dans les arbres, son calme et paisible. Quelques chants d’oiseaux pour égayer l’atmosphère. Le ciel grisâtre n’aidait cependant pas, et la forêt n’était pas particulièrement verdoyante non plus. On était en fin de matinée, et quatre adolescents crapahutaient dans la nature, sur un terrain trop pentu à leur goût, à la recherche d’une base mystérieuse. Et de son contenu, comme l’auraient fait de simples pilleurs de tombes. Profaner la sépulture des recherches de Carthage leur attirerait-il une sinistre malédiction, ou en sortiraient-ils les poches pleines ?
-C’est encore loin ?
Senja détacha un instant les yeux du chemin plein de cailloux et de racines hostiles pour les river sur le GPS de son portable, leur meilleur allié.
-Si les coordonnées sont exactes, plus tant que ça…
Puis il s’arrêta deux secondes pour reprendre son souffle. Le groupe l’imita, pas mécontent d’avoir une pause, car leurs capacités physiques n’étaient pas vraiment transcendantes. Tandis que leurs respirations se calmaient progressivement, Sylith s’étonna intérieurement de ce que Senja ait autant de difficultés. D’habitude, il était plutôt doué dans ce qui était activités sportives…
-« Plus tant que ça » ? C’est pas très clair, commenta Dorka entre deux inspirations.
Piqué au vif, l’autre répliqua :
-Eh bien on continue à marcher et on finira par y arriver !
Et il reprit vivement l’ascension de la pente, suivi par son équipe légèrement bougonne. Après encore quelques minutes à souffler comme des bœufs, les quatre adolescents parvinrent au sommet…pour découvrir que leurs efforts n’avaient pas été vains. Heureusement. Personne n’aimait se farcir une ascension gratuite.
Un panneau jaune « Zone militaire – Accès interdit », et quelques mètres après, un grillage entouré de barbelés. Ce qui signifiait clairement « Base de Carthage – Veuillez continuer », du moins dans l’esprit des Lyokoguerriers. Au vu de l’aspect que prenait désormais le grillage, il était clair que l’endroit était désaffecté. L’atmosphère était un peu indéfinissable, emplie d’une sorte de tension respectueuse, mais en même temps d’une appréhension qui se mêlait à l’excitation de toucher au but et de s’aventurer en terrain inconnu. Tous, ils se demandaient ce qui les attendait.
-Comment on passe ? On bouffe les barbelés ? commenta Sylith, visiblement peu motivée par cette option.
La réaction ne se fit pas vraiment attendre. Dorka se défit de son sac à dos et commença à fouiller dedans. Au bout de quelques instants, elle en tira une pince coupante. Ce n’était pas vraiment le genre d’objet qu’on trouvait dans les sacs à dos d’élèves de première. D’un ton badin, elle lança :
-Bah…comme ça ?
Les autres rivèrent des yeux étonnés sur l’outil. Pour le coup, ils ne l’avaient pas vu venir. La question tant attendue fusa donc.
-Mais d’où tu te balades avec une pince coupante ?
-C’est toujours utile ! assura évasivement la blonde avant de s’accroupir devant le grillage.
Les bruits métalliques furent donc les seuls à animer l’attente, puisque les conversations de l’escouade étaient toujours aussi nombreuses. Les autres regardaient autour d’eux, légèrement anxieux à l’idée que l’endroit ne soit pas tout à fait désert. Que peut-être, quelque chose pouvait veiller sur les lieux. L’idée de la vieille malédiction des pilleurs de tombes, en somme. Le vent dans les arbres soufflait toujours, les branches balayaient le ciel, créant le sentiment que la forêt vivait. Pourtant, elle était en ce moment plutôt morte : on était encore à un mois du printemps et les branches restaient très dépourvues de feuilles. Le paysage était brun et gris, parfois, quelques sempervirens ajoutaient une touche de vert à la palette naturelle. Quatre adolescents, au point culminant de la colline forestière, oubliés et oublieux du monde. Le ciel gris était découpé uniquement par un rapace qui planait lentement, attendant de repérer une proie. La nature tournait sans eux, et eux allaient s’intéresser à la petite écharde de métal plantée dans la chair de la nature.
Emeline admira le panorama, faute de meilleure activité, en pianotant nerveusement sur un coin de son pantalon. Elle ne savait pas si elle avait vraiment envie de s’embarquer là-dedans. Un peu tard pour se le demander, bien sûr, mais… On ignorait comment ça pouvait se passer dans la base. Et s’il restait un système de défense ? Si quelque chose de grave arrivait ? Elle repensa au cadavre d’Ulrich dans l’usine et songea que, ironiquement, c’était déjà leur quatuor qui s’était chargé de l’affaire. Le sale boulot semblait être toujours pour eux. Et à l’instant où ils entreraient dans cette base, ils se saliraient un peu plus les mains. Au bout d’un certain temps, ils finiraient par ne plus s’en formaliser. Peut-être même était-elle la seule à réfléchir sur ça ?
Emeline songea alors qu’elle avait seize ans, et qu’à cet âge, la majorité des lycéens n’avaient pas pour activité de s’introduire par effraction dans une base quasi-militaire (même désaffectée) pour y subtiliser du matériel informatique, du code, ou quoi que ce soit qui aide à tuer une intelligence artificielle. Au mieux ils partaient simplement en vacances avec des amis, faire un peu de paintball ou de manèges à sensations fortes pour les plus téméraires. Certains ne sortaient pas de chez eux. Elle se dit aussi que jamais elle n’aurait pensé finir au fond de cette forêt. C’était…un sentiment étrange. Un peu apparenté à un déracinement, mais…
-C’est bon ! annonça Dorka, en écartant autant que possible les bords cliquetants du grillage déchiré.
Elle avait fait aussi vite qu’elle pouvait, et en conséquence, les dimensions du trou forçaient à ramper pour rentrer dans la base. Senja prit l’initiative, et Sylith sa suite dès qu’elle put. A plat ventre dans la poussière, elle franchit l’obstacle mais un fil de métal sectionné lui griffa la pommette, laissant une éraflure et une traînée de douleur, comme un sillon de feu. Avec un grognement, elle tira sur ses avant-bras pour progresser un peu plus loin et se releva en brossant grossièrement ses vêtements. Dorka poussa les sacs à l’intérieur (initiative constructive) avant de s’engager à son tour. Finalement, les trois étaient debout, le regard rivé sur Emeline, qui n’en sentait que trop le poids.
Elle déglutit, et balbutia pour gagner du temps :
-Et...et si y a un dispositif de sécurité, une connerie comme ça ?
-Si XANA a laissé le moindre truc alimenté dans le coin, il m’aura déçu, répondit simplement Senja. Vous pensez vraiment que c’est son genre de ravager la base mais de laisser la sécurité ?
Sylith fronça les sourcils et intervint :
-Si tout est ravagé, quelles chances on a de trouver quelque chose d’exploitable contre XANA ?
Un énième silence. On avait arrêté de les compter depuis la gare. Le genre de silence où on a affaire à une faille dans le plan, et par conséquent, ils choisirent de reporter leur attention sur la dernière du groupe en ignorant la remarque. Emeline se résolut à traîner à son tour dans la poussière, constatant que rien ne lui permettait de reculer. Elle se retrouva donc avec les autres. Au-delà de la barrière. La tension montait d’un cran.
-Alors on…on y va ? balbutia-t-elle.
-Ouais. Récupérez vos sacs, c’est parti.
Sylith aurait juré que la voix de Senja avait tremblé un instant. De l’appréhension peut-être ? Mais elle ne pouvait pas en être sûre, alors elle décida d’oublier. Ils se tournèrent vers le bâtiment, qui avait moins l’air d’une base militaire que d’un bunker. De la pierre grise et couverte de mousse pour l’accès, qui n’était que la partie émergée de l’iceberg : dessous se déployait probablement tout le complexe de Carthage, un réseau tentaculaire de galeries, et les secrets qu’elles renfermaient…
L’entrée était un simple tunnel. Rien ne semblait indiquer de porte. Sobre, simple. Mais pas une raison pour ne pas rester méfiants.
-Je crois qu’on va devoir sortir les torches, commenta la brune.
Etant un minimum habitués à se balader dans les tunnels (merci les égouts), ils en avaient tous. Quatre cercles jaunes éclairèrent bientôt leur chemin, et ils s’engagèrent dans le boyau pentu, s’enfonçant de plus en plus dans les ténèbres. Ils attendirent que quelque chose se passe, mais rien du tout. La triste normalité d’un tunnel sombre.
Au bout, ils trouvèrent une porte. A moitié arrachée.
Voilà qui allait faire office d’électrochoc dans la normalité. La vision du battant métallique relié à un seul gond suffisait à donner une idée de la violence de la bataille qui avait tué l’endroit. Et quelque part résidait l’irrationnelle question : l’auteur de la marque sanglante était-il encore présent ? Précautionneusement, ils s’avancèrent, passant leur torche tout autour d’eux pour tenter de visualiser les lieux : il faisait désormais vraiment noir. Visiblement, Carthage n’avait pas jugé nécessaire de faire percer des fenêtres. Le halo d’une lampe dévoila une ampoule au plafond, éteinte. Morte, elle-aussi.
-Il devait y avoir un générateur spécifique à Carthage pour éviter les pannes de courant là-dedans. Peut-être même deux. XANA a tout débranché…observa Senja, calme.
Ils sursautèrent à l’écho de sa voix, surpris. Tendus, ils entretinrent un moment de silence religieux, redoutant le moment où quelque chose jaillirait de l’ombre pour leur faire payer d’avoir été trop peu discrets. Mais rien. Ils finirent par s’apaiser. Dorka souffla alors une réponse :
-Alors à moins qu’ils aient noté leurs programmes sur une feuille, je doute qu’on puisse les leur pomper…
Se distinguant à peine les uns des autres (puisque la lumière était braquée vers l’avant), ils parvinrent cependant à réaliser qu’ils se trouvaient à un embranchement. La conversation continuait en parallèle de l’observation.
-Si, je sais... On doit pouvoir remettre le générateur en marche. Déjà, ça nous évitera d’avoir à user les piles de nos lampes, et ensuite on aura accès à l’intérieur des ordinateurs, poursuivit-elle.
-Bah ouais mais nan, parce que qui dit générateur activé dit potentielle sécurité de retour…objecta timidement Emeline, que la notion de système de sécurité ne semblait pas rassurer.
Silence. Elle n’avait pas tort.
-Ouais…on improvisera, hein, finit par concéder l’autre blonde.
Ils se trouvaient à une intersection. Symboliquement, une décision à prendre. Trois couloirs partaient de la pièce, un tout droit et deux sur les côtés, à la perpendiculaire. Aucun ne semblait plus engageant qu’un autre. Pourtant il allait bien falloir choisir…
Evidemment, trois personnes sur quatre regardèrent Senja pour la direction à prendre, choisissant de reporter le pouvoir sur lui. Ce dernier resta pensif, puis finit par partir dans le boyau de droite.
-J’ai aucune idée de ce qu’on trouvera, hein, prévint-il comme s’il savait à l’avance qu’il s’était trompé.
Ils suivirent un tunnel dont l’obscurité rappelait sans mal les traversées des égouts, une fois encore. Les adolescents s’efforçaient de limiter le bruit de leurs pas sur la pierre, mais le silence absolu ne s’atteignait pas si facilement. Dans le néant sonore, la moindre goutte d’eau jetée était un roulement de tonnerre. Personne ne parlait, ajoutant peut-être au côté oppressant. Mais ils n’osaient pas, leurs langues collées au palais. Emeline et Sylith avaient cherché à se placer le plus près possible de l’individu masqué, alors que les ténèbres avalaient presque Dorka, derrière.
Le couloir s’incurva. Ils continuèrent à suivre, et virent bientôt des portes apparaître dans les murs. On arrivait enfin dans une partie intéressante et exploitable des lieux. Et ils l’avaient tous compris.
-On explore tout ? murmura Sylith, une pointe d’impatience dans la voix.
-Tout ce qu’on peut…ce serait étonnant que rien ne soit fermé.
Dorka s’approcha d’une des portes de métal, poussa dessus sans grand ménagement : la porte bougea avec un grincement qui leur glaça le sang. Le groupe se figea, dans l’attente de voir si quelque chose se passait. Silence. Grand silence. Si une goutte d’eau incarne le tonnerre, à quoi ressemble le tonnerre lui-même ? Il leur sembla qu’une éternité ou deux s’écoulaient, mais rien ne vint. Rien ne jaillit de l’ombre pour leur ouvrir la gorge. Se détendant un peu, ils se faufilèrent dans la pièce ouverte en prenant garde à ne pas déranger la porte une nouvelle fois. Une peur, pas deux.
Dedans, des plans de travail, une hotte dans un coin, divers instruments de laboratoire. Et les ordinateurs qui devaient servir à entrer les données. Sylith jeta un œil à un scalpel, aligné avec le reste du matériel. Le genre de gadget sympathique qui donnait une toute autre allure au lieu.
-J’ai comme l’impression qu’on ne faisait pas que de l’informatique, ici…souffla-t-elle.
-Comme si le coin était pas assez creepy comme ça, glissa Emeline sur le même ton, mais peut-être nuancé par plus d’inquiétude.
Ils passèrent encore un peu la torche dans le secteur mais se rendirent à l’évidence : c’était clairement dédié à la biologie.
-On va faire cette partie en accéléré, du coup…murmura Senja, peu passionné par le domaine.
Ils passèrent les entrées sur les côtés pour se diriger vers le fond du couloir, où ils trouveraient peut-être des choses plus intéressantes. Là, une grande porte, plutôt bon signe. Elle eut été hermétique si quelque chose n’avait pas rageusement écarté les battants pour se frayer un passage. Les adolescents parvinrent à s’infiltrer par le trou, ignorant superbement le « Authorized personal only » peint sur le sol. Et s’ils y prêtèrent attention, ça ne fit que les pousser à se dépêcher davantage. Une fois à l’intérieur, leurs lampes leur révélèrent de nombreuses cloisons, et donc, de nombreux recoins de la vaste salle à explorer. Trois « sous-pièces » étaient alignées au fond, et deux autres flanquaient la porte principale. Prudemment, ils s’avancèrent vers celle qui était droit devant eux.
Une table en acier, des traces sur les murs témoignant que des choses avaient dû y être accrochées. Mais tout avait disparu. Détruits, décomposés par le temps ?
-Merde alors. Y avait quoi ici ? souffla Sylith.
-Je ne sais pas, mais c’était important…répondit pragmatiquement Dorka.
Dans un coin, des casiers en acier. Fermés à clé, évidemment. C’eut été trop simple.
-C’est marrant quand même, on dirait que y avait des grandes feuilles accrochées sur les murs. Je me demande ce que ça pouvait être.
La lumière de la torche passa sur les traces des feuilles en question, où le mur était d’une couleur légèrement différente. Puis elle revint sur les casiers, nettement plus concrets et intéressants.
-J’imagine qu’il y a des trucs cools dedans mais qu’on peut pas y accéder ? commenta Sylith avec cynisme. Enfin sauf si quelqu’un a de quoi forcer une serrure.
Dans n’importe quel film cliché, une des trois filles aurait dégainé une épingle à chignon et ouvert la serrure en deux secondes chrono. Mais ici, ce fut différent. Les regards (et une partie des torches par conséquent) se braquèrent sur Dorka, qui avait déjà démontré ses compétences inattendues. Son sac à dos à ses pieds, elle tenait en main un crochet.
-Je ne veux même pas savoir comment tu as obtenu ça, marmonna Emeline, mal à l’aise.
-Des horloges aux serrures…vous savez, ça peut servir. Chacun ses loisirs.
Et elle se dirigea vers un casier au hasard. Bien sûr, tous les ouvrir prendrait trop de temps, mais avoir un aperçu du contenu de l’un d’entre eux était envisageable. Dorka colla sa torche dans les mains d’Emeline en passant, qui l’éteignit puisque les leurs suffisaient à y voir. La lumière prenait des airs de projecteur de police tandis que l’adolescente s’attaquait au crochetage de la serrure.
Sylith commençait à la voir un peu différemment. Cette escapade dans le Sud de la France les transformait tous un peu, c’était certain. Ou au moins, elle en dévoilait plus sur la nature profonde de chacun. Senja, n’en parlons pas. Encore qu’il semblait plus humain que précédemment, ces temps-ci. Même si ce n’était pas l’image que donnait le personnage actuellement. Pris entre ombre et lumière, son masque noir blanchi par l’éclat de la torche tandis que l’arrière de son pantalon disparaissait dans l’obscurité, il était immobile, les yeux rivés sur la jeune fille chargée de la sale besogne. Le marionnettiste caché.
Sale besogne, c’était bien le mot, oui. Dorka prenait des airs plus inquiétants elle aussi. Derrière la jeune fille à casquette de panda, aimant les twix et les jeux vidéo, on trouvait ce personnage déterminé, implacable. Equipé pour crocheter des serrures et couper des barbelés. Cherchant à maîtriser l’organisation avant tout. Capable de manier un supercalculateur quantique. A la voir là, concentrée sur son ouvrage, Sylith se demanda ce qui l’arrêterait.
Et à côté, à titre de comparaison, Emeline. La torche en main, les doigts crispés autour pour empêcher le faisceau de trembler, une expression impressionnée peinte sur le visage. Et malgré tout, au fond de ses yeux, une sorte d’excitation, une toute petite étincelle. Elle était nerveuse, mais ne partirait pour rien au monde, maintenant qu’elle était là. Elle était ferrée, comme eux tous, dans cette spirale obscure. Du moins c’était comme ça que Sylith le ressentait.
Dorka fronça les sourcils, continuant à s’acharner sur le mécanisme. Un défi, pour elle. Comme d’autres. Elle se sentait performante, douée. Utile, bien sûr, mais c’était secondaire. Elle sentait l’attention sur elle, et un sourire victorieux lui orna les lèvres quand elle sentit la serrure céder. Avec un côté un peu théâtral, elle ouvrit le casier. A l’intérieur, un carré en plastique noir. Elle tendit la main, s’en saisit et le ramena dans la lumière. Leur première découverte.
-C’est une vieille disquette, commenta-t-elle pour que tout le monde saisisse.
Et ils saisirent ce que ça impliquait. Sylith imagina parfaitement les yeux de Senja luire derrière son masque. Données, informations. Qui plus est, informations d’une partie extrêmement sécurisée de Carthage.
-On embarque, décida-t-il. Pour la place que ça prend et les infos qu’on peut en tirer…
-Mais, quelqu’un a encore un lecteur de disquettes ? demanda timidement Emeline. Je croyais qu’on en utilisait plus de nos jours…
-Bah bien sûr que si, on en fabrique même encore ! assura Dorka, qui reprenait son rôle d’experte en informatique de tout poil. J’en ai un, je peux m’occuper d’extraire les données pour vous montrer tout ça.
La jeune fille fourra donc le périphérique de stockage dans son sac, qu’elle chargea de nouveau sur son épaule, puis tendit la main pour reprendre sa torche à Emeline. Trouver était une chose, mais maintenant il ne fallait pas se démonter et continuer à explorer.
-On finit la salle et on repart vers les autres tunnels ? demanda Sylith, cherchant du regard l’approbation de l’être masqué.
Ce dernier hocha la tête. Ils passèrent rapidement dans les petites pièces adjacentes, sans rien trouver d’intéressant. Cependant, celle sur la droite en entrant se révéla un peu plus digne de leur considération. Quelques boîtes de Petri étaient empilées sur un établi, déjà. Un gros ballon prenait un coin de la pièce. Tous étaient vides, mais leur présence témoignait bien assez de ce qu’on ourdissait dans le coin.
-Culture cellulaire, explicita Sylith. Entre les pattes de Carthage, je préfère ne pas savoir ce qu’ils tramaient.
-La disquette en sait peut-être davantage, glissa Dorka, qui s’était sans doute déjà attachée à l’objet et tenait à en souligner les merveilles.
-Sans doute, et puis c’est pas pour ça qu’on est venus, trancha Senja en tournant les talons.
Le groupe sortit à sa suite et commença à remonter le tunnel vers l’intersection…
Le début d’après-midi était propice à beaucoup d’activités, mais puisqu’on était en hiver, certains avaient simplement préféré se retrancher dans le salon de Floyd, avec le chauffage, la Wii et Super Smash Bros Brawl. Heureusement que le même après-midi, les parents emmenaient Barbara voir « Fantastique Mr Fox » (douteuse adaptation du livre de Roald Dahl), et que par conséquent, la maison était toute à eux. Même si dans le pire des cas, les parents de l’externe étaient compréhensifs. Après tout, il ne s’agissait que d’inviter deux camarades pour des jeux calmes et paisibles…
-Pikachu, enculé !
Ils ne jouaient pas depuis bien longtemps, et déjà Floyd perdait son sang-froid légendaire face à la méthode de combat discutable d’Alexandre. Ce dernier semblait prendre un malin plaisir à utiliser en boucle l’attaque Fatal Foudre, qui faisait s’abattre un éclair sur son propre personnage et écartait ainsi tous les autres. Lucario et Link Cartoon (respectivement joués par Floyd et Arry) étant tous les deux au corps à corps ils en eurent vite assez d’être bourrinés et optèrent pour des attaques à distance. Selon un accord tacite, l’un alla tirer à l’arc d’un côté, l’autre envoyait des Aurasphères. La bestiole jaune dut vite se mettre en mouvement pour éviter de finir à la casserole. Comme il semblait préférer le fait d’engager un combat de pokémon, il partit s’en prendre à Lucario pendant que Link Cartoon se planquait dans son coin pour éviter de perdre des vies et attendre que ses adversaires soient plus vulnérables. Méthode fourbe s’il en est.
Mais payante. La partie se termina lorsqu’il fonça sur un Pikachu affaibli de son combat contre le loup bleu, et l’éjecta d’un coup d’épée.
« La victoire revient à….LINK CARTOON ! »
Tandis que son personnage poussait un cri de victoire, Floyd s’autorisa un petit sourire perfide mais satisfait. Alexandre relança une nouvelle partie, mais pendant qu’Arry choisissait le terrain, il lança :
-Il y a quelque chose dont j’aimerais vous parler…en rapport avec le groupe.
-On t’écoute, commenta la blonde en sélectionnant Destination Finale.
La page commença à charger.
-Eh bien…je trouve Senja vraiment bizarre. C’est inquiétant. Et là, avec cette histoire d’attaque au drone, je crois qu’il nous cache des choses. Ça ne me plaît pas.
« 3 ! 2 ! 1 ! PARTEEEEEEEZ ! »
Les trois combattants ne se firent pas prier et s’élancèrent les uns sur les autres dans le chaos le plus total.
-Ouais, je vois ce que tu veux dire, et je pense que c’est des trucs importants qu’il nous cache, ajouta Arry en massacrant le bouton d’attaque standard pour que Lucario enchaîne coups de poing et de pied, peu importe qui passait devant.
-Vous pensez qu’il ferait ça ? Mais dans quel but ? intervint Floyd, sceptique, de la même façon que son personnage se retirait discrètement de la mêlée pour tirer quelques flèches de plus loin.
-PIKACHU, CONNARD ! cria Arry, qui venait bien évidemment de se faire foudroyer.
-Hihi, désolé ! Donc ouais. Je sais pas dans quel but. Mais je doute que ce soit pour le bien de la lutte contre XANA…poursuivit Alexandre d’un ton égal.
Quelques instants passèrent où chacun s’employa à sanctionner un Pikachu en fuite pour ses actions crapuleuses. Puis Floyd relança :
-Je doute quand même qu’il en arriverait là…Senja m’a l’air de quelqu’un de réglo. Un peu bizarre, c’est vrai, mais il cherche à détruire XANA, comme nous, non ? Sinon pourquoi nous aider ? Pourquoi ne pas juste….je sais pas, ne rien faire ? Il m’a l’air très impliqué…
« Pi ! Pi, Pi ! PIKA ! »
Ou comment traduire qu’après quelques coups de queue, Pikachu avait cédé à son bon vieux travers…un coup d’épée circulaire de Link Cartoon remit un peu d’ordre dans la nouvelle mêlée, et la discussion put reprendre.
-Je ne sais pas. Peut-être qu’il cherche à détruire XANA, mais pas que ? suggéra Arry, avant de sauter hors de la mêlée pour mieux y retourner avec quelques coups de pied vers le sol.
-C’est une possibilité en effet. Mais ses autres objectifs ne me semblent pas nets. Enfin je ne l’ai pas sous le nez h24, dites-moi ce que vous en pensez, peut-être que je me fourvoie totalement…sonda Alexandre, avant de réutiliser Fatal-Foudre.
-Nan, je commence à me dire que tu as raison, avoua la blonde. Mais qu’est-ce qu’on peut faire ?...il a le contrôle sur le groupe. C’est lui le chef, réalisa-t-elle, comme si elle mettait fin à des siècles d’ignorance.
Alexandre fit la grimace, et pas parce que Lucario avait éjecté Pikachu.
-Ouais…il a complètement pris le contrôle. Il a Sylith et Emeline comme appui chez les anciens, et même chez les nouveaux, Dorka m’a l’air de le suivre corps et âme. A partir de là, il a la majorité dans le groupe. Moi j’étais parti, et vous, vous êtes nouveaux. C’est donc pas vous qui pouvez vous élever contre lui.
-Attendez…on est quand même limite en train de dire que Senja nous lave à tous le cerveau et qu’il faut se libérer de son emprise démoniaque, quand même. Tu ne crois pas que tu caricatures un peu ? Il a des choses à apporter au groupe…tempéra Floyd.
Le littéraire secoua la tête.
-Je pense que c’est le groupe qui lui sert de levier pour ses projets personnels. Regardez cette virée à Carthage. Vous n’allez pas me faire croire qu’il fait ça uniquement par altruisme. Ce n’est pas du tout l’impression que j’ai par rapport au personnage. Il agit par intérêt, et je pense qu’il a plus que le fantôme d’un espoir d’outil contre XANA en allant là-bas. Peut-être qu’il espère trouver quelque chose qui servira ses propres projets, je ne sais pas ! Mais je n’arrive pas à m’ôter le sentiment que quelque chose de mauvais repose derrière ce masque, et doit bien s’amuser de nous manipuler…
La blonde eut un petit sourire carnassier en retournant dans l’affrontement après une éjection de son personnage.
-Oui, mais là on perce son jeu et on l’empêche de faire tout ce qu’il veut avec notre bande et notre combat…parce que imaginez qu’il soit pris entre deux feux : ses propres intérêts, et la destruction de XANA ? Que pour une raison inconnue, il ait besoin de détourner le Supercalculateur pour autre chose et reporte le combat ? souleva-t-elle.
-Ce serait mettre en danger la planète entière juste pour ses mystérieux projets…murmura Alexandre d’un air grave.
Un silence pour accueillir cette déclaration. Derrière les combattants, des images de l’univers défilaient, comme si leur plateforme volait dans l’espace. Le message d’infinité délivré était fort, et collait merveilleusement à la discussion.
-Mais on peut pas risquer la planète entière…
Non, ils ne pouvaient pas.
« La victoire revient à…Pikachu ! »
-Non en effet. Il faut quelqu’un pour…l’encadrer. Un contre-pouvoir. Un peu comme le Sénat, vous voyez ? décida Alexandre, le regard illuminé.
La comparaison politique laissa les autres de marbre, ils hochèrent vaguement la tête mais rien de plus. Le littéraire, légèrement coupé dans son élan, en vint tout de même au fait.
-Je pense que c’est à nous trois de former le contre-pouvoir du groupe. Pour empêcher Senja de faire n’importe quoi, on va tenter de lui demander plus souvent des explications sur le pourquoi du comment. Et ne pas se contenter de hocher la tête bêtement quand il dit quelque chose. C’est d’accord ?
C’était le moment fatidique. Allaient-ils le suivre, ou le laisser tout seul face à Senja ? Voire pire, appeler ce dernier pour l’informer de ses projets de….non, mutinerie n’était pas le mot. D’opposition. Simple opposition. Régulation.
Il tenta d’anticiper leur réponse à partir de leurs regards. Celui d’Arry était rivé vers le sol, son visage était fermé et inexpressif, mais il discernait une ombre au fond de ses yeux. Du moins c’était l’impression qu’il avait. Peut-être qu’il affabulait totalement. Il pouvait mettre ça sur le compte de son âme littéraire. A contrario, Floyd se perdait dans la contemplation du plafond, et ne présentait pas cette sorte de crispation qui animait Arry. Détendu, serein, il étudiait la situation avec un certain détachement. Ce fut lui qui parla le premier.
-Je pense que ce serait mieux oui. Enfin, il faudrait s’assurer de créer le moins de tensions possible, le but n’est pas de faire exploser le groupe…
Le regard clair de l’adolescent se posa sur Alexandre, comme pour vérifier que ce dernier n’ourdissait pas à son tour de noirs projets pouvant menacer l’intégrité de leur lutte.
-Bref, je marche. Oublie pas de faire défiler les scores pour être prêt pour le prochain combat.
Alexandre para à cet oubli, tout en coulant un regard à Arry, qui restait encore muette.
-T’as raison Alexandre, finit-elle par lâcher d’un ton péremptoire. La survie de la Terre dépend sans doute de nous.
Et ils se sentirent traversés par une bouffée épique. Comme si leur duel désespéré contre une intelligence artificielle n’était pas déjà assez théâtral ! Voilà que maintenant, ils décidaient de se retourner contre une ombre qu’ils sentaient planer sur leur groupe...
Mais ce n’était qu’une ombre. Aucun d’entre eux n’était en mesure de savoir ce qui pouvait bien la projeter.
_________________
"Prouve-moi que tu avais raison, Jérémie, dans tout le mal que tu as causé."
Oblitération, chapitre 13
Et je remercie quand même un(e) anonyme qui refusait qu'on associe son nom à ce pack
Inscrit le: 17 Sep 2012 Messages: 2316 Localisation: Territoire banquise
Yo !
La première partie, sur la petite exploration IRL de Carthage est pas mal décrite, dommage qu'on ait pas plus de précision sur le lieu
Mais surtout, ce qui sera très intéressant si ça vient, c'est de savoir pourquoi et comment la base se trouve à cet endroit et dans cet état.
Citation:
. Silence. Grand silence. Si une goutte d’eau incarne le tonnerre, à quoi ressemble le tonnerre lui-même ?
Bouh, Ground Blizzard joue la montre
Citation:
-Pikachu, enculé !
La question légitime à se poser est : Avec quelle queue ?
Citation:
-Attendez…on est quand même limite en train de dire que Senja nous lave à tous le cerveau et qu’il faut se libérer de son emprise démoniaque, quand même. Tu ne crois pas que tu caricatures un peu ?
Ah parce qu'un type qui revient changé derrière un masque après un "accident" c'est pas cliché ?
Citation:
-Non en effet. Il faut quelqu’un pour…l’encadrer. Un contre-pouvoir. Un peu comme le Sénat, vous voyez ?
Mdr, jamais Alexandre n'aurai sorti une connerie pareille
Citation:
-T’as raison Alexandre, finit-elle par lâcher d’un ton péremptoire. La survie de la Terre dépend sans doute de nous.
Bon... bah adieu la Terre hein.
Plus globalement les deux axes de ce chapitre sont pas forcément épiques en eux-mêmes mais ouvrent sur deux nouvelles phases prometteuses : L'analyse des infos sur Carthage (On en revient à ce que j'ai dit au début) et la pseudo- vigilance d'un homosexuel lâche, d'un type qui se prend pour Harry Potter et d'un troisième tellement inutile que j'avais oublié son existence. Cela promet d'être intéressant _________________
« Les incertitudes, je veux en faire des Icertitudes... »
Salut ! 1 mois, c'est long x)
Alors la première partie est sympathique, Dorka se révèle sous un nouveau jour, plus débrouillarde que ce que je pensais, va savoir ce que ça cache.
Pour la disquette, ils ont quand même eu beaucoup de chance, comme par hasard, ils ouvrent ( enfin, Dorka ouvre ) le casier ou y a un truc intéressant dedans, la ficelle est un peu grosse nan ?
L'exploration est sympa, on voit bien que Carthage ne plaisantait pas, et qu'ils ont effectivement passés un sale moment, dommage que l'exploration ait été relativement courte mais j'ai bon espoir qu'on en verra un peu plus au chapitre suivant !
Pour la seconde partie, j'en retiens que Floyd est fourbe, et surtout, je retire ce que j'ai précédemment dit, Alexandre va faire sauter le groupe, contre sa volonté, mais les risques sont grands, bien que Silyth devrait finir par se poser des questions, je pense.
Comme la dit Icer, si c'est sur ces trois là que le sort du monde repose, on n'est pas dans la merde xD
Ps : petite question : on considère que l'anéantissement de Carthage s'est produit avant ou pendant la fic ? Ou alors on en sait encore rien ? _________________
C'est l'ère des miracles. Et rien n'est plus terrifiant ... Qu'un miracle.
Il y a un mois et un jour, je disais : "Putain, un mois!". J'aurais volontiers posté hier mais mon chapitre 25 était pas encore relu :'). Du coup cette fois je dirai "Putain, un mois et un jour!". Prochain chapitre de GB le 19 janvier? *PAN*
Le rythme de la fic a quand même plutôt bien repris dernièrement, le chapitre 28 a été bouclé et j'ai attaqué le 29, le temps que je me lance vraiment dedans et ça devrait le faire mais je ne sais pas combien de temps j'aurai pendant les vacances à y consacrer. Voilà, ça c'était pour le topo, maintenant je vais répondre à mes deux commentateurs o/
Icer :
Tout d'abord, en ce qui concerne la base de Carthage, je peux te fournir quelques précisions sur le lieu, qui est en fait plus précisément du côté de Saint-Paul lez Durance (oui oui cet endroit existe). Le truc c'est que cette localisation plus précise n'aidera pas grand monde. Il y a une raison pour que le site soit placé là, c'est en fait une question d'analogie. Avec quoi? Hé, no spoil! Quant à savoir pourquoi il est dans cet état, ce sera expliqué. Un jour. Lointain. Héhéhé.
Citation:
Ah parce qu'un type qui revient changé derrière un masque après un "accident" c'est pas cliché ?
J'avoue, qui a eu cette idée de merde?...
Je terminerai en confirmant que le groupe d'opposition fait un peu pâle figure à côté des quatre qui errent dans les ténèbres à l'heure actuelle. Mais le décalage d'ambiance (et par là-même d'aura donné aux persos) est voulu. J'en profite pour rappeler qu'Arry est une fille
Kronen : J'aimerai mettre le holà en ce qui concerne la disquette, je trouve que tu t'emballes un peu en la décrétant importante alors que son contenu n'a même pas encore été décodé (a) Si ça se trouve ils vont tomber sur les photos de vacance des scientifiques de Carthage...
Le devenir du groupe n'est pas encore joué, un peu de patience, Alexandre comme Senja n'ont pas dit leur dernier mot!
(En ce qui concerne le PS (-placez blague politique ici-), l'anéantissement de Carthage date de 146 avant JC, donc oui c'était avant...vannes à part, oui, il est antérieur.)
Enfin, voilà le chapitre 25! En discrète dédicace à la couverture d'un album de Blind Guardian, je l'ai nommé "Le rouge miroir des ténèbres". Il relate la suite et la fin de l'exploration de Carthage par nos LG, et fera un crochet chez quelques autres personnages....
Spoiler
Après une pause casse-croûte à l’extérieur, le groupe était retourné dans les profondeurs de la base de Carthage, comme s’ils étaient incapables d’en rester éloignés très longtemps. Comme si les ténèbres étaient passées de repoussantes à attirantes.
Une fois encore, ils se retrouvaient face à l’intersection. Ils savaient désormais que la branche sur leur droite ne les intéressait que moyennement, mais ils devaient encore choisir entre la gauche et le centre. Encore, encore un choix. Le faisceau d’une des torches tomba sur le sol du tunnel central, peut-être à un endroit qu’ils n’avaient pas bien observé précédemment : il y révéla des traces de balles. Un élément pour réfléchir, sans doute, et ce n’était pas pour leur déplaire.
-Eh. Comment ça se fait ? Ils auraient pas tiré par terre, quand même ? observa Sylith, se lançant dans l’analyse.
-Nan, mais ça a pu ricocher sur quelque chose, fit remarquer Dorka.
-Sachant qu’ils ont été attaqués, on peut très bien supposer que ce « quelque chose » était l’envoyé de XANA dans la base ! reprit la brune, avec une petite étincelle dans le regard.
Emeline balbutia d’une petite voix :
-Et sinon…de quel côté on va ?
-Va pour ici, puisque ça vous intéresse tellement…commenta Senja, fermant ainsi le débat.
Ils s’engagèrent dans le tunnel. Plus court que le précédent, celui-ci ne faisait pas de coude. Le trajet se passa calmement, jusqu’au moment où Emeline laissa échapper un juron en glissant sur quelque chose par terre. S’ensuivit une superbe gamelle. Elle se releva, l’air confus et les mains râpées, pendant que la lumière convergeait vers l’objet qui l’avait fait tomber : une douille, vestige de la même bataille que les impacts de balle. Objet lourd de sens autant qu’il était léger, ironiquement. Sa découverte contribua à refroidir légèrement l’ambiance, mais ce fut très peu ressenti. La soif de découverte prenait le pas.
Sur leur gauche, ils trouvèrent un arsenal. Encore assez bien rangé, on voyait des armes à feu et des caisses de munitions. Ils n’y connaissaient rien et n’auraient pas su dire à quoi ils avaient affaire précisément, mais saisissaient l’idée générale : stock d’armes. Les quatre adolescents s’écartèrent avec un air méfiant, et choisirent de se retourner vers la salle en face : sans aucun doute possible une infirmerie.
Ironique de mettre les deux en parallèle. Un côté servait à tuer, l’autre à soigner.
-Je suis la seule à penser que ça n’a pas une gueule de coin recherche informatique ? demanda distraitement Dorka, qui semblait pressée de s’en aller pour trouver plus passionnant.
Au moins, elle ne prévoyait pas de subtiliser un pistolet.
On ne lui répondit pas. Ils firent malgré tout quelques pas en plus, mais constatèrent très rapidement que cette branche n’était pas dédiée aux ordinateurs, et ne les intéressait pas. La dernière se devait d’être la bonne, sinon…eh bien sinon, ils auraient fait le trajet pour rien.
Ils revinrent au pas de course à l’intersection, mus par l’excitation fébrile du sentiment de toucher au but. La crainte que quelque chose puisse les repérer s’estompait, puisqu’ils n’étaient, à l’heure actuelle, tombés sur rien qui fasse penser à une menace. A la limite, la peur qui pouvait monter était celle de ne rien trouver, mais ils étaient aveuglés par l’enthousiasme et ne la ressentaient pas. En revanche, s’ils devaient faire chou blanc, le poids de la déception serait dur à porter.
Leur attente fut néanmoins récompensée. La première salle qu’ils explorèrent dans le boyau donnait clairement le ton. Des appareils électroniques dans tous les sens, reliés à des câbles qui disparaissaient dans le plafond quand ils n’étaient pas éventrés. Des écrans, noircis par l’absence de courant, et parfois explosés. Mais des câbles et des écrans tout de même.
-Hey…osez me dire qu’on trouvera pas d’ordinateurs là-dedans, sourit Sylith.
Personne ne réagit à sa remarque, mais les faisceaux des torches détaillant chaque seconde davantage de machines répondaient pour eux, clamant leur soulagement. Ils y étaient enfin. Et la promesse d’une découverte se trouvait devant eux.
-On dirait que ce coin-là était consacré aux communications, détailla Dorka, qui aimait se lancer dans des analyses.
-Ouais, pas étonnant, Carthage devait avoir plus d’une base, conjectura la brune.
Le trio constata alors que Senja était déjà en train de quitter la salle, manifestement pressé de donner un peu plus de sens à cette visite. Les communications ne l’intéressaient sans doute pas. Elles le suivirent précipitamment, leurs semelles claquant sans grand ménagement contre le sol de pierre. Il aurait pu se diriger vers une des autres portes du couloir, mais non : il braqua résolument sa torche vers l’extrémité de celui-ci, dévoilant un prolongement.
-Si quelque chose d’important se trouve ici, c’est là, décréta-t-il avant de marcher d’un pas décidé vers la suite du tunnel.
Là aussi, le reste de l’équipe lui emboîta le pas, peu pressé d’être laissé derrière, et convaincu. Le boyau se resserra un peu, et les adolescents purent noter d’étranges griffures blanchâtres sur les murs désormais mieux éclairés, comme si quelque chose de trop large pour passer avait raclé contre la pierre. Par endroit, la paroi était même entaillée. L’image de la pierre mutilée était marquante. Quelque chose était passé par ici, et ce quelque chose avait été capable de déchirer la roche.
-Vous avez vu ça ?
-Mouais. Quel intérêt ? C’est probablement lié à un truc qui s’est passé ici y a des plombes, et qui ne peut plus nous affecter, commenta Dorka avec désintérêt.
Elle se dépêcha de rejoindre Senja sans plus faire attention aux traces. Sylith finit par faire de même. Emeline resta quelques instants supplémentaires à contempler les marques, essayant de se représenter ce qui avait pu provoquer les dégâts qu’ils avaient constaté partout dans la base. Probablement ceci. Et probablement un émissaire de XANA. Elle se rappela qu’il s’agissait quand même de leur ennemi à eux, et se demanda pourquoi eux n’avaient pas subi le même sort. Ils n’étaient qu’une bande d’adolescents. Ici, il s’agissait d’une base d’un projet top secret. Elle se souvenait parfaitement de l’armurerie qu’ils avaient croisée dans la seconde branche : ces flingues devaient bien signifier que des gens savaient s’en servir… Autrement, dit, ils étaient infiniment mieux équipés qu’eux. Mieux préparés à faire face…et XANA les avait balayés.
Elle tourna la tête et constata que les autres s’étaient rassemblés devant une porte similaire à celle dans le département de recherche biologique, et si la configuration était similaire, il y avait de grandes chances pour qu’elle dissimule les éléments les plus précieux. Là aussi, elle avait été forcée. Emeline se dépêcha de rattraper le groupe, pour ne faire attendre personne. Ils étaient déjà bien charitables de résister à la tentation de regarder en la laissant toute seule dans le couloir. Le quatuor franchit alors le seuil.
Au centre de la pièce, le Supercalculateur de Carthage, à peu près similaire à celui qui se trouvait dans les profondeurs de l’usine.
Ou du moins, ce qu’il en restait.
La machine ? Complètement déformée, certaines pièces étaient méconnaissables tellement on s’était acharné dessus. Un tas de ferraille qui n’avait plus l’air en état de marche. Ravagé, annihilé. Quoi que soit la chose qui avait détruit la base, elle avait pris un soin tout particulier à s’assurer que cet ordinateur ne puisse plus jamais éclairer la pièce de ses voyants.
-Génial. C’est pour ça qu’on est venus ? commenta Sylith, passablement dégoûtée.
Senja et Dorka s’avancèrent vers la carcasse, refusant de croire que cette chose brisée n’ait rien à leur apporter. C’était impossible qu’ils soient venus pour rien. Impossible.
-Je vais voir si on a pas des disquettes intactes qui traînent dans les salles précédentes, annonça Sylith avant de ressortir.
Sans doute était-elle motivée par le dépit de trouver une ruine là où on attendait le plus de renseignements et refusait-elle l’échec. Elle avait juste une autre façon de l’exprimer que Senja et Dorka…
Emeline décida de la suivre, tandis que les deux autres rôdaient dans les débris comme des vautours, à la recherche d’un morceau exploitable à se mettre sous la dent. Désosser un cadavre ? Ils n’étaient plus à ça près…
C’était en effet une sorte de fascination morbide qui animait Dorka à cet instant précis. Un vieil ordinateur surpuissant en pièces ? On était entre la dissection et le travail d’archéologue. A supposer que les deux soient si différents.
Elle s’accroupit, observa un morceau de métal qui était autrefois un composant fonctionnel du Supercalculateur, et se retrouvait aujourd’hui pris dans le halo lumineux de sa torche, mort. Comme hypnotisée, elle le prit en main pour mieux l’observer, mais le lâcha brusquement. Le bruit qu’il fit en frappant la pierre attira l’attention de Senja qui redressa vivement la tête, mais le regard de la blonde était rivé sur la paume de sa main, entaillée superficiellement.
-Eh merde...souffla-t-elle, les yeux rivés sur la ligne poisseuse.
-Qu’est-ce qu’il y a ? lança l’être masqué, de l’autre côté de la carcasse.
-Rien, je me suis coupée ! répondit-elle d’une voix qui tremblait un peu malgré tout.
Elle s’empressa d’ailleurs d’agripper un coin de son haut, en espérant que ça suffise à éponger ce qui coulait, ignorant l’élancement. Gérer les machines, elle savait, mais les blessures, un peu moins. D’ailleurs elle se maudit de ne pas avoir pensé à embarquer des pansements et autres choses du genre dans son paquetage. Elle avait oublié tellement de trucs. Dont son lecteur de disquettes, resté chez elle. Il faudrait attendre pour voir le contenu des infos…frustration intense s’il en était. La prochaine fois, elle devrait réfléchir davantage.
-J’ai un truc, annonça Senja.
Il brandit un objet qui ressemblait à une disquette. Mais à bien regarder, ce n’en était pas une. Une couche de métal doré couvrait certaines parties du carré, lui conférant un côté précieux rien qu’à l’aspect. Une pièce du trésor détruit qui dormait ici. Ce genre de composant disait quelque chose à Dorka, mais elle ne savait plus où elle avait pu en voir.
-C’est complètement le genre de pièces qu’on met dans le Supercalculateur de Franz Hopper, l’éclaira Senja.
Elle sourit, le regard brillant à peu près autant que le composant éclairé par sa lampe. Sa main blessée lui semblait maintenant très loin dans l’ordre des priorités. Dans l’ombre, la lumière, enfin. L’irréelle et métaphorique lumière de l’espoir.
-Alors ça veut dire qu’on pourrait s’en servir…mais sait-on ce qu’elle fait ? lança-t-elle vivement, sans pouvoir contenir l’excitation dans sa voix.
-A vue de nez, elle ressemble à une barrette de RAM géante. Tu vois l’idée ? Un truc qui accélèrerait drastiquement notre ordinateur. Résultat des courses…
-…plus besoin d’en capturer d’autres pour alimenter le programme multi-agent, compléta Dorka. Mais tu es vraiment sûr que ce truc peut booster la machine à ce point ?
Senja hocha la tête avec ferveur. Il était convaincu.
-Carrément ouais ! N’oublions pas que Carthage était composé non seulement de Franz Hopper mais d’autres scientifiques, ce qui veut logiquement dire que leur prototype commun est plus avancé que le Supercalculateur qui traîne à l’usine et qu’il a dû faire seul…enfin du moins, ça se tente. Si on peut piquer d’autres pièces, on a plus de chances d’arriver à un truc exploitable…
Dorka devina un sourire entendu derrière le masque. Ils étaient sur la même longueur d’onde. Elle choisit de le croire. Dans le fond, ils devaient fonctionner un peu pareil.
Prendre le goûter ne signifiait pas pour autant s’abstenir de réfléchir et de parler. Loin des sombres galeries de Carthage, le reste du groupe s’était attablé autour d’une boîte de cookies.
-Dites, je me demandais. Puisque Senja est absent en ce moment…est-ce qu’on pourrait pas en profiter pour jeter un œil dans le Supercalculateur ?
Floyd haussa un sourcil, se retint de mordre dans son biscuit pour répondre :
-Qu’est-ce que tu veux dire ?
Alexandre dût détailler son idée entre deux bouchées, refusant résolument de parler la bouche pleine (sinon sa mère viendrait lui faire payer son manque de tenue).
-Si on veut savoir ce qu’il magouille, commencer par inspecter le Supercalculateur est une solution ! C’est là-dessus qu’il programme et qu’il travaille, et je pense qu’il est convaincu que personne ne pourrait fouiner par là. Personne n’oserait. Mais s’il revient, il finira par sentir qu’on rue dans les brancards et renforcera peut-être la sécurité. Alors c’est maintenant ou jamais, si on veut pouvoir en tirer quelque chose…
Ses deux camarades le regardèrent en silence. Cette après-midi s’était bien accélérée. Ils étaient passés d’une partie de Smash Bros entre amis à une semi-scission dans le groupe et voilà que maintenant, Alexandre voulait mettre directement le nez dans les affaires de Senja, à peine leur alliance scellée. Ce n’était pas une décision à prendre à la légère. C’était une chose de dire qu’ils s’opposaient à Senja parce qu’il n’était pas net, mais c’en était une autre que d’aller directement fouiller dans son territoire pour découvrir ce qu’il tramait. Réguler ne signifiait pas intervenir.
-Ben oui mais s’il l’apprend ? risqua Floyd.
La réponse d’Alexandre fut immédiate.
-Comment tu veux qu’il le sache ?
-Y a des caméras de surveillance dans l’usine…
La voix d’Arry, sceptique, résonnait pour la première fois depuis que la discussion avait repris. Sans rien ajouter, elle reprit un gâteau dans le paquet.
-Merde. Mais si on supprime les enregistrements ? tenta le littéraire.
-Des enregistrements supprimés, c’est louche aussi. Tu le sous-estimes. Il le saura, si on touche à ses affaires…
Alexandre serra les poings. Ils avaient raison, bien sûr. Mais rester assis sans rien faire alors que son…adversaire agissait dans le Sud de la France, poursuivant sans doute ses noirs projets, il n’en était pas capable.
-Et son ordi à l’internat ?
-S’il ne l’a pas emmené, la chambre est de toute façon fermée à clé, rappela Arry, pragmatique.
Dans un élan d’agacement, Alexandre lâcha un bref soupir. Puis il reprit un cookie sur lequel il pourrait passer son énervement en marmonnant.
-Eh ben d’accord, ne faisons rien.
-Qu’est-ce que tu voudrais qu’on fasse ? On a pas d’option envisageable, pour le moment, reprit Floyd pour calmer le jeu. Je propose qu’on attende. Ce n’est pas forcément un mal, tu sais. On évite juste de faire une erreur en se précipitant…
Le littéraire fit la moue, termina de mâcher avant de commenter :
-Ouais, si tu le dis…
"Where is the god ? Has he fallen and abandoned us ?"
Agalloch, In the Shadow of our Pale Companion
William était assis sur une formation rocheuse, en plein milieu du désert lumineux que le soleil de plomb rendait presque douloureux à regarder. Les genoux ramenés contre la poitrine, il regardait dans le vague en silence, pensif. Rêveur, s’il était encore permis de rêver. Aelita n’était pas très loin, elle aussi en pleine méditation, mais comme d’habitude, c’était pour contacter XANA. Et comme de plus en plus fréquemment, c’était en vain. Il arrivait à s’en rendre compte à force : elle restait connectée à la réalité (ou plutôt la virtualité). Quand XANA lui parlait, il était impossible de la faire réagir.
Peut-être que ses poings serrés pouvaient aider à deviner, aussi…
-Il ne te répond pas ?
La phrase lui avait échappée. Il fut un temps où il aurait sans doute craint les conséquences de ses paroles, qui supposaient légèrement que XANA était en train de les abandonner, mais justement, c’était la conviction qu’il se forgeait, et le grand maître n’était sans doute pas en mesure de l’entendre. Les yeux verts d’Aelita se rouvrirent brusquement, et s’ils avaient pu dévirtualiser, William aurait été renvoyé dans les scanners. Peut-être devrait-il craindre un peu plus les conséquences quand il ouvrait la bouche…
-Silence.
Il ne se laissa pas démonter par l’ordre et répondit calmement :
-Je ne fais que demander. Tu sais ce qu’il se passe ?
Elle haussa les épaules, gardant bravement une contenance face à ses insinuations.
-Les gamins ne se montrent pas depuis leur plongée sur le Cinquième Territoire. J’imagine que XANA attend de voir ce qu’ils vont faire avant de bouger.
William secoua la tête, un petit sourire cynique aux lèvres.
-Je ne parle pas de ça. Je parle de XANA lui-même.
Elle le regarda comme s’il venait de prononcer le pire des blasphèmes. Ce qui devait sans doute coller avec la réalité des choses. Mais tant pis, parfois il fallait blasphémer. Son sourire à lui se fana, et il reprit plus sérieusement :
-XANA, qu’est-ce qui lui arrive ?
Aelita serra les poings, le regard furieux. Elle était encore dans le déni des faits.
-Je ne vois pas de quoi tu parles. Tout va bien.
William perdit patience et se fondit dans sa Supersmoke pour foncer jusqu’à elle. Une fois à sa hauteur, il l’empoigna par les épaules. Il en avait assez qu’elle se voile la face sur la situation.
-Aelita, arrête de dire ça, tu vois bien que tout ne va pas bien. XANA ne répond plus, on se prend des phénomènes virtuels bizarres dans la gueule, et on se fait battre par les gamins. Tu vois bien que tout cloche !
-Eh bien va-y, déserte, va-t-en puisque tout va si mal ! cracha-t-elle en retour, tout en se libérant de sa prise.
Le lieutenant de XANA soupira d’un air atterré. Elle n’avait pas compris. Ou alors, elle ne voulait pas comprendre.
-Aelita…tu sais très bien que je ne peux pas. Où veux-tu que j’aille ? Je dois te rappeler l’état de ma vie sur terre ? Tu penses vraiment que je peux la retrouver ?
Elle le fixa d’un air froid, visiblement peu émue. Il poursuivit tout de même.
-XANA, c’est la seule chose qu’il me reste. Alors je m’inquiète quand je vois qu’il est des choses qu’il ne peut pas expliquer, et qu’il est aux abonnés absents.
-Il peut tout expliquer ! rétorqua-t-elle, avec la résolution désespérée des fanatiques.
-Que t’a-t-il dit lorsqu’on a été attaqués par les formes étranges, dans le blizzard ? se contenta-t-il de lâcher d’une voix atone.
Elle fut parcourue d’un frisson, comme si elle se retenait de pleurer. C’était impossible sur Lyoko, mais c’était la seule façon dont William pouvait illustrer son attitude. Il avait tapé juste. Il savait pertinemment que XANA n’avait pas fourni de réponses à ces questions-là.
-Il m’a demandé de lui raconter…il a dit qu’il considèrerait les données…
William n’eut même pas à enfoncer le clou. Elle cracha le morceau d’elle-même :
-Il n’a toujours pas donné de réponse. Je ne sais pas s’il continue d’y réfléchir ou s’il n’en sait rien.
Sa colère s’était envolée, à présent, et dévoilait le désespoir qu’elle avait caché derrière. Elle avait réussi à imaginer le fait que XANA ne sache pas. C’était un gros progrès, du point de vue de William.
Elle n’ajouta rien, se rassit sur une pierre. Son coéquipier pouvait comprendre son désarroi. C’était bien tout son univers qui s’écroulait autour d’elle…si on ne pouvait plus avoir foi en XANA, vers quoi se tourner ? L’avenir devenait incertain. Les gamins pouvaient bien arriver à les vaincre, eux et leur maître. Ce constat lui jetait un poids dans l’estomac. Si XANA était défait et qu’ils lui survivaient, que deviendraient-ils ?
Emeline remonta sa manche malgré la morsure de l’air froid. La lumière imparfaite des lampes lui permit de distinguer une tache rougie au niveau de son coude. Le sang perlait sans couler.
-Fait chier, marmonna-t-elle.
Sylith s’approcha et jeta un œil :
-C’était tout à l’heure, quand tu as glissé ?
-Ouaip…
Elle remit sa manche correctement et continua à arpenter la pièce, balayant les moindres recoins avec le faisceau lumineux de sa torche. Sa camarade faisait de même, à la recherche d’un support de données exploitable. Elles en étaient à la deuxième salle explorée.
-Dis, lança Sylith. Tu te serais attendue à finir là, quand on a découvert Lyoko ?
Le sujet était un peu anodin et arrivait de façon impromptue sur le tapis, mais restait pertinent. Après tout, cette interrogation avait déjà trotté dans leur tête plus d’une fois.
-Je ne sais pas, avoua Emeline. J’aurais pas imaginé, non, mais…ouais, nan, je m’y attendais clairement pas. Quand je pense que j’ai dit à ma mère que je partais en vacances avec des amis. Je doute qu’elle me visualise en train de fouiller une vieille base d’un projet scientifique à la recherche de bouts d’ordinateur…
La brune rit un peu, et l’écho de ce rire se perdit très vite dans les ténèbres. Absorbé, avalé. Les ténèbres n’autorisaient pas la joie à subsister longtemps, et l’éclat d’un rire ne dissipait pas l’ombre.
-Nan c’est sûr. On met sans doute les pieds dans quelque chose qui nous dépasse, reprit-elle d’une voix plus grave. Mais je fais confiance à Senja. Il a l’air de savoir ce qu’il fait, il nous fera traverser ça sans encombre.
Il y avait un petit côté solennel dans ce discours. Comme s’ils étaient regroupés au cœur des ténèbres, autour de la lumière bienveillante de l’être masqué, et marchaient vers une hypothétique issue. Emeline observa sa camarade quelques instants, réfléchissant à ce qu’elle venait de dire. Puis elle songea que si elle n’avait pas pensé pareil, elle ne se serait pas retrouvée ici, au milieu de ce matériel informatique dézingué, avec pour seul allié contre le noir une lampe de poche. Elle admit donc :
-T’as raison. Carrément raison.
-Je sais. Viens, on va jeter un œil dans la salle des communications. Y a peut-être des archives intéressantes !
La peur du début s’était muée en enthousiasme. Ils avaient cessé de craindre l’obscurité, ils y évoluaient maintenant comme chez eux. D’un pas bondissant, vivace, Sylith fila dans le couloir, vers la salle qu’ils avaient survolée en début de boyau. Emeline se faufila à sa suite, moins vivace et plus discrète, tentant encore d’étouffer le bruit de ses pas sur le sol. Certains prenaient plus de temps que d’autres pour s’adapter.
La blonde fourra les diverses pièces récupérées dans son sac, en veillant à ce qu’elles ne puissent pas trop être bringuebalées. La coupure sur sa main avait cessé de saigner, mais avait laissé une tâche de sang en souvenir sur son T-shirt. Ils auraient l’air marrant en rentrant, tiens…inconvénient des transports en commun.
-On va rejoindre les autres ? demanda-t-elle à son camarade qui lui tournait le dos.
-Ouais va-y, je vais chercher encore un peu là. Je vous rejoindrai, assura-t-il sans bouger.
-Okay !
Et Dorka le laissa seul avec les ruines du Supercalculateur. Ou plutôt, elle lui coula un regard méfiant en l’abandonnant face la carcasse de l’ordinateur. Comptait-il subtiliser une pièce qui leur aurait échappé ? Elle espérait que non. Mais montrer trop de suspicion pouvait risquer de lui mettre leur grand leader à dos, et elle préférait éviter. S’opposer à lui n’était pas dans ses objectifs, juste pouvoir en apprendre un maximum sur la physique quantique et le fonctionnement de l’ordinateur. Et justement, il était sans doute le plus calé du groupe…
Elle s’esquiva donc, selon sa volonté.
Senja jeta un regard derrière lui pour s’assurer que personne ne traînait dans la pièce, ni dans le voisinage de l’entrée. Il tourna alors résolument le dos à cette dernière, et releva son masque.
Aelita crut bien qu’elle allait défaillir lorsque la voix de XANA résonna dans son crâne. Elle sentit son cœur se gonfler de joie, et le désespoir de la conversation récente s’envola. XANA ne les avait pas abandonnés. XANA était là, avec eux, et prêt à écouter. Il était là.
Son enthousiasme se fana rapidement. Le programme parfait omniscient lui demandait un bilan de ce qui s’était passé récemment. Elle fut bien obligée de lui dire que rien n’avait bougé, et passa sous silence la discussion qu’elle avait eue avec William. Ce dernier, même si elle n’en avait pas conscience, la fixait d’un air légèrement inquiet, se demandant si elle allait le dénoncer en tant qu’infidèle et si XANA allait le foudroyer sur place dès maintenant.
Il ne se sentit pas foudroyé. Avec un soulagement indubitable, il comprit qu’elle l’avait couvert, et se promit de la remercier plus tard. Peut-être quand ses doutes envers XANA l’inquiéteraient assez pour qu’elle commence à réfléchir à une option de sortie ?
Une goutte pourpre coula sur la lèvre supérieure de l’adolescent. Jurant pour lui-même, il pencha la tête en avant et se pinça l’arête du nez. Il ne comprenait pas. On pourrait mettre ça sur le compte du stress, mais il le gérait plutôt bien, d’habitude… Toujours était-il que le liquide chaud s’échappait de ses narines. Si jamais ça durait trop, il préférait ne pas imaginer les conséquences. Quelle poisse. Intérieurement, il priait pour que le fluide rougeâtre s’arrête très vite de couler. Si l’une de ses trois équipières revenait maintenant, il était mal. Très mal.
Son cerveau tournait à plein régime pour tenter de trouver une explication. En vain. S’il devait avoir ça à gérer en plus, ça n’allait pas l’aider.
Pour une raison totalement inconnue, Senja saignait du nez. Et ça ne le tranquillisait absolument pas pour son anonymat.
Il eut de la chance. Le flux finit par cesser. Il s’essuya dans sa manche noire et rabattit avec fébrilité son masque. Il avait eu chaud. Un peu trop chaud à son goût.
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"Prouve-moi que tu avais raison, Jérémie, dans tout le mal que tu as causé."
Oblitération, chapitre 13
Et je remercie quand même un(e) anonyme qui refusait qu'on associe son nom à ce pack
La lumière du matin filtrait timidement à travers les volets. Sylith suivait du regard les formes incolores dessinées dans la pénombre. Allongée à plat ventre sur son lit, elle avait replié une jambe pour que sa cage thoracique soit moins écrasée. Elle hésitait encore entre se rendormir ou attendre patiemment le réveil des autres. De ce qu’elle observait, Emeline ronquait encore profondément. Dorka était repliée en boule dans un coin de son matelas, impossible de savoir si elle était éveillée. La brune n’avait pas regardé en dessous pour déterminer ce qu’il en était de Senja. Elle n’avait pas osé.
Le silence était imperturbable. Ou presque. Dès qu’on tendait l’oreille, on entendait l’infinité de petits bruits : une personne marchant dans le couloir, le souffle tranquille des dormeurs de la pièce, le gazouillis d’un oiseau ou deux dehors. Le vent dans les feuilles, peut-être, un peu. Le froissement d’un drap quand quelqu’un remuait, ou les ressors du matelas quand il se retournait. Les battements de son propre cœur.
On était dans ce genre de phases entre rêve et réalité, où les pensées vagabondent et où l’on ne sait pas à quel point on est susceptible de retomber dans le monde onirique. La tête dans l’oreiller et enroulé dans sa couette, se rendormir était tellement facile. Sylith envisagea un instant de chercher son portable, situé dans une poche de sa veste, pour avoir une idée de l’heure, mais la notion de mouvement la découragea vite.
-Arrête, c’est pas drôle, il fait noir !
La brune sursauta, surprise. La voix qui avait brisé le silence provenait du lit d’en face. Il fallut plusieurs longues secondes au cerveau embrumé de Sylith pour comprendre que c’était Emeline qui avait parlé. Bien évidemment, elle ne s’adressait à aucun d’entre eux, et parlait sans doute en dormant. L’ES n’ajouta d’ailleurs rien d’autre et la quiétude revint.
L’éveillée continua à rêvasser, se projetant dans des représentations de la journée à venir. Ils avaient un train à deux heures pour retourner sur Paris. Peut-être qu’ils retrouveraient les autres sur le quai. Elle essaya d’imaginer leurs têtes, peut-être un petit regard envieux puisqu’ils avaient raté toute la partie fun, peut-être des visages assoiffés de réponses puisqu’ils seraient ceux qui en sauraient le moins. Eventuellement les simples expressions de joie d’adolescents ravis de se retrouver après des vacances…
Elle visualisait leurs yeux ébahis face au récit de la base de Carthage : l’ombre, les couloirs froids, l’ambiance toute particulière qui y régnait, leurs découvertes, l’exploration des alentours dans la forêt les jours suivants pour s’assurer de n’être passé à côté de rien…
Sylith gratta distraitement du doigt la croute qui s’était formée sur sa pommette. Souvenir du grillage à l’entrée…
Elle saisit un mouvement dans la chambre. Sur le lit en hauteur d’en face, Emeline s’était assise, ce qui signifiait sans doute qu’elle ne dormait plus. Ou alors elle faisait une crise de somnambulisme qui allait rendre la situation creepy. Dans le doute, Sylith s’assit à son tour (en prenant garde à garder un maximum de couverture sur elle, on ne s’y arrachait pas comme ça) et lui fit un signe de la main. Emeline lui répondit. La brune repensa à ce qu’elle avait marmonné tout à l’heure : qu’avait-elle pu rêver qui lui inspire de telles paroles ? Un souvenir d’enfance, comme pouvait l’indiquer le « Arrête, c’est pas drôle » que l’on retrouvait si facilement dans la bouche d’un enfant ? Mais la mention du noir ne faisait que renvoyer explicitement à leur vadrouille dans les tunnels…étrange.
Néanmoins, le réveil de la blonde permettrait peut-être de résoudre un questionnement existentiel. Par gestes, Sylith lui demanda si Senja dormait encore. L’autre haussa les épaules en signe d’ignorance. Puisqu’il pionçait avec son masque, c’était la galère pour déterminer s’il avait les yeux ouverts ou fermés…
Le questionnement existentiel n’était donc pas résolu le moins du monde…
-Alors, prêts à rentrer ? lança Dorka à mi-voix, brisant le silence.
Les deux filles sursautèrent, n‘ayant pas pris conscience de son réveil.
-Salut ! souffla Emeline en réponse.
-Ben je sais pas en fait…c’est différent là-bas. Ici, j’ai trouvé qu’on était vraiment soudés, et l’atmosphère du tunnel était…enfin y avait un truc spécial, que je retrouve pas dans notre vie à Paris, avoua Sylith.
-Mh, je vois l’idée…
La conversation mourut ainsi, et la brune replongea dans la douce chaleur de sa couette.
La fin d’après-midi hivernale se profilait lentement mais sûrement. Il avait fait particulièrement froid aujourd’hui. Les mains dans les poches de leurs vestes, trois adolescents jetaient de réguliers coups d’œil sur l’horloge du quai. Ils regrettaient un peu de ne pas avoir choisi d’attendre à l’intérieur, mais maintenant qu’ils étaient là, tant pis. Leurs haleines dessinaient de petits panaches de fumée dans l’air mordant, et ils rentraient le nez autant que possible dans leurs cols. Autant de signaux qui incitaient plutôt à rester au chaud.
Un vent insidieux se faufilait par le moindre petit accès sous les blousons, dans le seul et unique but de les glacer jusqu’aux os. Il soulevait également les mèches de cheveux les plus volages. Arry jeta un œil à ses deux comparses. Floyd à sa droite, le regard perdu dans le triste paysage, Alexandre à sa gauche, marmonnant dans sa barbe que le train n’avait vraiment pas intérêt à arriver en retard. D’ailleurs, le littéraire passa une main dans ses cheveux bruns et s’éclaircit la voix :
-Rappelez-vous. C’est pas Senja le chef. Ce groupe fonctionne en démocratie, et nous sommes l’Assemblée Nationale.
Floyd bailla, complètement blasé. Le leader de l’opposition fronça le nez devant un tel manque d’attention envers ses propos. Arry hocha la tête pour lui faire plaisir, mais semblait plus concentrée sur la remise en place d’une mèche déplacée par le vent. Alexandre soupira. Ce n’était pas gagné. Il s’imagina l’être masqué débarquant du train, suivi par ses trois acolytes dévoués, et se vit lui déclarer « On ne te laissera plus faire ce que tu veux du groupe ! » avec les deux autres qui opineraient vaguement sans plus de soutien. Il se sentit tout d’un coup très seul.
-C’est ce qu’on a dit ! ajouta-t-il avec insistance pour obtenir davantage de réactions.
-Oui, concéda Arry, mais on ne va pas les attendre à couteaux tirés. Senja n’est même pas encore là, alors de là à prendre une décision à laquelle on devrait s’opposer…
-…Nous devons nous ériger en bouclier des valeurs de la République contre la barbarie, affirma simplement l’autre.
Comme à chaque fois qu’il commençait à sortir des phrases sans aucun sens, Arry et Floyd se déconnectèrent définitivement de ses propos. La blonde observa l’autre scientifique, qui n’avait pas décoché un mot depuis qu’ils étaient arrivés. Il émanait de lui une sorte de silence placide, pas pesant, juste très calme. Ce n’était pas le genre de silence qui mettait mal à l’aise, donnait l’impression que la personne se repliait sur elle-même sans vouloir parler avec le monde. Non, il y avait un côté contemplatif et paisible dans ce silence. Un peu l’inverse des siens, en somme.
Elle s’interrogea sur ce qui pouvait bien trotter dans la tête de son ami. Elle lui coula un regard, il le saisit et releva :
-Mh ?
-Euh non non rien, je regardais juste dans ta direction, répondit-elle avant de s’intéresser à l’heure. Bon, pour le moment on a pas de retard annoncé, je pense qu’ils seront à l’heure…
Floyd haussa les épaules, puis suivit des yeux la ligne luisante d’un rail, pensif. Quelles informations leurs camarades ramèneraient-ils de la fameuse base de Carthage ? A compter bien sûr qu’ils l’aient trouvée…et qu’elle leur ait fourni des renseignements utiles pour battre XANA. Et s’il n’y avait rien, que feraient-ils ? S’il était un sentiment que Senja avait su leur communiquer, c’était le danger qui émanait du programme, à présent. Une des rares choses que tout le monde avait bien assimilée. Encore qu’Alexandre devait sûrement trouver le moyen d’en douter, mais Floyd était plutôt convaincu.
Il attendait. L’arrivée de l’autre moitié du groupe lèverait sans doute beaucoup d’interrogations sur la suite des évènements, et sur ce qu’ils avaient raté. D’ailleurs, il se rappela avec amusement qu’ils s’étaient dit avant de partir de se téléphoner à l’occasion. S’il y avait un problème. Finalement, aucune communication d’aucune sorte n’avait filtré. Ils n’avaient aucun moyen de savoir quelle tournure avait pris la mission…
Son amusement s’envola vite quand il se fit la réflexion que c’était peut-être symptomatique de quelque chose. Aucune des deux moitiés du groupe n’avait cherché à joindre l’autre…que conclure de ce style de comportement ? Floyd y voyait un fossé non négligeable, et s’en inquiétait.
Un courant d’air froid s’insinua dans le col de sa veste. Il rentra la tête dans les épaules pour y faire face un peu plus efficacement, et continua d’attendre. Le temps passait lentement, quand on avait froid sur un quai de gare. Mais l’annonce finit par arriver : ils étaient priés de s’éloigner de la bordure.
-On est au bon repère ? questionna Arry, en élevant la voix pour couvrir le fracas du train qui se ruait vers l’extrémité du quai.
-Je crois oui ! répondit Alexandre sur le même ton, tandis que les roues crissaient de façon stridente sur les rails, stoppant lentement mais sûrement la machine.
Ils fixèrent en silence les voitures qui défilaient, de moins en moins vite, pour progressivement se stabiliser face à eux. Ils virent la porte du wagon s’ouvrir et attendirent en silence, tendus, de voir jaillir un visage connu. Des anonymes descendirent un par un, s’arrêtant le temps de déployer la poignée de leur valise, bouchant le champ de vision des trois Lyokoguerriers.
-Là ! lança soudain Arry.
De la foule se détacha la tête blonde d’Emeline. Cette dernière dut entendre sa camarade car elle se retourna dire quelque chose (aux autres qui suivaient ?) et se dirigea vers eux. Le groupe de ceux qui étaient restés commença à sentir quelque chose de bizarre lorsque les arrivants furent assez près. Emeline avait l’air à peu près normale, certes, mais rien que le regard tranchant de Sylith fut étrange. Un côté froid beaucoup plus marqué qu’à leur départ, ou peut-être n’était-ce qu’une impression renforcée par la croûte sur sa pommette ?
Dorka se fit voir à son tour. Elle tendit la main à Arry avec un petit sourire qui dégageait une sorte d’assurance inhabituelle. En tout cas, elle n’était pas comme ça souvent. Le regard de la métalleuse tomba alors sur la main droite qui lui était présentée. Une longue marque brunâtre et fine, témoignage d’une coupure. Relativement récente. Arry marqua un arrêt.
-Il s’est passé un truc ?
-Oh, rien de grave, rit Dorka, évasive.
Silence dubitatif.
Mais celui qu’Alexandre attendait, plus que les trois électrons gravitant autour de lui, c’était le noyau du sous-groupe : Senja. Il apparut le dernier, le visage toujours dissimulé par son fichu masque. Le littéraire marcha droit vers lui d’un pas décidé. Arry et Floyd le fixèrent, appréhendant légèrement la confrontation. Qu’est-ce que leur ami allait faire ? Floyd hésita un instant à s’interposer pour que ça n’explose pas, mais Alexandre se contenta de tendre la main à l’ES et de demander, un petit sourire aux lèvres :
-Le voyage s’est bien passé ?
La brusque chute de tension soulagea ceux qui purent la ressentir. Le choc ne serait pas pour aujourd’hui. C’eut été un peu raide comme retour. Senja, un peu décontenancé par cette subite courtoisie, lui serra la main.
-Tranquille, oui…
Les salutations se finirent, puis le groupe d’adolescents reprit le chemin du hall de la gare.
-Avant qu’on reparte chacun de son côté, lança Floyd, est-ce qu’on se fixe un rendez-vous à l’usine pour mettre en commun vos infos et le récit de votre escapade ?
Senja tourna la tête, semblant considérer la possibilité :
-Oui, pourquoi pas…jeudi ? Faut qu’on fasse ça avant la semaine prochaine parce qu’Arry part en Suède.
Cette dernière hocha la tête, confirmant l’information. Les autres validèrent la proposition de rendez-vous. Ils s’arrêtèrent au milieu du hall de la gare, et le groupe explosa, chacun repartant vers sa ligne de métro, la voiture de sa mère ou encore le dehors, skate à la main. Dorka resta plantée seule en moins de temps qu’il n’en fallut pour le dire. Elle sortit alors son portable.
-Salut maman, tu peux me faire expédier mon lecteur de disquettes au lycée ? J’en ai besoin pour un exposé, mentit-elle. Rapidement si possible !
La négociation fut assez rapide. La blonde croisa les doigts pour que l’objet arrive assez vite, afin qu’elle puisse commencer à décoder les données avant la réunion. Puis elle se dirigea à son tour vers le métro afin de regagner l’internat où elle passait les vacances.
Il marchait dans la rue, sa besace sur l’épaule. Les rues de Paris, identiques à son souvenir. Le vent soufflait, le ciel était un peu gris…et puis non, il faisait quand même beau. Le son de ses bottines sur le bitume du trottoir, les couleurs des tuiles des toits soulignées par les quelques rayons de soleil, tout ça ne faisait que rappeler à quel point la réalité était inimitable.
Il shoota dans un caillou, produisant un « poc » caractéristique, le regarda rebondir devant lui, rouler un peu, puis s’arrêter enfin quelques mètres plus loin. Les petits loisirs simples qui vous tiraient un vague sourire et une satisfaction ponctuelle.
Au loin, les grilles de Kadic se profilaient. Quelques rais de lumière faisaient luire le métal. Les élèves rentraient dans la cour en petits groupes, bavardant gaiement. Il vit des têtes connues (Emmanuel Maillard avec son catogan, Christophe et son éternel casque sur les oreilles…), d’autres qui l’étaient moins, et se rappela avec un petit sourire nostalgique qu’il était en terminale maintenant, et qu’il ne connaissait pas nombre d’élèves des classes inférieures. Il songea à ceux qui étaient à sa place l’an dernier, et qui maintenant usaient les bancs des facs et des grandes écoles. Avaient-ils eu ce sentiment, eux aussi ? De se rendre compte brusquement que le lycée était derrière nous, que ceux qu’on connaissait étaient partis, et qu’on était propulsé trop vite vers cette fronde de l’existence ? Il supposait que oui. Ou alors il pensait trop.
Il se fondit dans le flot d’élèves, noyé dans le bruit de leurs conversations, qui parlant de sa soirée, qui du prochain contrôle. Il regarda la végétation du parc, d’une jolie couleur émeraude qui tranchait entre le ciel et la poussière du sentier. Il se sentit bien en la contemplant. En paix. Ça lui manquait parfois.
Une fois dans le groupe de sa classe, devant la porte de la salle, il sentit l’onde d’euphorie lorsque Matthias vint leur annoncer que Monsieur Fumet était absent pour la journée. Il vit les sourires se peindre sur les visages heureux des élèves de terminale ES, qui trouvaient de nouvelles perspectives pour occuper leur début de matinée.
-William ?
Le lieutenant de XANA sursauta. Perdu dans ses pensées, il n’avait pas vu Aelita s’approcher. Il lui fallut quelques instants pour remettre ses idées en ordre et se déconnecter de l’image de la réalité qu’il avait façonnée grâce à son imagination.
-Oui ?
-Tu as l’air bizarre…
Il eut un petit sourire amer. Bizarre, pas vraiment. Il n’avait fait que repenser à ce qu’il avait perdu et ne reverrait plus jamais, une vie normale. Une vie tout court.
-Nan, t’en fais pas. Je…
Il chercha le mot juste pour définir son état d’esprit.
-Je rêvais, finit-il par formuler.
Mercredi 24 février. Ils étaient rentrés la veille, et Emeline s’était alors rappelée que sa mère avait accepté de lui faire expérimenter l’escalade pendant les vacances. D’où l’après-midi qu’elle allait passer à la structure la plus proche, en compagnie d’autres néophytes désireux de tester. Après tout, ses problèmes respiratoires s’étaient grandement arrangés. Bien sûr, il y avait le problème XANA. Rien ne disait qu’elle pourrait suivre régulièrement des entraînements d’escalade, mais cet essai était un point de départ. Et puis ça lui permettrait de se vider un peu la tête avant la réunion de demain. Pour le moment, pas besoin de se préoccuper de la base souterraine, ni même des données que Dorka devait décoder.
Juste savoir quelle serait la prochaine prise à saisir. Juste ça.
Emeline jeta un œil à son nœud de huit, puis à son binôme. Tout semblait en ordre. Avec une certaine appréhension (aurait-elle le vertige ? jusqu’où monterait-elle ?), elle saisit une première prise. Cette dernière s’imprima parfaitement dans sa main. Elle en attrapa une seconde, à portée, puis prit appui du pied gauche pour s’élancer contre le mur. Une fois son dernier appui calé, elle leva la tête, suivant du regard la haute paroi grise. Il y avait du chemin. Un chemin parsemé de petits cailloux multicolores.
Elle tendit la main, saisit la prise suivante, et se tira vers le haut encore une fois. Ce n’était pas si difficile finalement. Emeline s’efforça de décrisper ses muscles. La tension rassurante de la corde sur son baudrier aidait. Tout en continuant à grimper, elle vit passer la limite entre le premier et le second panneau. A mi-voix, elle se surprit à chantonner.
Le mur d’escalade était un peu comme un puzzle. Une énigme dont il fallait trouver la clé. La bonne combinaison de prises menait à la suite. Et ce jusqu’aux deux mousquetons géants qui retenaient la corde, là-haut. Ils étaient loin.
Elle considéra la prise suivante. Elle devait vraiment monter son pied là ? C’était haut, non ? Elle craignit de glisser, de ne pas réussir à se hisser une fois son pied placé. Elle tenta quand même, les doigts crispés à s’en blanchir les phalanges sur les deux minces prises. Avec une certaine surprise, elle constata que c’était faisable, et se dépêcha d’attraper une meilleure prise pour ses mains, plus haut.
Emeline constata avec surprise qu’elle y était presque. Elle avait à peine vu le panneau défiler. Mue par la motivation de finir, elle se hissa encore un peu plus. C’est avec une fierté non dissimulée qu’elle toucha de deux doigts la pièce de bois qui retenait la corde. Ça y était. Elle était un peu au sommet du monde. Si le monde se réduisait à une salle d’escalade. Elle regarda en bas pour la première fois, réalisant finalement la hauteur, et croisa le regard de son assureuse.
-Voie terminée ! Sec ! lança-t-elle, reprenant le vocabulaire technique qu’elle venait d’apprendre.
Venait ensuite le passage psychologiquement plus dur. S’asseoir dans son baudrier, mettre les pieds à plat sur le mur et redescendre tranquillement. Elle préféra éviter de regarder en bas. C’était le moment où il fallait avoir confiance en la personne qui vous tenait. Elle lâcha les mains avant de ne plus avoir le cran de le faire, et constata que tout se passait bien.
Une fois de nouveau sur le plancher des vaches, elle nota que ses mains tremblaient un peu. Mais elle se surprenait en ce moment. Peut-être que le passage par la base de Carthage lui avait fait prendre un peu plus d’assurance. Ou peut-être simplement la lutte contre XANA, Lyoko. Elle ne savait pas trop. En tout cas c’était positif.
Il avait déplacé son ordinateur portable au salon, pour changer un peu de cadre. C’était plus reposant. Sa mère était assise en face de lui, à l’autre bout de la table, et tournait les pages de son livre de la main gauche, la droite portant de temps en temps un verre de vin rouge à ses lèvres. On était en début de soirée, et tout était calme. Alexandre disputait une partie d’échecs sur sa machine, à la tête d’une armée d’une poignée de pièces blanches face aux noirs. De temps en temps, il regardait le ciel qui s’assombrissait dehors, puis jouait un nouveau coup en pensant à la réunion de demain. Lorsqu’il reporta une nouvelle fois ses yeux sur l’échiquier, il ne put que constater que l’ordinateur était en train de le mettre en difficulté, sans qu’il l’ait vu venir. Il se concentra plus sérieusement. C’était désormais une question épineuse. Cependant, même en redoublant de vigilance, il était déjà trop tard : le programme l’avait eu.
Avec un agacement certain, il ferma la partie. Il hésita sur la conduite à tenir. Allait-il repartir discrètement dans sa chambre ou rester là et discuter un peu avec sa mère ? Ou alors allait-il faire autre chose sur l’ordinateur ? Il n’eut pas le temps de trop songer cependant.
-Alors, comment vont les cours en ce moment ?
La voix de sa génitrice qui le questionnait sur ses résultats. Evidemment, c’eut été trop beau.
-Calmes. Le changement d’équipe enseignante n’a rien perturbé.
-Je vois.
Elle tendit la main pour reprendre une gorgée de rouge, mais un faux mouvement lui fit renverser le verre. Immédiatement, l’élégante nappe blanche de la table pâtit d’une large tâche écarlate. Stoïque, elle se leva chercher quelque chose pour éponger dans la cuisine, doutant cependant que ça ne change le devenir du tissu anciennement immaculé.
Alexandre jugea le moment approprié pour se retirer dans ses quartiers. L’ordinateur sous le bras, il tendit la main vers la poignée de la porte du salon, et la retira vivement sous l’effet d’une petite décharge d’électricité statique. Un peu agacé par cette expérience désagréable, il se glissa hors de la pièce.
Ailleurs, une autre chambre était plongée dans une pénombre à peine combattue par un écran d’ordinateur. Un boitier rectangulaire relié au PC par un câble USB noir trônait sur un coin du bureau. Dorka patientait religieusement. Les données se chargeaient. Sans doute la disquette était-elle un peu vieille et potentiellement abîmée. Mais la Lyokoguerrière savait attendre. Le contenu était trop important pour que l’impatience lui en gâche la découverte.
Elle était seule. Arry était rentrée chez elle pour les vacances, et la pièce n’en était que plus calme. Dorka pouvait se focaliser pleinement sur la disquette.
Progressivement, un dossier. Un unique dossier qui avait un titre extrêmement prometteur.
« Projet Hélion »
Le visage de Dorka se tordit en une grimace satisfaite, et ses yeux luirent quand elle double cliqua.
_________________
"Prouve-moi que tu avais raison, Jérémie, dans tout le mal que tu as causé."
Oblitération, chapitre 13
Et je remercie quand même un(e) anonyme qui refusait qu'on associe son nom à ce pack
Aaaah deux chapitres, bien
L'exploration touche à sa fin. Je me demande quels genres d'horreur à bien pu "déchirer la roche". Une créature génétiquement modifiée qui aurait été xanatifié ? Je retiendrai cette hypothèse, ce qui rend l'ensemble plus inquiétant.
Inquiétant, l'état de santé de Senja semble l'être, une expérience qui aurait mal tourné et qui le forcerait à porter ce fameux masque ? En tout cas, ça n'augure de rien de bon de le voir saigner sans raison apparente.
Comme prévu, la disquette révèle des choses importantes et non pas des photos de vacances x) Projet Hélion, pas la moindre idée de ce que ça pourrait bien être pour le coup, une rapide recherche est, je vois que ce mot est utilisé en physique, ce qui renforce mon idée de manipulation génétique.
William qui commence à songer à quitter le navire et Aelita qui se "défanatise" c'était à prévoir, mais je ne les vois malgré tout pas rejoindre le camp des "gentils", pas après ce qu'ils ont fait. Devenir des outsiders éventuellement ? À voir.
Ton chapitre Oneiros confirme l'éclatement du groupe en deux sous-groupes, si Alexandre a préférés jouer la carte de l'hypocrisie devant là ... Couardise, il n'y a pas d'autre mot, des autres, la dispute ( affrontement ) semble se profiler à l'horizon.
Xana pourrait éventuellement se servir d'une telle situation même si son cas devient franchement navrant ^^
Alexandre est ses phrases pompeuses sont toujours aussi marrante.
Deux bons chapitres, hâte de lire la suite ! _________________
C'est l'ère des miracles. Et rien n'est plus terrifiant ... Qu'un miracle.
Inscrit le: 16 Mar 2013 Messages: 1110 Localisation: Au beau milieu d'une tempête.
Pour répondre clairement à ta perplexité quant à mon avis sur Ground Blizzard, elle s'explique par le fait que je trouve globalement cette fanfiction décevante – en regard de tes précédentes, entre autres.
La réponse plus développée permettra de se pencher sur le pourquoi de la réponse claire.
Pour commencer, je reste sur ce que j'ai dit la dernière fois : l'histoire est beaucoup plus intéressante dans les derniers chapitres, que ce soient Xana, l'interlocuteur de Senja, où l'exploitation de Carthage faisant des échos à Abysses d'une manière pas désagréable. En somme, le récit a bien plus d'intérêt qu'à ses débuts, scénaristiquement parlant.
Ce constat assez positif est mis en doute par ce que je considère comme la faille de cette fanfiction : la gestion des personnages. À mes yeux, et globalement toujours, elle restera maladroite, peu importe que la finalité du scénario soit géniale.
Tu dois t'en douter, c'est bien de Senja et du reste du groupe des principaux dont je veux parler. La gestion des deux étant largement liée, dur de déterminer par qui commencer. Néanmoins, je pense que ceci peut constituer un départ satisfaisant :
Ikorih a écrit:
Tu as assez bien énuméré les raisons qui font que les personnages ne cherchent pas à en savoir plus sur Senja, ce dernier a grosso modo pris le contrôle du groupe et exerce son autorité comme il l’entend.
La partie sur Senja de la citation montre bien que son parcours et sa place au sein du groupe constitue un raccourci. Un raccourci facile. Le soucis n'est pas qu'il « prenne le contrôle », c'est qu'il n'ait aucune difficulté à le prendre, alors qu'il ne fait preuve d'aucune subtilité. On en revient au problème que j'avais soulevé plus de dix chapitres plus tôt : aucun autre personnage ne se dresse face à cette prise de pouvoir, personne ne soulève plus qu'en surface la bizarrerie du comportement de Senja. Bien sûr, je ne parle pas du temps où la citation ci-dessus est extraite, je ne vais pas me contredire moi-même. Mais il y a une quinzaine chapitres, l'option restait largement possible, en particulier avec un Alexandre qui avait encore du poids au sein du groupe, et présenté comme pas con dans sa fiche d'identité de base.
La petite scène de rassemblement et de discussion du chapitre 24 sur le cas Senja est bien gentille, mais elle arrive beaucoup trop tard selon moi. Elle me donne seulement l'impression que tu ne sais plus quoi faire avec les 3 personnages restants et qu'il faut bien leur donner en densité pendant que les autres font des choses plus joyeuses.
(Petite parenthèse : pourquoi l'idée de fouiller le superordinateur est-elle abandonnée si vite par les 3 dissidents ? Alexandre est théoriquement censé savoir manipuler l'ordinateur un minimum, si on en croit Cold Case. Ne saurait-il pas trafiquer les bandes de surveillance – Imprévu like – ou simplement les effacer – et osef du risque de se faire choper puisque Senja n'aurait aucune raison de regarder les bandes de vidéo-surveillance au vu de la confiance qu'il dégage dans ses entrevues mystérieuses ?)
Pour en revenir à Senja, il ne fournit concrètement aucun effort pour magouiller en paix. Pourtant, ça aurait été vraiment intéressant de voir quelles étaient ses combines pour esquiver les questions dérangeantes quant à ses explications douteuses, ou juste pour disparaître à ses mystérieux rendez-vous, ou plus simplement par rapport à son masque.
Prends le petit paragraphe de fin du chapitre 25. Je l'ai trouvé honnêtement génial. Juste ce simple besoin de retirer le masque pour une quelconque raison (physiologique), c'est le genre de choses que j'aurais personnellement aimé voir bien plus tôt dans le texte – toujours la quinzaine plus tôt. Du coup, à l'instar de la scène sus-mentionnée du chapitre 24, je trouve que cette séquence-ci arrive également un peu tard, ou qu'elle aurait mérité d'avoir des cousines disséminées dans l'histoire.
Ce qui est décevant avec Senja, c'est de constater que « ça va tout seul » avec lui concernant ses magouilles et sa position dans le groupe. C'est également pour cette raison que je n'ai hésité à le renommer Gary dans un autre commentaire. À mon sens, il y a un fossé entre un personnage dont les actions sont brillantes et le Stu.
À titre d'exemple et de parallèle, dans Imprévu, Xana parvenait également à travailler et magouiller au nez et à la barbe des autres personnages. La différence avec elle tenait du fait que ses actions et astuces étaient dépeintes et expliquées, ce qui en plus de la parer d'une aura d'ingéniosité, donnait du crédit à son personnage.
Ce n'est hélas pas vraiment le cas avec Senja, et la finalité est de donner une idée de facilité quant à son parcours global dans l'histoire à partir de la case masquée. Montrer les embûches et embêtements sur son chemin liés à ses objectifs aurait apporté ce qu'il lui manque cruellement selon moi – et que tu étais parvenu à donner à Xana pour Imprévu.
Si on oublie Senja, il faut aussi se pencher sur le reste de la bande. Force est d'admettre qu'on oublie assez facilement l'existence de certains selon les moments. Ceux qui s'extirpent d'office de cette remarque se trouvent être Senja et Alexandre. Le cas d'Émeline présente plutôt l'inverse. Inexistante au début, elle se fait moins oublier à présent. Du coup, on l'exclue également. Dorka peut également être raisonnablement exclue. Son personnage est plus présent par hasard de l'histoire que par volonté d'un développement sur lui.
Restent Sylith, Floyd et Arry. Les deux derniers peuvent être traités en lot. En gros, on peut les qualifier d'inutiles, à un tel point qu'on en oublie leur existence (cf remarque d'Icer sur Floyd, que je reprend à mon compte sur Arry ). Enfin, leur statut relativement jeune dans l'ensemble excuse encore une fois l'oubli. Par contre, c'est plus problématique pour Sylith, puisqu'elle appartient au quatuor d'origine. Depuis le coup du scanner soigneur de genou, elle est carrément effacée, là sans que le lecteur la lise.
C'est plutôt gênant de constater qu'un des personnages, principaux à la base, se fasse oublier si simplement. Bien sûr, il faut poser et admettre qu'avec autant de personnages, le cas de tout le monde ne peut être abordé. On touche là à un des soucis d'une fanfiction lorsque les personnages principaux choisis sont des OC en nombre : le ressenti de leur présence. Lorsque les personnages principaux abordés sont ceux de la série, on peut se permettre de glisser sur le cas de certains, puisque le lecteur gardera fatalement en tête leur existence grâce au visionnage de la série. Mais lorsqu'il s'agit de personnages propres à l'auteur, ça devient plus compliqué. La contraste entre les [ressentis de] présences de Senja ou Alexandre par rapport à Sylith illustre plutôt bien la chose : elle s'oublie bien plus facilement.
J'ai un peu digressé sur cette dernière partie, et j'ignore si c'est vraiment compréhensible, mais grosso modo, je trouve qu'il y a un manque d'équilibre dans la gestion de certains des personnages, ce qui contribue à leur oubli. Sans certains ajouts de séquences de leur point de vue, ils seraient aspirés par le néant dans notre mémoire (cf. Émeline).
Pour finir en synthèse, mon problème avec Ground Blizzard se trouve dans les personnages et leur gestion, que je considère maladroite pour des points de l'histoire à priori clés. À mes yeux, le fait que l'histoire prenne plus d'ampleur et d'intérêt qu'au début ne compense pas ce point. Il y a ce manque d'équilibre entre [gestion des] personnages et scénario, que l'on pouvait retrouver dans tes précédentes fanfictions. Les deux éléments sont étroitement liés, la réussite de l'un ne permet pas de rattraper la maladresse de l'autre. C'est par leurs succès personnels que la combinaison scénario/personnages donne quelque chose d'unique et de réussi.
Bien brièvement, comme d'habitude. _________________
« Jérémie avait fait un superbe travail. Ce dernier voyage sur Lyokô promettait d'être inoubliable. » Un jour, peut-être.
Yo. Je crois que j'ai un chapitre et une réponse aux coms' pour vous o/
Kronen : En ce qui concerne la créature déchiqueteuse de roche, je crains que l'explication ne soit pas pour tout de suite...mais si ça aide à donner une ambiance inquiétante, pourquoi pas?
Les saignements de nez sont des afflictions bien comodes puisqu'elles peuvent surgir avec très peu de prétextes. Coup de stress, ou même simplement le fait d'avoir la paroi du nez fragile, il ne faut pas toujours grand chose. En l'occurrence, ce passage est aussi là pour faire écho aux trois autres personnages qui versent tous du sang à un moment de l'exploration du souterrain (Sylith se griffe la pommette sur le grillage, Dorka s'ouvre la main sur le composant informatique, et Emeline se casse la gueule avec vilaine râpure à l'appui). Je trouvais ça super classe sur le plan symbolique. (a)
Le projet Hélion est, en essayant d'éviter de spoiler, un élément qui existe dans une autre de mes fics, comme le souligne Ze Fear. Je n'en dirai pas beaucoup plus mais de toute façon, ce chapitre apportera un minimum d'éclairage dessus
Effectivement, d'un côté comme de l'autre, la cohésion part en cacahouète. Les réponses à ce sujet sont prévues pour les chapitres 28 et 30 principalement, je crois.
XANA? Qui ça? *PAN*
Maintenant, le gros commentaire de Zéphyr.
Je pense qu'une réponse point par point serait un peu longue et pas forcément constructive, y aurait sans doute beaucoup de redites parce que concrètement, tu mets le doigt sur un truc assez juste et je n'ai pas vraiment d'excuse à sortir pour me dédouaner.
En effet, la gestion des personnages a été un point galère. J'ai essayé de rééquilibrer le développement de ceux qu'on oubliait vers le début de la fic, mais comme tu l'as dit, ça a conduit à l'oubli des autres.
De là à dire que je ne savais pas quoi faire avec les trois restants...hum, oui et non. Quand j'ai effectué la refonte scénaristique de la fin de la fic, je me suis dit qu'il fallait bousculer un peu la sociologie du groupe. D'où l'utilisation de ces trois-là, qui me semblaient les plus adaptés pour tenter de se rebeller contre Senja. Alors tu as un peu raison pour le côté "bon bah faut bien que vous fassiez quelque chose" mais je pense que c'était assez dans la continuité des personnages.
Ta remarque sur l'ordinateur est pertinente. Je ne me souviens plus précisément du moment où j'ai écrit ça, mais je crois bien que l'idée est venue sur le fil de la scène. A partir de là, elle ne s'inscrivait pas dans la continuité de ce qui était prévu et je l'ai donc fait avorter d'une manière qui peut paraître un peu artificielle quand j'y repense. Je doute que les motifs "trouille" et "c'est notre pote il ferait pas de coup de pute" (tout à fait contradictoires par ailleurs oO) soient tout à fait suffisants x)
Concrètement, ouais, la refonte a dû arriver un poil tard. La fic aurait facilement pu être écourtée de nombreux chapitres somme toute assez creux, mais je m'en suis pas rendue compte assez vite. Mea culpa? x)
La différence que tu soulignes entre Senja et Xana est juste, mais je ne pouvais malheureusement pas vraiment plonger dans le crâne de Senja, pour des raisons scénaristiques et stylistique, je trouve que ça donne une aura opaque au personnage puisque c'est le seul où on a aucune introspection jusque très tard, au moment où il perd les pédales face au drone de XANA justement. Et comme de coutume, c'est peut-être un peu tard, mais il a fini par perdre pied un minimum...
Je réitère enfin ce que je t'ai dit sur Skype, j'ai trouvé ton commentaire très pertinent. Il me confirme au moins que le redressement de scénario a été effectif, et j'ai pu constater qu'un aspect auquel je faisais moins attention s'est fait la malle entre temps x) (ou peut-être était-il barré depuis le début). Je pense qu'il est un peu tard (toujours...) pour mettre en œuvre tes conseils sur cette fic, la fin de Ground Blizzard étant déjà écrite, mais je m'efforcerai de ne pas retomber dans des écueils similaires la prochaine fois...bref, tu gères.
Ceci étant acté, place au chapitre 27.
Il s'articule en dyptique avec le 26 en fait, Oneiros étant à la racine du terme "onirique" tandis que le 27, "Fantômes Nocturnes" renvoie clairement au cauchemar. Au programme, un peu plus de neuf sur le projet Hélion, Senja et Dorka, et une bonne grosse scène de groupe comme on en a plus eue depuis un moment...
Spoiler
La porte se referma en douceur dans le dos de Senja.
-Fais-moi voir.
Dorka s’écarta du clavier pour le laisser observer le dossier. Elle l’avait déjà épluché intégralement avant d’appeler leur chef, ce qui pouvait expliquer l’heure tardive. L’ordre de circulation de l’information était déjà préétabli dans sa tête. D’abord elle en prenait connaissance intégralement, puis jugeait si elle y laissait accès à Senja. Et ce dernier pouvait ensuite décider de laisser le reste du groupe l’avoir ou pas.
L’individu masqué observa en silence les images présentes dans le dossier. Des dessins. On y voyait diverses variations d’une créature quadrupède, dotée de crocs et de griffes. Parfois elle obtenait de grandes ailes noires, parfois des yeux supplémentaires, parfois des branchies…ses concepteurs avaient manifestement hésité entre plusieurs formes. Senja ferma les dessins et s’intéressa au seul document texte : une sorte de cahier des charges. Dorka l’avait bien sûr déjà lu. Apparemment, il concernait la créature dessinée, que Carthage envisageait de créer. Le côté machine de guerre du monstre laissait peu de doutes sur l’utilisation qu’ils en feraient. Elle attendit patiemment qu’il finisse de parcourir les lignes, puis lança :
-Alors, on fait quoi de ça ?
Il prit le temps de peser sa réponse.
-C’est un vieux projet de Carthage. Puisque le projet a été démoli par XANA, je doute qu’ils aient pu le mener à terme.
Dorka eut un petit déclic, et rouvrit un des fichiers conceptuels de la créature.
-Regarde la taille des griffes. Tu te souviens des marques sur les murs de la planque de Carthage ? Ce truc aurait parfaitement pu faire ça. Imagine qu’il soit toujours en vadrouille quelque part ?
-Sauf que ça fait des années, si il était en liberté on en aurait entendu parler, objecta Senja. Et il n’est pas lié à notre problème de XANA et de puissance-machine. Donc, pour répondre à ta question, on en fait rien. On le laisse de côté. Et bien sûr, on en parle pas aux autres.
Elle hocha la tête. C’était logique.
-Oui, je vois ce que tu veux dire. Si on met les autres au courant, ils vont se préoccuper l’esprit avec ça pour rien. Et ce n’est pas ton objectif, n’est-ce pas ?
Senja la regarda quelques secondes, lourd moment de flottement avant de rectifier :
-Ce n’est pas notre objectif.
Dorka ne releva pas la modification. Elle le trouvait un peu hypocrite. Mais elle ne voulait pas qu’il s’en rende compte. Alors elle revint au sujet :
-D’accord. Donc on ne dit rien. Mais s’ils nous interrogent sur cette disquette ? Qu’est-ce qu’on leur raconte ?
-Facile. Données corrompues. On parle quand même d’un support resté plusieurs décennies dans un casier au fond d’une forêt. C’est tout à fait crédible qu’il ne fonctionne plus…
Dorka aurait juré qu’un sourire perfide s’étirait derrière le masque de son interlocuteur. Mais ce n’était pas son problème.
-Parfait, ça me va.
-Je peux compter sur ta discrétion ?
Elle hocha la tête d’un air professionnel.
-Evidemment, Senja. T’ai-je déjà fait défaut dans cette histoire ?
-Non, admit-il. Mais je suis prudent.
Sur cette dernière phrase, il fit volte-face et se glissa hors de la chambre, filant rejoindre la sienne avant de se faire attraper par Alex. Dorka considéra le lecteur de disquettes. Il n’avait pas exprimé le souhait de récupérer le support. Lui faisait-il confiance pour la garder ? Ou alors avait-il compris comment elle fonctionnait... La disquette représentait un bonus de savoir sur le reste du groupe et, plus largement, du monde. Elle ne la cèderait pas à la légère, elle ou son contenu. D’ailleurs, elle ouvrit le support et récupéra le composant informatique. Tirant une boîte, elle l’y glissa et repoussa le tout sous son bureau, dans un coin bien obscur.
-Moi aussi, je suis prudente, chuchota-t-elle en écho.
Elle éteignit ensuite son ordinateur et alla se coucher. Demain (ou peut-être tout à l’heure ?) la réunion à l’usine. Il faudrait être convaincante.
La nuit était profonde, le ciel piqueté de quelques étoiles. Devant elle, le pont était avalé par l’obscurité. Elle entendait le bruissement des eaux du fleuve, elles aussi plongées dans l’ombre. Dorka leva sa torche un peu plus haut au-dessus de sa tête, pour éclairer le chemin plus loin. La flamme diffusait un éclat rougeâtre. La Lyokoguerrière s’engagea sur le pont, ses pas résonnant lourdement dessus. Un son oppressant qui l’accompagna jusqu’à l’autre côté. L’usine, elle aussi, était sombre. Avec le flambeau dans la main, hors de question de descendre avec les cordes, déjà qu’elles n’inspiraient pas confiance... Elle fit quelques pas, à la recherche de l’escalier, quand elle entendit un bruit. La blonde se retourna vivement, tentant de discerner ce qui se tapissait dans l’ombre. Ce qui œuvre dans le noir est toujours dangereux.
Elle discerna un sourire triste sur des traits figés. Un masque. Elle se détendit.
-Ah, c’est toi. Je t’avais pas vu, dans le noir.
Il inclina la tête sur le côté, intrigué, et répondit simplement :
-Mais il ne fait pas noir.
Dorka haussa les épaules et descendit prudemment l’escalier sur le côté. Elle devait arriver au Supercalculateur, tant pis pour l’être masqué. Et tant pis pour ce qu’il disait, on y voyait vraiment rien. Heureusement qu’elle avait sa torche. Une fois la volée de marches descendues, elle se dirigea vers le monte-charge qui se dessina dans le halo de sa torche alors qu’elle s’en approchait. Avec satisfaction, sa main gauche écrasa le bouton rouge pour l’appeler, mais la porte ne s’ouvrit pas, et aucun signe de mouvement du mécanisme. Pas de son, et il était indiscernable. Au bout de quelques minutes, elle conclut que l’ascenseur était en panne. Elle soupira. Il faudrait faire le tour.
Elle fit volte-face et se dirigea vers la gueule béante et obscure du corridor. Le trajet était, encore et toujours, plongé dans l’obscurité. Prudente, l’adolescente gardait le regard rivé sur le sol pour ne pas se casser la figure sur quelque chose. Cependant, quelque chose accrocha ses yeux sur le mur et elle s’arrêta pour l’éclairer et l’observer.
Des marques de griffes. Elle eut un instant de flottement, reconnaissant la pierre froide des profondeurs de la colline, là-bas, à Carthage. Mais elle n’eut pas le temps de s’interroger. Un souffle rauque lui parvint. Dorka n’affrontait pas souvent d’attaque de XANA sur Terre, mais son instinct prit les choses en main et elle décampa. Elle entendit des bruits sourds, comme si une créature lourde marchait. Marchait derrière elle.
Elle ne savait pas ce que c’était, mais les images commençaient à défiler dans sa tête. Crocs, griffes. Muscles saillants. Pelage hirsute ou peau écailleuse, impossible de se décider. Antennes ? Yeux jaunes luisants, ou peut-être bien rouges. La chose était actuellement tout et n’importe quoi. Elle en devenait immatérielle, plurielle voire chimérique.
Des chocs sourds, encore. Elle ignorait s’il s’agissait de son cœur ou du galop de la créature. Intérieurement, elle priait pour que ce soit la première solution. Même si c’était assez peu probable.
L’inévitable finit par se produire. Une impasse. Le halo de sa torche ne lui révélait qu’un mur, sans autre chemin. Sa gorge se noua tandis qu’elle jetait un regard désespéré derrière elle, sachant pertinemment qu’elle verrait surgir la créature d’une minute à l’autre.
Une silhouette se dessina dans les ténèbres. Elle se crispa, avant de s’apercevoir que c’était une forme beaucoup plus petite que le monstre qu’elle attendait. Il était facile à reconnaître. Peu de gens portaient un masque sur la figure.
-Ah, c’est toi, lâcha-t-elle en se détendant un peu. J’ai entendu un gros truc, comme si une créature rôdait dans l’usine. T’as rien vu ?
Le sourire triste du masque s’élargit un peu plus.
-Si. Il sera là bientôt.
Senja marcha vers elle, et avant qu’elle puisse réagir, lui subtilisa le bout de bois enflammé qu’elle tenait toujours en main, avant de s’éclipser en passant à travers le mur comme s’il n’existait pas.
-Bonne chance quand même, commenta-t-il d’un ton très décontracté en disparaissant.
Et le couloir fut plongé dans le noir. Un souffle se fit entendre.
Inspiration. Expiration. Les yeux fermés, elle s’efforça de reprendre son calme. Sa main passa entre les mèches de ses cheveux blonds. Ils étaient en bataille, mais pas de trace de moiteur comme on aimait à le dépeindre dans les fictions. Elle se pencha pour jeter un œil au réveil : cinq heures du matin.
C’était tôt. Un peu trop tôt pour se lever, sans doute. Mais se rendormir ne la tentait pas plus que ça. Elle se laissa cependant retomber sur son oreiller et fixa le plafond. Les images du rêve s’estompaient, mais certaines s’accrochaient plus vivement à sa mémoire, et seraient sans doute celles qu’elle retiendrait. Le sourire grinçant du masque de Senja tandis que celui-ci s’éloignait. Le noir, le souffle de la créature.
Dorka grogna et repoussa sa couverture. Elle marcha jusqu’à son ordinateur et l’alluma. Tant pis pour son temps de sommeil. Elle rattraperait ça un autre jour.
-Je vous annonce que notre combat va prendre un tournant décisif.
La voix de Senja, solennelle, résonna dans le labo. Ses six camarades l’écoutaient avec de grands yeux. Dans ses mains, le composant informatique doré extrait de la carcasse du Supercalculateur de Carthage, qui attirait le regard de tous.
Durant la pause théâtrale qui suivit, Alexandre jeta un regard à ses deux acolytes, placés de part et d’autre de lui. Il était extrêmement vigilant et attendait ce que Senja allait dire, prêt à cadrer toute dérive.
-Pour ceux qui n’étaient pas là, voilà notre principale découverte au sein de la base de Carthage. Cette pièce permettra à notre Supercalculateur de débloquer la RAM dont il a besoin pour lancer le programme multi-agent, et ainsi détruire XANA. Une fois que je l’aurai installée dessus, on pourra lancer la phase finale du plan.
Alexandre sauta sur l’occasion.
-Et qu’est-ce qui te dit que ça va marcher ? Que ça n’abîmera pas la machine ?
Un silence très lourd tomba sur la discussion tandis que Senja tournait la tête vers son opposant. Arry et Floyd se regardèrent, une lueur de désespoir au fond des yeux. Ce n’était pas exactement le protocole dont ils avaient convenu. Mais ils ne savaient pas quoi faire pour empêcher Alexandre de chercher des noises au meneur du groupe. L’autre partie du groupe, rassemblée face à eux, attendait la réaction de Senja.
-Je sais ce que je fais, déclara froidement le concerné. Ça n’a jamais posé de problème à personne ici.
Même avec le masque, on devait son regard lourd de sens posé sur Alexandre. Sylith ne se priva pas de rajouter de l’huile sur le feu, comme souvent.
-Alexandre, au cas où tu l’aurais oublié, tu t’es barré du groupe, c’est pas à toi de contredire les décisions de Senja. Si t’es revenu juste pour foutre la merde, tu peux repartir.
Tout le monde était en mesure de sentir la tension dans l’air. Emeline donnait l’impression de vouloir se cacher dans un coin pour s’y soustraire, tandis que Sylith et Alexandre étaient partis pour mener cette joute à son terme. Senja ne disait rien. Il attendait.
-Je ne « fous pas la merde », rétorqua Alexandre d’un ton acide. J’exerce mon esprit critique, et ce plan m’a l’air trop facile. J’ai le droit de m’exprimer ou c’est devenu une dictature pendant mon absence ?
-Ferme ta gueule bordel ! cria Sylith, à bout de nerfs et d’arguments.
Emeline ouvrit timidement la bouche pour parler, mais la riposte d’Alexandre lui coupa l’herbe sous le pied, et le sifflet par la même occasion.
-Non je ne fermerai pas ma gueule ! Ce n’est pas parce que tu hoches bêtement la tête à chaque sainte parole de Senja que je vais faire pareil !
Floyd et Arry se regardèrent à nouveau. Pour la discrétion, Alexandre pouvait repasser. Ils jetèrent ensuite un œil à Senja, impassible. Une fois la réplique du littéraire achevée, il prit la parole.
-Très bien.
Ce furent ses seuls mots. Il marcha entre les deux rangées de Lyokoguerriers, droit vers le monte-charge. Au passage, il remit la pièce détachée à Dorka, qui la reçut comme une sainte relique quantique sous le regard mauvais de Sylith. Une fois face au bouton, il ajouta :
-Puisque c’est ainsi, faites sans moi. Je sais que tu trouveras mieux, Alexandre.
-Senja !
Malgré l’appel, il appuya, et le rideau de fer se baissa, laissant de l’autre côté six adolescents choqués. Sylith eut tôt fait de rediriger le surplus d’émotion sur quelqu’un d’autre, choisi au hasard.
-T’es content maintenant, espèce d’abruti ? cracha-t-elle vers Alexandre. C’est ça que tu voulais ? C’est bien ce que je disais, t’es revenu uniquement pour foutre la merde ! T’en as rien à foutre du groupe et de combattre XANA, ce qui t’importe c’est juste d’ouvrir ta gueule parce que tu supportes pas qu’on t’oublie ! Pauvre merde !
Et elle alla rappeler le monte-charge pour partir à son tour. Une fois sûre que l’ascenseur la coupait des autres, elle prit le temps de s’essuyer rageusement les yeux.
-T’as déconné, Alexandre…commenta Arry d’un ton neutre.
Il lui jeta un regard noir. Ils n’étaient plus que cinq dans la pièce, maintenant. Dorka escamotait la pièce dans les poches de son blouson, Alexandre restait debout, les bras ballants, lui aussi secoué par les évènements, quand bien même il refuserait de l’admettre. Arry cherchait encore à comprendre comment la discussion avait pu s’enflammer ainsi. Ils étaient tous à cran. Elle nota avec dépit qu’elle n’avait rien fait pour arrêter leur ami littéraire avant qu’il ne fasse une connerie. C’était trop tard. Elle aurait dû calmer le jeu, trouver un moyen de pacifier la situation. Emeline était allée s’asseoir dans un coin du labo, recroquevillée sur elle-même, sous le choc des éclats de voix et du départ de Senja. C’est à cet instant que Floyd comprit qu’il devait faire quelque chose.
-Ecoutez, commença-t-il avec un brin d’hésitation. Ok c’est parti n’importe comment. Mais on est une équipe. Je suis sûr que Sylith va nous ramener Senja, ou alors il finira par revenir parmi nous tout seul. On est à deux doigts de détruire XANA, ce serait vraiment bête de faire exploser le groupe maintenant. Je pense qu’on a des choses à se dire, cette dispute vient de nous le confirmer. Mais c’est pas le moment. Il va falloir enfouir ça en nous encore quelques temps. Je ne sais pas jusque quand, et je sais que c’est difficile. Mais accrochez-vous.
Sa voix calme et posée avait su capter l’attention, et peut-être apaiser les esprits. Il ne savait pas vraiment. Mais si personne d’autre n’était en état de prendre les choses en main, c’était à lui de le faire. Il marcha vers Emeline, toujours prostrée, et se baissa pour être à sa hauteur.
-Emeline, on aura besoin de toi en état aussi. Tu peux pas nous lâcher maintenant. Faut qu’on se serre les coudes. Allez.
Il se releva, lui tendit la main. Elle la considéra un instant, puis une petite étincelle revint dans son regard et elle la saisit vivement.
-Allez.
Elle se rappela qu’elle en avait assez d’être intimidée par le monde tout autour d’elle. Elle se rappela que Lyoko était peut-être une des choses dans lesquelles elle réussissait le mieux. Si elle s’écroulait même ici, comment espérer soutenir le poids du dehors ? Floyd l’aida à se remettre debout, et ils sondèrent rapidement du regard les autres. Le climat était calmé, mais pour combien de temps ?
-Alexandre, va falloir qu’on applique le plan de Senja, déclara Floyd, conscient que son ami n’allait pas apprécier.
En effet, l’autre fit la grimace. Arry aussi, dans une moindre mesure. Dorka n’en loupa pas une miette. Elle choisit cependant de lancer :
-Bon, je vais rentrer à l’internat. Faudra que je rende le booster à Senja le plus vite possible, histoire qu’il commence à l’installer.
Sans aucun commentaire de plus, elle rappela le monte-charge. Une fois dans la cabine, elle réfléchit. Manifestement, Floyd et Arry étaient liés au coup de sang d’Alexandre. Coïncidence troublante, ils étaient les seuls à être restés à Paris en leur absence. Dorka n’aimait pas les coïncidences. Dans l’état actuel des choses, il faudrait garder un œil sur ce trio. Et mieux valait être plusieurs pour ça.
Elle sélectionna le nom de Sylith dans ses contacts et passa un appel. Après une ou deux tonalités, l’autre décrocha.
-Ouais ?
-La situation s’est calmée au labo. Floyd a fait un petit speech pour rétablir la paix entre les peuples. Par contre…
A l’autre bout du fil, Sylith soupira, agacée par l’effet de style.
-Accouche, fais pas traîner.
Dorka sortit sur le pont, le portable toujours contre l’oreille.
-Eh bien il se trouve que Floyd et Arry m’ont l’air d’être liés à la petite crise d’Alexandre. Je ne sais pas exactement ce que mijotent ces trois-là, mais je suis pas sûre qu’ils soient d’accord avec la façon de diriger de Senja.
Elle avait choisi sa formulation avec soin, de façon à bien présenter le trio comme des réfractaires à l’autorité du « big boss ». Sylith n’allait sans doute pas aimer.
-Comme si on avait besoin de ça.
-Je pense qu’ils vont se calmer, Floyd a dit à Alexandre qu’il fallait suivre le plan de Senja. Mais gardons quand même un œil dessus. Au cas où. Et d’ailleurs, Senja, tu sais ce qu’il devient ?
-Aucune idée.
Vendredi matin.
Senja entra dans la pièce. L’autre était là. Eh bien l’entretien n’en serait que plus rapide.
-J’ai un problème, annonça-t-il abruptement.
Son interlocuteur soupira ouvertement et se retourna vers lui, manifestement agacé.
-Tu as beaucoup de problèmes, ces temps-ci. Que t’arrive-t-il encore ? XANA t’échappe des mains ? Carthage ne t’a pas fourni le matériel espéré ? Tu ne sais plus programmer ?
Au fil de son discours, il se mettait à ricaner de plus en plus ouvertement. Senja serra les mâchoires derrière son masque, ignorant la moquerie, et répliqua :
-Non, ce n’est pas ça.
-Eh bien parle, j’écoute.
Il chercha une formulation élégante. Ce n’était pas gagné. Il laissa donc tomber la nouvelle.
-C’est eux, mon problème, maintenant.
Bien évidemment, dire ceci lui attira un regard atterré :
-Pourtant, je t’avais donné dès le début la méthode à appliquer s’ils te gênent.
Un sourire sinistre déchira le visage du résident de la chambre. Il poursuivit.
-Ce n’est tout de même pas compliqué, avec tes ressources. Tu sais bien qu’il y a un moyen très simple de faire en sorte qu’ils se calment.
Il claqua des doigts. Le côté mise en scène, visiblement. Senja savait très bien de quoi il parlait, et il était dubitatif.
-C’est un coup à se faire cramer ça, non ?
-Tu touches au but. Le temps qu’ils réfléchissent et comprennent que effectivement quelque chose cloche dans l’affaire, on sera repartis.
Ce n’était pas totalement faux. Senja resta silencieux quelques instants, puis hocha la tête, ses états d’âme envolés.
-Très bien. Alors je le ferai.
L’après-midi se passait paisiblement. Du moins jusqu’à ce que chaque membre du groupe reçoive un SMS lui intimant de se rendre d’urgence à l’usine : XANA lançait une attaque.
-Ben voyons, grogna Sylith en lâchant son ordinateur, il avait pas été emmerdant depuis trop longtemps…
Et comme elle, tout le reste de l’équipe se mit en route pour l’usine, en se demandant ce que ferait XANA. Senja n’avait rien envoyé pour préciser ce qui se passait. Cependant, il était déjà dans le labo quand les premiers arrivèrent :
-Alors ? interrogea simplement Dorka.
L’individu masqué consentit un rapide briefing.
-Je ne sais pas encore ce que XANA va faire sur Terre. Par contre, je n’ai plus aucun contact avec Alice, et je l’ai repérée pour la dernière fois à proximité de la tour activée. Je crains que XANA n’en ait pris le contrôle et ne s’en serve pour nous barrer la route.
-Si elle est toute seule, on devrait pouvoir gérer ça non ? supposa Arry.
Elle était cependant un peu inquiète au vu de l’effectif. Emeline n’était pas encore là, Floyd, Alexandre et Sylith non plus, même s’ils ne devraient plus trop tarder.
-On a des nouvelles des autres ? renchérit Dorka.
-J’ai eu un coup de fil d’Emeline, elle attend Alexandre du côté de leur station de métro et ils font aussi vite que possible. Sylith et Floyd, j’en sais rien, mais ils seront sans doute là avant eux. Par contre…je sais pas si il vaut mieux les attendre pour plonger. Plus on traîne et plus ça craint, mais si je me fais avoir par Alice parce qu’on est pas assez nombreux, c’est définitivement cuit.
Les deux blondes échangèrent un regard. Elles ne s’estimaient pas les mieux placées pour se battre. Alors elles décidèrent d’attendre encore un peu. Mais ils étaient tous nerveux. La dernière fois que XANA avait lancé une attaque, il avait apparemment utilisé un drone, un engin dangereux contre lequel ils ne pouvaient pas lutter. Et cela faisait bien longtemps qu’on ne l’avait plus vu : avait-il patienté dans l’ombre tout ce temps avant de refermer un piège diabolique sur eux ? A quoi devaient-ils s’attendre sur Lyoko ? Et à quoi devaient s’attendre leurs camarades encore à l’extérieur ? Quand arriveraient-ils ? Combien de temps, combien de morts ? Ces pensées obscures tourbillonnaient dans l’esprit d’Arry, l’image de Jim mort revenant discrètement se glisser dans un coin de sa tête, presque sans qu’elle le remarque.
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"Prouve-moi que tu avais raison, Jérémie, dans tout le mal que tu as causé."
Oblitération, chapitre 13
Et je remercie quand même un(e) anonyme qui refusait qu'on associe son nom à ce pack
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