Sur ce, la suite. Épisode 10 : La promenade s'amuse
Spoiler
Après avoir signé leur Pacte, Élin, Syd, Elsa et Oscar espérèrent ne plus jamais se disputer et vivre heureux jusqu’à la fin des temps. Seulement, comme leur première journée après la Légendaire Déclaration d’Amitié allait le leur apprendre, bien s’entendre quand on côtoie des personnalités si opposées à la sienne n’est pas toujours simple…
(I’m trouuuuble!)
- HEY ! LISTEN !
Le cri perçant d’Élin leur arracha tous un nouveau gémissement, et Oscar se boucha carrément les oreilles. Syd quant à lui, tentait de maintenir une indifférence stoïque, et Elsa envoyait des sourires crispés à la blonde dans l’espoir qu’elle se calme… peine perdue. Il avait fallu bien des efforts et des menaces pour la tirer du lit – elle avait même mordu Oscar dans un dernier effort pour garder sa couette ! -, mais maintenant qu’elle était éveillée, eh bien c’était carrément… trop.
Depuis les aurores, Élin alternait entre marcher sur les mains et jouer à saute-Wattouat avec les Pokémon, haranguant Baggy pour qu’il participe – sans succès. Mais le pire était survenu il y a un peu moins d’une heure : la dresseuse avait ramassé une branche de cyprès et envoyait Lucky la chercher très loin – pour soi-disant « travailler sa vitesse ». Vu qu’Élin visait très mal, il se la prenait tour à tour dans les yeux, le nez ou les oreilles.
À part ça, c’était une très belle journée, les seuls nuages à l’horizon étaient d’un blanc pur et éclatant, un soleil doux et agréable se déversait sur les plaines lumineuses de la…
- HEEEY ! LISTEN ! HEY !
Les adolescents se tournèrent tous vers Élin, lui envoyant des regards meurtriers. Ils ne savaient pas d’où venaient ces mots ni en quelle langue ils étaient, mais – AH ! C’était vraiment la blonde qui se déplaçait en pont, membres étirés jusqu’à en devenir carmins ?!
- Elle va finir par tomber dans la rivière, lâcha Syd d’un ton glacial.
Oscar et Elsa lui lancèrent un coup d’œil inquiet – oui, c’était bien avec un sourire neutre et poli que le dresseur venait d’annoncer cette terrible éventualité. Le contraste était… frappant… Ils en eurent des frissons.
- Nous devons absolument empêcher l’apocalypse, agent Bond… glissa discrètement Oscar à Elsa, profitant d’une accalmie dans la tempête Élin.
- H-heu mon nom de f-famille c’est Hirata… bafouilla la brune en retour.
Surpris, Oscar se frappa le front. Mais oui enfin, d’où avait bien pu lui venir cette référence ?
Pendant ce temps, la patience de Syd atteignait ses limites. Après la débauche de guimauve et de chaleureuse amitié de la veille, il avait bien pris soin d’ériger autour de lui de nouvelles barrières, plus infranchissables et glaciales que les précédentes. Il avait bien préparé le petit-déjeuner pour tout le monde ce matin – pour le plus grand soulagement d’Oscar et Elsa – mais était resté silencieux dès la vaisselle débarrassée. Tout cela pour se recentrer sur sa mission, et son portable. Il avait besoin de calme pour répondre à ses textos, ou alors il envoyait « à très bite » au lieu d’« à très vite » !
Mais évidemment, Élin avec ses nombreux cris et coups de cyprès, ne lui permettaient même pas de se concentrer ne serait-ce que deux secondes.
- Arrête, grommela-t-il en direction de la blonde. Tais-toi. Arrête.
- Roh mais quel rabat-joie !
La gamine était à présent occupée à marcher sur les mains, mais les jambes placées en grand-écart ! La position lui conférait un air assez ridicule, ses narines et yeux exorbités ressortant d’autant plus qu’ils la voyaient à l’envers. Elle leur tirait la langue, aussi. Mais ce qui inquiétait et irritait Syd depuis le début de la matinée, sans qu’il n’ose l’avouer, c’est que la dresseuse s’amusait juste aux côté d’une profonde rivière… Ils longeaient son cours cristallin depuis les aurores, mais depuis peu, la berge s’était élevée et le flot était prisonnier entre deux abruptes falaises.
- À force de faire n’importe quoi, tu vas finir par tomber, insista-t-il tout de même, arrachant difficilement ses yeux de son portable.
[Rechute. On l’a emmenée un jour plus tôt.]
Évidemment, la blonde ne fit que rire et lever les yeux au ciel – enfin au sol, vu la position dans laquelle elle se trouvait, mais peu importe –.
- Oh, chut, je te rappelle que je t’ai battuuu !
- Mais n’imp –
- Élin, Syd a raison, c’est dangereux de jouer si proche des berges, s’inquiéta une troisième voix.
Ils se tournèrent vers Oscar qui, l’air anxieux, avait interrompu sa discussion avec Elsa. Le grand garçon suivait Élin de ses yeux verts, frémissant dès que ses pas hasardeux la portaient trop proche du courant tumultueux.
- Tu ne voudrais pas plutôt, euuh… entraîner tes Pokémon ?
- Naaan j’ai la flemme ! renvoya la blonde, un sourire immense – voire effrayant – étirant ses joues rondes.
- Élin, c’est pas drôle…
La gamine se figea, une moue déçue remplaçant soudain son sourire. En un salto avant, elle se remit à l’endroit, et fit face à Oscar !
- Ah bon ?
- Non…
- Bon, alors…
Un sourire immense fut renvoyé au grand adolescent. Puis un éclair blond s’enfonça dans les hautes herbes, sans doute en direction des Pokémon – un retentissent « BAGGYYY ! » leur mit la puce à l’oreille. Syd, suivant la silhouette agile des yeux, ne put s’empêcher de grogner, exaspéré, et d’envoyer à Oscar :
- Pourquoi est-ce qu’elle t’écoute, toi ?
Évidemment, le garçon aux prunelles d’ambre ne s’attendait pas à ce qu’Élin l’entende, et rétorque un bon « PARCE QU’AU MOINS OSCAR LUI EST GENTIL ! » mais cette anecdote ne mérite pas plus que l’oubli collectif. La blonde partie, les trois adolescents restants purent enfin apprécier la nature, le grand air, le soleil… ahh, le calme…
- N’empêche, t’es sûre que tu t’appelles pas Bond ? Même pas du côté de ta mère ?
- Non.
Les jeunes dresseurs, même s’ils commençaient à connaître Élin, ne pouvaient pas encore appréhender à quel point elle avait d’énergie. Il lui fallait toujours un projet, une idée, pour se motiver et canaliser son enthousiasme ! Et si pendant les neuf précédents épiso- euh pendant les quatre précédentes journées, son objectif avait été de Faire Craquer Syd, elle l’avait à présent vaincu, et ne savait plus à quoi s’adonner… Entraîner ses Pokémon ? Noon, ce matin elle n’avait pas envie… elle ne voulait pas non plus discuter, c’était trop calme… jouer et se contorsionner de partout, par contre, ça la motivait, et c’était encore mieux à côté de la rivière ! Elle voulait que les autres l’observent et l’admirent !
Aussi, elle décida de recruter tous les Pokémon qu’elle pouvait, afin de faire un tour de magie, ou au moins une figure de cirque – depuis toute petite, elle en réalisait avec le Flotoutan de son père, et savait s’y prendre ! Peut-être son avenir se trouvait-il dans un cirque itinérant, tiens… enfin bref ! Trouver les Pokémon dans l’immense plaine, totalement dépourvu d’arbres et de repères depuis la veille, ne fut pas une mince affaire. Heureusement, Lucky, qui ne s’aventurait jamais bien loin de sa dresseuse, l’aida à recruter toute une équipe…
Au bout d’une petite dizaine de minutes, toute une tripotée de Pokémon l’observait avec de grands yeux curieux.
Élin prit une grande inspiration, et avec un immense sourire…
(Un déjeuner presque-parfait)
Une bourrasque de vent emporta le cheveu qu’elle tenait délicatement, et bientôt, il disparu dans le ciel bleu. Elsa soupira d’aise, se détendant légèrement, et un discret sourire vint chatouiller le coin de ses lèvres. Enfant, sa tante lui racontait que chaque cheveu emporté était un souci disparu… évanoui. Cependant, l’adulte catastrophée devant la réaction d’Elsa, avait ensuite ajouté que s’en arracher des touffes entières n’améliorait pas le quotidien, bien au contraire !
La jeune fille avait toujours eu tellement de soucis. Plus que de cheveux.
Aujourd’hui, l’envol était arrivé sans qu’elle ne le provoque, sans qu’elle n’en souffre. Sa bonne fortune n’en était que plus certaine ! Peut-être le brin noir coulait-elle à présent des le fleuve tumultueux qui les accompagnait, entre deux bulles irréelles, dans les ténèbres. Ou peut-être oscillait-il le long de la falaise, perché sur un roc saillant, lové par un rayon de soleil. Après tout…
- Eh Elsa ! Syd cuisine, tu veux jouer à la pêche ?
Quoi ? À la pêche ? La brune fronça les sourcils, confuse, et s’approcha de la paire de garçons, qui s’étaient arrêtés en haut d’une petite colline afin de préparer le déjeuner. Elle s’imaginait déjà perchée au bord de la falaise, Oscar à ses côtés… illuminé par le soleil couchant… à la chasse aux Magicarpe… euh en fait non ! Piquant un fard incroyable, la jeune dresseuse revint douloureusement à la réalité : Oscar devait avoir bien autre chose en tête, car il ne tenait pas une canne à pêche mais un large éventail de cartes !
- M-mais… bafouilla Elsa, embarrassée. Je c-croyais qu’on devait ne pas s’a-approcher de la rivière… À ces mots, le garçon éclata de rire.
- Mais non, la pêche c’est un jeu de carte !
- A-ah bon !
- Allez viens, je t’explique les règles, l’encouragea-t-il, et elle s’installa dans l’herbe à ses côtés.
Tandis qu’Oscar lui contait l’art et les manières de la pêche, Syd cuisinait. Le dresseur de Gruikui avait déjà démarré un petit feu, et touillait une mixture très odorante dans une sorte de marmite, d’un air absent. Son portable vibra, surprenant Oscar en plein milieu de ses explications, et il jura.
- Ç-Ça va pas ? s’enquit timidement Elsa.
- Si, très bien.
- … Magicarpe ! s’exclama Oscar, ses yeux verts exorbités.
Et Elsa mit un troublant moment à comprendre qu’il parlait de sa carte.
Pendant ce temps, une silhouette inquiétante s’approchait des trois adolescents, se dissimulant à travers les hautes herbes. Elle humait l’air d’une manière brusque et animale. Ça sentait bon. Le poisson. Mais pas au vinaigre.
La figure s’immobilisa, observant le groupe… une excitation brûlante, incontrôlable, la possédait totalement. Bientôt la sérénité bucolique des jeunes dresseurs allait voler en éclat. Ce n’était qu’une question de temps…
- Au fait, où est passé Élin ? se demanda soudainement Oscar d’un air surpris.
- Peu importe, rétorqua Syd. Elle finira bien par revenir comme un boomerang.
- Hé, mais ça veut dire qu’on va se la prendre en plein dans la tête ça…
- H-heu, vous n-n’entendez pas quelque chose, v-vous ?
Un affreux doute saisi la bande d’adolescents. Ils se levèrent brusquement mais c’était déjà trop tar –
- HEY !
Hé mais ça ne se fait pas de couper ainsi la parole à la narratrice !
- HEY LISTEN !
Soudainement une souple forme jaune bondit des hautes herbes en plein dans le campement, et faillit s’écraser sur leur déjeuner, en plein dans la marmite. Elle fut rapidement suivie par des éclairs flous – Pokémon ?! – qui se déplaçaient en parfaites roulades-avants synchronisées, se croisant et se recroisent autour de la marmite, puis se levant d’un air de défi.
Hm. Le mystérieux « Baggiguane » avait plus l’air paré à sombrer dans le plus profond ennui qu’autre chose, mais passons. Pour plus grande inquiétude de leur public les Pokémon se dispersèrent immédiatement après ces paroles, se fondant dans les hautes herbes alentours. Mince… enfin… au moins pouvaient-ils en profiter pour détailler l’intrus ? Il ou elle portait une combinaison intégralement dorée et moulante, assortie d’une cape noire et brillante, ainsi que de bottes et de gants blancs. Un masque peint de blanc et de noir recouvrait son visage et ses cheveux, et tout ceci lui conférait un air… mystérieux.
Un seul spectateur se permit de briser le silence glacé qui s’était abattu sur la colline.
- Ça commence à bien faire. On sait qui tu e–
- SILENCE. répondit tout de suite la figure d’une voix spectrale.
Syd se tut en frissonnant et le groupe se resserra sous l’effet de la peur – Oscar chantonnait « I will survive, I will survive… » d’un ton désespéré... Ils étaient cernés, coincés, pris en otage ! C’était la fin !
Et c’est alors que le spectacle commença. Un éclair rouge fusa soudainement en dehors des hautes herbes, roulant autour du public, qui parvint au bout de quelques secondes à discerner un Gruikui, mais aussi une petite Riolu. L’attaque utilisée par le cochon de feu n’était pas Roulade mais Boul’Armure, comme l’indiquait la faible lueur bleue qui entourait le Pokémon… alors c’était Riolu, d’une Vive Attaque, qui faisait avancer la paire, galopant au rythme d’une French Cancan sur Gruikui en boule ! Le duo frôla plusieurs fois les spectateurs, mais surtout la marmite contenant leur repas, suscitant une immense inquiétude.
Puis l’intrus fit un ample et dramatique geste de la main, ramenant sa cape derrière son dos, et les Pokémon s’immobilisèrent.
Gruikui se déplia soudainement, éjectant Riolu de son dos, et tandis que la Pokémon Aura, quelque part entre ciel et terre, se débattait maladroitement, il la carbonisa d’une immense Flammèche. Le public poussa un cri surpris et inquiet, Oscar se jetant vers le lieu de la terrible tragédie pour sauver la Riolu ! Mais Elsa le retint. Et la Flammèche cessa.
Riolu avait disparu.
Alors le public se remit de ses émotions en tremblant, Gruikui grouinant fièrement. Mais le tour de magie n’était pas fini. La figure n’eut même pas à bouger qu’un Baggiguane à la moue blasé… se traîna… hors des buissons, accélérant un peu seulement après un regard noir de l’intrus.
Il décocha une Balayette bien contrôlée à Gruikui, qui réagit comme tout Pokémon attaqué le ferait : il se roula en Boul’Armure. Et tel un magnifique ballon de foot, il valdingua vers d’autres cieuuux ! Seulement rattrapé par un Ponchiot bien placé, qui d’une charge renvoya le cochon de feu vers Baggiguane ! Bientôt le duo enchaîna les passes, tel deux footballeurs aguerris, fusant à travers le campement à une vitesse toujours croissante. Finalement, ils se retrouvèrent devant un immense but tressé de Fouet Liane, gardé par une Vipelierre surexcitée.
Syd arqua un sourcil.
La gardienne déterminée n’impressionna pas du tout Baggiguane. Il décocha un regard professionnel au Ponchiot, qui hochant du chef, lui envoya Gruikui en un tir haut et arqué. Une trajectoire qui facilita grandement le Coup D’Boule que Baggiguane asséna au cochon de feu…
- OUAIS OUAIS ON VA L’APPELER ZINÉDINE ! ne put s’empêche de s’écrier Oscar.
… donnant lieu à un but retentissant. Mais on ne laissa pas le temps aux fans de cette nouvelle star internationale de se remettre du choc, de la beauté de ce but : aussitôt Gruikui enchaîna avec une nouvelle Flammèche, qui consuma totalement le but végétal, et les hautes herbes autour. On craignit un feu de forêt. C’était sans compter l’intervention d’un tout autre Pokémon… un fin Pistolet A O fusa vers l’épicentre du brasier, l’éteignant en une explosion de vapeur.
Pendant quelques instants, tous furent submergés par un nuage irréel, moite, une chaleur lourde et blanche. Puis elle s’éclaircit, peu à peu, et disparu, emportée par le vent.
Il ne restait que la Moustillon et la Vipelierre. La première était engagée dans un Tourniquet, la seconde dans un Ligotage – l’eau était complètement absorbée par les lianes luisantes, qui conduisaient tout le liquide vers une seule de leurs consœurs verdoyantes. Cette liane solitaire, fière et droite, recrachait toute l’eau accumulée en une fine fontaine. Accompagnée de Moustillon et Vipelierre, immobiles comme de marbre, le tout ressemblait à une sculpture des temps anciens…
Malheureusement le filet d’eau retombait droit dans la marmite de Syd. Dans leur repas.
Il y eut un moment de silence.
- Rah mais c’est pas POSSIBLE, tu fais toujours tout foirer ! explosa Syd, brisant tout le calme et la bucolique sérénité de la campagne.
Le dresseur se rua vers leur pauvre déjeuner.
Les estomacs d’Elsa et d’Oscar ne purent qu’être d’accord avec sa colère, gémissant déjà de faim et de douleur... mais quand est-ce qu’ils allaient enfin pouvoir déjeuner normalement ?!
- SILENCE. tonna de nouveau la figure, mais cette fois, ça n’eut aucun effet.
- Arrête, Élin, ça devient franchement fatiguant, grinça Syd, puis il se tourna vers les Pokémon. Jeans, stop. Tout de suite.
- JE SUIS L’OMBRE JAUNE.
- C-comme d-dans Indochine ? s’enquit Elsa d’une toute petite voix.
Mais on l’ignora. Syd avait réussit à convaincre Jeans d’arrêter l’attaque, avec l’aide d’Oscar ; d’un autre côté la petite équipe de Pokémon se faufilait hors des hautes herbes avec des airs penauds, Lucky se ruant vers « l’Ombre Jaune ». On jugea la soupe de poisson irrécupérable, ce qui ne fit qu’accroître la colère de Syd. Le garçon tourna un regard d’ambre furieux vers la figure masquée.
- C’est quoi ton problème au juste ? On passait finalement une journée sympa et t’en fais encore qu’à ta tête !
À cet instant, la figure envoya bouler par la fenêtre toute prestance et décorum.
- Une journée sympa ? Non mais tu rigoles ? On s’ennuyait tous à mourir !
Il n’y avait plus aucun doute, c’était bien la voix d’Élin. D’ailleurs la blonde retira son masque d’un geste rageur et le balança sur Syd, qui l’évita de peu, l’objet terminant violemment sa course contre la marmite.
Élin et Syd se disputèrent, mais leurs paroles ne seront pas retranscrites ici sous peine de suicide de l’auteure.
Les dresseurs avaient l’air sur le point d’un venir aux poings – sans mauvais jeu de mot. Élin grondait « puisque tu comprends pas avec un combat, tu comprendras avec une claque ! » et Syd sifflait des injures mal dissimulées, foudroyant la blonde du regard. La situation allait vraiment dégénérer… Alors, Oscar sentit l’irritation d’Elsa gonfler, puis exploser, aussi puissamment que la dernière fois qu’il avait oublié son prénom.
- R-RAH MAIS RESPECTEZ LA P-PREMIÈRE CONDITION !
Silence. Un petit ange tout joufflue passa, fit la bise à chacun, les assomma d’une bonne chape de plomb, les laissant pantois.
- V-vous avez signé un p-pacte.
- O-Oui, bafouilla Syd, les yeux ébahis.
Il faut dire qu’Elsa commençait vraiment à en jeter… avec ses airs sombres et déterminés… enfin c’en devenait presque inquiétant…
- Pfft, de toute façon moi je respecte le pacte, c’est Syd qui fait son Monsieur l’Insensible, comme d’habitude ! siffla Élin.
Comme quoi certains n’avaient toujours pas appris à se taire, ni à avoir peur d’Elsa… Syd lâcha un soupir irrité, offrant un juron irrité à la blonde.
- Tu es vraiment pitoya –
Et Elsa était sur le point de les engueuler de nouveau… mais brusquement tous les dresseurs sur la colline se figèrent. Un nouvel intrus était apparu. Mais cette fois il n’était ni masqué, ni vêtu de doré… C’était une jeune fille un tout petit peu plus âgée qu’eux qui les approchait, un sourire épanoui aux lèvres. Elle était accoutrée d’un ensemble totalement noir des plis de sa longue jupe aux coutures de son gilet filé. Sa frange violette était bien la seule tache de couleur qui venait éclaircir le tout !
- Salut à vous, je m’appelle Carla ! J’ai vu de loin que vous répétiez des enchaînements… ça vous dirait de m’affronter en combat singulier ?
Chacun retint son souffle. Les quatre adolescents s’offrirent des regards ébahis. L’événement était anodin pour tout dresseur en voyage initiatique : on rencontrait un collègue, on l’affrontait pour en apprendre plus sur ses techniques de combat, ou le racketter c’est selon… Mais vu à quel point la Route 20 était déserte en ce début d’été, le groupe n’avait pas encore eut d’occasion d’affronter d’autres entraîneurs Pokémon ! Cette confrontation était donc une véritable première, et ils hésitaient tous quant à la marche à suivre. Enfin, comme d’habitude, presque tous.
- MOI JE VEUX BIEN ME BATTREE ! cria Élin avec un sourire ravi.
Enfin un peu de nouveauté ! Un peu d’action ! Quelque chose pour la tirer de l’ennui de la marche et des disputes sans fin ! Woohoo ! Malheureusement pour elle, une réponse claire et nette claqua dans le silence soudain.
- Non. C’était Syd qui avait pris la parole, de nouveau d’un timbre clair et précis. Nous avons déjà fait un match ensemble hier, c’est au tour des autres de s’entraîner.
- Mais je –
- Élin. C’est vrai qu’on a aussi besoin de pratique, interrompit Oscar d’un ton ferme. Il avait retrouvé sa superbe de la veille : lui aussi pouvait mater les disputes !
Les adolescents se retournèrent vers la nouvelle venue Carla, qui avait pris un air gêné.
- Si je vous dérange, je peux toujours passer mon chemin…
- Non, ne t’inquiète pas, sourit calmement Syd. Je suis sûr qu’Elsa ou Oscar sera ravi de t’affronter, compléta-t-il en désignant chacun des dresseurs de la main.
Il y eut un lourd silence. Puis Élin plissa ses yeux, et décocha un regard noir à l’assemblé, qui devint meurtrier qui il se posa sur Syd.
- Pfft… sale rabat-joie… si c’est comme ça j’me casse !
Et elle mit un point d’honneur à leur tourner le dos le plus lentement possible avant de dévaler la colline, laissant derrière elle une atmosphère électrique et tendue. Oscar soupira, toute sa détermination évaporée, se mordant la lèvre.
- Bon… j’vais la suivre, histoire qu’elle ne disparaisse pas… t’as qu’à affronter Carla, Elsa ! Il envoya un sourire léger à la nouvelle venue, et conclu d’un ton désolé : ravi de t’avoir connue !
Quelques instants plus tard, il était lui aussi une tâche floue et lointaine dans les hautes herbes, et ils l’entendaient vaguement crier le nom de la blonde. Les trois adolescents restants se firent face, l’ambiance se faisant déjà plus légère. Enfin, pour tous sauf Elsa… malheureusement, la brune était morte de trac, joues brûlantes et genoux tremblants. C’était plus fort qu’elle, elle avait trop peur de perdre, devant Syd, d-devant… elle avait trop peur de perdre ! Toute la confiance qu’elle avait acquise ces derniers jours, volait en éclats, dans ses oreilles résonnaient les moqueries de ses anciens camarades de classes, tous les appellations par lesquelles était passé Oscar avant de retenir son prénom…
Carla sourit, Elsa eut un hoquet effrayé, y voyant du mépris, de la condescendance, et baissa ses yeux clairs. Syd réprima un soupir, peiné, préférant rester en dehors de tout cela, car la brune avait besoin d’appendre à se débrouiller seule… Cependant contre toutes les attentes d’Elsa, des lèvres de Carla s’échappa un rire humble, emprunt de camaraderie.
- Tout va bien alors : t’es dans le même cas que moi ! Je viens de Kalos et je n’ai encore affronté aucun champion d’Unys, alors…
Elsa releva si vivement le visage qu’elle en eut le tournis. Elle tenta de répondre quelque chose, mais – mais – sa langue avait triplé de volume, sa salive était brûlante et acide, elle s’étouffait ! E-elle s’étouffait…
- Quel type de match préfères-tu, double ou simple ?
Elle n’arrivait pas à répondre. Elle n’arrivait pas à répondre. Seule sur la colline déserte.
- Elsa… commença Syd, délicatement.
Son prénom lui vint comme une claque froide. Une brusque bouffée d’oxygène. Oui, quelqu’un se souvenait de son prénom. De la personne qu’il y avait derrière. Non elle n’était pas insignifiante !
- S-Simple ! s’exclama-t-elle.
Et brusquement, l’adrénaline du combat l’inonda. Brusquement elle se sentit vivante.
- Bien, débuta professionnellement Syd. Ce match oppose Elsa de Volucité et Carla…
- … de Neuvartault, l’aida la dresseuse. (Beuh, se dit Syd. Les noms de Kalos sont vraiment moches.)
- … Carla de Neuvartault. Au vu du nombre de Pokémon des dresseuses, ce match se déroulera en un contre un. Il n’y aucune limite de temps. Seules sont admises les attaques reconnues par la Ligue d’Unys.
Alors, les dresseuses se firent face.
(Un échange venimeux !)
- AMARYLLIS, GO !
- VENALGUE, GO !
M-Merde. Le Pokémon qui apparu en face d’elle ressemblait à un hippocampe malade, ratatiné, paré de reflets brun sale et violet. Une paire d’iris rouges se concentra instantanément sur Amaryllis, et Elsa frissonna. Ce Pokémon lui était totalement inconnu. Elle ne connaissait ni ses attaques, ni ses statistiques ni même son niveau, et – et –
Paniquée, elle fouilla vivement son sac à main, y retrouvant avec soulagement son Pokédex, qu’elle brandit vers l’adversaire. Carla, prudente, avait eut la même réaction.
Venalgue, Pokémon algue-poison, débuta son Pokédex d’un timbre aigu. Sa ressemblance avec le varech pourri est confondante. Il se soustrait à l’attention de ses ennemis en attendant de pouvoir évoluer, se cachant parmi les algues en décomposition pour mieux approcher ses proies. Il les achève en les aspergeant de poison.
Puis l’appareil clignota, lui affichant en grand symboles rouges : Niveau 14.
Rah, non ! Deux niveaux de plus que son Moustillon ! Elle n’aurait jamais dû accepter ce match, elle –
- Bien, intervint Syd. Il les fixa posément, Carla, Elsa. Vous pouvez commencer !
Aussitôt, Carla ordonna une Charge – et aussitôt Elsa enregistra l’attaque dans son esprit. Ok, il fallait qu’elle trouve un moyen de contrer, son esprit fila à travers toutes les possibilités offertes par Amaryllis, elle se concentra son sur petit Pokémon et ordonna :
- Mimi-Queue, et en-enchaîne avec Charge !
La Moustillon se rua vers on adversaire – Elsa nota immédiatement que sa loutre d’eau était bien plus rapidement que Venalgue.
La collision entre les deux Pokémon leur arracha chacun des cris rauques, tandis que leurs dresseuses serraient les dents. Les combattants luttaient au corps à corps, Amaryllis avait la tête enfouie dans les excroissances putrides de Venalgue, qui souriait d’un air malsain. Le Pokémon qui céderait se perdrait certainement beaucoup de dommages… malheureusement si Amaryllis était plus rapide, elle était aussi plus légère, et… fatiguait déjà…
Soudainement Venalgue cracha un superbe Pistolet A O, qui heurta Amaryllis à bout portant !
- M-Mais… balbutia Elsa, dépassée. Elle n’avait pas entendu Carla donner d’ordre !
La dresseuse leva ses yeux clairs vers son adversaire, qui lui offrit un sourire malicieux. M-Mince, il fallait qu’Elsa se reprenne…
- M-Mimi-Queue, encore !
Et c’est là qu’elle le vit. Carla avait exécuté un léger mouvement des doigts, discret, mais assez visible pour que son Pokémon le capte, et surtout pour qu’Elsa le remarque ! C’était comme ça que la Kalosienne donnait des ordres ! Il n’y avait plus qu’à parier que le signal concerne bien un…
- … Pistolet A O ! s’écria Elsa de toutes ses forces.
Mince elle avait parié gros, elle aurait dû ordonner une esquive bon sang ! … Mais non elle avait eut raison, Venalgue lançait lui aussi un Pistolet A O ! Les deux jets glacés se fouettèrent violemment, créant une explosion de gouttelettes gelées, un nuage humide et gelé.
Même Syd le ressentit, grommelant dans sa barbe et essuyant ses sourcils d’un revers de la main. Bon sang il n’aurait jamais dû s’intégrer dans ce groupe d’adolescents à la noix. Maudit pacte. L’enfer c’est les autres.
Et c’est perdu dans sa mauvaise foi qu’il discerna, ébahi, une Amaryllis triomphante foncer sur Venalgue, ripant allègrement sur l’herbe maintenant humide et ne contrôlant même plus sa vitesse. Le Pokémon de Kalos se prit la Charge en pleine poire et s’écrasa à terre sous le cri de déception de sa dresseuse.
- Venalgue, non ! Tiens bon !
Carla planta ses yeux chocolats dans ceux de son Pokémon et souffla, se concentrant, tandis qu’Elsa rappelait Moustillon à elle, ne pressentait rien de bon. Après les premières échauffourées, le combat allait passer dans sa phase plus sérieuse. Il fallait être prudente. Mesurée.
- Venalgue, attaque Brouillard.
Immédiatement, le Pokémon adverse se mit à tournoyer. Par sa bouche étrange, il crachait un gaz noir, épais et étouffant, qui se mêlait à l’humidité ambiante pour former une véritable purée de pois. Les Pokémon étaient englobés dans un nuage obscur.
Nuage qui grossit au point que Syd dû reculer au bord de la falaise, frustré. Comment pouvait-il faire son travail d’arbitre s’il n’y voyait rien ? Il peinait à se détacher du combat, agacé. Probablement parce que l’obscurité soudaine révélait un malaise plus profond… encore une fois, il avait perdu le contrôle. Et rien n’était clair.
Cependant si Syd était irrité, Elsa se trouvait plongée dans l’angoisse… Elle ne pouvait plus rien distinguer du terrain ! Même Amaryllis avait complètement disparue ! Elle la cherchait bien du regard, mais c’était comme plonger sans regard dans les ténèbres les plus noires… Sans espoir. Sans espoir !
Soudain, un murmure fendit le silence.
- Feinte.
Le sang d’Elsa se glaça.
- A-Amar-rylli –
Mais un cri de douleur retentit déjà. Sa Moustillon avait été touchée. Et dire qu’elle ne pouvait rien voir !
- A-Amaryllis, Charge !
Mais le coup échoua, elle le sut tout de suite au ricanement de Venalgue ! Serrant les dents et les points, Elsa tenta à nouveau de distinguer quelque chose dans le brouillard, sans succès. Merde, il fallait qu’elle trouve quelque chose pour le dégager, et vite.
- Feinte, encore, ordonna Carla.
- Charge !
Par miracle Amaryllis contra la Feinte de l’adversaire, en un choc qui fit ondoyer vivement le nuage obscur. Et les vagues malsaines furent suivies par un intense éclat blanc, et un cri heureux d’Amaryllis ! Le cœur d’Elsa bondit de joie, et distraite, elle entendit Syd résumer :
- Moustillon a monté d’un niveau.
Sa Pokémon était maintenant au niveau treize, et à ce stade là, son espèce apprenait…
- P-Puissance.
Avec cette attaque, et les deux précédentes Mimi-Queue… la prochaine Charge qui touchait Venalgue risquait d’être fatale. Sauf que sa propre Moustillon peinait aussi à continuer, Elsa n’entendait que trop bien sa respiration sifflante à travers le brouillard…
Le dénouement du combat approchait.
Elsa prit une grande inspiration.
- Amaryllis, Charge.
Mais Carla répliqua immédiatement, sa voix claquant à travers le grand air de la colline.
- Une nouvelle Feinte, Venalgue.
La collision, rendue encore plus violente par la Puissance d’Amaryllis, déchira des lambeaux entiers de brouillard, des détails irréels, déconnectés de la lutte parvenant aux dresseuses. La truffe de Moustillon, babines retroussées aux plis volontaires. Une lueur malsaine dans les yeux de Venalgue. Mais surtout un dangereux halo violacé, se propageant du Pokémon Algue à Amaryllis.
- Moustillon a été empoisonnée, déclara calmement, indifféremment Syd.
Les deux dresseuses se tendirent, plissant avec force les yeux en attendant que la purée de poix se dissipe.
Quand la clarté revint, Amaryllis était écroulée à terre, et Venalgue encore debout. Il puisait dans ses dernières ressources et cela se voyait… mais il était débout.
- N-Non, souffla Elsa.
Elle ravala des larmes et sa salive, précipitamment, et s’élança avec inquiétude vers sa Pokémon. S’agenouillant dans la boue, elle prit la petite bête dans ses bras et la cajola doucement… la starter eau lui offrit un regard vert pâle, à demi conscient.
- P-Pardon Amaryllis, j-je n’ai pas s-su… g-gagner… une nouvelle fois, Elsa déglutit. Elle avait perdu, certes… mais c’était de sa faute. Uniquement de sa faute. Sa Pokémon avait été exemplaire. Je suis très fière de toi, ajouta-t-elle doucement, caressant les petites oreilles de la Moustillon.
Et elle la rappela, se relevant difficilement et observant Carla. La dresseuse avait aussi rentré son Venalgue avec quelques mots de félicitation et des promesses d’un bon repas. Alors les dresseuses s’approchèrent et se serrèrent la main, Elsa tentant de cacher sa déception.
Toute la tension, l’adrénaline, s’étaient évaporées. Elle était maintenant face à ses erreurs.
- Carla de Volucité a gagné le match, annonça Syd avec un sourire de sympathie à l’égard d’Elsa.
Elle l’accepta d’un hochement de tête, gênée. Mais sa plus grande surprise vint une nouvelle fois de Carla. La dresseuse fouilla dans sa besace noire, et lui tendit une sorte de fiole en plastique orange, encapuchonnée de gris.
- J’aimerais t’offrir cet Antidote, il neutralise n’importe quel toxine ! sourit-elle. J’ai cru comprendre que vous vous dirigez vers Ondes-sur-mer, et la championne locale est spécialiste de Type Poison, alors…
- O-Oh, merci, s’étonna Elsa.
- … de rien, honnêtement, tu t’es super bien battue ! Je te donnerai juste un conseil : le poison prend moins bien sur une peau humide, alors si ta Moustillon a un moyen de s’hydrater…
- … d’accord…
Les trois adolescents discutèrent quelques minutes encore, puis Carla pris congé, leur laissant juste son numéro Vokit, pour le cas où ils se recroisaient. Bientôt, la dresseuse tout de noir vêtue disparue dans les hautes herbes de la Route 20, et Syd et Elsa se retrouvèrent seuls.
Mais Elsa n’avait pas le cœur à parler. Elle revoyait en boucle son combat, tous ses choix, ses ordres, résonnaient dans sa tête… elle avait fait de son mieux. Finalement, elle pouvait peut-être être fière de ce match, et de l’expérience acquise.
Souriante, elle leva ses yeux clairs au ciel, et constata avec bonheur qu’un autre de ses cheveux s’était détaché de ses tempes, et prenait son envol.
(Élin’possible)
Oscar retrouva Élin au milieu d’un ponton, contemplant pensivement une vieille barque en bois à la peinture écaillée, abandonnée. Un soleil de fin d’après-midi la frappait d’or ; ses courts cheveux volaient au vent frais qui s’installait. Elle souriait malgré les mèches emberlificotées partout sur son visage, hochant la tête au rythme d’une musique inaudible.
Quand elle le remarqua elle lui fit un grand sourire très flippant.
- Omfg Hello !!
Et comme l’autre fois, il ne comprit pas en quelle langue elle parlait.
- Tu dis pas « yosh » d’habitude ? lui sourit-il néanmoins, s’arrêtant à ses côtés.
Ils étaient à cent, peut-être deux cent mètres de la colline où ils auraient dû déjeuner – d’ailleurs l’estomac d’Oscar grognait, désespérément vide, rah il en avait marre qu’Élin ruine leurs repas ! – et ici, les falaises s’estompaient et disparaissaient complètement. La plaine était de nouveau uniformément plate, vaste, presque qu’infinie…
- T’es bien silencieuse… s’aventura-t-il devant le calme atypique de la blonde. Encore énervée après Syd ?
Elle le regarda sans comprendre.
- Syd ? … ah oui Syd ! Bah nan en fait, je m’en fiche… s’il aime pas le cirque c’est son problème…
- T’as ruiné notre repas !
- Il a ruiné ma bonne humeur !
- Mais y a pas que toi qui compte dans la vie !
- Tout à fait d’accord, mais il a aussi ruiné la bonne humeur des Pokémon !
Ils se fixèrent impassiblement quelques secondes… puis éclatèrent de rire, laissant tout reproches s’évaporer avec leurs joyeux gloussements. En voilà une manière saine de bien s’entendre : se dire les choses honnêtement, puis les oublier !
- Dis, pourquoi t’as pas combattu la dresseuse ? s’enquit innocemment Élin, jouant avec une de ses mèches d’or.
- Hm ça me disait pas trop… (il n’osa pas avouer « parce que je voulais te suivre », mais embraya sur Elsa voulait combattre, je pense.
Tout à coup la dresseuse se renfrogna.
- Elsa ? T’es déjà ami avec elle hein… ouah j’aurais jamais dû t’aider à retenir son prénom, du coup elle t’accapare !
- Roh mais t’inquiète pas, s’affola-t-il sous son œil outré. Je l’aime bien Melba… enfin Zelda… enfin Zaza… mais jamais personne ne pourra te remplacer !
- Aha ! s’exclama Élin avec satisfaction. J’espère bien !
Oscar haussa les épaules en souriant.
- Je sais pas pourquoi j’apprécie Elsa, en fait. Mais lui parler est agréable, c’est plus… doux et intéressant…
- Ah, parce que moi je suis agressive et ennuyante… s’offusqua Élin.
- Non, juste hyperactive ! rétorqua le garçon aux yeux verts, les levant au ciel.
Ils se sourirent de nouveau, et s’avancèrent légèrement sur le ponton, qui menaçaient de s’écrouler à chacun de leur pas, ce qui ravissait Élin autant que cela inquiétait Oscar. La blonde marcha un instant sur les mains, zigzagant au bord de l’eau avec des rires émerveillés, puis se rétablit à côté du vieux bateau. Elle haussa les épaules d’un air pensif.
- N’empêche cette Elsa, elle a l’air intelligente… je l’ai entendu marmonner deux-trois trucs sur la stratégie, et ouah, elle s’y connaît vachement plus que moi !
- Hm, en même temps c’est pas difficile… ironisa Oscar, haussant les sourcils. Tu connais même pas le nom des attaques de tes Pokémon…
- … pff mais n’importe quoi, c’est juste que j’en invente…
La blonde lui tira la langue avec la mauvaise foi la plus absolue, mais il laissa passer. L’adolescent devait avouer qu’il était près à absolument tout lui pardonner… enfin peut-être pas les repas ruinés mais bon !
- Dis, je crois qu’Elsa a fini son combat, intervint-il en plissant les yeux, tentant de distinguer l’issue du combat depuis leur petit embarcadère. Malheureusement, un nuage totalement obscur planait sur le haut de la colline, l’empêchant d’y voir quoique ce soit.
- Oscar ? l’interpella soudainement Élin.
- Quoi…? répondit-il distraitement, toujours préoccupé par le combat d’Elsa.
- Tu le trouves comment, ce bateau ?
- Hein ?
L’adolescent sursauta et lui lança un drôle de regard, se sentant presque blasé.
- Il est trèèès beau le bateau. Bon, viens maintenant, on va récupérer les autres !
[…]
- Alors alors ? Comment s’est passé le combat ? s’enquit Oscar dès qu’ils s’approchèrent du campement.
Élin entendit bien la réponse de la brune, qu’elle avait perdu mais « beaucoup appris », mais elle était occupée à autre chose. Elle avait eu une idée. Comme ce matin mais en mieux. Et pour la réaliser elle avait vraiment besoin de Lucky et Baggy, ils étaient indispensaaables ! Sous le regard suspicieux de Syd elle leur murmura des instructions – et força Baggy à l’écouter à renfort de regards noirs. Non mais oh. Y avait pu’ d’respect.
- Bon, allons-y, ordonna Syd.
- Rooh, chef oui chef ! répliqua Élin, levant les yeux au ciel.
Il se prenait pour qui encore, Arceus ?
Le dresseur ne répliqua pas, et ensemble, ils dévalèrent la colline, plongeant dans une mer de pastel et d’inconnu. Une plaine quoi. Élin mourrait d’anticipation, elle ne cessait de sourire mais seul Syd le remarquait, car Oscar et Elsa étaient plongés dans leur discussion…
- L-Les Pokémon Feu vont être u-utiles contre S-Strykna.
- Ah bon ? Mais c’est pas dangereux, les gaz toxiques et le feu ensemble ?
- O-On peut tirer les exp-plosions à notre a-avantage.
- Mouais, j’aurais plutôt envie de faire ça avec du coca et des menthos…
Discussion passionnante certes, mais elle avait d’autres projets en têêête ! Malheureusement, Syd se rapprocha d’elle, lui posant une main menaçante sur l’épaule, il siffla :
- Quoique tu prévoies, je t’en empêcherai.
Et elle lui fit un grand sourire chaleureux.
- Qui, môa ? Mais monsieur je ne prévois rien !
Il se retira avec un toussotement incrédule. Elle fit mine de ne pas l’avoir entendu. Si Syd comprenait, il ruinerait tout. Et elle avait trop envie de mener son plan à bien ! Ahh, la jeunesse, l’inconscience, les étoiles…
Et alors ils arrivèrent. Devant l’embarcadère. Élin embrassa tout le groupe d’un regard malicieux.
Et Syd comprit. Mais c’était déjà trop tard. Élin fit le signal à ses Pokémon, montant vivement en équilibre tandis qu’ils s’élançaient tel des ninjas vers les adolescents.
Cela se passa très rapidement. Baggy faucha Syd d’une Balayette adroite, suivi d’un coup de pied on-sait-où, et le dresseur aux yeux d’ambres s’effondra dans le bateau, sa tête heurta brusquement une planche et envoyant sa conscience danser parmi les étoiles. Oscar et Elsa suivirent en une stupeur muette, encouragée par quelques Charges effrayantes de Lucky.
Personne ne pu résister.
Et Élin bondit à leur suite dans la barque, avec un immense sourire.
- Yes ça a marché ! Merci Baggy, merci Lucky ! Woohoo partons à l’aventuure !
Et d’un seul coup Baggy trancha la corde qui retenait encore l’embarcation au ponton ! Le bateau s’ébranla brutalement, porté par les flots sombres et tumultueux de la rivière, et ils plongèrent vers la rive opposée en un hurlement de terreur. Heureusement ils se rétablirent après un autre remoud, tombant les uns sur les autres en une pile paniquée.
Oscar commençait à être complètement malade, ses joues et ses lèvres prenaient une teinte verte inquiétante !
- M-M-Mais t’es totalement B-BARRÉE ! s’écria Elsa de rage, les voyant plonger vers un point de non-retour.
Déjà les deux garçons étaient hors-service, elle était seule pour contenir cette force de destruction qu’était Élin, mais mince elle ne s’en sentait pas capable, elle bégayait, elle était moins belle, moins forte moins charismatique…
- Euhh oui ok c’est chaud de se diriger ! admit la blonde en un haussement d’épaule. Mais regarde ça va beaucoup plus vite, et plus besoin de marcheeer !
- T-T’aurais pu nous d-demander quand même, s’étouffa presque la plus grande des deux, complètement abasourdie, complètement paniquée, sa dernière syllabe se transformant en un cri quand la barque tangua de nouveau.
- Ouais mais Syd aurait jamais accepté…
Elles jetèrent un regard au dresseur de Gruikui, totalement dans les vapes.
- Il a-aurait eu r-raison… réalisa soudainement Elsa avec effroi. La b-barque p-prend l’eau…
Elle sentait déjà l’humidité monter, puis un liquide glaciale attaquer ses chaussures… ce qu’elle avait pris pour de la peinture écaillée était en réalité des faiblesses dans la boiserie…
- Oh merde, souffla Élin.
Le sang d’Elsa bouillit et elle réagit au quart de tour :
- AMARYLLIS GO ! PISTOLET A O !
Avec un peu de chance la vitesse allait les sauver ! Avec un peu de chance ils allaient survivre ils n’allaient pas couler mais m-merde, dans quelle merde les avaient encore mis l’autre folle ! La Moustillon du sentir la panique de sa dresseuse, car une fois matérialisée, elle s’adonna au Pistolet A O le plus véhément de sa vie.
Le jet d’eau frappa le fleuve derrière eux avec force et violence, en une explosion de bulles, et brusquement ils se sentirent décoller, puis rebondir contre l’eau un haut le cœur. Oscar vomi tripes et boyaux. Le bateau accéléra brusquement. Même Syd avec le choc, se réveilla légèrement, complètement perdu, et désorienté.
Seule Élin retrouva la bonne humeur en s’écriant « WOOOHOOOO ! ».
Mais son cri s’éteignit bien vite quand ils se rendirent compte que la rivière aboutissait à une cascade, décollèrent brutalement, firent un immense vol plané dans le vide.
Et s’écrasèrent à travers la magnifique fenêtre ouvragée d’un bâtiment colossal.
_________________ From Bangkok with love.
Dernière édition par Icejj le Lun 24 Aoû 2015 04:45; édité 1 fois
Posté le: Ven 26 Juin 2015 09:56 Sujet du message: [Fanfic] Échos Infinis
Inscrit le: 24 Nov 2014 Messages: 62 Localisation: Bangkok, Thaïlande
Voici pour le prochain épisode, que je vais nommer, euuh... Une arrivée mouvementée.
Merci encore à Icer ! (a)
Spoiler
(Une arrivée mouvementée)
La barque fusa au-delà de la cascade, fendit brusquement l’air, le ciel clair. Elle avala plus d’une cinquantaine de mètres, filant par-dessus de beaux jardins, de l’herbe fraiche, de la bonne terre. Puis elle retomba en un immense arc de cercle. Et elle se fracassa un immense vitrail.
Des éclats de verre teinté explosèrent partout autour d’eux. Une des brisures déchira la joue d’Elsa, coupant net dans sa chair. Elle ferma les yeux par instinct et gémit, paniquée, se sentant plonger, plonger, brutalement attirée par la Terre… le cri horrifié d’une foule entière envahit ses oreilles, se mêlant à son propre hurlement impuissant.
Un poids s’abattit brusquement contre son dos, c’était Syd qui reprenait à peine conscience et se débattait comme un fou pour survivre ! Oscar le retint à bout de bras, elle l’aida, elle avait ouvert les yeux, Élin était tout à l’avant du bateau et avait perdu son sourire, prunelles écarquillées…
Leur petite barque de bois s’écrasa au beau milieu d’un écran géant. D’immenses éclairs jaillirent autour d’eux, des étincelles, ils tombèrent brusquement en arrière, emportés dans le souffle de l’explosion…
Elsa perdit conscience.
[…]
- Bonjour, ici Clara Chasal pour Unys 1 ! Je me trouve au Multiplex de Pokéwood même, après le grand incident qui a non seulement blessé quatre adolescents mais ruiné la graande première de Jeux d’Arènes, premier film de la grande auteure du Conseil Quatre, Anis ! Avec moi se trouve Evan Lecapitaine aka Capitaine – père de la championne d’Ondes-sur-Mer Strykna – qui jouait le rôle du boss machiavélique !
La rousse déterminée à l’écran envoya un sourire aveuglant à la caméra, puis tira un grand homme barbu à ses côtés.
- Capitaine, que pouvez-vous nous dire de cet indicent sans précédent ? Quelle est votre réaction ?
- Euh… ben eh bien je… l’homme avait visiblement du mal avec les flashs des caméras, voulait très visiblement ne pas être là mais ne savait pas comment se dépêtrer du marasme médiatique. J’espère simplement que les enfants vont bien…
- Ils ont tout de même ruiné l’avant-première de votre film, que pouvez-vous nous dire là-dessus ?
- Ah… bafouilla Capitaine. Je…
Puis une voix glaciale intervint.
- Nothing. Viens, papa.
Une rockeuse. C’était la première chose que l’on pensait en la voyant. Des cheveux tint en blanc spectral, coupés aussi élégamment qu’avec une hache, les mèches trop longues réunies en haut de son crâne en un chignon mal fait. Des yeux bleus cerclés d’un khôl noir, brillant. Un visage aux traits brusques.
Elle portait des vêtements trop amples, rayés de différentes couleurs, selon les jours et les humeurs. En ce moment, c’était jaune énergique et rouge passionné, des nuances pourtant bien éloignés du regard noir qu’elle envoyait aux médias…
- Championne Strykna, qu’avez-vous à dire sur l’incident ? Ne pensez-vous pas que la sécurité de Pokéwood aurait dû prévoir une intrusion par les fenêtres ? l’assaillit néanmoins la journaliste, caméra à la traîne, tandis que la jeune femme traînait son père vers l’arrière du multiplex.
- Yeah, bien sûr, allez prévoir que quatre gamins pulvérisent votre fenêtre avec un canoë-kayak ! rétorqua la dresseuse, irritée.
Des policiers les encerclèrent bientôt, retenant les journalistes et laissant à Strykna la route libre vers les loges des acteurs. La journée était belle, lumineuse.
- Championne Strykna !
- … pff. La rockeuse se tendit, revint sur ses pas, puis fit un sourire mielleux à la journaliste. Vous voulez que je vous dise un truc ?
- Bien sûr, répliqua cette-dernière sans se démonter.
- Cassez-vous.
[…]
Elsa reprit conscience peu à peu. Ses yeux papillonnèrent… et se refermèrent aussitôt, aveuglés par des néons blancs. Elle gémit. Sa tête lui vrillait, elle avait le tournis, elle sentait qu’elle avait été allongée sur une sorte de canapé mais peu importe, la surface était trop dure, lui blessait la tempe… La jeune fille tenta, tant bien que mal, de se redresser, mais trop vite ses bras tremblants cédèrent et elle s’écroula par terre.
- Woah ! Y en a une qui se réveille !
On la redressa doucement, l’étreinte prudente mais chaleureuse ; Elsa se laissa fondre dans les bras de son sauveur, s’imaginant un Oscar inquiet et adorable… qui l’embrasserait tendrement… instinctivement elle approcha ses lèvres de celui qui la tenait, sans ouvrir les yeux pour ne pas briser l’illusion…
- Euh…
Elsa ouvrit les yeux.
Elsa se figea sous le choc.
En face d’elle un jeune homme qu’elle avait vu toute son enfance à la télé. Beau, comme un prince de comptes de fées, une statue ou une œuvre d’art – une beauté presque féminine, sculptées de lèvres roses et charnues, d’un nez droit, et d’yeux verts comme des joyaux. Seules marques sur sa peau claire, une petite cascade de tâches de rousseurs… mangée par une touffe de boucles châtaines. Il aurait pu ressembler à Oscar. Mais l’homme était à un tout autre niveau.
- M-M-M-Monsieur A-Art-tie ! AH ! balbutia Elsa, le repoussa brutalement, se cognant contre le canapé, retombant sur ses fesses. P-P-Pard-don !
Le champion de Volucité la fixa d’un air sidéré. Puis il se fendit d’un large sourire.
- Oh tu sais, je suis habitué à ce qu’on veuille m’embrasser, ne t’inquiète pas…
Elle voulut se défendre mais sa gorge se serra. Elle étouffait. Impossible de parler, elle. Ne. Pouvait. Pas. Son cœur battait trop vite, trop vite il faisait mal, elle était paralysée et morte de honte, les yeux écarquillées, les joues en feu, jamais elle n’avait osé ne serait-ce que rêver de rencontrer cet homme et il était là devant elle ! Mais pourquoi ? Où était-elle exactement ?
Elsa lança un regard angoissé autour d’elle, rencontra ses yeux bleus dans mille miroirs, c’était ses reflets, elle était dans une sorte de loge, une loge ? Pourquoi une loge ? Il y avait d’autres canapés, Syd, Élin et Oscar étaient étendus dessus, ils commençaient à peine à émerger, des néons blancs baignaient l’immense salle d’une lumière crue…
Des mains fines et chaudes attrapèrent ses poings crispés, et les détendirent peu à peu en les massant doucement.
Elsa se tendit vicieusement. Et tourna. Lentement. Sa tête. Vers Artie. Il s’était mis à genoux devant elle, à même la moquette, ses yeux brillaient. Il était vraiment beau. Soudainement elle n’était plus si sûre d’aimer Oscar.
- Daignerez-vous me dire votre prénom, jeune demoiselle ? lui souffla-t-il, souriant.
De nouveau la gorge d’Elsa se serra. Aux coins de ses iris d’argent, des larmes perlèrent. Artie, toujours souriant, paru comprendre et s’éloigna d’elle.
- Demoiselle, j’oublie la bienséance. Je me présente : Artie, de Volucité. J’étais dans le Multiplex quand… mais peut-être n’es-tu pas au courant de la situation ? Votre embarcation a fait un immense vol plané avant de s’encastrer dans l’écran-géant du Multiplex. Était-ce prémédité ?
Non ! Elsa secoua vivement sa tête, apeurée, elle ne voulait pas allé en prison non ! De nouveau, Artie lui lança un sourire aveuglant. Et même son sourire était beau, noble, si délicat et différent de la masse.
- Je te crois. En tout cas, il a interrompu la projection du premier film d’Anis, Jeux d’Arènes, dans lequel j’avais un rôle principal… Devant l’expression catastrophée d’Elsa, il ajouta : je te pardonne ! Demoiselle, tu es pardonnée. En revanche, j’ai une amie qui ne sera peut-être pas aussi magnanime…
- Artie ?
Ils tournèrent la tête au même instant. Une adulte élégante avait fait son entrée, vêtue de noir et de violet, un vieux grimoire serré contre sa hanche. Elle se pencha vers Elsa, courts cheveux voletant autour d’elle en un nuage indigo. Ses yeux sombres, à travers ses lunettes rondes, semblaient énormes, déformés.
- La plupart des dégâts sont réparés… marmonna-t-elle, attrapant le visage d’Elsa d’une main gantée. La jeune fille resta figée. Dis-donc, tu as une vilaine coupure sur la joue, il faudrait vite soigner ça… Artie ?
- Oui, dame Anis ?
- Ta Manternel connaît Glas de Soin, je me trompe ?
Elsa entendit le champion de Volucité se lever, puis appeler un Pokémon. Une chanson, douce et irréelle, remplit la salle, se faufila entre les lattes des murs, entre chaque brin de la moquette… chacun de leurs silhouettes luisit un instant d’une lueur pure et blanche. Et leurs muscles se détendirent. Et leur peau se régénéra. Ils laissèrent échapper un soupir de contentement.
- Merci, Ficelle. Tu peux revenir si tu le souhaites.
Anis lâcha visage d’Elsa, la laissa respirer un peu. La jeune fille était complètement, totalement, ébahie, sidérée, abasourdie, hébétée… elle n’avait pas compris qu’Artie parlait de l’Anis du Conseil Quatre. Une des dresseuses les plus PUISSANTES d’Unys !
- Alors alors… murmura l’adulte, perdue dans ses pensées. Ah oui ! Strykna est dehors, elle est allée chercher son père… Zhu… et vous, bande de terroristes ! Vous aviez pour intention de ruiner mon film ? Le premier que j’ai écrit et dirigé !
Non. Muette, Elsa secoua de nouveau la tête. Peur.
Et c’est ce moment qu’Oscar choisit pour se retourner, glisser de son canapé et s’effondrer par terre.
- OUARPS !
- Oh… décidemment, vous êtes abonnés aux réveils brutaux ! s’exclama Artie, s’élança vers le garçon à la queue-de-cheval. Comment ça va, petit ?
- Ouah euh… bien je suppose… Attendez, vous êtes Artie ? ZE Artie ?
De nouveau, le champion de Volucité se fendit d’un sourire éclatant.
De son côté, Syd émergeait doucement, confusément. Le mal de crâne fou qui l’avait assommé après la collision s’était soudainement évanoui, et il s’autorisait à lancer de petits coups d’yeux autour de lui, tentant de comprendre où il était, et avec qui… il ne se réveilla entièrement qu’après avoir réalisé que c’était Artie de Volucité et Anis du Conseil Quatre qui discutaient avec Oscar et Elsa. Artie et Anis. Les stars. Les vrais.
Il resta hébété quelques instants, se redressant avec difficulté. Puis ses yeux se posèrent sur Élin et il ne put se retenir. Il hurla de rage.
Élin quant à elle, ne reprit conscience qu’après avoir brutalement été jetée à terre et avoir reçu un coup de pied dans le côtes !
- PUTAIN ! s’écria-t-elle, son cri brûlant sa gorge.
Elle ouvrit brusquement les yeux et s’agrippa par instinct à la jambe de son agresseur, peur et colère fusant dans ses veines. La blonde leva son regard noir et rencontra… rencontra… Syd ?! Brutalement sa fureur retomba, son ami la tapait, c’était absurde ça… ça la blessait… un autre coup de pied dans la poitrine l’acheva. Elle s’écroula contre un canapé.
- Syd ! siffla-t-elle, tandis qu’il s’avançait, menaçant.
Puis une silhouette glacée retint Syd par les bras. Le plaqua aisément au sol. Deux prunelles orageuses rencontrèrent le regard pétrifié d’Élin. C’était Zhu, l’ex-champion de Flocombe. Mais si l’homme retenait les coups de Syd, il n’en empêchait pas les cris.
- T’es vraiment qu’une pauvre conne ! On aurait tous pu mourir tu m’entends ! Putain mais ça t’arrive de penser aux autres une fois dans ta misérable vie ?!
Élin, à peine réveillée. Élin, carrément hébétée. Elle ne dit rien, encaissant les mots silencieusement.
- Eh mais on les connaît, les petits ! intervint soudainement une voix joviale. Toi t’es Élineera Hei, la fille de Black ! Et toi, Syd Park, neveu d’Aloé !
Un soupir parcouru les adolescents. Oui, c’était bien eux, eux qui avaient signé un Pacte… le rappel de leur identité (slash humanité, slash amitié), les calma soudainement ; ils se figèrent.
Élin sentit, toujours les yeux fermés, que Zhu aidait Syd à se relever, que la colère était passée. La voix calme et digne de l’adolescent la transperça de part en part.
- Je porte le nom de ma mère. Redding. Sinon, enchanté.
Et ce fut tout. Élin se redressa et ne dit rien, tandis que les adultes discutaient entre eux à propos de dégâts, d’argent perdu, de pertes trop importantes pour les imputer aux enfants. On vérifia auprès de Syd que l’affaire était bien un accident, il confirma. Artie et Anis supposaient qu’on pouvait réclamer un remboursement au moins partiel auprès de la compagnie censée assurer la sécurité du Multiplex. L’ambiance dans la salle se tassa, s’adoucit, même si Syd refusait de parler à Élin. Ils s’assirent tous sur les canapés.
Puis Strykna d’Ondes-sur-Mer déboula avec son père, hurla un grand nombre d’obscénités, insulta « les sales cons en canoë-kayak » et lança le regard le plus terrifiant du monde à Élin quand elle apprit exactement qui était responsable du drame.
- You. C’était le premier grand rôle de mon père. Le first big fucking role. Tu lui as fait perdre ça tu m’entends ? Avec ton plan à la con ! Elle se pencha, saisit violemment le menton d’Élin puis dit : Excuse. Toi.
Et la gamine répondit machinalement, sans passion : Pardon.
- Mais très biien… grinça Strykna. Maintenant que t’as essayé une fois, do it again ! Fais-le pour Artie, Anis et mon père !
- Championne Strykna… soupira Anis.
- Na-Na… soufflèrent les deux hommes adultes.
- Personne ne m’appelle comme ça ! siffla la dresseuse. Maintenant. Excuse. Toi.
Alors Élin se leva. Elle alla d’abord voir Artie, que son père avait déjà invité quelques fois chez eux, puis Capitaine, qui la reçu avec un sourire indiquant clairement qu’il avait fait pire de son jeune temps, et enfin Anis, si distraite qu’elle était déjà passée à autre chose.
Surveillant ces nobles excuses, Strykna qui tempêtait. Syd, Oscar et Elsa ne savaient plus où se mettre, se recroquevillant sur un seul canapé, Syd n’osant même pas regarder son portable.
- Strykna… sourit alors Anis. J’ai trouvé…
La championne se figea, méfiante.
- Yeah ? Trouvé quoi ?
Anis fit un geste vague.
– J’ai trouvé… comment réparer la situation. J’écris un autre film pour demain… les adolescents joueront dedans avec Artie, Zhu et ton père…
Et alors, un seul et même cri étranglé se répercuta dans la loge.
- De QUOI ?!
[…]
- Rebonjour, c’est encore Clara Chasal d’Unys 1, je suis toujours devant le Pokéwood cette fois avec le célèbre directeur et metteur en scène Est Wood ! Monsieur Wood, que pouvez-vous nous dire sur l’incident ou à défaut le premier film d’Anis ?
La journaliste rousse, toujours aussi souriante et déterminée, tendit son microphone à un vieil homme au crâne dégarni, que les autres chaînes de télés voulaient s’arracher. L’homme se caressa la barbe.
- Hm eh bien… c’était une fin étrange…
(En probation)
- De QUOI ?!
La mine de Syd s’assombrit. Il soupira. Derrière lui, Oscar et Elsa se tendirent, Élin se fit toute petite. Les adolescents lancèrent des regards effrayés autour d’eux, en direction des patients, de l’infirmière Joëlle… mais heureusement, avec la cacophonie du Centre Pokémon, personne n’était dérangé par le cri.
- Eh bien, nous allons jouer dans un film Pokéwood dirigé par Anis, avec Artie de Volucité, Zhu de Flocombe, et le père de Strykna…
À l’écran, la mine de Bianca Lenoir pâlit brusquement.
- M-Mais… alors c’est vous les quatre adolescents qui ont détruit l’écran géant du Pokéwood ?
- … oui, admit Syd.
La scientifique gémit. Elle plongea sa mine fatiguée dans ses mains, se tira brutalement quelques mèches de cheveux, et s’étrangla :
- Ça va me coûter combien ?
- Rien, madame. L’assurance prend tout en charge.
- … Ah bon ?
- Oui.
Cette fois la chercheuse se redressa et s’époumona « YEAH ! » assez fort pour que chacun des patients du Centre les foudroie du regard ! Les adolescents sursautèrent, Élin particulièrement, et c’est de cette manière que Bianca remarqua la jeune fille. Alors un éclair de compréhension fusa dans les yeux de la jeune femme.
Accident improbable. Élin. ÉVIDEMMENT.
- Élineera Hei, amène tes fesses devant cet écran, grinça-t-elle, plissant dangereusement ses yeux.
L’adolescente blanchit si brutalement qu’on pouvait croire à un malaise. Elle chercha un endroit où se cacher – derrière le canapé ?! – et esquissa même une fuite, mais Syd l’attrapa sur les yeux peinés d’Oscar et la poussa sans ménagement devant l’ordinateur. La blonde n’osa pas affronter le regard de son aîné.
Un silence dur s’étira.
Et finalement, devant le mutisme atypique d’Élin, Bianca soupira.
- Dis-moi, combien de personnes t’ont disputée depuis ton arrivée à Ondes-sur-Mer ?
- Syd. Et Strykna. répondit la gamine, de mauvaise grâce.
Le regard de la scientifique s’assombrit.
- Eh bien ce n’est franchement pas assez. Oscar, Elsa, Syd, je suis très contente et soulagée de voir que vous allez bien. Félicitations pour ta capture, Syd, et pour ton match Elsa. Maintenant, je vais devoir sérieusement parler à Élin. Pouvez-vous nous laisser seules un moment ?
Les trois adolescents acquiescèrent, se levant promptement, et s’en allant sans un mot, sauf un au-revoir pour Bianca. Elsa n’adressa pas de sourire à Élin. Oscar ne lui serra pas l’épaule en passant. Et la fille de Black se sentit à cet instant, plus que jamais, seule.
- … Élin, soupira Bianca.
La blonde se mura dans un silence buté.
- … roh bon, tu m’énerves. Non, je ne vais pas te gronder, j’imagine que Strykna s’en est déjà chargé. J’aimerais simplement discuter. Ne t’enfuis pas.
À l’écran, Bianca sourit, d’un air fatigué, son visage sembla s’adoucir sans qu’elle ne le sache, tout en peau laiteuse.
- Je ne sais pas pourquoi tu passes ton temps à faire des bêtises. Mais si je devais émettre une hypothèse, Élin… je dirais que tu veux attirer l’attention, non ?
- … pas du tout ! siffla la jeune fille, livide.
Non, la scientifique se trompait complètement, la dresseuse souhaitait simplement s’amuser avec ses amis, elle ne pensait certes pas toujours aux conséquences de ses actes mais… ce n’était pas pour…
- Élin, j’ai grandi avec ton père, répliqua durement Bianca. Je sais comment il est, et je sais que ce n’est pas exactement un cadeau.
À ces mots, les poings d’Élin se crispèrent, et elle se recroquevillant inconsciemment, comme pour se protéger.
- Cool ta vie, mais je ne vois pas pourquoi tu parles de mon père !
- Parce que je suis sûre que c’est son attention que tu veux attirer ! s’écria la scientifique.
Son interlocutrice resta sidérée.
- Mais enfin Élin, ça crève les yeux, à qui crois-tu mentir ? Tu as oublié que j’étais là, à chaque réveillon, à chacun de tes anniversaires parmi nous ? Je sais que Black ne parle pas. Et je vois très bien que son comportement ne te correspond pas. Tu veux qu’il change.
Élin resta réellement incapable de répondre quelques secondes, balbutia, les mots, syllabes, coincés dans sa gorge. Puis la fureur reprit le dessus, elle contrôlait à peine ses poings. Non mais de quoi elle se mêlait l’autre ? Ce n’était qu’une amie de famille, maintenant une prof, pas une confidente ! Qu’elle se contente d’enseigner au lieu de remuer les tripes de ses élèves !
- Depuis quand t’as un degré en psychologie toi ? siffla alors la jeune fille, lançant un regard meurtrier à Bianca. Depuis quand t’es impliquée dans ma vie, tes trois années à Kanto peut-être ? J’aime mon père. Et je sais qu’il m’aime. D’ailleurs j’ai rien besoin de lui prouver.
La mine de Bianca se referma, et s’assombrit. Le temps de la parole et du pardon était fini.
- J’avais juste envie de déconner et je l’ai fait, c’est tout ! Alors garde tes analyses foireuses pour toi !
Mais l’adolescente avait dépassé les bornes. Alors la scientifique répliqua, indifféremment.
- Très bien. Je t'avais déjà prévenue à Pavonnay. À la prochaine incartade, tu es virée du programme.
Élin se figea.
Bianca raccrocha.
Le reste de la journée s’écoula au Centre Pokémon, dans une ambiance oscillant entre le nerveux et le maussade. Personne ne parlait à Élin, même si Oscar en semblait peiné. Syd regardait le soleil se coucher par la fenêtre de leur chambre, sourcils froncés. Il ne touchait même pas son portable.
Et Élin, réfugiée dans son lit, avait ravalé ses larmes, mais les mots de Bianca la tuaient, elle se rappelait encore des coups de Syd, et elle n’arrivait pas à trouver la paix. Peut-être… était-ce dû à elle-même. Alors, elle se redressa. Et prit une grande inspiration.
- Les amis, je, euh… je voulais juste vous dire que je suis… enfin…
Trois regards convergèrent vers elle, implacables. Les Pokémon se levèrent pour mieux l’observer, et Baggy levait les yeux au ciel… La blonde rougit, son souffle se faisait court.
- Je suis désolée, acheva-t-elle faiblement.
Un silence lourd plana dans la petite chambre. Syd se tourna vers la fenêtre sans un mot. Oscar hésitait. Et finalement, ce fut Elsa qui prit la parole.
- T-Tu s-sais É-Élin, c’était tellement d-dangereux ce que tu a-as f-fait… eh b-bien… elle leva ses yeux bleus, vers la blonde, s’accrocha à sa figure. C-Ce serait mieux de te f-faire passer u-une période d’essai a-avant de t-te pardonner, tu ne c-crois pas ?
Ils fermèrent tous leurs yeux. Puis Syd déclara :
- Je suis d’accord avec Elsa. Je ne te pardonne pas, tu as trahi ma confiance et donc notre Pacte.
Et même Oscar… même lui, hocha de la tête.
Élin était en probation.
Ils descendirent dîner sans vraiment sentir la nourriture qu’ils engloutissaient. Elsa… elle sentait qu’elle devrait être enthousiaste… après tout elle allait être une star, tourner dans un film Pokéwood ! Mais l’idée ne faisait que la stresser. Oscar et Syd étaient ailleurs.
La bande se coucha sans se souhaiter la bonne nuit. Aussi vite qu’ils s’étaient réconciliés, ils se disputaient de nouveau, et cette fois c’était l’appartenance d’Élin au groupe qui était menacée… sauf qu’ils avaient eu la peur de leur vie, et c’était la blonde qui en était responsable. Finalement, c’était peut-être elle qui avait brisé le pacte…
Quoiqu’il en soit, demain, ils tourneraient un film au Pokéwood. Et ils avaient intérêt à assurer.
(L’impensable)
L’escalier du nouvel appartement. Tout blanc, et propre, et lumineux. L’immeuble respirait le neuf, il est beau et bien décoré, il était luxueux. Lui se sentait comme un étranger, une ombre noire.
- Rixi ?
Il avait toqué. Elle avait ouvert. Sa frimousse ronde était à moitié éclairée dans l’entrebâillement de la porte, ses cheveux roux se parant d’or.
- J’ai besoin de… j’ai besoin de rentrer…
Elle le mena à son canapé en un acquiescement inquiet, et il se lova dans les coussins rouges. Elle l’embrassa, l’embrasa, du regard. Au bout de quelque temps, elle partit faire du thé. Rixi était complètement vidé. Le soleil se couchait au delà de la fenêtre, il y avait aussi des klaxons, des cris, tout un monde en branle. Mais dans le salon rien ne bougea. Et elle, ne lui posa pas de question. Elle avait toujours été comme ça.
Le thé est posé devant lui. Il étouffa un sanglot.
- C-Carolina.
Elle sourit assez tristement, et posa ses yeux bleus sur lui, touillant son Pearl Grey. Il se releva difficilement, et tendit ses bras vers elle, attendant qu’elle les prenne, puis la serra si fort… mais il n’arriva pas à pleurer.
- Carolina.
Il trembla, ses muscles tendus, lui firent si mal, mais aucun moyen de pleurer, de se relâcher, il étouffait et brûlait à la fois…
- Rixi… souffla-t-elle, lui caressant doucement la tête, la nuque.
- I-Ils pensent que j’ai t-tué San, hoqueta-t-il.
- San ? sa voix est perdue.
… voix perdue ? Elle avait encore oublié San ? Brusquement, le seul contact avec Carolina l’écorcha, et il fut saisi de fureur, il la repoussa, il s’énerva.
- Tu as encore oublié San ? siffla-t-il d’un air dangereux tandis qu’elle le dévisageait, s’éloignant vivement de lui.
- … Non. J’essaie juste de savoir pourquoi tu es suspecté de meurtre.
M-Meurtre. Non. D’un coup Rixi fut paralysé. Une terreur, glaciale, s’insinua en lui à travers sa gorge, il inspira à grands coups. Rien que l’idée de San… rien que l’idée de San étendue à terre… morte… Rien que d’associer cette image à lui-même, à ses mains, était repoussant ! Lui – tuant – San, une combinaison de mots impensables, c’était impossible c’était…
- N-Non, balbutia-t-il, stupéfait.
La police ne l’avait pas suspecté en tant que tel, la lieutenant Varese ne l’avait pas arrêté… mais sa garde à vue s’était prolongée, mais les questions effleuraient le pire pour qu’il craque… les regards qu’on lui portait étaient étranges. Les mots discrets qu’ils entendaient à son sujet, glissé dans l’entrebâillement d’une porte, ne permettaient pas de doute : « il est fou ! ».
Carolina vint l’entourer de ses bras, encore. Il lui relata tout. La disparition, son attente. L’entretien au commissariat. Elle écouta en silence.
- Et ils disent qu-qu’elle… n’a j-jamais existé.
Toujours son silence. Rixi attendit que sa respiration se stabilise, contemplant une grand-mère étendre son linge à son balcon, dans l’immeuble d’en face. Il se sentait déjà plus fort.
- Elle n’aurait pas pu quitter le pays en avion, hein, Carol’ ?
- Pas sans passeport, confirma doucement la Championne.
Un nouveau silence plus léger. Il se sentit épuré de craintes, de soupçons qu’il n’avait jamais osé s’avouer : que San l’ait quitté volontairement. Sauf qu’à présent se posait une nouvelle question… si San n’était pas partie de son plein grès… alors, où était-elle ?
- Rixi, débuta Carolina, prudemment, détournant avec gêne ses yeux bleus. Es-tu bien sûr que… San n’a pas… une autre identité ?
Il la dévisage sans comprendre.
- Qu’est-ce que tu racontes ? et les yeux de Carol’ se parèrent d’un gris d’acier.
- Je te demande, reprit-elle avec plus d’aplomb, si San ne t’a pas menti, si elle ne t’a pas manipulé. Ne l’as-tu jamais vu avec un passeport, un permis de conduire, une carte de crédit ?
- San ne conduisait pas, répondit-il. Sans intégrer les paroles de son interlocutrice. Sans comprendre.
San ne payait jamais pour rien, non plus.
- Mais COMMENT est-ce que tu peux ne serait-ce qu’insinuer une chose pareille ? explosa-t-il d’une voix suraiguë et douloureuse. Comment tu peux dire ça ? On s’aimait merde ! On s’aimait je…
Un doute atroce le saisit, une fois la colère retombée. Le courroux pouvait repousser les questions un temps… mais ils revenaient, toujours. Ils frappaient dès le vide installé. La légèreté précédente se dissipa en un souffle acide, remplacée par une lourdeur poisseuse et puante. Sa voix s’éteint.
- Tu sais, Rixi, intervint gentiment Carolina, parfois, on tombe sur des gens un peu étranges… et ce n’est pas de notre faute…
Le soleil se couchait toujours au-delà des toits en flammes, dehors. Un ricanement amer échappa aux lèvres de Rixi, tremblant.
- Tu sais quoi Carol’… elle avait même des sortes de pouvoirs… il énonçait cette conviction, qu’il n’avait jamais explicitée auparavant, d’un air songeur. Mais Carolina à ses côtés se ferma immédiatement.
- Rixi.
Il se tendit.
- Tu m’crois pas. Cette fois son ricanement était plus fort… plus acide… plus méchant. Tu m’crois même pas. Après toutes ces leçons sur la liberté et l’ouverture d’esprit, tu ne me crois même pas ! Mais quelle hypocrite !
Rixi se leva, il n’en pouvait plus, toute sa colère revenait et il sentait, il sentait qu’elle blessait Carolina, alors il tenta de la passer en faisant les cent pas et frappant un poing douloureux contre la vitre, mais rien à faire la fureur était écrasante, en ébullition, elle ne voulait pas partir elle brûlait !
- Elle est passé OÙ la Carolina que j’ai CONNU ? Depuis quand t’as autant, t’as autant CHANGÉ HEIN ? HEIN ?
- Depuis que je grandis, siffla la réponse de la championne, dure et implacable.
Elle se leva, lui attrapa le bras d’une poigne d’acier, et le poussa vers la porte. Ses yeux, étaient cernés, il remarqua pour la première fois qu’elle était maquillée, coiffée, en tenue de soirée, une longue robe brillante… sans doute attendait-elle Thomas. Celui qui l’avait remplacé.
- Si tu veux savoir elle est meilleure au pieu que toi ! cracha-t-il violemment mais elle poussa dehors et eut l’air le moins affecté au monde.
- Rixi, je commence à douter l’existence de ta « San ».
Et elle claqua la porte.
Il s’écroula.
Non, San n’était pas meilleure au pieu, en plus… un hoquet. Mais il l’aimait. Pourquoi était-elle partie, alors qu’il l’aimait ? Il allait même la demander en mariage quand… q-quand elle avait disparu…
- J… j’te retrouverai hein…
Oh oui il... Il allait partir à sa recherche…
(Notre petite famille)
Strykna leva les yeux au ciel.
Si par miracle cet ensemble n’était pas le plus ridicule qu’Inezia ait jamais porté, il s’en rapprochait. La mannequine était engoncée dans un nuage de fourrure jaune criard dont le seul mérite était de cacher un peu de ses seins, et le… corset ? maillot ? en dessous laissait voir beaucoup plus de ses entrejambes que devrait considéré décent. Évidemment, le logo du designer était joliment mis en évidence sur son bas ventre. Pour ne pas dire le haut de sa chatte.
Comme d’habitude, la dresseuse semblait ignorer son ridicule.
Strykna avait amené Artie dans la salle de cinéma de son immense appartement. Un des privilèges qui venait avec le statut de champion d’arène. Zhu n’était pas venu. Depuis qu’il n’était plus champion, il était complètement à la dérive, occupée avec des femmes, des hommes anonymes, qu’il enchaînait.
- Bien. Nous sommes tous connectés, intervint une voix douce et distinguée.
La totalité des champions présents, par vidéo-conférence ou non, se tournèrent vers Watson, visage pensif étiré sur un écran plasma. Ils se figèrent, le temps d’un instant solennel. Artie cessa abruptement de la taquiner au sujet de ses futurs challengers. Strykna haussa les épaules.
- Je maintiens qu’après cette shitty journée, on aurait dû reporter la réunion.
- Il y a des choses plus importantes que ton confort, Stryk. Ou le notre.
La rockeuse, agacée, haussa ses sourcils et envoya un sourire acide au collègue qui avait parlé. Tcheren.
- Un jour tu cesseras de te leurrer, T’chérie. En attendant… fais-moi plaisir… utilise ta bouche à de meilleures fins… Elle se lécha les lèvres d’une manière suggestive, ce qui arracha un frisson et des bégaiements précipités du champion de Pavonnay.
La plupart des dresseurs présents éclatèrent de rire, ce qui ne fit qu’accroître l’embarras de Tcheren ! Le jeune homme était connu et reconnu comme le plus prude des champions d’Unys, et malheureusement pour lui, Strykna, Amana et Artie ne cessaient de le taquiner à ce sujet. Particulièrement quand la conversation portait sur White.
- En plus, c’est ta nièce qui a pourri notre après-midi, balança Strykna d’un air terriblement désolé.
- C’est vrai ! lança Pap’ Bardane avec un large sourire. J’ai vu ça à la télosh ! C’est quoi qu’cette catastrophe ?
- Hein ? ÉLIN ? … mais c’est pas ma nièce ! s’étrangla Tcheren de son côté.
- Bah dis-donc, y en a qui sont jamais au courant de rien… nota indifféremment la championne d’Ondes-sur-mer.
Elle était sur le point de leur narrer la journée, rien que pour abréger les souffrances et l’inquiétude du pauvre T’chérie, mais une main délicate se posa sur ses épaules. Artie, l’apollon de service, lui lança un regard faussement désapprobateur qu’elle reçu les yeux au ciel, et fit une proposition simple.
- Je raconte.
Tout compte fait, ce n’était peut-être pas une proposition.
Le champion de Volucité leur fit un sourire charmant, puis se lança avec énergie dans un compte-rendu de leur journée, la rendant bizarrement beaucoup plus magique qu’elle ne l’avait réellement été. Strykna voulu intervenir à coup de commentaires cyniques, rien que pour la forme, mais Artie ne la laissait pas faire, allant jusqu’à la bâillonner de sa fine main. Elle le mordit, bouda, et se résolu à observer ses autres collègues.
Comme Carolina et Amana. Très intéressants. La rousse criait à son plus récent petit-copain de ne pas l’attendre pour dîner. Amana souriait. Et souriait. Il était assez mignon pour que la plupart des fangirls lui courent après, mais côté neurones, ça manquait quelque peu de synapses.
- … et finalement on attend de voir ce que leur représentation donnera, conclu Artie. Elle va être rendue publique dans quelques jours.
Strykna le pointa d’un pouce railleur.
- Il va jouer dedans. Et il ne connait même pas son rôle.
- Oh, mais mon talent inné me permettra en un battement de cil de balayer ce problème… rétorqua Artie avec une moue de diva.
- Mais à chaque fois que tu ne connais pas ton texte, ils te mettent torse-nu… s’inquiéta soudainement Carolina, par écran interposé.
Pour toute réponse, Artie prit une pose provocatrice.
- Je protègerai ta pudeur Caro, je te le jure : tu ne verras rien en dessous de la ceinture !
Yeah, pour une fois.
Nouvel éclat de rire dans l’assemblée, aux nuances nerveuses et railleuses. L’air de Carolina semblait dire qu’elle ne s’inquiétait pas pour sa propre pudeur, mais celle d’Artie. Amana demanda pourquoi vivre torse-nu posait problème… Puis, Watson, qui avait souffert ces digressions en silence, reprit la parole.
- Mes chers collègues, nous devons nous pencher sur le cas de la Team Plasma.
Silence. Après quelques regards inquiets échangés entre complices et amis, chacun reporta son attention sur Pap’ Bardane, sensé avoir le plus d’informations. Carolina, Amana, et même Inezia, réajustèrent leur webcam et observèrent silencieusement le représentant de Port Yoneuve. Artie se pencha vers les écrans, tandis que Strykna haussait indifféremment les sourcils.
- … Euh, ouais, lâcha Bardane, gêné par l’attention soudaine. Bon. J’ai point grand chose comme info hein, ni ‘cune piste ! Tout simplement… l’Refuge Pokémon – géré par les restes d’Plasma – a disparu.
- Une bombe ? Ou une attaque de Pokémon ? suggéra Artie, fronçant les sourcils.
- Non, répliqua fermement Bardane. Y a aucune trace de lutte. On d’rait qu’le bâtiment a été effacé ‘vec un coup d’gomme !
Comme à chaque fois que l’anxiété le prenait, l’accent de Bardane colorait fortement ses paroles. Au point que T’chérie, la quiche du lot, lui demanda de répéter. Cette fois en revanche, Pap’ Bardane ajouta un détail dérangeant…
- Les Pok’mons Psy de Priscilla ont détecté aucune attaque Téléport, ou quoiqu’soit dans la même veine. Le R’fuge a vraiment juste disparu…
- Hm… pourtant, ce n’est pas possible, intervint Watson, caressant sa barbe. On ne peut disparaître, per se, il faut utiliser un Pokémon, ou de la technologie humaine…
Le visage carré de Bardane s’assombrit.
- Écoute Watson, si tu m’crois pas, viens sur place. Tu trouv’ras rien.
Un silence gêné plana parmi l’assistance. Strykna ne savait que faire de la discussion. Elle n’était championne que depuis quelques années, avait pris ses fonctions après la dissolution de la Team Plasma. Une prise de parole risquait de la faire passer pour aussi conne qu’Amana.
- C’est curieux, intervint T’chérie.
Non, sans blague.
- … dont Élineera Hei, ont affronté la Team Plasma au Ranch Amaillide, et m’ont conté le même phénomène. Les sbires ont tout simplement disparu. Du coup, les enfants ont conclu à une attaque Téléport, mais à la lumière de ce que dit Pap’ Bardane…
- Je suis pas ton Pap’, jeune Ponchiot, grommela Bardane avec mauvaise foi.
- D’accord, t’es pas mon Pap’, rétorqua une T’chérie irritée. Artie pouffa, puis lança :
- Roh arrête, t’es le Pap’ de tout le monde…
Et le sourire de Bardane fut l’aveu même qu’il appréciait ce statut. Les champions étaient en réalité une petite famille farouche. Du côté des petit-frères, on retrouvait Amana le sot et Tcheren le chiant. La catégorie féminine featured Strykna l’infernale (selon les mots d’Artie « la petite-sœur que personne ne voudrait avoir ») ; le champion de Volucité jouait le grand-frère génial et frivole. Puis venaient Caro, gentille et perpétuellement embourbée dans un marasme amoureux, et Inezia la shootée – jumelles sans l’avouer, elles étaient entrée en fonction la même année. Enfin, Pap’ Bardane et Watson, le grand-père brillant et cultivé. Le côté famille rapportée comportait Aloé la tatie à temps partiel, Zhu l’oncle chelou, et les triplés gays. En réalité, seul Rachid l’était, mais on continuait de les appeler ainsi parce que cela enrageait Armando.
… Strykna pensait que cette histoire de famille était de la merde, à part pour l’histoire des cousins gays. Artie adorait le concept.
- … peu importe qui est Pap’ de qui, continua T’chérie. La disparition est quand même inquiétante ! Cela veut dire… soit que l’on a à faire avec une toute nouvelle attaque, ou une toute nouvelle technologie, soit…
- Reshiram, Zekrom ou Kyurem ont quelque chose à voir là-dedans… souffla Carolina, angoissée.
Ouais, bon ça va, pas la peine d’en pleurer.
- Très peu probable, la tempéra Watson. Je n’ai constaté aucune activité des Légendes. Pourtant je lance des scans toutes les semaines, dans lesquels la Professeure Oryse a incorporé les dernières avancées de Nikolaï…
Depuis la chute de la Néo Team Plasma, Watson et une équipe de scientifiques en fouillaient tous les repères connus. Iris les aidait régulièrement, malgré ses fonctions de Maîtresse de Ligue. L’année dernière, l’équipe avait découvert avec surprise des ordinateurs et documents encore intacts dans un laboratoire au sud d’Unys : P2. Le lieu avait été vidé et abandonné, entre parenthèses parce qu’il y blanchissaient les os d’une petite fille qui ne figurait pas sur le Registre d’État Civil.
- Mouais. T’es cent pour cent sûr qu’tes machins marchent bin ? souffla Pap’, fixant son ordinateur d’un air mauvais.
Contrairement à son mari Linden, il détestait tout ce qui se rapportait de près ou de loin à l’électronique. Watson et Tcheren étaient quant à eux fascinés. Particulièrement par les travaux de Nikolaï.
Et Strykna s’en foutait.
- Yeah, cool, lança-t-elle à l’assemblée, avant que Watson ne se lance dans un exposé trop exhaustif sur les superscans. Bref, on a un refuge disparu et des guignols Plasma en liberté, en gros, la Plasma revient une troisième fois.
Ils digérèrent cette information, fermèrent les yeux. Oui, c’était maintenant officiel.
- Vous voulez faire quoi ?
À nouveau un silence s’installa. Strykna choisit de fermer sa gueule à partir de ce moment. Elle n’y connaissait rien en sécurité, et d’ailleurs n’y avait même jamais réfléchit. En fait avant de devenir championne par la force des choses, le poste se résumait dans son esprit à taper le plus fort possible. Puis elle avait apprit à éduquer ses challengers en toute finesse, et à collaborer avec les forces policières et administratives. Tout un parcours.
- Déjà, on ne révèle rien au grand public avant d’avoir des avancées concrètes, déclara fermement Tcheren. Sinon, ce sera la panique généralisée, et les Plasma seront deux fois plus prudents… comme on dit, un Sbire averti en vaut deux.
- Je suis d’accord, l’appuya Watson, se caressa la barbe.
Chacun vota pour cette motion, levant la main à travers les Webcams. Puis on parla de la marche à suivre pour réaliser ces « avancées concrètes », mais les Champions hésitaient.
Amana sourit.
- On pourrait lancer une chasse à l’homme !
- Ça ne marcherait pas, siffla une voix acide, fatiguée.
Ils se tournèrent tous vers Inezia, les yeux écarquillés. L’expression de la championne n’indiquait en rien qu’elle avait parlé, figée dans une indifférence lointaine. Les champions choisirent tacitement de ne pas commenter.
- Je penche plutôt pour des scans de tous leurs repères, indiqua Artie. Et des maquis d’Unys, comme le Mt Foré, et cetera.
- Eh, oublie pas Volucité, c’t’un patelin immense aussi très pratique pour s’cacher, lui rappela Bardane.
- Dans ce cas il faut que je resserre les contrôles de l’aéroport… soupira Caro. Tu devrais faire de même pour le Métro Combat, Inez’. En fait, il faudrait scanner toutes les villes…
- Je ne suis pas convaincu.
Oh, quelle surprise.
L’assemblée se pencha vers Tcheren, attentive.
- La Neo Plasma nous a prouvé que la Team était très bien capable de se réinventer, je doute qu’elle revienne dans ses anciens repères. Le plus judicieux serait d’abord de vérifier si la totalité de l’organisation a repris de l’activité. A-t-on affaire à un vieux sage en quête de vengeance ? Ou deux, ou trois ?
Son regard brun les balaya vivement ; il se mordit la lèvre, ravalant la suite de ses paroles. Pas besoin de continuer. Artie prit la relève.
- Tu penses que Ghetis est dans le coup.
- … Non, admit Tcheren. Je ne suis pas sûr.
Bah merde alors. T’chérie était pourtant leur spécialiste national de la Team Plasma… Il l’avait affronté alors qu’il n’était pas plus haut que trois pommes, même si Black et White avaient fait le gros du boulot, selon les rumeurs… Si quelqu’un devrait être capable de percer leurs tactiques à jour, c’était lui.
Ou pas, apparemment.
Les mains de Watson, visible à l’écran, se crispèrent, et il prit une mine ombrageuse.
- Je n’ai toujours pas retrouvé le Trio des Ombres. Eux seuls connaissent la cachette de Ghetis.
- Shit, commenta Strykna. On la fixa. Elle sifflota.
Puis Tcheren pris une grande inspiration.
- Je pense que trouver Ghetis devrait être notre priorité. Ou au moins Nikolaï.
- Vindiou c’est vrai tiens, c’connard existe… grommela Bardane.
- C’est essentiellement lancer une chasse à l’homme, ce que tu proposes… souffla Artie avec une moue embêtée. Pourtant, nous ne sommes même pas sûrs que ces hommes soient à Unys ! Cela va prendre des années au mieux pour obtenir la moindre piste !
- Wah, quel pessimisme, s’étonna Strykna. Son ami prit immédiatement une mine sombre.
- Tu ne les as pas connu, Stryk’. Et c’est tant mieux pour toi, mais il faut que tu te rendes compte, c’était… vraiment l’horreur. Ils ne faisaient pas que… voler des Pokémon, ou verser dans le crime habituel, il y avait aussi…
Ses mots s’éteignirent dans sa gorge. Les plus vieux Champions se taisaient, eux aussi, Strykna avait beau les chercher du regard, ils baissaient la tête. Finalement, elle se sentit assez énervée pour leur cracher :
- Ok, merci pour la solidarité ! Je vous rappelle qu’Amana et moi, on a aussi besoin de savoir où on va si on veut remplir nos fonctions correctement ! Alors trouvez-vous des couilles et expliquez-nous !
- La Team Plasma menait des expériences sur les Humains et les Pokémon. C’était une des raisons pour lesquelles ils souhaitaient mettre la main sur le Pointeau ADN.
Strykna n’était pas idiote. Elle prit seulement quelques secondes pour comprendre.
- Ils… fusionnaient les deux ? Mais c’est dégueulasse…
- Il y a eu de nombreux cas d’enlèvements, expliqua Carolina d’une petite voix. Auprès des familles plus fortunées, notamment…
- On se demande toujours si N était réellement humain, d’ailleurs, souffla Tcheren.
- … témoignages de White…
Inezia était de nouveau intervenue, de sa frêle voix. Et Strykna ne savait pas à quoi elle référait. Ça l’agaçait, mais elle était occupée à digérer l’information à comprendre exactement ce qu’avait été la Team Plasma… une abomination.
La fin de leur entretient se profilait.
- Notre priorité est donc la chasse à l’homme, résuma Watson. Qui vote pour ?
Tcheren. Strykna. Inezia. Bardane. Carolina. Amana. Seuls Artie et Watson s’abstinrent, échangeant un regard impénétrable aux autres champions.
- Bien.
Ils se dispersèrent, chacun éteignant son écran. La coordination entre les villes se mettrait en place grâce à la police. Leur rôle était fini.
Dès que Skype fut coupé, Artie se releva, et sorti de la pièce. Il se colla à la baie vitrée du salon, Strykna à la traîne, observant Ondes-sur-mer de ses yeux malins, jugeant la ville. Strykna se doutait qu’il y cherchait des cachettes potentielles de la Team, des points faibles. Elle savait aussi qu’il n’y trouverait rien. Elle avait assez d’indics’ pour savoir ce qui se passait dans son domaine.
- J’imagine qu’après ça, tu veux plus sortir ce soir, lança-t-elle avec une moue faussement irritée.
- Bravo Na-Na, tu me connais de fond en comble… rit-il doucement.
- Sois mignon et ne m’appelle pas comme ça.
- Malhonnête ! Je suis mignon en toutes circonstances !
- Pff.
Elle se vautra dans le canapé du salon, l’observant de loin, et se congratulant intérieurement d’aimer les filles. Son père avait eu du mal à l’accepter, ce con d’Capitaine, mais au moins Strykna n’était nullement attirée par Artie, qui faisait soupirer la totalité de la gente féminine et hétérosexuelle à travers Unys. Sans oublier les mecs homo. Et les gens qui sautaient tout ce qui passait comme Zhu. Bref.
- Bah si tu veux, on se fait de la bouffe from Johto et on reste à l’appart’, proposa-t-elle d’un ton indifférent.
- Oh oui ! s’exclama le Champion avec une voix de petit gamin, en un éclair à ses genoux et la fixant avec des yeux étincelants. Mangeons sur le canapé et regardons Plus Pokémon la vie !
- Rah mais non, c’est de la shit cette série !
Il sembla détruit par ses paroles. Mais se reprit bien vite.
- Mais non, mais non, c’est génial ! Allez, exauce la dernier vœu d’un jeune homme galant et mourant, qui demain rentre à Volucité affronter tout son travail en retard…
- Oh oui, il ne faudrait pas que le Chacripan d’une vieille mamie meure de déshydratation coincé dans un arbre… ricana Strykna, levant les yeux au ciel.
- Qu’est-ce que tu racontes ? Il n’y pas d’arbre à Volucité !
- … tu affirmes l’exact opposé à qui veut l’entendre à longueur de journée.
- Ah, mais c’est parce que je parle de notre Parc, expliqua-t-il avec fierté.
… Strykna se leva, le repoussa, et alluma l’écran plasma – tiens tiens, Plasma encore… euh mauvais jeu de mot –, lui tendant la télécommande.
- Je sens que je vais regretter cette décision.
Oui, elle allait regretter cette décision. Et pas que. Dans les prochains jours, les champions feraient face aux conséquences de leur vote. Et peut-être que Strykna ne serait pas entièrement seule à le maudire.
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Dernière édition par Icejj le Lun 24 Aoû 2015 05:00; édité 3 fois
Posté le: Lun 29 Juin 2015 08:28 Sujet du message: [fanfic] Échos Infinis
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Aha et me revoilà avec, croyez-moi, du retard... Épisode 12 : Pokéwood !
Spoiler
(De nouvelles tensions)
Oscar tenta bien de parler à Élin. Mais elle l’ignora superbement, boudant simplement, refusant de sortir de son lit jusqu’au dernier moment… En probation, c’est ça. Elle leur en foutrait de la probation.
Les autres adolescents se préparaient et mangèrent le peu de barres céréalières qu’il leur restait en guise de petit déjeuner, pas d’humeur à blaguer. Elsa se sentait si coupable d’avoir suggéré cette « amitié conditionnelle »… cela semblait une trahison à leur pacte, une insulte aux secrets qu’ils s’étaient confiés alors.
« Ma mère est morte. »
Bizarrement, c’est l’aveu d’Elsa qui avait été le moins douloureux, il y avait longtemps, qu’elle avait accepté ce fait… Six ans qu’elle vivait sans sa mère, plusieurs années déjà que la plaie s’était refermée, que la jeune fille ne ressentait plus l’absence. Dans la famille, son père seul vivait encore avec sa femme, lui parlait tout les jours. Elsa ne gardait en souvenirs, que les mots parfois si durs de sa mère, ses ambitions, ses remarques trop sarcastiques pour qu’une enfant effrayée les prenne au second degré. Seuls résonnaient les échos de ces phrases inappropriées, sonnant toujours si vraies à ses oreilles d’adolescente.
Syd se fichait totalement de l’état mental d’Élin. Elle avait bien mérité d’être sur la sellette quelques jours, ce n’était tout de façon pas comme s’ils allaient réellement la virer du groupe. Il fallait simplement qu’elle redescende de son nuage ! Aussi, il quitta sans problème la chambre qu’ils avaient pris au Centre Pokémon d’Ondes-sur-mer pour passer un appel à sa famille, après avoir vérifié qu’il leur restait deux bonnes heures avant le début du tournage.
Rah et puis merde, le tournage ! Qui avait jamais dit que Syd avait envie de tourner un film ! Encore une merde de la faute d’Élin ! Sauf que les répétitions allaient lui permettre de rencontrer Artie, Zhu, Strykna et Anis du Conseil Quatre. Syd, dans sa digne colère, préféra oublier ce détail.
Quand il appela, ce fut sa tante Aloé qui lui répondit.
Syd se figea. Avec l’affaire d’Élin, il avait complètement oublié que c’était le jour de visite de sa tante !
- Eh bien, on ne t’avait pas éduqué à détruire des propriété publique, neveu, déclara l’ex-Championne avec un amusement sec. Cela va encore coûter cher au contribuable.
Il ne su trouver les mots. Oui, pendant quelques secondes il ne pu qu’observer sa tête, pantois, son afro retenue par un fichu de la même couleur électrique que ses prunelles intelligentes, son air affectueusement moqueur.
- C-C’est pas d’ma faute, bafouilla-t-il finalement, virant au cramoisi malgré sa peau sombre. Y a une fille qui s’appelle Élin dans notre groupe, une vraie furie, elle m’a assommé puis conduit jusqu’au Pokéwood en barque et… Mais en fait elle est sympa parfois. Enfin là elle a vraiment merdé !
Syd lui raconta tout en détails confus, oubliant sa colère, s’ouvrant avec un sourire réticent. Les détails des derniers jours se mêlaient confusément dans son récit, lui habituellement si clair et si logique, se perdait dans les détails de ses colères et de ses découvertes, des tricheries d’Élin et de sa fierté envers ses Pokémon. Il parla à sa tante d’Oscar, d’Elsa ; mais Aloé pu constater que le prénom qui revenait le plus souvent aux lèvres de son neuveu, était bien celui de la fille de Black…
Surtout, l’archéologue pu constater avec étonnement, à quel point son neveu avait évolué. Lui qui n’avait jamais fait confiance à des personnes extérieures à la famille, lui qui était resté solitaire toute son enfance, parfois méchant envers les enfants de son âge dans le seul but de rester tranquille, voilà qu’il se faisait des amis et leur confiait des secrets ! Tout cela en une semaine alors que sa mère avait cherché un remède à cette attitude toute son enfance ! Décidemment, Aloé aimerait bien connaître plus en détail cette Élin, qu’elle n’avait aperçu qu’une fois à la commémoration des victimes de la Team Plasma, alors qu’elle n’avait que huit ans… La gamine semblait avoir des effets magiques sur son neveu.
- Et de ton côté, le travail avance ? s’enquit Syd quand il eut fini son récit, essoufflé, arborant un sourire rêveur.
- Très bien, mais on a interrompu les fouilles pendant quelques jours, car Tcheren nous a envoyé une découverte inquiétante de White.
Rapidement, Aloé lui décrit les Pokéball, expliquant qu’ils n’avaient trouvé aucune Pokéball semblables dans l’histoire des Régions et de la Fédération Ranger malgré leurs recherches. Aussi, elles ne portaient pas d’immatriculation, et semblaient faites de métaux étranges… mais surtout elles portaient le logo de l’Ancienne Team Plasma.
- J’appellerai Tcheren bientôt pour lui parler de tout cela, et m’excuser de n’avoir rien trouvé de plus. J’en suis désolée, mais l’utilité de ces Balls m’échappe.
Le regard bleu électrique de sa tante s’assombrit soudainement. Syd se tendit, une main se crispant sur les bords de son pantalon en toile, observant les sourcils de sa tante se froncer…
- Mais à propos de la Team Plasma, raconte-moi en détail l’attaque du Ranch d’Amaillide. Je n’en ai seulement entendu parler par ta famille et à peine par les Champions.
Ah… Syd inspira.
- Tout a commencé peu avant qu’on arrive sur place. Quatre Sbires avaient volé une portée de Ponchiot parce qu’ils possédaient une Capacité Spéciale du Monde des Rêves…
Il décrivit tout du mieux qu’il pu, s’arrêtant parfois sur l’enchaînement exact de leur contre-offensive, maintenant légèrement confus dans son esprit – tant de choses étaient arrivées depuis ! Surtout, il expliqua à sa tante ce qui avait le plus intéressé Tcheren et Goyah : les Sbires portaient l’uniforme de l’Ancienne Team Plasma, et surtout, ils semblaient très surpris de savoir que l’ATP avait cessé ses activités. Un peu comme s’ils venaient d’une autre époque et avaient fait un voyage temporel par accident !
Aloé fronça de nombreuses fois ses fins sourcils, lui posa de nombreuses questions. L’archéologue avait été Championne pendant des années, et avait servi la Nation durant la première constitution de la Team. Ses instincts étaient déguisés et elle décelait chaque hésitation, chaque instant de confusion dans la voix de Syd. C’était elle qui l’avait poussé à être si calme, si logique, et l’élève n’avait pas encore dépassé la maîtresse.
Quand ils épuisèrent le sujet, Aloé en vint au point le plus sensible, le sujet que Syd souhaitait le plus au monde ne pas aborder. Ce qu’il regrettait d’avoir parlé de son projet à sa tante, quand il était encore jeune et hésitant…
- Où en est ta recherche du remède ?
Son plan. Merde…
- Pour l’instant je me concentre sur le voyage initiatique, répondit-il calmement. Une seule hésitation, et Aloé comprendrait que quelque chose clochait.
- Je t’avais prévenu que ce ne serait pas facile, lui rappela sérieusement l’archéologue.
- Je me renseignerai auprès de docteurs à Volucité, c’est la première étape du plan, lui mentit Syd avec un air de détermination, et il espérait, d’innocence.
Si Élin avait pu le regarder à cet instant, elle aurait pouffé tant l’expression du dresseur, habituellement si fermée, avait l’air idiote ! Mais elle boudait dans sa chambre… en probation.
- Nous leur avons déjà parlé, s’irrita Aloé. Nous avons fait tous les docteurs du pays, tu perds ton temps et tu te fais de faux espoirs. On ne guérit pas du syndrome d’enfermement, point.
- Tant que je ne donne pas de faux espoirs à Otis lui-même, je ne vois pas le problème, grinça Syd en réponse, son expression se rembrunissait tout à coup.
Les Park se fixèrent dangereusement pendant quelques secondes. Le cœur de Syd battit follement quand il repensa aux sujets qu’ils avaient enchaînés : Plasma – Recherche du Remède, sans que sa tante ne tilt, sans qu’elle ne s’affole, qu’elle le fasse traîner pieds et poings liés jusqu’à Maillard pour ne plus jamais en repartir.
Syd avançait en équilibre sur un fil si ténu. Si dangereux. Si mortel.
Mais sa tante ne fit que raccrocher avec un hochement de tête et un « on se parlera bientôt », sans rien suspecter, sans rien déceler. Syd soupira avec un soulagement fou, sentant chaque muscle de son corps se détendre soudainement, ses membres trembler douloureusement.
Pas de problème. Pas de problème. Il était encore dans la course.
Pour combien de temps ?
(Practice makes perfect!)
- Vous ? Jouer au Pokéwood ?
La gardienne haussa un sourcil désabusé, balayant du regard les quatre adolescents mal réveillés qui se tenait devant elle. Ils tentaient de rentrer par les loges des acteurs. Non mais… la jeune génération se croyait vraiment tout permis…
- Eh bien, voyez-vous donc cela, s’étonna Gruikui, aux côtés de Riolu. Nos dresseurs ne sont pas attendus.
- Doit y avoir un erreur, répondit la chienne bleu, haussant les épaules.
Ils patientaient à quelques mètres de leurs dresseurs, mâchonnant des baies Pecha à l’ombre d’un buisson. L’herbe sous leurs muscles fatigués était fraîche, humide et agréable… la journée s’annonçait magnifique… au loin des Poichigeon roucoulaient…
- J’ai faim, dit Riolu.
- Hm.
Après quelques minutes de politesses et négociations, Syd convainquit la gardienne d’appeler sa supérieure. Qui, confuse et surprise, appela à son tour Anis. Le cœur des adolescents battait la chamade tandis qu’ils attendaient la dresseuse de légende, du Conseil Souverain d’Unys.
Elle vint à leur rencontre avec un sourire léger, clairement ailleurs, pensées sans doute perdues au beau milieu du scénario qu’ils allaient jouer… aussi, elle ne leur dit même pas bonjour, les scrutant simplement, hochant de la tête avec satisfaction. Mais au moins elle les fit entrer.
- Vous devriez… esquissa-t-elle tandis qu’ils traversaient des couloirs élégants au pas de charge.
- Nous devrions ? s’enquit Syd, arquant un sourcil.
- Vos Pokémon… pour la journée, compléta l’adulte avec un geste vague de la main. On va vous en prêter d’autres…
Ce fut à Oscar, atypiquement silencieux depuis qu’il s’était fait violemment repoussé par Élin ce matin, de s’étonner et sortir de son mutisme.
- Pour le film ? Vous voulez dire faire sortir nos Pokémon ? Mais hein, attendez… ils vont pas déranger le staff du Pokéwood ? Ou la sécurité ?
- Observer… expliqua Anis. Ils peuvent…
Les adolescents échangèrent des regards hésitants… puis Gruikui et Riolu, trottinant derrière les dresseurs, furent rejoint par le reste de la troupe. Sauf Baggy et Lucky, car Élin arborait une expression orageuse et ne les avait pas sortis, ignorant complètement Anis. En probation, elle leur en foutrait…
- Eh bien, l’ambiance s’annonce tendue, déclara Gruikui.
- Ah bon bon bon bon bon ? s’écria Jeans, sautillant devant lui, les yeux écarquillés.
Le cochon de feu rassembla tout son courage et affronta son regard déluré.
- Il me semble. Voulez-vous que je vous explique où nous nous trouvons ? Ce lieu se nomme le Pokéwood…
- J’ai faim, déclara Riolu.
Bientôt, la bande déboucha dans une immense salle aux murs verts, entièrement vierge de meubles ou d’accessoires. Plusieurs techniciens s’affairaient avec des spots de lumière et des costumes, rectifiant ci ou ça avec le plus grand professionnalisme. Au centre de la pièce, trois hommes vêtus d’étranges combinaisons vertes et trop… moulantes… attendaient patiemment. Gruikui déduit au fil de la conversation qu’ils se nommaient Artie, Zhu et Capitaine.
- Au fait… débuta ce-dernier, gêné. Ma fille vous fait dire qu’elle refuse de vous affronter si le film n’est pas un succès.
Cette nouvelle fut accueillie dans un silence de plomb par les adolescents.
- Oh, mais point de souci, je suis sûr que le spectacle sera un succès ! assura un Artie souriant.
Personne ne retrouva sa bonne humeur.
- Messieurs-dames, vous pouvez à présent vous changer.
Le groupe se tourna vers une technicienne aux traits sévères, qui tendaient quatre costumes identiques à ceux des adultes – trop verts, trop moulants – aux adolescents. Syd, Oscar, et Elsa dissimulèrent tant bien que mal leurs grimaces sous des remerciements. Le regard d’Élin resta noir et meurtrier. Finalement, ils furent conduits vers des cabines d’essayages.
Anis sourit.
- Pokémon, vous pouvez… et elle leur indiqua une rangée de siège et de coussins, à l’autre bout de la salle.
- Elle veut dire que vous pouvez vous y installer, très chers, expliqua Artie. Je m’excuse de sa part – une fois que l’inspiration la saisit, elle est dans la lune, plongée dans la… ah, la Dimension de l’Artiste !
- Voyons… Champion Artie… répliqua Anis, sourcils froncés.
Ils se lancèrent aussitôt dans une discussion enflammée sur le processus de création artistique. Pour le champion de Volucité, l’inspiration le foudroyait, puis s’envolait aussitôt ! La dresseuse du Conseil Quatre, quant à elle, était impliquée dans un processus long, lancinant, qui la possédait par vagues… tantôt elle était fatiguée, plongée dans une réflexion poussée, tantôt hyperactive, comme prise dans un match Pokémon, saisie par une foule de mots et d’émotions.
À la grande déception de Gruikui, qui écoutait le dialogue avec un intérêt, Capitaine les mena à leur endroit désigné et les y laissa avec consigne de ne pas déranger les techniciens. Ils ne pourraient sortir de leur enclos que pendant les pauses.
- Hm… bailla Riolu. Mais c’est de la ségrégation ou quoi ?
- Non, répondit Gruikui, je pense que le staff requerrait aussi des humains spectateurs de rester à la marge.
Bientôt, leurs dresseurs sortirent des cabines. Riolu s’esclaffa. Gruikui évita de poser sur regard sur Syd, assez gêné. Ce costume… était réellement… trop moulant.
Les Pokémon observèrent les acteurs, s’endormant un peu, tenant des discussions décousues. Au loin, les humains étaient plongés dans de vives discussions, et la tête d’Élin devenait progressivement de plus en plus terrifiante. Elle semblait exiger quelque chose, et insister, mais Syd la remettait à sa place. Finalement, elle lui tourna le dos, et on la força à répéter quelques scènes, ce qu’elle semblait faire sans passion.
Voici la manière dont se déroulait la répétition : Anis donnait des ordres aux acteurs avec de grands gestes, et leur fournissait quelques explications. Si leurs jeux et positions ne la satisfaisaient pas, elle soupirait, sinon, elle se taisait. Artie et Elsa semblaient jour des rôles de premiers plans. Oscar et Capitaine étaient apparemment dans l’équipe d’Artie. Syd et Zhu s’opposaient régulièrement à eux. Élin se faisait souvent repousser par divers acteurs.
Et les Pokémon s’ennuyaient.
- Je me demande bien quel est le scénario de leur film… soupira Gruikui étirant ses pattes une à une.
- J’ai faim.
- P-Peut-être un film m-médiéval… O-On vient de leur p-prêter un Drakkarmin… spécula Amaryllis.
- Oh Oh Oh Artie monte dessus ! s’enthousiasma Jeans. Il est trop coool Artie !
- Ah ? s’étonna Gruikui, qui trouvait pourtant le vécu artistique assez simpliste, et se trouvait plutôt d’accord avec Anis. Vous trouvez ?
- Bah bah ouiii il est beauuu.
Le cochon grouina d’un air confus.
- Je parie que c’est un film où il faut sauver la princesse, ricana Riolu. Et qu’Elsa sera la princesse.
- Hm, il est vrai que le staff l’a emmenée à l’autre bout de la salle…
- Et regarde, ils filment Artie en vol sur Drakkarmin.
- Mais le Prince Charmant n’est-il pas supposé défaire le Dragon ? se demanda Gruikui. Ici, Artie le chevauche, c’est assez contradictoire.
- P-Peut-être qu-qu’Anis vise une fin é-étrange… suggéra Amaryllis. Ma dresseuse m’en a p-parlé.
- Ah oui oui oui oui, étraaange !
Et ils spéculèrent.
[…]
De leur côté, les humains finissaient une scène assez ardue. Elsa soufflait, fermant les yeux, tentant de s’oublier, de dissoudre cette nervosité qui la lançait dans des tremblements maladroits… Même derrière ses paupières, le verre fluo de la salle agressait ses rétines. Elle ne pouvait oublier le décor.
La jeune fille se tint immobile, en équilibre léger, sur la pointe des pieds. Perdue dans la chaleur de la salle.
- Tu sais, tu joues hyper bien… t’es transformée à l’écran !
AH ! Brutalement sa concentration s’évanouit, elle tituba en avant et manqua de s’écraser par terre mais on la rattrapa ! Elle fit volteface, sa main enfouie dans une poigne chaleureuse, et rencontra des prunelles vertes. Claires et délavées.
Ce n’était pas Artie mais Oscar.
- Ça va ? s’inquiéta le beau gosse à la queue-de-cheval, l’aidant doucement à se redresser.
- O-Oui, répondit-elle, essoufflée. T-Tu m’as juste fait un peu peur.
- Pardon, répondit son ami, baissant un regard désolé. Je croyais que tu m’avais entendu.
- C’est p-pas de ta faute.
Ensemble, ils observèrent la salle verte, si vaste. Les techniciens leur avaient demandé une pose pour corriger l’éclairage. Élin boudait dans un coin. Syd discutait avec Capitaine. Anis et Artie débattaient.
- Elle est un peu bizarre, la membre du Conseil Quatre, non ? lança Oscar. Elle n’arrive pas à terminer ses phrases.
- O-Oui. Mais son scénario est super. E-Enfin sauf pour É-Élin.
- Ouais… répliqua Oscar, mal-à-l’aise. Syd voulait vraiment pas qu’elle prenne ton rôle, hein… Remarque, ça te donne l’opportunité de briller…
Elsa allait répondre. Mais elle se mordit la lèvre, effrayée. Elle venait d’avoir une idée – une longue scène de discussion entre elle-même et Élin, en parallèle des autres péripéties… Ce qui aurait des conséquences inattendues sur la fin… Tout le monde serait content. Mais cela voulait dire modifier le scénario. Et ça, elle… jamais elle n’oserait avoir l’arrogance de…
- T’as quelque chose en tête, vu toutes les pièces de théâtre que t’as écrite ? demanda son ami, innocemment.
Elsa prit une grande inspiration. Et les iris verdoyants d’Oscar s’illuminèrent.
- Ahah je le SAVAIS ! Viens on va voir Anis ! s’écria-t-il en la tirant brusquement par la main.
- M-Mais ! Non !
- Si si allez ça va être génial !
Devant Anis. Elle osa à peine parler. Oscar, Artie, Capitaine l’encouragèrent. Elle bafouilla. Sua. Sa voix s’éteignit un instant. Puis revint plus forte et assurée que jamais… et Anis sourit.
Réfléchit.
Sourit encore.
Puis, d’un coup, elle sautilla.
Le débit de la dresseuse du conseil Quatre était soudainement aussi rapide qu’une mitraillette, Anis était brusquement en vie, balayant les acteurs d’un regard inspiré, proche du génie !
- Ça remplacera le rôle laissé vacant, vide, inoccupé par la défection d’Inezia ! Invraisemblable, étonnant, sensationnel !
Elsa en eut les larmes aux yeux.
On la congratula.
(What Friends Do)
- Élin.
La blonde se figea, sur le point d’ouvrir la porte du hangar. Merde. Elle qui pensait être passée inaperçue, se faufilant le plus légèrement et discrètement possible à travers les couloirs, quittant cette horrible salle vert fluo et ce film pourri…
- Oscar. répliqua-t-elle, se retourna et tentant de garder un air impénétrable.
- Ouh la ! ricana le garçon, levant deux paumes apaisantes. Tu me fais peur !
- Bah, je sais pas pourquoi tu m’as suivie.
Il la scruta, une moue déçue sur le visage.
- Juste comme ça. Pour t’accompagner. Tu veux qu’on se balade ensemble ?
- Si tu veux, répondit-elle indifféremment.
Elle faisait sa « Syd ». Et elle devait reconnaître, que comme vengeance, c’était agréable. En plus, s’ils la trouvaient désagréable ainsi, ils ne pourraient que le reprocher au dresseur de Gruikui… mais sans qu’elle ne veuille se l’avouer, la vengeance n’était pas la raison de son mutisme atypique. Les mots de Bianca remuaient, se retournaient douloureusement dans son crâne. Élin ne voulait pas y penser. Mais elle avait peur, inconsciemment, qu’ils soient vrais… et elle se rappelait encore, que ses amis avaient refusé de la pardonner, alors qu’elle avait mis tout son égo, sa fierté de côté, s’était abaissée à faire des excuses…
Oscar lui ouvrit la porte, et se pencha pompeusement.
- Après vous !
Mais avant qu’il ne referme la porte, elle l’entendit glisser : … madame Hei. Elle se figea, repensant à l’incident. Et déglutit.
- Aucun ne veut s’excuser, articula-t-elle, gardant ses yeux fixés sur le trottoir pavé.
Oscar, derrière elle, soupira.
- Personnellement… je t’ai déjà pardonné depuis longtemps. Je n’arrive jamais à t’en vouloir, Élin.
Elle cligna des yeux. Alors Oscar crut qu’elle allait s’adoucir, posa une main délicate et hésitante sur son épaule… mais il n’en fut rien.
- Eh bien tu devrais, cracha la blonde avec amertume, le repoussant sans ménagement. D’après Syd je suis une peste pourrie-gâtée.
- Peut-être que tu l’es un peu.
Cette fois c’en était trop. Elle avait passé deux mauvaises journées à se faire ignorer par ses amis – Oscar aussi d’ailleurs – et à se faire engueuler pour une stupide blague, on lui avait relégué un rôle de merde, c’était fini elle en avait marre ! Elle s’était excusée dix mille fois, mais nooon on ne voulait pas du tout reconnaître qu’elle avait fait des efforts !
- VOUS ÊTES TOUS DES CONS ! s’époumona-t-elle, et elle partit en flèche.
Elle ne sut pas combien de temps elle courut. Des immeubles colorés, bonbons de verre aux emballages éclatants, se confondaient aux coins de ses yeux sans qu’elle n’y prête attention, sans qu’elle ne puisse y prêter attention, tant elle filait vite. Elle avait l’impression, d’être un être d’énergie pure, brûlante, toute sa colère s’évanouissait au fil de sa course… elle bondissait devant des voitures et ignorait tout le staff, toutes les mesures de sécurité, détruisait des parterres de fleurs, peu importe, elle filait en ligne droite…
Et derrière elle, elle entendait Oscar crier des excuses aux divers employés.
Mais bientôt elle pénétra une forêt sombre et immense. Et quand elle l’eut traversé, elle l’avait semé.
Élin se trouvait… dans immense terrain vague, perdue dans une herbe fauve, à l’ombre d’hangars imposants. C’était désert. Elle sortit ses Pokémon. Lucky lui sauta dans les bras. Et elle marcha, le caressant distraitement. Un panneau délavé lui indiqua : « Z.I d’Ondes-sur-Mer ».
… Vu qu’elle ne savait pas ce que ça voulait dire et avait la flemme de comprendre, elle s’enfonça plus profondément dans la zone.
Élin ne voulait pas penser, ni parler. Tout simplement, elle observait la nature, parlait aux Pokémon qui passaient, leur envoyait des sourires amicaux, et ils répondaient en pillant joyeusement. Les Pokémon n’avaient aucun sens, du bien et du mal, d’Idéal et Réalité, c’était pour cela qu’ils n’étaient pas Humains. Mais c’était aussi ce qui les rendaient si gentils, emplis de bonté et toujours prêts à pardonner… les Pokémon étaient bien meilleurs que les humains…
La journée légère de début d’été. La brise fraîche. Le silence total. C’était la paix, enfin. Elle en avait bien besoin.
Car si pour les autres, le quotidien s’améliorait, l’intégration au groupe se faisait, dans son cas, la situation ne faisait qu’empirer.
La jeune fille échoua sur un banc, au bord de la mer humide et salée. Le vent marin emmêlait ses mèches d’or, se faufilant par le col de son tee-shirt vers une peau moite de transpiration, la reposant. Elle ferma les yeux, portée par le soupir des vagues.
- Élin !
Et brutalement la réalité revint.
- Pourquoi t’es partie comme ça ?
Elle cligna des yeux, groggy, si longtemps exposée au soleil qu’elle voyait tout en blanc, la jetée, la mer, le ciel.
- Si c’est ma remarque je suis tellement désolé, tu sais… Pardon.
Il s’était rapproché, sa voix flottait juste derrière son crâne, sa nuque tendue.
- Peut-être que t’es une « peste pourrie-gâtée »… soupira le beau-gosse aux iris verdoyants, timidement. Mais moi je suis ton ami, et… je t’aime comme cela.
Élin ne voulait pas se laisser attendrir. Ni par le rôle qu’Elsa lui avait trouvé, ni par la gentillesse d’Oscar, ni par personne. Car chaque regard mesuré et légèrement moqueur de Syd l’écorchait. Car le souvenir de ses excuses cinglait son cœur et son égo dès qu’il lui revenait, à chaque fois plus douloureux, car le temps passait et son aveu de culpabilité n’avait servi à rien. Juste à s’humilier.
Oscar s’assit à ses côtés.
- Eh… souffla-t-il. Ça arrive les mauvaises passes, non ?
- Parfaitement, répliqua-t-elle abruptement.
Elle se leva pour le fuir, pour fuir la gentillesse, pour retrouver une colère protectrice. Mais il la suivit. Ensemble dans les herbes.
- Viens, on s’entraîne, dit-elle pour combler le silence.
- … t’es sûre ?
- Oui.
Et alors les Pokémon sauvages devenaient des cibles. Élin observait. Des Élékid, des Magnéti. Elle ne voulait pas ceux-là. Ils contournèrent un hangar, l’herbe devint plus sombre, dure, et rêche. Oubliée la mer et le grand air. Le soleil se dissolvait dans une ombre noire et presque solide, seuls brillaient leurs yeux, ils ne disaient rien. Il y avait comme une coupure entre eux, elle ne voulait pas qu’il soit là, il ne voulait pas partir. Puis une autre lueur jaillit des ténèbres, deux éclats jumeaux.
- Baggy, utilise Coup D’Boule.
L’attaque fut si forte qu’elle éteint la Flammèche du Caninos.
Un deuxième bondit sur Oscar, qui appela Jeans malgré son désavantage de Type. Sa seule Pokémon.
- Charge !
Une brulure, à laquelle la serpente résista vaillamment, sifflant pour évacuer la douleur. Élin plissa les yeux.
- Balayage sur les deux. Mets-les K.O.
Et Baggy tentait tant bien que mal…
- MAIS T’ES PUISSANT ALLEZ ! T’ES FORT NON ?
En un coup de pied magistral, les deux chiots s’écrasèrent par terre, accueillis par des Fouets Liane de Vipelierre. Ils grondèrent, se jetèrent sur Jeans et Baggy, mais déjà des ordres fusaient, et les Pokémon sauvages, à peine coordonné, n’eurent aucune chance…
- Élin… souffla Oscar, mal à l’aise.
- Moi je le capture. Fais ce que tu veux.
Oui. Oui, il avait envie d’attraper un des Caninos. Mais avec Élin, dans cette humeur, cette colère, cette tristesse, il ne savait même pas la décrire… la capture allait se transformer en mauvais souvenir…
Il l’imita quand elle lança une Pokéball, et sourit, une fois la capture réussit.
Élin murmura : Hope.
Et il lui fit un immense câlin, chaleureux et agréable et compréhensif… oui. Son cœur battait la chamade. Il l’aimait.
Elle lui sourit, il fit une blague à la con. Et ils rentrèrent au Pokéwood ensemble.
[…]
- Prince Charmant, vous être trop sexy pour votre chemise ! Rendez-vous ! s’écria Élin, tendant sa fine épée vers Artie.
- Jamais, vile ninja, jamais !
Ils échangèrent quelques coups de fleurets qui à l’écran semblaient très brutaux, puis s’effondrèrent dramatiquement, se roulant sur le sol vert fluo. On cria : « coupez ! ». Alors ils se redressèrent, ricanèrent, et Anis déclara que c’était la dernière scène de la journée, que chacun pouvait à présent rentrer chez soi.
Strykna attendait son père à l’entrée, fumant une clope, et leur jeta un regard menaçant.
- J’vous préviens, ça a intérêt à être rock’n’roll !
Mais ils ne firent pas gaffe, l’heure était au sourire, même Syd était plutôt émerveillé d’avoir tourné dans un film Pokéwood. Il se tourna vers Élin pour blaguer avec elle sur la journée et leurs débuts incongrus dans le monde du spectacle, lui lancer une pique légère sur toutes les catastrophes qu’elle causait… puis se rappela qu’il ne voulait – devait ? – pas lui parler.
Syd se mordit la lèvre devant l’air à peine détendu de la blonde, qui les observait d’un air fermé, dans lequel il ne pouvait que détecter la peur de se faire rejeter. Elsa se faisait aussi de la peine pour ne pas s’arrêter aux côtés de la gamine habituellement joyeuse, suivant plutôt Syd, pensant plutôt au script.
Le dresseur de Gruikui soupira. Il allait falloir qu’il prenne les choses en main et débloque la situation.
N’empêche que, la dîner se passa dans une ambiance beaucoup plus douce.
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Dernière édition par Icejj le Lun 24 Aoû 2015 05:06; édité 1 fois
Posté le: Sam 04 Juil 2015 16:49 Sujet du message: [Fanfic] Échos Infinis
Inscrit le: 24 Nov 2014 Messages: 62 Localisation: Bangkok, Thaïlande
Merci au vent de l'est !
Edit de Zéphyr : Je suis le vent de l'Ouest, Ouest, Ouest, Ouest, Ouest !
Ah oui oops.
Spoiler
(Jeux d'Amours)
- Bonsoir, ici Clara Chasal pour Unys 1 ! Je me trouve dans une loge du Multiplex, où va être projeté le second film d’Anis du Conseil Quatre, j’ai nommé Jeux d’Amour ! Après un éloquent commentaire de l’écrivaine renommée, le film va enfin débuter ! Suivez Jeux d’Amour avec Clara Chasal sur Unys 1 !
Alors la somptueuse salle de cinéma, étouffée de draperie d’ivoire de carmin, s’assombrit, et les conversations animées du publique se turent.
Il était une fois une lointaine et merveilleuse contrée, répondant au nom de Fort Fort Proche, si merveilleuse qu’on ne saurait dire. Elle était gouvernée par un souverain juste et sage, bénie de terres vastes et fertiles, et peuplée d’hommes bons comme de femmes honnêtes. Le Roi de ce pays avait aimé une femme aussi belle que douce, qui lui avait donné une fille agréable, gracieuse et intelligente.
À l’écran apparu Elsa, ses prunelles bleutés modestement baissées, ensachée d’argent, de dentelle et de saphir. Le public ne pu retenir une inspiration admirative face à sa beauté, ses fines boucles d’encre et son port élégant…
Derrière elle se tenait fièrement Capitaine, paré d’étoffes chamarrées, d’or et d’ivoire et de tous les joyaux que l’on pouvait imaginer. Il tenait fièrement un spectre en or massif de pouvoir et de justice ; et portait une couronne de saphir qui étincelait de mille feux à la lumière.
Fille et Père.
Princesse et Roi.
Se sentant vieillir, le Roi et la Reine s’inquiétèrent du devenir de la Princesse ; ils souhaitaient la confier à un homme pieux et valeureux. Alors ils convièrent mille princes de mille royaumes à un immense bal, accompagné de mets raffinés et de la plus belle musique qui fut, dans l’espoir d’y trouver une âme assez noble. Bien heureusement, un des prétendants se démarqua vite par sa bravoure et sa sagesse : le Prince Charmant.
Puis se superposa une autre image : Oscar, drapé d’hermine. Sur ses cheveux soyeux trônait une magnifique couronne d’or et de platine, incrustée de joyaux de toutes les couleurs, notamment une magnifique émeraude, soulignant son regard perçant.
Il était aimable et raisonné, audacieux comme il le fallait ; on n’eut pu souhaiter meilleur gendre. La Princesse amoureuse lui fut promise aussitôt ; ils se parlèrent longuement et annoncèrent leurs fiançailles à la cour et aux Princes ; tout le royaume était en liesse.
- Rah bébé, jeux thèmes, soupira Oscar, dans son costume de Prince Charmant.
- Ahaan… acquiesça Elsa aka Princesse au Bal Dormant, souriant béatiquement.
Cependant il était un prétendant lésé, Prince Badant, qui complotait dans l’ombre pour empêcher l’union sacrée, et se marier lui-même à la Princesse.
Oh non ! Un souffle effrayé parcouru le public entier. Zhu habillé en clown, affublé d’une collerette multicolore et d’un nez rouge – la caméra fit un zoom sur la marque du sponsor « Babibel » – apparu à l’écran, sans son masque habituel, le regard glacé.
- Je beux la brincesse bour moi dout seul, déclara-t-il d’une voix monocorde.
Le Prince étranger était fort rusé ; il convia une Fée malfaisante aux appartements que l’on lui avait prêté, et conçu avec elle un moyen d’enlever la Princesse.
De nouveau une aspiration choquée anima le public, et de nombreux murmures inquiets animèrent l’audience quand l’ennemie en question apparu à l’écran. C’était Élin. Et si elle semblait effectivement malfaisante, de par son maquillage sombre et son sourire narquois, elle n’avait de Fée que son titre. Aucune aile délicate, aucune baguette magique – Élin était vêtue de lourdes étoffes noires et vermeilles, et voilée comme une guerrière du désert.
Celle-ci était rompue à toute sorte de maléfices et envoutements ; elle ensorcela la cour entière, le Roi, la Reine, les Princes, les marquis et les duchesses, les comtesses, les baronnes, enfin toutes les personnes de qualité ; mais aussi les gardes, les servantes et les cuisiniers. Impuissants ils durent assister à l’enlèvement de la Princesse, pétrifiés par les sorts de la Fée, ils la virent disparaître à l’horizon ; et seulement alors le charme se brisa. Le Roi et la Reine, éplorés, prièrent leur gendre de la secourir, mais dans le malheur s’en allèrent requérir l’assistance de tous les Princes, et promirent une récompense sans pareil à qui la ramènerait.
- ARGH ! cria le Capitaine.
- OUIN ! cria la Reine – qui n’était d’autre qu’Anis, méconnaissable !
- … euh wsh j’vé vous aidé ! s’exclama Oscar, s’avançant courageusement vers les souverains.
- Eh mais addendez, boi auzi. intervint platoniquement Zhu.
Le Prince Badant s’était bien gardé de paraître aux côtés de la Fée, il assura donc aux souverains affligés qu’il retrouverait leur fille, et en récompense nomma l’Hyménée. Cette requête embarrassa bien le Roi et la Reine, car l’accorder signifiait rompre les fiançailles avec le Prince Charmant ; mais ils durent bien s’y résoudre, car secourir leur enfant était le plus important. Ainsi les Princes se mirent en quête de la Princesse.
À l’écran se bousculaient une foule de figurants tous mieux vêtus les uns que les autres, vantant leur courage à qui mieux mieux, et sautant sur leurs immenses Galopa avec couronnes et écuyers. Se détachant de la foule, Oscar et Zhu, qui se fixaient d’un air aussi grave que furieux. Deux laquais menèrent leurs montures jusqu’à eux : Artie et Syd.
Ils se rendirent en tous les recoins du royaume, il n’y a point de maison, de chemin, d’avenues qu’ils ne parcoururent promptement, même les grottes et les forêts furent explorées ; mais où que l’on cherchait il n’y avait aucune trace de la Princesse. Un grand nombre de Princes, quoique valeureux et nobles d’âme, abandonna la poursuite ; ne resta plus que le Prince Charmant et le Prince Badant.
Au sommet d’un immense donjon d’obsidienne, dans une salle drapée de carmin, deux jeunes femmes s’ennuyaient. L’une, voilée, ronflait à moitié sur le lit. L’autre scruta désespérément le paysage par la fenêtre.
- Princesse sœur Princesse, ne vois-tu rien venir ? bailla la première, ouvrant à difficilement les yeux.
- Nan, riien… soupira la seconde. Ils font quoi au juste, du tricot ? ‘Tain, ça fait chier…
- Ouais, t’as raison, j’aurais jamais dû t’enlever, souffla la Fée maléfique.
- Bof… ça m’a fait voir du pays… Mais bon, t’aurais pas quelque chose pour passer le temps, quand même ?
- Sisi, j’ai un Monopoly…
Le Prince Badant avait pour dessein d’attendre la capitulation des autres Princes pour secourir la Princesse ; mais chaque jour il pensait à la beauté et la douceur de la Demoiselle, et cette pensée faisait brûler en lui un feu aussi ardent qu’impatient. Aussi il ne prit par garde au Prince Charmant, et sans plus attendre décida d’aller chercher la Princesse. Il avait convenu avec la Fée qu’elle serait enfermée dans un vieux donjon oublié de tous, perdu dans une chaîne de monts obscurs, et gardé par un féroce Drakkarmin.
- Esclabe, nous debons nous rend’e au bieux dochon oublié de dous, berdu dans la chaine de mont obsgurs. déclara passionnément Zhu.
- Bien monseigneur, je vous y conduis de ce pas, avec amour et piété ! en pleura Syd, ému que son maître lui adresse la parole.
Cependant le Prince Charmant avec un valet aussi fidèle que rusé, et le laquais, surprenant les paroles du Prince étranger, accouru promptement en informer son maître.
Artie retint avec peine une inspiration choquée en entendant ces paroles ! Il couru vers son maître et lui raconta tout de long en large !
- Le vieux dégueulasse veut emmener le jeune con dans un donjooon ! hurla-t-il de désespoir, à genoux devant Oscar.
- … oh bah merde wsh, souffla celui-ci. On baise vrm n’importe ou, d’nos jours.
Ensemble ils conçurent un plan pour sauver la Princesse.
- Bon, j’parie qu’si on filme leurs ébats, on peut s’faire du fric, spécula Oscar.
- Oh bah oui bah oui ! s’étonna fortement Artie en battant les cils.
Aussi ils suivirent le vil Prince à la trace, ne se laissant jamais voir ni ne ralentissant le pas. Bientôt ils arrivèrent au pied du donjon, qui était grand, noir, et inquiétant ; ils ne se laissèrent pas décourager et en approchèrent sans faillir. Malheureusement, si le Prince Badant et son serviteur n’avaient point remarqué leurs nobles poursuivants, le Drakkarmin du donjon avait meilleure vue, meilleure ouïe et meilleur odorat que toute autre bête du royaume ; il fondit sur le Prince Charmant et l’attaqua avec véhémence. Celui-ci pour toute sa bravoure, eut grand peine à se défendre, la bête était féroce, ses crocs aiguisés et ses griffes véloces, en plus de cela le Prince étranger les avait remarqué.
- Mais gi zont dong zes guignols. se demanda avec effroi Zhu.
- Ce sont le vil Prince non-Charmant et son filou d’écuyer, monseigneur ! paniqua Syd. Il nous faut les éliminer pour atteindre sans encombre la Princesse !
Et pendant ce temps là, Oscar souffrait.
- Aaaargh
Mais le Prince Charmant était sans compter la loyauté de son servant ; sans une pensée, le pauvre bougre s’élança sur le Drakkarmin, et pour protéger son maître, mourût en tuant la bête.
- Aaargh je meurs pour pour sauveeer ! hurla Artie de désespoir.
Le Prince Charmant eut beaucoup de peine. Cependant l’autre Prince et son aide s’approchaient, il dû les combattre avec force et fureur ; et comme il achevait le laquais d’un grand coup d’épée, le sire étranger s’enfuit effrayé.
- Da da da mais z’il a oune épée. paniqua Zhu.
- Bah wsh, chuis un Prince quoi… marmonna Oscar, levant les yeux au ciel. Mais kilécon ç’ui là.
Puis, sous le regard outré d’Oscar, Zhu s’enfuit dans le donjon.
Le Prince Charmant s’élança prestement à sa poursuite, il n’y eut pas de course plus rapide dans l’histoire du royaume. Enfin les deux nobles arrivèrent en haut du donjon, devant la porte inquiétante qui gardait la Princesse ; ils se parlèrent longuement, promettant sur leur honneur et leur sang que pour l’Hyménée, ils s’en remettraient au choix de la future mariée. Ensemble ils poussèrent le battant.
Soudainement, la porte, enchantée pour ne s’ouvrir qu’au touché d’un Prince – un homme, un vrai – vola en éclats. Et les deux nobles en question s’effondrèrent de tout leur long sur le parquet de la chambre, alors qu’Élin et Elsa entamaient leur millième partie de Monopoly.
Et les deux hommes s’attendaient à bien des égards.
- Princesse, tu dois me choisir et te marier avec moi, car jeux thèmes ! s’écria Oscar.
- Olol, bondour. dit Zhu.
Mais les femmes n’étaient pas de cet avis.
- Pff, pauv’ cons… souffla Elsa, se relevant difficilement et écartant ses jupons.
- Z’avez pris trop de temps, les loosers… bailla Élin.
Et les mecs étaient sidérés. Et les nanas n’avaient pas dit leur dernier mot.
- Finalement, on s’casse sans vous, connards.
… euh… wait la narratrice sait plus quoi dire là…
Alors Elsa déchira entièrement ses jupons, et Élin lacéra son voile, qu’elle jeta à terre. Sans un regard en arrière, les meufs sautèrent par la fenêtre, battirent un peu des bras, et s’envolèrent vers d’autres cieuuuux !
EH nan, revenez !
Cependant les femmes ne se retournèrent pas, trop occupées à découvrir les joies du vol et de la liberté. On entendit seulement un lointain : « Why so seriouuus ? » et elles disparurent.
Mais rah les personnages de nos jours… sérieux… Bon vous autres là, les Princes… mariez-vous qu’on en parle plus !
- Euh mais… euh mais mais… dit Oscar.
- Damais. Z’étais aboureux du roi, boi. s’indigna Zhu.
Ils reculèrent fièrement, près à se battre, pour défendre leur honneur, leur fierté, leur virilité…
Roh mais si ! Allez, les Princes se marièrent, vécurent vieux et adoptèrent beaucoup d’enfants. Voilà. J’espère que ça vous a plu, les petits. Maintenant, bonne nuit.
F I N
Alors, l’écran se voilà entièrement de noir. Et un silence surpris, confus, plana dans la salle ; le public ne savait que faire de ce film à l’intrigue emplie de rebondissements et de tournants improbables… Anis souriait vaguement, convaincue que l’audience allait aimer, confiante en la prochaine célébrité de Drakkarmin.
Zhu attendait, indifférent.
Capitaine était dans un état pas possible, mourant d’anxiété, il tremblait à chaque murmure du public. Pourvu, pourvu que l’on apprécie ce film, le premier qui pouvait lui offrir la chance d’être une star… dire que jusqu’à présent, tous ses rôles avaient été considérés comme mauvais, tous les films qu’il avait joué comme des navets...
Quant à Artie, il chuchotait quelque chose à Strykna, tentant de la convaincre à coup de regards implorants – bien qu’après leur soirée désastreuse à regarder Plus Pokémon la vie, il n’était pas garantie que Strykna s’attendrisse…
Syd. Élin, Oscar, Elsa. Ébahis de se voir à l’écran. Leur premier rôle. Excités, anxieux, heureux, tendus, scrutant l’audience depuis leur loge… même Syd avait du mal à maintenir son masque d’indifférence… ils échangèrent des regards tendus, plus encore quand Clara Chasal, la journaliste phare d’Unys 1, s’invita sur une scène de circonstance devant l’écran et s’adressa au public !
- Bonsoir ici Clara Chasal d’Unys 1, je suis au seul et unique Pokéwood d’Ondes-sur-Mer, après la projection du film d’Anis du Conseil Quatre, que vous avez pu suivre en direct… j’ai nommé Jeux d’Amour ! À mes côtés, le célèbre directeur Est Wood, veuillez l’applaudir s’il-vous-plaît !
Évidemment, la foule en délire étouffa la salle d’acclamations et de cris en tous genres, comblée d’être en présence d’une personne aussi connue ! Une fan tenta même de se hisser sur le podium, mais la même gardienne qui avait donné du fil à retordre aux adolescents la ceintura et l’éloigna vivement de Clara Chasal et son invité.
- M. Est Wood, que pouvez-vous nous dire sur ce film qui en a laissé plus d’un perplexe ?
L’homme arqua un sourcil.
- Hm ! Eh bien c’est normal… c’est une Fin Étrange !
Alors le public se rompit de nouveau en ovations.
- Une F-Fin Étrange, c’est bien ? s’interrogea Elsa, inquiète.
- C’est même très bien, Demoiselle, lui souffla Artie à l’oreille…
Ils eurent tous une crise cardiaque en remarquant le Champion, penché sur l’épaule de la dresseuse et paré d’un sourire bizarre. Et s’ils se remirent plus ou moins quand Artie s’éloigna, inquiets, le maître des insectes les déstabilisa de nouveau quand il déclara :
- Bon, on y va !
Un ange passa. Clara Chasal déclarait : « et évidemment notre acteur préféré Artie était absolument magnifique et touchant dans son rôle de serviteur dévoué… qui parmi les femmes de cette salle ne rêverait pas de l’avoir à son chevet ? ».
Et l’ange passa encore.
- … hein ? grommela Élin, silencieuse depuis le début de la journée.
- Eh oui, j’ai réussi à convaincre Strykna de vous organiser un bal, un vrai, pour fêter ce film ! Tout le gratin d’Ondes-sur-mer a été convié ! pensif, le champion caressa une barbe inexistante, et souffla : enfin bon, Ondes-sur-mer est un peu trop riquiqui pour comporter un vrai gratin social, mais…
Et soudainement il se prit une claque sur l’arrière du crâne. De la part d’une Strykna absolument outrée.
- Thanks, but Ondes-sur-mer n’est pas le trou-du-cul du monde. Puis elle se tourna avec un sourire railleur vers les adolescents, qui reculaient déjà, de peur de se prendre un coup de poing ou pire… Ce sera un bal à ma manière, je vous préviens d’avance. Bref, j’ai averti Anis, elle invitera tous les gens riches et pet’sec de la salle, l’autre pervers Zhu vient pas… on y go ?
Et tandis que la grande dresseuse du Conseil Quatre était invitée aux côtés de Capitaine sur scène, qui s’excusait de l’absence d’Artie – il y eut beaucoup de cris féminins déçus dans le public – Strykna et le champion en question trainaient les adolescents jusqu’à une immense limousine.
(Bal masqué)
Ils arrivèrent devant un élégant bâtiment de pierre blanche, construit en bord de mer, tout un pan de l’immeuble ouvert sur les flots en une baie artificielle. L’édifice dans son ensemble évoquait un croissant de lune aux reflets argentés, tâchés de sang par le soleil couchant…
Rapidement, on poussa les plus jeunes à l’intérieur ; puis Strykna attira les filles dans un immense dressing doublé d’une salle de bain, et Artie poursuivit son chemin avec les garçons, chantonnant avec un enthousiasme démesuré.
- Well! sourit férocement Strykna aux deux adolescentes. Je vous ai pour moi toute seule.
Un frisson parcouru les filles.
Rapidement la Championne entraîna Elsa vers un coin retiré du dressing, perdu dans une forêt d’étoffes et d’écharpes, et fit essayer plusieurs robes à l’adolescente pudique et tremblante. Elles passèrent par toute une gamme de couleurs et de formes – courte et nacrée, lâche et vive, cintrée et tombant jusqu’au sol, transparente…
- Non, ça c’est trop sexy. T’as que treize ans.
Finalement, Strykna s’enfonça dans une immense armoire étouffée par toutes sortes de robes, expliquant qu’elles avaient toutes été crées par Maximilia Laurence, une styliste qu’elle vénérait, notamment parce que celle-ci refusait d’habiller Inezia… la Championne retira avec grand peine une robe d’un tas de vêtements empilés sans grâce, et l’accola au corps d’Elsa, scrutant l’ensemble d’un œil critique.
- This one, tu dois la porter avec des talons. En même temps… elle sourit. Elsa, c’est ça ? Ferme tes yeux quelques secondes.
Inquiète, Elsa obéit. Elle sentit qu’on lui retirait la robe qu’elle avait essayé en dernier, puis que glissait sur son corps une nouvelle étoffe, lisse et soyeuse… Quand elle ouvrit les yeux, Strykna la tourna vers un miroir, et Elsa ne pu retenir une exclamation émerveillée.
Elle était vêtue d’une robe cousue de fil d’argent, drapée autour d’elle comme une toge grecque, qui lui arrivait aux genoux. Autour de sa taille, pour en souligner la finesse, Strykna avait accroché une mince ceinture tressée, oscillant entre le vert menthe et l’outremer.
- Nice, huh? s’amusa Strykna. T’as un beau corps, soit une forme sablier, soit une forme poire, on verra quand tes seins se développeront. Ta copine au contraire, elle est toute carrée, j’ai moins de choses pour elle dans la garde-robe…
Et encore, ce n’était que le début du problème… car quand Elsa et Strykna revinrent au centre du dressing, Élin insultait les esthéticiennes appelées par la Championne, et menaçaient de sortir ses Pokémon.
- What’s the problem exactly? s’enquit mielleusement Strykna.
Élin lui rendit son regard noir.
- Je veux PAS porter de robe !
Les deux femmes se fixèrent dangereusement. La tension menaça d’étouffer tous les occupants de la salle…
- Well, sourit Strykna. T’es vraiment une chieuse, toi. Bon, Morgane, vous pensez pouvoir lui trouver un costume style desert warrior à la place ?
- … c’est possible… souffla la jeune femme, triturant son afro.
- Cool. En attendant, j’veux quelque chose de pratique pour la scène, et il faut des chaussures et un maquillage léger pour l’autre morveuse…
Alors les deux esthéticiennes restantes esthéticiennes se mirent au travail, habiles et professionnelles, discutant de choses et d’autres avec Strykna, et invitant doucement Elsa à s’exprimer. Même la Championne dure et narquoise se prenait au jeu, conseillant et complimentant la jeune dresseuse comme une petite sœur. Bientôt la rockeuse fut vêtue d’un pantalon de cuir noir et d’une toge vermeille, assortie de tout un arsenal de bijoux clinquants. On maquilla légèrement Elsa avec du gloss, du blush et du crayon noir, et on laqua ses boucles, qui selon la meilleure coiffeuse des deux étaient déjà tout simplement « parfaites ».
Puis Élin revint avec la troisième technicienne, accoutrée d’un pantalon lâche et flottant, d’un haut rigide, sans manches, au col cousu de motifs complexes. L’ensemble était décliné dans les tons or et safran, accentués déci-delà de carmin – on la laissa à sa demande sans bijoux mais on la força à se maquiller un peu, étalant sur son visage une huile légèrement pailletée et une ombre à paupière dorée.
Bientôt, le murmure d’une foule en attente se joint à leur conversation – et aux protestations d’Élin – c’était la salle de bal qui s’emplissait. Elsa mourait d’anxiété.
Mais quand ils pénétrèrent dans l’immense hall à leur tour, après avoir remercié les esthéticiennes, on les applaudit chaleureusement. Strykna les mena jusqu’aux autres acteurs, regroupés sur une petite estrade – Anis et Artie faisaient la conversation avec Clara Chasal, mais la journaliste semblait plus intéressée par le Champion de Volucité que la dresseuse du Conseil Quatre… Oscar leur fit un câlin à toute les deux, vêtu d’un ensemble princier, et Syd, habillé de bronze, leur sourit.
Elsa s’apprêtait à parler, le rouge aux joues, mais un immense « CLAANG » retentit dans la salle ! Strykna était sur une scène, une vraie, un immense plateau, et elle s’y tenait avec son groupe de rock !
- YO, PEOPLE! s’époumona-t-elle dans son micro, leur vrillant les tympans. Are ya wimme me tonight?
Et le gratin d’Ondes-sur-mer, composé de vieilles millionnaires aux quarante-cinq Chaglams et de bourgeois d’un autre temps, se figea.
Puis, Elsa hurla un encouragement, un « WIPEEE » assourdissant, elle ne savait pas d’où sa venait, cette force, cette liesse, mais c’était magique ! Et Capitaine, Artie, Oscar, puis Anis se joignirent à elle, et certaines vieilles femmes, pas Élin et Syd mais ils souriaient, et bientôt se firent entraîner de toute façon… Strykna riait à gorge déployée.
Elle pointa. Elsa. Du doigt. Et le silence fut.
- Toi ! T’es extra ! puis elle se pencha vers la salle et murmura malicieusement : je vais vous dire un secret… quand ces quatre ados ont débarqué et ruiné le premier grand rôle de mon père, Capitaine…
La caméra se tourna vers lui, son visage apparu en gros plan sur les écrans géants installés sur les murs de la pièce.
- … j’étais furieuse. Mais finalement, c’est leur arrivée mouvementée qui a donné lieu à one of the hugest blockbusters ever made… amiright, Mr Est Wood?
Cette fois c’est le visage du vieil homme barbu qui s’étala sur les écrans, un sourire amusé peint sur son visage luisant. Il acquiesça en un rire bref.
- Alors j’vous pardonne tout ! Et aussi… Elsa !
La concernée sursauta.
- Élin ! – même réaction – Syd ! Oscar ! Je vous défie ! Si vous n’êtes pas demain à l’arène, bande de thugs du dimanche, je vous y traîne moi-même !
Alors explosa une foule d’encouragements et d’acclamations ! Le groupe de Strykna se mit soudainement à jouer un air puissant, sombre mais mélodieux, et la Championne démarra d’une voix rauque et légère… une vieille femme entraîna Artie dans une danse – il fit un sourire pas si désolé que ça à Clara Chasal – et une autre attrapa Oscar ; la journaliste, dépitée, s’en alla avec Syd. Resta Capitaine, qu’on s’arracha aussi, puis les filles… un homme encore relativement jeune, mais au crâne dégarni, invita Élin, et elle haussa les épaules, acceptant mais prévenant qu’elle ne savait pas danser. Puis Anis proposa une danse à Elsa, et la guida à travers les pas appropriés, tenant un langage décousu…
Ils passèrent une soirée géniale, alternant les cavaliers, les cavalières, tournant et tournoyants sur le marbre luisant du bal, à la lumière de lustres dorés. Oscar et Syd dansèrent ensemble pendant quelques temps, échappant à leurs cavaliers mutuels – vieux et flippants – et en rigolant ensemble.
- Qu’est-ce qu’on doit être bégés, on nous arracha comme des Shiny ! s’esclaffa Oscar, serrant Syd en une posture faussement romantique et choquant la rombière la plus proche.
Syd sourit, une expression à demi-gardée comme à son habitude, mais amusée, et il posa même sa tête contre la poitrine du plus grand pour dégoûter encore plus la vieille femme – celle-là même qui lui avait tenu la jambe pendant plus d’une heure !
- Eh bien après tout, notre film a été un véritable succès, et a déjà été vu par la moitié d’Unys… commenta-t-il avec un amusement sec. En tout cas si tu arrives à me sauver d’une autre cavalière trop collante, n’hésite pas, t’as l’air efficace.
- Ça marche, frère ! ricana Oscar, et ils parvinrent à se faire la tope-la.
Les garçons durent bien se séparer, danser avec d’autres adultes inquiétants. Mais ils dansaient maintenant avec un amusement secret, s’échangeant des regards complices dès qu’ils s’apercevaient. Syd se disait qu’Oscar valait peut-être plus le détour qu’il ne l’avait jusqu’à présent pensé…
Au bout d’une heure ou deux, Artie parvint enfin à s’arracher aux femmes qui le harcelaient, et attrapa le bras d’Elsa, s’excusant auprès du cavalier de la jeune fille.
- Alors, je connais enfin ton nom, Demoiselle, sourit-il, la maintenant à une distance polie, l’entraînant fermement dans une danse étourdissante.
- O-Oui… rougit Elsa. Enfin je ne vois pas en quoi c’était i-important !
- Chaque nom est important car chacun mérite de l’attention, répondit le Champion d’un ton grave.
Le cœur d’Elsa fit un salto.
- Je te laisse, Elsa, lui dit doucement Artie. Je vous attendrai à l’arène de Volucité, boulevard Vaututrice…
- J-Je c-connais ! s’exclama-t-elle vivement, butant contre les mots, ravalant sa salive. Je viens de V-Volucité.
- Ah ! sourit pensivement le Champion. Eh bien, cela doit expliquer ta gentillesse et ta beauté, n’est-ce pas ? poursuivit-il, lui faisant un clin d’œil. À notre défi, alors !
Et comme par hasard ils butèrent contre Oscar… alors, Artie leur suggéra de danser ensemble avant de disparaître, entraîné par un employé de Pokéwood qui lui montra un premier brouillon de posters à son effigie.
Durant toute sa danse avec Oscar, Elsa était folle d’anxiété, mais fondit, rassurée et comblée, quand il lui souffla à quel point elle était belle. Il était sincère.
Syd était coincé avec un vieil homme dégueulasse, sans son frère-de-danse pour l’en sauver, et frissonnait.
Quant à Élin, elle avait passé une soirée morose, n’ayant pu danser avec aucun de ses amis, pas qu’ils en auraient envie, de toute façon… elle suivait, ailleurs, les pas de Capitaine. Et celui-ci, qui avait apprécié son cran dès le premier jour, en était bien désolé.
- Hep la miss’, ça va pas ? lui demanda-t-il, de but en blanc.
- Non, je… mes amis me détestent, soupira-t-elle finalement.
Le père de Strykna sourit avec compassion.
- Je suis sûr que c’est faux.
- Si… c’est moi qui ais eut l’idée de monter dans la barque. Et en fait… j’ai assommé Syd pour pas qu’il m’en empêche…
- Ah bon ? s’esclaffa l’adulte, incrédule.
- Ouais… ricana Élin, gênée.
Il la fit tournoyer, et elle s’oublia un instant, souriant.
- Mais c’est donc grâce à toi qu’ils ont joué dans un film Pokéwood… ils devraient te remercier !
- … non, je ne pense pas, grimaça Élin. Si j’étais eux, je serais très en colère aussi… je les avais même pas prévenu de mon plan.
- Alors, répondit gravement Capitaine, va t’excuser.
- Déjà fait, sourit Élin.
- Mais ma parole, tu es irréprochable ! s’amusa l’adulte. Puis il poursuivit, pensif : tu sais, tu me fais beaucoup penser à ma fille, Strykna. Quand elle était petite – et adulte aussi d’ailleurs – elle m’en faisait voir de toutes les couleurs. Un jour qu’un passager avait fait un grave malaise, je l’ai laissée avec mon copilote aux commandes. Elle devait avoir, quoi, onze ans à tout casser ! Eh bien elle a trouvé le moyen de nous faire échouer dans un récif volcanique, attaquer par des Bargantua furieux, et a cassé tous nos moyens de communications. Capitaine fit un large sourire, aux antipodes totaux de son récit : tout ça en une heure, à onze ans. J’ai failli perdre ma licence ce jour là.
Élin cligna des yeux, ébahis, ne pouvant retenir un ricanement incrédule, mais tout de même horrifiée devant le potentiel nuisible de la chanteuse.
- Et vous l’avez pardonnée ? s’enquit-elle avidement, se tendant imperceptiblement.
- Eh bien, pas avant quelques mois d’excuses et de tâches ménagères, s’esclaffa l’adulte. Ça a prit du temps, mais c’est ma fille, et je l’aime. Alors tu vois, parfois, le pardon prend du temps. Mais si votre amitié en vaut la peine, il se fera.
L’harmonie mélodieuse et métallique qui les accompagnait jusqu’à lors s’éteint doucement, et Capitaine lâcha Élin, esquissant une légère référence. Elle cligna des yeux, mélancolique, repensant à son combat avec Syd, ses discussions avec Oscar, qui croyait en elle… et même à Elsa, avec qui elle n’avait pas encore tissé de liens.
- Je vais leur parler une nouvelle fois, annonça fermement la jeune fille. Puis, elle sourit timidement. Merci…
Capitaine la salua, et la blonde disparu dans la foule, à la recherche de ses amis.
(Une amitié à toute épreuve)
Syd suivait Élin avec beaucoup de réticences, s’attendant à beaucoup d’excuses à la noix et déclarations larmoyantes d’amitié et de fidélité. Tout ce qui le gavait. Il repensait à Otis et sa famille, surtout, et se concentrait sur eux. À cette heure-ci, un samedi, Aloé devait jouer aux cartes avec le pater, et la mère s’ouvrait probablement une bière…
Les adolescents s’enfonçaient silencieusement à travers une forêt, chacun plongé dans ses pensées ou intrigué par le but de la blonde. Leurs pas étaient comme absorbés par la terre molle ; le groupe bercé par les murmures de la nuit. Des roucoulements de Poichigeon à demi-endormis flottaient doucement entre les arbres. Et sinon, les dresseurs entendaient : les grincements des arbres. La mer, au loin.
Autour d’eux s’amassaient des ténèbres doucereuses aux reflets de lune, filées d’une brise légère et salée…
Ils arrivèrent au beau milieu d’une savane d’herbes folles et rêches, d’un immense terrain vague. Mais Élin ne s’arrêta pas là. Elle les mena à une longue jetée, bétonnée et déserte, qui luisait comme de la nacre sous le clair de lune. De leur perchoir humide et rongé par les vagues, ils pouvaient observer toute la baie d’Ondes-sur-mer, les lumières chatoyantes, les panneaux publicitaires immenses…
Élin se tourna vers eux.
- Je ne m’excuserai pas, annonça-t-elle comme une claque.
Ils se figèrent. Puis Syd ricana, incrédule.
- Non mais tu rigo…
- Laisse-moi finir ! s’énerva-t-elle, et il la foudroya du regard.
Mais il se tut. Elsa avait l’air tendu, et ils n’avaient pas besoin de se battre ce soir.
- Je ne m’excuse pas de nous avoir donné l’opportunité de jouer dans un film Pokéwood, d’avoir côtoyé des Champions, dansé avec eux en plus… hein Elsa…
La concernée, bien que silencieuse et plongée dans les ténèbres, rougit visiblement, et Oscar fronça les sourcils. Lui qui pensait être le seul qui… bref…
- En revanche je m’excuse de vous avoir trompés, slash assommés, slash menacés avec mes Pokémon. Je devrais avoir assez confiance en vous pour vous expliquer mes plans, et m’en remettre à votre avis et votre sens de l’aventure.
Élin s’assit sur le béton.
- Voilà, j’ai dit ce que j’avais à dire.
Et un silence lourd plana. Syd fixa Elsa. Elle était influençable, alors il fallait qu’elle parle d’abord. Puis il se mordit la lèvre, se rendant compte qu’avec cette pensée, il était coupable du même crime qu’Élin : ne pas faire confiance à ses amis.
- P-Pour ma part, je te pardonne, annonça doucement la jeune fille aux boucles d’encre. Presque sans bégayer. Je crois que tu as compris la leçon.
Élin lui sourit, et Elsa alla s’asseoir à ses côtés, lui prenant la main. Vint le tour des garçons, et alors que Syd allait parler, en colère et atterré par ce pardon si facile… Oscar le devança.
- Moi aussi j’te pardonne. De toute façon je suis incapable de faire la gueule à quelqu’un, alors voilà c’est réglé…
Il s’accroupit avec les filles, scrutant Syd avec attention. Malheureusement, tout ceci ne fit que braquer le dresseur de Gruikui. Il ferma les yeux le plus fortement possible, jusqu’à s’en faire mal, tourna brusquement le dos au groupe, et réfléchit.
Élin l’avait défait dans un match Pokémon que l’on pouvait très difficilement considérer réglo. Elle l’avait assommé et avaient explosé le Pokéwood en barque – avec eux dedans. En plus de cela, ils s’étaient disputés un grand nombre de fois, elle l’avait harcelé dès sa première journée alors qu’ils contenaient une fuite au Centre Pokémon… bref il avait l’impression qu’elle le forçait à changer, qu’elle n’en faisait qu’à sa tête, et il n’aimait pas ça, car… cela voulait dire qu’elle ne l’acceptait pas tel qu’il était. Or, se respecter faisait partie de leur pacte, et Aloé lui avait répété un nombre incalculable de fois que c’était aussi une des premières conditions d’une amitié.
Quand il pensait à Élin, il ressentait une rage puissante : la rage de la vaincre, de remporter le contrôle. Il se rendit compte alors, qu’Élin était sa Rivale.
Et Syd vit soudain clair dans ses émotions agaçantes, oppressantes et contradictoires.
- Je te… pardonne, articula-t-il lentement, se retournant. Le visage de la blonde s’illumina. Si tu me pardonnes.
Un ange passa.
- HEIN ? s’étouffa la dresseuse, se relevant –
Il lui intima de se taire et de se rasseoir. Elle se tendit. Mais elle le fit.
- Je te pardonne, reprit-il, sûr de lui, si tu me pardonnes d’être silencieux. De garder ma vie pour moi. D’être rabat-joie, chiant, tout ce que tu veux. Il faut que tu acceptes cela, Élineera.
Elle sursauta, entendant son vrai nom, comme un coup de fouet, une flèche perçant son cœur de part en part. Ses yeux écarquillés cherchèrent le regard d’ambre implacable de Syd, elle retrouva l’aura magnétique et puissante qui l’avait premièrement irritée, agacée dans se garçon, et comprit en un éclair fuyant de lucidité que ce qui l’énervait chez lui, c’est qu’il était plus fort qu’elle. Sa personnalité, sa carrure, lisses et mystérieuses, éloignées. En essayant de le changer, elle avait essayé de le ramener à son niveau, et sentant qu’elle ne le pouvait pas, elle avait tenté de le prendre par surprise, puis avait triché en l’assommant.
Toutes les victoires qu’elle avait remporté contre lui étaient alambiquées, obscures, elle ne l’avait jamais défié en plein jour, directement, jamais assumé qu’il l’obsédait autant, qu’elle voyait en lui plus qu’un simple ami… il était son Rival.
- Je te défie, soufflèrent-ils ensemble, déterminés.
Elsa et Oscar, alors, se levèrent et s’éloignèrent. Elsa signala qu’elle serait arbitre, rendant la pareille à Syd. Le garçon à la queue-de-cheval, quant à lui, disparu dans les ténèbres, se sentant bien seul, jalousant sans se l’avouer Syd et Artie.
Les deux rivaux restèrent sur la jetée, à la lumière de la lune. D’un commun accord, ils ne sortirent qu’un Pokémon. Hope et Gruikui. Syd arqua un sourcil, surpris de constater une nouvelle recrue dans l’équipe d’Élin.
Elsa annonça que les Pokémon étaient respectivement niveau 12 et 16. C’était Feu contre Feu.
- Hope, Morsure.
- Gruikui, Boul’Armure.
Le Caninos s’élança vers le cochon de feu, grognant avec détermination, et planta ses crocs dans le corps de l’adversaire. Mais il était encore bébé, ses dents étaient à peine faites, et Gruikui étaient roulé en boule, tous ses muscles tendus comme de l’acier. L’attaque fit à peine de dégâts. Élin serra les dents. Elle s’y attendait. Il allait falloir changer de tactique.
- Groz’Yeux.
- Charge, contra Syd.
- Esquive !
Heureusement, Hope était jeune, souple, et plus rapide que son aîné. Il dansa légèrement autour du cochon irrité, jappant joyeusement, et sous le regard fier d’Élin, se trémoussa tout au bord de la jetée… si Syd tombait dans le panneau, Gruikui foncerait droit dans la mer et c’en serait fini de lui.
Syd ne tomba pas dans le panneau.
- Gruikui, Flair, ordonna-t-il, plissant ses yeux d’ambre.
Élin ordonna quant à elle un nouveau Groz’Yeux, tentant de garder son calme, et demanda à son Pokémon de rester au bord de l’eau. Si elle gardait le rythme… agissait pile au bon moment… Mais Syd demandait de nouveaux Flairs, à répétition, et Gruikui commençait à s’échauffer, suivant Hope à la trace de ses yeux sombres.
- Nitrocharge, souffla le dresseur.
Un brasier incandescent explosa autour du cochon, qui fonçait avec fureur vers Hope. Le Caninos lâcha un aboiement effrayé – Élin le rappela, fermant les yeux, et Gruikui s’arrêta de justesse tout au bord de l’eau.
- J’abandonne pour cette manche, s’excusa-t-elle. Hope est trop petit pour un réel combat… À sa Pokéball, elle sourit : bien joué, p’tit gars.
- Le Caninos d’Élin de la Ville Noire est retiré du combat, et ne pourra plus être réutilisé ! Le Gruikui de Syd de Maillard est déclaré vainqueur, annonça Elsa. Les dresseurs peuvent à présent changer de Pokémon.
Syd secoua la tête. Élin envoya Lucky, le cœur au bord des lèvres. Niveau 15. Le chiot s’ébroua, et envoya un regard confiant à sa dresseuse, haletant d’anticipation. Elle lui sourit, tremblant. Mais la blonde se reprit bien vite. Ce n’était pas son genre de laisser l’initiative à son adversaire.
- Lucky, Morsure, dans le ventre, ordonna-t-elle d’une voix forte, accompagnée d’un geste éloquent.
Le chiot aboya, se tendit, puis ses crocs s’illuminèrent d’une aura malsaine. Il fonça vers le cochon de feu, volant presque sur le béton blanc, et Syd eut à peine le temps de répéter l’ordre qu’il avait donné en début de partie :
- Gruikui, Boul’Amure !
Cependant Élin n’attendait que ça ! Elle ferma les yeux et cria de toutes ses forces :
- Lucky, CHARGE !
Les prunelles de Syd s’écarquillèrent. Gruikui voltigea vers la mer, se débattant vainement, projeté indifféremment au dessus d’Elsa, comme une balle de foot ! Merde, il avait été trop con – Élin avait déjà utilisé cette tactique contre lui, avait même envoyé Hope en reconnaissance en début de partie, il l’avait sous-estimée !
Mais peut-être l’avait-elle sous-estimé, elle aussi.
- FLAMMÈCHE ! s’écria-t-il de toute ses forces alors que Gruikui chutait à toute allure vers les vagues –
Le Pokémon Feu se retourna désespérément vers la mer et cracha un immense brasier, rendue plus féroce encore par sa panique, et ceci entraîna une réaction brutale : une vague entière se vaporisa soudainement en une explosion d’air brûlant, qui repoussa vivement le cochon vers la jetée, étourdi. Élin en resta coïte. Mince elle aurait vraiment dû plus étudier en Physique-Chimie !
- Lucky, souffla-t-elle alors, se mordant violemment la lèvre. S’il-te-plaît… Belier.
Gruikui avait à peine eu le temps de se remettre. Mais porté par la détermination de son dresseur, il se redressa et fusa vers l’ennemi en une « NITROCHARGE ! ». Syd haletait, son contrôle s’évanouissant dans l’urgence du combat, emporté, émerveillé par la danse des Pokémon. Il Aimait combattre Élin. Et la blonde mourait de peur, refusait de perdre, son orgueil luttait, mais elle-même s’oubliait, dépassant sa fierté… elle Aimait combattre Syd.
Ce qui devait arriver, arriva. Les Pokémon se percutèrent de plein fouet, en une explosion de flammes et de brutalité, illuminant la nuit. Mais une nouvelle déflagration de lumière se rajouta au choc enflammé, les deux Pokémon resplendissant comme des étoiles, brûlant les yeux de quiconque regardait !
La lumière mourut, peu à peu. Syd, Elsa, Élin, et même Oscar revenu, ouvrirent leurs yeux malmenés. Devant eux se tenaient un Grotichon et un Ponchien. La première fois qu’ils assistaient à une Évolution.
- N-Niveaux 17 et 16, annonça Elsa, stupéfaite.
Et Syd et Élin se sourirent, émus, se reprenant cependant, car ils fallait bien terminer le match...
- Bélier.
- Nitrocharge.
Élin voyait bien que son Pokémon était affaibli par le contrecoup du précédent Bélier. Mais il venait d’évoluer, et elle croyait en sa force – elle croyait qu’il le ressentait, qu’il partageait sa détermination. De plus, elle s’était assurée de baisser la défense de Grotichon avec les Groz’Yeux de Hope. Élin n’avait aucune chance de perdre. Mais elle avait oublié de vérifier les Stats de l’adversaire, oublié que Grotichon possédait très certainement une meilleure attaque.
Quand elle ouvrit les yeux, confiante, Lucky était écroulé à terre, tentant tant bien que mal de se relever, et Grotichon était encore debout. Épuisé, mais debout.
- Oh, Lucky… souffla-t-elle, titubant, s’agenouillant aux côtés de son Pokémon étourdi. Elle le caressa tendrement. Bravo pour ton évolution.
Il aboya faiblement, et lécha sa paume ouverte. Elle rit, puis le rappela.
- Le Ponchion d’Élin de la Ville Noire est Hors Combat. Le Grotichon de Syd de Maillard est déclaré vainqueur. Les combattants peuvent à présent changer leurs Pokémon.
Élin attrapa sa dernière Pokéball, luisante, rouge, et se releva, la serra très fort dans sa main. Elle recula, se tenant tout au bord de la jetée, en équilibre, l’arrête en béton lui mordant la plante des pieds…
- Je te fais confiance, chuchota-t-elle. Baggy, à toi !
Les deux Pokémon étaient niveau 17. Élin serra les poings. Syd prit une inspiration nerveuse. Il avait défait deux des Pokémon d’Élin… mais Baggy était son starter, il était d’une une toute autre ligue. Et Grotichon était déjà bien affaibli…
- Baggy, Coup d’Boule, souffla Élin, avec détermination.
- Contre avec Nitrocharge.
- Feinte !
Comme souvent, le Pokémon d’Élin cessa brutalement sa première attaque, pour enchaîner impassiblement avec une seconde. Le Pokémon Wesh se fondit dans les ténèbres ambiantes, pour réapparaître juste derrière Grotichon, narquois. Et lui asséner un beau Balayage.
- Bravo, soupira Élin, soulagée.
Il ne lui manquait plus qu’un seul coup, qu’une seule attaque et Grotichon s’écroulait, c’était certain. Après cela… elle visualisait déjà la suite, les enchaînements qu’elle adorait tant ; elle ferma les yeux. Mais non, il fallait se concentrer sur le présent.
- Baggy, Groz’Yeux…
- Grotichon, Flair.
Les deux Pokémon, face à face, poils hérissés, regards dangereux. Le silence menaçant et lourd et presque agressif de la nuit, les vagues acides, les souffles haletants et anxieux et brûlants des dresseurs.
- Feinte, ordonna Élin. Mais Syd sourit…
- … et Cogne.
Baggy disparu juste à temps, se mêlant aux ombres, mais ce n’était pas assez. Grotichon sentait son odeur. Alors l’immense Pokémon attrapa le frêle caïd par la peau des fesses et lui asséna un violent coup de poing dans les côtes. Élin eut un haut le cœur. Et Grotichon enfonça ses doigts dans le diaphragme de Baggy, Baggy qui se débattait comme un beau diable, sifflant des insultes, hurlant.
Le cochon de feu balança son adversaire à terre. Et les yeux d’Élin s’écarquillèrent.
- BAGGY, Jet de Sable !
Le Pokémon Combat, gémit pathétiquement, il gratta tant bien que mal le béton rongé de sel de la jetée, et ramassa quelques salles pépites, qu’il jeta violemment dans les yeux de son agresseur. Grotichon rugit de douleur, griffant son visage, Syd cria « NON ! » mais il titubait de loin en loin sans se concentrer, et Élin, Élin était déterminée…
- Balayage.
En un croche-patte, Grotichon s’écroula dans les flots. Et cette fois, il était bien trop lourd pour qu’une Flammèche puisse le sauver… Syd rappela son Pokémon qui se noyait, perdant conscience.
- Le Grotichon de Syd de Maillard est Hors Combat, déclara Elsa, interdite. Le Baggiguane d’Élin de la Ville Noire est déclaré vainqueur.
Élin fixa son Pokémon, à peine debout, ressentant sa peur et sa douleur. Elle déglutit.
- Baggy. Baggy si tu veux, maintenant, on… et elle baissa les yeux. On abandonne. Ta santé est prioritaire, elle le sera toujours. Si tu veux, on abandonne, aucun regret.
Mais quand elle reporta son regard sur son Pokémon, il lui adressait un rictus faible et secouait sa tête, comme si lui aussi, se mettait à l’aimer, à lui faire confiance. Elle fit une révérence respectueuse, touchée. Et Syd, qui murmurait des félicitations à la Pokéball de son Grotichon tombé, appela son dernier Pokémon.
Une jeune Riolu au niveau 15. La chienne bleue jappa, déterminée et prête à en découdre avec le Pokémon qu’elle considérait comme son rival.
- Riolu, attaque Forte Paume, ordonna Syd.
Les pattes de la petite Pokémon s’illuminèrent et elle fonça légèrement vers son adversaire, aboyant de défi. Mais Élin ordonna une Feinte et Riolu se retrouva seule au bout de la jetée, confuse.
- Et maintenant, Vantardise, siffla la dresseuse de Baggiguane.
- Ne l’écoute pas, Riolu ! contra vivement Syd. Clairvoyance !
Alors Baggy sourit, malgré son état, il nargua son ennemie, s’approchant d’elle en murmurant mielleusement des insultes… sauf que la chienne bleue se concentrait trop pour l’entendre, plongée dans une méditation reposante. Clairvoyance l’avait isolée, emmenée dans une autre dimension, loin de ses cinq sens et de basses provocations.
Ce duo d’attaque : le portrait craché d’Élin et Syd. D’ailleurs, les deux dresseurs s’en rendirent compte, et en rigolèrent légèrement.
- Élin, annonça Syd : je crois qu’est venu le moment de conclure ce combat.
- Aha, enfin, je commençais à m’ennuyer… railla la blonde en réponse, nonchalante.
Et de nouveau ils échangèrent un sourire. Mais leurs regards s’aiguisèrent, et leurs corps entiers se tendirent.
- Baggy, Feinte.
- Riolu…
Mais le Baggiguane avait déjà violemment touché Riolu, ricanant, goûtant déjà à la victoire…
- … RIPOSTE !
S’embrasant toute entière de bleu, Riolu fondit sur son adversaire, et lui asséna un coup de pied magistral dans le crâne. Il s’écroula sous les yeux catastrophés d’Élin, qui s’élança vers lui, le recueillant dans ses bras.
- Oh Baggy… chuis tellement désolée, Baggy…
- Le Baggiguane d’Élin de la Ville Noire est Hors Combat. La Riolu de Syd de Maillard est déclarée vainqueur. Syd de Maillard remporte le combat.
Elle caressa le crâne de son Pokémon, qui la repoussa par fierté, avec toutes les forces qu’il lui restait.
- Pff, t’es toujours le même… s’offusqua-t-elle, doucement, prenant une moue faussement blessée.
Syd s’approcha d’aide, alors elle rappela son starter, et accepta l’aide du dresseur victorieux pour se relever. Ils se regardèrent gravement, larmoyants – non, en fait, elle leva juste les yeux au ciel.
- Bon, ça me tue de le dire, déclara-t-elle le nez en l’air, mais bravo.
Et Syd lui répondit d’un sourire éclatant dans les ténèbres.
- Merci.
Elsa et Oscar les rejoignirent, et ils s’assirent tous au bord de la jeté, comptant les étoiles et remplissant beaucoup d’autres clichés dégoulinants de guimauve sur ce que font les amis réconciliés.
(Au nez et à la barbe des Champions)
Ce qu’ignoraient les adolescents, ainsi que d’ailleurs la grande majorité des paisibles habitants d’Ondes-sur-mer, c’est que la Team Plasma était déjà parmi eux. L’auteure ne vous fait aucun mystère là-dessus. En privilégiant la chasse à l’homme, la traque de Ghetis, et en renonçant à nettoyer et fouiller les villes dans un futur immédiat, les Champions avaient fait une des plus grosses erreurs de leur vie.
Un nouveau repère grossissait dans les bas-fonds d’Ondes-sur-mer, les banlieues oubliées de la bonne société qu’avaient côtoyés les adolescents la soirée durant. Ils et elles étaient coiffeurs. Plombières. Dresseurs. Éleveuses. Infirmiers. Et ils passaient totalement inaperçu le jour, se mêlant à la foule ordinaire, vivant pour leur famille ou leur travail comme des citoyens ordinaires…
Sauf ce soir là. Car une grosse huile leur rendait visite, le chouchou des sages, le membre réputé le plus cruel de la Team Plasma. Alors le hangar sombre et sale qu’ils avaient fait leur, aux vitres crasseuses et brisées, grouillaient de sbires en uniforme…
- Commandant Anto ! salua martialement une chef d’équipe. La cohorte d’OsM est à votre disposition !
- Repos, ordonna le concerné, souriant.
Il surveilla tous les sbires, en rang. Il était grand, musclé. Cheveux outremer. Yeux de glace. Visage aux traits ciselés et féroces. Et parfois, on apercevait sous son uniforme, des tatouages sombres aux motifs étranges…
- Vous avez certainement obtenu le matériel que j’ai requis, postula-t-il, fixant la chef d’équipe avec une expression innocente, presque enfantine.
Celle-ci pâlit brutalement.
- Euh eh bien je… il y a, je… Commandant, il y a eu un contretemps.
Il la scruta, comme un insecte à disséquer. Et elle frissonna.
- Je ne vous crois pas, dit Anto. Il n’est pas possible que vous n’ayez pas ce matériel… et en un sourire, il souffla mielleusement : vous comprenez ?
La femme déglutit.
- Parfaitement, mon Commandant.
Elle fit un signe à un sbire. Ils auraient le matériel en temps requis. Sinon, elle était morte.
Dehors, la nuit s’étendait doucement sur Ondes-sur-mer, ignorant les plans de la Team Plasma, qui pourtant dans quelques jours, allait la secouer toute entière…
_________________ From Bangkok with love.
Dernière édition par Icejj le Lun 24 Aoû 2015 06:11; édité 2 fois
Inscrit le: 29 Aoû 2012 Messages: 170 Localisation: Dans le labyrinthe de mon âme
Bien après des mois de souffrances, des mois de tortures, des mois de difficultés...wait...mince je me suis trompé d'endroit.
Bref Bonjour Icejj.
Enfin ça y'est j'y suis, après un retard magnifique de...1, 2, 3 chapitres oui c'est ça 3 chapitres, tout est rattrapé et je vais pouvoir commenté.
*prend une voix de Jean-Kevin/Kikoo* "Ouais Jerem donc vu ton retard de chapitre, ton commentaire sera ultra-long ?"
Eh bien...non ^^
Sincèrement les commentaires long ne sont pas mon domaine de spécialité "A mon grand regret"
On va suivre l'ordre des chapitres mais les pensées seront exprimé dans leur ordre d'apparition dans mon esprit. Je rappelle au passage que je m'étais arrêter au chapitre de la croisière s'amuse. ^^
Commençons.
Donc le finish de la cascade, il faudra m'expliquer par un dessin comment à partir d'une cascade ils ont pu atterrir dans...dans quoi au fait, j'admets que je sais pas si il s'agit d'une scène de théâtre ou d'un écran de cinéma, oh well ce n'est peut-être pas important.
Les héros qui jouent dans un scénario avec des champions d'Arènes est plutôt excellent, cela permet également d’approfondir (oui il y en a qui aime ça *PAF*) leur personnalité. Bref globalement cette scène m'a plu du début à la fin, Au niveau personnage, leur évolution dans cette scène fût des plus importantes pour les quatre, mention particulière pour Elin qui a enfin eu une remise en question.
Par contre le passage type feux de l'amour (oui je caricature un peu) "Tu est mon rival" est assez exagérer dans les dialogues mais why not.
Le combat entre les deux était d'une excellente qualité (comme d'hab maintenant) et enfin Syd a gagné ^^
Passons aux combats d'Arènes en faisant un résumé simple et concis. Oscar: Nul (le combat pas la description), Elsa: Moyen, Syd: Excellent, Elin: Bien...Voilà *PAF*
Non restons sérieux, Le combat d'Oscar fût rapide et peu intéressant à lire, sa victoire étant davantage due à de la chance qu'a une vrai maîtrise, ou bien la championne l'a laissé gagné (en tout elle s'est pas donné à fond).
Celui de Elsa était encore quelque chose d'assez classique, elle panique à cause du stress mais réussi à se ressaisir au moment critique et à remporter la victoire.
Bon Syd maintenant, eh bien c'était inattendu et très bien pensé, comment détruire une stratégie en une seule action, avec en clôture de ce combat une leçon de vie des plus importantes. Heureusement qu'il a gagné *reprend une voix de kikoo* "Ouais Jerem c'est grâce à Elin qu'il a gagné. Non pas du tout. Mais... Non. Mais. Boucle-là. ...Bon d'accord" ^^
Et donc Elin, c'est le combat qui fût le plus serré et le plus plaisant à lire.
Pour ce qui est de l'intrigue principale, elle n'a que peu avancé, on en sait pas vraiment plus, on a appris certaines choses sur Syd, j'attends d'avoir davantage d'élément avant d'en dire quoi que ce soit.
Et pour Rixi, bah je sais pas encore quoi en dire pour l'instant. Pareil pour le passage sur Sinnoh.
Et voilà qui conclus ce commentaire, qui fût court comme je l'avais dit (mais au moins j'en ai fait un ^^).
Bref je vous souhaite une excellente soirée et attends la suite (promis j'essaierai de ne plus être en retard). _________________
S'il existe différents maîtres contrôlant chacun un élément, je m'exerce à devenir le maître de la lumière.
Inscrit le: 24 Nov 2014 Messages: 62 Localisation: Bangkok, Thaïlande
Épisode 14 : Un défi déstabilisant !
Spoiler
(Surpriiiise !)
Quand ils se réveillèrent au Centre Pokémon, ils étaient uniformément fatigués ; les boucles d’Elsa portaient une ressemblance furieuse avec un nid de Poichigeon, Oscar ne trouvait pas le ruban qu’il utilisait pour nouer sa queue-de-cheval et menaçait de faire une crise d’hystérie, et Syd était si grognon qu’il en venait à aboyer sur tout le monde. Rah mais quelle idée avaient-ils eut d’abuser du champagne !
Élin refusait de sortir du lit. Les garçons avaient essayé de l’en tirer mais elle s’était accroché de toutes ses forces à ses bords, comme un mollusque, et avait crié si fort « À L’AIDE ON M’AGRESSE ! » qu’ils s’attendaient, effrayés, à ce que les flics débarquent à tout moment. Du coup, on la laissait dormir. Provisoirement.
Mais quand Elsa ouvrit la porte la chambre et découvrit une couveuse, même la blonde mal-lunée se traîna jusqu’au seuil pour l’observer.
- Kékignaa ? bailla-t-elle, frottant ses yeux encore endormis.
- Un œuf, répliqua Syd.
Ils portèrent précautionneusement la couveuse à l’intérieur, la posant au centre de la pièce et s’asseyant en cercle autour d’elle, sur la moquette rose. L’appareil pulsait doucement, envoyant chaleur, et lumière par vague à qui posait ses paumes sur la cloche de verre. Enfoncé dans un beau coussin rouge, un œuf strié d’un brun sombre et tâché d’un bleu légèrement miroitant attendait.
- C’est beau, commenta Élin. Oscar, à ses côtés, scrutait l’œuf de très prêt, ses yeux déformés par la cloche de verre. Il sourit d’un air émerveillé et intrigué.
- C’est tout petit.... et fragile… il va éclore bientôt, vous pensez ?
Mais avant que l’on puisse lui répondre, Syd poussa une exclamation surprise.
- Regardez, il y a une note sur le bas de la couveuse !
Ils tournèrent leurs regards curieux vers lui, le dresseur fit taire leurs questions d’un geste et lu lentement : « Au plus beau Prince Charmant d’Unys ».
- Wah ! lâcha Oscar, ravi. On dirait que j’ai une admiratrice !
- Pff, pourquoi c’est toujours les mêmes qu’ont les cadeaux… grommela Élin, tandis qu’Elsa pouffait. Mais les prochaines paroles de Syd leur glacèrent le sang.
- Il admiratrice, je ne crois pas… ricana-t-il – Attendez, pause là, Syd venait de ricaner ?! – c’est signé Zhu, compléta le dresseur de Grotichon.
Soudainement, la note, qu’auparavant Oscar trouvait gentille et sexy, devint intrusive et effrayante. Il pâlit sous les ricanements de ses amis, et s’éloigna le plus vite possible de la couveuse, se cognant contre un des lits au passage.
- M-Merde ça devient carrément flippant là ! gémit-il comiquement, se massant le crâne.
- Mais non, l’encouragea Elsa, attendrie. C-C’est quand même s-super d’avoir reçu un œuf !
- N’empêche, Oscar a une équipe de bras-cassés… se moqua Élin, tirant la langue. Entre une hyperactive étourdie, un bébé et un œuf, je sens que tu vas gérer à l’arène !
- Eh, toi aussi t’as un bébé d’abord ! rétorqua le concerné, vexé.
Élin allait répliquer, mais de nouveau Syd les interrompit. Plissant les yeux, le dresseur commenta judicieusement :
- Avant de savoir Oscar a une mauvaise équipe ou pas, il faudrait savoir quelle espèce de Pokémon se cache dans cet œuf… quelqu’un a une idée ?
- … hm… p-peut-être, répondit Elsa, et elle rougit, paniquée, quand l’attention du groupe se tourna toute entière vers elle, les adolescents la fixant avec des yeux brillants. E-euh j-j’étais beaucoup plus f-forte en théorie du c-combat qu’en élev-vage…
- C’est pas grave, balance c’que t’as quand même ! lui sourit Élin. Vraiment, c’est pas grave de se tromper !
- Eh bien…
Elsa saisit délicatement la couveuse, et l’examina sous plusieurs angles, scrutant l’œuf luisant à l’intérieur. Elle fronça les sourcils, concentrée, et se mordit la lèvre, tandis que les autres l’observaient, fascinés.
- S-Souvent, les Types des Pokémon influent sur la c-couleur des coquilles… les s-stries brun foncé, p-presque noir, sont caractéristique des Pokémon R-Roches, si le marron était plus clair – ou ocre – il s’agirait d’un Pokémon Sol, tandis que le marron des Pokémon combat est plus rosé… en parlant, Elsa perdait son bégaiement, se redressait fièrement sans s’en rendre compte, et captivait son public, ébahi. Pour les taches bleues, on peut éliminer d’office le Type Eau, qui typiquement laisse des marques plus pigmentées et concentrées, ici la couleur est claire et diffuse… par contre quant à savoir s’il s’agit d’un Type Vol ou Glace… j-j’hésite, cela fait longtemps que je n’ai pas révisé ces cours-ci…
Sa voix s’éteint, et elle se perdit dans ses pensées, reposant doucement la couveuse. Les autres adolescents échangèrent des regards étonnés, puis se retournèrent vers la dresseuse érudite, attendant la suite. Syd et Oscar étaient d’avis de ne pas surprendre Elsa, car cela pourrait relancer une crise de bégaiement ou la mettre mal à l’aise – mais évidemment Élin était très loin de ces pensées complexes et, avide d’informations, lança bruyamment :
- Alors alors ?
Elsa sursauta. Regarda son audience comme si elle en avait oublié l’existence. C’était le cas. Soudainement elle se rendit compte qu’elle avait parlé pendant au moins cinq minutes sans interruption, sursauta, s’étrangla avec sa salive et rougit furieusement, paniquée.
- P-P-P-P-P-Pard-d-don ! s’exclama-t-elle, effrayée, reculant vivement à son tour. P-Pardon je –
- Mais non, mais non c’était très bien ! la rassura Oscar, anxieux. On a adoré, on voulait entendre la suite !
- Ouais, même moi ça m’a intéressée ! lâcha Élin, toute aussi surprise de ce fait qu’elle l’était de la peur d’Elsa.
Syd envoya un sourire qui se voulait le plus rassurant possible à Elsa et enchaîna :
- Parfaitement, grâce à toi on connaît le Type de l’œuf, puisqu’un que Zhu était un Champion de Pokémon Glaces, on peut déterminer qu’il s’agit d’un bébé Roche-Glace !
Il fallu un câlin de la part d’Élin, mais finalement, Elsa se calma assez pour articuler :
- S-Sûrement un d-des n-nouveaux Pokémon de K-Kalos.
- T’as raison, répondit Syd. Je vais lancer une recherche dans le Pokédex.
Ils attendirent en silence que l’engin trouve leur Pokémon Mystère, et Élin, impatiente, lâcha Elsa pour aller se poster sur le rebord de la fenêtre, observant Ondes-sur-mer avec un enthousiasme à peine contenu – à quand le défi de l’Arène ?! Elle sortit Hope de sa Pokéball, le prenant doucement dans ses bras, et le petit chiot jappa de bonheur quand elle lui gratta les oreilles et le ventre, plongeant ses fins doigts dans sa fourrure soyeuse.
- Maintenant que Lucky est un Ponchien, il faut bien que je trouve un petit bébé à taquiner, hein Hope ? gazouilla-t-elle, provoquant un rire attendri d’Oscar.
Et alors le Pokédex trouva.
« Amagara, le Pokémon Fossile de Glace. Ce Pokémon placide vivait dans des contrées au climat froid, loin de la menace d’un violent prédateur comme Rexillius. L’espèce fut ramenée à la vie après la découverte d’une partie d’un corps conservée dans la glace pendant 100 millions d’années. »
- Ouaah, t’as trop de bol… soupira Élin, verte d’envie. Il est trop rare ton Pokémon… dis Syd, il a de bonnes Stats ?
- On verra quand le Pokémon naîtra, Élin… répondit le dresseur, levant les yeux au ciel. En tout cas le Double-Type est pas super, ça lui donne plein de faiblesses.
De quoi lancer Oscar dans un silence boudeur. Syd s’excusa bien – maladroitement – mais le mal était fait, l’heureux Papa fourra l’œuf dans sa sacoche et resta muet comme un Magicarpe durant tout le déjeuner. Elsa et Élin, pour le coup, en rirent bien !
(Un jour je seraiii, le meilleur dresseuuur)
Ondes-sur-mer était une jolie ville de pierre grise, peuplée de lavande et de marguerites, qu’ils virent lointainement défiler par les fenêtres du bus. L’arène était un bâtiment imposant envahit d’affiches de groupes de rock et de concert, posé en bord de mer, baigné d’un soleil vif et sec de début d’été. Ils y pénétrèrent, les cheveux dans le vent.
Et se firent agresser par un monsieur un peu gros aux lunettes rondes et fumées qui leur hurla de prendre de l’eau car l’eau c’est BIEN sa moustache se hérissa quand ils refusèrent, effrayés –
- HEY, Guido ! explosa une voix rauque du fond de l’arène. I told you to stop tes conneries !
L’homme se figea, balbutia des excuses, prit la teinte d’une tomate, et les mena à travers un immense hangar mal-éclairé, vers une scène occupée par nul autre que la Championne Strykna. … Il leur fourra quand même une bouteille d’eau dans les mains, et Strykna se fendit d’un rire moqueur. Du haut de sa scène, habillée en tenue de punk, ses cheveux blancs brillant fièrement dans la pénombre et son regard mordant cerclé de noir, elle devenait… intimidante.
Élin allait s’écrier : « je veux être la première à vous affronteeer ! » mais Strykna pointa un index impérieux vers Oscar.
- You. Tu passes d’abord. Comme ça, je garde les gros morceaux pour la fin, n’est-ce pas ? et la jeune adulte leur envoya un sourire mielleux.
Oscar monta, tremblant, sur scène, demandant un 1vs1, ce que la Championne accorda en un haussement d’épaule. Après tout, Oscar n’avait pas le choix : son Caninos était trop jeune pour mener un combat d’arène, sans parler d’Amagara qui n’avait pas encore éclot…
Pendant ce temps là, Élin, Syd et Elsa gravissaient des gradins prévus exprès pour regarder les matchs. Élin sortit Hope et le chatouilla tendrement, mais se concentra le terrain, tandis qu’Elsa et Syd discutaient, perplexes, à propos de leur ami.
- Je ne l’ai jamais vu s’entraîner, commentait le dresseur de Grotichon, fronçant les sourcils. Est-il capable de s’en sortir face à Strykna ?
- J-Je crois, répondait Elsa, elle-même inquiète pour son match. À l’Académie, on nous prêtait des P-Pokémon pour n-nous entraîner, a-alors techniquement il sait faire… Mais… et elle se mordit la lèvre, ne poursuivant pas.
Mais, se dit Élin, on l’a jamais vu s’entraîner, pas depuis qu’il a reçu Jeans. Donc il n’est pas sérieux.
Et si ce jugement pouvait paraître arbitraire, sur le terrain, Oscar n’en pensait pas moins ! Il était en train de regretter toutes ces heures passées à batifoler avec ses amis, particulièrement quand il sortit maladroitement Jeans et Strykna éclata de rire. Rien que d’observer le terrain lui laissait des sueurs froides.
La Championne sortit un Smogo hilare, et lui rappela les règles du match d’un ton ennuyé.
- Ceci est un match en une seule manche, en conséquence de quoi aucun combattant n’a le droit de changer de Pokémon, et l’utilisation d’un objet seul est permise. Le dernier Pokémon conscient remporte le duel. C’est au dresseur d’initier le combat.
Puis elle hocha de la tête.
Oscar la fixa avec effroi.
Syd murmura qu’il avait tout intérêt de commencer par une Croissance.
Et le dresseur à la queue-de-cheval ordonna un Fouet Liane. Il y eu un « BONG ! » retentissant quand Syd percuta de son crâne la rangée de devant, tandis qu’Elsa lâchait une suite de mots incompréhensibles mais certainement déçus. Élin n’en savait rien, elle lâcha tout simplement un « HEIIN ? » en voyant la réaction de ses amis. Strykna, quant à elle, ricana violemment, et son Smogo évita le faible tentacule vert en lévitant simplement un peu plus haut.
- Oh, mince, il a raté… s’étonna Élin, tandis que sur ses genoux Hope ronronnait presque de contentement.
- C’est pire que ça, lui expliqua Syd. Strykna tient une arène de Pokémon Poison, tandis que Jeans est de Type Plante, alors Oscar est naturellement désavantagé. Mais en plus de cela, il vient d’utiliser une attaque Plante, qui ne fera que peu de dégâts même si elle fait mouche… en gros, Oscar a fait un grosse connerie.
Et Élin de faire d’écarquiller les yeux : « ah OUAIS, les Plantes sont désavantagés contre le Poison ? ». Suite à ces paroles désespérantes, un nouveau « BONG ! » retentit, et un bleu apparu sur le front de Syd. Mais revenons plutôt au pauvre dresseur sur le terrain, écarlate, qui venait de se rendre compte de sa bêtise.
- Oops… bafouillait-il, se grattant la nuque. Héhé… euh, Croissance, Jeans ?
Sa Pokémon hyper-enthousiaste siffla avec motivation et se gonfla soudainement, luisant légèrement, tout ses appendices végétaux s’étirant et même bourgeonnant.
- Maintenant, commenta Syd, il faut qu’il enchaîne les Charge.
- Couplées à des L-Ligotages pour i-imobiliser Smogo, ce serait bien…
Élin voyait les choses autrement. Elle était convaincue que jamais Smogo ne se laisserait piéger, et c’était justement une raison parfaite pour enchaîner les Fouet Liane ! Parce que du plafond lointain du hangar pendaient des dizaines de câbles d’aciers, qui couplées aux tentacules de Jeans, pourraient transformer la Pokémon en une véritable Tarzan. Une fois la petite Vipelierre dans les airs, chaque oscillation augmenterait sa vitesse, Smogo ne pourrait plus suivre, et se faisant attaquer de tous les côtés, il tomberait K.O en un rien de temps !
Enfin, la blonde se garda bien de partager son idée, car après tout, elle avait juré de respecter les autres, puis Syd et Elsa étudiaient beaucoup plus dur qu’elle, qui connaissait à peine les attaques de ses Pokémon… et leur Type apparemment…
- Charge, Smogo, ordonna Stryka d’une voix monocorde et ennuyée.
La boule de gaz fonça droit sur Jeans, qui malgré l’ordre de son dresseur ne pu esquiver : trop empressée, elle trébucha puis le choc l’envoya faire un beau vol plané. Oscar serra les dents, anxieux, et observa sa partenaire se relever, heureusement sans trop de peine. Il ne savait pas quoi faire, bien loin des idées farfelues d’Élin. Son esprit était tout simplement vide, et il commençait à paniquer !
- Jeans, s-s’il-te-plaît, Charge !
Alors la petite Pokémon se rua sur son ennemi, qui, occupé à revenir vers sa dresseuse, ne put éviter le choc. Il s’écrasa. Mais Strykna ne fit qu’arquer un sourcil, peu impressionnée.
- Puredpois.
Oscar blanchit tandis qu’un gaz toxique et violacé se répandait autour de sa Vipelierre, surprise – d’ailleurs elle n’eut pas la présence d’esprit de s’en éloigner, elle avait plutôt l’air de trouver ça cool et se pencha en plein dedans… tel maître, tel Pokémon ! Le garçon aux yeux verts bafouilla quelque chose d’inaudible pour tous les autres présents dans la salle, et Jeans lâcha un cri fier.
Un nouveau Fouet Liane. Cette fois Syd était vraiment consterné. Et le reste aussi, d’ailleurs.
Mais ensuite, une chaîne d’événements miraculeuse se produisit. On dit que parfois, le hasard fait bien les choses, eh bien Oscar loua de nombreuses fois cet adage après ce 15 juin 2999.
D’abord, une Strykna blasée ordonna un nouvelle Charge. Smogo fonça vers Jeans, enfin l’assistance ne perçu pas grand chose à travers la Puredpois, mais en tout cas en sortant du nuage le Pokémon Toxique était emberlificoté dans la seule liane que Vipelierre avait déployée.
Oscar eut la présence d’esprit – pour une fois – d’ordonner un Ligotage, aussi Smogo ne pouvait plus se libérer, et il fusa déci-delà dans la salle, Jeans accrochée derrière lui, des câbles en acier le lacérant de toute part. Le Pokémon flottant fini par s’écrouler, fou de douleur, et Oscar n’eut qu’à demander une Charge pour conclure le combat.
Plutôt bizarre. D’ailleurs ce devait être l’avis du public et de la Championne, car ils gardèrent un drôle de silence, même quand Oscar remonta rayonnant dans les gradins, criant des félicitions à Jeans et louant le bon seigneur Arceus. Syd manqua même de ricaner quand il leur fit miroiter son Badge Toxique.
Mais bientôt, Strykna désigna son prochain adversaire – ignorant les cris d’Élin qui voulait absolument passer – : Elsa.
Le sang de la brune se glaça, mais elle tenta de maintenir un minimum de dignité, et se leva mécaniquement, descendant vers la scène sans regarder les autres. Ses oreilles bourdonnaient. Elle allait perdre…
Parce qu’elle ne voulait pas blesser Amaryllis. Parce qu’elle avait peur. Parce qu’elle était faible. Alors, les autres remporteraient tous leur badge, Syd qui était si calme et efficace, et Élin, maligne et dynamique, et elle, perdrait… mais peut-être lui laisseraient-ils quelques jours pour s’entraîner avant de défier Strykna à nouveau… ou alors elle le demanderait de vite s’enfuir d’Ondes-sur-mer, trop morte de honte, et elle y reviendrait une fois tous ses autres Badges remportés… Elsa se voyait déjà avaler la défaite comme une pilule amère, mais sans pleurer, elle se consolait en se disant qu’une défaite ne pourrait que lui permettre de s’améliorer.
Sans en être convaincue. Pourtant, Strykna ne semblait pas de cet avis.
- Toi, j’ai vu que t’avais du potential, déclara-t-elle d’un air assuré. T’as intérêt à être meilleure que ton poto, hein ?
-O-O-Oui, répondit Elsa, sentant ses genoux devenir du coton, son cœur palpitant dans sa gorge. M-Mais je v-voudrais un 1vs1 a-a-aussi, s-s’il-vous-plaît !
La Championne plissa les yeux, semblant déçue, mais… elle garda un silence impénétrable, scrutant simplement Elsa, pendant quelques minutes. La dresseuse se sentait mourir à petit feu, trembler.
- J’croyais qu’on se tutoyait, fini par énoncer calmement Strykna. Mais comme tu veux.
Puis, elle se fendit d’un large sourire.
- Par ailleurs… j’te fais confiance. Scobolide !
Aussitôt les boucles d’Elsa se hérissèrent sa gorge se serra et elle s’époumoner : « AMARYLLIS ! ». … Pour après se rendre compte que l’audience était abasourdie de l’entendre crier aussi fort, et rougir comme une tomate. Sa Pokémon la fixa, intriguée, poussant de petites exclamations inquiètes. Mais la dresseuse lui indiqua d’un geste empressé, toussant, de se tourner vers son adversaire.
Il fallait qu’elle débute le match. Il fallait qu’elle utilise la bonne Attaque. Il fallait qu’elle soit prête !
- Amaryllis, P-Puissance p-puis Pistolet A O ! s’exclama-t-elle après une profonde inspiration, sa voix se brisant.
Sans hésiter, la Pokémon banda ses muscles, puis éructa un puissant jet d’eau, qui fouetta la carapace de Scobolide avant de violemment cingler son œil. L’Insecte gémit de douleur, fermant son unique prunelle, puis roula de côté pour se protéger.
- Voilà, ça c’est un bon choix d’attaque, commenta Syd, de toute évidence satisfait. Scobolide a une défense tellement élevée que la seule manière de gagner ce match, c’est en jouant sur le Spécial.
- … hein ? sourit naïvement Élin. C’est quoi le machin spécial ?
Syd commençait vraiment à désespérer, là.
Et pendant ce temps là le match continuait. Strykna plissait les yeux, surveillant une Amaryllis étourdie par sa propre attaque, et ordonna à Scobolide de lancer une Roulade. Alors l’Insecte devint un véritable boulet de canon toxique, vrombissant comme un puissant moteur. Il se rua vers la Moustillon qui gémit, apeurée, esquivant tant bien que mal l’attaque, un fois, deux fois, puis se faisant violemment percuter dans le dos ! La Pokémon s’écrasa par terre, tandis que Scobolide effectuait un parfait demi-tour, fusant de nouveau vers sa victime, son poids, sa vitesse s’accumulant jusqu’à le rendre aussi menaçant qu’un rouleau compresseur.
Et tous les mots, les ordres que voulait crier Elsa, étaient coincés dans sa gorge à cause de la peur ! Ses amis l’encourageaient elle l’entendait, mais elle n’arrivait pas à parler, elle s’étouffait, elle fit même un geste désespéré – et alors Amaryllis comprit. Elle lança un regard à sa dresseuse, puis se redressa comme frappée par la foudre, et lança un immense Tourniquet : vers le sol.
L’attaque, renforcée par la peur d’Elsa et l’urgence de la situation, fit mouche et la Moustillon se retrouva projetée dans les airs par la force du jet tandis que Scobolide traversa un fin rideau de gouttelettes, et se demanda avec curiosité où son adversaire était passée. Après tout les Pokémon Insecte brillaient rarement par leur intelligence, n’en déplaise à Artie.
Miraculeusement, Amaryllis parvint à s’accrocher à un des câbles d’aciers, et resta suspendue là en toute quiétude, tandis que Strykna éclata de rire et qu’Elsa manquait de s’évanouir de soulagement.
- Well gee, rendre Tourniquet utile ! s’esclaffa la Championne. Tu m’impressionnes girl !
Si la remarque provoqua un rire léger dans l’assistance, Elsa était trop plongée dans ses pensées pour l’entendre. Tout, allait trop vite, le temps défilait à cent à l’heure et il fallait qu’elle trouve comment réagir, vite ! Amaryllis n’allait pas s’accrocher éternellement, la petite Pokémon commençait déjà à se fatiguer ! Mentalement, elle lista toutes les attaques qu’elle connaissait à Scobodile – bon, Strykna utilisait typiquement des Pokémon aux niveaux compris entre 16 et 19 inclus, ce qui signifiait que son adversaire connaissait : Boul’Armure, Roulade, Dard Venin, Grincement, Poursuite, Abri et éventuellement Queue-Poison. Il fallait absolument éviter toutes les attaques Poison, car Amaryllis avec son petit corps fragile, aurait tôt fait d’être empoisonnée, et…
- Bon, tu te bouges un peu ? soupira Strykna. Tu sais… I like to move it move it. Et la Championne entama une petite danse.
Elsa rougit, la voix de la Championne la paniquant légèrement, mais elle se ressaisit et serra les poings.
Elle avait… Elle avait trouvé.
La stratégie qui correspondait au match. La tactique qu’elle avait vu cent fois dans tous ses cours, qu’elle avait appris par cœur. La méthode qu’elle pouvait appliquer ici et maintenant grâce aux attaques d’Amaryllis, et au terrain… les câbles… le « Schéma Lure ».
Première étape… s’isoler.
- Ama, Tourniquet, encore.
La Pokémon s’exécuta de nouveau, mais cette fois l’attaque eut un effet très différent : elle fit violemment tournoyer Moustillon et son câble, l’emmêlant à d’autres filins d’aciers. Bientôt un filet lâche mais vaste s’étendit au-dessus de Scobolide, permettant à Amaryllis de se reposer mais surtout de viser son adversaire sans se mettre en danger. Strykna eut un sourire amusé.
- Aha. C’est déjà mieux. Mais n’y crois pas trop : you can run, but you cannot hide! Scobolide, une nouvelle Roulade.
La Championne… elle n’avait pas reconnu le Schéma, Elsa en était sûre…
Scobolide s’illumina légèrement, sous le regard absent d’Elsa, qui avait silencieusement ordonné une série de Puissance. Mais il ne pouvait pas atteindre Moustillon, non… Il fusa vers le fond de la scène en vrombissant, n’entamant qu’un virage en épingle au dernier moment, fonçant vers un autre mur. Dans les gradins, le public tremblait, secoué par ce qui devenait un véritable rouleau-compresseur. Syd fronçait les sourcils, perplexe.
- Alors là, je ne vois franchement pas l’intérêt de lancer une Roulade dans le vide. Ce n’est certainement pas cette attaque qui fera chuter Amaryllis de son perchoir, et cela fatigue inutilement Scobolide.
- J’sais pas, on verra bien non, enfin, on s’en fiche non ? souriait niaisement Oscar, toujours avec son sourire de maniaque, astiquant mécaniquement son tout nouveau badge avec sa manche.
Et Élin, avait compris. Elle ne connaissait pas le Schéma Lure, non, loin de cela ! Mais elle comprenait les Attaques d’une autre manière que Syd, elle leur reconnaissait plusieurs fonctions. Ainsi la blonde remarquait facilement que plus Scobolide roulait, plus il allait vite… peut-être serait-il même capable de remonter un des murs et d’atterrir sur le filet d’Amaryllis…
D’ailleurs, c’est exactement ce qu’avait en tête la Championne.
- Scobolide, Poursuite !
Mais c’est aussi ce qu’avait en tête Elsa. Car la seconde étape du Schéma Lure était l’action éponyme : to lure, attirer.
Scobolide fusa vers un des murs de l’arène, vrombissant plus que jamais, il ne devenait qu’un flou violacé et destructeur ; sous les exclamations choquées de l’audience, il escalada toute la paroi et fit un immense vol plané, tournoyant violemment dans le vide, presque perdu dans les ténèbres inquiétantes du hangar. Mais surtout il tourbillonnait juste au-dessus d’Amaryllis, immobile, plongée dans une méditation de Puissance…
Alors Scobolide se figea soudainement, et s’abattit comme du plomb sur la Moustillon, tous ses appendices tendus et étincelants d’un poison virulent ! Et Amaryllis ne bougeait pas, figée, elle observait l’adversaire choir à une vitesse folle vers elle – le temps semblait se figer. Alors qu’en réalité, ne s’écoulait, qu’une infime fraction de seconde.
- Amaryllis, Pistolet A O, murmura Elsa d’une voix rauque et perdue, entendue et comprise seule, de sa Pokémon.
Qui, au tout dernier moment, s’éjecta de dessous Scobodile avec un si puissant jet d’eau, qu’il brisa le filet de câbles emmêlés, et percuta violemment l’Insecte en chute libre, ne faisant qu’accélérer sa descente mortelle vers le sol. Scobodile s’écrasa sur la scène en acier, inconscient… tandis qu’Amaryllis descendait bien plus doucement, amortissant sa chute à coup de Tourniquet, saisie d’une intense lueur…
La Pokémon grandit, sa silhouette s’amincit, et son museau se fit plus délicat et malin, ses yeux luisaient d’un courage nouveau.
Amaryllis avait évolué en Mateloutre.
Elsa s’écroula devant sa Pokémon, qui la serra dans ses bras, beaucoup plus calme que sa dresseuse. La brune sanglota un peu, mais refusa de pleurer, levant ses yeux vers Strykna qui lui tendait son badge en ricanant…
- M-Merci, souffla-t-elle, presque dans le déni, tant elle était ébahie.
Elle qui avait entamé ce match en étant sûre de sa défaite, elle en était sortie la tête haute : elle l’avait remporté. La dresseuse de Volucité se releva doucement, se croyant toujours dans un rêve. Puis elle fut littéralement ensevelie, plaquée au sol par ses amis qui la félicitèrent de tout leur cœur, Syd souriait, Élin riait à pleins poumons et les prunelles si vertes d’Oscar brillaient de fierté !
- Ouais ! On est deux dans le camp des badass maintenant ! Z’êtes jaloux hein, Élin et Syd !
- Pff ! Plus pour longtemps, répliqua la blonde avec une grimace outrée. À moi d’affronter Strykna, mon match sera encore mieux que le tiens Elsa !
- J-J’espère pour toi, répliqua la brune, toujours perdue au pays des merveilles.
- Ouah, y en a une qui est fière hein… sourit de nouveau le garçon à la queue-de-cheval. À ce propos : bravo Amaryllis, pour ton évolution !
La Pokémon jappa, heureuse, et on s’enthousiasma quelques minutes à son sujet, puis Strykna bailla très peu discrètement.
- Bon, j’ai la soudaine magnanimité d’vous laissez choisir qui sera le prochain. Grouillez-vous.
Les adolescents se regardèrent. Élin et Syd se regardèrent. Et évidemment, les réactions ne se firent pas attendre.
- C’est MOI qui l’affronte maintenant !
- Rêve. C’est à mon tour.
- Mais n’importe quoi, qui a décidé ça, le bon dieu ?
- Mieux encore : moi.
- T’as aucun droit de choisir.
- Bah si, sourit Syd. Je t’ai battu hier soir, donc c’est moi qui décide.
Et promptement, il sortit Riolu.
- Tu vois ? C’est aussi simple que ça. J’aimerais un combat en deux manches simples, s’il-vous-plaît.
Ça y est, il était prêt. Riolu allait battre Smogo. Puis Grotichon allait défaire Scobolide… il avait tout, tout préparé.
Pendant que Syd souriait avec contentement, Oscar et Amaryllis durent traîner une Élin hurlant des obscénités dans les gradins. Elsa s’excusa platement auprès de Strykna, qui trouva la situation comique et se reconnut sans honte en la gamine ; puis, une fois la scène vidée, Syd et la Championne purent se regarder dans le blanc des yeux pendant quelques intenses secondes, et l’adulte sourit d’un air railleur.
- Alors, c’est quoi l’deal, t’es préparé et t’as pas peur ? lança-t-elle, tandis que Syd arquait un sourcil.
- Dans les grandes lignes, oui.
- Hm, souffla légèrement la Championne. Well, on va creuser tout ça.
La Championne recula légèrement, sourit, et envoya un Nosferapti.
- Étonnement.
La chauve-souris fondit vers Riolu avec un cri perçant et la jeune chienne glapit avec effroi, trébuchant presque contre un reste de câble. Cependant, la Pokémon n’était pas la seule abasourdie par le Pokémon adverse.
- M-Mais… balbutiait Syd, sidéré. Ce Pokémon n’est pas dans vos listes officielles, n-normalement vous n’avez pas le droit de l’utiliser…
Devant ses yeux hallucinés, Strykna émit un rire bref, mais destructeur.
- Morveux, les listes de l’arène sont présentes à titre indicatif. Ceci est une arène Poison, and I’ll use every Poison Type Pokemon I damn well please. Tu sais ce que c’est, mon rôle de Championne, au juste ? Tester des dresseurs débutants. Les confronter à leurs défauts et secouer leurs p’tites certitudes. Toi ? Tu m’as l’air d’être vachement sûr de toi, pour un gamin qui n’a jamais disputé de match d’arène. Eh bien, deal with this.
Puis elle se pencha vers Syd, et articula mielleusement :
- Nosferapti, Vampirisme.
Le Pokémon de la Championne s’élança vers Riolu, voletant si rapidement autour de la chienne qu’elle ne sut plus où en donner la tête, et dès qu’elle se retrouva suffisamment distraite, lui mordit la nuque. Cependant la vitesse de Riolu avait doublé à cause de la peur, et elle pu asséner une Forte Paume à la chauve-souris avant qu’elle ne s’éloigne !
Ça n’empêchait que Syd avait du mal à se remettre… Il fulminait. Tout ceci lui rappelait trop son premier combat avec Élin. Cette Championne n’avait aucun honneur et aucun respect pour ses challengers ! Une pensée furtive l’écorcha : peut-être était-ce lui qui adoptait un comportement trop rigide, dans un combat comme dans la vie en général.
Le dresseur se reprit maladroitement…
- R-Riolu, Clairvoyance !
De cette manière, se dit-il, il pourrait calmer Riolu tout en exploitant sa vitesse accrue, et rattraper un Nosferapti décidemment trop véloce. Mais il ne pouvait secouer le malaise, la panique qui le prenait soudainement, il se trouvait en plein terrain inconnu, lui qui avait prévu un stratégie parfaite pour contrer Smogo avec Riolu, un piège sûr mais lent… tout est fichu maintenant, foutue à cause de cette connasse !
La violence de sa pensée l’horrifia – il sa plaqua une main devant la bouche – et Strykna ordonna un nouveau Vampirisme, qui brisa brutalement la concentration de Riolu, annulant sa Clairvoyance et la replongeant dans une panique hasardeuse… elle avait besoin de son dresseur, sa boussole.
Syd n’était pas encore assez sûr de lui.
- Riposte…
Nosferapti s’était déjà enfui.
Dans les gradins, s’abattait une lourde déception que personne n’osait s’avouer.
- Bah dis-donc, après toutes ses remarques dans les gradins, je croyais qu’il ferait mieux… marmonna Oscar, avant de lancer des regards furtifs à la ronde, comme s’il avait énoncé un blasphème.
Elsa hochait du chef, gênée. Mais Élin, quant à elle, secouait avec ferveur le sien, oubliant même qu’elle devait bouder Syd pour lui avoir chipé sa place.
- Non, tu te trompes, je suis sûre qu’il va se reprendre. Il doit être en train d’élaborer une stratégie, c’est tout. Ils contemplèrent Riolu échouer une Vive Attaque, et Élin désigna la scène d’un doigt tremblant, comme si c’était l’évidence même, la preuve de ce qu’elle avançait… Regarde Oscar, là il n’essaie même pas !
Justement, voulu répondre le dresseur. Mais il n’osa pas briser, tant de naïveté enfantine… Pourtant Élin était certaine de ses paroles !
Après tout, Syd était le dresseur qui l’avait battue la veille, c’était le mec qui l’irritait et l’intéressait le plus et dont elle voulait à tout prix gagner le respect ! Si elle croyait en lui, c’est qu’il y avait une raison : bien sûr qu’il allait gagner ! Pour Élin, il n’y avait pas d’autre possibilité. Comme elle était sûre de son admiration, de ses émotions, elle était sûre de la victoire de Syd.
Et si seulement elle avait pu lui refiler le quart de ses certitudes… Syd en aurait bien besoin… Il ne comprenait pas ce qui se passait ! Tout se passait trop vite, le temps défilait, défilait sans qu’il ne puisse le retenir ! Il avait besoin d’une pause, d’une pause ! Sa tête menaçait d’exploser tant il était tendu et tout. Dans cette situation. L’insupportait. La pénombre qui lui fatiguait les yeux. Le sourire railleur de Strykna. Les cris de son Pokémon. Stryka. Et surtout, surtout Élin, certainement en train de se moquer de lui dans les tribunes !
Pourtant l’adolescent n’arrivait même pas à croire en ces pensées. Il était sûr que son amie, sa rivale… était tout simplement déçue.
Durant le trajet vers l’arène, il s’était enfermé dans ses pensées, dans un silence profond. Élin lui avait demandé, curieuse, ce à quoi il réfléchissait, et Syd lui avait répondu qu’il prévoyait ses stratégies pour le match d’arène… Il lui avait proposé d’en discuter ensemble, mais la blonde était incapable de retenir les attaques de ses propres Pokémon, sans parler des capacités des adversaires ! Elle avait fini par carrément s’énerver, et avait lâché avec ce qui lui semblait être de la pure mauvaise foi, que toutes ses planifications ne valaient rien, car quand on réfléchit, on ne voit pas ses Pokémon souffrir, on est pas soumis à l’urgence, le stress d’un combat. Il l’avait envoyé balader après une comparaison douteuse de la situation avec leur place dans le bus 202 : dans un véhicule, on voit le paysage défiler sans en faire partie, eh bien quand l’on ne fait que réfléchir à un combat, c’est pareil, cela n’aura jamais d’influence sur le réel combat.
Il avait rit, il avait rit… mais maintenant, il comprenait. Rien qu’en changeant de Pokémon, Strykna avait rendu toutes ses préparations obsolètes, avait détruit toute une stratégie et tous ses espoirs… il ne méritait pas de gagner…
Riolu se fit de nouveau Mordre, mais ne pu que faiblement se défendre, épuisée. Cette fois, elle trébucha réellement contre le morceau de câble abandonné, et s’écroula à terre…
- Bah alors, Golden Boy? ricana Strykna. Elles sont passées où les certitudes ?
Et Syd de souffler :
- Dans mon cul.
Il… il allait perdre… mais quelqu’un dans la salle n’était pas de cet avis !
- MAIS MERDE À LA FIN ! s’époumona rageusement Élin, sa voix la trahissant, sa mémoire oubliant opportunément qu’elle faisait la gueule au dresseur qui était passé avant elle. BOUGE-LE, TON CUL ! J’AI… J’AI HONTE D’ÊTRE TA RIVALE LÀ ! TU MÉRITES MÊME PAS DE M’AVOIR BATTUE !
Furieusement Syd fit volte-face, foudroyant la blonde du regard. Elle croyait que c’était facile peut-être ? C’était même elle qui l’avait prévenu que le combat serait différent, et ardu ! Et puis elle pouvait pas se la fermer pour une fois, et se mêler de ce qui la regardait ?
- MAIS ALLEZ, ALLEZ ! s’écriait la blonde, farouche. Fais n’importe mais QUELQUE CHOSE !
Ah oui et quoi par exemple ? Lui au moins, connaissait les attaques de ses Pokémon, elle croyait quoi, qu’il n’avait pas assez réfléchit peut-être ? Qu’il n’avait pas déjà passé toutes les possibilités, toutes les capacités de Riolu en revue ?
Mais Élin poursuivait, furibonde, cherchant dans tous les recoins de son esprit ce qui pourrait être un attaque de Riolu – une discussion entre Elsa et Syd lui revint, et sans perdre une seconde elle hurla :
- LANCE FORTE-PAUME !
Et à cet instant un nouveau miracle se produisit. Riolu, étourdie, n’entendit que le nom de l’attaque. Sans se soucier de savoir qui l’ordonnait, elle obéit, et gifla par pur miracle Nosferapti qui entamait un quatrième Vampirisme ! La chauve-souris valdingua, poussant un « CUIII » sidéré, et s’envola vers d’autres cieux avant de se reprendre avec beaucoup de difficulté.
Il y eut un silence abasourdi. Puis Strykna éclata de rire.
- HA mais elle a un cul bordé de nouilles ta copine ! … sans déconner, Nosferapti, Cru’Aile.
Élin fixa méchamment Syd. Syd fixa méchamment Élin.
- Toi, je vais t’apprendre, à utiliser mes Pokémon, grinça-t-il.
- C’est ça, rêve ! rétorqua Élin.
Et sans se soucier de la tornade aérienne qui fondait vers sa Pokémon, Syd prit une immense inspiration, ferma les yeux, et ordonna :
- Riolu, Ténacité.
Il… ça y est, il avait reprit confiance. Il n’avait pas besoin de prévoir, de savoir. Il pouvait le faire. Et Riolu, sentant l’assurance de son dresseur, galvanisée, trouva la force de rester debout, fière et droite, gémissant, puisant dans ses dernières ressources, mais tenant sur ses deux pattes. Nosferapti cessa l’attaque, s’éloignant de la chienne bleue après un geste sec de Strykna, qui plissait maintenant les yeux avec méfiance. Syd sourit.
Il avait un match d’arène à gagner.
… Bon, il fallait être réaliste, Riolu ne tiendrait pas un coup de plus et à force de Ténacité, elle allait finir par le détester. Il fallait qu’il agisse maintenant, avec toutes les forces qui leurs restaient. Alors Riolu coula un long regard de vermeille en arrière, percutant les prunelles d’ambre de son dresseur, qui brandit le poing et siffla : « Riposte ».
- Cru’Aile, get away! répliqua aussitôt Strykna.
Mais la chienne bleue avait trop souffert, elle ne se laissa pas malmener par les vents, non ! Elle fit un bond prodigieux par dessus la bourrasque, luisant toute entière de rouge, et plongea griffes les premières sur Nosferapti. La collision fut brutale, les deux adversaires s’écrasèrent sur la scène… tous les deux K.O.
Syd rappela sa Pokémon, et tandis que Strykna faisait de même, lui murmura :
- Pardon Riolu, pour toi c’était trop tard, mais je te jure que je vais gagner ce match avec Grotichon…
Il lui devait bien ces mots rassurants à sa Pokémon défaite.
Calmement, il envoya son second Pokémon, qui se dressa fièrement et rugit avec force et fracas. Dans l’assistance, Amaryllis et Vipelierre frissonnèrent. Le cochon de feu était bien différent depuis son évolution…
Syd avait prévu d’affronter Scobolide avec Grotichon, de le défaire en ne cédant pas un pouce de terrain et en enchaînant les Nitrocharge. Il n’y avait pas de tactique particulière, juste de la logique imposée par les statistiques respectives des combattants. Le plan était clair, précis, et efficace.
Surtout, il ne valait rien si Strykna n’envoyait pas le Pokémon prévu. Et la Championne ne semblait pas encline à ce faire… elle mesurait, observait calmement Syd et Grotichon, sans un sourire, de quoi inquiéter ses adversaires. Et aussi de quoi alarmer Oscar, qui s’imaginait déjà voir un Brutapode de niveau cent apparaître sur le terrain, ou même un Nidoking surpuissant !
- M-Mais non… soufflait Elsa, amusée par tant de frayeur. E-Elle ne ferait j-jamais ça !
- Moi si j’étais elle, j’enverrai un Smogo ! déclara Élin, sûre d’elle.
- A-Ah bon ? Mais je croyais son but était de s-surprendre Syd avec des Pokémon atypiques…
- Eh bien justement, sourit malicieusement Élin. Quoi de mieux qu’on Pokémon banal, réputé la plus faible espèce de son arène, pour le déstabiliser de nouveau ?
Et sous leurs regards surpris, Strykna appela un Smogo. Oscar et Elsa jetèrent des coup d’yeux intrigués à la blonde, mais celle-ci ne fit que rire de plaisir, se penchant avec intérêt vers la seconde manche du match.
- Allez Syd ! Tu peux le faire vas-y ! s’exclama-t-elle avec force.
Sur le terrain, le dresseur en question déglutissait difficilement, et analysa ses options. Smogo était difficile à atteindre… Il allait devoir jouer sur le Spécial… rah mais il ne possédait que Flammèche dans cette catégorie, il avait besoin d’autre chose, de mieux !
- Grotichon, Mimi Queue, ordonna-t-il alors, se rebellant contre sa logique habituelle.
Il allait tracer sa propre voie. Mais Strykna ne fit que répliquer :
- Smogo, Bain de Smog, sur toi-même.
Rah ! Malin ! La Championne empêchait ainsi toute modification des Stats de son Pokémon… de plus, le gaz qui entourait Smogo, bien que léger, était très odorant, et empêcherait Syd d’utiliser Flair. Strykna venait de balayer deux menaces potentielles d’un tour de main. Il fallait qu’il réagisse, qu’il s’impose !
- Grotichon, Nitrocharge !
Alors le Pokémon tout entier s’embrasa et il fonça lourdement vers Smogo, toutes défenses dehors, brandissant un poing menaçant ! Stryka se tendit imperceptiblement mais ne réagit pas, évaluant l’adversaire, la distance qu’il lui restait à parcourir : au dernier moment elle ordonna à son Smogo d’esquiver.
Le Pokémon ballon fusa vers le plafond, répendant derrière lui une traînée de gaz toxiques. Tandis que Grotichon s’arrêtait difficilement, dérapant sur la surface lisse de la scène, certaines de ses flammes entrèrent en contact avec le nuage violacé, provoquant de petites explosions. Strykna sourit. Et Élin plissa les yeux, intriguée…
- Smogo, Puredpois.
- Charge !
Mais si Grotichon avait bien grandi en évoluant, le Pokémon Poison prenait bien garde à flotter juste au-dessus de sa portée, ricanant allègrement, et arrosant le terrain d’un épais gaz pourpre… La nuée étouffante s’enfonçait peu à peu vers le sol, enveloppant Grotichon qui n’y voyait goutte.
- Maintenant, Brouillard, ordonna Strykna.
Dans les gradins, Elsa fronça les sourcils et se mordit la lèvre, perplexe.
- T-Tiens mais c’est bizarre, elle n’a p-pourtant pas besoin des deux pour aveugler Grotichon…
- Ouais… elle doit faire un mélange, analysa Élin, tandis que le Brouillard s’infiltrait parmi la Puredpois plus épaisse, transformant le terrain en une immense mer pourpre et noire, dans laquelle on distinguait à peine Grotichon.
Syd serra les dents, renvoyant ses options, mais n’en trouvant aucune qui lui permette d’atteindre Smogo ! Et au Pokémon Polluant d’éclater d’un rire menaçant, et d’enchaîner sur un Gaz Toxique… Il plongea même dans l’océan violacé pour mieux répandre les émanations venimeuses, hilare. Syd, devant la cible invisible, se rappela les premiers entraînements d’Élin, durant lesquels elle bandait les yeux de ses Pokémon et les faisait combattre aveugle… il avait trouvé ça ridicule, mais finalement, pas tant que ça.
Alors il devait admettre qu’il la respectait. Voilà c’était dit. Maintenant il aimerait bien savoir quoi faire !
- Bah alors, Challenger, tu ne m’attaques pas ? lui lança Strykna avec un large sourire. Pas la moindre petit étincelle ? Tu sais, on ne gagne pas un combat en le souhaitant très fort…
Et alors, Élin et Syd pensèrent simultanément à leur enfance. Élin, à sa vieille prof de Physique-Chimie à l’haleine puant la crotte de bique, qui lui racontait que certains gaz étaient très… très… com-bus-tifs. Enfin ce n’était pas exactement ce mot là mais bref !
Quant à Syd, il pensa très fort à ses discussions avec Aloé sur la versatilité du Type Feu, les multiples emplois de leurs flammes… « Fais attention au Types Sol et Poison. Tu ne sais jamais quels gaz ils peuvent te trouver, sous terre ou ailleurs ».
Il ferma les yeux. Et juste au moment où Élin lui hurla de faire attention, il ordonna :
- Boul’Armure. Puis, Grotichon… comme aux premiers entraînements. Flammèche.
Il ne vit pas son Pokémon s’enrouler sur lui-même, n’entendit pas Strykna crier à Smogo de s’éloigner, sentit simplement le souffle surpuissant de l’explosion, qui secoua brutalement la salle, jusque dans les gradins, brisant toute la première rangée de chaise, cinglant les tympans du public et des combattants. Grotichon avait compris… il n’avait pas crée de flammes autour de lui, mais les avait lancées tout au bord du nuage, sur les côtés du terrain ! De cette manière, et avec sa Boul’Armure, il avait à peine été blessé par l’explosion !
De plus le feu consumait peu à peu le nuage, comme s’il l’absorbait, provoquant de nouvelles et violentes explosions à tout point du terrain. Strykna serrait les dents, toute sa stratégie réduite en miette, et Syd ne pu résister à la tentation de lui tirer la langue.
Soudainement Smogo apparu entre deux tentacules de poisons maintenant clairsemées ! Il était bien amoché, flottant avec peine, plus du tout hilare. Syd en ressentit une brutale satisfaction.
Le cochon de feu se redressa furieusement, et chargeant son adversaire, à qui il asséna un coup de poing bien senti. Le ballon toxique valdingua et s’écrasa quelque part dans les gradins, complètement, et irréversiblement K.O.
Un silence abasourdi s’abattit dans la salle. Puis, Élin dévala tous les escaliers qui la séparaient de Syd à la vitesse d’un Latias, et emporta Syd dans un immense câlin. Il s’en étouffa presque, surpris, peu habitué au contact direct et à la force et la chaleur d’un corps contre le sien… mais bientôt Oscar, et Elsa les rejoignirent, les percutant tour à tour, et il ne pu plus protester, complètement submergé.
- Félicitations ! s’exclama Élin à son oreille, des étoiles dans les yeux.
- Yeah, yeah, voilà ton badge, morveux… ricana Strykna, lui tirant la langue à son tour, pour bonne mesure. Rappelle-toi juste que tu ne peux pas tout prévoir, et ça devrait aller…
Les adolescents se séparèrent assez pour qu’il puisse récupérer son Badge, et féliciter Grotichon, qui attendait dignement qu’on le congratule, assis sur la première rangée détruite de gradins.
- Bon, à qui le tour ? lança Strykna, et quand Élin leva vivement son doigt, surexcitée, elle enchaîna d’un air amusé : ah, you, je t’ai déjà vu quelque part je crois… Ce serait pas dans Jeux d’Amour ?
Et alors Élin s’avança vers le terrain, Hope dans les bras, arrivant à peine à respirer normalement tant elle était excitée. Serait-elle la seule à perdre contre Strykna ? Remporterait-elle le badge haut-la-main ? Et ses Pokémon, ses Pokémon seraient-ils blessés ?
Ce qu’elle aimait tant d’un combat de Pokémon…
C’est qu’elle n’en savait rien.
Il ne tenait qu’à elle de nicker la race de Strykna !
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Épisode 15 : Travail d'équipe.
Spoiler
(Travail d’équipe !)
Élin gravit les marches de la scène, motivée, et posa doucement Hope à terre, au grand damne du petit chien roux.
- Pardon Hope, mais tu es encore trop petit pour disputer un match d’arène, on s’entraînera ensemble après, d’accord ?
Et comme le chiot aboyait piteusement, elle détacha ses cheveux de son habituel plumeau et tendit l’énorme chouchou à son Pokémon, nouant une petit touffe sur le haut de son crâne.
- Voilà, comme ça t’es avec Lucky et Baggy pendant tout le combat, tu peux même être notre cheerleader !
Hope jappa avec contentement sans pour autant comprendre le sens du mot « cheerleader » et Élin le caressa tendrement. Dans les gradins, Syd fronçait les sourcils, observant la scène affectueuse d’un regard sceptique.
- Pourquoi est-ce qu’il adore ce chouchou ? Il a l’air ridicule.
Contre toute attente, ce fut Oscar qui lui répondit, souriant avec affection.
- Parce que c’est Élin qui le lui a donné. On noue tous de différentes relations avec les Pokémon, certains les voient comme des partenaires, des amis ou encore des collègues de travail… mais d’autres les considèrent comme des enfants, et les jeunes Pokémon sont particulièrement réceptifs à cette approche. C’est pour cela qu’ils aident leur dresseur, encore et encore, et qu’une trahison les blesse autant… enfin…
Il rougit sous les prunelles intriguées d’Elsa et Syd, surtout sous le regard du dernier qui avait l’air de lui découvrir un cerveau. Danser et s’aider contre les vieux, c’était une chose, ça avait partie du Pacte. Mais au vu de la performance minable d’Oscar en combat, Syd ne pouvait pas se douter que le garçon à la queue-de-cheval ait un quelconque talent.
- … j’aimais bien les cours d’élevage… termina le concerné, assez faiblement il faut dire.
Elsa sourit, puis leur attention se redirigea vers Élin, qui examinait le terrain, fronçant les sourcils. Elle n’avait pas perdu une miette des matchs de ses camarades, surtout de ceux d’Elsa et Syd… Et s’il lui était impossible de reproduire les explosions de gaz de Syd, il restait des bouts de câbles accrochés au plafond. La blonde envoya un sourire éclatant à la Championne.
- Yosh m’dame !
- Pas de madame, je n’ai que vingt ans, maugréa Strykna. Bon, I imagine que tu veux un combat en deux manches simples, comme ton poto la lavette ?
Syd se sentit brusquement, lééégèrement, embarrassé.
- Bahhh… nan, en fait, répliqua Élin. Enfin oui, c’est une lavette – la blonde ignora un « EH t’as dit QUOI là ? » mystérieusement issu des gradins, et poursuivit – mais non, je veux pas de combat simple ! Je préfère le double !
Strykna arqua un sourcil, mais ne commenta pas ce choix atypique, détaillant tout simplement Élin de haut en bas, comme elle l’avait fait pour les autres adolescents.
- Bon, la lavette, c’était le neveu d’Aloé. Et toi t’es quoi, la p’tit fifille de Black ? Tu t’bats avec le même style ? s’enquit-elle avec un sourire provocateur, tandis que la mine d’Élin s’assombrissait.
- On s’en fout, au pire, rétorqua-t-elle amèrement. Je ne veux pas être jugée à l’ombre de mon père, mais pour mes propres qualités et défauts ! Alors ne me ménagez pas, c’est clair ?
- Mais loin de moi l’idée, répliqua lentement, mielleusement Strykna.
Un doute glacé se faufila le long de la nuque d’Élin, lui murmurant, que son père la voyait, observerait le combat. Que sur une échelle de zéro à Black, elle resterait à jamais un zéro... Mais au monde extérieur, elle envoya tout simplement un sourire ravi, le même qui avait fait chaviré tant de cœurs ! – Enfin, peut-être dans son délire égocentrique –
- OK ! Alors, Baggy, Lucky, GO ! Je compte sur vous !
Les deux Pokémon atterrirent sur le terrain avec des regards calmes, mais confiants, Lucky poussant un aboiement joyeux. Sous le regard bienveillant d’Élin, les Pokémon se rapprochèrent, affirmant clairement leur statut d’équipe unie – bien que Baggy poussa un soupir gavé. Strykna resserra sa queue-de-cheval, et remonta ses manches rayées, répliqua d’une voix aiguë :
- Ok, faisons pareil ! Euuh, Tadmorv , euuuh Fantominus, GO ! Je vous aiiime !
Dans les gradins, on se fixait, perplexe.
- C-C’est un choix inhabituel…
- Oui mais Baggy connaît Feinte, non ? hasarda Oscar. Il devrait pourvoir se débarrasser de Fantominus suffisamment facilement…
Cependant, Syd était le seul à avoir compris la provocation de Strykna. Le seul à avoir remarqué l’agacement d’Élin. Il croisa son regard, lui intimant de se taire d’un geste silencieux urgent. Et elle sembla comprendre, serrant les poings : ces matchs n’étaient pas seulement une épreuve pour les Pokémon, ils vérifiaient aussi que les dresseurs avaient un mental d’acier. C’était pour cela que Strykna avait tant cherché à déstabiliser Syd, par exemple. Élin se devait d’être d’un calme Olympien pour guider son équipe !
La blonde remercia silencieusement son « rival ». Et inspira, galvanisée, balayant les Pokémon adverses d’un regard confiant. Comme à son habitude, elle prit l’initiative !
- Lucky, Flair sur Tadmorv !
Silence consterné.
Elsa et Oscar n’osèrent piper mot, mais Syd marmonna quelque chose du genre « crétine rahgnama… grmbl comme si un Ponchien pouvait pas déjà repérer une chiée d’ordure pestilentielles à cent kilomètres… grmbl… ». Et après cette attaque tout à fait inefficace, Élin ordonna à Baggy d’exécuter un Balayage sur Fantominus !
L’attaque fut encore plus inutile que la précédente, et si Élin tira une tête abasourdie quand son Pokémon passa droit au travers du fantôme gazeux, Syd sentit son sang bouillir et éructa :
- MAIS T’ES IDIOTE OU TU LE FAIS EXPRÈS ?
Strykna était littéralement morte de rire, pliée en deux, titubant presque, elle avait du mal à respirer, ses ricanements devenaient des sifflements impuissants.
- HA… ha mais – mais elle est vraiment excellente cette gamine !
- Non mais tu connais la Table des Types du Professeur Chen au moins ? poursuivait furieusement Syd, tapant du poing sur les gradins. Eau bat Feu qui bat Plante ? Ton père te l’a jamais enseigné ou quoi ?
- Le Professeur Chen… répétait Élin, perdue. AH MAIS OUI celui qui a donné son starter à Red !
Et tandis que le reste de la salle soupira, consterné, devant tant d’inculture, elle continua, renfrognée :
- Mon père, il parle pas.
- … oui mais enfin quand même, s’étrangla Syd. Bon, n’utilise plus d’attaques de Type Combat sur un Pokémon Spectre, ok ?
- Bah ouais mais… je connais pas le Type des attaques…
On poussa un nouveau soupir effaré. Mais les adolescents n’eurent pas le temps de renseigner Élin, car Strykna avait repris – certes difficilement – contenance, et interpellait ses Pokémon, toujours à moitié hilare :
- Tadmorv, Coud’Boue sur le Ponchien… toi, Lechouille sur l’autre… ouuh…
- Esquivez ! ordonna quant à elle Élin, gardant son air grognon.
Heureusement pour elle, Baggy, agile, repoussa Fantominus à coup de Jet de Sable, gardant toute sa concentration. Cependant Lucky était plus volumineux depuis son évolution, et se prit la poignée de terre molle en plein dans la truffe, ce qui eut pour effet à la fois d’annuler son Flair et de partiellement l’aveugler.
- Ne t’inquiète pas, le rassura tout de suite Élin, tendue. Tu sais te battre sans tes yeux, rappelle-toi nos entraînements !
Pendant ce temps dans les gradins, Syd soupirait :
- Je sens que ça va être un long, long match…
- P-Pas grave, il sera i-intéressant, assura Elsa. Élin est intelligente…
- Mais elle est butée, argua Syd. Elle peut s’entêter longtemps, avec ses attaques Normales et Combats.
Oscar restait silencieux, soucieux. Prit d’un soudain éclaire de génie, il sortit son Pokédex, et le pointa sur les deux Pokémon d’Élin, que l’engin reconnu instantanément… À l’écran s’afficha les niveaux de Lucky et Baggy : 17 et 19. Les yeux d’Oscar s’écarquillèrent. Waouh, il savait que la blonde s’entraînait beaucoup, qu’elle avait passé la matinée à ruminer sa défaite contre Syd et tenter de s’améliorer, mais là cela dépassait toutes ses estimations ! Elle était aisément devenue la plus forte de leur groupe !
- Baggy, monte sur Lucky et dirige-le ! s’écriait la concernée, sans se douter de ce qui se disait à son sujet.
Le Pokémon Wesh s’exécuta promptement, se glissant sur le plus gros chien et lui tirant les oreilles pour se diriger. Loin étaient les temps où Baggy pouvait balancer Lucky comme un sac à patates en un « Jet de Ponchiot », les rapports de force s’étaient inversés ! L’audience resta interdite, intriguée devant cet arrangement pour le moins original, et Strykna plissa les yeux, attendant de voir comment la dresseuse enchaînerait. Celle-ci ne se fit pas prier.
- Lucky, Bélier et Baggy, Balayette !
Immédiatement le Ponchien fonça vers les Pokémon adverses, tandis que Baggy poussait un cri de guerre farouche sur son dos. Syd vit dans ce mouvement la preuve de l’entêtement d’Élin. Strykna la preuve de la bêtise de son adversaire.
- Génial… Fantominus, tu protèges ton équipier des méchants Pokémon inutiles ?
Cependant la provocation n’atteint pas Élin, trop concentrée, mais surtout ignorant que les attaques de Type Normal échouaient aussi sur les Spectres…
La suite fut dans un premier temps incompréhensible. Lucky heurta Fantominus de plein fouet, au lieu de passer au travers ! Cependant Baggy, comme l’avait prévu sa dresseuse, fendit le corps de la Pokémon Spectre comme s’il n’existait pas… et s’écrasa sur Tadmorv, resté bien sagement immobile à l’arrière, perçant un trou dans son corps gélatineux. Le tas de poison poussa un cri de douleur et se retira vivement, déchirant des lambeaux de son corps presque liquide. Le public n’y comprit rien, et surtout, Strykna resta coite, abasourdie.
Cependant Syd eut le réflexe heureux de sortir, à son tour, son Pokédex, et montant le volume au maximum, le pointa sur Lucky. Les adolescents ainsi que la Championne purent entendre : « Pokémon dit du Monde des Rêves. Capacité Spéciale, Querelleur : permet au Pokémon de toucher les Pokémon du Type Spectre avec des attaques du Type Normal ou Combat ».
- … niark, sourit Élin, moqueuse – alors qu’elle n’avait rien prévu du tout, quel culot –.
Cependant, Strykna se reprit, refusant de laisser paraître sa surprise. Ses Pokémon étaient après tout loin de l’épuisement.
- Tadmorv, éloigne le gentil chien-chien de Fantominus avec Détritus. Toto, amuse-toi avec l’autre : Léchouille !
Cependant Élin, souriant malicieusement, croisa les doigts. Syd bondit, reconnaissant le signal secret qui lui avait coûté son premier match contre Élin !
Ni une ni deux, Baggy et Lucky échangèrent de place, Baggy percutant Tadmorv d’une nouvelle Balayette, et Lucky mordant férocement Fantominus, qui poussa une exclamation furieuse et pâlit d’un coup. Élin en fronça les sourcils, confuse, ne comprenant qu’après un « OHO, les attaques Type Ténèbres sont super-efficaces contre les Pokémon Spectre ! » de Syd.
Strykna quand à elle, se mordait les lèvres, surprise à nouveau par son adversaire. Qui souriait, ignorant l’irritation de la Championne, pas stressée pour deux sous :
- Ah bah fallait le dire tout de suiiite ! Du coup, Lucky, mords encore ! Baggy, Feinte !
Strykna ricana, peu impressionnée – en apparence. En réalité… cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas faite entraînée par un match à ce point, des années qu’elle s’ennuyait en combattant ses challengers. Et cela l’irritait.
- Tu me prends pour qui, ton papa ? lança alors la rockeuse d’un ton méprisant. Tu crois qu’je vais être zeeentille avec toi ? Tadmorv, ARMURE SUR FANTOMINUS, et toi, GAZ TOXIC !
La combinaison en surpris plus d’un… mais pris tout de suite son sens quand les deux attaques d’Élin échouèrent lamentablement. Tadmorv avait bondit sur son équipière encore mou et souple, et celle-ci avait lancée son attaque immédiatement après. Le Gaz Toxic était plus léger que l’air car c’est ce qui permettait à Smogo de léviter – il avait repoussé Tadmorv qui s’était transformé en véritable soufflé avant de lancer son Armure, protégeant Fantominus dans un bulle d’acier.
Élin se retrouvait bien embêtée pour atteindre la Pokémon Spectre, maintenant. La blonde se mordit la lèvre, perdue…
Elle était habituée à voir, sentir les enchaînements d’attaques dans un match, elle savait toujours quelle capacité suivrait l’autre, mais là elle devait avouer qu’elle était perdue ! Rien, nada, son esprit était complètement vide, blanc !
- Euh, Lucky…
Mais si la dresseuse débutante ne savait plus où donner sa tête, Strykna elle, n’avait pas perdu le nord.
- Fantominus, Ombre Nocturne sur le charmant Baggiguane.
Immédiatement la nuée de gaz en laquelle s’était transformée la Pokémon Spectre frissonna, et se rua vers sa cible, emportant naturellement avec elle le Tadmorv-Armure – qui percuta la face de Baggy en un violent « GONG ». Les humains frissonnèrent.
- Aie, le pauvre, ça doit faire mal… devina avec intelligence Oscar.
Il ne croyait pas si bien dire. Le pauvre petit caïd était complètement sonné, titubant dangereusement déci-delà en une vaine tentative de s’éloigner de ses adversaires, jurant à tout va en langage Pokémon. Et il n’était pas au bout de ses peines –
Mais avant même qu’elle n’ait prononcé d’ordre –
Avant même qu’une seule idée ait traversé son esprit –
Lucky se rua devant son coéquipier et percuta violemment le Tadmorv-Armure avec force et fracas, grondant de douleur et de détermination. En un Bélier, il retint le boulet meurtrier, son crâne crissant contre l’ennemi d’acier. Mais il n’allait pas tenir longtemps.
Et Élin avait une occasion en or de conclure le match !
Baggy, FEINTE ! s’époumona-t-elle, mais elle ne pointait pas les adversaires, non, elle lui demandait de l’exécuter sur… un des câbles, qui pendait du plafond.
Un frisson d’incompréhension secoua le public. Élin serra les poings, stressée, espérant de tout cœur que l’attaque fonctionne comme prévu – Syd lui avait pourtant martelé qu’elle n’échouait jamais ! Elle eut raison. En moins d’une seconde Baggy se retrouva pendu au câble, juste au-dessus de Tadmorv et Fantominus, ricanant méchamment – Strykna comprit à cette seconde le plan d’Élin – mais trop tard, celle-ci hurla :
- Balayage et CASSE-BRIQUE !
- Impossible ! s’écria Syd. Il n’a pas le niveau pour cette attaque !
Cependant Baggy lâcha soudainement le câble et fit un salto en plein air, brandissant une main tendue luisant de flammes immatérielles, chutant si vite grâce à l’impulsion initiale de Balayage qu’il n’était plus qu’un flou ocre. Élin sourit très largement.
- Syd m’a dit que le Combat était très efficace contre l’Acier.
Effectivement. Baggy percuta Tadmorv paume la première et le pauvre Pokémon se fendilla douloureusement, criant à l’agonie tandis que son adversaires s’éloignait en roulant – il se dissolu presque mais Strykna le rappela, pâle. Elle hocha la tête, et ne réagit pas quand Élin conclut le match d’une Vantardise et Morsure.
Un silence léger plana dans l’arène tandis qu’Élin félicita ses Pokémon, les emportant dans un immense câlin que Baggy eut tôt d’esquiver d’une Balayette – envoyant sa dresseuse s’écraser par terre et s’attirant les foudres de Hope. Syd, Oscar et Elsa restaient interdits, descendant prudemment sur scène pour féliciter leur amie, puis Strykna s’approcha, la mine sérieuse.
- Congratulations.
La Championne voulu dire quelque chose, mais les compliments moururent dans sa gorge. Elle était… légèrement agacée, par la gamine. Car la petite blonde l’avait surprise plus d’une fois durant ce match. Cela n’aurait jamais dû se produire, elle ne s’était pas sentie aussi entraînée par un duel depuis des années. Elle admirait un peu la morveuse, aussi. Un peu.
Élin rougit, loin des pensées d’adulte, et jeta des regards à ses amis, de peur qu’ils n’aient quelque chose à redire. Mais ils acquiesçaient tous silencieusement, des sourires aux lèvres.
- C’est aussi grâce à mes amis… répondit-elle alors, la gorge nouée. Strykna haussa les épaules.
- En tout cas, tu mérites ce Badge Toxique.
La Championne tendit l’insigne aux reflets irisés à Élin, qui la caressa doucement, s’émerveillant. C’était son premier Badge. Elle sentait son cœur se gonfler de fierté, sa gorge, se serrer d’orgueil, des larmes perlaient presque aux coins de ses yeux… rien que pour ça, pour ses Pokémon, elle avait eu raison de désobéir à son père et faire chanter son prof de français – pour la petite histoire –. Elle ne regrettait rien, rien de rien…
Mais tandis qu’ils allaient prendre congé, célébrer, le téléphone portable de Strykna retentit d’une sonnerie urgente, elle fronça les sourcils et décrocha, leur intimant d’attendre.
« Papa ? Qu’est-ce qui se passe ? Ah bon ? Well, si tu le dis… on va vérifier quand même… D’accord. See you. »
La Championne raccrocha, et ses tourna vers les quatre adolescents, interdits.
- Ok, encore une fois félicitations. Je dois y aller, par contre.
Elle se retourna, partit en flèche vers la porte-arrière de l’arène, mais comme prise d’un regret se retourna, et leur lâcha avant de claquer la porte :
- Le Ferry vers Volucité va être immobilisé pendant au moins deux jours, j’vous conseille de trouver quelque chose de passionnant à faire !
Et ils se retrouvèrent seuls dans l’arène.
Rectification, il y avait aussi Guido.
(Seaaa, sex and suuuun)
Elle leva le regard, elle observa le port avant de s’y risquer. Il flambait sous le soleil. Là, les chalutiers déversaient leurs monceaux de poissons sur les quais, dans des immenses filets que les pêcheurs chargeaient dans des camions réfrigérés ; puis ils revenaient chercher d’autres filets encore, des cascades de poissons aux écailles étincelant d’argent sous le soleil dru. Ailleurs on déchargeait des conteneurs colorés aux contenus exotiques, marqués de labels compliqués ; on les tiraient à coup d’immenses remorques et on risquait des machines aux frêles membres d’aciers pour les balancer, de la mer au quai, du bateau au transport.
Battaient le béton rongé par le sel des marins, des dresseurs, des pêcheurs, des hommes et femmes d’affaire pressés et dégoûtés par la crasse et la cohue humide ; on se bousculait beaucoup et on s’excusait peu. La foule était bercée par le roulis des vagues, par la marée et ce qu’elle apportait ; si Strykna restait immobile elle se ferait submerger, elle se noierait.
La Championne se fraya un chemin vers le seul Ferry du port en insultant tous les obstacles humains qu’elle percutait, sentant ses origines de marin revenir avec son langage fleuri.
Elle s’arrêta aux côtés de son père, observant le majestueux paquebot, léché par le soleil, luisant d’ivoire et d’anis. Un banc anxieux de techniciens s’affairait autour du monstre blessé, immobile, mais Capitaine respirait calmement, légèrement.
- C’est grave, docteur ? s’enquit-elle, pensant à la Team Plasma.
- Non, ça va, répondit-il. Le moteur est fatigué, c’est même un problème plutôt commun…
Ah. Accidentel, pas terroriste, alors…
Un grand technicien à l’air professionnel vint à leur rencontre, les saluant martialement.
- M le Capitaine. Championne Strykna.
- Oh, vous pouvez simplement m’appeler Capitaine, vous savez… sourit son père.
Strykna gardant le silence, détaillant l’homme. Svelte mais musclé. Yeux et cheveux de glace. Expression impénétrable, traits finement sculptés… elle était sûre que sa copine du moment, bisexuelle, trouverait ce mec canon. Cette pensée l’indifférait.
- Vous pensez réparer ça quand ?
- Dans deux jours, ni plus ni moins, répondit respectueusement le technicien.
Elle tiqua. Sa voix était trop douce. Cela lui hérissait le poil.
- Tant mieux ! s’exclama son père. Il ne faudrait pas nous laisser trop longtemps au chômage technique.
- Sans parler de tous les gens bloqués… marmonna-t-elle, plissant avec suspiçion ses yeux.
Strykna s’éloigna, les laissant parler. Elle sentit le technicien lui rendre des coups d’yeux tout aussi méfiants, mais ne le prit jamais sur le fait, tablant tout simplement sur l’atmosphère froidement suave qui régnait autour du personnage…
Elle prit congé, songeuse.
(Les MystèreBall, deuxième édition)
Cette fois son appartement était rangé. Chaque objet, à sa place. Positionné parallèlement aux bords de son meuble attitré. Dépoussiéré. Ciré. Les fenêtres étaient propres, les rideaux parfaitement noués dans leurs cordelettes d’argent. Même les fleurs dans son vase avait été redressées de manière à tenir, précisément perpendiculairement au sol !
Mais cela ne l’empêcha pas de se prendre les pieds dans le tapis et de s’éclater par terre avant de se traîner sur des mètres, pâle comme un mort vivant, vers son portable quand il vibra.
Tcheren était vraiment maudit.
« À tous les champions – Ferry immobilisé durant deux jours – rien d’anormal selon mon père, problème banal – Strykna »
… Rah mais il s’en carrait les moteurs du Ferry d’Ondes-sur-mer ! Grommelant et honnissant son tapis et Arceus tout puissant, le Champion de Pavonnay se tira jusqu’à son fauteuil à fleur, gémissant comme un agonisant et tenant son pauvre genoux, celui qui avait subit de plein fouet sa chute.
Soudainement le téléphone vibra encore ! Tcheren se figea et regarda son téléphone, à l’autre bout de la pièce. Le téléphone vibra. Il regarda le téléphone. Peut-être n’était réellement pas un challenger tardif ou un vendeur d’aspirateur. Peut-être était-ce Aloé. Peut-être fallait-il décrocher.
Le jeune homme s’élança vers l’appareil au moment où les pulsations électriques faiblissaient, se sentant pur et valeureux ; il tendit la main et frôlant le portable… Malheureusement le Facteur Tapis reprit le dessus. Aussi il trébucha, son menton cogna violemment le coin de la table puis heurta le froid carrelage, il cru sentir Giratina l’appeler, puis le portable lui tomba sur le nez et comme par miracle, ce coup d’appendice nasal suffit à décrocher.
- Alo… éé ? coassa Tcheren, au bord du désespoir.
Si ce n’était pas elle… sa vie était finie, finie vous m’entendez ! Il quitterait son Arène, insulterait tous les élèves – ces sales morveux – de l’école primaire et tuerait un à un tous les gamins prétentieux qui l’avaient battu dans des matchs ennuyants, lui le premier champion, et qui croyaient avoir accompli quelque chose d’extraordinaire en plus ! C’était son BOULOT de les laisser gagner quand il en avait assez vu nom d’Arceus !
Au bout du fil, une voix douce et légèrement contrite lui répondit :
- Oui, on me l’a déjà faite cent fois, cette blague.
- Ahah… répondit-il en sifflant de douleur, plus ou moins soulagé.
- Ça ne va pas, Tcheren ?
- Bahhhh si, pourquoi ?
Le visage d’Aloé et ses malicieuses prunelles d’ambre s’affichèrent à l’écran du portable, et elle l’admira, écroulé par terre, bavant légèrement sur le carrelage, le Champion d’Arène de Pavonnay.
- Dis-donc, j’en ai aussi vu des vertes et des pas mûres durant ma carrière, mais à ce point… souffla-t-elle, impressionnée. Ton challenger ne devait pas être commode !
- Mais non, répliqua-t-il, blasé. C’est juste mon tapis.
- … Ah, articula lentement l’ex-Championne.
Tcheren se redressa, claudiqua jusqu’à son fauteuil, et s’écroula dans ses profondeurs moelleuses, soupirant d’aise. Ah, s’il mourrait maintenant, entouré de ses chers accoudoirs, il serait heureux…
- J’ai étudié les « MystèreBall » que tu m’as envoyé, mais j’en ai parlé à mon mari, expliqua Aloé, comme elle l’avait fait à Syd. J’espère que ça ne pose pas de problème.
- Hm, non, pas encore… répondit Tcheren, se ressaisissant. Il plissa les yeux et se massa les tempes, tandis qu’elle poursuivait :
- Premièrement, il faut savoir que la seule manière de déterminer ce qu’à contenu une Pokéball est grâce à son numéro d’immatriculation, via le réseau des Joëlles. Or les balls que tu m’as envoyé ne sont pas répertoriées.
Hm… oui, Watson lui avait déjà expliqué quelque chose de semblable.
- Ce que nous avons analysé avec Gill, c’est la composition des Pokéball. Et la Championne fronça les sourcils, embêtée : nous ne sommes parvenus à rien de concluant… La base de la sphère est constituée de l’alliage habituel permettant de décomposer la matière, mais tous les autres métaux présents sont inhabituels. On ne trouve aucune composition semblable dans l’histoire des Pokéball, et crois-moi quand je te dis qu’on s’y connaît.
Il soupira, et elle se mordit la lèvre, concluant :
- Cela semble suggérer que le but de ces MystèreBall était tout autre que la capture d’un Pokémon lambda…
- … tu penses qu’ils visent les Légendaires, affirma-t-il.
- Non, répondit Aloé. Mais c’est une piste non-négligeable. Et la Team Plasma a déjà attaqué Reshiram, Zekrom et Kyurem, par le passé.
Un mal de crâne assailli Tcheren. Sa gorge se serra, il détourna son regard, pour ne pas qu’elle voit sa peur. Il avait affronté la Team Plasma si jeune, et avait cru la vaincre… mais l’organisation était une hydre, un monstre, ressurgissant d’entre les époques et les mondes. Infinie. Éternelle.
- Cette fois, il faut les atteindre en plein cœur, ou c’est la fin, résuma-t-il faiblement.
Et Tcheren, ne savait pas à quel point il avait raison…
(Pendant ce temps-là chez les gamins ignorants)
- HEYYY mais je veux cuisiner !
Ils observèrent tous Élin piquer sa crise, échangèrent des coup d’yeux désespérés, et secouèrent la tête. La blonde venait de leur raconter qu’elle avait fait exploser le four familial alors qu’elle n’avait même pas six ans – pour leur démontrer qu’elle partait de si bas qu’elle ne pouvait que s’améliorer – et croyait maintenant qu’ils allaient la laisser s’approcher du mico-onde ! … Syd, poivrière dans la main, fixa la dresseuse d’un regard éloquent, et lui répondit fermement.
- Non.
Il espérait qu’en lui parlant comme à un bébé, de manière monosyllabique, elle comprendrait son message et il pourrait la pacifier. Comme avec une barbare. Appellation qui, se dit-il, l’observant rougir comme une tomate et taper violemment du pied par terre, menaçant d’écraser un Hope trop collant, lui convenait parfaitement.
- Mais il faut s’entraîner pour progresser ! le supplia-t-elle.
- Oui.
- Et si je m’entraîne avec toi il ne peut rien nous arriver, pas vrai ?
Ça, il en doutait. Elle était capable de tout.
- Si.
- Rah mais t’as vraiment un problème ! rugit-t-elle finalement. Vous êtes tous homophobes, anticommunistes, racistes, sexistes, vous cantonnez les hommes à la cuisine, et toi ! siffla-t-elle en pointant Syd. Tu te laisses exploiter !
Syd lui sourit.
- Non.
Et juste au moment où elle allait se jeter sur lui et la dispute allait – encore – finir par terre à coups de poings, Oscar lui attrapa une oreille et la tira vers la sortie, s’exclamant joyeusement :
- Allez viiieens, on va trouver un Guide du Roublard, comme ça on sait quel endroit visiter en attendant le Ferry !
Élin balança une nouvelle série d’injures mais bientôt il réussit à la faire sortir, malgré ses doigts de pieds et de mains accrochés à l’encadrement de la porte, comme un Stari. Syd et Elsa soupirèrent d’aise, seuls dans la petite cuisine du Centre Pokémon, rose et lumineuse. Le dresseur de Grotichon pu enfin insérer sa spécialité dans le micro-onde : des spaghettis bacon-piment-ail légèrement assaisonné d’huile d’olive.
Un murmure, accompagné d’un sourire timide, s’éleva dans l’agréable silence.
- J-Je suis contente qu’on ait pardonné É-Élin… et a-aussi qu’on ait tous gagné le Badge…
Syd sourit, s’appuyant contre un comptoir propre et blanc. Il étudia un instant son amie, ses boucles noires, ses magnifiques yeux luisants.
- Moi aussi, déclara-t-il simplement, étonné de sa sincérité totale.
Il ne s’était jamais sentit aussi bien avec des personnes extérieures à a sa famille. Mais avec Élin, Elsa et Oscar, le dresseur se sentait grandir, se surprenait à vivre et sourire, vivait des aventures dont il n’avait jamais même rêvé… s’écraser dans le Pokéwood en barque, quand même !
- J-J’aime être a-amie a-avec v-vous… souffla Elsa, rougissant, mais souriant.
Et Syd s’étonna à nouveau, il rigola.
- Moi aussi !
Bientôt Élin et Oscar revinrent, la première avec un grand sourire, tout désir de cuisiner oublié. Elle s’exclama bruyamment avec un dangereux salto :
- WIPEEE ON A TROUVÉ UN ENDROIT À VISITER DEMAIN !
Ils passèrent une excellente soirée autour du repas préparé par Syd, discutant avec animation de leurs projets, critiquant leurs matchs mutuels, et parlant de choses agréables en règle générale. Élin, Syd, Elsa et Oscar s’endormirent heureux.
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Épisode 16 : Le vent nous portera
Spoiler
(J’t’emmène au vent)
Le 16 Juin 2999, Syd Redding-Park se réveilla avec un sourire.
Il ne su pas d’où venait ce rictus léger, ce vague bonheur qui le porta hors de son lit, vers ses habits, et la boulangerie la plus proche. Mais, sans se poser de question, il le savoura.
Le matin était frais. L’air, lourd d’une humidité salée. L’aube esquissait à peine les contours des toits ; Syd se faufilait dans une pénombre grise, sur des pavés glissants. Déci-delà, une lucarne s'éclairait, une goutte de lumière roulait jusqu’aux gouttières, le long de rondes tuiles d’ardoise. Il ne croisait personne. Effleurait l’esprit endormi de la ville.
Puis Syd arriva devant une boulangerie, la porte grande ouverte pour accueillir l’été. Une bulle de chaleur enflait puis éclatait au seuil, mêlée aux senteurs de café, de pistache, de chocolat. Derrière le comptoir un homme gracieux s’affairait, ses doigts habiles attrapant, arrangeant pâtisseries et baguettes, présentant des pains fraîchement pétris, des religieuses luisantes. Il accueillit Syd d’un sourire et le convainquit d’acheter une couronne aux algues typique de la ville, en plus des croissants, des pains au chocolat.
Syd s’enfonça dans l’humidité salée avec, au creux de son bras, un cœur tendre de chaleur.
Quand il revint au Centre, l’Infirmière Joëlle se réveillait à peine, enchaînant comme sa mère d’immenses tasses de café. Il hésita, puis lui laissa un croissant, et esquiva ses remerciements étonnés, souriant. Il avait hâte de montrer ses trouvailles aux autres. Il se sentait tout simplement heureux.
Évidemment, il fallu réveiller Élin, qui les insultait, la tête dans l’oreiller, à coup de gargouillement monstrueux : « Grmblg Mrglb !! ». Oscar la suppliait valeureusement de bouger. Cependant il fallu Syd prononce les mots magiques « pain au chocolat » pour la faire lever – elle se jeta sur lui, de la bave aux lèvres –.
Il pacifia la barbare grâce à deux énormes pains. Elsa et Oscar, à peine plus réveillés que la blonde, eurent aussi droit à quelques viennoiseries, ils s’assirent en cercle à terre comme était leur coutume, et savourèrent silencieusement. Élin voulu un peu de croissant pour Hope, on lui répondit qu’elle le gâtait trop, elle rétorqua que c’était son problème, et on l’abandonna à sa ruine certaine.
Puis vint le moment de partir. Syd enveloppa la couronne aux algues dans un beau torchon, et le plaça vers le haut de son sac à dos, pour ne pas l’écraser. Ils rangèrent tous leurs affaires, songeant avec nostalgie qu’ils s’étaient installés dans cette chambre pendant trois longues journées, mais que ce matin ils quittaient définitivement leur petit cocon… Ils avaient éclaté le grand écran du Multiplex en canoë, joué dans un film aux multiples Oscars – sans mauvais jeux de mots – et avaient remporté leur premier match d’Arène… malgré les disputes, leur séjour à Ondes-sur-mer avait été extraordinaire !
Cependant, comme un Voyage Initiatique est fait de départs comme de rencontre, ils quittèrent la chambre 303, et tournèrent une dernière fois la clé dans son verrou. À l’accueil, pourtant débordés par un flot de touristes bloqués à Ondes-sur-mer par la panne du Ferry, l’Infirmière Joëlle remercia Syd d’une Corde Sortie « pour le cas où il se perdait dans un endroit peu recommandable avec ses croissants ». Les autres adolescents ne comprirent pas grand-chose mais Syd en sortit rouge et balbutiant.
- Eh mais Elsa, il vole ta manière de parler ! commenta Oscar, déçu.
La brune eut le courage de lui asséner une belle chiquette, et Élin pouffa. Ils s’évanouirent dans le vague doré du lointain.
(Dès que le vent soufflera, je repartira)
Ses doigts effleurèrent délicatement le polaroid aux bords émoussés. Étouffé à l’intérieur des bandes blanches, un cliché, avec San. Mais elle n’était qu’une ombre, en arrière plan. Ses cheveux platine, à peine visibles… il était le seul à la distinguer sur cette photo, qu’il avait prise quand elle semblait avoir emménagé définitivement chez lui. Ce jour-là, il avait cuisiné une immense poêlée d’aubergine, d’ail, de viande juteuse, de soleil. Ils prenaient un thé à la menthe sur sa terrasse de banlieue.
Il se contempla une dernière fois dans le miroir, constatant avec résignation que même sur sa peau matte, ses cernes étaient visibles. Ses boucles noires ressemblaient plus à un souk de Rhodes qu’autre chose. Sans parler de sa barbe – ou plutôt des quelques poils qu’il osait appeler « barbe ».
Rixi appela son employeuse, patienta un quart d’heure, puis lui dit : « Je démissionne ». Au diable les cours particuliers de maths… Ensuite, il raccrocha.
Chichi le Chinchidou l’aida à faire ses valises, piaillant de frayeur à la moindre motte de poussière. Finalement, Belle la Fragilady les aida à faire le ménage. Il quittait sa maison. Tant pis pour le loyer. Ses comptes étaient à sec.
Rixi s’arrêta devant une fenêtre entrouverte, savourant la brise légère et le soleil blanc. Dans l’école d’à côté, les filles avaient lancé une immense partie de foot, mais les CPs ne réussissaient pas très bien. Il rigola doucement, tentant de voir par-delà le mur de brique qui étranglait son jardin, vers l’infini. Il n’y arriva pas.
Finalement, il partit, avec pour seul bagage un sac en bandoulière. « La Réalité n’a d’importance que celle qu’on lui accorde… »
(Wild is the Wind)
Le soleil s’était levé sur un ciel pâle. Ils marchaient, depuis des heures, le long de rails abandonnés, frôlant parfois le fantôme d’un train. Souvent ils confondaient le cri de la mer avec le sifflement d’un conducteur paniqué, et sursautaient, s’écartant vivement des traverses de bois mité. Cependant il n’y avait aucune raison à leur peur : le groupe était la seule trace de vie à des kilomètres.
À gauche, la mer grise, éraflée d’écume blanche, striée de reflets plus vifs que le soleil. À droite, les rondes montagnes Pavle, sombres et touffues, qui furent il y a longtemps des volcans, mais s’étaient éteintes depuis tant d’années que leurs anciens cratères étaient devenus des nids à Pokémon rares, protégés par des Rangers. Passé le versant ouest de ces montagnes s’étendait la campagne fertile de Pavonnay…
Mais les adolescents marchaient du côté est, sec et salé, une lande peuplée de bruyère et de lavande. Il n’y avait rien d’intéressant autre que la mer grise, et eux-mêmes.
Syd réfléchissait à son match d’Arène. Hier soir, les adolescents avaient décortiqués chacun des combats, et on l’avait complimenté pour la manière extraordinaire dont il avait usé, selon les autres, pour retourner la situation et gagner le match. Élin s’était moquée de lui pour son hésitation et sa peur, mais avait bien dû finir par reconnaître que Syd avait fait preuve d’une détermination incroyable à la fin de son duel.
Cependant, pour Syd, ce n’était pas assez. Il se rendait bien compte qu’il n’avait aucun style de combat. Comme Oscar, finalement… car à part prévoir deux-trois coups avant de débuter un duel, et posséder une connaissance générale des Attaques par Type, que faisait-il de spécial ? Rien. Là où sa rivale Élin s’amusait avec des combinaisons d’Attaques imprévues, s’intéressait au travail d’équipe… lui se bornait à appliquer ce que l’on lui avait appris à l’époque et ordonner une Attaque à la fois, bien gentiment.
Syd se sentait nul.
Malheureusement, Élin était trop fatiguée pour le distraire de ses sombres pensées. Si au début de leur voyage, galvanisée par les pains au chocolat, elle sautillait à l’avant du groupe et se lançait dans des saltos fous, elle avait rapidement découvert que quand elle s’ennuyait, marcher était un calvaire. Du coup, elle se traînait à l’arrière, seule… quémandant des pauses toutes les cinq minutes… que Syd lui refusait ô combien cruellement, sous les rires d’Oscar et Elsa…
Elle boudait depuis une heure, grelottant à chaque bourrasque.
Et les Pokémon la surveillaient, discutant tranquillement à l’arrière. Les Caninos, petits nouveaux, faisaient bande à part ; mais Baggy, Riolu et Jeans étaient regroupés autour des Pokémon évolués et les harcelaient de questions sur leur nouvel état.
- Mais mais mais, ça fait mal ou pas ? s’inquiéta Vipelierre, observant son corps, et l’imaginant plus grand, avec plus d’écailles, et plus de lianes et aaaaah.
- Je ne crois pas. Je n’ai perçu pour ma part aucune douleur, répliqua Grotichon, souriant gentiment.
- Mais t’es différent depuis ton évolution… soupira Riolu.
- Ah bon ! s’étonna le Pokémon Feu. De quelle manière ?
- T’es plus féroce. En Gruikui, t’aurais jamais rugit en entrant en combat…
Baggy refusait, par fierté, de poser des questions. Lui était très bien sans évoluer, merci ! Mais quand il jeta un coup d’œil méfiant à Lucky, le chien, qui le côtoyait déjà depuis une semaine, comprit la demande implicite.
- De mon côté, j’ai juste plus chaud, aboya-t-il tristement, secouant son épaisse fourrure.
Baggy ricana. Le groupe se tut quand Grotichon déclara, scrutant l’œuf qu’il portait en bandoulière, que celui-ci vibrait beaucoup et éclorait probablement dans peu de temps. On lâcha un soupir ému, s’imaginant maman ou papa – enfin, sauf Baggy, pour qui les bébés donnaient surtout des envies de meurtre –. Et cette-fois, celle qui brisa les fantasmes des uns et des autres ne fut pas Vipelierre, ni Riolu…
- Moi, j’ai beaucoup changé depuis mon évolution.
Ils se tournèrent tous vers Amaryllis. Elle ne bégayait plus. Sa voix était douce, mais portait quelque chose de vicieux… Elle avait l’air puissante et maligne et les surpassait. Pourtant, d’entre tous les Pokémon, c’était certainement Baggy qui avait le niveau le plus élevé.
- Je comprends beaucoup de choses depuis que je suis passée à l’état de Mateloutre, et ça m’a radicalement transformée. Je le sens. Maintenant je suis sûre de moi. Je veux protéger ma dresseuse. Et je n’ai plus peur de combattre.
Ils frissonnèrent tous quand elle leur jeta un regard non pas menaçant, mais impassible… Rien que cela était effrayant au vu de sa nouvelle conduite !
- Mais aussi… et ses yeux verts se perdirent dans le vague, sa voix prit un ton lointain. Je me souviens…
- Amaryllis, intervint gravement Grotichon. Je pense qu’il vaudrait mieux taire cet aspect de l’évolution.
Elle se braqua un instant, regard vert glissant avec méfiance vers le puissant cochon, mais acquiesça.
- Si vous le dites.
Lucky haussa les épaules, et après un dernier regard attendri vers l’œuf, la conversation dériva vers les méthodes d’entraînement des dresseurs respectifs. Une heure passa. Puis, les rails s’élevèrent en un élégant aqueduc de brique, qui obliqua vers les Monts Pavle, tranchant la lande sèche en deux. Elsa se pencha au bord du chemin, s’enivrant un instant du vent des hauteurs, puis recula, effrayée, retenue par une main prévenante… Oscar. Son cœur s’emballa, elle bafouilla.
L’aqueduc vira une dernière fois en rencontrant les montagnes, les longeant paisiblement. La bande fut absorbée par la végétation ; d’immenses arbres aux troncs torsadés, des fougères humides, partout, s’enlaçant au-dessus de leurs chefs en un tunnel de rosé ; des fleurs bleues et violettes, délicates. L’écosystème avait un air de monde perdu… un cœur mystérieux, palpitant doucement, faiblement, protégé par une écorce de fougères. Le soleil attenait à peine la terre humide. Il était rare, et diffus, et les adolescents étaient plongés dans l’ombre.
Cependant Élin avait retrouvé sa bonne humeur ! Ils étaient protégés du vent et elle avait cessé de grelotter ! Alors elle sauta sur le dos de Syd – qui la rejeta, elle tomba à la renverse et manqua de s’ouvrir le crâne – puis elle interrompit la conversation d’Oscar et d’Elsa, blagua avec le premier, et harcela la dernière de questions sur son match d’arène.
Comment avait-elle attiré Strykna dans son piège ? Ah bon, mais c’est quoi un schéma ? Ah ça s’apprend ? Diiis tu m’apprendras hein ?
Et Elsa ne savait si elle devait être furieuse qu’Élin l’éloigne d’Oscar, ou fière que la blonde lui demande des conseils… en tout cas, même en lui réexpliquant trois fois les étapes du Schéma Lure, la dresseuse ne comprenait toujours pas, elle voulait tout le temps modifier si ou ça, bref n’en faire qu’à sa tête. Elsa abandonna après plus d’un quart d’heure, concluant avec désespoir qu’Élin n’était pas et ne serait jamais disciplinée.
La blonde lui fit promettre un combat et s’en alla sautiller ailleurs.
- Parfois elle me fait penser à ma mère, commenta Oscar, souriant.
Elsa fit une grimace dégoûtée dont le garçon lui demanda innocemment la provenance, et elle dû expliquer qu’elle avait marché sur un champignon – « Ah bon ? Y a des champions ici ? – Bah… oui. – Ah ». Après un toussotement gêné, la brune pu enfin demander, le cœur palpitant…
- Pourquoi ?
C’était son occasion d’en savoir plus sur son Oscarochinouu !!
- Bahh ma mère est toujours hyper-excitée tu vois… le dresseur rougit brutalement. Enfin pas comme ça ! quand ils partent en voyage, elle est toujours très heureuse, et elle a tout fait : restaurants, plongée, sky-diving…
- Ah o-oui, c’est vrai que t-tes parents p-partent souvent… souffla Elsa, gênée.
Elle se sentit tout à coup gênée, surtout quand elle le vit détourner son regard clair vers le flanc de la montagne, et ses épaules se tendre.
- P-Pardon.
- C’est pas grave ! rit fortement Oscar, avec un sourire faussement convaincu. Je devais rester à Volucité pour l’école, après tout ! Impossible de les suivre partout.
Mais eux n’auraient jamais dû te laisser… Elle l’imaginait, rentrant seul le soir. Se préparant à manger, ou regardant la télé. Lançant un regard fatigué à ses devoirs, et renfermant ses cahiers. Observant Volucité de nuit, silencieuse, de l’autre côté de la vitre… Était-ce à cause de l’absence, qu’il ne travaillait jamais en cours, et ne récoltant que des notes passables à ses contrôles ? Était-ce à cause du vide familial qu’il avait tant d’amis ? Oscar invitant souvent dix à quinze de leurs camarades chez lui – selon les « amies » d’Elsa ils avaient été la première bande à boire de l’alcool.
- O-On é-était tous les deux un p-peu seuls, comprit Elsa. M-Mais d’une m-manière différente…
Elsa rougit et se mordit la lèvre. Oscar la fixa.
- Oui.
Ce fut la fin de leur conversation.
Elsa avait juré de combattre Élin. Mais elle ne pensait pas que l’opportunité d’honorer sa promesse arriverait aussi tôt… L’occasion se présenta quand ils arrivèrent au village de pêcheur. Graduellement, l’aqueduc se rapprocha du sol, la pente qu’ils suivaient se fit de plus en plus inclinée, jusqu’à causer quelques glissades. Les arbres se tassèrent, se raréfièrent, l’herbe drue de la lande reprit le dessus, suivie par des vagues de bruyères.
Ils abandonnèrent progressivement le mystérieux cœur des monts Pavle, pour plonger dans une lande plus touffue, grouillante de Rattentif, de Chacripan – qu’Élin se fit un plaisir de pourchasser et terrifier avec Hope – et même de Ptitard. Et le groupe arriva à un village de pêcheur pittoresque entièrement construit en bois peint de jaune, de violet, de blanc, conquérant la mer grâce à d’épais pilotis. Le hameau entier se situait sur les flots…
Et Élin, toujours occupée à insulter et traquer un malingre Chacripan, fonça droit dans un grand mec baraqué avec des dreadlocks, qui lui jeta un regard mauvais et rappela le Pokémon – ah parce qu’en plus c’était le sien, non mais Élin causait toujours des embrouilles pas possibles !
Syd tenta de calmer la situation, proclamant qu’Élin était fortement déséquilibrée depuis qu’un Léopardus avait massacré sa grand-mère, mais le ton montait, rien n’y faisait, alors le grand-baraqué-au-dreadlocks siffla un plus jeune-au-gros-nez, et les garçons menèrent Élin au bord de la mer pour un duel.
Les deux gars se placèrent côte à côte, pieds nus dans les vagues. Élin eut des frissons. Puis elle se rappela la faveur que lui avait accordé Elsa, et la dresseuse, qui se préparent pourtant à être arbitre, se fit kidnapper par la blonde et dû sortir Amaryllis. Syd annonça le début du duel…
- Combat double, une seule manche, entre Élin de la Ville Noire, Elsa de Volucité, et…
- Owjan Leafer, affirma le plus grand. Lui… c’est Robert.
Un ange passa tandis qu’on considéra le petit, qui sans son nez serait probablement très mignon.
Puis le combat débuta. Et ce n’était franchement pas Owjan le plus terrifiant… même s’il possédait un Lokhlass. Robert, avec son Spinda étourdi, prévoyait et bloquait absolument tout les mouvements d’Élin et Elsa. Elles avaient beau tenter des combinaisons incroyables, le Pokémon confus était toujours au bon endroit pour les faire trébucher, échouer, ou même s’attaquer entre elles.
Elsa, perplexe, essayait différents Schémas – offensifs, défensifs, lents, rapides – mais le frêle garçon les contrait toujours, et pire que tout Élin s’agaçait, car elle avait trop de mal à suivre des enchaînements prédéterminés. Elle improvisait tout ! Du coup Élin et Elsa finissaient par se gêner mutuellement !
Les frères Leafer les auraient à l’usure. Dès que les filles se laissaient aller ne serait-ce qu’une seconde, relâchaient la pression, Owjan ordonnait un Laser Glace et les Pokémon morflaient, surtout Baggy qui détestait apparemment la Glace. Plus d’une fois, les galets de la plage devinrent tellement glissants que les Pokémon – sauf Spinda qui se rétablissait toujours miraculeusement – ripaient jusque dans la mer et étaient… très bien accueillis par Lokhlass.
Finalement, Baggy se sacrifia pour trucider Spinda. Et Amaryllis ne fit pas long feu devant un Pokémon s’approchant du niveau 30, au grand damne d’Elsa et à la plus grande rage d’Élin.
Owjan s’en alla avec un sourire satisfait.
Mais Robert resta.
- Vous pouvez m’appeler par mon nom de famille, Leafer, leur proposa-t-il, haussant les épaules. C’est ce que tout le monde fait.
- Ah ? grimaça Syd, fronça les sourcils. Et pourquoi ça ?
Leafer tourna vers le dresseur sa mine délicate – enfin, mis à part son nez – et rigola.
- Ben, parce qu’à part ma mère, personne n’a envie de m’appeler Robert. Et je crois que même elle regrette !
Un silence gêné s’abattit sur le groupe, mais Élin le dissipa d’un énorme et franc rire.
- Wah, t’es pas chiant comme ton frère !
Ah, quoiqu’en fait, elle ne faisait qu’empirer la situation. Nouveau silence gêné. Mais cette fois, ce fut Rob – enfin Leafer – qui les secouru.
- C’est marrant de dire ça ! Alors que pour le coup, tu me fais beaucoup penser à lui !
Et le groupe ricana cette fois aux dépends d’Élin. Bientôt, Leafer les mena au village sur pilotis, et ils s’assirent au bord d’une plateforme en bois doux, les jambes ballant au-dessus des flots gris.
Le frêle garçon était d’une politesse sans égal, versant souvent dans l’autodérision et singeant leurs divers sujets de conversation. Conversation qui dériva rapidement vers leur match. Élin harcela Leafer de questions et Elsa, bien qu’elle resta globalement silencieuse, devait admettre qu’elle brûlait tout autant d’en connaître les réponses.
- Mais comment t’as fait pour tout prévoir ?
- C’est facile, commença Leafer de sa voix douce.
La réplique ne fut pas du tout au goût d’Élin et Elsa.
- Comment ça ? rétorqua la première, se renfrognant.
- J’ai eu un aperçu vos personnalités. Ça m’a permit de prédire comment vous alliez agir.
Syd arqua un sourcil, repensant à son match déstabilisant contre Strykna. Si seulement il avait pu prévoir son comportement, alors… Pourtant, cela semblait impossible. Il se pencha vers Leafer, méfiant, et scruta son corps gracieux de haut en bas. Le garçon le remarqua, mais poursuivit sans tiquer.
- Vous savez, je vis dans un hameau de six-cent personnes. J’apprends à connaître les gens, leurs secrets. Et surtout leur nature… J’ai réalisé qu’il y avait des traits de caractères, des manières d’agir et des rôles dans la société qui influent sur la manière de combattre. Je sais les reconnaître, et au fil du combat, j’affine mon analyse. Voilà tout.
La douce réponse les sidéra. Élin, Oscar et Elsa échangèrent des regards interdits, abasourdis, et finalement ce fut Syd qui souffla :
- M-Mais t’as quel âge ?
- Oh ! répondit Leafer avec un sourire éclatant. Ben, douze ans !
Le groupe fit un effort conscient pour oublier qu’Élin avait le même âge, mais qu’ils avaient malheureusement écopé d’Élin et non de Leafer.
Le concerné, toujours souriant, leur dit qu’il devait aider sa mère à préparer le repas du soir. Il leur pointa un endroit plus loin sur la côte, où la mer s’étendait pendant des kilomètres à une profondeur de seulement quelques centimètres. C’était une balade magique, selon lui. Aussi, il leur fit cadeau d’un cerf-volant, et d’un vieil appareil photo qu’il traînait autour du cou.
« Mon père m’en a offert un nouveau pour mon anniversaire, là je le portais seulement par nostalgie. Mon demi-frère – enfin Owjan – n’en veut pas, alors autant que vous le preniez, qu’il serve à quelque chose ! »
Quand Élin menaça par mégarde de le faire tomber dans les flots, on lui confisqua, et finalement Oscar en écopa. On remercia Leafer, et on échangea les numéros respectifs de Vokit.
Au moment de partir… Élin lui attrapa le poignet, et sourit malicieusement.
- Un jour j’te sonnerai pour une revanche. Et ce jour-là je te surprendrai !
- Mais j’y compte bien ! rigola le mince garçon. Après tout je commence mon voyage initiatique dans peu de temps !
Puis ils se firent la bise, complices, et le groupe quitta le village. Syd était pensif. Lui aussi aimerait bien tout prévoir, ne plus jamais se faire surprendre en combat… cela ferait une belle jambe à Élin, ça. Cependant, se baser sur les personnalités des adversaires – c’était sûrement bidon, un mensonge que le gamin leur avait servi pour ne pas leur révéler son secret !
Si Syd imitait le style de combat de Leafer, lui se baserait sur les Pokémon adverses, et non les Humains.
Loin des pensées de Syd et bien ancrée de le monde réel, Amaryllis. La Pokémon, bien qu’épuisée par son combat, sondait la mer tous les cinq mètres pour repérer à quel moment elle perdait de sa profondeur. Au bout d’un quart d’heure, elle trouva. Le groupe, sauf Baggy et Grotichon, s’aventura sur la mer.
Autour d’eux le monde se floutait, leur environnement devenait… l’infini. Un infini gris. Doux, et délavé. L’eau caressait à peine leurs chaussures ; ils sentaient la pierre, lisse et dure, sous la surface. Mais ce ne pouvait pas être de l’eau… ! Car, quand ils effleuraient de leurs yeux la nappe glaciale… ils plongeaient, dans les hauteurs insondables des nuages, ils ressentaient un vertige insensé, effrayant. Doux, et délavé. L’eau et le ciel se confondaient à l’horizon luisant. Les cieux ondoyaient sous leurs pas hésitants… La mer miroitait loin au-dessus de leurs frêles silhouettes, écumées de nuages d’or…
Élin marcha plus loin que les autres, hypnotisée. Elle faillit tomber quand le sol céda abruptement sous ses pas, creusant des abysses aussi infinis que le ciel. Aussi noirs. Mais elle se rattrapa à leur avancée de roche lisse, toussotant, grelottant, crachant de l’eau, ripant contre des rochers pointus, couinant. Elle se ressaisit et se mit debout, au bord du monde. Puis, elle sentit qu’on l’enlaçait doucement, avec une serviette.
Elle ferma les yeux sans chercher à savoir.
Quand ils revinrent vers la berge, les deux autres avaient sorti leur premier cadeau, léger et chatoyant, qui s’envolait déjà vers les cieux, ou était l’océan… souriant légèrement, trop émerveillés pour parler, ils jouèrent au cerf-volant.
(Autant en emporte le vent)
Ailleurs on contemplait un lac. Le Lac Courage.
Des touristes se doraient au bord de ses rives azures, des fourmis colorées, bruyantes, erratiques ; l’hôtel luxueux sur le haut de la colline en vomissait par centaines tous les matins. Par centaines elles descendaient le long des chemins balisés, par centaines elles colonisaient la forêt pâle. Par certaines elles s’appropriaient le lac.
Elles effrayaient Anthéa et Concordia, transparentes, sculptées d’ombre. À peine présente sur une rive lointaine. Anthéa, pâle, suant à grosses gouttes, luttait contre un mal de crâne vicieux. Une douleur qui l’assaillait de toute part. Concordia l’entourait de son corps mince, à demi-courbée tandis que sa comparse était à genoux, gémissant.
- Je veux trouver … lâcha Anthéa, ses sourcils se crispant, sa peau se ridant, se déridant, au rythme des spasmes de son corps.
La femme aux épis roses fut secouée par une convulsion d’une violence nouvelle, elle lâcha un cri de douleur – et soudainement flotta autour des comparses les vagues conversations des touristes. Vagues conversations des touristes, à l’autre bout du lac. Les pupilles sombres de Concordia se dilatèrent brutalement, elle se concentra si puissamment que son corps devint dur comme de la pierre. Et son esprit, se vida. Blanc.
« … tu ne voudrais pas qu’on trouve un endroit… plus privé ? »
« Oui enfin, comment crois-tu qu’il vit Lucio ? Mais sii, ils ont augmenté son salaire net de vingt pour cent, en plus de l’argent qu’il obtient des challengers ! Ah mais non, la ligue n’est pas devenue gratuite pour autant, certainement pas ! »
« Eh alors là j’ai dit : celle-là, elle est aussi utile que la bite du pape, vous pouvez la virer ! »
Aucune.
Conversation.
Utile.
Et Anthéa se convulsait encore, encore, elle cracha – du sang, elle écarquilla ses prunelles roses et ricana, gémit. Concordia oublia brutalement toute concentration, elle serra les dents, et attrapa son amie, la plaquant à terre.
- Arrête, Anthéa !
Mais elle continuait.
- ARRÊTE !
Mais elle continuait.
- On ne le trouvera pas… Concordia la laissa à même le sable, se mordant la lèvre. On ne le trouvera pas ici non plus.
Et le corps Anthéa devint soudainement flasque. Elle inspira, et expira, lentement, levant ses jolis yeux vers le ciel azur, le beau ciel d’été et de « vacances ». Les conversations des touristes s’éteignirent comme elles étaient apparues, sans transition. Il n’y avait plus qu’elles deux sur cette rive du lac…
- Même en poussant Confidence à son maximum… je n’y arrive pas, affirma-t-elle, pensivement.
- Il n’est pas là, répéta machinalement Concordia.
Anthéa caressa doucement sa chevelure solaire pour la rassurer. Agissant par reflexe et sans envie, comme depuis des années. Sinnoh était bien différente, plus vaste qu’Unys, plus ancienne et imposante. Trop de souffrance pour qu’elle s’y attarde…
- Ô Seigneur de ce Lac, je te supplie, accorde-moi la Volonté nécessaire pour trouver mon Roi N, mon Roi N… chantonna-t-elle, se prosternant humblement vers l’île décharnée au centre des eaux claires.
Concordia reprit la prière, et effectua les gestes rituels.
(Le vent l’emportera)
Syd était allé acheter les ingrédients du dîner au village de pêcheurs. Il s’était faufilé entre les maisons colorées du hameau, avait glissé sur le bois humide, poli par les âges… Le ciel rougissait à peine, courtisé par la lune. À la superette locale, une maison un peu plus efflanquée et un peu moins colorée que les autres, il croisa Robert. Enfin, Leafer.
Et il l’interpella, car une question le taraudait. Mais il ne savait pas comment l’aborder, alors il bafouilla, gêné, avant de cracher :
- Dis, ton style de combat m’a vraiment impressionné, e-et je veux… bon en fait il… je pensais l’adapter à mes propres idées. Créer une sorte d’hybride.
Syd rougit très fortement après ce discours embarrassant, et pria avec ferveur pour que sa peau noire en cache le pire.
- Bien sûr, fais ce dont tu as envie, répondit sérieusement le gamin. On pourra même s’affronter, comme ça on verra qui l’utilise le mieux !
- Oui, réplique Syd. Merci.
Puis il ne su ce qu’il lui prit. Il n’aurait jamais dit cela avant, décidemment ce voyage le changeait entièrement et brutalement !
- Dis… tu veux nous rejoindre à dîner ?
Les prunelles chocolats du gamin s’élargir, il sautilla de joie avant de se calmer et d’envoyer un sourire éclatant à Syd.
- Oh oui ! Attends je demande à ma mère, et je vous rejoins !
- Ok, répondit Syd, brusquement mal à l’aise. On est aussi à la mer – enfin je veux dire, on est devant l’endroit que tu nous as indiqué.
Il mima un promontoire, et Leafer acquiesça, satisfait.
Puis Syd détala avec son poisson sous les bras, rougissant, vraiment mal à l’aise. Qu’est-ce qu’il lui prenait, voilà qu’il invita des étrangers à sa table et leur faisait assez confiance pour les intégrer – certes provisoirement, mais les intégrer ! – dans son cercle d’amis. Quelle horreur !
Quand Syd revint au promontoire où ils avaient élu domicile – avec comme colocataire une colonie de bruyère – le ciel s’embrasait une dernière fois. La mer semblait un bain de sang. Et leurs lèvres, leurs yeux et leurs cheveux, leur peau prenait une teinte passionnée et sauvage. Élin caressait Hope et discutait avec Oscar du prénom de son Caninos.
- Aiden ? Mais ça ressemble à Haydaim ! s’exclama Oscar, dubitatif.
- Pfft mais non… c’est genre dans une langue étrangère mais je… me rappelle plus laquelle…
- Ah bah voilà tu t’inventes des prénoms et tout.
Syd leur expliqua la situation – il avait invité un étranger ! Mais les autres ne le comprirent pas, semblant plus heureux qu’autre chose… Alors Syd se résigna à réunir des galets pour le feu de camp sans aucun commentaire ; bientôt, le brasier vint lécher et noircir les écailles miroitantes des poissons. Élin s’en rapprocha, salivant, mais il réussit à la chasser – elle s’en alla entraîner ces Pokémon. À cette heure-ci. Sans aider Elsa à dérouler les sacs de couchage. Pfft.
La brune contemplait la mer sans un mot, se sentant en paix pour la première fois depuis des années. Se sentant indispensable à une groupe. Elle laissa ses boucles d’encre s’emmêler et s’enlacer au grès sur vent, une lueur farouche dans les yeux, tandis que le ciel mourait et son âme renaissait.
Élin s’abandonnait dans la fourrure de Hope sans une arrière-pensée, donnant des ordres impérieux à ses Pokémon combattants… et surtout, imaginant les farces tordues qu’elle pourrait faire subir à Syd durant son sommeil. De l’algue dans le sac de couchage ? Une Flammèche mal-placée ? Héhé…
Oscar souriait aux côtés de son Pokémon nouvellement nommé, ne pensant à rien, même pas à ses parents. Finalement, c’était assez génial, d’être dans un groupe… Heureux, il aida Grotichon à poser l’œuf d’Amagara prêt du feu. La coquille tremblait, bouillonnait déjà !
Et Syd retournait distraitement les poissons. Il s’installa sur un rocher plat et lisse, ravivant avec un sourire son portable. La lumière blanche et crue illumina les traits fatigués mais heureux de son visage… il contempla la mer violacée.
C’est alors qu’Élin revint de son entraînement nocturne, et surtout que Leafer arriva. D’abord, sa gracieuse silhouette se dessina à l’horizon flouté ; puis il dansa autour des pires nœuds de bruyère, escaladant avec efficacité leur promontoire avant de les saluer.
- Yosh ! sourit Élin. On se revoit plus tôt que prévu, finalement ! Tu acceptes une revanche ?
- Haha, non, répondit en souriant le garçon. J’ai laissé mes Pokémon à la maison, ils étaient fatigués…
- Ah tiens, t’as quoi comme autres Pokémon ? s’enquit Oscar, intrigué.
- Deux Barguantua, qui ironiquement, aident mon père à pêcher, rigola Leafer. Et une Vostourno que m’a offerte mon frère, elle est très… têtue…
- Tiens, on dirait Élin, s’amusa Syd en haussant les sourcils.
La concernée lui tira la langue, grommelant un « c’est pas vrai ! » très peu discret mais aussi très peu sérieux. On invita Leafer à s’asseoir autour du feu de camp, et on discuta de tout et de rien, illuminés par les rougeoiements du brasier.
- Vous avez bien aimé le coin dont je vous ai parlé ? s’enquit leur invité.
- O-Oh oui c’était m-magique… soupira Elsa, aux anges.
- Et on a prit plein de photos, regarde ! s’exclama Oscar, faisant défiler les clichés sur l’écran de l’appareil.
On y voyait leur cerf-volant, une Elsa épanouie et une Élin fatiguée, mais aussi de nombreux tirages où Syd grimaçait. Le dresseur de Grotichon vira au cramoisie, marmonnant avec mauvaise foi « c’est pas vrai ! », sous le regard moqueur d’Élin. Finalement Elsa se risqua à poser une question.
- E-Et c’est q-quand que tu p-pars en Voyage Initiatique ?
- Dans très peu de temps, expliqua sérieusement Leafer. Dès que j’aurais treize ans je rejoindrai un oncle à Méanville, et je m’entraînerai un peu là-bas. Mes parents ont préféré attendre un peu avant de me laisser partir car je suis le premier dans la fratrie à en réaliser un, Owjan a refusé…
- Ah bon, et pourquoi ? s’enquit Élin, perplexe.
Elle avait littéralement fondu d’envie de sillonner Unys depuis aussi longtemps qu’elle s’en souvienne.
- Faudrait lui demander, souffla Leafer, c’est un peu privé.
On lui répondu que l’on comprenait son droit – et même son devoir – de réserve. Syd ne pu qu’approuver de tant de prudence : la famille était la famille, on ne se confiait simplement pas aux étrangers, tout aussi polis qu’ils étaient.
Puis, Leafer remarqua l’œuf. Il poussa une exclamation intéressée, et voulu délicatement le saisir pour l’examiner.
Mais aussitôt qu’il posa sa paume contre la brûlante coquille, elle se fendilla. Vite, le jeune garçon demanda à qui appartenait la graine de Pokémon, on lui cria « OSCAR ! » et il balança presque l’œuf au dresseur ! La carapace ovale valdingua, on cru qu’elle allait s’écraser dans la mer mais heureusement le beau-gosse la rattrapa !
Il la tint au creux de ses bras et observa avec des yeux de soucoupes un petit Pokémon bleuté en sortir la tête en même temps qu’une cascade de liquide blanchâtre et gluant, qui se répandit sur tous ses vêtements mais il s’en fichait il était heureux KYAAAAH !
Avec un grand sourire Oscar vit le bébé se traîner hors de sa coquille et grimper sur sa poitrine, brisant les restant d’armure de ses petites patounes adorables.
- C’est une femelle, analysa Syd.
- Pervers ! lança Élin.
- Oh, je ne le connais pas celui-là ! s’étonna quant à lui Leafer.
- Normal, il vient de Kalos, c’est un Amagara, expliqua fièrement la blonde.
Elsa, quant à elle, s’était rapprochée d’un Oscar ému, enlaçant son Amagara, intriguée par le monde si chatoyant, au creux de ses bras délicats. On pouvait dire qu’il était papa… Il ne récupérait pas cette Pokémon dans un laboratoire, il ne l’avait pas capturée après des mois voir des années de vie sauvage, non…
Il l’avait vue naître…
- F-Félicitation, lui murmura Elsa, prunelles luisantes d’émotions.
La soirée qu’ils passèrent fut simplement magique. Le vent de la mer semblait porter tous leurs espoirs vers l’infini, et exaucer leurs vœux sous le ciel noir d’encre… Quand Leafer prit congé, heureux d’avoir assisté – et peut-être aidé ? – à la naissance d’une enfant Pokémon, ils prévirent de se revoir à Méanville avec de larges sourires. Finalement Syd n’avait pas eu tort d’inviter L’Étranger !
Aucun des adolescents ne pouvaient prévoir que cette soirée serait la dernière passée paisiblement, à quatre.
Inscrit le: 24 Nov 2014 Messages: 62 Localisation: Bangkok, Thaïlande
@Jérem - Bon t'inquiète, tes commentaires ont toujours une taille parfaite. Et puis c'est déjà génial que tu commentes !
Un écran de cinéma. C'est même précisé. D8 Enfin je crois. Ahhh quel jeu de mot saaaaale Jérem, ap-pro-fon-dir omg ! Sinon oui j'adore... creuser... leurs personnalités.
Aha, perso je trouve pas ça exagéré. Serions-nous face à une stalemate ? En tout cas c'est ça que t'aies apprécié la scène !
Ouii ton chéri Syd a gagné, et ENFIN Élin s'est remise en question. Syd, excellent ? Haaaaaaa mais quelle mauvaise foi ! Ouvre ton esprit ! APPRÉCIE les autres ! o/
Pour l'intrigue, elle avance grave dans ce chapitre. Grave. Mais avant cela j'ai besoin de te parler.
-
J'AI MODIFIÉ TOUS LES CHAPITRES
ET JE LES AI BOCOU RÉÉCRITS
+ TROIS CHAPITRES ON ÉTÉ AJOUTÉS : Épisode 02 : Le(s) Secret(s) ; Épisode 06 : Tirer les choses au clair ; Épisode 11 : Une arrivée mouvementée.
Cela ne change rien à l'intrigue. Cela m'a juste permis de corriger le style et de prendre plus de temps pour développer les personnages, donc si tu ne veux pas tout relire, rien ne t'y oblige. Je vais t'indiquer ici les seuls passages qu'il est important de relire, d'acc ?
L'Épisode 03 : Sous les rayons de l'aurore...
L'Épisode 06 : Tirer les choses au clair
Dernière scène de l'Épisode 08 : Catharsis !
Dernière scène de l'Épisode 16 : Le vent nous portera
SUR CE ÉPISODE 17 : AU COEUR DU MAELSTRÖM
Spoiler
(Esquisses)
Lancinant. Il y avait, comme un sifflement violent, clair, qui perçait la brume, la faisant totalement disparaître le temps d’une seconde pour dévoiler une immense vallée, occupée de tout ce qu’elle connaissait. Des montagnes, étouffées de fleurs lavandes au point qu’on ne voyait plus l’herbe ; un ciel, azur et aveuglant, s’étendant jusqu’à l’opposée de la vallée qu’elle ne pouvait même pas apercevoir.
Sur un des monts fleuris son père voguait sur son Ferry vert, acclamé par la foule du Pokéwood alors qu’il portait un masque hideux, qu’il lui semblait – chose étrange – qu’il jouait le mauvais rôle. Et il lui semblait qu’il enterrait une silhouette noire, calcinée. Ailleurs une foule de filles nues, gémissantes, qui se caressaient, elle reconnaissait toutes celles qui étaient passées dans son lit et ailleurs, des yeux bleus, verts, trop vifs. Son meilleur solo de guitare rythmait leurs mouvements légers, mais la musique s’éteignit brutalement. Et puis Artie dansait à travers un dédale de gratte-ciels noirs et gris, métal incrusté dans la terre fertile, baigné du sang jaune des fleurs lavandes… et les Champions se réunissaient au centre de la vallée, Watson déclarait « Nous n’avons pas besoin d’Iris » d’un air grave.
Il faisait exécuter sa petite-fille adoptive par un Sbire Plasma anonyme, tandis que les membres du Conseil Quatre notaient que la procédure du jugement avait été correctement observée, travestis en Pokémon. Anis souriante, écrivait un script détaillé de sa prochaine journée, car elle modelait la vie, puis un homme étrange vola son parchemin et prit des proportions absolument gigantesques, écrasant le Ferry, les gratte-ciels, ses pieds énormes baignés du sang fleuri, orteils se plantant convulsivement dans la terre meurtrie.
Il la fixa de ses yeux givrés, c’était l’homme d’il y a deux jours, le technicien doucereux qui se comportait comme une mer trop calme, dissimulant si adroitement les mortels et sombres courants des profondeurs. Dans son rêve elle voyait qu’un tatouage noir dépassait de l’argent épais de son col, un tentacule noir, du noir, du noir. Lentement il caressa sa gorge, puis la suffoqua en souriant, vomissant du sang en parfaite intermittence avec le bruit qui avait dissout la brume.
Strykna se réveilla en sueur, haletant, dans la pénombre étouffée de sa chambre.
À ses côtés sa petite-amie sommeillait encore, étalée sur plus de la moitié du lit et ronflant allégrement. Strykna frissonna, arrachant ses yeux vifs à leur danse paniquée, passant une main sur sa gorge blanche, se contemplant apathiquement dans le miroir. La jeune femme se sentait entièrement vide, comme engourdie.
Elle pensa à l’arène qu’elle devrait ouvrir ce matin, aux dresseurs qu’elle recevrait avec sarcasmes et dureté. Elle pensa à sa première expérience à l’âge de quinze ans et à la femme gentille et énergique qui l’avait partagé. Elle pensa qu’elle n’avait jamais fait de cauchemar dans sa vie – c’était le premier. Son père Capitaine n’en avait jamais fait qu’un seul – le matin où sa femme était morte. Puis Strykna pensa à ses choix, au vote des Champions et au futur, mais elle n’arrivait pas à se sentir concernée.
Ensuite, elle pensa à la Mort.
Et comme la déchirure brutale d’un pansement, sa léthargie protective lui fut arrachée, elle se leva d’un bond, et la douleur, la peur de perdre son père la transperça. Un hoquet lui échappa, purement involontaire, perdu dans l’air pesant de la chambre. Soudain elle vola vers les portes-fenêtres et les ouvrit grand.
Le balcon blanc. À quelques rues d’ici la mer.
Frissonnant, nue, Strykna s’avança dans l’air glacé de l’aube.
- Mais que fais-tu ? éclata une voix inquiète derrière elle.
La Championne fut happée, tirée à l’intérieur, on tira les rideaux blancs, puis elle se trouva face à sa petite-amie hâtivement habillée, tignasse noire encore vierge de tout foulard. Agacée, Strykna la repoussa d’un geste lent, délibéré, et prononça lourdement :
- Ce qui m’amuse.
Et Fara cligna de ses larges yeux noirs.
- Si Le Soleil et les autres journaux te prennent une photo tu seras affichée à la une de tout Unys ! coupa-t-elle, si doucement, avec son accent chantant.
- Don’t care, répliqua Strykna.
Elle sentait son cynisme habituel, lourd et épais, la recouvrir entièrement. Familier. Bof, elle s’en fichait.
- Mais ton père pourrait voir ces photos… nue…
Et Fara continua à parler mais les mots perdaient leur sens. Strykna lui jeta un regard vide, se demandant pourquoi on parlait toujours de photos-nues qui n’avaient pas été prises. Bientôt les phrases, les mots, ne devinrent plus qu’une série borborygmes insignifiants, un bruit de fond.
Strykna alla s’habiller. Puis :
- C’est aujourd’hui que je repars à Rhodes.
Mais la Championne agrafait son soutien-gorge, enfilait les bretelles noires, ajustait le tissus sur sa poitrine, attrapait un blouson de cuir.
- Et je ne reviendrai jamais à Unys, conclu maladroitement Fara, ravalant sa salive, sa voix peinant à cacher son chagrin.
- … I know, répondit impassiblement la rockeuse.
Son amante était toujours en robe de nuit, cernée, les lèvres tremblant, les cheveux ébouriffés. Elle se tenait à la porte du dressing, et semblait si fragile. Strykna se faufila dans leur chambre sans même l’effleurer, et cercla lentement ses yeux de khôl noir, s’observant placidement dans le miroir. Les au-revoirs était toujours fatigants. Mieux valait qu’elle s’en aille.
- Get home safe, ne t’inquiète pas si tu fous l’bazar dans l’appart j’sonnerai une meuf pour ranger. Tu pourras m’appeler de temps en temps. Bye.
Une rapide bise sur chaque joue. Un regard dégoûté, comme trahi. Puis Strykna était dehors et ne savait pas où aller, se disait que merde, elle avait pas envie d’ouvrir l’arène, qu’ils aillent se faire foutre, et autant aller au port, elle pourrait parler à son père avant que le Ferry ne parte, elle avait un mauvais pressentiment. Pas lié à son rêve, nan, ridicule. Mais un mauvais pressentiment. Quelque chose lié au vote des Champions. Elle aurait peut-être dû voter pour fouiller les villes, finalement.
Probablement.
Bof, ranàfoutre.
Elle s’alluma une clope. Elle passa par ses coins préférés de la ville. Ici MadamB avait tagué un énorme Crocorible s’élança hors des égouts, féroce, plus vrai que nature. Là, Passérat, son blaze en énorme sur les murs écaillés. Entre deux brins d’herbe humide, une frêle silhouette de garçon, semblant tracée au charbon… aucune signature, un dessin anonyme. Les nuages colorés, les arabesques d’encre se mêlaient sauvagement, chacune comme un hurlement figé, un cri impérieux à l’attention du promeneur. L’anarchie totale s’étendait vers le port.
Strykna aussi avait tatoué son blase partout dans la ville, en son temps. À l’époque ou être en colère contre le monde était vu comme cool chez les ados, toussa.
Aujourd’hui, elle était Championne d’Arène – woohoo. – et elle traitait ses nanas comme des clopes. Une fois les taffes tirées y avait plus rien à y faire. Bon, allez, pas d’introspection. Mais Fara avait eu l’air si blessée. Et elle était restée des mois, des mois, installée dans l’appartement de fonction de Strykna. Ce matin c’était tout une partie de son quotidien, qui s’arrachait brutalement.
Et en plus, elle avait fait un cauchemar.
Strykna s’arrêta aux frontières du port, la cacophonie infernale des marins la plongeant plus que tout, dans une humeur massacrante. Le vent du large la fouettait brutalement, remontait joyeusement les ruelles toutes tagguées dont sortait la Championne ; déchirant les ombres du matin.
Un cauchemar, ça ne veut rien dire. C’est juste un ramassis de peurs condensées.
… Strykna n’était pas du genre à avoir peur. Aussi, si elle s’était dirigée vers le port, le Ferry, en fuyant Fara… C’était simplement pour souhaiter un bon voyage à son père. Rien de plus. Pas parce qu’elle suspectait, secrètement un technicien qu’elle avait entrevu pendant moins de cinq minutes il y a deux jours… Pas parce que la Team Plasma avait repris du service.
- Yo.
- ‘jour Na-Na, lui répondit le marin.
- Rah, don’t call me that!
Un vieux maigre au visage buriné, un pote à son père.
- Toujours aussi agréable, maugréa-t-il, lui jetant un regard aigre.
- Yeah, yeah, répliqua-t-elle avec indifférence, se rapprochant juste assez prêt de l’homme pour le perturber. Look, je cherche le Ferry de mon père, il est à quel quai ?
- Ha, rétorqua-t-il. La fixant d’un œil mauvais, noir, pour qu’elle se recule, dégage de son espace personnel.
- Quoi ?
Elle était agacée, maintenant, ne voulait pas reculer et perdre l’affrontement. Le marin lui offrit un sourire aux dents aiguisées.
- Il s’est déjà arraché, ton père. Ze Ferry’z gon, tu comprends.
- Merde.
Ses yeux s’écarquillèrent, son souffle se fit court – Rappelle-toi les cauchemars sont ridicules, tu te rappelles ? Mais elle couru, elle dévala le béton du port et s’arrête au bout du bout du quai le plus proche, équilibre ténu au bord des vagues. Un point vert à l’horizon, le Ferry de son père !
Partit il y a à peine quelques minutes.
Si elle s’était un peu dépêchée en se préparant – en marchant – si seulement elle avait été plus rapide…
Elle aurait pu le prévenir. Parce que Strykna avait un mauvais pressentiment, un étau brûlant autour du cœur – parce que merde, elle n’avait jamais fait un cauchemar de sa vie et le seul qu’avait jamais eu son père, c’était avant la mort de sa femme ! Les rêves n’étaient pas le fruit du hasard dans leur famille. Ils avaient une signification.
Alors… alors le Ferry était [/]en danger[/i]...
(État des Lieux)
- Et voilà.
D’un geste théâtral, Oscar balaya l’horizon ensoleillé. Elsa se pencha par-dessus le bastingage, une bourrasque salée repoussant aussitôt ses boucles noires et vêtements légers. Ses prunelles suivirent avec enthousiasme et presque gourmandise l’index de son amoureux secret, iris oscillant toujours entre bleu et le vert, mer et terre. Déjà la côte mordorée s’éloignait, engloutie par les flots puissants, la cacophonie des voyageurs et des moteurs.
- Au fait, tu sais quel jour on est aujourd’hui ?
Elle se tourna vers le beau-gosse, bronzé et souriant. Il jouait distraitement avec une Pokéball, ses yeux verdoyants fixés avec intensité sur sa maigre silhouette – aujourd’hui, Oscar avait troqué ses habits de hippie pour un ensemble entièrement blanc, son allure étrangement éclatante. Enfin il n’en devenait qu’encore plus superbe bien sûr mais –
- L-Le 18 Juillet 2999, onze heures t-trente-et-une minutes, répondit-elle mécaniquement (maîtrisant avec peine un fort rougissement).
Petite, connaître la date et l’heure exacte était devenue une manière de gérer le stress, et l’habitude lui était restée depuis. Évidemment tous les élèves « cools » de l’Académie trouvaient cette habitude flippante et… Oscar aussi, probablement… mais le garçon ne lui laissa pas le temps de souffrir d’embarras. Il poursuivit dramatiquement :
- Non mais tu ne comprends pas ! Cette date a de l’importance ! Aujourd’hui cela fait dix jours que nous avons commencé notre voyage initiatique : dix jours que nous nous sommes rencontrés !
Elsa n’osa pas ajouter « euh, toi et moi on se connaissait depuis des années et c’est toi qui ne m’as jamais, jamais remarquée… ». La dresseuse était sûre que Syd se serait rappelé de ce fait, ils auraient échangé un regard désabusé et lui se serait permis un sourire sarcastique. Mais Élin avait entraîné le garçon silencieux à la recherche de nourriture, « dans l’idéal du caviar et du foie gras ! ».
- Ç-Ça n’est pas beaucoup, d-dix jours, remarqua Elsa pour briser le silence.
- J’ai l’impression que ça fait des années, soupira Oscar en réponse.
Il semblait rêveur ; elle étudia son visage fin, quelques secondes. Une petite fille s’écrasa par terre à leurs côtés, aussitôt ramassées par sa grande sœurs : elles cherchaient leur ballon de foot. Sur le pont inférieur, un Céribou de Sinnoh s’ouvrait lentement au soleil, perdu dans une foule de promeneur en maillots de bain, qui s’aggloméraient avec force et fracas autour de deux immenses piscines.
- Dis, ça te fait quoi te retourner à Volucité ?
La ville de leur enfance.
- Je…
Elsa ne savait pas quoi répondre. Quand elle pensait à Volucité, elle voyait l’hôpital où sa mère était morte. Puis son père lui revenait, engoncé de costards et de cravates, la faisant joyeusement tournoyer en l’air et lui achetant des Glaces Volute. Elsa pensait, à l’été qui se faufilait parmi les immenses boulevards, elle pensait à Léa et Emma et Samira les pestes, puis au professeur d’histoire qu’elle avait longtemps trouvé mignon… Elle voyait sa seule amie, souvent à côté d’elle par défaut et à contrecœur : la dernière de la bande « L-E-S-I », Irène.
Elsa pensait à toutes ces soirées consumées par les devoirs et les leçons à apprendre. Seule.
- J-Je n’ai pas trop envie d-d’y aller… M-Mais il faut que j-je rendre visite à mon père…
Oscar lui jeta un regard, sombre. Et il n’osa presque pas avouer :
- Moi non plus, j’ai pas trop envie d’y retourner…
Mais il n’élabora pas.
« À L’ATTENTION DES PASSAGERS. Bonjour, ici le capitaine du Ferry – hrm comme je me nomme M. le Capitaine, vous pouvez tout simplement m’appeler Capitaine, enfin pardon, enfin cela coule de source, bref – il est onze heures quarante du matin, la mer est calme. Nous devrions arriver à Volucité dans environ trois heures. Je vous souhaite une agréable traversée ! ».
Cette annonce arracha un sourire à Oscar, et la mauvaise humeur se dissipa, arrachée comme un voile de deuil, que l’on jetterait à la fureur des flots. Ils se sourirent, et se penchèrent de nouveau par-dessus la barrière, souvenirs happés par le vent.
- Tiens, mais ce ne serait pas justement Capitaine ? s’étonna Oscar, pointant un coin enveloppé d’ombre du pont inférieur.
Elsa plissa les yeux, tentant de distinguer autre chose qu’une silhouette floue, dont les traits lointains ressemblaient étrangement au père de Strykna. Seules les mimétismes, l’allure, semblaient différents, disjoints.
- C-Ce n-n’est pas possible, Capitaine vient de f-faire une annonce, il est supposé être en cabine…
- Bah oui mais…
- YOOOSH !
Les adolescents firent volte-face et bien leur en prit, car un boulet blond s’élança vers eux et ils durent le recevoir avec peine dans leurs bras, l’impact leur coupant brutalement le souffle. Derrière Élin se tenait un Syd blasé, écrasé par un énorme plateau sur lequel trônaient une pyramide éclatante de victuailles et plusieurs boissons aux couleurs surnaturelles.
- On a trouvé PLEIN de BOUFFE, s’exclama Élin, étoiles aux yeux, se relevant vivement et sautillant jusqu’au plateau. Là y a du tartare de poisson, làà c’est des blinis avec du foie gras, et aussi de la confiture d’oignon – vous voyez j’avais raison ils servaient vraiment du foie gras ! – là c’est des plats de Johto, des rouleaux d’algue, et ici un couscous de Rhodes…
- Ouah, elle a retrouvé toute son énergie… glissa Oscar à Syd, sympathisant pleinement.
- Il se trouve qu’acheter de la nourriture lui plaît plus que se lever à cinq heures du matin… répliqua avec une légère ironie le pauvre dresseur.
Et pendant ce temps, Élin continuait son descriptif, rayonnant de joie et de satisfaction, entraînant même Elsa dans son enthousiasme, si bien que les deux filles avaient l’eau à la bouche. Heureusement pour les garçons, Élin avait faim, et elle dû bien conclure son speech :
- Eeeeeet puis les boissons, c’est des mocktails ! De vrais cocktails mais sans alcool, parce qu’ils se « moquent » de toi tu vois !
Elsa acquiesça, béate. Mais Syd intervint légèrement :
- Enfin ça, c’est la théorie de madame, la barmaid nous a simplement signalé que les boissons étaient plus « de notre âge ».
- Bref, ils se moquent de nous, persista Élin, catégorique.
- Rah mais qu’elle est têtue…
- Cependant elle a peut-être raison.
Les quatre adolescents sursautèrent violemment, Syd renversa presque son lourd plateau mais Élin le retint en s’écriant : « NOOOON, LA BOUUUUFFE ! ». Lentement, le groupe leva un regard effrayé vers la source de la voix spectrale… qui n’était d’autre que l’ex-Champion/Star de Pokéwood/Pervers Zhu. L’homme les surveillait d’une paire d’yeux profonds, n’arborant pas le plus petit des sourires alors même que sa remarque avait été énoncée avec amusement.
Il était flippant.
- Sur ce, je vous souhaite une bonne traversée.
- E-Eub attendez ! s’exclama Oscar, lui attrapant le bras puis reculant comme s’il avait été brûlé. Ouais ben euuuh je vous remercie pour Amagara !
Il sortit la petite Pokémon sous les yeux satisfaits du Champion, mais, agacée par tous ces bruyants humains et Pokémon, elle voulu immédiatement rentrer dans son abri. Oscar s’en excusa, à l’indifférence totale de Zhu.
- De rien, répondit glacialement l’ex-Maître des Glaces. J’espère que vous en ferez bonne usage.
Et il disparut en un nuage bleuté.
- … Il est flippant. annonça Élin une fois le Champion parti, jetant des regards suspicieux à la ronde de peur qu’il ne réapparaisse.
- Grave ! acquiesça Oscar.
Un silence plana sur le groupe sans que personne ne trouve à redire à cette vérité générale. Puis un rougissement se déclara, et une petite voix suggéra :
- B-Bon, on va s’asseoir ?
Syd ne se le fit pas dire deux fois.
(Je suis le vent hargneux qui frappe les vagues)
L’homme foulait le parquet ciré du navire avec une grâce féline. Son monde n’était que sensations. Le moindre courant d’air. Les murs froids qu’il frôlait de son poignet. Le parfum accroché à l’écharpe de cette femme brune, disparu en un tourbillon salé, éphémère. Il entendait chaque hoquet, soupir, chaque « B’jour Capitaine ! » dès habitués heurtait bien trop forts à ses tympans délicats. Il adorait.
Car chaque sensation l’excitait, le motivait ; chaque « Capitaine ! » enjoué attisait le feu malsain qui se cachait sous sa peau, écorchant chaque nerf, chacun de ses sourires trop poli. Les humains étaient naïfs, idiots, leurs chairs si molles et juteuses. Ces prunelles heureuses aux rondes pupilles, qui s’accrochaient à sa silhouette rassurante et sa démarche professionnelle : ces prunelles ne décelaient rien de réel.
L’homme fantasmait sur des futurs impossibles… Si ses maîtres ne le tenaient pas en laisse, sûrement aurait-il perpétré un massacre. À un fils il dirait : « si tu tues ton père, je te laisse survivre ». Il enfermerait plusieurs femmes dans une suite de luxe, il promettrait a vie à celle qui le satisferait le plus, puis une fois celle-ci nommée il la décapiterait… Chacun tuerait son prochain, et il se glisserait parmi la foule sous des masques tristes et joyeux ; il sèmerait le chaos.
Aujourd’hui, impossible.
L’homme avait l’air de se diriger vers la cabine du « Capitaine » ; c’est ce que croyait la foule. Au lieu de cela, il empruntait progressivement des couloirs de moins en moins usités. Il s’arrêta devant un placard à balais. Et en sortit un plateau repas… un plateau repas ordinaire, ensachée d’une cascade de dentelle blanche ; du luxe, du luxe… Mais sous ce tissu moiré se cachaient une bombonne de poison et une machine assez puissante pour tout un navire.
Il regarda sa montre d’or. À cette heure-ci, ses hommes et femmes devaient remplacer le staff du Ferry. Dans dix minutes, le navire entier serait à leur merci…
Le 18 juin à douze heures pile : heure zéro de l’opération.
(If we lose ourselves today)
Sur le pont supérieur, les touristes ignorants nageaient, discutaient, appréciaient toujours le vent du large. Et Oscar prenait des photos du groupe, qui ressemblait outrageusement à des stars à succès du Pokéwood, duckfaces, lunettes de soleil sur le nez et mocktails colorés à la main – sur fond de mer azure évidemment –. Même Syd se laissait aller, même s’il pâlissait brusquement à chaque fois qu’Oscar leur faisait voir le résultat et demandait immédiatement à supprimer la photo. Demande toujours refusée, surtout qu’Élin effrayait à la fois Syd et le pauvre photographe à coups de « si vous supprimez cette photo je vous raconte les circonstances de mes premières règles, nanananèreuuuh ! ».
Heureusement une partie des « dossiers » compromettants purent enfin être supprimés à l’insu de la blonde, car celle-ci voulu aller aux toilettes.
- J’vais faire pipiiii.
Silence. Puis les trois autres jeunes deviennent tout rouge.
- RAH MAIS ON VOULAIT PAS SAVOIR ÇA !
- Roh mais quoi, c’est naturel à ce que je sache, vous allez pas me dire que vous le faites jamais !
Chose étrange, en revenant, la petite dresseuse déclara qu’elle avait croisé Capitaine dans les couloirs alors que, logiquement, il devrait être dans sa cabine en train de naviguer ; en plus elle l’avait salué et il ne l’avait pas reconnu. Peut-être qu’il faisait sa star snob, vu que c’était son Ferry… Elsa et Oscar, se souvenant d’avoir aperçu ce même Capitaine sur le pont inférieur un peu plus tôt, échangèrent un regard interdit, mais ne commentèrent pas. C’est vrai que l’omnipotence du marin surprenait.
- Dis Syd, tu m’affrontes ? Cette fois je suis sûre que je te bats ! lança de son côté Élin, qui était déjà passée à autre chose – bonjour la capacité naze de concentration –.
- Pas encore, rétorqua le dresseur de Grotichon. Je veux d’abord perfectionner ma nouvelle technique de combat.
- Mais ça fait des années que tu dis ça ! gémit dramatiquement la blonde, ramenant ses paumes ensemble comme pour une prière.
- Non, juste une journée…
Devant l’air agacé – mais presque un peu amusé – de Syd, Élin ne pu s’empêcher de sourire, ce qui laissa le temps à Elsa de s’enquérir :
- C’est L-Leafer qui t’a inspiré, n’est-ce pas ?
- Oui ! répondit le garçon aux yeux d’ambre, surpris que son amie ait deviné. Mais mon style va différer un peu du sien, parce que se baser sur la personnalité de l’adversaire pour deviner ses prochains mouvements, c’est trop hasardeux à mon goût…
- C’est surtout que tu sais pas du tout lire les personnalités des gens… remarqua Élin, tirant sa langue.
- Pfft, n’importe quoi.
Ce fut un élément imprévu qui acheva Syd : Oscar. Le beau-gosse, fixant les restes de leur couscous, se rappelait avec effroi les premiers repas que leur avait préparé Élin – poisson au vinaigre, yippeee – et repensait à la lâcheté de Syd à cette époque. S’enfermer seul dans sa tente, non mais ! Le photographe intervint donc froidement :
- Enfin, t’es quand même un véritable asocial, Syd.
Et le pauvre dresseur de Grotichon, traumatisé, ne pu que se réfugier derrière un grommèlement inaudible, avant de déclarer que « de toute manière il n’affronterait pas la peste Élin, parce que la mer avait l’air de s’agiter et cela pourrait se transformer en tempête ».
Il ne croyait pas si bien dire. Intrigué, les adolescents se rapprochèrent du bastingage. La plupart des touristes fuyaient maintenant les piscines, enrobés d’épaisses serviettes éponges. On rentrait les Pokémon. Il régnait comme une atmosphère oppressante… Le soleil brillait toujours, mais d’une lueur pâle comme un matin d’hiver, presque malade ; de longs tentacules de nuages gris l’encerclait peu à peu, baignant le Ferry d’une lumière cendrée. Des vagues de plus en plus hautes percutaient le flanc du navire en une danse agressive, furieuse. Et un vent sifflant dessinait comme un cercle parfait, surnaturel, autour du bateau, autour des hommes vulnérables.
Pris d’un mauvais pressentiment, froid et gluant, Syd attrapa les bras d’Elsa et de Syd, les éloignant rapidement de la barrière. Oscar suivit le mouvement. Pas plus d’une seconde plus tard, la crête d’une immense vague frappa la balustrade, l’étouffant d’une écume bouillonnante.
- M-Mais on est sur le pont supérieur, c-c’est pas normal ! s’écria Elsa, reculant avec frayeur, se cognant contre la poitrine crispée de Syd.
Élin restait muette. Syd aussi. Oscar, lançait des regards inquiets à la ronde, cherchant un adulte à qui demander conseil, restant à l’écoute d’une consigne officielle ; n’importe quoi pourvu qu’ils soient mis en sécurité. Il ferma les yeux. Et comme une réponse à ses prières, les haut-parleurs du Ferry grésillèrent un instant, avant de recracher la voix de Capitaine, prenant des accents rassurants :
« Mesdames et messieurs, il semble qu’une tempête se lève. Pour votre sécurité, veuillez rappeler vos Pokémon et regagnez vos chambres. Je répète : pour votre sécurité, veuillez rappeler vos Pokémon et regagnez vos chambres. Le staff du Ferry est à votre disposition si vous avez besoin d’aide… ne vous inquiétez pas trop, mes amis. »
Mécaniquement, les adolescents hochèrent du chef, et entamèrent les premiers mouvements pour se rendre à leur chambre, tout au fond du bateau. Puis Élin se braqua, et Syd qui la tenait toujours s’arrêta, ce qui immobilisa Elsa et ensuite Oscar…
- Y a un malaise, là, affirma la blonde d’une petite voix.
Les adolescents se figèrent, pris entre une tempête certaine et l’inconnu du navire, les étranges comportements de Capitaine. Ils se fixèrent et Oscar dégluti, fermant les yeux e refusant d’affronter la vérité, mais…
- C’est vrai, répondit-il d’une voix tremblotante, incertaine.
Soudainement apparu une jeune femme vêtue de l’uniforme vert du Ferry, contraste parfait avec sa courte chevelure rousse ; elle les fixait durement.
- Bon, y a une tempête là, faut rentrer à votre cabine.
Sa voix, martiale, sévère. Quand les adolescents ne répondirent pas, tremblant, elle fronça les sourcils.
- Eh bien ?
Alors, Syd comprit. Il se rappela tous ses passages à l’hôpitaux, les fois où il accompagnait son frère ; il pensa à ses profs, sa tante Aloé, et à leur déposition au commissariat après l’Accident. Il savait « bien parler ».
- Madame, c’est mon amie ici – il désigna une Élin encore pâle – qui a fait un malaise, elle a peur des tempêtes. Mais nous allons regagner notre cabine dès à présent.
- Tant mieux, claqua la voix de la femme. Quel numéro ?
- Cent-douze, tout au fond.
- Je vous accompagne.
Ils s’enfoncèrent dans les couloirs lustrés du navire, éclairés par des néons vacillants, aux angles et tournants plongés dans la pénombre la plus totale. Un flot d’étrangers se mêlaient avec retenue et urgence, une ambiance lourde planait sur la foule : de panique étouffée. Ils dévalaient les escaliers machinalement. Presque aucun bruit, quelques chuchotements. L’employée du navire tenait Oscar et Elsa par le coup, Syd avait lâché Élin mais c’était maintenant la blonde qui se raccrochait à lui, blanche.
Au fur et à mesure qu’ils descendaient dans les entrailles du navire, le nombre de familles, de couples et de dresseurs se réduisait. Bientôt ils furent seuls avec l’employée devant la porte noire de la chambre quatre-cent-douze. Élin laissa Syd tourner les clés et la poignée ; un seul néon du couloir fonctionnait encore, il grésillait bruyamment.
- Madame, ça ne marche pas, annonça calmement Syd. La porte de veut pas s’ouvrir.
La femme ricana brièvement. Elle resserra violemment son emprise sur les coups d’Oscar et Elsa, qui hoquetèrent. Puis son rire se transforma en gargouillements impuissants, et ses doigts lâchèrent complètement prise sur les coups de ses victimes. Elle s’écroula.
Zhu était apparu. Un tenait une portion de câble électrique sectionné dans ses bras. Syd se mit à genoux aux côtés de leur agresseure, sans mots, et prit son pouls.
- Elle vit encore.
- Peu importe, répondit Zhu.
Oscar et Élin, ils avaient peur, ils se tordaient les doigts et se mordaient les lèvres et la terreur effleurait chaque parcelle de leur peau en menaçant d’éclater. Syd comprenait la situation et pensait à sa famille ; il fit ce qui était instinctif chez lui, comprima l’angoisse et la rangea dans un coin pour ne laisser que le vide dans son esprit.
Elsa… s’attendait à être paralysée, plongée dans la panique. Mais étrangement, elle regardait le corps inconscient de la femme, et elle se sentait si incrédule, elle avait presque envie de se marrer. Enfin quoi, l’enchaînement des événements, la tempête soudaine puis la femme menaçante, et enfin un ex-Champion d’Unys qui apparaissait pour les aider comme par magie… c’était surréaliste ! Tout simplement surréaliste !
Zhu attacha les mains de « l’employée » avec le câble qu’il avait utilisé pour l’étrangler. Il la bâillonna en déchirant un bout de son uniforme. Pendant ce temps Syd fouillait sans émotion son corps inconscient, et tandis sans mot dire un talkie-walkie à Zhu, qui l’alluma. Ils entendirent :
« … Béta à tous les sbires, confirmez vos positions et confirmez que les couloirs sont nettoyés. Terminé. »
Zhu ne rata pas un battement de cœur. Il retourna le talkie-walkie, lu le matricule, et appuya sur le bouton « PTT ».
« De Sbire 414 à Béta, couloir numéro un nettoyé. Terminé. »
Il éteint l’appareil, et Syd se redressa. Alors les quatre adolescents fixèrent le Champione avec espoir, le cœur au bord des lèvres, corps tendus jusqu’à en rompre. L’adulte balaya le couloir de ses yeux profonds, et leur indiqua de se rapprocher, d’un air grave.
- L’ampleur de l’attaque, la précision de l’attaque. Ça ne peut qu’être la Team Plasma.
Et ils fermèrent les yeux car ils le savaient, ils l’avaient deviné sans se l’avouer, que l’organisation ressurgissait encore, ils l’avaient affrontée au ranch d’Amaillide. Cependant, cette attaque était d’un… était d’un tout autre niveau.
- Mais mon père et White les avaient niqués. Et Mélis et Écho e-et eux aussi ! s’emporta Élin, rouge, tremblante, cependant Zhu la coupait glacialement :
- Jamais deux sans trois.
Alors elle se tut et chacun écouta le Champion.
- La Team Plasma a réalisé plusieurs grands coups d’éclats par le passé : la prise de la Ligue, l’attaque de Janusia par la Frégate. Leur modus operandi consiste à immobiliser un maximum de civil. Ça leur laisse le champ libre et ça leur sert de bouclier humain.
Une pause, lancinante.
- En sortant de ma cabine pour vous rejoindre, j’ai remarqué qu’un gaz rose s’infiltrait dans la chambre par les bouches d’aération. Il doit certainement être soporifique. Cela veut dire que nous sommes les cinq seuls dresseurs encore aptes à résister sur le Ferry.
Et la voix de Zhu s’élevait, se durcissait, lui se redressait fièrement, les balayant d’un regard déterminé et martial. Il martela d’un rugissement froid « Êtes-vous prêt à résister ? ».
Et ils répondirent oui.
- Élineera.
Elle tressaillit, moite de transpiration, les yeux luisant de peur contenue.
- Va à l’avant du navire, où se trouve la cabine de Capitaine, et vois s’il est encore conscient. Il est probable que notre trajectoire dévie.
Probable qu’on enlève plus de deux cents personnes d’un coup, qu’on les emmène dans un lieu secret loin de Volucité, qu’on les efface. Qu’on efface Élin, Syd, Elsa, Oscar, Zhu, leurs silhouettes d’encre déjà vacillantes à la lumière du néon.
- Syd.
Syd, totalement calme. Trop. Son corps trop immobile et tranquille.
- Capitaine m’a expliqué que le système de fermeture automatique des portes se trouve à l’arrière du Ferry, dans la salle de surveillance. J’ai désactivé les caméras sur une partie du navire, en coupant les câbles. Mais le système des portes est trop délicat. Il faut que tu t’en occupes.
Le garçon hocha de la tête, caressa ses Pokéball ; mais il avait une autre idée en tête.
- Elsa, l’aération du navire se trouve en salle des machines, proche d’ici. Enlève le poison du système.
Elle sourit, replaça une boucle d’encre derrière ses oreilles, tapa du pied, serra le poing. Oui, oui, elle le ferait. Pas de problème.
- Oscar, il faut que tu appelles à l’aide. La salle radio est tout en haut du Ferry. Contacte la police, contacte Iris, Artie, Strykna, contacte tout Unys.
Leurs Vokit, ils ne marchaient pas, aucun signal. Et Oscar déglutissait, fermait les yeux, hochait difficilement de la tête. Merde, merde, merde !
- Je vais me rendre sur le pont inférieur, souffla froidement Zhu. Et je vais occuper le maximum de sbire possible.
Il disparut.
(Uncover the monster)
Elsa se faufilait délicatement à travers les couloirs sombres, Amaryllis la suivant prudemment. Elle ne ressentait pas de peur, mais un amusement surréaliste, une fierté de faire partie de la Libération du navire. Un flot d’adrénaline la poussait à avancer, sautiller, encore, encore !
Et sa Pokémon n’avait pas peur non plus. Oh oui, elle avait beaucoup changé depuis son évolution, elle était à présent gracieuse, maligne, féroce. Il était temps que son humaine suive le pas. En tout cas c’est ce qu’Elsa pensait ! Pourtant, elle n’oubliait pas les deux-cents personnes inconscientes, la Team Plasma, la mer déchaînée.
C’est juste, qu’elle n’en avait rien à foutre.
Tout lui semblait déconnecté. Elle repensait à toute sa vie sans aucune logique particulière, à la vie bien rangée de son père, au groupe insupportable « LESI », à Noël, à ses devoirs. Blah blah blahh.
Blah blah blahhh.
Ce qui était réel : le parquet ciré sur lequel elle glissait. Le couloir où tous les néons vivaient encore, illuminé entièrement de blanc, intense. Le pelage rêche d’Amaryllis qui frottait parfois son mollet nu. Sa jupe à carreau qui accrochait contre les portes en bois. Le silence doucement modulé par sa respiration.
Les ombres lointaines des sbires.
Elsa coula discrètement le long d’un escalier, s’arrêtant quelques instant au seuil de sa dernière marche, écoutant. Lentement. Le souffle du navire. Aucun sbire à cette étage – elle hésita entre sa droite, sa gauche, puis repéra une porte grise immense : « RÉSERVÉ AU PERSONNEL ».
Il y avait toutes les chances pour que ces lettres rouges indiquent en réalité « SALLE DES MACHINES ».
La brune pouffa presque devant la facilité enfantine avec laquelle elle semblait avoir trouvé la pièce… Zhu lui avait dit que c’était proche de leur point de rencontre mais tout de même… Zhu… pas croyable, un ex-Champion, star de Pokéwood, qui tapissait la couverture de tous les magazines people, les aidait ! Pas croyable, ils se faisaient attaquer par la Team Plasma !
Les sbires, elle les massacrerait, après tout comme dirait Élin, Elsa était une dresseuse. Et la dresseuse sourit.
Elle tourna à gauche, dépasse quelques pièces fermées, Amaryllis sur ses talons. Il lui semblait que ses joues devenaient douloureuses, tant elle souriait.
Elle poussa l’immense porte grise sans aucune hésitation et sans aucun regret.
(Cartésien)
Syd s’arrêta un instant devant un plan d’évacuation du navire. Les issues de secours – plus spécifiquement, les canoës de secours – étaient indiqués en rouge, mais ce n’était pas ce qui l’intéressait. Le dresseur recherchait plutôt une petite pièce à l’arrière du Ferry dont l’utilité ne serait pas indiquée par mesure de sécurité. Après tout, aucune personne sensée ne révèlerait au grand public l’emplacement d’une salle de surveillance.
Il trouva rapidement et se remit en route, car ses chances de découverte augmentaient proportionnellement au temps passé immobile. À ses côtés marchaient Riolu, plus rapide que Grotichon mais aussi plus petite, donc plus facilement dissimulable. Les partenaires ne courraient pas, ils marchaient : un pas rapide aurait plus de chance d’alerter un Sbire en patrouille.
Un carrefour, une pause. Personne. Il continua sa marche, enveloppé d’ombres dansantes et de la lueur rouge des extincteurs d’incendie. Cela ferait une bonne arme si jamais il était découvert.
Syd monta d’un étage, puis de deux. À un moment donné, Riolu se tendit. Ils se refugièrent derrière un placard à balais. Des voix, des présences, les frôlèrent ; leurs Destins se rasèrent sans jamais se toucher.
« - Laisse béton, les seules caméras qui fonctionnent sont celles des ponts externes, toutes les caméras des couloirs sont mortes.
- Ah ouais ? Comment ça se fait ?
- Court-circuit.
- ‘tain, on va devoir mater en ouvrant carrément les portes. Encore que faut savoir laquelle ouvrir, si on tombe sur une mémé au lieu d’une bombasse…
- Ou les deux à la fois, mecs, les deux à la fois… »
Les sbires s’éloignèrent. Syd attendit quelques minutes pour vérifier s’ils avaient un passage régulier, mais les hommes ne revinrent pas.
Il se rétablit rapidement et se remit en route.
Finalement il se trouva au tournant qui menait à la salle de surveillance… Il glissa un coup d’œil tendu vers la porte, se penchant légèrement… Deux sbires la gardaient sérieusement, parlant à peine.
Syd recula brusquement de quelques pas et se plaqua contre le mur. Il rencontra le regard d’une caméra de surveillance désactivée, grésillant douloureusement. Son cœur battait si vite. Il battait. Il battait.
Syd allait devoir se battre.
(neisétraC)
Élin courait à travers les couloirs et n’écoutait que sa peur. Parfois elle se plaquait contre un mur et ne pouvait contrôler ses tremblements. Elle avait besoin de cinq minutes. Juste cinq minutes. Pour se remettre, rationaliser, aller mieux. Elle ne comprenait pas d’où venait la peur, elle ferait tout, tout pour l’annihiler, mais rien ne marchait, rien ne marchait.
Elle avait juste trop peur. Baggy et Lucky et Hope la fixaient avec désolation, enfin c’était plutôt du mépris de la part de Baggy, mais cela n’empêchait pas la blonde de se recroqueviller contre un placard à balais et de trembler.
Élin avait besoin de pleurer. Peut-être qu’après avoir pleuré ça ira mieux ? Elle avait besoin de… elle avait besoin de…
Brusquement, Baggy lui donna un coup de poing retentissant et sous le choc son crâne heurta le mur, son cou se plia en deux, elle lâcha un cri étranglé, faible. Il l’insulta virulemment, elle le sentait qu’il l’insultait ce connard, alors elle se redressa et lui balança un immense coup de pied –
- NON MAIS POUR QUI TU TE PRENDS ?
Élin sentit tout son corps s’embraser, elle perçu distinctement le flot d’adrénaline qui l’envahit en écorchant chacune de ses nerfs et elle devint une boule entière d’énergie. Lucky et Hope surtout, pauvre petit Hope, avaient une peur de chiens, leurs yeux comme des soucoupes. Mais Baggy se redressa, essuya un peu de sang au coin de sa lèvre, et ricana.
Alors elle comprit.
- Waouw t’as une manière bizarre de me motiver, mec…
Et un rire bouillonnant, hystérique, pétilla à la surface de ses lèvres. Après ce rire elle se sentit mieux. Elle observa le couloir d’un blanc aseptisé et se dit : « au bout, il y a des escaliers, il faut que je les monte ». Et par mesure de sécurité, elle rappela Hope.
Elle monta les escaliers.
Aucun couloir n’avait de fenêtre, tout le navire était étouffé, trop chaud, moite, l’air lourd de sel et de menace. Même elle, si sportive, avait du mal à respirer. Et ça ne s’améliorait pas en gravissant les étages, bien au contraire… La chaleur montait et le Ferry se transformait en étuve, un dédale humide de boyaux ruisselants et silencieux.
Soudain le navire tangua. Élin retint avec peine un cri et s’écrasa contre un mur tout à coup trop penchée, surnaturel, tordu, se sentit paniquée, paniquée –
Le bateau se redressa et le parquet écorcha brutalement ses genoux. Elle était à quatre pattes, seule au milieu du couloir. Fixant ses mains d’un regard vide, le cœur au bord des lèvres. Son corps était balloté, par une tempête d’émotions, elle avait toujours été ainsi, portée par des sentiments si puissants qu’elle ne pouvait les contrôler, des colères meurtrières, des rêves douloureux, des joies lumineuses durant au moins plusieurs jours.
Élin ne savait pas gérer une crise. Elle modelait la situation, la Réalité. Jamais l’inverse. Sauf que là, on comptait sur elle ! Elle devait accomplir sa mission, elle était nécessaire ! Il fallait qu’elle. Prenne le contrôle. Sur son corps.
Mais elle n’y arrivait pas, elle n’y arrivait PAS !
La dresseuse, terrifiée, leva ses yeux noirs.
Et croisa le regard implacable de Baggy, droit, sans faille.
Élin se redressa et s’élança vers la prochaine volée d’escaliers.
(I’ll die another day, bastards)
Kaimorse, Sorbouboul et Polagriffe se ruèrent parmi les sbires en rugissant avec fureur, en écrasant mortellement un sans aucun arrière pensé. Peu importait de ces chiens, bandits ou fanatiques, peu importait de ces hordes qui étranglaient Unys depuis huits ans. Le flot de criminel recula brutalement, terrifié, tandis que le poil des Pokémon se hérissait, qu’ils découvraient leurs crocs gelés avec agressivité et presque jubilation.
Une lueur givrée se propagea soudain sur tout l’immense pont inférieur. Puis cette lueur se transforma en éclat, en torrent de lumière. Un Sbire tenta une Tourmente avec son Crocorrible ; mais Lamentine usa d’un Rugissement si fort que les insultes du Pokémon furent totalement inaudibles.
Zhu s’avança impérieusement, flanqué de Dimoret et d’Hexagel, entouré d’un Vent Glace surpuissant. Il se plaça avec ses Pokémon au centre du triangle formé par Kaimorse, Sorbouboul, et Polagriffe, la source du torrent de lumière gelée. Les Sbires crurent qu’il allait les menacer, tout du moins leur adresser la parole, alors ils hurlèrent des « connards ! » et « fils de pute ! » et d’autres insultes, destinés à l’atteindre, à le déconcentrer. Il n’en fut rien.
Zhu ferma tout simplement les yeux, et se plongea dans une méditation meurtrière.
Ses trois Pokémon relâchèrent leur Blizzard.
Zhu imagina la scène : tout ceux qui ne s’étaient pas protégés seraient recouverts par une couche de neige de plusieurs mètres. Les autres mettraient au minimum quelques secondes à sortir de leur Abris. Il y avait là une Opportunité pour que Kaimorse, Sorbouboul et Polagriffe se repose.
Alors il ordonna : Machination, Affutage, et Anneau Hydro.
Une légère modification dans l’air. Un soupir gelé. Très certainement la Combo Griffe d’un Léopardus. Il demanda : Feinte à Dimoret. Les ennemis se percutèrent en un feulement sauvage – mais il n’eut pas le temps d’y prêter attention –
Un autre Léopardus l’attaquait, un autre Crocorrible. Un Scalproie ! Tranche Nuit, Tunnel, Griffe Acier ! Une explosion suivit d’une violente Machouille, canines crissant contre les cristaux d’Hegalex, fit tressaillir le Champion, qui ferma encore plus violemment les yeux et esquiva lui-même une Vive Attaque, le cœur au bord des lèvres.
- Repoussez-les ! Tour Rapide, Reflet, Boul’Armure, le reste Vent Glace ! Sorbouboul, la tactique faucheuse, mon ami !
Hexagel se libéra brusquement de la prise de Crocorrible, lâchant un grincement enragé.
Pendant ce temps Zhu s’élança vers Kaimorse en un mouvement fluide, effleurant à peine le sol tant il était rapide. Il ordonna : Ball’Glace. Aussitôt le Pokémon, déjà en boule et alourdi par la qualité métallique de la Boul’Armure, se givra entièrement, jusqu’aux pupilles, et gronda brutalement, se jetant vers une rangée de Scalproie qui préparaient une Tête de Fer collective.
Sorboubol n’était plus que Reflets rendus fantomatiques par les pics de Glaces du Blizzard, se glissant parmi les rangs ennemis, ciblant en priorité les humains de SouffleGlace, les terrifiant. Certains Sbires s’écroulaient et ne se relevaient plus. Leurs Pokémon, déboussolés, enrageaient chaotiquement ou s’enfuyaient, rapidement fauché par un Kaimorse surpuissant.
Lamantine, Dimoret et Polagriffe construisaient autour de Zhu un petit nid de glace.
- Je vous remercie.
Il leur disait cela de ses prunelles bleutées si sombres, mais limpides.
Ils reçurent des consignes précises. Et leur maître fut en sécurité. Alors ils se déchaînèrent, car Zhu les avaient élevés depuis le tout début, car il avait eu le courage de les rencontrer jusque dans les steppes les plus froides et sauvages. Ils le plaçaient au-dessus de leur propre vie.
Sorbouboul et Kaimorse continuèrent leur petit manège à deux, le Pokémon Cornet distrayant vicieusement les hordes de Pokémon et de dresseurs, Kaimorse les écrasant une fois désorganisés. Le phoque augmentait progressivement de taille, comme une boule de neige géante et meurtrière.
Hexagel enchaînait les Tour Rapide et les Éclats Glace en un délicat ballet. Si les Léopardus l’évitaient facilement, gracieusement, les Crocorribles balourds et Scalproie têtus devaient endurer chacune de ses offensives tranchantes, en criaient de douleur.
Dimoret. Provoc et Vendetta. La Pokémon luisait d’une aura noire, malsaine, et semblait s’amuser comme jamais… Polagriffe. Fléau et Ténacité. Lamantine, Aqua Jet et Belier.
Sur la vingtaine de Sbires Plasma présents au début il n’en restait plus que dix, dix qui avaient sorti toutes leurs équipes pour lutter mais perdaient du terrain face aux Pokémon surpuissants du Champion. Les humains aux chairs chaudes et fragiles souffraient dans l’océan de neige du Blizzard initial, le souffle coupé, les yeux exorbités. Zhu méditait dans son cocon de glace.
Mais cela ne pouvait pas être si facile. On apprenait systématiquement aux jeunes élèves des Académie que la violence, l’intensité d’un combat ne se révélaient souvent qu’un dernier recourt, quand les humains cupides, les dresseurs étaient en danger. C’était vrai. Et les Sbires Plasma, se mourait de froid dans cette neige devenue brûlante, saisis de vertige face à leur défaite certaine, se ragaillardirent et s’organisèrent.
Ce n’était pas pour rien qu’ils possédaient des Pokémon, après tout.
Les Léopardus étaient les plus rapides ; il en restait quatre. On ordonna Machination d’une voix rauque, puis en un cri de Fureur poursuite, puis on désigna Dimoret la plus dévastatrice de tous. Les félins s’élancèrent à la suite de la mesquine Pokémon et l’écrasèrent totalement, malgré les morts, les K.O, la déchiquetèrent.
Un bataillon entier de Scalproie braves et silencieux retint la puissance et la virulence de Kaimorse, d’une Tête de Fer unie. Lamantine les faucha d’un Laser Glace. Mais deux Crocorrible écrasèrent les alliés de Zhu ; l’un attaqua la queue du phoque étourdi, l’autre broya le cou de l’otarie.
Et alors, la cheffe des sbires paru, sortant une équipe de six Pokémon luisant de force et de détermination. Des Pokémon atypiques pour une organisation criminelle, une Munna, deux Aflamanoir, des Fermite, un Chinchidou. Tous en bonne santé et musclés et arrogants…
- Qu’est-ce que c’est que ça ? grinça la supérieure.
Silence.
- Vous perdez face à un seul homme ?
Et un ricanement méprisant, à l’adresse de ses sbires, avant que ses yeux ne s’arrêtent sur le cocon gelé de Zhu.
Le champion avait ouvert les yeux.
- Si je te défie, j’aurais peut-être un Badge ? persiffla la gradée. Ah non, j’oubliais, t’es qu’un acteur de navets maintenant.
D’un seul geste, l’ex-Champion brisa sa cellule de glace en dix mille éclats de cristal, et fit impérieusement signe à ses Pokémon de se battre.
(Au cœur du Maelström)
Pour accéder à la tour radio Oscar devait gravir cinq volées d’escaliers, afin d’accéder au point culminant du bateau, là où se situaient toutes les antennes. Il tentait de se calmer, de se dire qu’il pouvait y arriver, sans problème ! Il était typiquement le mec qui restait calme wesh, alors aucune raison que ça ne soit pas le cas maintenant, hein ?
Faux. Son combat pourri contre Strykna se rappela vicieusement à lui, le taraudait. Il fixait le premier escalier et ses jambes tremblaient, ouais, on pouvait le dire, il était pathétique. Haha, pas grave. Au pire il mourrait, hein.
Cependant Jeans était toujours surexcitée et s’élança toute seule à l’assaut des hauteurs, alors il dû bien la suivre, il était quand même dresseur, quoi. Ha ha.
Ha ha.
La chaleur lui montait à la tête. Son souffle était court. Parfois il voyait flou. Une fois il croisa un Sbire en train de… ouais vaut mieux pas le dire, mais ça lui donnait envie de vomir. Et ce nombre incalculable de portes, toutes pareilles, infinies, ça le rendait fou, ça lui filait le tournis.
Soudainement un ruée de Sbire apparu au détour d’un couloir –
Il s’aplatit contre un placard à balais –
Ils filèrent tous juste devant lui sans le voir, un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, tous petits comme des nains et puant tous la forêt et les champignons de pieds d’ailleurs. Oscar les vit disparaître à l’étage inférieur et poussa un soupir de soulagement : il se décolla du mur moite, s’apprêta à monter les marches…
Et se cogna brusquement contre une Sbire retardataire, qui alla s’écraser contre la paroi opposée. Elle jura après un cri de douleur et s’apprêtait à l’insulter puis – elle se rendit compte qu’il n’était pas de la Plasma.
Elle le regarda. Il la regarda. Elle le regarda. Puis il se jeta vers la plus proche ruée de marche et la gravit à la suite de sa Vipelierre effrayée en criant « BWAAAAAAAH ! ». Malheureusement la Sbire était entraînée, elle se releva tout aussi soudainement et s’élança à sa poursuite, jurant de plus belle !
Oscar était consumé par la peur. Il avait monté deux volées de marches. Elle ne le lâchait toujours pas. L’idée acide de ce qu’elle pouvait lui faire, écorchait sa trachée et son estomac, il avait le souffle si court, la nausée – Au seuil de la toute dernière marche, il tituba, sa vision se floutant entièrement.
Deux petites mains moins se saisirent de ses hanches.
Alors… il ne su jamais ce qu’il lui prit… Oscar fit volte-face les yeux écarquillés, brûlant de peur et de fureur, et repoussa la femme rousse comme dans un rêve. Son petit corps dévala l’entièrement des marches, rebondit surréalistiquement sur la dernière, et s’écrasa contre le mur opposé, s’écroulant, lentement, à terre.
L’ado à la queue-de-cheval ne fit aucun mouvement pour se rapprocher d’elle, l’aider, vérifier son pouls. Il l’observa juste… son corps, pas totalement désarticulé, juste un peu, juste assez pour qu’il ait un doute… juste assez pour qu’il puisse croire qu’il l’avait tué.
Oscar resta immobile, un grand sentiment de froid s’insinua en lui.
La porte rouge s’ouvrit à la volée, claquant contre le couloir de bois. Des pas rapides s’élancèrent vers lui et une lueur brutale, blanche, indiqua qu’on avait sortit un Pokémon.
- Aha, ze saffais bien qu’il y aurait des zintrus !
Il se retourna vers un vieil homme aux dents proéminentes, accompagné d’un Ratentif obèse.
Il indiqua une poignée de porte. Le temps de se tracter, juste une seconde, et la Vipelierre était derrière son ennemi, enchaînait avec une Charge bien placée.
- Ripozte affec Morzure !
- Encore un Fouet Liane…
C’était quelqu’un d’autre qui avait parlé, ce n’était pas lui, Oscar, treize ans, de Volucité. Il se sentait tout à coup beaucoup plus vieux, plus déconnecté.
- Charge !
Jeans fut percutée de plein fouet et valdingua, son corps de feuilles et d’écailles rebondissant contre un mur et glissant lentement à terre. Comme dans un rêve, comme la sbire. Cependant ça n’attenait pas Oscar… rien ! Il ne ressentait RIEN ! Mais il était encore assez conscient et humain et innocent pour en avoir peur ! Et c’est précisément ça qui le faisait souffrir car…
Jeans évolua. Un éclat aveuglant l’enveloppa, si bien que le gros Rattentif rugit de douleur, et son corps s’allongea, s’affina, ses feuilles poussèrent vivement avant de se recourber comme des lames. Elle rigola de joie, la lumière s’affaiblissant, s’attendant à des félicitations et des cris de fierté de la part de son dresseur.
Mais elle était tellement impatiente d’expérimenter ce nouveau corps qu’elle ne se fit pas prier pour lancer un énorme Phytomixeur. L’attaque fut dévastatrice ! Jeans sautilla de joie avant de lancer un Ligotage en règle sur le moche dresseur !
Oscar cligna des yeux. Il ne parvint qu’à se parer d’un faible rictus pour sa Pokémon victorieuse et nouvellement évoluée.
Dingue, la vitesse avec laquelle il avait battu ce sbire, haha. C’était probablement un laissé pour compte que personne n’appréciait… haha…
Ce n’est que dans la salle des communications, entièrement composée de baies vitrées, qu’il prit conscience de l’ampleur du Maëlstrom. Les vitres étaient complètement éclatées. Un vent hargneux s’infiltrait par les ouvertures béantes, le glaçant, le poussant en arrière, effarant totalement Jeans. Il n’entendait pas le son de sa propre voix.
Mais Oscar s’accrocha, tant bien que mal, aux panneaux d’équipements accrochés aux quatre coins de la salle, il décrocha la radio avec l’énergie du désespoir, hoquetant. Dehors la mer s’organisait mécaniquement en un immense siphon dont il ne pouvait distinguer l’épicentre – il devait s’occuper à pianoter, chercher la fréquence, chercher tout Unys.
Mais les numéros, les listes de radio défilaient si vite, chaque chiffre illuminé trop violemment pour ses yeux assaillis par les vents, il n’y voyait rien ! Tremblant il appuya sur une fréquence au hasard, et décrocha le micro, la porta à ses lèvres gercées, brûlées par le sel de la mer qui l’éclaboussait même à cette hauteur.
Alors, Oscar comprit. Ses yeux s’écarquillèrent. Il balbutia. L’océan s’était transformé en typhon géant, gris et bleu et noir, d’une violence inouïe, dépassant le bateau de plusieurs dizaines de mètres. Les cieux étaient déchaînés, et s’ils n’étaient pas complètement brisés par les vents c’était uniquement parce qu’ils se trouvaient dans l’œil de la tempête, la seule accalmie possible, bientôt le bateau serait fracassé, réduit en mille morceaux et leurs corps avec. L’ouragan était un monstre hurlant, enflant et grandissant jusqu’à atteindre une taille sans précédent, à côté de laquelle le Ferry n’était qu’un minable jouet.
Mais il n’y avait pas que cela. Si les vents et la tempête étaient déjà assez meurtriers seuls, ils avaient aussi entraîné les courants sous-marins. Alors la mer tourbillonnait, tourbillonnait, autour du bateau, et le bateau s’affaissait.
Le Ferry était véritablement, au Cœur du Maelström.
« À toutes les r-radios d-d’Unys, ici le F-Ferry d’Ondes-sur-mer, nous avons été pris en otages je répète nous avons été pris en otages, c’est euh…. C’est, c’est… c’est la Team Plasma ! »
Son souffle se faisait erratique et saccadé. Un rire hystérique lui vint. Ils coulaient.
« Y a un genre de trou géant dans la mer, on va mourir hein. Hein ! »
Oscar s’écroula par terre aux côtés d’une Jeans catatonique, et chuchota dans la radio, comme un secret :
Posté le: Mer 04 Nov 2015 10:25 Sujet du message: Commentaires
Inscrit le: 29 Aoû 2012 Messages: 170 Localisation: Dans le labyrinthe de mon âme
C'est un retour miraculeux aujourd'hui pour ta fiction Icejj, bonjour ^^
Bien étant donné que je m'embête en cours et que je n'ai rien d'autre à faire pour m'occuper, me voici donc sur ta fic.
Bon après...2 mois je crois d'absence prolongé, ce commentaire peut-il signer mon retour ? Attend wait...c'est pas la bonne phrase, qui a encore trafiqué mon texte ?
Bon redevenons sérieux, ce chapitre se démarque par son début avec ce fameux rêve prémonitoire si certains pourront dire que ça gâche l'intrigue de ce chapitre, moi je trouve cela plutôt intéressant car au final on a peut-être une finalité mais l'avenir à une multitude finalité. Ensuite d'autres pourront se plaindre que les rêves prémonitoires c'est pas très réaliste. Bon déjà Pokemon n'a jamais eu la présomption d'être réaliste à la base et ensuite les rêves prémonitoires ça existe bel et bien.
Pour la suite j'ai vraiment eu le sentiment de visualiser un de ces nombreux film d'action/infiltration sur un bateau. Non pas que ce soit un problème, mais bon c'est vu et revu. De plus dans les dessins animés on quasiment à chaque saison un ou deux épisodes avec ce genre de choses, donc pour l'originalité on aura vu mieux. Après j'imagine bien que l'objectif ici n'était point d'être originale.
Regardons les personnages, je me pose une questions bien peu importante pour l'histoire mais quand même, la bouffe sur ce bateau était à volonté ? Non parce que je veux pas dire mais au vu de la quantité prise par Elin, si c'était payant, la somme a dû atteindre des proportions mirobolantes. Mention spéciale pour la remarque de Syd :
Citation:
-Il se trouve qu’acheter de la nourriture lui plaît plus que se lever à cinq heures du matin…
(Au passage j'ai mon début de réponse à ma question précédente) Donc Elin est vraiment un estomac sur pattes. Bon après tu me diras que Syd est une cervelle ambulante, donc à eux deux ils se complètent sur ce point ^^.
Les introspections sur les personnages d'Elsa (je viens de penser à la Reine des Neiges que maintenant étrangement) et d'Oscar me laissent perplexes, enfin davantage pour Oscar que pour Elsa.
L'attaque se produit, bon, la méthode d'attaque n'est pas plus originale que le fait qu'il y ait une attaque mais ça bon. Après que dire ? On a un suivi de chaque personnage séparément, le tout étant plutôt bien découpé et l'introspection assez réussi. Elin qui à les jetons ? Wait What ? C'était possible ça ? Mon dieu pincez moi je rêve ^^ Elsa elle c'est l'inverse ? De mieux en mieux ^^
Non je dois admettre que j'ai été agréablement surpris, le tout étant assez cohérent.
Quelques coquilles par ci par là, bon n'étant que le seul commentateur ici (et peut-être le seul lecteur je ne sais pas) J'ai pas vraiment envie d'en faire un relevé et je n'ai pas le temps non plus en fait ^^
Sinon voilà tu vas pouvoir mettre le chapitre suivant que je commenterais dans deux mois ^^ C'est un bon ratio je trouve ^^ Non je déconne ^^ Je vais essayer de retrouver un peu de régularité.
Bref il est temps pour les héros de sauver plusieurs centaines de personnes et pour certaines de faire face à leur plus grandes peurs.
C'est un voyage dans les tréfonds de leurs âmes pour leurs survie.
Puissent-ils retrouver la lumière dans les ténèbres. _________________
S'il existe différents maîtres contrôlant chacun un élément, je m'exerce à devenir le maître de la lumière.
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