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[Fanfic] Ethereal World [Terminée]

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 Auteur Message
Zéphyr MessagePosté le: Mar 11 Oct 2016 21:29   Sujet du message: [Fanfic] Ethereal World [Terminée] Répondre en citant  
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Dernière édition par Zéphyr le Mer 01 Nov 2017 20:27; édité 29 fois
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Zéphyr MessagePosté le: Mar 11 Oct 2016 21:39   Sujet du message: Répondre en citant  
Z'Administrateur


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Localisation: Au beau milieu d'une tempête.
https://i.imgur.com/nL8Yo4E.png




- Ulrich t'es prêt ?
- Roger Jérémie.
L'adolescent brun présentait une expression aussi hermétique que le scanner fermé devant lequel il se tenait. Il s'était fait une raison quant à la qualité de sa journée.
- Parfait, alors logiquement tu devrais arriver direct dans le Cinquième territoire, juste entre Odd et Yumi.
L'explication s'accompagna de l'ouverture du tube métallique.
- Heu Jérémie, t'es sûr de ton coup là ? demanda Ulrich sans entrer dans l'appareil, trahissant ainsi sa perplexité.
- Ouais. Enfin, à quatre-vingt dix-huit pourcents.
« Génial, ça fait donc deux pourcents de chances que ça déraille… »
Tout bougonnement mental gardé pour lui, le cobaye de virtualisation se mit en position pour faire ce pour quoi il était là. Sans transition, celui qui était aux commandes entama le processus de numérisation, accompagnant les étapes d'une voix placide et laconique, témoin de l'habitude d'exécution de l'exercice :
- Transfert Ulrich. Scanner Ulrich. Virtualisation.
L'adolescent brun disparut du scanner, dans un flash blanc que nul ne devait pouvoir constater, pas même lui puisque ses yeux étaient fermés. Le lancement du processus s'était fait sans accroc, comme – presque – toujours. Ne restait plus qu'à constater l'arrivée du testeur sur Lyokô et célébrer le succès de la virtualisation directe sur le Cinquième territoire. Toutefois, Aelita, Odd et Yumi, les yeux levés sur le plafond de l'Arena, ne virent pas l'ombre d'un samouraï se matérialiser dans l'espace aérien de la demi-sphère. À moins que le programme de Jérémie n'ait rendu Ulrich invisible sans le vouloir ni le prévoir, ce qui était possible au vu de ses antécédents, l'affaire tout juste entamée commençait déjà à mal tourner. Les trois avatars présents le sentirent immédiatement, poussant le seul mâle virtuel sur place à lancer :
- Bah alors ? Il a loupé sa correspondance ou quoi ?
- Pour moi, le transfert a bien eu lieu, précisa la voix de la régie. Il aurait dû apparaître à côté de vous.
Ce que tout le monde avait deviné se confirma en une fraction de seconde : l'expérience avait foiré.
- Il a peut-être été transféré au mauvais endroit… suggéra Aelita, dans une tentative d'endiguer les potentiels emportements et panique.
- Bon, je lance une recherche, mais ça m'étonnerait.
Quelques instants plus tard, l'informaticien fit son constat :
- Oh non ! Nan c'est pas possible !
- Quoi, qu'est-ce qui se passe ? envoya Yumi, bien trop rapidement pour que sa façade calme reste crédible.
- Je… je l'ai même plus sur mes écrans.
L'ambiance déjà bien refroidie accusa un nouveau choc. Pour la seconde fois, la Gardienne de Lyokô usa de sa technique orale la plus travaillée, soit la relativisation d'une situation par la suggestion de travail et de conservation d'espoir :
- Si tu veux, on fouille le Cinquième territoire. On va essayer de le repérer !
- C'est ça… fit Jérémie d'un ton quasi-ironique. Pour que Xana profite de la situation pour manigancer un sale coup. Non non, je vais lancer les recherches depuis le labo. Et vous, il vaut mieux que vous reveniez. Allez, je vous rematérialise !
Le trio virtuel afficha une mine consternée à cette annonce, qui perdura une fois de retour au laboratoire, pendant que l'ordinateur s'attelait à la localisation de leur ami perdu. Le sang-froid fut de mise le temps que la machine livre ses résultats, ce qui prit quelques minutes tout de même.
- Rien sur le territoire des Montagnes, rien dans l'Arena, rien dans la Voûte Céleste, rien dans le Cœur de Lyokô, et rien dans le Cinquième territoire ! délivra le responsable informatique, disant tout et rien à la fois.
- Bon en clair ? cracha sèchement Yumi.
Jérémie baissa la tête pour éviter le regard accusateur de la jeune fille, et dit d'un air fataliste :
- En clair Ulrich a… a disparu. Et je ne sais pas quoi faire.


https://i.imgur.com/I1KDy1N.png


Un bruit d'eau versé avec fracas, plutôt agréable, fit émerger Ulrich de ce qui ressemblait à une perte de conscience. Un magnifique ciel bleu parsemé de nuages immaculés et duveteux s'offrit à ses yeux tout juste ouverts. Son esprit prit un instant pour se rendre compte de l'incohérence. Il ne pouvait pas se trouver à l'extérieur au vu des derniers événements qu'il gardait en mémoire, soit sa virtualisation en direction du Cinquième territoire. Brusquement, il passa de la position allongée à celle assise en tailleur, comme si le geste avait le pouvoir de le tirer d'un éventuel songe qu'il vivrait. Si la manœuvre ne fonctionna pas, elle eut le mérite de permettre au jeune homme de découvrir son environnement.
Il était sur un petit cercle de verdure, cerné par une bande de sable tout aussi petite. Autour de cet îlot s'épanouissait une étendue d'eau d'un bleu qui n'avait rien à envier aux fameuses cartes postales, tandis que son bord voyait une modeste portion de ponton en bois s'insérer. Ulrich ne put s'empêcher de légèrement ouvrir la bouche au fur et à mesure de son analyse du décor, ce qui lui permit de comprendre instinctivement qu'il était dans un monde virtuel, grâce à son souffle coupé depuis plusieurs minutes. Il n'avait jamais vu d'environnement numérique pareil sur Lyokô : au milieu du fameux ciel bleu et cotonneux flottait une demi-sphère parfaite aux parois de verre épaisses, dans laquelle la précieuse eau à l'apparence pure clapotait. Toutefois, le récipient n'était visiblement pas assez grand pour contenir le liquide, qui s'échappait en cascades par endroits. À la surface, des îlots similaires à celui sur lequel se trouvait le Lyokô-guerrier étaient posés, dans une configuration les alignant en majorité, quand ils n'étaient pas collés, créant de fait une espèce de chemin praticable pour qui était capable d'exécuter des petits bonds pour passer d'un ponton à l'autre.
À la gauche du samouraï, une fraction rocheuse s'encastrait dans un quart du bol marin, offrant du relief avec trois niveaux de hauteur différents, dont le plus haut permettait à une cascade de s'écouler dans un bassin qui se finissait lui-même en cascade, plus large et s'effondrant dans la surface aqueuse principale. L'accès à la fraction se faisait par une langue de sable près du bord du bol et qui se poursuivait sous le niveau de l'eau pour créer différents reliefs sous-marin en collaboration avec la falaise miniature. Enfin, pour compléter le tableau estival, une dizaine de palmiers étaient plantés à divers endroits, achevant de rendre le lieu exotique.
Au terme de cette longue observation qui l'avait distrait un moment de sa situation, Ulrich se repencha sur celle-ci, pour vite marmonner dans sa barbe la conclusion qui s'imposait à lui :
- Quatre-vint dix-huit pourcents Jérémie hein… Tu parles !
Ce programme de virtualisation directe sur le territoire central de Lyokô pouvait largement être qualifié de plus gros échec de Belpois depuis la Marabounta, puisque loin d'avoir fonctionné, il avait emmené le cobaye dans… une autre dimension virtuelle ? Du moins c'était la seule hypothèse qui inspirait Stern.
- T'es perdu p'tit brun ?
Ulrich, qui ne pensait pas entendre d'autres sons que ceux de la nature virtuelle, se releva en sursautant. Immédiatement, il dirigea ses yeux vers la source de la parole, à sa droite. Sur un îlot tout en longueur se présentait un jeune homme non-identifié, adossé à un palmier. Petite particularité : il flottait à quelques centimètres au-dessus du sol, au diapason avec la lance ouvragée à côté de lui. L'inconnu en lui-même était plutôt grand – en tout cas bien plus qu'Ulrich – avec un look cohérent, c'est-à-dire un T-shirt gris sur lequel un symbole bleuté s'inscrivait, associé à un short immaculé et des chaussures foncées légères. Combiné à son visage avenant, il ne donnait pas une impression de malaise ou de danger.
- Hé, t'es qui toi ? lança le samouraï après avoir observé un instant l'arrivant.
- On m'a donné plein de surnoms : Vult', The Firmament, Rapace… mais « Toi » est une première. Je préfère de loin que l'on m'appelle par mon nom, Phi.
Non seulement il n'avait pas vraiment répondu à la question, mais il s'était aussi rapproché de l'orangé en lévitant sur quelques mètres, sa lance le suivant de près. À cette vision, le Lyokô-guerrier réagit naturellement et dégaina son sabre, envoyant un message clair. Le dénommé Phi s'arrêta net, pour faire mine de passer une main dans ses courts cheveux châtains foncés et déclarer :
- J'imagine que te proposer un rafraîchissement virtuel ne sera pas nécessaire du coup. Ça tombe bien, je n'avais rien prévu puisque je n'attendais pas de visiteurs dans l'Aire de Détente aujourd'hui. Enfin, pour être honnête, je n'en reçois jamais, ce dont je ne me plains pas. La tranquillité à ses avantages.
Ce fut visiblement le monologue de trop pour Ulrich.
- Bon sang, mais qu'est-ce que je fais ici moi ? lâcha-t-il d'un ton excédé. C'est pas possible, je dois rêver si j'ai pas atterri sur Lyokô !
Cette fois-ci l'individu volant n'émit aucune remarque. À en croire son expression, sa curiosité semblait avoir été piquée, tout comme sa parole puisqu'il garda le silence, ce qui pouvait paraître étrange au vu du premier point. De son côté, Stern songeait à se faire hara-kiri, histoire de voir si ça le faisait retourner dans le scanner, avant de se dire qu'il n'avait aucune garantie de ce côté. S'informer sur les environs restait la solution la plus sage.
- Ce serait possible que tu m'éclaires sur cet endroit et les raisons pour lesquelles j'y suis ? demanda-t-il à Phi, tout en rangeant son sabre pour montrer patte blanche.
Une fois encore, pas de réponse immédiate de la part de celui habillé pour l'été. À la place, il agrippa sa lance, qui perdit son pouvoir de lévitation à ce contact.
- Je peux t'informer effectivement, répondit-il enfin, mais pour être le plus précis possible, j'aurais besoin de recueillir plus de données sur toi. Rassure-toi, ça ne prend qu'un instant et c'est sans danger pour ton avatar.
Il s'approcha alors un peu plus d'Ulrich puis une fois assez proche, rapprocha la pointe de sa lance du samouraï.
- Hé qu'est-ce que tu comptes me faire avec ce truc ? paniqua le principal concerné.
- Ne me dit pas que tu as l'esprit aussi mal placé ?
Pris de court par la réplique et son imaginaire adolescent, le collégien ne sut quoi répondre et se mura dans un silence gêné.
- C'est bien ce que je pensais. Et au risque de me répéter : c'est sans danger pour toi.
D'un geste vif et mesuré, il posa le bout de son arme sur le bandeau frontal de l'égaré.
- Echo.
Visuellement parlant, il ne se passa rien. Ce n'est que lorsque la voix de Phi, devenue mécanique et inhumaine, se manifesta à nouveau quelques secondes plus tard que tout s'expliqua plus ou moins :
- Sujet humain mâle. Ulrich Stern. Assimilation des données de l'avatar. Erreur. Enveloppe virtuelle incomplète. Erreur. Dissociation de l'esprit et du corps. Recherche du réceptacle d'origine. Erreur. Localisation impossible. Vérification de l'intégrité de l'esprit. Paroi protectrice opérationnelle détectée. Analyse mémorielle...
Sur le moment, Ulrich ne fit pas tellement attention aux mots prononcés, mais plutôt à leur émetteur, qui malgré une apparence humaine, ne le paraissait plus du tout. Sa méfiance reprit quelque peu le dessus, qu'il mit à profit dès que Phi acheva son recueil de données et remit sa lance en lévitation :
- J'en demande peut-être déjà beaucoup, mais j'aimerais savoir avant tout ce que tu es précisément.
Le visage du concerné ne trahit aucune forme de réaction à la demande, contrastant avec l'impression première qu'il avait pu donner. Peut-être n'avait-il pas complètement récupéré de l'analyse précédente.
- Cela fait beaucoup d'informations à transmettre en un seul coup. Par chance, elles ont toutes un lien. Je peux toutes les traiter d'une traite, si ça te convient.
Hochement de tête de haut en bas du garçon virtualisé.


- Actuellement, nous nous trouvons dans mon domaine, l'Aire de Détente, qui n'est qu'une fraction d'un domaine plus grand : la Matrice, du monde virtuel Lyokô pour être précis. Elle peut être vue comme un espace de création virtuelle, aussi bien de l'intérieur que depuis une interface extérieure. C'est ici que tous les éléments constitutifs de Lyokô ont pris forme avant d'y être concrétisés par Franz Hopper – que tu connais si j'en crois les données. Plus secondairement, elle fait office d’entrepôt de créations numériques non-abouties. Il faut également savoir que la Matrice est la composante principale du Cœur de Lyokô, où elle se trouve donc, et qu'elle est assez fragile. Sa destruction implique la disparition du Cœur, par extension du monde virtuel.
Ulrich accusait déjà le coup de ces premières révélations et évita de poser des questions, afin de ne pas couper le narrateur. En outre, il avait l'impression que Phi simplifiait pas mal ce qu'il racontait. Probablement pour ne pas perdre son auditeur.
- Cet endroit ne craignait théoriquement pas grand-chose. Les moyens d'y accéder étant minimes et compliqués, s'attaquer au réceptacle physique protégé était plus rentable. Même l'intelligence artificielle Xana, la plus redoutable qu'ait créée Franz Hopper, n'avait et n'a aucune emprise ici. Cependant, comme tu le sais, Xana est parvenu il y a quelque temps de ça à s'emparer des clés du monde de Lyokô, dont le pouvoir est plus étendu que ce qu'on pourrait croire au premier abord. Une des choses qu'elles permettent de faire est l'activation simultanée des tours de passage de Lyokô, qui permet à la fois de s'échapper du supercalculateur, mais aussi d'ouvrir l'accès à la Matrice. Et si tu as bien suivi mes explications, tu devrais deviner pourquoi.
Le samouraï ne s'attendait pas à participer à la séance explicative, pensant qu'elle serait unilatérale. Pour le coup, il eut l'impression d'être interrogé pendant d'un cours, ce qui l'empêcha pas de répondre prudemment :
- Détruire Lyokô de l'intérieur pour marquer son départ ?
- Exact ! Au cours des quelques instants où il bénéficiait du pouvoir des tours de passage, Xana est parvenu à gagner un certain contrôle sur la Matrice et à y générer automatiquement et en boucle des entités pour la ravager. Évidemment, Hopper ne l'a pas laissé faire et a récupéré le contrôle des tours. Toutefois, il n'était pas en mesure d'endiguer l'invasion de la Matrice seul. C'est là que j'interviens, ou plutôt, qu'on est quatre à intervenir. Moi et trois autres sommes des intelligences artificielles antérieures à Xana, jugées inaptes à accomplir les buts du concepteur. Toutefois, ce dernier avait eu la bonne idée de stocker nos données dans les territoires de Lyokô et de créer un système pour nous ramener, au besoin. Comme il avait les quatre tours de passage activées, il a détourné le processus d'origine pour nous réanimer dans la Matrice et nous faire nous occuper de l'envahisseur, tâche que nous avons plutôt bien remplie.
Dans la lignée de l'impression scolaire précédente, Ulrich ne put s'empêcha de lever la main à hauteur de son visage.
- Une question ?
- Si activer toutes les tours de passage permettait de te ramener toi et tes frères (?) pour vous utiliser, pourquoi Xana n'en a pas profité ? Et si vous avez vraiment repoussé Xana ici, pourquoi est-ce que Franz Hopper vous laisse libres dans un endroit si important pour Lyokô ?
Le combattant virtuel était plutôt fier de ses questions, lui qui n'excellait pas spécialement dans les débats oraux.
- Pour Xana, répondit Phi en gardant son aplomb, il y a plusieurs explications possibles. Soit il était trop obnubilé par la destruction de Lyokô pour faire attention à nous, soit il ne nous voyait aucun intérêt et avait confiance en ses propres troupes, soit – personnellement, je penche pour ça – je pense qu'il ne se fiait pas à nous. Va savoir pourquoi. Peut-être la répulsion familiale.
Encore une fois, Stern eut cette impression de prise de raccourci par celui qui éclairait sa lanterne, en particulier pour les derniers mots prononcés.
- Et on a beau dire, Hopper ne se met pas souvent en action, mais quand il y va vraiment, c'est toujours à fond. En nous ramenant, il a pris ses précautions : sortir de la Matrice nous est impossible. Du coup, tu te doutes bien que pour rester vivants, nous avons dû participer à la Xanamachie qui s'est tenue ici. Quant à la raison pour laquelle on est toujours là, c'est parce qu'il reste des traces du passage de Xana, le virus générant automatiquement les créatures missionnées pour détruire ce lieu, entre autres. Notre rôle et intérêt est donc que la Matrice reste intacte, en échange de quoi Hopper nous laisse profiter d'une certaine forme de liberté, et même d'avantages, sur ces terrains.
- J'ai quand même du mal à croire que tout ce que tu me racontes s'est passé pendant les minutes qui ont suivi la récupération des clés de Lyokô par Xana, avoua Ulrich.
- Tout ce qui touche aux concepts d'écoulement et de perception du temps est instable ici. Sans compter que Xana avait déjà programmé son plan d'invasion de la Matrice à l'avance, il n'a eu qu'à l'appliquer une fois les clés en main.
Le Lyokô-guerrier restait moyennement convaincu des justifications du programme, chose naturelle. Toutefois, il n'avait aucun intérêt à prolonger la discussion sur l'historique de la Matrice et ses particularités. Son cas personnel n'avait même pas encore été abordé, alors mieux valait ne pas trop s'éterniser. Phi sembla lire dans ses pensées, puisqu'il enchaîna :
- Maintenant que je t'ai exposé les bases, on peut en venir à toi. Comme je te l'ai dit plus tôt, les moyens d'entrer dans la Matrice sont limités et compliqués, impossible avec un programme de virtualisation conventionnel et hors de portée d'un avatar humain isolé. C'est là que ton problème arrive. Les données que j'ai récoltées sont complètement fiables dessus : tu es un humain désincarné. Seul ton esprit est entré dans la Matrice.
Un flottement survint, durant lequel Ulrich ne réagit pas, prenant conscience des mots prononcés. Ce n'est qu'ensuite qu'il se tâta les bras et le visage, puis effectua quelques petits bonds sur place, afin de s'assurer de sa solidité. Aucune partie de son corps ne traversa quoi que soit.
- Tu m'as bien vu ? Répliqua-t-il alors à Phi. Je ne suis pas un fantôme ou un esprit ou un je-ne-sais-quoi. Tu te plantes !
Le programme en tenue de vacances regarda l'humain avec une expression interrogative, ne semblant comprendre cette réaction. Après quoi, il formula une nouvelle réponse :
- Selon tes souvenirs, tu étais le testeur d'une virtualisation directe dans le territoire central de Lyokô. L'hypothèse la plus probable est qu'il ait dysfonctionné ou ait été incomplet, provoquant la dissociation de ton corps et ton esprit, qui seraient toutefois bien arrivés sur Lyokô. Il n'est alors pas exclus que la Matrice ait capté ton esprit ou que le programme de virtualisation l'y ait projeté suite à la séparation. J'ai beau ne m'appuyer que sur des suppositions, je reste formel quant au fait que tu n'es actuellement qu'un esprit et que ton vrai corps se trouve ailleurs. Quant à ta solidité actuelle, je te rappelle que la Matrice est un espace de création qui à ses propres règles, est-ce si impensable que ça qu'il ait donné corps à ton esprit ?
Apparemment, l'intelligence artificielle voulait avoir le dernier mot, et l'obtiendrait s'ils continuaient ainsi. Ulrich songea que traiter avec Xana était moins éprouvant et compliqué, puisque consistant majoritairement à se mettre dessus, pas à parler. Cela ne signifiait pas qu'il était entièrement convaincu par toutes ces justifications. Néanmoins, il lui fallait bien avancer, puisque la précision de ce qu'il vivait excluait largement la piste du rêve. Comme si ça ne pouvait pas être aussi simple...
- D'accord admettons, lança-t-il d'un air vaincu. Je fais comment pour sortir de là ? Il y a une pilule bleue à prendre ?
- Tu es un jeune esprit bien grivois, lui fit remarquer Phi.
- Mais nan c'était une… laisse tomber.
Le silence retomba sur la plage, permettant au non-humain de méditer les dernières paroles prononcées et aux bruits d'eau de se faire entendre à nouveau. Ulrich, lui, préféra en profiter pour ignorer son opposant et balayer du regard les cieux, dans l'espoir d'y trouver une éventuelle issue. Excepté l'incomparable bleu, ses nuages et un autre relief flottant bien plus en hauteur, plus grand que celui sur lequel il était, sa recherche fut infructueuse. Il songea alors qu'être un esprit hypothétique rendait la vie encore plus complexe que dans un corps physique.
- Ce n'est pas comme ça que tu risques de trouver la sortie, glissa Phi. En plus, tu n'as même pas de DMA.
Pour toute réponse, il eut droit à une ignorance affichée de l'épéiste orangé, qui dut se rendre à l'évidence qu'il avait encore besoin des lumières du cousin volant de Xana. Pour le lui faire comprendre, il tourna sa face résignée dans sa direction.
- Franz Hopper était dérangé, c'est un fait, reprit tranquillement l'être à la lance. Il a fait en sorte qu'entrer dans la Matrice soit plus simple que d'en sortir, probablement pour gêner d'éventuels intrus humains – même s'il aurait fallu qu'ils y aillent franchement pour arriver jusque-là. Excepté les cas comme le mien, il existe une procédure pour « se créer » une clé de sortie, divisée en cinq fragments. Une fois récupérés, il suffit de se rendre dans un lieu de la Matrice, l'Arène-Sas : sortie assurée et quasi automatique !
Le samouraï n'était pas dupe : sa journée avait commencée de manière pourrie, sa présence dans ce monde coupé de Lyokô en était la preuve, alors elle devait continuer de la manière la plus compliquée et contraignante possible.
- Enfin, c'est comme ça que la notice présente le concept, ça n'a jamais pu être testé, pour les raisons que tu connais.
« Bingo ! J'aurais dû jouer au Loto aujourd'hui, pour voir. », se dit le jeune homme maudit, qui en profita pour soupirer.
- Allez, dis-moi tout, on est plus à trois explications près...
- Honnêtement, tu as du bol d'être tombé dans l'Aire de Détente et sur moi. Ailleurs tu te serais fait lapider directement sans comprendre quoi que ce soit à ta situation. Bref, comme on ne savait pas trop quoi faire des fragments, ils ont été répartis entre nous. J'en ai un en ma possession, que je te céderais en toute amitié. Mes compatriotes en ont trois autres. Quant au dernier, il est en possession du gardien de l'Arène-Sas – une ultime brillante idée du vieux fou.
Ulrich était partagé entre motivation et envie de pleurer face à l'ampleur de la tâche qui s'annonçait. N'avait-il pas meilleur temps d'attendre que Jérémie le ramène depuis le laboratoire, tranquillement installé en bord de mer ? D'ailleurs, il n'avait pas vraiment pensé à ses amis depuis son réveil dans la Matrice. Dans quel état se trouvaient-ils ? Avaient-ils trouvé son corps inanimé quelque part sur Lyokô et déduit qu'il était mort au cours du transfert ? Il n'osait imaginer les conséquences d'une telle conclusion sur le groupe. Finalement, il valait peut-être mieux quitter le cœur du monde virtuel au plus vite et réintégrer son corps avant que la situation ne s'envenime dans la réalité. En clair, il n'avait pas d'autre choix, d'autant plus qu'il n'avait dans le fond aucune chance qu'on le retrouve dans un endroit si isolé.
- Phi, demanda-t-il au matricien en le regardant droit dans les yeux, est-ce que tu peux me donner ton fragment de clé et me dire rapidement ce que je dois faire pour récupérer les autres ?
Le concerné eut une ébauche de sourire. Était-il content d'être autant sollicité ?
- Bien sûr. Avant toute chose, il va falloir t'octroyer un DMA et que tu apprennes à le manier.
- C'est quoi encore cette merde ? envoya Stern, moins patient que prévu avec les digressions orales de l'intelligence artificielle.
En guise de réponse, il sentit son corps se décoller du sol depuis les pieds, poussés par une force propulsante inconnue. Il exécuta un bond à trajectoire courbe droit dans l'eau.


Tout en crachant l'eau qui s'était infiltrée dans sa bouche sous le coup de la plongée, Ulrich agrippa un ponton de l'îlot le plus centré de l'étendue aqueuse pour s'extraire de ce dernier et s'avachir un bon coup sur le sol. Une certaine fatigue psychologique venait de le prendre suite à son vol plané. Échanger avec une intelligence artificielle comme Phi, qu'il considérait instable, était une épreuve en soi. Cumulé avec toutes les explications qui venaient de lui être faites, ça commençait à faire beaucoup. Il avait besoin de souffler cinq minutes. C'était visiblement trop demander dans la Matrice.
- Tu optes pour l'option « Vacances » finalement ? Remarque, vu que tu n'as pas l'air à l'aise avec le DMA...
- Tu me l'as envoyé par surprise ! s'emporta le jeune garçon humain, sans daigner tourner le regard sur son interlocuteur, qu'il devinait devant lui en train de planer, certainement dans les deux sens du terme. Le pire c'est que j'ai toujours pas compris ton truc...
C'est alors qu'un hexagone blanc encadré d'un trait épousant sa forme se matérialisa sous ses yeux, pour disparaître prestement.
- Dispositif de Mobilité Aérienne, raccourci DMA, connu comme étant une plateforme de rebond et parfois surnommé Flipper ou, en hommage à tu-sais-qui, Grass-Hopper. Il s'agit du principal et unique moyen de se déplacer dans les différents espaces de la Matrice. Sans ça, même pas la peine de songer à quitter cet endroit.
Le programme avait adopté un ton sérieux. Ne pouvait-il pas simplement se conformer à une attitude pour simplifier la vie de tout le monde ? Cependant, son changement d'air permit au Lyokô-guerrier de retrouver une contenance, notamment par une assise en tailleur et un soupir.
- Je ne vais pas t’assommer avec de nouvelles et longues explications, continua Phi. Le mieux à faire et de te laisser d'entraîner avec. Ça devrait te plaire, c'est très intuitif.
Soulagement pour le concerné direct, qui commençait à saturer un peu au niveau des informations à prendre en compte.
- Au lieu de modifier ton enveloppe virtuelle actuelle pour y ajouter le DMA, je vais directement te donner le mien, pour aller plus vite.
- C'est… généreux de ta part, fit Ulrich. T'es sûr de toi ?
- Je sais voler.
Argument en béton. Suivi par une nouvelle prise en main de sa lance par le matricien. Le samouraï devina ce qui allait suivre et décida de prendre de court celui qui se jouait de la gravité :
- Ça ne prend qu'un instant et c'est sans danger bien sûr ?
- Les humains apprennent vite.
Pour la seconde fois, il orienta la pointe de son arme sur le centre du bandeau de l'esprit égaré, avant de prononcer :
- Transfer. Bound.
À nouveau, il sembla ne rien se passer. Ulrich ne ressentit aucun changement ou marqueur de modification en lui, sans mettre en doute l'acquisition du fameux DMA. Le passation de pouvoir achevée, l'adolescent resta planté sur place, attendant probablement une nouvelle intervention orale de Phi.
- Bah alors ? fit ce dernier. Je t'ai parlé de t'entraîner à utiliser ce pouvoir non ? Ce n'est pas parce qu'il est intuitif à l'activation qu'il est facile à manier !
Face à l'air un peu perdu du collégien, l'intelligence artificielle comprit que tout ne coulait pas de source pour lui :
- Essaie de te focaliser sur la paume de la main – ou les deux ça fonctionne aussi – pour y faire apparaître une petite sphère blanche. Une fois cela fait, concentre-toi sur le point où tu veux « poser » ta plateforme – au sol ou dans les airs, à ta guise – elle obéira. Ensuite, c'est parti pour les Super-Sauts.
Stern aurait pu tenter d'appliquer ce début de conseil, à l'instar d'un élève studieux, mais il attendait encore plus de détails de la part de Phi, dont le visage trahissait la pensée. Visiblement, il ne savait quoi faire d'autre, estimant que ses précédentes paroles étaient suffisantes. Faute de mieux, il prit la tangente :
- Je pense que le mieux est de te laisser t'exercer seul. La Plage Cascade t'offre déjà pas mal de reliefs pour différentes mises en situation, ça devrait te faire la main sur les subtilités du Flipper. Quand tu estimeras que tu le maîtrises suffisamment, rejoins-moi au sommet des Terrasses Célestes, là-haut. Le parcours pour l'atteindre te permettra de mettre en application ton entraînement. Bien sûr, je te donnerais mon fragment de clé et t'indiquerais la marche à suivre si tu y arrives. Bon courage !
Sur ces dernières explications, il s'éleva en direction de l'île flottante au-dessus de la plage.
- Attends, je…
Trop tard pour Ulrich, il était déjà trop haut dans le ciel, sa lance le suivant docilement.
- Enfoiré.


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Odd Della Robbia avait presque honte d'avoir bien dormi la nuit passée, alors qu'aucune nouvelle sur Ulrich n'était arrivée. Bien sûr, avant de sombrer dans le sommeil, il avait tourné la situation dans tous les sens, avant de se dire, certainement sous le coup de la fatigue, qu'il ne pouvait rien faire à son échelle. Seuls Jérémie et Aelita avaient les compétences pour intervenir. Lui ne pouvait que rester sur le côté à attendre les résultats pour éventuellement agir ensuite sur le terrain. Sa visite matinale à Jérémie en compagnie d'Aelita avait confirmé ce point : toujours rien de concret sur leur ami perdu. Comment pouvait-on perdre quelqu'un à la virtualisation d'ailleurs ? Se retrouver coincé entre le monde réel et virtuel, ça s'était déjà vu, mais disparaître purement et simplement ? Odd n'arrivait pas à voir quelle astuce pouvait se cacher là-dessous et ce n'était, à son grand regret, pas son rôle.
Cependant, une idée lui était venue à la sortie de la douche et il comptait bien l'appliquer. S'il ne pouvait rien faire pour Ulrich, virtuellement parlant, il pouvait tout à fait agir par rapport à sa situation scolaire du moment, du moins officiellement parlant, grâce à son statut de délégué de classe. Simplement plaider son cas au conseil trimestriel ne serait pas suffisant, et surtout pas crédible, du fait de sa position de meilleur ami. Ce qu'il fallait pour éviter à Ulrich une troisième allégée, c'était le soutien d'un professeur autre que Hertz. Odd avait déjà positionné son choix là-dessus, le seul possible à vrai dire : Jim. De tout le corps enseignant, il était certainement le seul qui n'ait pas matière à se plaindre de son ami, au niveau formel et noté de la chose. Sans compter que globalement, il avait des rapports plutôt bons avec lui, même si certains moments particuliers pouvaient être déclarés. Le jeune homme à la coiffure en pointe pria pour que le GI soit dans un bon jour.
Il dut attendre que sa cible sorte de sa chambre pour établir la prise de contact. Par chance, Jim sortait toujours de son antre à la même heure, que Odd, en bonne commère, connaissait. Le second coup de chance se trouvait en la savonnette que Nicolas avait placée devant sa porte, dans le but affiché de faire chuter le surveillant-professeur. Dès que la porte de la chambre de ce dernier s'ouvrit, le camarade d'Ulrich put faire jouer ses talents d'acteur dramatique et crier d'une voix lancée :
- M'siiiiieur ! Attention sous votre pied !
Jim baissa les yeux alors que son pied était levé juste au-dessus du dangereux piège. L'intervention d'Odd lui permit d'éviter le pire pour ses reins et son dos. Après avoir ramassé l'objet nettoyant sous le regard déçu de Nicolas, encore dissimulé dans un angle du couloir, l'homme au survêtement rouge s'adressa à son sauveur :
- Merci Della Robbia, tu me sauves la mise sur ce coup.
Il prit d'un seul coup un ton soupçonneux :
- Bon, qu'est-ce que tu veux ? Tu ne fais jamais rien pour rien toi.
- Moi m'sieur ? Je croyais vous avoir prouvé que j'étais au-dessus de ces pratiques avec l'histoire de vous-savez-quoi, répliqua le Lyokô-guerrier avec théâtralité.
- Justement...
- Bon, j'avoue tout, j'ai bien quelque chose à vous demander, mais pour une fois, ça me concerne pas. C'est pour Ulrich.
Jim fronça encore plus les sourcils.
- J'écoute.
- Bah en fait, il a des soucis avec Madame Hertz. Il pense qu'elle va le faire transférer en troisième allégée au conseil de classe de cet après-midi, à cause de ses mauvaises notes.
Étonnamment en regard du C.V du personnage, le professeur d'E.P.S comprit rapidement où l'élève voulait en venir :
- Donc il a besoin que quelqu'un défende son cas c'est ça ?
- Exactement !
- Désolé, mais si Suz… Madame Hertz pense ce qu'elle pense, c'est pas moi qui vais la faire changer d'avis.
- Justement, si ! Vous êtes plus proche des élèves que n'importe quel autre professeur, vous êtes le meilleur pour ça ! Vous vous souvenez de ce que je vous disais en début d'année ? Que l'école sans les copains c'était moins drôle ? Changer Ulrich de classe ne va pas arranger ses notes, comme le pense Madame Hertz. Je le connais, ça va être l'inverse. Et je compte même pas ses parents dans le lot, qui vont lui en faire baver à cause de ça !
Les paroles d'Odd eurent l'air de faire réfléchir Jim, qui, vu son expression, semblait plus se demander s'il n'était pas victime d'une énième farce que préoccupé par le problème exposé.
- Je vais voir ce que je peux faire, lâcha-t-il finalement de son habituel air mi-bourru mi-ennuyé. Je ne promets rien pour Ulrich.
- Merci m'sieur, j'ai toujours su que vous étiez le meilleur d'entre nous !
- Tu peux arrêter ta comédie maintenant.
- Moi, une comédie ? fit Della Robbia avec une mauvaise foi évidente.
Le surveillant décida de laisser couler cet échange, pour lequel il ne se sentait pas la capacité nerveuse de soutenir. Au lieu de quoi, il posa une ultime question à l'adolescent violet qui lui faisait face :
- Sinon, pourquoi c'est pas ton p'tit camarade qui me parle de tout ça directement ?
- Je suis délégué de classe, c'est un peu mon rôle de m'occuper de ce genre de cas ! Et puis vous connaissez Ulrich m'sieur, il est trop fier pour parler de ce genre de chose. Vous devriez le voir en ce moment, il est comme désincarné à cause de cette histoire !


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Ulrich avait largement pris le coup avec la plateforme de rebond. Malgré des débuts lents et hésitants, il trouvait ce pouvoir très agréable et pratique à utiliser, aussi bien en hauteur qu'en longueur. En prime, il se combinait incroyablement bien avec son Supersprint, qui permettait d'augmenter l'amplitude des sauts effectués. Comble de son succès : même ses problèmes de vertige avaient décidé de rester au placard. Ça faisait au moins une chose de bienvenue pour cette journée. Par ailleurs, contrairement à celui que lui avait montrée Phi, le DMA d'Ulrich prenait une forme singulière : un cercle plein central entouré d'un jumeau périphérique et tous deux dévorés au milieu par un barre intempestive. L'ensemble émanait une douce lumière blanche et formait avec ses sillons le même symbole que sur le T-shirt de l'habitant de l'Aire de Détente.
Estimant qu'il avait passé assez de temps à l'entraînement, Ulrich décida de passer à l'étape supérieure, dans les deux sens du terme. Les Terrasses Célestes étaient désormais à sa portée. Pour les atteindre, il généra une plateforme DMA, à capacité de bond maximale, au centre de l'îlot où il s'était éveillé et qui se trouvait au bord du bol aquatique. Puis, il se dépêcha de prendre suffisamment d'élan, en se plaçant sur un îlot presque à l'opposé, séparé du premier par l'eau, le tout avant que son assistance au saut ne disparaisse. Effectivement, le Lyokô-guerrier avait découvert au prix d'une comique chute dans l'eau que les DMA étaient très éphémères une fois générés, malgré le fait qu'ils n'aient pas vraiment besoin de support physiques pour être apposés.
- Supersprint.
Fonçant en ligne droite, Stern traversa l'étendue aquatique en courant simplement à sa surface. Une fois la plateforme magique atteinte, tout en essayant de ne pas perdre son élan, il y prit appui à pieds joints pour enfin décoller. Littéralement. Il sentit le Flipper accompagner son mouvement et augmenter drastiquement sa puissance, lui permettant un grisant envol. Ainsi, tel une fusée laissant une traînée orangée derrière lui, Ulrich fonçait sur l'île flottante aux Terrasses. Cependant, il se rendit bien vite compte que son bond ne serait pas suffisant pour atteindre le plus bas niveau de son objectif, notamment par sa perte effrayante de vitesse. Même s'il restait mauvais en physique, son entraînement avait eu le mérite de lui donner un assez bon sens d'estimation des distances et des puissances de saut à avoir pour les franchir. En l'occurrence, il allait louper de peu l'objectif, ce qui ne remettrait pas en cause ses capacités nouvellement acquises, mais n'allait pas l'aider à ne pas se faire rattraper par la gravité. Le samouraï ne se démonta pas dans cette situation – lui faisant songer que s'il avait eu le vertige virtuel, il aurait été fichu – et généra simplement de ses deux mains autant de DMA, placés sur sa trajectoire de vol. Ceux-ci avaient la particularité de provoquer une propulsion instantanée et non-contrôlable par l'impulsion des jambes au moindre contact, à l'instar de celui que lui avait présenté premièrement Phi. À peine Ulrich toucha le premier qu'il regagna de la vitesse comme par magie, alors que celle-ci était à un instant de mourir. La seconde plateforme étant placée de manière presque superposée à sa jumelle, cela permit d'en démultiplier l'effet.
En définitive, l'élan de l'esprit vagabond fut tout juste suffisant pour qu'il atterrisse souplement sur le niveau inférieur des Terrasses.


- Rhôôô, encore de la flotte ? grogna l'explorateur virtuel en constatant qu'il avait les pieds dans l'eau.
Après la mer, la mare, ou plutôt la pataugeoire selon Ulrich. Il se trouvait sur un plateau circulaire, accolé à un flanc de relief montagneux évoquant un crayon de couleur vert géant par sa forme. Ledit plateau était légèrement creusé afin d'accueillir l'élément liquide sans risque de débordement. Des nénuphars dispersés erratiquement lui apportaient une touche de couleur et de naturel. Il y avait également des espaces praticables hors de l'eau, se présentant d'abord sous l'apparence d'une grande plateforme herbue en forme de cercle. Trois bancs étaient disposés avec régularité sur ses bords. Elle était liée à d'autres plateformes similaires, plus petites, par de courts pontons en bois. Le tout formait évidemment un chemin, menant jusqu'à un escalier immaculé qui paraissait flotter en l'air, par l'absence d'appui autre que le flanc de la montagne-crayon sur lequel il était également collé.
La suite de l'aventure devenait évidente pour le visiteur venu de Lyokô. Toutefois, il n'eut aucune envie de prendre le sentier battu, préférant continuer de s'exercer au Flipper. Par conséquent, toujours les pieds immergés, il sprinta jusqu'à se rapprocher du seul élément terrestre isolé sur le plateau : un socle circulaire herbu de taille modeste sur lequel un arbre épais et aussi haut que les escaliers était planté. Un saut assisté plus tard, l'orangé se tenait à son sommet, le style graphique très joyeux et coloré du végétal transformant dans la virtualité ses feuilles en véritable amas solide sur lequel il était possible de marcher. À nouveau, Ulrich créa une plateforme de rebond, au bord du feuillage, puis effectua un saut en longueur afin d'atteindre le surplomb où débouchaient les marches. Étonnement, il se révéla aussi plat et herbu que sans intérêt. Ce n'était qu'un lieu de transition pour la suite, qui prenait place quelques pas à gauche seulement après la fin de l'escalier : une vallée cul-de-sac formée par les accolements de montagnes en forme de crayons, ouvrant sur le vide. Il fallait préciser que le parcours n'était pas si bloqué qu'il n'en avait l'air : il n'y avait impasse que si l'on restait au niveau du surplomb. La montagne du fond, plus haute que les autres, possédait un sommet plat et non taillé en pointe, suggérant un troisième niveau de Terrasse. Quant au vide, il était comblé par la présence de ce qui ressemblait à des nuages, avec un design très lisse et immaculé, dispersés ça et là dans l'espace de la vallée, à diverses hauteurs. Perplexe face à ce spectacle et moins certain de sa maîtrise du DMA que plus tôt, Ulrich joua la carte de la prudence :
- Triplicata.
Comme toujours, ses deux doublures parfaites apparurent, chacune d'un côté.
- Toi là ! ordonna-t-il à celui de gauche. Saute sur le nuage le plus proche !
« Mince, je me mets à parler à mes clones, ça craint. », pensa-t-il immédiatement après.
Docile et obéissant, le double bondit sur le nuage le plus proche, pour y atterrir comme sur un support solide. L'original estima alors qu'il pouvait y aller à son tour l'esprit tranquille, à moins bien sûr qu'il ne faille avoir le cœur pur pour être en mesure de marcher sur les nuages. Le cas échéant il avait des chances d'être fichu.
Il se lança après avoir fusionné avec ses deux jumeaux. Le résultat fut le même que lors du test. Galvanisé par ce résultat, Stern enchaîna les sauts de nuage en nuage, se gardant même d'utiliser le moindre pouvoir. Le parcours nuageux s'arrêtant toutefois à distance du mur cul-de-sac, il n'eut d'autre choix que de générer un DMA en l'air, à mi-chemin entre le dernier nuage et le mur, puis de sauter dessus à pieds joints en Supersprint. Il ne s'appuya sur sa plateforme lumineuse qu'un instant pour l'appui avant de rebondir dans une trajectoire en tour de Pise, lui permettant d'atteindre la nouvelle strate des Terrasses. En la découvrant, Ulrich sentit que la fin du parcours était proche.
Cet énième espace circulaire n'était pas aussi grand que celui du niveau inférieur, mais était assurément plus verdoyant. Et ce n'était pas seulement dû à l'arbre planté sur le bord, qui n'avait rien à envier au premier. Sur la pelouse, autour d'une fontaine basique, des fleurs de toutes les couleurs s'épanouissaient. Point notable : il y avait du vent à cette altitude. C'était probablement pour en profiter qu'un banc avait été posé au pied de la structure crachant l'eau, selon un angle stratégique qui permettait certainement d'avoir un beau panorama. En temps normal, Ulrich aurait profité de la vue, mais il préféra l'ignorer pour le moment, car il aurait bientôt l'occasion de la contempler au plus haut. Le sommet des Terrasses se profilait devant lui, sous forme d'une des éternelles montagnes évoquant un gros crayon de couleur. Cette dernière était toutefois plus singulière que ses sœurs : elle était isolée du reste du territoire, flottant seule dans l'espace nuageux, en plus d'avoir des dimensions plus généreuses que les précédentes. Des nuages de même consistance que ceux empruntés plus tôt s'accumulaient à son sommet, masquant sa pointe verte par la formation de ce qui ressemblait à un espace d'observation... en terrasse, encore. L'accès à ce poste en hauteur s'effectuait grâce à une rampe de nuages en colimaçon autour de la montagne, atteignable par saute-nuages à une altitude non-alignée à la plateforme où se tenait le Lyokô-guerrier. La configuration étant similaire à celle de son point de départ, le garçon bondissant s'éleva à nouveau au sommet de l'arbre pour atteindre son objectif. Un Supersprint sur nuages en spirales plus tard, il atteignit le sommet le plus haut de l'Aire de Détente, arrivant par une ouverture pratiquée sur le sol de la plateforme cotonneuse.


La terrasse finale était plus spacieuse que ce que les yeux du voyageur spirituel avaient cru estimer. Se pliant à la silhouette géométrique la plus répandue des alentours, elle était constituée, du sol aux barrières, de nuages d'une blancheur éclatante, percés en leur centre du sommet montagneux, qui prenait bien trois mètres de diamètre. Les seuls éléments qui semblaient discorder avec ce décor « ambiance nature » étaient les télescopes fixés au sol. Deux étaient orientés vers des directions voisines, pour une raison inconnue, tandis que le dernier, plus à l'écart, adoptait un angle presque droit par rapport à ses confrères. Phi était occupé à regarder à travers l'objectif de l'instrument le plus proche d'Ulrich, donc de l'accès à la passerelle en colimaçon, sur sa gauche. Il paraissait absorbé par ce qu'il voyait et n'en avait pas remarqué l'arrivant. Aussi, le samouraï décida d'attendre que le non-humain retrouve son attention en jetant le regard sur le paysage, comme il se l'était promis. C'était décevant. À part voir depuis le haut les endroits par lesquels il était passé, aucun vraie innovation ne s'offrait à lui. Pire encore : de là où il était, impossible de détailler un peu plus du regard tout ça, sans compter la dissimulation de la Plage Cascade par les reliefs, ce qui enlevait encore plus d'intérêt à la chose. Le concepteur de ce point d'observation n'avait pas de quoi être Phier. Justement, ce dernier daigna enfin remarquer Ulrich.
- Oh, tu as fait vite, dit-il simplement.
Le concerné se demanda sérieusement si on se fichait de lui ou si c'était juste parce que l'autre était perturbé.
- Bon, je peux avoir ce que tu m'as promis ? J'ai déjà perdu pas mal de temps à m'entraîner au DMA, alors j'aimerais rentabiliser maintenant.
- Tu ne veux même pas profiter de la vue ?
- On a fait mieux.
- Pourquoi penses-tu qu'il y ait des télescopes ?
Le samouraï rongea instinctivement son frein. S'énerver ou frapper l'intelligence artificielle ne lui permettrait – hélas – pas de mieux faire son affaire.
- Étrange, fit subitement Phi.
Il regarda son interlocuteur dans les yeux.
- Lorsque tu me parles, tu exprimes beaucoup d'empressement et d'irritation quant à ta situation. Pourtant, lorsque je t'ai regardé escalader les Terrasses, je ne me suis pas fait la même observation te concernant. Pourrais-tu m'éclairer là-dessus ? J'ai dû mal à saisir ces différences d'attitude.
« Regardez qui parle », râla mentalement Stern, sans chercher à répondre.
Toutefois, il devait admettre que l'intelligence artificielle avait tapé juste. Il s'était tellement concentré depuis qu'il avait été laissé seul sur la Plage Cascade qu'il n'avait plus pensé à rien, même à ses problèmes les plus immédiats, virtuels comme terrestres. Il pouvait même s'avouer qu'il avait pris un certain plaisir à prendre en main le pouvoir de rebond, puis à appliquer son entraînement à travers le parcours des Terrasses. Sa situation n'était pas à prendre à la légère, pourtant il était parvenu à en faire fi et même à s'amuser un peu. Le pire de tout, selon lui, était qu'il n'arrivait pas à se sentir honteux de ça, alors que ses amis devaient être morts d'inquiétude sur Terre. Un furtif, mais non moins délicieux sentiment d’égoïsme traversa Ulrich, très rapidement repris par sa raison :
- J'ai pas envie d'en parler, désolé. S'il te plaît, j'ai vraiment besoin que tu m'aides là.
Phi le dévisagea avec curiosité, essayant de comprendre cette nouvelle réaction. On pouvait presque sentir les séquences de réflexion tourner dans son esprit de programme.
- Très bien. Si tu as encore un peu de patience et d'attention à m'accorder, je vais encore t'expliquer certaines choses. Mais avant ça...
De nulle part, il fit apparaître au creux de ses mains ce qui s'apparentait à un morceau de cristal transparent et basique de bonne taille. Traversé par la lumière, il libérait un spectre lumineux de toute beauté.
- Voici mon fragment de clé. Prends-le.
L'aventurier virtuel ne se fit pas prier. Dès qu'il entra en contact avec le morceau de roche, celui-ci s'anima et rentra littéralement dans sa poitrine. Sous le coup de la surprise, Ulrich toucha la zone d'impact, pour la constater parfaitement intacte. Ça ne faisait qu'une bizarrerie de plus. Il en était à un stade où il n'arrivait plus à s'inquiéter d'un tel événement. C'était le signe d'une inquiétante adaptation aux pratiques de la Matrice. Il allait devoir faire vite avant que… avant il-ne-savait-quoi, mais il ne tenait pas à savoir à vrai dire.
- Regarde là-dedans à présent, reprit Phi en désignant le télescope central.
Visiblement, le matricien était dans une attitude professionnelle, chose appréciée par le visiteur de Lyokô, qui colla son œil sans attendre sur l'instrument. Il manqua de sursauter face à ce que lui montra la lunette : baignée dans un ciel d'encre parsemé d'une foule d'étoiles, une large vallée paraissant sans fin se présentait. Flottant en l'air, entre ses deux parois, un volcan en éruption cerné d'un disque tout aussi ardent. Surplombant tout cela, ce qui devait être une montagne enneigée, glacée et volante faisait sa vie de son côté.
- Voici l'Aire de Survie, expliqua la voix de Phi. Il y a deux fragments là-bas. Dans le même ciel, plus loin si tu tournes sur la gauche le télescope, il y a l'Aire de Combat et un autre fragment. Elle n'est pas vraiment visible d'ici à cause des intempéries, mais depuis la zone de Survie, tu n'auras pas de mal à trouver.
Après confirmation visuelle, Stern se décolla de la longue vue et demanda :
- Et le dernier fragment ?
- Mes semblables t'indiqueront.
Ça avait le mérite d'être clair et net. L'espace d'un instant, Ulrich fut tenté de retourner à son hôte la question personnelle qu'il lui avait posée juste avant. En-dehors de son envie de ne pas s'éterniser, la perception d'un mouvement sur sa droite l'empêcha de passer à l'acte. Plantée dans le massif rocheux qui dépassait, la lance de Phi, qui s'était faite oublier jusque-là, accueillait malgré elle un intrus debout sur son manche et qui avait apparemment débarqué du néant. Faisant la moitié de la taille moyenne humaine, le dernier arrivant était grossièrement humanoïde, avec une tête, des bras et des jambes très sommaires. Tout son corps était noir et paraissait visqueux à vue de nez. Seuls deux grands yeux blancs et une silhouette fine lui permettaient de ressembler à quelque chose. Le Lyokô-guerrier eut l'impression de faire face à une version virtuelle des spectres qu'utilisait parfois Xana pour ses attaques. D'un seul coup, alors qu'elle était restée immobile depuis son apparition soudaine, la créature fondit. Plus précisément, elle se liquéfia afin d'adopter la forme de la lance.
- Burst. Double.
L'amas noirâtre éclata soudainement en un millier de petites gouttes qui s'éparpillèrent instantanément. Ulrich se tourna vers Phi, le responsable certain. Son expression était plutôt dégagée, le phénomène qui venait d'avoir lieu devait être commun dans la Matrice.
- Ils t'expliqueront mieux que moi sur l'Aire de Survie, précisa l'être virtuel. Ces entités y sont plus nombreuses.
L'égaré numérique se sentit d'un seul coup moins assuré que pendant son parcours d'obstacles. L'Aire de Détente avait bien porté son nom globalement, du moins pour son environnement, le propriétaire étant autre chose. Par conséquent, il était presque certain que les Aires de Survie et de Combat allaient être cohérentes avec leurs titres également.
- J'ai une dernière recommandation à te transmettre, Ulrich Stern.
Selon ledit Ulrich, se faire appeler par son nom complet sonnait inaccoutumé en regard de tout ce qu'il s'était déjà passé. Il se sentit obligé d'annoncer :
- Tu sais Phi, tu n'es pas obligé d'être aussi formel avec moi, ni d'adapter ton attitude en fonction de mes réactions. Tu m'as suffisamment aidé pour considérer qu'on est familiers toi et moi.
Il allait peut-être regretter d'avoir prononcé ces paroles. Seulement, même envers un organisme qui n'était pas humain, il n'était pas ingrat. De plus, l’irrationalité de l'attitude qui lui faisait face l'usait bien plus que les excentricités ou paroles décalées. Il préférait ça à la multipolarité.
- Je prends en compte cette donnée, déclara simplement le concerné, qui avait repris un ton plus naturel. Pour en revenir à ma recommandation, tu dois savoir que même si la Matrice t'a conféré une enveloppe concrète pour héberger ton esprit, celle-ci ne fonctionne pas comme l'avatar que tu as l'habitude de manipuler.
Froncement de sourcils pour le garçon en tenue jaune-orange. Son cas n'était pas entièrement perdu : il arrivait encore à s'irriter d'une énième restriction cumulée.
- Vois ton corps physique actuel comme une projection solide de ton esprit, lequel ne possède pas de points de vie en temps ordinaire. En théorie, la moindre attaque est susceptible d'endommager ton esprit. Cependant, il semble que la Matrice ne t'as pas laissé démuni : une protection, à valeur de cinquante points de vie, t'enveloppe. Si ce compte arrive à zéro, la protection disparaîtra et ton esprit « solidifié » sera vulnérable. À partir de là, chaque choc ou attaque capable d'endommager une enveloppe virtuelle te fera perdre la partie atteinte. Entends par là que tu peux tout à fait perdre un bras, les deux jambes, voire la tête et quand même rester conscient. Cela dit, dans ce dernier cas, je ne peux t'assurer une pérennité mentale, le cerveau et le cœur restent les points vitaux virtuels de base après tout...
Si Ulrich avait déjà perdu en assurance depuis son arrivée au sommet des Terrasses, toute survivance d'enthousiasme venait d'être refroidie. La nouvelle le toucha visiblement, car il ne parvint même pas à exprimer oralement son indignation. Non seulement il ne pouvait pas espérer d'aide extérieure, mais il devait en bonus risquer gros pour s'en sortir seul. C'était rageant. Phi en rajouta une couche :
- Si tu ne te sens plus l'âme de sortir d'ici de toi-même, tu peux toujours attendre ici. Même s'il est faible, le pourcentage de recevoir une assistance externe existe. Dans le pire des cas, tu resteras coincé dans la Matrice, avec nous.
Les derniers mots provoquèrent un déclic chez l'esprit perdu. Soudainement, la perspective de rester enfermé dans le supercalculateur l'effraya. Yumi avait partagé avec lui son expérience de blocage virtuel, en mettant l'accent sur bon nombre d'aspects négatifs. Ça l'avait convaincu de ne jamais se retrouver dans cette situation. Le virtuel lui convenait, mais seulement par petites doses. Il n'était pas Aelita, prêt à passer un temps indéterminé enfermé dans l'attente d'un quelconque espoir. L'action étant plus son fort, quitte à prendre un risque, autant le faire de lui-même cette fois, pas parce qu'un hasardeux tirage au sort l'aura décidé.
- Je vais y aller et me tirer de ce coin qui craint, lâcha-t-il.
Aucune réaction faciale de la part de Phi, qui se contenta de poursuivre son rôle de guide :
- Dans ce cas, autant commencer par la partie volcanique de l'Aire de Survie. Là-bas se trouve Sigma, qui sera la plus difficile à convaincre je pense. Plus généralement, les trois autres ne seront pas tellement accueillants et cools, il faut dire que ce n'est pas dans notre nature première.
- Pourquoi t'es sympa du coup ? tilta soudainement Ulrich.
Du pouce, le matricien désigna le logo sur son T-shirt.
- Tu arbores mon symbole sur ton bandeau, le phi grec. Un peu de solidarité égocentrique ne fait pas de mal.
À cette réponse, qu'il ne s'imaginait pas si spontanée, le samouraï ne put s'empêcher de rire, sous le regard interrogatif de l'individu volant. Cela lui fit franchement du bien. Les prises de tête relatives à la Matrice lui parurent moins déprimantes. Décidant de profiter de cet instant de légèreté, il demanda :
- Avant d'y aller, je peux regarder les autres télescopes ?


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Désormais, le Lyokô-guerrier possédait des bases sur la géographie de la Matrice. Outre les trois aires principales et la mystérieuse Arène-Sas de sortie, deux aires secondaires existaient. La première, l'Aire Noire, était la zone la plus à l'écart de tout ce micro-univers. Son apparence se limitait à une sphère de modeste taille d'un noir profond, victime de légères ondulations à sa surface, à l'instar de l'eau sous la poussée du vent. Quant à la seconde, l'Aire-Mitage, elle rassemblait trois petites « planètes » sur lesquelles se retrouvaient respectivement des assemblages de blocs turquoises en mouvement de réorganisation constant, un immense arbre hébergeant une lueur indescriptible au creux de ses branches, et enfin une scène des plus lugubres du point de vue d'Ulrich : trois Mister Pück regardant l'horizon ensemble. L'un des lutins n'avait pas de visage. Détournant les yeux du spectacle, le jeune homme demanda du regard une explication à celui qui vivait dans les environs :
- Hopper…
La réponse ne voulait pas dire grand-chose, tout en sous-entendant beaucoup. Suite à cet interlude moins reposant qu'il ne l'aurait voulu, Stern décida d'enfin se mettre en route pour l'Aire de Survie. Ce n'est qu'en scrutant le ciel parfaitement bleu et nuageux qu'il se rendit compte qu'il n'avait aucune indication visuelle pour s'orienter, exceptée la vague direction pointée par le télescope dédié. Par réflexe, il exposa le problème à Phi, ce qui lui fit retirer sa lance plantée dans la roche et apporter la solution au passage :
- Si tu t'y accroches, elle t'emmènera à destination.
Ni une, ni deux, Ulrich suivit les instructions et empoigna fermement l'arme à deux mains. Il se rendit alors compte que la séparation avec le programme était arrivée.
- Merci pour tout Phi, vraiment, envoya-t-il sobrement.
Étrangement, le récepteur de la réplique esquissa un léger sourire, ce qui n'était pas forcément signe de sentimentalisme, vu son passif.
- Au revoir Ulrich l'esprit égaré. Ça va aller vite, alors attention à ne pas lâcher la lance sur le chemin, sinon n'espère même plus rentrer chez toi.
- Quoi !?
- Speed. Triple.
Le javelot partit instantanément, laissant une traînée bleutée dans son sillage. Les hurlements indéchiffrables du passager suspendu et entraîné déchirèrent quelques instants l'atmosphère sereine de l'Aire de Détente, avant que le calme ne reprenne définitivement place.


À suivre : Partie II – Errements spirituels


Dernière édition par Zéphyr le Sam 10 Oct 2020 19:01; édité 23 fois
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Theoph69 MessagePosté le: Mer 12 Oct 2016 14:39   Sujet du message: Répondre en citant  
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Localisation: Sûrement devant mon pc, à tuer du kevin !
Sympa !
Mais détaillons un peu !
On a une première partie de chapitre classique un spin off (je ne sais pas si c'est le bon mot, ce que je veux dire c'est que c'est un rappel quoi) du début de l'épisode "Desincarnation". On plante donc le decor et la situation initial, le cadre spaciotemporel est donc définie, bien. Le rappel est très bien introduit, et on comprend directement ou on est.

Puis c'est le bo**el, On a Ulrich qui est virtualisé sur "l'aire de détente" paradisiaque avec un Phi un programme multi-agents qui apperement est le plus cool des 4, qui alterne entre "phase ou je comprend pas les expression à la William², et phase ou je t'éxplique comment t'es arrivé la, ou t'es et comment tu sors"
Après le virtuel est coupé par une scène sur terre, classique avec un Odd (le meilleur) qui tente de soutenir son ami auprès de Jim, avec des arguments plutôt convainquant, il faut l'avouer ! On sent qu'il est triste et qu'il veut faire le max' pour aider son ami, même indirectement : il se rend compte à quel point son amitié avec Ulrich est importante ! Au moins il passe pas pour un gros lourd/insensible comme dans 87.254% des fics (résultat approximatif arrondi au millième près)
Les descriptions sont abondantes (et c'est bien) comme dans toute tes fics, j'ai l'impression que c'est un peu ta marque de fabrique, on retrouve les même dans l'engrenage ^^ (PS j'attend la suite de l'engrenage moi aussi Razz).
On retrouve un Ulrich intelligent (utilisation du triplicata pour la détection de piège etc...) mais qui a toujours cette facheuse tendance a en venir au mains plutôt qu'a la discussion (mais bon c'est Ulrich).
D’ailleurs si cette fic est centrée sur lui ça va pas plaire à une certaine association Razz, et j'en connais deux qui vont râler héhé.
J'aime beaucoup le coté matrice, ça done plus de profondeur au monde virtuel, et c'est bien ! Les allusions a Matrix que Phi ne comprend pas sont hilarantes Mr. Green, Matrix étant le meilleur film du monde, je ne pouvais qu'aimer de toute façon !
Plein d'info sur comment Xana a été conçu, on sait qu'il y a eu 4 prototypes, dont phi. Mais du coup, on peut supposer que les 4 sont des version de Xana, je m'explique :
On la version de Xana que l'on connais :
XANA 1.0.0
Mais peut être que les trois autres ont été créé a différents moments :
Sigma V0.8.0
Proto n°2 V0.7.0
Proto n°3 V0.6.0
Phi V0.5.0

Pourquoi cet ordre ? Peut être que si Xana a été la version jugé "aboutis", celle d'avant comportaient plusieurs de ses défauts, et que donc c'est pour cela que Sigma est la version la plus difficiles à convaincre et Phi la plus facile ! Mais je dis peut être n'importe quoi, mais on peut emmètre des hypothèses la dessus ^^.
Bref j'aime bien et je lirais la suite avec joie !
Bonne journée !
Theoph69.

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http://i.imgur.com/e8eUVCt.png

Repose en paix Nastia, la Lyokofan la plus gentille partie trop tôt. Je ne t'oublierai pas.
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Georgie Enkoom MessagePosté le: Mer 12 Oct 2016 15:06   Sujet du message: Répondre en citant  
[Blok]


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Spoiler

Bonjour à toi.

Dans un effort de me faire pardonner de t'avoir envoyé des questions stupides en MP, j'ai décidé de commenter ta fanfic.

Theoph69 a écrit:
D’ailleurs si cette fic est centrée sur lui ça va pas plaire à une certaine association, et j'en connais deux qui vont râler héhé.


Effectivement, la météo prévoit un vent violent (lol...) M.A.N.T.A-esque sur ta fanfic. *sors*

Je ne suis pas surpris par Ulrich intelligent, et pour cause: Quand il veut, il peut se démontrer fin stratège. (Sans lui, Yumi et William n'auraient jamais pu vaincre les Ninjas dans l'épisode 10 de CLE...Bon, Jim est aussi une cause, mais voilà quoi.)

Ellana approuve.

Zéphyr a écrit:
Enfin, ce texte présente un grand nombre d'inspirations, hommages, pompages et influences de Super Mario Galaxy, au cas où ce qui suit ne serait pas assez clair. Mr. Green


http://i.imgur.com/OTV7ujA.png


En même temps, ces hommages, pompages et influences se "crient" dans ce texte.

Après, j'ai bien aimé l'idée de passer par l'épisode "Désincarnation", l'histoire y trouve facilement sa place.

Theoph69 a écrit:
Au moins il passe pas pour un gros lourd/insensible comme dans 87.254% des fics (résultat approximatif arrondi au millième près)


Quelque part, ces fanfics respectent ce qu'il est devenu dans les saisons 2, 3 et 4, c'est-à-dire:

Theoph69 a écrit:
un gros lourd/insensible


Cependant, j'ai franchement aimé le Odd de cet fic, tout comme Theoph69 (Dont je rejoins majoritairement l'avis mais passons...)

Theoph69 a écrit:
mais qui a toujours cette facheuse tendance a en venir au mains plutôt qu'a la discussion (mais bon c'est Ulrich).


Crois-moi, il n'y a pas que lui (*tousse 2 fois et murmure "William", avant de se retirer.*)

Theoph69 a écrit:
Matrix étant le meilleur film du monde, je ne pouvais qu'aimer de toute façon !


Approved.

Odd a écrit:
Vous devriez le voir en ce moment, il est comme désincarné à cause de cette histoire !


Juste...Non. Cette phrase n'était aucunement nécessaire, genre Odd qui conseille à Jim d'aller voir Ulrich qui a disparu pour rappel. (Et puis le jeu de mots est pourri, mais bon, tu ne sors pas car c'est ta fic.)

Ulrich a écrit:
C'est quoi encore cette merde ?


Référence au premier post d'Icer sur CharmingMagician.exe?

En conclusion, j'ai franchement aimé cette fanfic, voir Ulrich évoluer dans un univers complètement nouveau, interagir avec des personnages complètement nouveaux, et essayer de comprendre ce qu'il fout ici au lieu d'être dans le Cinquième Territoire.

Voili voulu, fin du com'.

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Silius Italicus MessagePosté le: Mer 26 Oct 2016 09:37   Sujet du message: Répondre en citant  
[Krabe]


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Ethereal World


Bonjour cher Zéphyr,
Rêveriez-vous d’un charme bucolique ?

Qu’avons-nous là dans le fond ? Un voyage initiatique. En effet, le héros, Ulrich Stern, va devoir passer un certain nombre d’épreuves dans des endroits divers, prouver sa valeur pour atteindre son objectif, à savoir sortir de là, le tout dans un monde qui lui est radicalement étranger. D’une part, ce n’est pas le monde qui lui est naturel, le monde matériel, d’autre part Phi a bien insisté sur le fait que les règles de la Matrice sont instables, peu fiables. Deux autres considérations accréditent l’interprétation de ce récit comme voyage initiatique. Tout d’abord le titre dont une traduction en français donnerait quelque chose comme « Monde Éthéré ». C’est-à-dire que l’on est dans l’onirisme, à l’écart de la réalité. Or la mise à l’écart, entre parenthèse du monde réel et souvent la sortie symbolique hors de ce monde est un élément central et commun à toutes les initiations, religieuses ou d’accès à l’âge adulte. Le deuxième élément qui vient en renfort de cette thèse, c’est l’aspect fortement mythique ou épique de ce texte.
Le monde de la matrice ressemble énormément à l’idée que l’on peut se faire du paradis, ou du jardin originel. Un monde de nature verdoyante et ondoyante, loin de tout soucis, loin du monde, tant au sens physique qu’au sens de la foule. On apprend par la suite l’existence des autres aires de ce monde. Le manque de cohérence, et de systématisme plaide en faveur d’un monde mythique ou les forces et les concepts primordiaux se côtoient, presque à l’état pur. On notera que les différents mondes mentionnés, ces parties de la matrice, sont assez proche des mondes de la métempsychose.
Dans le même ordre d’idée, Phi est assez proche d’une déité. Instable sans raison accessible à l’homme, doté de pouvoir extraordinaire. Sans compter la multiplicité de ses noms. Or la multiplicité des noms est un élément récurrents des épopées et des mythes. L’un de ces noms en particulier est remarquable. « Vult' » en effet peut être entendu comme un raccourci de « Vulturnus », ce qui fut l’un des pseudonymes de l’auteur de ce récit. Il y a donc une incarnation de l’auteur dans ce récit, incarnation qui fait pendant à la désincarnation du héros. Rendre présent l’auteur a supposé de rendre falot, éthéré, le personnage principal. Mais il y a un autre renseignement à tirer de ce nom et du personnage venteux qui le supporte. En effet, il y a quatre gardiens de la matrice. Si l’on ajoute à cela le fait que la paratexte mentionne le texte Pôle Lyokô, il devient extrêmement attirant de penser que chacun des gardiens de Hopper est l’incarnation fictionnelle, mais aussi mythifié d’un membre du pôle fanfiction de ce royaume. Reste alors l’identité du mystérieux gardien de l’Arène-Sas. Mais gardons-nous de systématiser plus avant alors que l’on manque de faits probants.

Venons-en donc à d’autres points. Les deux titres de chapitres connus sont assez intéressants. Le premier « Phinomènes » fait référence au gardien d’une part et d’autre part à la mention de phénomène. Ce mot à deux sens, d’une part il désigne ce qui sort de l’ordinaire. Chose qui s’applique finalement à tous les éléments de l’aventure d’Ulrich, que ce soit ce qui lui est arrivé ou le personnage de Phi. D’autre part un phénomène est littéralement une apparition et désigne dès lors ce qui apparaît, par opposition à ce qui est. Or qu’est Ulrich ici si ce n’est une apparition, un pur esprit qui se donne une forme ? Encore que paradoxalement il apparaisse — décidément — dans ce qui justement est la substance derrière l’apparence de Lyokô.
Ce titre crée aussi un relief intéressant avec celui de la deuxième partie, « errements spirituels ». Ce titre fait d’abord mention à un voyage d’Ulrich. Ce dernier étant un esprit sans corps, ses déplacements sont littéralement spirituels. En un deuxième sens, à confirmer plus tard, on peut y voir la mention de troubles de l’esprit, de crise personnelle. Le voyage d’Ulrich pourrait donc faire écho, être l’incarnation d’évolutions et de réflexions au sein de sa pensée, ce qui viendrait en renfort de la thèse du voyage initiatique. Enfin, en un troisième sens de ce titre, l’errement spirituel est aussi une étape, un passage de la mystique. Or la mystique s’oppose au phénomène. En effet la mystique permet — pour ceux qui y adhérent et la vivent — un accès direct, non-médiat, à la réalité des choses et des êtres. Autrement dit, elle permet de passer outre les phénomènes. Dans le fond, Ulrich va se promener — errer — dans le cœur de Lyokô, par-delà les apparences donc.

En somme, il reste encore des choses à voir et à analyser, mais en l’absence d’un texte accompli, ce ne serait que bavardage oiseux.

Au plaisir de continuer à explorer en votre compagnie.
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AMDG

Prophète repenti de Kane, vassal d'Anomander Rake, je m'en viens émigrer et m'installer en Lyoko.
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Icer MessagePosté le: Mer 02 Nov 2016 13:15   Sujet du message: Répondre en citant  
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Hum, passer après Silius... Il va falloir pondre un bref commentaire abrupt pour compenser sa grandiloquence.

Yo'. J'ai trouvé ce texte particulièrement dégueulasse pour une première partie.

Cool, j'ai capté ton attention.
Oui je suis un sale petit enfoiré. Mais c'était pour l'hommage.

Citation:
une nouvelle fanfiction, au titre bien perché


J'en sais rien, je parle pas anglais.

Citation:
ce texte déforme honteusement les événements d'un épisode pour les réorganiser comme ça l'arrange.


On s'en fou, ça va nous débloquer une nouvelle catégorie à terme, et ça c'est cool. Wink
Même si tu aurais pu finir l'Engrenage d'abord Sad

Honnêtement l'idée de base est excellente. Que ce soit le concept même de Matrice dans le cœur de Lyoko, la passerelle avec Pôle Lyoko (C'est à dire où les vieux programmes ont été foutu) ou profiter du contexte de l'épisode #62 pour y balancer Ulrich. C'est à cela qu'on reconnait les grands. De fait, tu as un peu subi le Lyoko-guerrier de l'histoire mais Ulrich est sûrement un meilleur acteur qu'Odd, Yumi et évidemment Aelita, pour ce genre de plan.
Cependant je remarque un déséquilibre évident entre Phi, qui occupe le rôle de mentor spirituel et qui récupère le logo du texte, et les trois autres. Finalement, cette première partie aurait pu attendre le 25 novembre non ? Razz

Là où j'ai été davantage surpris c'est dans l'introduction d'une séquence terrestre. Tu ne te limites donc pas à l'exploration de ce qui a pu arriver hors cran à l'esprit d'Ulrich. J'anticipe le fait possible que tu ré-écrives le conseil de classe. Ça sera marrant !

Bref, la suite enculé, t'es très bien parti là.

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« Les incertitudes, je veux en faire des Icertitudes... »

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Zéphyr MessagePosté le: Dim 06 Nov 2016 18:48   Sujet du message: Répondre en citant  
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Dernière édition par Zéphyr le Dim 06 Nov 2016 20:22; édité 2 fois
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Zéphyr MessagePosté le: Dim 06 Nov 2016 18:48   Sujet du message: Répondre en citant  
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La bouillie visuelle que parvenaient à capter les yeux d'Ulrich passa du clair au sombre, même s'il n'y accorda aucune forme d'importance, préférant s'accrocher littéralement à la vie. Le virtuel présentait l'avantage de ne pas permettre le ressenti de la tétanisation des membres ou la douleur de serrer trop fort un objet. Toutefois, il n'empêchait pas le glissement des mains du jeune homme le long du manche de la lance, ce qui poussait l'inconfort du moyen de transport à son paroxysme. Au moins avait-il arrêté de crier passée l'adaptation à la vitesse, supérieure à celle employée en Supersprint. En définitive, sa prière d'arrêt rapide du voyage fut exaucée puisque la lance ne prit même pas la peine de ralentir et s'arrêta brutalement. La violence de la manœuvre permit à la physique de prendre le relais : le choc fit instantanément lâcher le Lyokô-guerrier et poursuivre son déplacement horizontal. Son déboussolement fut tel qu'il n'eut même pas le réflexe de crier cette fois, même lorsqu'il perdit logiquement en vitesse et vit son regard s'approcher d'un sol rougeoyant et légèrement ondulant. Quelques mètres avant impact, un objet s'interposa pour stopper net sa chute et, plus surprenant, exerça une force contraire qui poussa son corps dans un rapide mouvement curviligne droit vers ce qui avait la texture de la terre ferme. Du moins, c'est ce que rapportèrent les fesses d'Ulrich lorsqu'il toucha son point d'atterrissage. Enfin positionné de manière stable, il nota que ce qui venait de lui éviter la découverte de la nature du sol flamboyant n'était autre que l'éternelle lance de Phi, qui avait de gros progrès à faire en tant que véhicule. Comme s'il s'adressait à un être intelligent, Stern ne put s'empêcher de faire remarquer de façon explicite ce dernier point à l'artefact :
- Aïe !
Pour toute réaction à la remarque, le bâton volant se para d'une aura bleutée et prit congé, disparaissant à une vitesse qui valait au moins le double de celle qui avait déposée Ulrich. Ce dernier profita de l'instant pour soupirer un grand coup. Non pas qu'il se formalisait de s'être fait snober par un bout de métal mais quelque chose lui disait que le faire tout de suite aurait le mérite de lui épargner cette tâche plus tard. Après quoi, il se concentra sérieusement sur le décor, logiquement volcanique. Le télescope qu'il avait utilisé plus tôt n'avait pas su rendre justice à la taille de l'endroit, nommé – à en croire le cours express de Phi – Disque Phlégéthon. Comme son nom l'indiquait, le constituant majeur du lieu était un épais et parfait disque de lave en suspension dont le rougeoiement ne semblait pas prêt de s'arrêter. Son tour dépassait largement celui de la Plage Cascade, avec toutefois une largeur dans sa bande de matière en fusion pas si impressionnante, nature géométrique oblige. Effectivement, le trou circulaire central était bien plus imposant que sur n'importe quel disque, prenant une bonne moitié de la surface qu'aurait pu obtenir le cercle plein. Les dimensions de la fosse se justifiaient par la présence d'un imposant volcan flottant. Sa base, placée en-dessous du niveau du disque, formait comme un noyau gigantesque pour ensuite devenir une cheminée toujours plus étroite jusqu'au sommet, à l'ouverture ridiculement mince par rapport à son envergure totale. Cela n'empêchait pas les éruptions ponctuelles d'être impressionnantes, même si la majorité de la lave coulait presque comme de l'eau sur les bords de la montagne avant de se perdre dans le vide, sans avoir eu la chance d'adhérer ou d'être expulsée sur le cours de substance ardente.
« Bon, où est-ce que je peux trouver une intelligence artificielle dans un décor pareil ? » s'interrogea l'esprit vagabond.
Son investigation visuelle n'avait accroché sur aucun élément porteur d'indice de ce côté-là. Cependant, contrairement à l'Aire de Détente, il n'y avait pas énormément d'options de planque : derrière le volcan, ou à l'intérieur. Secrètement, Ulrich espéra que la première option était la bonne, préférant ne pas prendre le risque de se faire cracher dessus une matière certainement dangereuse pour son enveloppe du moment. Faire le tour du disque était la première chose à faire, la configuration de sa surface invitant à une telle entreprise : présents de manière suffisante, des morceaux de terre de couleur sombre, cousins de celui sur lequel le jeune homme s'était fait lâcher, étaient incrustés erratiquement. Tous émanaient ce qui s'apparentait à un champ de force bleu-violet, pour quelque raison mystérieuse.
Avec habileté, Stern entama un parcours bondissant long et peu passionnant. Même s'il jetait des coups d’œil attentifs à son environnement à la recherche de la cachette de la fameuse « Sigma », il ne put s'empêcher de penser au monde réel. Probablement la conséquence d'évoluer au milieu d'une rivière de lave sous un ciel nocturne paré d'une multitude d'étoiles. Il n'arrivait plus à évaluer à quel moment de la journée la Terre devait être. Faisait-il aussi nuit ? Ou au contraire, était-il midi ? Dans ce cas-là, ses amis devaient être en train de manger, à moins qu'il ne soient trop absorbés par sa disparition pour ça. Peu probable avec Odd. Il y avait aussi le conseil de classe qui devait se tenir, à moins qu'il ne soit déjà passé. Aucune importance, puisqu'il allait inévitablement affecter son destin scolaire. Ce n'était pas plus mal d'être bloqué dans une dimension virtuelle en fin de compte. Ça offrait à Ulrich une dernière bulle de liberté avant que le cours de son existence tourne mal. D'ailleurs, pourquoi se déprimer avec des considérations aussi terre-à-terre alors qu'il se frottait à l'Aire de Survie, qui devrait tout autant capter son attention ? La faute en revenait à la monotonie du décor, qui au-delà de son étendue de lave, ne donnait pas l'impression de devoir rester sur ses gardes. À moins bien sûr qu'il ne s'agisse là de toute l'astuce de l'endroit : faire baisser la garde pour mieux mettre à l'épreuve la faculté à rester en vie. Il était vrai que le samouraï se sentait incapable de retrouver son point de départ ou encore d'estimer quelle fraction de disque il avait déjà parcourue. De fait, cela signifiait que malgré sa progression constante, il se trouvait réduit au simple statut explorateur. Pas perdu mais pas très orienté non plus.
À partir d'un certain temps, son chemin trouva véritablement un éclairage. Il faillit même le rater à vrai dire. Les grandes torches rouges étaient plutôt discrètes au milieu de l'environnement volcanique. Fixées sur le flanc de la montagne, à l'encadrement d'une ouverture à échelle humaine positionnée au niveau du terrain en fusion, Ulrich les avait aperçues uniquement parce qu'une coulée de lave avait soigneusement évité leur zone d'implantation, de manière peu naturelle. Finalement, c'était bien dans l'édifice principal qu'il fallait chercher, ouvrant la voie à toujours plus de lave, perspective qui n'enchantait pas vraiment le garçon à l'avatar orangé. Bon gré mal gré, il finit par générer une suite de DMA pour traverser l'espace aérien le séparant de la suite de son aventure. Il se hâta pour éviter la surprise d'une éruption au-dessus de sa tête.


D'entrée de jeu et de volcan, le visiteur venu de Lyokô dut faire face à un choix : prendre à droite ou à gauche. Deux voies possibles qui ne présentaient visuellement aucune différence et une promesse d’obscurité certaine : la lumière venant de l'entrée ne percerait certainement pas jusqu'au bout. L'instinct s'imposa dans la prise de décision et pencha pour la gauche. C'est ainsi que l'esprit perdu se retrouva à tâtonner dans un tunnel au sol et aux parois accidentées, qui lui valurent quelques trébuchements. S'il avait été dans son corps de chair, les égratignures auraient aussi été au rendez-vous. Ces désagréments premiers cédèrent au bout d'un moment la place à l'adoption d'un rythme de marche par Ulrich : à pas mesurés, les mains placées autour de lui afin de pallier l'absence de vision, il avançait de manière régulière, s'adaptant automatiquement à toute originalité du parcours, telles de légères montées, descentes, ou virages. Il n'avançait dans le noir plus que machinalement, comme si son enveloppe charnelle du moment assurait automatiquement la dynamique du déplacement. Au sein de l'organisme de la montagne de feu, il était avalé par l'obscurité dominante qui s'était donné pour tâche de tout étouffer. Lumière, sons, conscience du corps, temps, impressions et pensées n'avaient plus court dans le boyau souterrain. Une coquille vide évoluant dans un ventre avide était l'image pouvant résumer l'état de l'individu qui s'appelait encore Ulrich Stern plus tôt, lequel avait logiquement subi l'influence du lieu. Privé de la quasi-totalité de ses sens, court-circuitant toute analyse par son cerveau, il n'aurait plus su dire ce qu'il faisait exactement. Au moins ses membres, toujours sous l'effet d'une quelconque autonomie, le savaient-ils.
Puis, le passage d'une courbe, au bout d'une durée impossible à mesurer, changea tout. La vue comme les idées du samouraï furent percées par un point de lumière, symboliquement au bout du tunnel. Ce fut un véritable électrochoc : il reprit conscience de lui-même et de ses objectifs. Galvanisé par cette avancée, il accéléra le pas, que le sol irrégulier arrivait tout juste à ralentir. Atteindre l'espace éclairé demanda un petit moment, que n'avait pas prévu Ulrich, l'obscurité ayant largement faussé son estimation de distance. Finalement, il déboucha dans un espace où il pouvait un peu mieux respirer, pas aussi grand que son imagination le lui avait suggéré. Il se trouvait sur un balcon en terrasse, incrusté dans une niche taillée à cet effet dans la paroi du puits volcanique, situé à seulement quelques mètres au-dessus du fond dans lequel ronronnait le magma, source évidente de la luminosité générale et prête pour une nouvelle expulsion. L'endroit aurait pu tenir de la simple plateforme d'observation s'il n'y avait pas eu d'ameublement. Dans un coin, un fauteuil à l'aspect confortable traînait, devant lequel une interface, identique à celles de Lyokô, flottait à la juste hauteur. Ailleurs, une imposante table, placée de manière plutôt aléatoire, faisait office d'élément principal de la place. Des dizaines d'interfaces, en version miniature, étaient placées en suspension au-dessus, affichant du contenu ressemblant à des plans et des notes. Ironiquement, la large surface de l'espace de travail ne servait à l'accueil que d'un seul et unique élément : un ballon rond de chimie bouché, rempli d'une matière noire inidentifiable et posé sur son support associé. Ulrich ne se sentait pas à sa place dans cet environnement, en grande partie à cause de cette fenêtre ouverte sur la roche en fusion qui n'excluait pas de déborder sur l'espace-terrasse. Aussi, il choisit d'agir vite et s'approcha de la balustrade de métal, au style tout à fait classique, pour interpeller l’humanoïde femelle qui s'y appuyait :
- Excusez-moi ?
L'être se retourna complètement, appuyant cette fois son dos sur la barrière. Sigma, si c'était bien elle, était bien plus petite que l'esprit en balade, ce qui en combinaison avec son expression faciale caractéristique lui donnait un air teigneux. L'impression visuelle se voyait renforcée par le sweat à capuche rouge porté par la concernée, élément qui ressortait le plus de son look plutôt basique, avec pantalon et chaussures noires en accord avec une queue de cheval ordonnée. Comme prévu, la matricienne était moins avenante que son voisin détendu.
- Vous êtes bien Sigma ? Je m'appelle Ulriiiiiiiii...
Le Lyokô-guerrier s'interrompit précipitamment à cause la gerbe enflammée visant sa tête que Sigma lui envoya sans sommation. Ses réflexes de Supersprint lui permirent d'effectuer une esquive digne des plus grands élus, par torsion de la partie supérieure du corps. L'attaque de feu alla s'écraser contre un mur, sans avoir causé de dommages.
- Mais ça va pas ? lança Stern tout en reculant et adoptant une position de garde.
- Sigma, c'est le nom que m'a donné ce vieux sadique. Hors de question de l'adopter. En attendant d'en trouver un qui me convienne mieux, ce sera Amgis pour toi.
Ulrich comprit alors deux choses, une tout de suite, l'autre en un peu plus de temps. D'abord, Phi n'avait pas exagéré en disant que cette Sigma serait difficile à convaincre pour le fragment de clé. Sa réaction pour un simple nom montrait clairement que discuter avec elle était un exercice complexe. Ensuite, elle confirmait son statut de programme par un singulier manque d'imagination, son renommage temporaire en miroir se passant de commentaire – par conséquent de gerbe de feu supplémentaire. Désireux d'étouffer le poisson, le jeune homme reprit :
- C'est noté, d'accord. En fait, j'ai atterri dans la Matrice par accident et pour en sortir j'ai besoin… enfin, Phi m'a parlé de vous et…
- Phi n'est qu'un bêta, le coupa Amgis. Pas question que j'aide un humain, de surcroît à l'air aussi crétin.
Clair, net et précis. Il n'avait eu aucune possibilité de manœuvre.
- Allez, dégage d'ici maintenant. Si je te revois, je te crame sérieusement.
Choqué par le refus sec et le caractère de son hôte, le demandeur d'aide ne trouva pas la force de répondre. Au lieu de quoi, il préféra se réfugier dans l'obscurité du tunnel.


Ulrich effectua le chemin-retour dans un état proche de celui de l'aller, dans un premier temps du moins, où il était à nouveau un simple zombie traçant sa route. Ce n'est que dans un second temps qu'il parvint à se reprendre. Il ne savait plus comment ni pourquoi, mais il avait pensé qu'il avait bien fait de partir sans insister. Outre une position de force qui n'était pas à son avantage, il lui restait un espoir sûr pour rentrer chez lui : retourner à l'Aire de Détente et supplier Phi d'intervenir pour dénouer la situation. C'était probablement la solution la plus rapide. La plus facile aussi accessoirement. Sans qu'il ne s'en rende compte tout de suite, il arriva déjà à l'intersection-entrée et manqua de continuer sur sa lancée en prenant l'autre chemin. Ce n'est qu'au bout de quelques pas qu'il percuta le ratage de la sortie du volcan. Logiquement, il entama une manœuvre de demi-tour et retourna en arrière. Il était à deux doigts d'appliquer son idée initiale, avant de se raviser, sa curiosité piquée par l'autre boyau. Si au bout de l'autre se trouvait l'espace personnel de Sigma – enfin, Amgis – sur quoi débouchait celui-ci ? Peut-être un moyen de faire céder l'occupante des lieux ? Malgré l'improbabilité de la chose, Stern sentit une bouffée d'excitation curieuse l'envahir, alors qu'il était dans un état second quelques minutes avant. Définitivement, la forme spirituelle faisait faire des montagnes russes à ses ressentis et émotions. Cependant, il ne fonça pas si rapidement que d'habitude dans la galerie, pesant en amont la décision. Il y avait peu de chances que Sigma le prenne sur le fait, puisqu'elle n'avait même pas détecté son arrivée plus tôt et qu'elle semblait terrée au fond de son volcan. Le seul vrai risque se trouvait donc dans ce qui se trouvait au bout de la nouvelle voie d'exploration, constituant au passage tout le piment de la chose. Tout coulait de source finalement.
L'impétueux se lança donc dans un nouveau trajet-découverte, qui s'avéra très court. L'obscurité n'avait même pas eu le temps de lui faire un quelconque effet. Cette fois-ci, il découvrit une caverne en cul-de-sac, aux dimensions d'une grande chambre à coucher et à l'éclairage industriel. Son regard accrocha tout du suite le gros bouton rouge, cliché à souhait, placé dans un boîtier fixé contre le mur du fond. L'enthousiasme qu'avait éprouvé l'esprit inquisiteur retomba, déçu par l'absence de grandiose de cette trouvaille. En revanche, sa curiosité ne le quitta pas. S'il était passé par cette pièce d'abord, il aurait certainement rebroussé chemin sans rien toucher. Toutefois, il sortait d'un échange peu fructueux et agréable avec une intelligence artificielle qui l'avait congédié sans ménagement. Il n'avait par conséquent pas à avoir d'état d'âme à faire pression sur un simple bouton, même si celui-ci, par son aspect, n'inspirait pas forcément confiance. Cela n'arrêta pas Ulrich, qui considéra qu'une vengeance mesquine lui convenait tout à fait.
Il s'avança. Arrivé à un tiers du chemin, il manqua de se faire rôtir pour la deuxième fois de la journée par la série de lance-flammes qui se déclencha entre lui et son objectif. Lors de son mouvement de recul-réflexe en Supersprint, ils se désactivèrent. Tirant une conclusion instinctive sur cette base, le Lyokoïte prit un maximum d'élan, se réengageant quelque peu dans le tunnel d'accès. Puis, il généra un DMA à propulsion instantanée dans les airs, à hauteur de sa poitrine, juste avant la zone où les appareils cracheurs de feu se déclenchaient. Enfin, il s'élança à vitesse maximale. L'action dura une seconde à tout casser. Dès qu'il entra en contact avec le symbole flottant relatif à son bandeau frontal, sa vitesse prit en ampleur et il fut propulsé à l'horizontale droit dans le mur, littéralement. La faute au léger surdosage de puissance du DMA, qui l'avait catapulté face contre paroi. Faisant fi de ce mauvais calcul, le samouraï bondissant vit le positif dans l'histoire : le choc frontal n'avait pas été assez important pour endommager son enveloppe du moment et surtout, il était passé sans avoir été brûlé.
Juste après s'être redressé, il enclencha l'emblématique interrupteur, qui vira au bleu. Parallèlement, les lance-flammes, qui étaient restés actifs malgré passage de l'autre côté de la caverne, s'éteignirent. Aucun autre effet visible ne se manifesta, pas plus qu'une voix n'annonça l'activation d'une procédure aux effets surprenants. Ulrich songea alors qu'il s'était peut-être fait avoir : la caverne faisait croire à une quelconque importance du bouton, alors qu'il n'avait que pour fonction de désactiver le système de sécurité qui le protégeait. C'était bien le genre d'idée tordue pouvant émaner d'intelligences artificielles créées par un homme à la santé mentale déclinante.


L'heure était venue de s'asseoir un coup pour celui qui crapahutait dans la Matrice. Le but recherché était bien évidemment un repos psychologique et non physique, celui-ci étant toujours opérationnel. Un des îlots de petite taille posé sur la rivière de lave fut tout indiqué pour ce rôle. Tout en regardant l'imposant volcan du Disque Phlégéthon, l'esprit en vadrouille refit un point sur ses options, à commencer par celle impliquant de retourner dans l'Aire de Détente, qui était la plus séduisante du lot. Néanmoins, sa situation n'était pas nécessairement oblitérée par le refus de Sigma. Il y avait encore deux matriciens à rencontrer, potentiellement moins obtus que celle qu'il venait de quitter et plus à même de lui fournir une double aide. Quoique, l'inverse était aussi une possibilité, mais puisqu'il avait rencontré deux extrêmes d'attitudes à son encontre, il allait bien tomber sur un entre-deux. Oui, c'était décidé, il allait partir à la recherche de l'autre habitant de l'Aire de Survie. La pause était terminée.
Seulement, lorsque le garçon en orange se leva dans le but de programmer son prochain itinéraire, logiquement orienté sur le relief glacé volant au-dessus de sa tête, il remarqua que quelque chose clochait dans la zone volcanique. Le volcan n'avait plus craché d'élément en fusion depuis un certain temps déjà et le disque ne rougeoyait plus aussi intensément qu'à son arrivée, paraissant de fait refroidir. Le rapprochement avec l'actionnement du bouton rouge s'effectua assez vite dans la tête d'Ulrich. Finalement, ce n'était pas une simple farce, mais probablement un système d'extinction du Disque Phlégéthon. Immédiatement, le Lyokô-guerrier pensa à Sigma. Si elle ne s'était pas déjà rendu compte de la métamorphose de son secteur, nul doute que cela ne tarderait pas et que lui n'était pas assuré d'en sortir indemne. Même si la perspective d'avoir à combattre face à un avatar de gamine ne l'effrayait pas non plus des masses, il savait qu'il ne possédait pas le luxe d'endommager son enveloppe virtuelle. C'est pourquoi il opta pour une retraite prudente et furtive. Estimant qu'atteindre la zone hivernale céleste ne rentrait pas dans ces critères, il enchaîna plateforme de rebond sur plateforme de rebond afin d'atteindre le sommet d'une des deux parois bleu sombre formant la vallée dans laquelle s'élevait le Disque. Pendant le trajet, qui demanda un petit moment, il releva que le fond de la fameuse vallée était un patchwork de parties noires – de toute évidence praticables à pied – et de lave, insoumise au mécanisme activé plus tôt par le samouraï.
Parvenu à son but, Ulrich dédaigna la plaine s'étendant jusqu'à l'horizon pour s'allonger à plat-ventre sur le bord de la falaise, en position de sniper. Quelques minutes durant, il porta son regarda sur le Disque, afin de relever toute évolution, ou une poursuite de sa personne. Néant. Plutôt rassuré sur la situation immédiate, il roula sur le dos et contempla le ciel étoilé, qui proposait un spectacle que la Voûte Céleste en personne ne pouvait égaler. Le territoire glacé, par sa position aérienne immobile et excentrée par rapport à la partie volcanique, donnait l'impression d'être une embarcation ayant jeté l'ancre dans un océan galactique. La Matrice était paradoxale en cela : attrayante et effrayante, belle et repoussante, dangereuse et paisible. Cela dépendait surtout du positionnement adopté selon Ulrich. Dans un rôle de spectateur, l'ensemble était plaisant, alors que dans un rôle plus actif, les mauvais côtés se décelaient facilement.
Sa réflexion lui rappela qu'il ne pouvait se targuer d'être dans la première position et qu'il avait tout intérêt à se remettre en mouvement. Les formes noires aux yeux blancs qui apparurent dans son champ de vision lui donnèrent raison.


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La porte du gymnase fut ouverte dans une brusquerie ferme qui témoignait de l'habitude du geste. Jim Moralès était littéralement sur son terrain, à l'inverse de Suzanne Hertz qui lui y avait donné rendez-vous au dernier moment. Pourtant, c'est bel et bien celle-ci, positionnée à côté de l'entrée, qui prit l'initiative orale quelques pas après l'arrivée de l'homme, le tout en s'approchant de lui :
- Ah, mon cher Jim. C'est bien toi qui m'a dit avoir été danseur de salon professionnel à Buenos Aires ?
La question, posée de manière franche et quasi-rhétorique, surprit le professeur d'E.P.S. Y avait-il vraiment besoin d'organiser une rencontre dans un tel endroit pour demander ça ? Néanmoins, afin de garder sa réputation sauve, il répondit logiquement :
- Heum, oui.
- Alors tu es bien l'homme qu'il me faut, en conclut sa collègue. Depuis que tu m'as parlé de tout ça, j'ai une folle envie d'apprendre le tango !
Pour accompagner la fin de sa déclaration, elle posa ses mains sur le ventre de Jim, dans un geste qui se voulait familier et révélateur de sa volonté de danser. Elle était étonnamment enthousiaste, fait rare à observer. Quant à celui qui portait un survêtement rouge, il n'en menait pas large intérieurement. Pour la première fois, il savait que sa phrase signature ne le sauverait pas. Les limites de son pouvoir avaient été atteintes. Cependant, même sans ça, il avait encore un peu de ressource.
- Une minute Suzanne ! Je voulais d'abord te parler du cas d'Ulrich Stern.
Heureusement que Odd Della Robbia était venu lui en parler plus tôt, sans quoi il n'aurait pas eu l'inspiration pour se frayer un chemin de sortie. Il allait utiliser le conseil de classe des troisièmes pour digresser du sujet de la danse, ensuite seulement il pourrait prétexter avoir une surveillance quelconque à préparer ou à faire afin de partir en coup de vent. Sur le court terme, c'était le crime parfait.
- Olala, non non, ce n'est pas le moment. On verra tout ça à l'heure du conseil de classe, ça peut attendre, pas vrai ?
Le plan improvisé était presque mort-né avec une réponse pareille. S'il répondait négativement, il n'allait réussir qu'à l'irriter, il la connaissait. Et il n'était pas assez doué pour construire une argumentation sans y avoir réfléchi en amont – ce qui lui demandait un bon effort. Ne sachant que dire, Jim laissa planer le silence, interprété par Suzanne comme un « oui », qui reprit comme si le changement de sujet n'avait jamais existé :
- Je dois voir Pedro dimanche après-midi au thé dansant et je dois absolument savoir danser le tango argentin sinon c'est à peine s'il daignera me regarder.
Au moins la nouvelle lubie du professeur de physique-chimie s'expliquait-elle. Le « danseur professionnel » ne connaissait ce Pedro que de nom mais en cet instant, il aurait juré que celui-ci était l'unique responsable du pourrissement de sa vie.
- Alors ? s'empressa la femme. Tu veux bien me faire un cours accéléré ? Vu que le temps presse, le mieux serait de commencer tout de suite, avant le conseil de classe, et de poursuivre après.
Jim se sentit piégé, son adversaire avait tout prévu. À sa façon de parler, elle n'envisageait pas un seul instant que le service lui soit refusé. Pourtant, son discours présentait une faille : le temps.
- Tu sais, s'engagea prudemment le surveillant, en à peine un jour, c'est impossible de réussir à danser correctement. Même mes élèves les plus talentueux ont eu besoin d'un peu plus longtemps.
- Ce n'est pas grave ça ! J'ai bien conscience que je ne maîtriserais pas le tango d'ici demain, mais en se concentrant uniquement sur les bases ça devrait être réalisable et je pourrais garder la face dimanche.
Elle avait réponse à tout. Il ne restait au pauvre homme qu'une seule carte à jouer :
- Hum, je suis pas convaincu...
- Tu ne veux donc même pas qu'on fasse un essai ? Pas étonnant que tu n'aies pas insisté quand tu as parlé d'Ulrich Stern.
Ça tournait mal, sa voix avait adopté des accents cassants. Son regard s'était accordé avec, et révéla au passage une certaine suspicion.
- C'est que… mon tango philippin est complètement rouillé depuis le temps, fit Jim en sortant les rames.
- Argentin. Jim Moralès...
Elle venait de prendre son ton sévère inimitable. Il était foutu.
- As-tu vraiment été danseur de salon professionnel, peu importe le pays ?
Le concerné garda le silence et baissa même un peu les yeux. Il savait que ça ne servait plus à rien de patauger plus, sa collègue l'avait déjà grillé.
- As-tu au moins une expérience amateur en danse de salon ?
Toujours une réponse muette.
- T'es-tu dis qu'à force de nous raconter « ta vie », tu ferais perdre leur temps aux autres, moi comprise ?
Les questions n'étaient plus là que pour faire se sentir bête et honteux le fabulateur, qui ne cherchait plus qu'à éviter les yeux furieux et accusateurs. La manœuvre l'empêcha de voir la gifle arriver, qui précéda la départ furieux de Suzanne.


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Plusieurs bras sans mains allèrent au contact d'Ulrich, pour s'y liquéfier instantanément et démarrer un enrobage de son corps. Logiquement, ce dernier se débattit avec panique, sans parvenir à se dégager de l'étreinte des êtres aux yeux blancs ni à se débarrasser de la matière noire qui s'étalait de plus en plus sur lui. Il se sentait l'âme d'une pauvre mouette prisonnière du pétrole après une marée noire. Outre ce ressenti physique, ce n'était pas vraiment ça non plus psychiquement : la sensation d'être fouillé dans une optique d'engloutissement était forte. À ce niveau-là, le parallèle avec la tentative de xanatification dont il avait été victime quelques mois plus tôt s'établissait naturellement. Stern sentit sa conscience vaciller tandis que son visage se recouvrait.
Puis le poids qui lui pesait dessus s'éparpilla brusquement, accompagné d'une étonnante impression, proche de celle qui suivait la sortie de la tête de l'eau après une immersion plus longue que prévue.
La vue dégagée, il constata la disparition totale de la poignée de formes sombres qui le cernaient un instant plus tôt. Néanmoins, lorsqu'il se releva, ce fut pour remarquer la présence d'un nouvel individu, d'apparence masculine plutôt sobre avec des baskets blanches, un pantalon noir et une chemise bleue. Point positif : son air mi-amusé, mi-attentif lui donnait un aspect moins hostile que Sigma. De toutes façons, il l'avait libéré de la masse d'entités noires, un plutôt bon signe.
- Un conseil, p'tit brun, dit-il à Ulrich une fois repéré par celui-ci. Pour regarder le ciel, fallait aller sur l'Aire de Détente, pas te frotter à celle de Survie. Le coin n'est pas conçu pour accueillir chaleureusement les débutants.
Le Lyokô-guerrier n'était décidément pas au bout de ses peines. Après la demande de prise de congé sans délicatesse, le dérivé d'avertissement. Il n'était pas certain de tenir nerveusement si ce genre de choses s'accumulait.
- Merci de m'avoir sauvé, marmonna-t-il.
- C'était pour éviter d'avoir un problème plus grave que toi à vrai dire, pas vraiment pour la charité.
Sur ce coup-là, le samouraï n'avait pas trop les moyens de répliquer comme il en avait l'habitude, puisqu'il n'avait pas été très malin de s'être laissé aller en zone inconnue. C'est pourquoi il se raccrocha au contenu de la dernière réplique :
- Ah bon ? Il se serait passé quoi si ces créatures étaient allées au bout de leur… intrusion ? Déjà, elles sont quoi ? Des genres de monstres ?
- La politesse voudrait plutôt que tu m'expliques ce qu'un être virtuel inconnu comme toi fait par ici.
Interloqué par le renvoi de ses questions à la figure, Ulrich ne réagit pas tout de suite.
- Ouais, à ce rythme-là, on y arrivera pas, s'empressa l'interlocuteur sans nom. J'ai toujours ma partie en cours moi… On va faire plus simple : suis-moi.
Sur ces paroles, il tourna les talons et s'avança sur la plaine lisse et sombre sous fond étoilé qui s'ouvrait devant lui. L'être humain hésita à faire de même, avant de déceler un mouvement sur sa droite. Le souvenir encore frais des créatures informes motiva un pas rapide et motivé derrière son bienfaiteur.


Ils marchèrent si peu qu'une fois arrêtés, le Disque Phlégéthon qui dépassait du rebord de falaise était encore visible. En revanche, le terrien avait un gros doute quant à l'endroit où ils avaient stoppé leur avancée, qui ne présentait aucune forme de singularité par rapport au reste. L'anonyme s'adressa à lui :
- Ici, c'est l'entrée de ma base secrète. Comme je suis le seul à avoir droit d'y accéder, je vais autoriser ton passage, donc te laisser seul ici un instant. Compte jusqu'à soixante-quatre à partir du moment où je serais entré, puis vas-y.
Devançant les interrogations d'Ulrich, il se jeta à pieds joints sur une portion de sol tout à fait banale et raccord avec le reste. Pourtant, il la traversa aisément, disparaissant sous terre. Seules traces de son prodige : des ondulations circulaires blanchâtres rappelant l'eau suite à une perturbation. Moins surpris de la chose que prévu, Ulrich commença un décompte mental. Parallèlement, il ne put s'empêcher de tourner la tête dans un maximum de directions, guettant d'éventuelles créatures. Se retrouver seul dans un décor nocturne et vierge n'était pas des plus rassurants. Plus de stress que de danger finalement, l'esprit voyageur traversa l'ouverture sans encombre et comme demandé.
Une chute de quelques mètres plus un atterrissage plus tard, il découvrit la planque de son sauveur. L'espace s'étalait dans un dôme de la taille d'une grande chambre et proposait sur ses parois une multitude de cristaux bleus incrustés, donnant du même coup un éclairage. Le samouraï eut besoin d'un temps d'adaptation à cette clarté particulière, qui donnait l'impression d'être dans un aquarium. Cette étape nécessaire surpassée, il se rendit compte que les murs n'étaient pas si nus que ça. D'étranges objets y étaient accrochés, évoquant tous des manches modernes et stylisés d'armes blanches, sans lames. Stern ne se posa pas la moindre question et rejoignit celui qu'il avait suivi, installé à son exact opposé sur un siège moelleux, placé devant un bureau épousant la forme du mur. Pour une prétendue base secrète, la décoration restait minimaliste. Le propriétaire recherchait peut-être plus l'isolement qu'une véritable cache à cachotteries. Son absorption par la large interface flottant sous ses yeux renforçait cette hypothèse. L'écran en question affichait une partie d'échecs en cours, ainsi qu'une icône à l'effigie d'un micro dans le coin supérieur gauche.
- Vas-y, dis-nous tout, fit-il à l'attention d'Ulrich sans détourner le regard. Moi et le type de l'autre côté du micro t'écoutons.
Malgré sa curiosité quant au second interlocuteur, le concerné s'exécuta et raconta son périple jusqu'à lors, parallèlement à la poursuite du jeu de pièces. Le récit achevé, le personnage en chemise ne trouva rien de mieux à dire que :
- Phi chier.
Impossible de dire si le fond de sa réplique concernait ce qu'il venait d'entendre ou les mouvements sur le plateau aux cases noires et blanches.
- Encore une preuve que l'autre gamine est incompétente, au moins autant que l'autre planeur. Laisser le mécanisme de glaciation être activé…
La remarque provenait de l'interface – bien qu'aucun haut-parleur ne fut présent – formulée par une voix aux accents durs et assurés.
- Ce n'est pas pour me déplaire personnellement, renvoya celui qui était assis au bureau. Ça rend le cours des choses plus intéressant.
- Dites, se risqua enfin l'intrus virtuel, c'est quoi l'intérêt de refroidir la zone volcanique ?
- Tu n'auras pas besoin de cette information pour sortir, je te rassure. Si Phi ne t'as pas exposé toutes les subtilités et histoires de la Matrice, c'est pour te faire gagner du temps. Concentre-toi sur ce qui peut débloquer ta situation.
Le message avait beau être clair, Ulrich ne put s'empêcher de répondre sur un ton légèrement provocateur :
- J'imagine que ça inclue les créatures noires aussi.
Pour la première fois depuis qu'ils étaient dans le repaire souterrain, le matricien tourna la tête pour regarder dans les yeux son invité, lequel soutint le geste malgré sa brusquerie. Puis, sans raison apparente, il ricana. Enfin, il annonça :
- Enchanté Ulrich Stern. Tu peux m'appeler Psi. De l'autre côté de la ligne, c'est Thêta.
Il se tourna à nouveau vers l'écran, l'air détaché.
- Pour toi, ce sera Monsieur Thêta et rien d'autre, précisa d'un seul coup le non-présent physiquement.
Ces présentations tardives donnèrent un nouveau coup de barre au Lyokô-guerrier, le murant dans un silence devenu nécessaire pour ne pas craquer nerveusement. Pendant ce temps, des mouvements supplémentaires furent effectués sur l'échiquier numérique, juste avant une reprise du dialogue par Thêta :
- Quand même, ce Phi…
- Quoi encore ?
- Tu te souviens de ce que je t'ai dit sur lui ?
- Je suis une intelligence artificielle qui jouit d'une certaine influence sur la Matrice de Lyokô.
Silence de l'autre côté du fil. Soit la réponse lui avait cloué le bec, soit il en analysait la portée et l'humour. En définitive, l'incident ne l'empêcha pas de poursuivre :
- Il n'était pas comme ça… avant. Déconnecté de nous. Il s'est retiré dans cette immonde Aire de Détente depuis la fin du combat contre Xana et la seule caricature de contact qu'il nous envoie, c'est un gamin déguisé en samouraï orange ? Je suis intimement persuadé que quelque chose ne va pas chez lui.
Ulrich prit pour lui la remarque peu glorieuse le concernant et, faute de pouvoir s'immiscer, se renfrogna en conséquence.
- Cette question a déjà été traitée, répondit Psi. Nous n'avons rien trouvé d'anormal ou de douteux sur lui et à moins d'admettre qu'il puisse nous tromper tous les trois… Il ne faut pas confondre ceux que l'on était lors de notre naissance et ceux que nous sommes actuellement. Même si je n'arrive pas à m'expliquer pourquoi on nous a laissé la mémoire de « l'autre époque », je me sens différent par rapport à celle-ci. Dans le fond, mon impression est purement personnelle et ne tient pas sur des bases concrètes. Pourtant, il m'arrive d'y revenir quand j'aborde la question. Là se trouve ma différence par rapport à antan.
Le garçon humain, dans sa position de spectateur, ne comprit pas grand-chose aux paroles de son hôte mais ne put s'empêcher de trouver son raisonnement étrange. C'était ce genre de choses qui lui rappelait qu'il avait affaire à des programmes et non à des semblables.
- Échec et mat. 1200 à 1217 pour moi.
- J'aurais dû te mettre le timer quand tu es sorti tout à l'heure, comme le stipulaient nos règles officielles. Officieusement, la victoire est mienne.
- Comme d'habitude avec toi, grande gueule petite b…
Thêta interrompit l'élan de Psi par l'insulte, que Stern ne parvint à saisir malgré son statut de collégien. Par voie de conséquence, l'appel fut théâtralement coupé.
L'ambiance retrouvant ainsi sa tranquillité, Ulrich jugea bon de remettre ses idées au clair. Depuis qu'il avait été déposé dans l'Aire de Survie, il n'avait pas avancé dans ses objectifs, pourtant clairs. Il se laissait beaucoup trop entraîner, malgré lui, dans le jeu de la Matrice et ses occupants. Ce n'était pas en regardant une intelligence artificielle entrer d'obscures données sur son interface qu'il retrouverait Lyokô – encore moins son corps.
- Hé Psi, fit-il de sa voix la plus résolue. T'as raison, ce qui se passe ici ne me concerne pas, je veux juste sortir de là.
- Inutile de te répéter, je le sais. C'est pour ça que j'ai donné rendez-vous à Sigma au bord de la falaise.
- Quoi !?
- Elle doit être furax à l'heure qu'il est. Vos retrouvailles vont être très intéressantes…
La situation avait au moins le mérite d'amuser quelqu'un, même si le voyageur spirituel s'en serait bien passé. Cela dit, il tenta d'en tirer avantage :
- Si tu me donnais ton fragment de clé, ça me motiverait pas mal à revoir ta congénère. Vu les risques que je vais prendre, le spectacle mérite bien ce petit salaire, non ?
- Ça ce n'est qu'un bonus, balaya d'un revers Psi. Je ne te donnerais certainement pas mon propre fragment gratuitement, je tiens à obtenir une distraction à la hauteur auparavant ! Rhoo, ne me regarde pas comme ça, si tu relèves le challenge que je te lancerai tout à l'heure, ce sera ta récompense. Avant, il va falloir que tu prépares une défense béton pour que Sigma ne te pulvérise pas au premier regard.
Pourquoi la vie dans un monde virtuel devait-elle être aussi compliquée ? Le karma devait certainement être impliqué selon Ulrich. Il commençait d'ailleurs à être sacrément corsé depuis sa dernière matinée sur Terre. Le retour avait intérêt à valoir le détour, parce qu'à la longue, tant de poisse était blasant. Cela devait se lire sur son visage, puisque Psi lui dit :
- Allez, puisqu'on a encore un peu de temps avant de retrouver notre amie, je peux bien t'éclairer, en allant à l'essentiel, sur les entités noires qui se baladent dans la Matrice et qui t'ont attaqué tout à l'heure.
Le Lyokô-guerrier, pour rester en accord avec sa déclaration première, manqua d'exprimer son indifférence quant à cette information arrivant trop tard. Cependant, elle aurait le mérite de le faire se concentrer sur autre chose que la confrontation avec l'habitante du volcan, ce pourquoi il laissa faire l'être à la chemise bleue.
- La raison même de notre existence dans la Matrice en tant que programmes est la lutte contre l'envahisseur. Mais à quatre contre une légion de sbires de Xana, nous n'aurions certainement pas gagné. Nous avons donc détourné une des expériences de Hopper : un système multi-agents laissé en suspens, basé sur un principe de prolifération continue en plusieurs petites entités agissant comme une communauté. Le temps de la Xanamachie, elles nous ont servies de soldats inépuisables pour tenir tête à ceux de notre ennemi, qui se renouvelaient également constamment. Évidemment, nous avons fini par gagner. L'armée n'avait alors plus la moindre utilité. La majorité a alors été rassemblée et renvoyée à sa source, à savoir l'Aire Noire. Le reste n'a pu être rattrapé à temps, leur laissant le temps d'évoluer au niveau de l'autonomie et de l'indépendance – ce n'est pas pour rien si cette expérience était « archivée ». Désormais, ces entités-filles du système multi-agents errent principalement sur les reliefs rocheux qui forment la vallée de l'Aire de Survie, à la recherche d'un être virtuel à parasiter. Même si elles continuent de se multiplier, nos précautions font que cette faculté se dégrade de génération en génération et à mesure de son utilisation. En revanche, lorsque leur population est régulée par nos soins, on en laisse toujours quelques unes en liberté. Observer leur comportement est assez fascinant.
Il y avait donc une espèce de rationalité derrière ces créatures. Ulrich était un peu déçu sur ce coup, il s'attendait à quelque chose d'inexpliqué et de propre à la Matrice. Enfin, ça avait le mérite d'être rassurant, dans une certaine mesure.
Psi se leva d'un seul coup.
- Allez, on décolle.


Le duo être virtuel plus humain se contenta d'effectuer le chemin inverse pour tomber sur une Sigma aux bras croisés et au regard en disant long. Précautionneusement, le samouraï se glissa quelques pas derrière son accompagnateur, comptant sur sa présence comme rempart, même éphémère.
- Sérieusement, je fais le médiateur physique ? fit l'intelligence artificielle neutre dans le débat à venir.
Silence.
- Inutile de prendre tes distances, déclara la semblable du dernier intervenant. Je ne compte certainement pas t'exterminer avant d'avoir obtenu un dédommagement. Est-ce que tu sais à quel point c'est galère de relancer le volcan ?
Ulrich partit au quart de tour :
- T'es pas gênée toi. Si tu avais pris deux secondes pour m'écouter tout à l'heure, on n'en serait pas là. En quel honneur je te dédommagerais ?
- Celui de ne pas brûler vif.
- Je me sens franchement plus confiant que tout à l'heure. Mon enveloppe protectrice est encore intacte, mes réflexes et ma vitesse sont plutôt bons. Si je me jetais sur toi avec mon sabre, là tout de suite, je pense être assez sûr de m'en tirer. On teste ?
La déclaration tenait en partie à du bluff, vu qu'il n'était pas au courant des capacités de son adversaire, mais la tentative se valait. Afin d'augmenter ses chances, il se décala un peu sur le côté, sortant de l'ombre de Psi, pour regarder Sigma plus directement avec un air sérieux. Il pouvait remercier sa pratique du façonnage d'expression faciale, datant de l'entrée au collège. L’humanoïde femelle garda le silence face à la dernière annonce, paraissant réfléchir. Son équivalent mâle, lui, ne trouva rien de mieux que d'éclater de rire.
- Bon, vous n'avez plus besoin de moi pour continuer je pense, dit-il en se reprenant. Je vais aller préparer le terrain pour le jeu, rejoignez-moi quand vous aurez fini de papoter.
Là-dessus, il généra une plateforme de rebond en forme de pentagone et s'envola pour le Disque Phlégéthon déjà refroidi à moitié. Tandis qu'Ulrich le voyait s'éloigner presque à regret, son vis-à-vis reprit la parole :
- Soit, je veux bien être conciliante. Tu as de la chance que Psi te trouve distrayant.
Dans sa tête, l'esprit expira de soulagement.
- Il n'y qu'un seul moyen pour que je te passe le refroidissement de ma zone et accepte de te céder mon fragment de clé.
Elle pointa la main à sa gauche, en direction d'une masse dense, brumeuse et nuageuse à l'horizon, étonnamment visible à cette distance et sous ciel nocturne.
- L'Aire de Combat. Je n'ai pas le droit d'y poser un pied, en vertu d'un pacte de non-invasion réciproque avec le responsable de l'endroit, Thêta, avec qui je n'entretiens pas des rapports très fraternels. C'est là que tu interviens : je veux que lors de ton passage là-bas, tu captures pour moi une des créatures créée par Xana. Il n'y a que là-bas que l'on peut en trouver à l'état sauvage, puisque le foyer – endigué – de génération automatique y est resté.
- Heu, fit le visiteur de Lyokô avec perplexité, je suis pas sûr d'être capable de capturer un Mégatank ou un Blok avec mes compétences actuelles, encore moins de les transporter après.
- Je ne sais pas à quoi font référence les appellations que tu utilises, mais ce que je vise est le plus petit modèle, monté sur quatre pattes et avec une forme particulière.
- Le Kankrelat ?
- Si tu le dis. Quant à la capture et au transport, tu utiliseras ceci.
Elle lança un petit objet rond à Stern, qu'il identifia immédiatement après l'avoir attrapé :
- Une Pokéball, sérieusement ?
- Parfait, tu connais déjà, ça m'évite de t'expliquer le fonctionnement. Accroche-la à ta ceinture pour ne pas la perdre, elle est conçue pour y tenir seule.
Avec l'objet sous sa forme réduite attaché à la ceinture, Ulrich venait de gagner le statut de dresseur-samouraï. Il n'aurait jamais pensé que ça pouvait lui arriver un jour dans la virtualité.
- Le boulot est plutôt simple finalement, lâcha-t-il. Je pensais que j'aurais droit à quelque chose de plus dur.
Sigma adopta une posture dédaigneuse.
- Ce que je te demande provoquera chez Thêta un degré d'embêtement au moins équivalent au mien avec l'extinction du volcan, c'est tout ce qui importe. Un « Kankrelat » contre un fragment, pouvons-nous considérer notre accord comme scellé ?
Soudainement, l'environnement de l'Aire de Survie imposa sa présence : une lumière se fit remarquer en un point du Disque Phlégéthon, précédant une onde de choc circulaire ressentie jusqu'à la falaise où se trouvaient l'humain et le programme. Le calme retomba presque immédiatement, permettant d'admirer la mutation du territoire ardent. Si le volcan avait gardé le même aspect, extinction non-comprise, la fameuse rivière de lave circulaire, elle, était devenue pure glace. L'endroit reflétait une image moins vivante qu'à l'arrivée d'Ulrich, mais tout aussi inhospitalière.
- Toujours chaud ? lança alors narquoisement Sigma.
- Ouais. Pas le choix.


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À partir du moment où il vit Madame Hertz fusiller sans retenue Jim du regard, Odd comprit que son plan de sauvetage scolaire tombait à l'eau. Qu'avait donc bien pu bricoler le surveillant pour la mettre en rogne de façon aussi visible ? Le démarrage du conseil de classe un peu plus tôt que prévu, qui l'arrangeait, avait été trop beau pour être vrai. Les petits coups de bol dissimulaient toujours de gros morceaux de guigne.
Pour en rajouter un peu plus, le cas-par-cas de la classe avait démarré dans l'ordre alphabétique, retardant l'abordage d'Ulrich. Si jamais Della Robbia était sollicité par Jérémie pour une urgence avant ça, son camarade de chambre serait définitivement fichu. Sachant qu'il ne pouvait plus compter sur une réussite de Jim, il ne restait que la carte du délégué défenseur du collègue à jouer, aux chances de réussite ridicules.
Odd croisa les doigts pour que son portable reste, le temps nécessaire, aussi silencieux que le mode sur lequel il était.


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- Dommage, tu y étais presque. L'important, c'est d'essayer, pas vrai ?
Ulrich avait de quoi être dégoûté. Perdre le jeu de Psi, donc ne pas obtenir son fragment de clé, pour une simple subtilité dans les règles. Pourtant, tout avait bien tourné avant les dernières secondes. Le fameux divertissement virtuel consistait à faire le tour du Disque glacé en trois minutes maximum, sous une pluie de boules de feu et de glace envoyées aléatoirement par les intelligences artificielles positionnées au bord du cratère central. L'exploit était parfaitement dans les cordes de l'avatar du jeune homme et techniquement, il avait réussi le défi. Seulement, sous le feu – véritable – de l'action, il avait oublié de passer entre les deux stalagmites d'où il était parti une fois le tour effectué. Or, c'était une des règles de la partie pour valider le record, non-négociable selon Psi qui s'était révélé intraitable là-dessus. La défaite du Lyokô-guerrier était de fait définitivement confirmée. Celui-ci exprima sa frustration en raclant avec force le sol du talon.
- Je suis beau joueur ne t'en fait pas, déclara l'organisateur de l'épreuve. Tu pourras tenter ta chance auprès de moi autant de fois que tu le souhaiteras, je ne crache pas sur les occasions de me distraire. La capacité d'éprouver l'ennui n'est pas la plus pertinente que nous ait donnée Hopper.
- Un seul nouvel essai me suffira pour réussir cette fois, renvoya belliqueusement le vagabond spirituel.
- Évidemment, hors de question que tu fasses le même jeu à chaque fois, ce serait trop facile. J'en veux pour mon fragment et par conséquent, ce sera un autre jeu, avec de nouvelles règles.
Stern grommela sans chercher à être discret. Il commençait à désespérer de pouvoir sortir de la Matrice un jour. Cette histoire s'éternisait trop en longueur, à un tel point qu'une retranscription à l'écrit mettrait certainement le rédacteur sur les nerfs.
- Il va me falloir un petit délai pour préparer le terrain de la prochaine partie, enchaîna Psi.
- Ce qui te laisse largement le temps d'aller sur l'Aire de Combat, compléta Sigma non sans sous-entendu.
Un sentiment de flemme envahit de manière fulgurante l'occupant de l'avatar orangé, qui commençait à saturer en déplacements virtuels. Pourquoi son corps du moment ne pouvait-il pas ressentir de la fatigue, histoire de lui donner un bon prétexte pour s'allonger, ou dormir, luxe dont il commençait à rêver et qui lui était impossible dans cet état ? Il ne chercha même pas à cogiter la question, ça ne l'aiderait pas à en finir.
La mort dans l'âme, il se mit en rebond.


http://i.imgur.com/I1KDy1N.png


La pluie se déversait allègrement sur l'Aire de Combat, qui offrait une visibilité globale aussi incertaine que ce que la masse brumeuse et nuageuse l'entourant supposait. Positionné au sommet d'une petite montagne d'objets métalliques présentant différents degrés d'usure, Ulrich avait du mal à se faire une idée de la taille complète de la zone. Depuis le bord où il avait atterri, il ne voyait qu'une décharge de métaux en tous genres s'étendre par-delà le brouillard. Les nombreux tas comme celui sur lequel il se tenait formaient un ensemble complexe et irrégulier de chemins permettant de se déplacer à pied aisément. Au-dessus de sa tête, parmi les nuages d'un gris profond se dessinait un vortex aux bords violets, tache inquiétante au milieu du ciel virtuel ressemblant plus à un œil qui scrutait tristement le monde humide et riche en fer du dessous.
Pour autant, l'ensemble de ces éléments lui donnèrent une idée grossière de la topographie de l'Aire. L'espace terrestre exclusivement métallique devait avoir une forme circulaire, à l'instar des endroits précédemment visités par Stern. L'amas de ferraille occupait la majorité de l'espace disponible mais n'était certainement pas la seule composante du lieu. En effet, le vortex, à vue d’œil, paraissait centré. Selon l'intuition de l'explorateur virtuel, les chances qu'un élément important autre que la décharge soit aligné verticalement avec la spirale céleste étaient élevées. En conséquence, il se remit en mouvement.
Sur le chemin, il ne rencontra pas âme qui vive, seules la rouille et la pluie accompagnèrent sa marche. Cela dit, il préférait ne pas avoir affaire aux fameux monstres de Xana errants immédiatement, le terrain n'étant pas des plus avantageux. Cela dit, l'ambiance commençait à le faire frissonner et il n'aurait pas dit non à une petite baston pour l'oublier. Le secteur tenait plus de la morte-terre avec ses airs inhabités et lugubres. Difficile de croire qu'il s'agissait d'un lieu de « Combat », à moins qu'il ne s'agisse d'une référence à la guerre contre Xana bien sûr.
Au bout d'un moment, une forme se détacha dans la brume, haute et imposante, qui rappela immédiatement à Ulrich les tours de Lyokô, aux dimensions largement supérieures. Lorsqu'il s'en rapprocha, il découvrit un édifice cylindrique en acier rutilant, visiblement non-concerné par les problèmes d'oxydation. À son sommet, des fenêtres faisaient le tour de la paroi, laissant passer un peu de lumière, premier signe de vie que constatait le jeune homme dans le coin. Poussé par ce résultat encourageant, il se rapprocha encore plus, pour déboucher sur un espace agréablement dégagé de tout déchet métallique. Quelques mètres plus loin, un grillage était disposé de manière à encercler la tour. L'occupant devait être bien méfiant pour pousser la sécurité jusque-là, mais pour qui possédait un DMA, cet obstacle n'était qu'une formalité.
Des cliquètements interpellèrent celui qui s'apprêtait à commettre une violation de domicile : un trio de Kankrelats débarqua dans le champ libre de déchets en métal. Le Lyokô-guerrier écarquilla les yeux. Il n'aurait jamais pensé dire ça des créatures de Xana, mais c'était certainement son plus gros coup de bol depuis qu'il était dans la Matrice. Le timing était parfait. Saisissant sa chance et la Pokéball qu'il agrandit d'une pression du bouton central, Ulrich lança l'objet de capture en direction du groupe de monstres, qui ne l'avait pas encore remarqué et qui se situait à distance idéale. Ce fut un désastre. La sphère rouge et blanc termina sa course quelques centimètres à peine à côté des cibles, lesquelles se tournèrent instantanément vers le dresseur novice. Logiquement, les Kankrelats ouvrirent le feu. Dégainant son sabre, le garçon para les premiers lasers, avant de profiter d'une ouverture pour se décaler de côté en Supersprint. Puis, sans laisser le temps à ses ennemis de se réaligner, il leur fonça dessus, toujours à vitesse maximale. Il faucha le cafard le plus à droite et après avoir freiné, lança son arme sur un deuxième, qui n'eut pas le temps de se retourner. Le dernier put renchérir sur une offensive classique et directe. Évitant les lasers en se contorsionnant, l'esprit sans corps remarqua du coin de l’œil la Pokéball à deux pas de lui. Il se décida à conclure l'affaire. Pour cela, il généra une plateforme de rebond instantané juste sous les pattes de sa cible, qui décolla verticalement. Ensuite, il se servit de son artefact de capture comme d'un ballon de football, qu'il récupéra habilement du pied et fit même rebondir une fois dessus.
- Pokéball, go ! annonça-t-il pour le style.
Il tira dans l'objet. La rencontre avec le Kankrelat volant pendant sa chute se fit au moment idéal, activant le mécanisme d'emprisonnement caractéristique. La sphère retomba au sol, bougeant de droite à gauche à la manière d'un pendulier, quelques instants avant immobilisation complète et effacement de la lueur rouge sur son point central. Capture effectuée avec succès.
- Yes !
Ulrich ressentit une joie proche de celle du joueur ayant enfin réussi à avoir Mewtwo ou tout autre Pokémon légendaire pénible à obtenir, alors que dans le fond il venait de venir à bout de l'équivalent d'un Rattata et associés.
Une fois le goût du succès dissipé, il partit récupérer son sabre planté dans le sol de métal. Quant à la Pokéball, ce fut une autre main qui la ramassa, appartenant à un être humanoïde de taille moyenne, vêtu d'un costume sombre ayant pour seul touche de couleur une cravate jaune. Il lança au jeune dresseur un regard soupçonneux et sévère avant de lui demander, d'une voix qu'il reconnut puisqu'entendue derrière l'écran de Psi :
- Puis-je savoir ce que cela signifie ?


Quatre secondes et quinze dixièmes fut la durée pendant laquelle le jeune homme en orange choisit de se taire. Suite à quoi, il vendit Sigma sans l'ombre d'un remords et avoua tout à celui qu'il devinait être le fameux Thêta.
- Cette morue ose rompre le pacte qui sépare l'intelligence artificielle de l'animal, proféra-t-il avec gravité pour lui-même. Contourner notre accord en faisant s'introduire quelqu'un sur mon territoire dans ses seuls intérêts est scandaleux. Elle va voir…
- Heu, je peux récupérer ma Pokéball ? demanda alors timidement Ulrich.
Le programme le regarda d'un œil se demandant ce qu'il faisait encore là. Cependant, il parut avoir une idée et répondit :
- Seulement en échange d'un service.
« Et merde ! », jura mentalement le principal concerné, qui se sentit un peu plus entraîné dans un engrenage vicieux. De son côté, Thêta avait activé un mécanisme sur son poignet gauche, qui projeta un hologramme d'interface, aux dimensions plus réduites que la moyenne. Il manipula des données à la vitesse de celui qui était habitué à ce type de manœuvre, puis pressa un bouton qui devait tenir lieu de « Valider ». Une nouvelle Pokéball, aux coloris noirs avec mécanisme d'ouverture doré et un trait circulaire rouge sur le dessous, se matérialisa sous ses yeux avant de tomber par terre dans un bruit sourd. Faisant disparaître son écran, il la ramassa pour la présenter avec sa sœur au visiteur humain.
- Libère le contenu sur le Disque Phlégéthon et ne fais rien de plus. Nous serons alors quittes.
Surpris qu'il lui restitue le Kankrelat capturé avant que le service soit concrètement rendu, Ulrich s'empara avec précaution des artefacts sphériques.
- Autre chose, ajouta Thêta, si jamais il te venait à l'idée de ne pas appliquer mes instructions par rapport à cette Pokéball : son contenu est programmé pour te traquer dans toute la Matrice s'il n'est pas libéré au bon endroit ou si tu mets un temps anormalement long à le faire sitôt l'Aire de Combat quittée.
Voilà qui répondait au moins à une question, tout en ajoutant un travail risqué obligatoire à effectuer sur la liste des tâches. Définitivement, l'adolescent était loin de la fin du parcours et des misères, points confirmés par le reste de conversation qu'il relança :
- Du coup, je suis aussi venu ici pour discuter du fragment de clé…
- Effectivement, j'ai entendu le résumé de ta situation précaire pendant l'appel avec Psi. La charité voudrait que je te le laisse mais d'un autre côté, le mérite du travail bien fait doit être encouragé.
Le Lyokoïte songea qu'il aurait eu mieux fait de demander directement ce qu'il devrait faire pour avoir ce cinquième de passe pour sortir. À titre de réponse, l’humanoïde en costume ressortit son interface portable et y effectua de nouvelles manipulations. Cela déboucha sur la matérialisation d'un appareil blanc, plat et circulaire à écran vert quadrillé, avec un bouton proche de ceux des chronomètres sur le sommet. Sitôt créé, sitôt confié à Ulrich.
- Il y a actuellement sur mon domaine un certain nombre de créatures affiliées à Xana, la dernière fournée en date. Ce détecteur couvre toute l'Aire, il te permettra de savoir combien il y en a et où elles sont afin que tu les élimines toutes. D'ordinaire, je fais ça moi-même mais il s'avère que j'ai un discours à préparer pour mon grand retour à venir. Effectue ce travail à ma place et je te rétribuerai en conséquence.
Après l'intelligence artificielle joueuse, celle qui déléguait le travail à un tiers pour pouvoir faire autre chose. Franz Hopper était sacrément atteint le jour où il avait imaginé la clique des quatre.
- Juste une question, demanda le samouraï-dresseur-technicien de surface, pourquoi un truc aussi peu pratique à transporter et pour combattre ? La version pour œil, c'était pas possible ?
Effectivement, le détecteur offert précédemment monopolisait au minimum une main de Stern, ne laissant que l'autre pour tenir le sabre devant éliminer les monstres. Générer des DMA en combat devenait donc infaisable. D'une pirouette orale, Thêta répliqua :
- Tout ira bien jeune homme, tu vas très bien t'en sortir ! Ton avenir est entre tes mains. Je viendrai te retrouver une fois que tu auras terminé. En attendant, je retourne là-haut.
Une pression sur sa montre plus tard, il se volatilisa dans un éclat lumineux jaune, laissant Ulrich pantois et à nouveau livré à lui-même. Celui-ci resta planté sur place deux bonnes minutes. Son esprit avait décidé de déconnecter pour faire le vide et se reposer. Le bruit des gouttes de pluie sur le métal fut particulièrement propice à cet effet, lui permettant à l'émergence d'être plus calme et d'avoir les idées plus claires. Suite à quoi, il alluma le radar en forme de montre à gousset géante, à l'utilisation très instinctive. Vingt-trois monstres au total furent comptabilisés, répartis aux quatre coins de la décharge grisâtre et cuivrée. Devant l'ampleur du travail à effectuer, le collectionneur de fragments de clé prit une grande inspiration.
- C'est parti pour le grand ménage…
Il s'engagea alors à pleine vitesse dans le dédale d'acier, prêt au combat.


À suivre : Partie III – Knock-Out


Dernière édition par Zéphyr le Sam 10 Oct 2020 19:16; édité 12 fois
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Icer MessagePosté le: Sam 07 Jan 2017 20:29   Sujet du message: Répondre en citant  
Admnistr'Icer


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Citation:
Je ne me suis rendu compte que le logo sur le bandeau d'Ulrich formait à peu près la lettre grecque phi qu'au moment où j'ai graphé celui-ci, à l'époque de Pôle Lyokô je n'en avais même pas connaissance. Le texte ne fait pas mention de ce point par hasard, c'est vraiment anecdotique !


J'avoue, je n'avais pas vue la chose sous cet angle. C'est le genre de coïncidence qu'on trouve et qui fait vraiment plaisir quand on est auteur, c'est une des joies de l'écriture !

Citation:
Le « danseur professionnel » ne connaissait ce Pedro que de nom mais en cet instant, il aurait juré que celui-ci était l'unique responsable du pourrissement de sa vie.


Habile image pour décrire à quel point la diaspora portugaise peut être source de maux...

Citation:
- Phi chier.


Génial...
Il y en a d'autres du même genre qui se valaient aussi. En même temps, cette seconde partie était bien plus marrante que la première, c'est logique vu les protagonistes - en prime, on a dégagé le modéré. En tout cas, on peut dire que les protagonistes de Pôle Lyoko ont été recyclé d'une façon qui ferait pâlir Nelbsia de jalousie.
C'est vrai qu'Ulrich semble être pris dans un engrenage (comme par hasard) sans fin, notamment entre Sigma et Thêta. J'imagine qu'après une éventuelle démission de Psi, déclarant qu'il ne s'amusait plus, le retour héroïque de Phi permettra à Stern de retourner chez lui.
Chez lui justement parlons-en. Car je ne vois pas du tout où le vrai Jim va pouvoir nous conduire à l'inverse, tu as sans doute un plan. À moins que tout ceci ne soit pas une diversion...

Puisqu'on est sur du virtuel, je termine en espérant que la partie III ne soit pas à la partie II ce que Matrix Revolutions est à Matrix Reloaded !

_________________
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« Les incertitudes, je veux en faire des Icertitudes... »

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Fenrir MessagePosté le: Dim 08 Jan 2017 13:57   Sujet du message: évident... Répondre en citant  
[Kankrelat]


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Localisation: Sur les traces de Wotan.
Mon premier com' sur une fic ! Yeah !
Et quoi de mieux qu'une fic super pour un premier com' ? Bon, après, le héros est Ulrich, pas forcément celui que j'aime le plus dans la série... Ce qui ne m'empêche pas de l'apprécier (la fic, pas le héros). En même temps, les description sont bien faites, l'univers est super intéressant, et le récit bien monté ne nous laisse pas le temps de nous ennuyer (avec quelques petites blagues en prime qui ont manqué de m'achever avant la fin de ce commentaire^^). En bref ― oui c'est possible de faire plus court que mon commentaire ― , j'attends la suite avec impatience, tout en espérant qu'elle sera aussi tordante et intéressante que les deux autres parties !



PS : J'ai failli mourir de rire en lisant ces passages !
Citation:

- D'accord admettons, lança-t-il d'un air vaincu. Je fais comment pour sortir de là ? Il y a une pilule bleue à prendre ?
[...]
- Une Pokéball, sérieusement ?

PPS : Maintenant que je l'ai terminé, je constate à quel point mon com' est vraiment court Laughing
_________________
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« L'âme d'un loup se dissimule souvent sous la laine d'un mouton. » Proverbe danois.
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Silius Italicus MessagePosté le: Lun 06 Mar 2017 18:49   Sujet du message: Répondre en citant  
[Krabe]


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Messages: 252
Localisation: à l'Est d'Eden
Bonsoir cher Zéphyr,

Il y a deux aspects marquant dans cette partie, d’une part le jeu vidéo et d’autre part, la référence au Pôle.

Cette dernière ne fait, et c’est logique, que se renforcer par rapport au chapitre précédent. Au point que le ballottage d’Ulrich entre les intelligences artificielles peut être lu comme une longue métaphore tissée du parcours de l’écrivain débutant en ce royaume, à l’incohérence près de la rencontre avec Thêta dira-t-on. Ici, le fait de connaître ce royaume, du moins en apparence, tend à desservir l’objectivité de la lecture et à masquer d’autres thèmes éventuels. C’est un peu dommage. En tout cas, Ulrich représente assez bien l’écrivain débutant perdu entre les injonctions diverses et variées données par les référents du Pôle. Tout cela vient redoubler la perspective du voyage initiatique mentionnée à propos de la première partie.

L’autre grand aspect de ce texte, c’est le jeu vidéo. Outre les références directes à pokémon, c’est surtout le parcours d’Ulrich, la division en mondes (feu, glace…) et les missions confiées par chaque maître qui renforcent l’idée que Lyokô n’est jamais qu’un vaste jeu. Étrangement, c’est Odd plus qu’Ulrich qui est associé à cette idée dans les différents récits. Là où la première partie pouvait laisser l’idée d’un jeu tel Mario, relativement linéaire, où l’on passe de monde en monde dans un certain ordre, on est plus ici dans le jeu de rôle virtuel avec ses personnages non-joueurs, ses quêtes… Battre monstres et boss finaux, éviter des jets de feux pour accéder à un interrupteur, recevoir des missions ne faisant aucun sens… tout cela ressemble fort à un jeu vidéo.

Une autre vision de la chose reste cependant possible. Ulrich est à ce moment censé être mort pour ces amis. Présentement il évolue entre différents mondes ayant chacun leurs styles et objectifs, leur nature propre. Le but ultime d’Ulrich ici est de retrouver son corps : la réincarnation. Dès lors on peut lire l’ensemble de ces territoires comme autant de destinations post-mortem symboliques. Dans certains courants bouddhistes, les êtres après leur mort sont répartis dans l’un des six mondes existants : le monde des hommes, le monde infernal, le monde des fantômes, le monde des bêtes, le monde des guerriers et le monde des dieux, autrement dit le paradis. Sans qu’il s’agisse d’une copie conforme de ce type de tradition, on peut rapprocher les différents îlots de la Matrice de cette idée, d’autant plus que la matrice est originellement un lieu de mort. Si tant est que l’on puisse parler de mort dans le cas de programmes informatiques : un îlot paradisiaque, un enfer, une arène… Cela vient renforcer la dimension initiatique. En effet l’âme d’Ulrich traverse les différents états de la mort à la recherche de son retour. Il lui faut donc triompher, vaincre la mort, thème puissant. Ulrich traverse donc les mondes inférieurs à la manière d’Orphée. C’est une ordalie exceptionnelle, et dans la littérature grande en est la récompense. Pour lui, ce sera d’éviter le passage en section professionnelle…

Au niveau du style, cela reste très léger et accessible, en fait c’est une lecture très agréable et reposante plus proche de ce que vous aviez pu faire en guise de nouvelles que de l’Engrenage.

Au plaisir de parcourir encore le cycle de samsara à vos côtés.
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Zéphyr MessagePosté le: Mer 11 Oct 2017 13:18   Sujet du message: Répondre en citant  
Z'Administrateur


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Spoiler




https://i.imgur.com/RFt7uBt.png




- Bien, à présent étudions le cas de Jérémie Belpois, ça ne devrait pas être long !
L’ambiance se fit plus détendue au sein du corps professoral, qui appréciait particulièrement de passer à un cas simple à traiter lorsque les précédents avaient été plus épineux. En tant que professeur principal, Hertz s’octroya le droit de formuler tout haut ce que, selon elle, ses collègues pensaient :
- Effectivement, monsieur le proviseur, je pense que tout le monde ici sera d’accord avec moi pour dire que ce garçon est parfait ! C’est simple, il ne commet jamais la moindre erreur !
Les yeux de la femme croisèrent un instant ceux de Jim, bien vite détournés.
- Enfin, pour être totalement objective, il n’y a qu’en EPS qu’il montre les limites de son savoir, mais le sport n’est pas tout dans la vie, n’est-ce pas ?
Elle avait veillé à mettre la juste dose de mépris dans ses derniers mots, afin que celui auquel il était destiné le saisisse sans que les collègues ne se doutent de quoi que ce soit. La manœuvre fut un succès puisque l’homme au bandeau tiqua et fronça les sourcils dans un regard parlant, ignoré de tous.


https://i.imgur.com/I1KDy1N.png


Déambulant prudemment mais efficacement dans les allées chatoyantes et rouillées, Ulrich s’approchait de la dernière concentration de monstres de toute l’Aire. La malchance avait joué, puisque deux petits groupes de sbires de Xana s’étaient rassemblés pendant qu’il était occupé ailleurs, formant un septuor des moins simples à gérer. Il pouvait néanmoins s’estimer heureux que les vingt-trois monstres comptabilisés initialement n’aient pas eu ce genre d’idée d’entrée de jeu. Ça lui avait permis d’effectuer la tâche pour Thêta plus facilement et étonnement vite – même si l’aide du Triplicata n’y était pas étrangère.
Il jeta l’œil à l’écran du détecteur dans sa main : les monstres avançaient sur un chemin parallèle au sien, en direction de la tour centrale, qui semblait finir par fatalement attirer les créatures de Xana. Leur avancée se faisait en file indienne, topographie des sentiers oblige, ce qui arrangeait le samouraï dans ses ambitions d’extermination. Il ne connaissait pas la nature de tous ses adversaires, mais il était certain que l’étroitesse du terrain jouerait en sa faveur dans le cadre d’un assaut. Par conséquent, il devait les attaquer sur-le-champ, avant qu’ils n’atteignent la zone dégagée près du grillage de la tour.
Après invocation de ses deux alter-ego, qui savaient déjà ce qu’ils avaient à faire, en particulier tenir le gênant détecteur, Ulrich posa à ses pieds une plateforme de rebond qu’il utilisa immédiatement pour s’élever au-dessus de la scène – ou plutôt de l’usine – de combat. Suspendu un instant dans les airs, il put identifier avec précision les monstres à abattre. La Manta repérée plus tôt tournait autour d’une ligne constituée de deux Krabes à sa tête, d’un Kankrelat et d’un Blok au milieu et de deux Tarentules en fermeture de marche. Avant d’être puni par la gravité, le vagabond orangé généra un DMA instantané qui rectifia sa trajectoire, droit en direction du poisson volant. La vitesse et l’effet de surprise ayant aidé, il put planter proprement la créature bleue sans qu’aucune réaction défensive adverse ne soit amorcée. Il se jeta dans le vide avant que la Manta n’explose, atterrissant alors sur une des petites montagnes de métaux à bâbord des pions de Xana. Grand bien lui en prit, puisque la hauteur de son perchoir ne permettait ni au Blok, ni au Kankrelat de suffisamment pivoter vers le haut pour tirer. Les Tarentules ne furent néanmoins pas gênées par le décor et mitraillèrent promptement le jeune homme, qui ne risqua pas un combat et se réfugia sur l’autre versant de l’amas de métal. Les Krabes choisirent de le poursuivre, leurs pattes étant adaptées à l’escalade des monticules.
Dès que les crustacés furent hors de vue, les deux Ulrich restants lancèrent l’assaut sur le quatuor resté planté là. L’un surgit d’une façon proche de l’original et se posa sur la tête de cube, scellant son destin. L’autre arriva par l’arrière du sentier – sur le flanc gauche des Tarentules donc – dans une ambition d’attaque éclair au sabre. C’était sous-estimer la gêne représentée par le port du détecteur, ainsi que les réflexes de l’araignée, laquelle en se déplaçant à temps fut récompensée par une simple entaille au museau en lieu et place de la destruction. La Tarentule agressée, décidément très réactive, effectua une manœuvre jamais vue au sein de son espèce : elle balaya le faux Stern d’un coup de patte, qui fut directement projeté dans un bain de métal. Le Kankrelat en profita pour se faufiler sous ses compagnons à quatre pattes et tenter un tir. Le laser s’échoua sur la doublure, qui n’avait pas eu le temps de se remettre du choc précédent. Par chance, la Tarentule bagarreuse avait été maladroite : la patte de base-ball était coincée dans le tas de métal et lui avait fait perdre l’équilibre. Empoignant son sabre à deux mains – au diable le détecteur – la contrefaçon réaliste de Lyokô-guerrier sauta pour asséner un coup de sabre digne d’un shōnen à l’arachnide. Le cafard beige en perdit le fil, et eut droit au sabre l’instant suivant l’explosion de son allié.
Ne restait plus qu’une Tarentule dans la zone, qui avait bénéficié de plus de temps pour se positionner et contre-attaquer, jouant en la défaveur de l’autre Ulrich, contraint à parer la rafale qui s’abattait sur lui. Il n’eut pas à tenir sa position trop longtemps : son allié-miroir libre utilisa ses deux mains libérées pour placer autant de DMA automatiques sous les pattes arrière de la créature. Immédiatement, les parties touchées s’élevèrent et par un quelconque mystère de la physique virtuelle, le monstre en effectua un salto avant qui s’acheva par un atterrissage sur le dos. Cette position, associée à l’étroitesse du chemin, contribua à coincer et condamner la Tarentule. En désespoir de cause, elle se mit à tirer tous azimuts par ses quatre pattes en l’air. Les frères Stern n’en furent nullement menacés. Celui qui était bien placé se contenta de s’approcher furtivement et de planter son arme dans le symbole vu et revu.


Parallèlement, le modèle de base revenait tranquillement sur ses pas, l’élimination des Krabes ne lui avait pas posé souci. De manière évidente, il ne s’attendait pas à disparaître dans un flash lumineux et réapparaître dans une vaste salle circulaire où Thêta lui faisait face.
- Tu as été plus efficace que je ne me le figurais. Comme quoi, il ne faut pas juger la main d’œuvre sur l’apparence.
Pris au dépourvu, Stern ne répondit pas, son esprit préférant se concentrer sur le nouvel espace l’entourant. À en juger le paysage proposé par les quelques fenêtres disposées autour de la pièce, il se trouvait au sommet de la tour de l’Aire de Combat, dans ce qui s’apparentait à un bureau. Contre toute attente, une atmosphère chaleureuse régnait, bien qu’elle ne pouvait être ressentie dans le contexte virtuel. Le feu qui brûlait dans un âtre de pierre en bout de cabinet, lui donnant un éclairage caractéristique mais suffisamment clair, contribuait largement à cette impression. Le reste de la décoration ne semblait là que pour renforcer ce côté confortable, du parquet aux couleurs reposantes jusqu’aux trois canapés stratégiquement placés près du foyer, en passant bien sûr par le temps de chien dehors et qui se faisait allègrement entendre. Même la présence d’un imposant bureau en milieu de pièce, derrière lequel était installé Thêta, ou des nombreuses bibliothèques placées dans les intervalles entre les fenêtres ne tranchaient pas assez pour rompre le charme de l’endroit.
Ulrich devait avouer que sur le moment, il se serait bien laissé tenter par le coin du feu. Seulement, le regard patient qui lui faisait face l’engagea à prendre parole dès qu’il aurait terminé son inspection :
- Euh… tu ne devais pas venir me trouver une fois le ménage terminé ?
- Si, répondit l’être artificiel, mais rester à l’intérieur m’a d’un seul coup semblé préférable.
Le vagabond ne lui jeta pas la pierre sur ce point. Puis, il se souvint qu’il avait laissé des choses derrière lui.
- Fusion, souffla-t-il le moins fort possible.
Faisant fi des murs et autres obstacles, les vapeurs orangées, derniers reliquats des frères Stern, regagnèrent le corps de l’original, lequel n’était même pas certain que la manœuvre fonctionnerait à distance. Il fallait dire pour sa défense que les clones avaient généralement une durée de vie si limitée qu’en étudier les caractéristiques paraissait futile. Ce point réglé, il se soucia du suivant :
- Désolé. J’ai perdu le détecteur pendant les combats.
- Négligeable, balaya Thêta. Ce n’était qu’un outil à usage unique destiné à ton travail, que tu as effectué avec brio. Cela mérite rétribution.
Le propriétaire des lieux ouvrit un de ses tiroirs et en récupéra le tant espéré morceau de cristal, absurde réceptacle pour ce qui devait être une clé, qu’il donna en mains propres au Lyokô-guerrier. S’ensuivit la procédure déjà vue avec Phi : le fragment de clé prit le chemin des doublures du garçon et se fondit en lui.
- Bien. As-tu des questions avant de devoir me quitter ? Psi et Phi ne sont pas assez sérieux pour t’avoir dévoilé toutes les subtilités de la Matrice.
Ulrich ne s’attendait pas à une telle invitation. Cela dit, l’aura qui se dégageait de son interlocuteur n’encourageait pas à poser les questions les plus farfelues. C’était pourtant celles qui s’accumulaient le plus dans l’esprit du garçon depuis le début de l’aventure. De fait, il n’osa rien demander.
- Es-tu certain ? insista Thêta. Tu es donc au courant pour le dernier constituant de la clé de sortie et son gardien ?
- Oui.
- Sa localisation précise ?
- Non...
- Les obstacles sur le chemin y menant ?
- Ben… non.
Les khôlles avaient fusé rapidement et donné un sentiment de malaise au samouraï, dont l’inhumain parut se délecter à en voir son léger sourire supérieur.
- Lorsque tu auras récupéré les deux autres fragments sur l’Aire de Survie, il faudra te rendre sur l’Aire-Mitage. Peut-être en as-tu eu un aperçu depuis le repaire de Phi, c’est une zone constituée de trois planètes miniatures. Il serait même plus juste de parler de « bulle » au sein de la Matrice, qui échappe à notre champ d’action et reste sous le joug des règles qui y ont été établies. On ne peut y évoluer à l’envi. Un parcours prédéfini de planète en planète doit être respecté : qu’importe ton angle d’arrivée dans l’Aire-Mitage, tu atterriras toujours -
L’apparition d’une interface en suspension au-dessus du bureau interrompit le discours. Une icône de haut-parleur s’y dessina et vibra au rythme de la voix de Psi :
- Notre invité est avec toi ? Ou il se fait saucer ? Ou les deux ? Avec toi, je m’attends à tout.
Thêta laissa tout juste le temps à son camarade numérique de s’exprimer, avant d’appuyer sur l’icône à l’écran, le barrant automatiquement. Il tenait au moins à finir ses explications sans interruption.
- Je ne tiens pas à être trop impoli avec Psi, alors je vais te simplifier l’exposé : quand tu atterriras sur l’Aire-Mitage, rejoins la lumière. Elle te guidera dans l’Arène-sas.
Nouvelle pression sur l’interface de la part du programme.
- Tu peux t’exprimer à nouveau.
- Mon nouveau jeu est prêt, annonça Psi l’air de rien. Ulrich Stern peut venir l’essayer dès qu’il le voudra. Donc s’il s’ennuie sur l’Aire de Combat…
- Tu nous as interrompus pour ça !? s’emporta Thêta. Alors qu’il allait obligatoirement repasser par ton territoire ?
- Tout juste.
Une tentative de compréhension se peignit sur le visage de l’avatar en costume. Elle se solda en abandon. Pour finir, il se leva et contourna le bureau pour rejoindre son invité, à qui il tendit la main.
- Le devoir t’appelle. C’est ici que je te dis au revoir.
Surpris que son hôte soit repassé à un comportement moins chaleureux, Ulrich échangea tout de même le ferme salut avec lui. Il se sentit même obligé de placer quelques mots pour meubler le silence gêné qu’il sentait poindre :
- Merci pour l’aide.
- De même. Bonne continuation sur la Matrice. Reste sur tes gardes et n’oublie pas ma Pokéball.
Un zap lumineux survint. Le sabreur se retrouva subitement sous la pluie, au bord du gigantesque plateau circulaire constituant l’Aire de Combat. Cet au revoir avait été à l’image de l’administrateur des lieux. Abrupt. Ulrich gardait néanmoins une impression positive de cette dernière rencontre, largement plus abordable et accessible que les trois autres.
Sur ces considérations, il porta un dernier regard sur la décharge métallique et sa tour centrale qui se dessinait derrière le brouillard, avant de s’élancer depuis le rebord vers sa prochaine destination. Il espérait juste que Thêta ne lui avait pas fait de farce et l’avait téléporté sur un véritable point de départ pour l’Aire voisine.


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Au laboratoire souterrain de l'usine abandonnée, les états d'esprits des trois occupants étaient plus que transparents. Jérémie, dans une concentration apparente, pianotait si frénétiquement son clavier qu'il paraissait punir physiquement la machine de ne pas fournir de résultat à ses recherches. Aelita et Yumi, installées plus loin sur le sol, enchaînaient les parties de Speed, toutes remportées par la nippone, qui présentait une tendance hyperactive teintée de brutalité. La Gardienne de Lyokô, quant à elle, se contentait de subir impuissamment la situation, aussi bien aux cartes que pour la situation du moment. Une ambiance pas propice à la relaxation ou à la légèreté donc.
L'aînée jetait régulièrement des coups d’œil vers son ami assis au poste de commande, comme si cela avait un quelconque pouvoir sur l'avancée des investigations. Même si elle s'était excusée auprès de lui pour sa crise de la veille, elle gardait encore une certaine dent contre lui, qui lui permettait de rationaliser la disparition d'Ulrich. Une nuit et une matinée sans nouvelles légitimaient son état d'esprit selon elle. De surcroît, l'attente du moment n'arrangeait rien à son humeur.
Puis, l’affichage soudain d’une fenêtre caractéristique à l’écran du superordinateur donna un coup de pied dans la fourmilière :
- Les filles, interpella Jérémie avec une pointe de stress, foncez en salle des scanners. Vite !
Yumi, montée sur ressorts, fut debout et engagée dans le passage menant à la salle inférieure avant même qu’Aelita n’aie le temps de poser sa question.
- Qu’est-ce qu’il se passe ?
- Je vous expliquerais en chemin.
Sentant l’urgence dans la voix de son ami, la fille aux cheveux roses se dépêcha de suivre les traces de son amie.


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Dès qu’il fut certain de se trouver dans l’espace aérien étoilé propre à l’Aire de Survie, Ulrich s’acquitta précipitamment de son dernier devoir envers Thêta. Il profita de l’élan provoqué par son dernier rebond pour libérer le contenu de la Pokéball mystère, devant lui. À la traditionnelle lumière de relâchement se succéda une tache rosée qui disparut quasi-instantanément. Ne cherchant même plus à s’étonner ou s’interroger sur cette ultime étrangeté en date, le voyageur bondissant veilla plutôt à générer le DMA qui lui ferait garder le cap et les pieds en l’air. Avec négligence, il jeta alors par-dessus son épaule la sphère contenant encore quelque chose l’instant précédent.
Une dizaine de ricochets plus tard, le Disque Phlégéthon était retrouvé, avec cette fois-ci un aspect entièrement noirci duquel des tâches de lave commençaient à poindre. Par chance, Sigma et Psi s’y étaient établis, remarquant de fait l’arrivée de l’avatar jaune-orange. L’accueil fut à l’image du duo :
- Waouh, il a survécu à une entrevue avec Thêta.
- Ce n’est pas un exploit en soi. Je note surtout que l’autre bureaucrate a trouvé le moyen de ne rien foutre pendant qu’on faisait le boulot à sa place, une fois encore.
- Tout est relatif, moi je le pensais mort depuis un moment…
Le Thêta-bashing se poursuivit sur quelques répliques encore, sans que Stern ne se sente obligé d’intervenir. Depuis qu’il était dans la Matrice, il avait largement eu le temps d’intégrer qu’avec les intelligences artificielles du coin, il valait mieux suivre le précepte du « Chaque chose en son temps », sous peine d’en perdre encore plus. Cela se vérifia lorsque Sigma s’intéressa à nouveau à lui :
- Alors, tu as ce que je t’ai demandé ?
Le ton utilisé dans la demande ne plut pas à Ulrich, qui se contenta de maugréer dans sa tête un « Sale gamine », tout en détachant la Pokéball de sa ceinture pour la tendre à la gérante du volcan. Celle-ci ne perdit pas une minute pour libérer le Kankrelat emprisonné, à ses pieds. Fidèle à sa nature, la créature eut un petit sursaut – le changement brutal de décor sans doute – puis commença à tirer sur la cible la plus proche. Tranquillement, Sigma para les lasers d’une main ardente de Li Fou Chang parfaitement maîtrisée, avant de combler la distance la séparant du monstre de Xana, qui arrêta d’attaquer sous ce qui paraissait être le couvert de l’incompréhension. Le pou beige se fit soulever par les deux mains de la matricienne, desquelles il tenta de se dégager par l’agitation.
- Soumets-toi.
L’injonction eut pour effet immédiat de faire s’animer le symbole caractéristique sur le front du Kankrelat. Tel une tache d’encre dansant sur une surface hydrophobe, le communément nommé « œil de Xana » se remodela en un sigma grec majuscule. Ce faisant, la petite créature se calma. Posée au sol par sa nouvelle maîtresse, elle resta sagement immobile.
- Je l’adore, déclara l’acquéreuse de la bestiole. Il faudra juste le teindre en noir pour qu’il soit parfait.
Ulrich se racla peu subtilement la gorge.
- Ah oui, le fragment de clé. Prends-le.
De la même façon que Phi auparavant, Sigma généra le cristal dans sa main. Après quoi elle l’envoya nonchalamment vers le captureur de monstre. Le morceau de roche rejoignit aussitôt l’emplacement de ses deux semblables.
Des applaudissements polis se firent entendre.
- Félicitations, fit Psi en interrompant ses mains. Trois fragments sur cinq, la fin commence à se profiler.
L’être virtuel ménagea un silence, calculé pour que l’invité exprime inutilement des choses face à sa constatation. Il n’en fut rien.
- Tu as l’air motivé pour passer à la suite au plus vite. C’est bien. La nouvelle épreuve que je t’ai prévue est un cran au-dessus des petites quêtes que tu as dû mener pour les trois autres.
- Et ça va consister en quoi ? demanda Ulrich d’un ton qui se voulait détaché.
- Attrape-moi si tu peux !
Sa réplique taquine placée, Psi s’éleva rapidement à coup de DMA en direction de la montagne de glace volante. Ulrich le prit comme une invitation et s’éleva à sa suite.


L’itinéraire emprunté mena le samouraï et le programme sur une petite plateforme circulaire relié à l’immense monolithe sculpté par un pont d’eau solide, lequel semblait prêt à céder sous les pas du premier Odd venu. Pour ne pas arranger les choses, le blizzard soufflait allègrement.
- Bienvenue au Mont Abrupt, annonça théâtralement Psi. Pas trop froid à ton goût j’espère ?
Le Lyokoïte contempla le paysage à la palette de couleurs limitée et songea que le lieu cristallisait totalement le concept qui devait se cacher derrière l’appellation « Aire de Survie ». Sur le moment, il remercia sa chance – pourtant pas très au top dernièrement – pour ne pas avoir subi cette situation dans son corps de chair.
- Alors, je dois faire quoi ? interrogea-t-il à nouveau.
Il avait tenté de singer l’attitude au sang chaud d’Odd dans sa question, pour signifier son manque de patience tout en gardant sa contenance habituelle.
- Je t’ai déjà répondu. Ce sera un « Attrape-moi si tu peux ». J’ai confié mon fragment de clé à un gardien, qui vagabonde sur le Mont Abrupt en ce moment même. Il te suffit de la capturer pour gagner.
- J’aurais droit à une Pokéball avec toi ? ironisa Stern en référence au travail pour Sigma.
- Inutile, ricana Psi. Le jeu est considéré comme remporté à partir du moment où il y a contact avec le gardien, aussi infime soit-il. Tu le constateras par toi-même.
Ulrich se frotta les mains par réflexe. En temps normal, ce geste le conditionnait mentalement avant un entraînement d’arts martiaux, l’enjoignant à se concentrer. Ici, il était repris simplement pour signifier qu’il était dans de bonnes conditions pour partir.
- Minute p’tit brun. Là aussi, il y a des règles à respecter. Tu n’aimerais pas encore perdre sur leur non-respect ?
« Cause toujours ! » balança mentalement le sprinteur coupé dans son élan, en même temps qu’un regard parlant à celui qui souriait narquoisement.
- Les armes sont interdites pendant la durée du défi. Remets-moi ton sabre. Il te sera rendu quand tu quitteras la montagne.
- Et si j’ai besoin de me battre ?
- Il n’y a rien à affronter au Mont Abrupt, si ce n’est la tempête de neige. Le gardien, lui, ne cherchera qu’à t’échapper.
Vaincu, Ulrich remit docilement la lame à la main tendue. Il eut l’impression que son corps était déséquilibré sans le léger poids sur sa gauche.
Sans prévenir, Psi effectua une pichenette sur le front bandé du bretteur désarmé. Ce dernier ne sentit absolument aucune douleur ni autre sensation étrange. En conséquence, il n’émit aucune plainte et attendit l’explication.
- Le bleu rend mieux que je ne le pensais sur ta tenue.
Baissant immédiatement les yeux, il fut surpris de voir que les couleurs chaudes habituelles de son costume étaient passées à des teintes glaciaires, principalement bleues.
- Simple moyen de « geler » ton DMA, expliqua l’auteur du fait. Tu ne pourras pas l’utiliser tant que tu auras cette apparence.
- Hé, c’est pas très fair-play ça ! protesta sa victime. Si j’ai pas le droit aux armes, je peux bien garder mes pouvoirs au moins !
- Oui, tu as raison. Seul le DMA est concerné par la restriction, parce qu’il n’est pas naturel sur ton avatar et que ça rendrait ta tâche beaucoup trop simple. J’en veux pour mon argent, n’oublie pas.
Excédé, le jeune homme eut envie de répliquer qu’une I.A n’avait pas d’argent. Évidemment, pour éviter d’allonger toujours plus inutilement le script, il fut forcé de s’abstenir.
- Allez, ne fais pas cette mauvaise tête, je te donnerais une modique compensation plus tard pour cette ultime règle. Si tu valides l’épreuve.
- Supersprint.
Le léger nuage neigeux que souleva le départ-éclair du Lyokô-guerrier en bleu ne retomba que lorsque ses jambes atteignirent la moitié du pont de glace.
De son côté, Psi s’interrogea ce qu’il venait de se passer, de son point de vue d’être artificiel : cette réaction avait-elle été provoquée par l’appât du gain ou l’irritation face à son comportement à lui ? Analyser ces questions lui ferait passer le temps, en attendant que l’humain finisse, fasse une pause ou abandonne.


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Ce n’est qu’en y pénétrant franchement qu’Ulrich comprit à quel point le blizzard limitait sa vision. Pour cette raison, il repassa en vitesse de course standard, afin d’éviter toute mauvaise surprise. Au moins, ses pieds avaient une excellente adhérence sur le sol de glace, ce qui n’était pas toujours le cas dans la Banquise de Lyokô. Il était assuré de pouvoir mettre la gomme au besoin.
De plus près, le Mont Abrupt ne ressemblait pas vraiment à une montagne standard. Sur la large base en forme de stalactite se déployait un chemin de falaise – sur lequel l’explorateur était engagé – faisant le tour d’un édifice couvert à la forme et aux dimensions évoquant un très grand stade. Le haut de ce dernier, grossièrement plat, accueillait un début de mini-montagne en pente raide menant à ce qui devait être le sommet du lieu, la visibilité n’aidant pas à plus détailler la chose.
Toujours est-il que le samouraï sans sabre déambulait autour de l’ensemble glacé, à la recherche d’un accès permettant de s’élever ou de s’engager plus profondément dans le lieu inhospitalier. De toute façon, ce n’était pas comme s’il allait tomber sur le gardien de Psi d’entrée de jeu… Il s’arrêta brusquement. Une forme, difficilement visible à cause de la météo mais apparemment humanoïde, se tenait au milieu du chemin. Avec prudence, Ulrich s’en approcha, jusqu’à n’en être qu’à un jet de pierre. Difficile de s’y tromper avec les oreilles pointues et la tunique caractéristique dans des tons blancs, il avait affaire à un elfe tout ce qu’il y a de plus classique. L’originalité chez cet être par rapport à ses semblables était à trouver dans ses cheveux noirs, au lieu de la blondeur usuelle, mais également sur son visage, noir sur une moitié irrégulière, là où le reste était immaculé. La cape noire sur ses épaules était également notable, qui assurait presque à elle seule sa visibilité dans l’environnement hivernal.
Il n’y avait pas à réfléchir ni à observer plus longtemps, l’elfe était la cible à attraper. D’un bond accompagné d’une traînée bleutée, le Lyokô-guerrier se jeta sur la double-face, pour la traverser comme un fantôme. Fort de ses réflexes, il se retourna dès la fin de son mouvement, pour constater que son opposant, parcouru d’ondulations et légèrement déformé comme une image de télévision captant mal, avait fait de même. Il adressa un sourire railleur accompagné d’un bras d’honneur au collégien avant de se volatiliser dans des bruits électriques parlants.
« Un leurre… » songea Stern avec irritation. L’explication se tenait, connaissant la caractère joueur de Psi, plus sa propension à compliquer les choses. Au moins savait-il à quoi ressemblait le gardien désormais.
Il ne s’attarda pas plus longtemps et continua de longer le mont. Le chemin finit par s’arrêter, tout juste au pied de l’entrée d’une caverne perforant le socle sur lequel reposait le sommet. Naturellement, il s’y engagea. Contrairement à son expérience dans le volcan de Sigma, il n’eut pas à évoluer dans l’obscurité. Les parois de glace de la grotte dégageaient toutes une phosphorescence bleutée, du sol au plafond, ce qui donnait un éclairage satisfaisant à défaut d’être optimal. Très vite, une intersection se présenta, proposant pas moins de trois chemins possibles. Un labyrinthe était pile le genre d’obstacle qui ennuyait Ulrich, en particulier pour un défi comme « Attrape-moi si tu peux ».
S’il n’avait plus vraiment de patience envers ce qu’il subissait dans la Matrice, il eut toutefois le mérite de garder la tête suffisamment froide pour prendre une décision. Pour cela, il se remémora sa première exploration du Cinquième territoire et des conseils de Jérémie lors de la traversée du Noyau. Toujours prendre dans la même direction en y apposant des marques et prendre une autre direction si on tombait sur une marque. Instinctivement, il dégaina son sabre, ou plutôt fit mine de le dégainer, puisqu’il ne l’avait plus. Il comprit alors pourquoi il n’avait droit ni à la plateforme de rebond, ni à son arme. Avec, il aurait pu contourner ou traverser plus facilement le labyrinthe. Cela dit, un précieux indice se cachait derrière cette déduction : si Psi avait tenu à le priver de ces attributs, c’est qu’il tenait absolument à ce qu’il s’engage dans le dédale, alors qu’y placer le gardien dans ce but aurait suffi. Par conséquent, il y avait de fortes probabilités que l’elfe ne se terre pas dans les entrailles du Mont Abrupt, mais plutôt dans sa zone supérieure.
Remotivé par la restriction de son champ de recherche, le garçon désarmé prit à droite sans hésiter. Puisqu’il ne pourrait compter ni sur son sens de l’orientation, ni sur sa mémoire peu fiable, il n’y avait plus qu’à tout miser sur la chance, ce qui était à peu de choses près la seule alternative.


Ainsi démarra une longue errance dans les couloirs aux reflets bleutés pour le Lyokô-guerrier. Au début, il s’efforça vraiment de dessiner mentalement une carte des lieux à partir des itinéraires empruntés. Puis, le nombre d’impasses s’accumula, les galeries largement plus, toutes plus uniformes les unes que les autres. Fatalement, il perdit le fil et s’en tint au légendaire pifomètre. À cet effet, ses mouvements passèrent en mode automatique, décidant par le biais de l’instinct s’il fallait prendre à droite, à gauche, tout droit, ou même carrément revenir en arrière – fonction utile surtout pour les culs-de-sac. Puis, au fur et à mesure que le vide s’effectuait dans son esprit, son système sensoriel gagna en acuité. Évidemment, l’absence de goût, d’odorat et d’une partie du toucher dans la virtualité favorisait l’affûtage des sens restants. Sans compter que dans le cas d’Ulrich, ses yeux ne faisaient plus que donner les informations spatiales au cerveau pour que celui-ci dirige le corps en conséquence. La monotonie des environs avait relégué la fonction d’admiration et de peinture des choses au second plan.
Grossièrement, l’ouïe devint le sens le plus développé du jeune homme au cours de sa traversée du labyrinthe. La première information sonore qu’elle lui rapporta fut le bruit de ses propres pas, lequel résonnait discrètement à sa suite. S’il avait décidé de ce focaliser dessus, il aurait très certainement intensifié l’état mécanique dans lequel il se trouvait. Cependant, ses oreilles décidèrent d’animer la coquille qu’il était, en traînant plus loin qu’elles ne se l’autorisaient naturellement. Tout d’abord, il n’y eut aucun retour audio, tout au plus un vague silence étouffé. Ce n’est qu’ensuite que le léger sifflement autorisa sa perception, qui alla en s’intensifiant, jusqu’à être identifié comme étant le blizzard extérieur s’infiltrant bruyamment dans les couloirs. La sonorité évoqua à Ulrich un cri du cœur dépité lancé contre le Mont Abrupt. Le vent devait être frustré de ne pas réussir à faire s’écarter le relief de son chemin et en désespoir de cause, s’infiltrait là où il le pouvait pour signifier son non-abandon. En un sens, il comprenait la situation de l’élément, qui se rapprochait de la sienne métaphoriquement parlant. Toutefois, plus il l’écoutait, plus son sentiment se mua en autre chose : de la peur. Plus il écoutait, plus son sang virtuel – qu’il existe ou non – se glaçait. Ce n’était pas du vent qui provoquait ce cri, ou plutôt ces cris, car le Lyokô-guerrier en était persuadé, plusieurs voix différentes étaient discernables. Le labyrinthe était hanté, rien d’autre. Des âmes en peine exprimaient leur souffrance, de la manière la plus stridente possible. Oppressé, l’invité de la montagne augmenta instinctivement la cadence de ses jambes, mais rien n’y faisait, les bruyants murmures – qui n’étaient pas des cris en définitive – se rapprochèrent progressivement de lui. Il en était persuadé, les âmes errantes voulaient l’entraîner avec elles et le corrompre jusqu’à ce qu’il devienne comme elles.
Sans qu’il ne s’en rende compte, son corps activa le Supersprint, tout en gardant le guidage automatique dans le dédale. Par miracle, il ne rencontra aucune voie sans issue, ce qui n’entrait pas dans les critères de sa priorité du moment, à savoir fuir et survivre. Mais les âmes étaient aussi rapides que la pensée, donc au moins autant que lui. Dès le moment où il accéléra, leurs voix gagnèrent en puissance et en présence, s’engouffrant toujours plus dans ses oreilles. Le comble de l’accablement fut atteint lorsqu’Ulrich commença à les percevoir à l’œil nu, elles qui étaient censées être immatérielles. Pour tenter d’étouffer les voix, il avait tenté de se concentrer sur un autre sens, la vue en l’occurrence. Loin de fonctionner, le procédé lui fit voir un reflet sur une paroi lui faisant face dans une intersection à trois branches. Il assimila immédiatement l’apparition aux voix qu’il entendait et bifurqua immédiatement à gauche. En y regardant de plus près, il releva également dans les coins de ses yeux les reflets d’autres âmes, qui le poursuivaient consciencieusement, attendant probablement qu’il s’épuise ou abandonne la partie. Sons et images se mêlèrent dans son esprit, pour former un ensemble qui lui donnèrent le plus grand vertige de son existence. Terrifié, il se sentit défaillir. Ce n’était peut-être pas plus mal ainsi, il suffisait de se laisser envahir par la sensation de chute libératrice jusqu’à l’impact, qui ne serait pas agréable, mais bref et surtout définitif. Plus d’âmes égarées dans le labyrinthe pour le tourmenter, plus besoin de fuir, ou de bouger pour une raison depuis longtemps oubliée. Oui, tout ser -
SBLAFF !!
Ulrich vit subitement trente-six chandelles et s’effondra par terre, sur le dos. Finalement, il avait fini par se la prendre, cette impasse. La confusion eut néanmoins le mérite de lui faire oublier toute autre préoccupation antérieure, mais pas les émotions et sensations vécues. Fortement éprouvé, il bascula dans une position en boule, par besoin irrépressible de reprendre des forces mentales. Il laissa passer un, deux, dix, quinze, quarante-trois moments avant de commencer sa reprise en main. Celle-ci commença par un regard autour de lui, révélant qu’effectivement, il était allé droit dans le mur du cul-de-sac, mais surtout que ce dernier avait un interrupteur en forme de Psi grec fiché en son sein. Ce fut l’électrochoc pour la samouraï remis de ses hallucinations, qui dut se faire violence pour ne pas se jeter avidement dessus. D’un côté, il était logique de penser qu’il s’agissait d’un dispositif permettant de sortir du labyrinthe, mais de l’autre, il pouvait tout aussi bien cacher un nouveau piège tourmenteur… Et il n’était pas prêt à revivre une expérience troublante et infernale au clair des murs phosphorescents. Cela dit, maintenant qu’il était extirpé de son délire, un sentiment de malaise envers le lacis de galeries affleura en son for intérieur. En regard de cet élément décisif, il prit la décision d’enclencher le bouton-lettre.
Dans le lointain, un cliquètement mécanique sec se fit entendre. Après quoi, une trappe parfaitement dissimulée dans le plafond au-dessus d’Ulrich s’ouvrit, laissant tomber une échelle qui se planta au sol, à ses pieds. Cette fois-ci, il n’y eut aucun débat mental sur le fait de monter ou non, la réponse était évidente.


La montée du boyau creusé en tuyau demanda un petit délai de traversée avant que le Schtroumpf grognon ne puisse émerger dans la neige et son indissociable tempête – laquelle avait empiré au vu du noircissement céleste. En s’extirpant de l’échelle, il fut surpris de voir ses pieds s’enfoncer dans la poudreuse et laisser de véritable traces, que les flocons ambiants recouvriraient certainement. La Banquise elle-même n’atteignait pas ce niveau de réalisme.
L’environnement pour lequel le labyrinthe faisait office de socle était simpliste : une large plaine neigeuse, grossièrement elliptique et entourée par des remparts mi-rocheux, mi-glacés découlant de la continuité des bords de la caverne du dessous. Au centre de tout ça, le point culminant de la montagne, moins intimidant que lorsqu’il l’avait vu plus tôt. Comme tout élément de la Matrice, sa singularité résidait dans sa forme. Le « sommet » en lui-même était formé par un gigantesque pilier noir octogonal et à l’embout fracturé sur lequel s’entassait la neige tombante. Autour de cette structure, un entassement irrégulier d’eau congelée et floconneuse se déployait, de façon à créer une pente praticable à pied sur un des côtés, tandis que l’autre ne servait qu’à soutenir la colonne sous le poids exercé à l’opposé. Le chemin menant au sommet avait l’ultime particularité de se finir par ce qui s’apparentait à deux bras aquatiques solides faisant un câlin au pilier, quelques mètres avant la cime de celui-ci. C’était comme si l’élément naturel s’accrochait consciemment à l’indifférent pylône, afin de ne pas se retrouver seul dans cette immensité majoritairement bichromatique.
Trêve de contemplations, du mouvement se fit percevoir un peu plus loin de la position d’Ulrich. Deux taches noires fugaces percèrent le rideau de neige ambiant. Il n’en fallut pas plus au sans-arme pour foncer dessus, sans paraître importuné par l’épaisse couche de neige au sol qui ralentissait nécessairement ses mouvements, tout utilisateur de Supersprint qu’il soit. Plusieurs mètres avalés ensuite, il tomba sur deux elfes identiques à celui rencontré en début de parcours – ou du moins d’autres duplicatas – s’adonnant à une balade en plaine. Son angle d’arrivée avantageux, combiné à l’étouffement des sons par le tapis blanc, lui permirent d’effleurer une première cible, qui se déforma avant d’être « zappée ». Son jumeau eut le temps d’effectuer un souple bond en arrière et de se mettre en garde, pendant que le Lyokoïte changeait de direction non sans soulever un petit nuage dans son déplacement. Il se jeta sur l’être numérique, qui esquiva habilement malgré la super-vitesse. Cette même séquence d’attaque et d’évitement se répéta trois fois supplémentaires, avant que des mesures plus drastiques ne soient adoptées avec un Triplicata.
- On le prend en tenaille les gars ! ordonna Stern.
D’expérience, le samouraï savait que ses clones donnaient de meilleurs résultats laissés en roue libre avec des instructions orales que maintenus dans un état de contrôle permanent. Les résultats confirmèrent ce constat, puisque l’elfe, en tentant de se replier, se fit cerner en un éclair avant de se faire toucher par l’humain original. Évidemment, il s’agissait aussi d’un leurre.
Retrouvant la dynamique de travail adoptée sur l’Aire de Combat, les Ulrich enchaînèrent sur un passage au chasse-neige de la plaine, adoptant pour l’occasion une formation de course en triangle. Cette nouvelle auto-collaboration s’avéra très fructueuse et largement moins risquée que le travail imposé par Thêta, puisque les faux-ennemis ne pouvaient concrètement pas attaquer. Les triplés purent ainsi s’adonner à leur jeu favori, le légendaire « Foncer dans le tas », enterrant complètement le « Attrape-moi si tu peux » proposé par Psi. À partir de ce changement d’intitulé, une dizaine de leurres furent zappés et, plus important, le chasseur d’elfe retrouva la pêche, commençant même à s’amuser pour la première fois depuis qu’il était dans la Matrice.


Un énième leurre se présenta à eux. Évidemment, le trio à la stratégie bien rodée s’élança vers cette nouvelle proie, qui se défendit aussi bien que les autres duplicatas en esquive. Fatalement et rapidement, elle finit par être encerclée. C’est alors qu’elle eut une réaction très originale : telle une bouche d’incendie, double-face cracha un puissant jet d’eau à ses pieds, qui eut l’effet de le propulser avec puissance dans les airs, chose que la physique classique n’aurait jamais permise. Après quoi, l’Hydrocanon fut redirigé de façon à ce que son lanceur puisse contrôler sa trajectoire dans les airs et adopter une trajectoire en arc de cercle qui l’envoya suffisamment loin des collégiens médusés. Cela lui permit de s’échapper, sous couvert du blizzard.
- Merde, fait chier, lâcha l’Ulrich original.
Il se dépêcha de relancer la quatrième vitesse, qui était son meilleur espoir de mettre la main sur le gardien des lieux. Dociles, ses clones suivirent le mouvement, même lorsqu’il fallut commencer à grimper la pente escarpée en direction du sommet. Pour le Lyokônaute, il était évident que le véritable elfe l’attendrait là-bas, son itinéraire rectiligne parlant pour lui. Cela ne l’empêcha pas d’être consciencieux et de toucher les huit duplicatas qui lui barrèrent la route chacun leur tour. Hors de question de se faire enfler à nouveau pour négligence.
Son allure lui permit de rejoindre le toit de la Matrice dans un délai plus qu’honorable. Il ne chercha même pas à profiter du panorama, qu’il devinait au mieux tempétueux, blanc et grisâtre avec des touches bleutées. De même, il ne s’inquiéta pas de se tenir sur la surface haute d’un pilier au diamètre équivalent à deux aires de combat sumo. Tout ce qui importait était la présence de sa cible, en triple exemplaire. Il n’y avait pas plus explicite en terme d’invitation et d’hommage. Par réflexe, Ulrich s’assura du coin de l’œil que ses doublures étaient toujours là. Ce fut le cas. Par conséquent…
- Yaaaah !
Chaque avatar bleu se jeta sur l’elfe qui lui faisait face. Deux d’entre eux se laissèrent traverser sans même esquisser le moindre geste, tandis que le dernier sauta dans le vide derrière lui. Bien entendu, les frères Stern avaient tout donné dans leur impulsion initiale, au mépris de l’espace terrestre limité du point culminant du Mont Abrupt, ce pourquoi ils suivirent l’être folklorique dans sa dégringolade. Toutefois, loin de paniquer, l’esprit égaré décida de profiter de l’opportunité :
- Fusion. Triplicata !
Les deux répliques, initialement trop éloignées spatialement de l’original, se matérialisèrent cette fois-ci juste à côté de lui – fait intriguant : elles conservèrent la même vitesse de chute – afin d’être utilisées de façon optimales. Aux commandes, Ulrich attrapa le bras d’une copie, qui lui rendit la prise en la resserrant. Le dernier larron s’accrocha à leurs corps et se positionna dans leurs dos, sans les lâcher. Enfin, les deux premiers se propulsèrent à l’aide du Supersprint, en prenant comme appui pour un pied leur camarade samouraï. La manœuvre les rapprocha sensiblement de l’être aux oreilles pointues. Leur élan, couplé au positionnement aérien optimisé, les assurait de toucher leur cible dans les secondes à venir. C’était oublier que cette dernière avait un karcher dans la bouche, utilisable dans toutes sortes de situations, dont faisait partie la chute libre. Dans ce but, la créature prit une forte inspiration, détail que les Stern ne laissèrent pas s’échapper et qui mit à rude épreuve leurs réflexes. La doublure restante, plus adaptée à cette tâche et à la situation, effectua la même action que son frère laissé en arrière, permettant à l’original une nouvelle propulsion. La trajectoire improvisée qu’il adopta le plaça hors du chemin de la trombe d’eau, mais le laissa suffisamment proche de celle-ci pour que son lanceur reste à portée de main. Malgré le boost de vitesse que l’elfe avait obtenu grâce à son attaque, Ulrich resta trop rapide pour qu’il ait le temps de détourner son jet correctement. De fait, il se fit toucher sur la partie gauche du visage, la blanche.
Instantanément, le gardien du Mont Abrupt éclata en pétales de cartes virtuelles, vite dispersés par la tempête. Le Lyokô-guerrier ne fit pas grand cas de cette victoire, le problème de l’atterrissage étant bien plus pressant. Ce n’était pas comme s’il avait bondi sans réfléchir, mais à la base, il avait plus ou moins compté sur la protection enveloppant son esprit dont Phi lui avait parlé. Il la perdrait définitivement, mais au moins survivrait-il à la chute. Enfin, il l’espérait fortement plutôt. De toute façon, il n’avait plus vraiment le choix… Autant assumer le coup de tête jusqu’au bout en préparant du mieux possible le corps à l’impact. Pour cela, il se tortilla en l’air pour tenter un positionnement plus avantageux que la face en avant. Il remarqua dès lors un détail non-négligeable : son costume avait repris ses couleurs chaudes habituelles.
Sans réfléchir, il déploya une plateforme de rebond à propulsion automatique. La tentative fut un succès : en traversant le logo, une force contraire brutale s’exerça et il repartit en sens inverse sur quelques mètres, avant d’être à nouveau agrippé par la gravité. À l’instar d’une balle rebondissante dans un escalier, Ulrich se servit de plusieurs DMA pour ménager son retour à la neige ferme. Il eut d’ailleurs à peine le temps d’adresser un petit remerciement à la déesse de la chance qu’un éclat lumineux attira son regard : à quelques mètres de sa position, un morceau de cristal flottait. Le fragment de clé. Avec avidité, il récupéra la juste récompense et ne put s’empêcher d’exulter :
- Les gars, on a réussi ! Plus qu’un !
Il balaya des yeux les environs, prêt à accueillir les sourires que les images de lui-même allaient lui décerner. Naturellement, il n’y avait personne.
- Fusion ?
Aucune émanation orangée ne le rejoignit. D’un seul coup, il se sentit bien seul…


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Ulrich ne s’attarda pas plus longtemps dans le Mont Abrupt et retourna à son point de départ, auprès de Psi qui n’avait pas bougé. En revanche, la lance qui flottait à ses côtés, pointe vers le haut, n’était pas forcément symbole de bonnes nouvelles.
- GG, l’accueillit l’intelligence artificielle.
Pas de réaction de la part du vainqueur, ce qui signifiait en langage humain silencieux d’en venir aux faits.
- Ne te bile pas pour ce grigri, c’est simplement ton taxi pour l’Aire-Mitage, un des seuls existant d’ailleurs… Bref, si j’étais toi, je ne traînerais pas plus longtemps dans les environs, Sigma gère actuellement un « désastre rose » et elle a sa petite idée sur qui l’a introduit sur l’Aire de Survie…
L’esprit en vadrouille tiqua à peu plus face à cette mention :
- Je vois. Dans ce cas, je ne vais pas vous déranger plus longtemps. Je pourrais récupérer mon sabre ?
Psi prit à deux mains l’épée, puis prononça :
- Duplicata.
Il fit s’éloigner les mains l’une de l’autre, chacune serrant un katana à teinte bleutée. Les deux canifs ainsi obtenus furent tendus à l’épéiste au statut retrouvé, qui les accepta avec appréhension. Il en attacha un à l’endroit habituel de sa ceinture, l’autre à l’opposé.
- Avec les intérêts comme promis, expliqua le « forgeron ». Chaque sabre possède un pouvoir. Celui à ta gauche peut envoyer des salves d’énergie. La lame de droite peut absorber les attaques énergétiques, les accumuler, puis les relâcher sous forme d’un champ de protection entourant ton corps. Je ne t’explique pas plus, c’est super instinctif d’utilisation. Ça te sera utile pour traverser l’Aire-Mitage et combattre le défenseur du dernier fragment de clé.
- Merci, formula Stern avec le moins de reconnaissance possible.
Un silence se fit, jusqu’à ce qu’une question ne germe subitement :
- Par contre, comment ça se fait que depuis le temps, vous ne vous soyez pas occupés de ce gardien ? Si j’ai bien compris, c’est une création de Franz Hopper et vous ne le portez pas dans votre cœur…
- Une astuce toute bête : l’Arène-Sas a la particularité de ne laisser entrer qu’un individu virtuel à la fois. On ne peut affronter son gardien qu’en combat singulier. Et bien sûr, il est capable de vaincre n’importe lequel de nous quatre dans cette configuration.
Le voyageur virtuel eut soudainement la sensation de faire face à un mur très haut. Jusque-là, toute les tâches qu’on lui avait confié lui paraissaient à sa portée. Celle-ci, pas du tout.
- Ne fais pas cette tête, il est spécialement conçu pour nous arrêter nous, pas un esprit humain égaré. Au mieux tu n’auras pas à combattre et au pire, tu as tes chances face à lui, avec ton avatar amélioré.
Ces éclaircissements ne furent pas consolateurs pour autant sur ce qu’il y avait en bout de parcours matricien.
- Bien, déclara Psi. Puisque Thêta t’as déjà transmis l’essentiel sur l’Aire-Mitage…
Il lui tendit la main, à la manière de son collègue avant lui. Cette fois encore, Ulrich respecta la politesse typiquement masculine. Durant l’échange tactile, il sentit comme un léger courant électrique le parcourir.
- Ton pouvoir de clonage a été régénéré. Désormais, tu es entièrement armé pour l’ultime zone de la Matrice. Tâche d’y survivre au moins.
La nouvelle mit plus de baume au moral de l’adolescent qu’il ne le laissa paraître. Profitant du regain de motivation que cela induisit, il adressa un vague geste de remerciement de la tête avant de se saisir à deux mains de la lance.


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Odd sentit la nervosité le prendre. Son camarade de chambre allait passer à la casserole, avec pour seuls remparts un prof de sport supplanté par l’ennemie principale du jour et lui-même. Heureusement qu’il n’était pas doué en statistiques, ça lui évitait d’avoir à calculer les chances, de réussite comme d’échec.
- Bien, annonça le proviseur tout en se servant une boisson à la machine adjacente aux casiers, nous en sommes donc à Stern Ulrich. Quelqu’un veut un potage poireaux-navet ? Désolé, il n’y a que ça.
Le Lyokô-guerrier faillit céder à la tentation du ventre, avant que ce dernier ne lui rappelle qu’il était noué, chose dont il n’était pas vraiment habitué.
- Eh bien, je dirais que là on a un problème… lança M. Fumet, sans appel.
- Oui, tout à fait, c’est scandaleux, ils pourraient prévoir d’autres arômes : tomate-potiron, ou tout simplement du café.
La haute autorité de Kadic regarda l’enseignant droit dans les yeux, témoignant de son grand sérieux sur le sujet.
- Non. Moi je voulais parler de Stern.
Étrangement, personne n’afficha d’expression déroutée ou perplexe, ni ne releva le dérapage de Delmas. Odd se demanda si les professeurs y étaient habitués à force de le fréquenter.
- Ah, Stern ! attaqua immédiatement Hertz. L’exemple-type de l’élève qui a décidé de ne plus travailler du tout. Les résultats sont au mieux catastrophiques. Alors en ce qui me concerne, je propose un transfert immédiat dans une troisième allégée, où il aura peut-être une chance de se mettre à niveau.
Le pointu n’était pas préparé à un assaut aussi direct. Il ne parvint pas à placer la moindre désapprobation que Jean-Pierre but cul-sec son potage avant d’annoncer de la voix grave de celui qui veut retrouver sa prestance, ou de celui qui a avalé une boisson chaude trop vite :
- Est-ce que tout le monde est d’accord ?
Des murmures approbateurs se firent entendre dans la salle de réunion, plus particulièrement le « Bah oui je crois que c’est la meilleure option » de l’unique femme de l’assemblée.
- Pas du tout d’accord ! proféra Jim en se levant d’un seul coup.
Odd ne cacha pas sa surprise, persuadé que le surveillant ne tenterait rien, du fait de son différend apparent avec Hertz. Cela dit, il était bien arrangé dans l’affaire, lui qui ne savait pas trop comment se lancer et qui était prêt à jouer la carte dramatique, sa préférée. Il se reprit alors rapidement et suivit le mouvement en cours :
- Moi j’dis pareil que lui !
- Parfait eh bien on vous écoute Jim, invita le proviseur.
- Oh heu ben…
L’homme au survêtement cherchait visiblement ses mots. Il se racla la gorge afin de garder sa crédibilité à un niveau convenable.
- Il ne faudrait pas tout juger sur ses notes. Je connais un peu mieux Stern que n’importe que ici et il ne m’a jamais donné l’impression d’être paresseux au travail. Pas plus que Della Robbia en tout cas.
- Hé ! C’est pas gentil ça m’sieur !
Personne ne fit mine de contester le discours jusque-là. Cela donna confiance à l’enseignant en E.P.S.
- Je pense vraiment que ses mauvaises notes ne viennent pas d’un manque d’implication, mais plutôt de problèmes personnels et adolescents. Laissons-lui une chance pour le prochain trimestre, le temps de se reprendre un peu.
- Des chances de se reprendre, je lui en ai déjà donné plusieurs ! contre-argumenta Suzanne. En quatrième déjà, la qualité de son travail était en baisse et cette année, ça s’est aggravé. Je suis convaincue qu’il n’arrive tout simplement pas à suivre le rythme d’une troisième classique.
- Stern m’a promis de faire beaucoup plus d’efforts à partir de maintenant !
Clairement, cette ultime phrase était de trop, en plus d’être mensongère. Personne ne s’y laissa prendre dans l’assemblée. Peut-être aurait-elle fait effet si elle n’avait pas été envoyée avec une rudesse qui témoignait du manque de patience de son locuteur.
- Je t’en prie Jim, nous avons besoin de garanties plus solides qu’une parole donnée. Madame Meyer et Gilles ici présent se sont d’ailleurs rangés à mon avis, lorsque j’en ai discuté avec eux avant le conseil.
Le professeur d’histoire-géographie confirma avec gravité. Ce fut le coup de grâce pour le surveillant qui en perdit tout bagout. Dans le fond, il n’était pas vraiment taillé pour engager ce genre de débat. Odd lui-même en avait conscience lorsqu’il était venu solliciter son appui, mais il ne pensait pas qu’il se ferait retourner si vite. L’avenir d’Ulrich semblait compromis à ce stade.
- Excusez-moi, puis-je ajouter quelque chose ?


Les têtes se tournèrent de concert vers le bout de table, à l’opposé de Jean-Pierre. Le professeur de français, M. Blanchard, y était sagement installé. Il n’avait quasiment pas pris la parole depuis le début de la réunion et même en dehors de cela, était un personnage extrêmement discret en temps normal. Son effacement était tel que son existence était à peine remarquable. Preuve en était cette réaction de surprise générale à ses mots, qui témoignait bien de l’oubli total de sa personne qui avait été fait. Il fallait dire que son apparence banale n’aidait pas à rendre son image impérissable dans un esprit : sa taille moyenne, son visage aux traits doux et ses courts cheveux bruns plutôt bien ordonnés étaient ses traits les plus marquants.
- Je ne pensais pas contester la décision et le jugement de Suzanne à la base, exprima-t-il de sa voix posée, mais je ne peux m’empêcher de trouver inhabituelle cette obstination de Jim à défendre Stern, malgré un argumentaire assez brouillon et lacunaire.
À cette mention, le concerné, qui en avait profité pour se rasseoir, adopta un début de mine boudeuse. En quelques instants, il venait de se faire voler l’attention.
- Cependant, je crois que c’est la première fois qu’il défend un cas de cette façon pendant un conseil de classe. À ce titre, je pense que son intervention mérite vraiment d’être prise en compte. Peut-être a-t-il connaissance d’un élément sur le jeune Ulrich qui nous échappe et qu’il ne souhaite pas nous dévoiler par conscience professionnelle. Est-ce que je fais fausse route ?
Le regard de l’amoureux des lettres se porta sur son collègue sportif. Avec un hochement de tête un peu hésitant, celui-ci confirma l’hypothèse soulevée.
- Dans ces conditions, ne pourrait-on pas assouplir nos positions et laisser encore un peu de marge de manœuvre à ce jeune homme ?
Odd eut du mal à croire ce qu’il entendait. Blanchard l’inexistant alignait les arguments en faveur d’Ulrich, qui ne brillait pas spécialement en français pourtant, contrairement au sport. Cela dit, c’était quelqu’un de naturellement gentil, un peu trop même. Cela avait toujours interpellé le blondinet, qui lui avait en conséquence imaginé une vie parallèle palpitante, durant un temps, pour justifier son portrait trop beau pour être vrai.
Suite à la dernière question soulevée, de nouveaux murmures s’élevèrent. Chardin et Mirti parurent enthousiasmés par la suggestion – les artistes… – tandis que Delmas glissa une intervention pour rediriger le conseil :
- Effectivement, vu sous cet angle, on pourrait reconsidérer son cas…
En filigrane, il demandait au conseil de se positionner définitivement.
- J’attends d’être entièrement convaincu par Stern, annonça Fumet. En attendant, je vais me fier au discernement de Pierre.
- C’est très gentil à toi de m’accorder autant de crédit Gilles, le remercia humblement Blanchard.
- Pas d’accord du tout ! lança d’un coup Hertz. En tant que professeur principal, je suis fermement résolue à opposer mon veto ! Stern doit aller et ira en troisième allégée, un point c’est tout.
Adoptant un air déterminé, elle croisa les bras, sa position fétiche pour indiquer qu’elle ne céderait rien. Le proviseur s’apprêta à sortir une phrase de son cru pour tempérer la situation, mais fut pris de vitesse par le responsable du français :
- J’ai un peu de mal à suivre ton raisonnement Suzanne. Tu soutiens mordicus le transfert d’Ulrich en classe allégée sur la base de ses résultats scolaires, alors que tu as laissé passer sans souci un élève comme Nicolas, pourtant moins bon que lui dans toutes les matières.
- Ce n’est pas la même chose, rétorqua la femme en blouse. Poliakoff est… un élève très particulier.
- Pas plus que Stern je trouve. Pourquoi autant insister dans ce cas-là ?
- Je fais ça pour qu’il finisse son collège plus confortablement ! D’ailleurs, je te retourne aussi la question, Pierre.
- Ça me semble simplement plus juste ainsi. Je ne vois pas l’intérêt de s’acharner sur un élève pour une raison donnée si un autre ne pose aucun problème pour la même raison. Aussi, je n’aurais plus rien à objecter si Nicolas Poliakoff est également envoyé en troisième allégée.
- C’est ridicule et hors de propos ! On ne peut pas prendre Stern comme trait de jauge pour choisir qui est envoyé ou non en troisième allégée. À ce compte, il ne faudrait pas seulement réviser le cas de Poliakoff, mais celui d’autres élèves de la classe, Élisabeth la première.
Un raclement de gorge interrompit l’échange houleux. Jean-Pierre en était à l’origine.
- Vous êtes sûre que tout va bien Suzanne ? demanda-t-il.
La professeur de sciences balaya du regard la tablée. Paradoxalement, elle avait oublié la présence de ses collègues excepté celui qui était censé être le plus discret de tous. En dehors de ce dernier et de Jim, qui avait adopté une expression mi-perdue mi-ahurie comme seul lui savait les faire, tous la regardaient avec un drôle d’air.
- Suzanne, est-ce que je peux te parler en privé un instant ? demanda Moralès à brûle-pourpoint.
Les deux enseignants se levèrent puis s’écartèrent de la table de réunion.
- Tu sais, pas plus tard que c’matin, Poliakoff a mis une savonnette devant la porte de ma chambre pour me faire tomber en sortant. Je n’ai pas réclamé son envoi en troisième allégée pour autant.
Hertz ne comprit pas immédiatement pourquoi il lui racontait ça et fronça les sourcils en conséquence. Puis, elle percuta :
- Tu penses que je m’acharne sur Stern ?
- C’est pas seulement moi si tu veux mon avis.
- Mais ce n’est pas le cas, je fais juste ce que j’estime mieux pour lui !
Elle repensa alors aux regards des autres professeurs. Peut-être renvoyait-elle une impression d’acharnement, en dépit de ses convictions. Elle se mordit la lèvre. La tournure de la situation ne lui plaisait pas depuis l’intervention de M. Blanchard. Il ne lui restait plus qu’une chose à faire. Capituler.
- Bon d’accord, déclara-t-elle à haute voix en se tournant vers la table. Bien ! Puisque tout le monde semble contre moi, il n’y a qu’à laisser ce fainéant de Stern continuer dans sa classe, mais je l’attends au tournant !
Odd dut contenir un « Yeeees ! » de joie, histoire de ne pas s’attirer les foudres de l’assemblée. Au lieu de quoi, il regarda avec reconnaissance le professeur de français, qui lui adressa un sourire significatif. C’était certain : il ne le verrait plus jamais du même œil. Jamais plus.


À suivre : Partie IV – Pólos


Dernière édition par Zéphyr le Sam 10 Oct 2020 19:25; édité 6 fois
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Zéphyr MessagePosté le: Mer 11 Oct 2017 13:22   Sujet du message: Répondre en citant  
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La règle de base que tout visiteur du territoire central de Lyokô se devait de connaître était la suivante : le temps comptait avant toute chose. Jamais ce principe n’avait été aussi juste du point de vue d’Aelita, tandis qu’elle donnait le meilleur de ses jambes virtuelles avec Yumi. Il fallait dire que la vitesse avait une importance toute particulière dans cette situation. Enclencher la clé du Noyau n’était que la surface du problème, l’important était de rejoindre le corps d’Ulrich avant que la Méduse n’ait fini d’y implanter ses données vicieuses.
Dès le moment où la fenêtre spécifique à une attaque du monstre tentaculaire sur un avatar s’était affichée devant lui, Jérémie avait compris ce qu’il était advenu de leur ami. Son corps et son esprit avaient été séparés par le nouveau programme de virtualisation, expliquant l’impossibilité de le localiser. Sans l’intervention de leur ennemi, le surdoué aurait probablement tourné en rond encore longtemps avant d’explorer une telle piste.
« Pourquoi Xana n’agit que maintenant ? » avait demandé Aelita pendant le voyage en Transporteur.
L’opérateur ne pouvait que formuler des hypothèses là-dessus. Ce qui lui apparaissait comme le plus crédible était le fait qu’il n’avait pas lâché son écran depuis la veille, rendant toute action grillée d’avance ; ou alors que tout comme lui, le programme avait mis du temps à comprendre la situation et à repérer le corps d’Ulrich. Dans tous les cas, s’interroger sur pareil sujet n’était pas essentiel. Contrairement à la récupération de l’enveloppe charnelle du Lyokô-guerrier, ainsi que son esprit, que Jérémie s’échinait à localiser pendant que les filles géraient la partie virtuelle.


De ce côté-là, elles étaient suffisamment professionnelles. Yumi n’eut aucun mal à s’occuper de la clé, traversant de manière presque méprisante la passerelle surmontée de blocs compresseurs qui y menait. Quelques salles supplémentaires traversées plus tard, le duo eut son objectif en visuel, dans un espace hexaédrique aux parois irrégulières comme on en trouvait tant sur Carthage. Un chemin en L reliait les deux accès terrestres de la pièce, logiquement situés sur des murs voisins. Au milieu de celui-ci, la Méduse venait tout juste de relâcher l’avatar orangé après un temps de capture anormalement long. Elle ne se fit d’ailleurs pas prier pour filer par une opportune ouverture dans le plafond, que seul un être flottant pouvait emprunter. Aelita et Yumi l’ignorèrent, se concentrant sur celui qui leur tournait le dos et semblait émerger, au vu de ses mouvements lents et précautionneux. Geisha comme elfe s’approchèrent avec prudence du concerné, qui tourna alors brutalement la tête et révéla le symbole caractéristique associé à Xana dans chacun de ses yeux.
- Supersprint !
Le samouraï sans esprit fonça vers la sortie opposée aux kadiciennes, dans le but avoué de les semer. Un chant caractéristique envahit soudainement l’air, tandis qu’un éventail correctement lancé força le désormais ennemi à ralentir, donc à couper momentanément le pouvoir de super-vitesse. Ce détail permit de gagner l’instant nécessaire à Aelita pour finaliser la synthétisation de la paroi chargée de boucher l’accès que voulait emprunter la marionnette de Xana. Allant au bout des choses, la gardienne de Lyokô fit de même avec l’ouverture jumelle.
Comprenant qu’il était piégé, le corps d’Ulrich pivota vers les gêneuses, tout en dégainant son sabre. Cette dernière précaution lui fut secourable puisque Yumi avait décoché son second éventail. Il le dévia d’un geste souple.
- Jérémie, tu as prévenu Odd ? demanda Aelita pendant qu’elle générait un champ de force dans chaque main.
Ses armes revenues à elle, Yumi effectua une action inhabituelle par rapport à son style de combat, digne d’Odd : elle fonça sur le samouraï possédé, qui joua le jeu, mais en version très rapide. Évidemment, le placement de la nippone bloqua la fenêtre de tir de son alliée.
- Il est déjà prévenu et il viendra quand il pourra se libérer, exposa la voix de Belpois. Pour le moment, concentrez-vous sur la dévirtualisation du corps d’Ulrich. Vous êtes assez fortes pour le faire seules. Si on le récupère, la moitié du travail sera faite !
À l’entendre, il était évident que l’informaticien mésestimait les facultés de l’enveloppe numérique de leur camarade, qui plus est commandée par un programme de Xana. Sa passe d’armes avec l’autre avatar d’inspiration japonaise le montra : avant que leurs courses ne les fassent s’entrechoquer, Yumi déploya son bras gauche dans un vif mouvement en arc de cercle, éventail déployé au creux de la main bien sûr. Toutefois, elle ne le lança pas cette fois-ci, utilisant plutôt son arme de prédilection – la seule à vrai dire… – à la manière d’un tessen traditionnel, dans le but avoué d’atteindre la gorge de son « copain ». Le Xana-guerrier fut pris au dépourvu par cette manœuvre. Le coup de sabre qu’il prévoyait avait été dépassé en terme de réactivité et de célérité. Il n’eut d’autre choix que de renoncer à son attaque et d’effectuer un petit bond arrière d’urgence. Les bords tranchants de l’éventail effleurèrent la zone visée, qui consentit à lâcher quelques étincelles, témoins de dommages aux points de vie.
Cette ébauche de combat ne s’arrêta pas là, puisque les pieds du seul garçon de la salle ne touchaient plus le sol. Autant dire l’occasion idéale pour Ishiyama d’envoyer son autre projectile de la main droite, celle qui réussissait le mieux les lancers selon elle. C’était oublier le changement de propriétaire de l’avatar au bandeau, lequel récupéra du dextre libre le frisbee, avec un grand naturel. En parallèle, ses jambes retrouvèrent une surface où s’appuyer. Il replia alors l’équipement qu’il venait d’obtenir et le coinça dans sa ceinture.
- Yumi, baisse-toi !
Décidément au taquet, l’interpellée s’exécuta souplement, se couchant presque à terre. L’instant suivant, les deux champs de force chargés en amont fusèrent. La cible, aidée par le Supersprint, ne trouva rien de mieux que de s’écarter précipitamment de la trajectoire en se jetant dans le vide. Il y eut à peine un début de chute que celle-ci fut stoppée par le sabre planté sur le côté épais du chemin. Ne perdant pas une seconde, Xana-Ulrich se plaça dans la position de celui qui veut sortir Excalibur de son rocher, chose possible grâce à son piolet improvisé. Puis, il prit une impulsion suffisamment forte pour se projeter jusqu’au mur derrière lui tout en délogeant sa lame, dans la traînée jaune-orange caractéristique. Son déplacement aérien fut calculé de manière à ce qu’il puisse effectuer un salto arrière, ce qui réorienta correctement ses pieds par rapport à la nouvelle surface d’appui. Enfin, il usa de cet ultime tremplin pour fondre sur Aelita à grande vitesse.
Hélas pour le corps volé, l’elfe rose avait pour une fois suivi l’action, sa bonne vue virtuelle aidant : deux champs de force sortirent rapidement, mais pas assez pour être lancés. En conséquence de quoi ils furent unis – la forme adoptée évoquait étrangement un Mégatank déployé – et utilisés pour intercepter le coup d’épée qu’on lui destinait. Le choc fut plutôt bien encaissé par les sphères énergétiques et, suite logique, le samouraï perdit l’équilibre, le bas de son corps étant rappelé par la gravité. Son rétablissement fut néanmoins si prompt qu’Aelita ne trouva pas le temps de désolidariser les boules de ses mains. Le sabre repartit à l’assaut, la forçant à rester en mode défense.
Évidement, les dernières actions exécutées permirent à Yumi de se reconcentrer sur le cœur de l’action, ce qui n’échappa point au coin de l’œil xanatifié. La parade fut toute trouvée dans cette situation : un bon coup de pied dans l’estomac de la gardienne de Lyokô, peu familière des affrontements au corps-à-corps, l’envoya valdinguer dangereusement par-dessus bord ; suivi d’un dégainement en toute hâte de l’éventail volé et d’un renvoi à sa propriétaire. Celle-ci n’eut qu’à mettre à profit son expérience pour l’attraper au vol. Là fut son erreur. Le court délai que demanda la manœuvre profita à Xana-Stern, qui s’élança en Supersprint vers la japonaise. Contrairement au début du combat, il ne tenta pas de frapper, se contentant d’un saut parfaitement calibré sur la hauteur de Yumi, dont il se servit comme un tremplin pour se replacer devant la sortie qu’il comptait emprunter depuis le début.
Dans un timing presque parfait, la paroi synthétisée qui bouchait l’ouverture se brisa en plusieurs gros morceaux, qui disparurent peu après. Deux Rampants, visiblement responsables de ceci, s’engagèrent immédiatement dans la salle, ouvrant la voie au corps d’Ulrich. Lorsque Yumi se redressa de sa dernière gamelle involontaire pour tenter une ultime attaque désespérée, il avait déjà disparu, sans même laisser la moindre trace de course.


Naturellement, les Rampants restés sur place firent feu, forçant la geisha à adopter une posture défensive. Elle n’eut à la tenir que quelques instants. Aelita remonta du rebord qu’elle avait attrapé de justesse et décocha deux champs de force bien placés, grâce à une fenêtre de tir dégagée.
- Jérémie, il est où maintenant ? demanda brusquement l’aînée sitôt l’obstacle éliminé.
- Trop loin de vous malheureusement. Mais vu sa trajectoire et la stratégie actuelle de Xana, il se dirige certainement vers la salle du Cœur. Y aller sera plus rapide que de le pourchasser inutilement.
Les deux filles se mirent en route sur-le-champ, sachant que leur guide invisible leur indiquerait la direction à prendre le moment venu.
- Par contre, ajouta la voix légèrement déformée par le micro, une fois arrivées, vous devrez être plus prudente en affrontant Ulrich. Là, il ne cherchait qu’à s’échapper et s’est donc économisé en vous affrontant.
- T’inquiète, assura Aelita malicieusement, on sait se tenir nous. Pas comme Odd !
« Einstein » s’autorisa un petit rire derrière son écran.


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Lorsqu’il posa le pied sur la première planète de l’Aire-Mitage, Ulrich se sentit comme le Petit Prince, à la différence qu’il n’était pas accompagné d’une rose mais d’une lance. Cela dit, toutes deux étaient parlantes, au grand déplaisir des nerfs de l’humain :
- Un message pour toi de la part de Thêta, Ulrich Stern.
Durant son bond de surprise, il constata que les environs étaient soumis à une faible gravité. Il reconnut également la voix véhiculée par l’arme :
- Phi ?
- Il te demande, l’ignora le bâton volant, en tout bien tout honneur, si à ta sortie de la Matrice, il serait possible que tu parles de notre situation à tes compagnons, notamment ceux habilités aux manœuvres techniques.
Après tout ce qu’il avait dû traverser, le Lyokônaute trouva la requête particulièrement gonflée.
- Pour éviter tout quiproquo : il n’est pas demandé de nous faire libérer à tout prix, juste voir si quelque chose peut être fait par rapport à notre situation d’emprisonnement.
Décidément, les intelligences artificielles avaient un problème par rapport au fait d’être enfermées, se dit Ulrich en pensant à Xana. En tout cas, cela pouvait expliquer qu’ils se jettent sur la première occasion de se distraire, à l’instar de Psi, ou plus simplement leurs troublantes dérives comportementales…
- Je veux bien, se mouilla Stern, mais on n’était même pas au courant de l’existence de la Matrice, alors que ça fait déjà un bout de temps qu’on a découvert le Cœur de Lyokô.
- Ce n’est pas dans cette direction qu’il faut chercher, plutôt vers celle de la tour. Nous n’en savons pas plus, hélas.
Un ange passa. Ulrich n’était pas vraiment à l’aise.
- Tu sais, inutile de te triturer l’esprit là-dessus, envoya la voix de Phi. Je ne suis que le messager, mais je n’approuve pas nécessairement l’audace de Thêta. Tu n’as aucune raison logique d’aider ceux qui n’ont pas facilité ta sortie de la Matrice.
Était-ce une tactique de psychologie inversée ? Le vagabond spirituel n’en eut pas l’impression.
- N’y réfléchis plus, tu as déjà un objectif sur lequel te concentrer… et du chemin à faire. Bon courage pour l’ultime voyage Ulrich Stern.
Comme toutes les fois précédentes, le javelot repartit dans un éclair coloré, laissant son passager planté là. Celui-ci s’en remit immédiatement et, désormais coutumier de l’appréhension visuelle des environnements nouveaux qu’il explorait, découvrit les lieux.
Au jugé, la planète sous ses pieds n’excédait pas les dix mètres de diamètre. Sa surface était particulièrement irrégulière, avec sa multitude de blocs aux nuances turquoise et à échelle humaine qui dépassaient de partout. À distance raisonnable, un anneau en mouvement, constitué des mêmes composants inégaux que le sol, faisait le tour de l’ensemble. Le tout évoquait inévitablement Saturne. Cependant, un détail chiffonna Ulrich : lorsqu’il avait observé cette mini-planète depuis l’Aire de Détente, il était persuadé d’avoir vu sa surface parcourue de mouvements de réorganisation constants, un peu comme le Cinquième territoire lorsque la clé n’était pas activée dans les temps. Tout était au point mort pourtant.
La question fut laissée de côté pour faire le point sur l’horizon. Un ciel crépusculaire sans nuages ni soleil dominait, au milieu duquel un large éclat lumineux blanc s’épanouissait, sans aucun autre élément physique notable autour.
- Rejoins la lumière hein ?
L’objectif étant on ne peut plus clair, Ulrich ne perdit pas une seconde pour activer son légendaire combo Supersprint plus plateforme de rebond, qui lui assurait une propulsion optimale en terme d’élan et de distance. Dès qu’il ralentissait, il générait un DMA automatique sur sa trajectoire pour se redonner de la poussée, et ainsi de suite jusqu’à la lumière.


Le temps s’étira toujours plus sans qu’aucune nouvelle planète ni source d’émission de l’étoile éblouissante ne se profile. Perplexe, le Lyokô-guerrier décida de prendre de la hauteur dans son parcours, toujours au moyen d’un bien pratique Grass-Hopper instantané et ajusté. Au cours de son élévation, il s’arrangea pour tourner lentement sur lui-même, histoire de vérifier si un élément lui avait échappé. Quand son regard se porta vers l’angle qui était quelques instants plus tôt derrière lui, il fit une terrible découverte. La planète d’où il avait décollé était encore en visuel. Pire encore, elle était à même pas trente mètres de sa position. Atterré, Ulrich laissa la gravité le tirer vers la boule pleine d’épis, sans lutter.
Une fois à terre, il cogita le problème du moment. Il avait cru parcourir une distance au moins équivalente à un territoire de Lyokô sans se rendre compte que le champ d’attraction de la planète le ramenait fatalement à elle. Ses sensations de vitesse et d’avancement vers l’avant n’en avaient pas été affectées. Un pallier venait d’être franchi dans l’étrangeté de la physique virtuelle.
Pour ne rien arranger, le sol se mit à trembler. Calmement, l’unique occupant de la grosse sphère observa le phénomène : les blocs avaient engagé un mouvement général de réorganisation, s’enfonçant, s’élevant, ouvrant et refermant des crevasses, ou se déplaçant simplement à gauche ou à droite. Une fois qu’elles eurent fini de s’agiter, Ulrich, debout sur un bloc qui s’était contenté de monter légèrement, constata que la surface de l’astre n’avait pas tant changé que ça par rapport à son arrivée. Elle était toujours aussi irrégulière et donnait encore un aspect de sphère bardée de pointes carrées à la planète. Au moins, ce qu’il avait vu au télescope des Terrasses Célestes avait été confirmé.
Le rappel de l’observation antérieure du terrain le poussa à rassembler les informations qu’il avait déjà en sa possession. L’Aire-Mitage était composée de trois planètes : la Saturne turquoise, la planète d’où partait la forte lumière et une dernière habitée par des Mister Pück. Thêta avait parlé d’ordre de traversée de celles-ci. En somme, il ne pouvait aller directement vers le jour, il devait d’abord passer par le lieu de vie des poupées. Le samouraï s’engagea de fait dans un tour du propriétaire, littéralement parlant. Cela lui permit de scruter l’horizon sous tous les angles possibles, pour éventuellement repérer la planète suivante à rallier. Tout ce qu’il releva dans cette petite excursion, c’était la particularité de la gravité : qu’il soit au Pôle Nord, Sud, ou sur l’axe équatorial, il gardait toujours les pieds sur terre. Rapidement, une pointe de découragement le prit, le poussant à retourner au sommet. S’il ne repérait rien de suspect du premier coup, alors continuer l’inspection ne servait à rien. La Matrice avait fonctionné comme ça jusque-là. Attendre restait plus constructif à ce stade. Qui sait, les corps célestes de cette Aire étaient peut-être soumis à des mouvements orbitaux entre eux…
Ainsi, le temps de quatre métamorphoses de terrain s’écoula, sans qu’aucune évolution de la situation ne se fasse. Au cours de sa fixation du lointain, Ulrich se rappela soudainement qu’il avait encore quelque chose pour s’occuper : ses sabres améliorés. Il déchanta rapidement. Le katana offensif fonctionnait exactement comme celui que lui avait programmé le faux Franz Hopper envoyé par Xana. Il le maîtrisait donc déjà. Quant au jumeau, il présentait un discret bouton sous le pommeau, qui enclenché donnait une coloration bleutée à la lame. Hélas, sans attaque énergétique à absorber, la fonctionnalité demeurerait purement esthétique. Par dépit, il se fit la main sur le style de combat à deux épées, moins évident qu’il ne se le figurait, mais plutôt intéressant en terme de possibilités. Durant son entraînement, au fur et à mesure des transformations de la planète, l’anneau en orbite se glissa dans son champ de vision. Il n’en fit pas vraiment cas, de base. En revanche, au moment où il y perçut un mouvement suspect, son attention se recentra immédiatement. Voilà pourquoi il conserva une attitude placide lorsque ce qui ressemblait à un jet de pétrole décrivit un arc de cercle depuis l’objet volant indépendant pour s’étaler en flaque non loin de lui. Puis, quand cette dernière s’étira en forme grossièrement humanoïde sans jambes, plus grande que lui et avec des yeux blancs, il lança directement l’assaut, dans l’optique de couper en deux l’arrivant.
Brusquement, il stoppa son mouvement. La créature venait de lever les mains, ou plutôt les extrémités sans doigts au bout de ses bras. Un geste universel de reddition. Méfiant, Ulrich pointa un sabre au niveau du cou de la forme noire, et inspecta de la tête les alentours. Aucun de ses semblables ne paraissait embusqué. De toute façon, il ne pouvait pas y en avoir toute une colonie, la planète n’était pas assez étendue pour ça. Il se concentra à nouveau sur la grande perche devant lui, qui louchait sur la lame dangereusement orientée. À peu de chose près, elle ne semblait pas très rassurée. Ce fut un détail que le collégien ne laissa pas filer :
- Si je baisse mes armes, tu n’attaqueras pas, hein ?
La question avait été posée machinalement et fermement, comme à un humain, alors qu’il n’était même pas certain que l’être visqueux comprenne. Un mouvement de tête vertical prouva le contraire. Avec prudence, les katanas furent abaissés, sans être rengainés néanmoins. Le jeune homme avait encore en mémoire l’agression subie sur l’Aire de Survie et ne tenait pas à en vivre une nouvelle. D’ailleurs, n’était-ce pas un peu douteux de retrouver une de ces choses sur l’Aire-Mitage, théoriquement isolé du reste de la Matrice ? Et pourquoi l’exemplaire devant lui était apparu -
Ses interrogations furent coupées nettes. L’environnement s’obscurcit sans raison apparente, pour laisser place à un enchaînement d’images, d’impressions et de sensations qui n’auraient dû avoir ni queue ni tête, mais qui délivrèrent des informations et un message étrangement limpide à la perception d’Ulrich. Lorsqu’il retrouva ses esprits, sa position n’avait pas changé. Celle de son opposant, elle, présentait une subtile différence : la base sur laquelle se tenait son corps, comparable à celle d’un serpent en position debout, avait déployé un fin tentacule qui était entré en contact avec la cheville de Stern. Ce dernier releva une lame et se voulut menaçant :
- Qu’est-ce que tu m’as fait !?
Il connaissait déjà la réponse grâce à ce qu’il venait de voir. C’était le mode de communication de la créature, qui se déclenchait par contact avec elle. Dans la même lignée, il avait également appris qu’elle était seule sur cette planète, se cachant des habitants de la Matrice. Par conséquent, elle s’était contenté de l’observer dans un premier temps, avant de constater dans un second qu’il n’était pas directement affilié aux intelligences artificielles. Enfin, le voyant tourner en rond sur le globe spatial, elle avait décidé de se montrer à lui, pacifiquement. Pour l’aider. C’est ce dernier point qui poussa Stern à abandonner toute agressivité. Il en rengaina même ses sabres pour prouver sa bonne foi.
- Tu peux baisser les bras, lui dit-il doucement. Je t’ai compris.
L’être noir s’exécuta. Il en profita pour ranger son tentacule précédemment déployé.
- Pourquoi est-ce que tu veux m’aider ? Je ne sais même pas ce que tu es précisément, même si tu as l’air… différent des autres.
Un bras longiligne, au bout duquel se formèrent des doigts, fut présenté au Lyokô-guerrier. Une invitation à la serrer et à avoir les réponses visiblement. Le curieux la saisit. Le flot d’images et de stimulations qui succéda le geste fut largement plus intense et saccadé que la fois d’avant. Ulrich ne parvint qu’à capter des bribes au milieu de ce flux : la naissance de l’être spectral et ses premières sensations, sa désignation en tant que 5.0013, son envoi dans un champ de bataille au ciel céruléen fissuré, ses affrontements contre des monstres de Xana en compagnie de ses semblables, Thêta et Sigma mettant de l’ordre dans les rangs auquel il appartenait, Phi massacrant ses frères, l’incompréhension, l’émergence de l’instinct de survie, la fuite, l’exil sur la planète turquoise, le noir, l’attente, la solitude, la peur.
Au sein de ce méli-mélo, une explication parvenait à se différencier, en lien avec la dernière question posée : la créature voulait juste de la compagnie qui ne soit pas hostile. Pour le coup, l’esprit errant n’eut aucune difficulté à ressentir de l’empathie. La balade dans la Matrice et plus particulièrement la mission du Mont Abrupt avaient mis sa solitude à rude épreuve. Le Triplicata et les occupants des lieux n’avaient pu combler ce sentiment. Tout simplement, il comprenait ce que ressentait l’inhumain. En ce sens, la particularité de transmission de l’échange avait beaucoup aidé.
- Tu as un autre nom à part 5.0013 ? demanda-t-il amicalement.
Le contact physique étant toujours de mise, la réponse se fit en un flash : non, mais Ulrich pouvait le nommer à sa guise. Embêté par la proposition, le garçon tâcha malgré tout de se creuser la tête, dans une volonté de simplifier les prochains échanges. Une influence japonaise lui vint immédiatement avec « Kuro ». Il la repoussa, la jugeant clichée et sur-utilisée. Ses inspirations suivantes ne furent pas plus constructives, allant de « Blake » à « Shadow », soulignant totalement son manque d’originalité. Puis, d’un seul coup, il eut l’illumination : partir des chiffres qui définissaient son nouveau compagnon à la base, et les tourner dans l’autre sens pour donner des lettres. De 5.0013, on obtenait EIOO.S. Ne restait qu’à retirer le point et déformer un des O en D pour donner :
- Eidos. Ça te va ?
Un partage d’impression fit office de validation. Le tout juste nommé Eidos paraissait content de son nom. Son caractère était plutôt facile à vivre, à bien y penser. Peut-être un peu rudimentaire.
- Content que ça te plaise. Dans ce cas, puisqu’on est officiellement devenus potes, tu pourrais me dire comment on fait pour décoller de cette planète ?


La stratégie d’attente initiale d’Ulrich s’était révélée la bonne option. En effet, le moyen de quitter la planète saturnienne ne se manifestait qu’une fois un certain nombre de changements de configuration du terrain atteint. Cette condition remplie, un haut et épais pilier légèrement incliné poussa au Pôle Nord. Celui-ci était creusé en son centre supérieur, de sorte à pouvoir héberger un corps humain de taille moyenne. À l’intérieur, le trou était intégralement tapissé de ce que l’esprit voyageur reconnut comme étant des DMA. Il déduisit de cette observation qu’il devait se placer dans cet espace, les artefacts de propulsion effectueraient certainement le reste. Eidos, refusant de se séparer de sa compagnie tout de suite, se joignit à lui, adoptant pour l’occasion une forme enroulée autour du cou évoquant une longue écharpe. Légèrement mal à l’aise par l’absence de gêne de son ami informe sur les contacts physiques, le samouraï s’apprêta à recourir à une remarque civilisée pour partager son ressenti. Encore et toujours, il n’en eut pas le temps. Les plateformes de rebond collées aux parois chutèrent jusqu’au fond du puits creusé dans le pilier, telles les données d’une tour tout juste désactivée. L’ensemble se concentra sous les pieds d’Ulrich, créant une douteuse luminescence. L’instant suivant, le missile Stern fut violemment expulsé de la planète à l’anneau, à une vitesse allant au-delà de ce que la lance de Phi pouvait atteindre. Tous ses cris se perdirent dans sa gorge, tandis qu’Eidos partageait son enthousiasme de voyager avec lui et de quitter pour la première fois depuis longtemps ce qui avait été sa tanière.
Le trajet aérien ne s’éternisa point. Pour une fois, la physique s’appliqua normalement : la célérité du lancement décrut progressivement, mourant pile au moment de l’entrée dans le champ gravitationnel de la nouvelle planète atteinte, qui appliqua sa force en douceur. De fait, le duo jaune-orange et noir put atterrir tranquillement sur un globe moitié moins grand que celui qu’il avait quitté, entièrement recouvert d’herbe à l’aspect confortable. La lumière à atteindre s’était sensiblement rapprochée, preuve en était l’occupation de la moitié du ciel par son éclat opalescent. Ulrich ne se focalisa pas dessus, étrangement curieux sur les Mister Pück qu’il avait aperçu au début de son périple. Ceux-ci lui tournaient le dos, assis de façon stratégique le regard à l’opposé de l’envahissante lumière, préférant admirer le couchant sans soleil. De plus près, le trio présentait des gabarits différents, qui évoquaient sans peine deux parents entourant leur jeune enfant.
Eidos ne connaissait pas l’endroit et ses caractéristiques, aussi le Lyokônaute engagea un contact oral lorsqu’il ne fut plus qu’à un pas des lutins :
- Excusez-moi ?
Pas de réaction ni de réponse. Ulrich se plaça directement devant eux, stratégie imparable pour se faire remarquer. Sans effet. Néanmoins, ce nouveau positionnement permettait de les dévisager à volonté. Comme observé depuis l’Aire de Détente, un des Pück, celui de gauche, avait un visage intégralement vierge, ce qui n’était pas plus rassurant à proximité. Sa morphologie tendant plutôt du côté féminin, cela devait être la figure maternelle. Son pendant masculin à droite avait quant à lui un visage, mais une expression d’une neutralité impénétrable, avec des yeux qui ne suintaient pas la bienveillance. Enfin, au centre, le petit Mister Pück présentait une expression pleine de vie, le sourire allant évidemment avec. Le tableau offert par les elfes était assurément original, mais dégageait une vraie impression de malaise selon Ulrich. Ce n’était pas plus mal qu’ils soient aussi vivants que la peluche à qui ils empruntaient les traits.
Persuadé que la planète cachait également une subtilité pour être en mesure de la quitter, et ne voyant rien d’autre de plus évident, Ulrich s’accroupit devant la sans-visage. Peut-être était-elle la clé du mécanisme. Machinalement, il effleura la surface lisse, là où une joue aurait dû se dessiner.
GLING.
La tête de Miss Pück s’était fissurée d’un coup, puis son corps tout entier s’était brisé comme du verre, avant de s’éparpiller aux quatre vents. Seuls les vêtements caractéristiques subsistèrent.
- Maman ?
Le niveau de panique monta d’un cran pour l’avatar désincarné. Le lutin enfant s’était animé et avait la tête tournée sur le désastre à sa droite.
- Où elle est partie ? Papa, tu le sais toi ?
La voix de petit garçon émanait du jeune Pück sans même que ses lèvres ne bougent, ni le reste de son visage. C’est donc armé de son mignon sourire qu’il se tourna vers son autre parent, qui, n’ayant pas réagi à la demande précédente, se vit secoué par le bras.
- Papa, réponds-moi papa !
Le jeune elfe, visiblement apeuré, se leva. Son clone adulte s’effondra alors sur le dos comme une poupée de chiffon. Brutalement, une large entaille sur son torse se découvrit, laissant échapper un flot continu de fines cartes blanches, les mêmes que celles accompagnant une dévirtualisation.
- Toi aussi tu es parti…
Ulrich ne comprenait rien à ce qui se jouait sous ses yeux. Cela le rassura de savoir que son écharpe n’en ressentait pas moins. L’ultime survivant remarqua alors sa présence et se tourna vers lui par voie de conséquence :
- Tu sais où sont mes parents, toi ?
Le kadicien commençait doucement à flipper sur la tournure de la situation. Pour le principe de précaution, il préféra ne pas se dérober face à la question.
- Heu non non, je cherche juste un moyen de rejoindre la lumière.
Il pointa du doigt sa destination finale, afin de donner un semblant de concret à ses propos. Mister Pück y jeta un œil. Au moins, il écoutait ce qu’on lui disait, c’était un bon point.
- Papa m’a dit de ne jamais regarder la lumière trop longtemps. C’est pour ça qu’on admirait toujours le ciel depuis l’autre côté.
Il se tut et sembla entamer une réflexion intérieure.
- C’est toi… C’est toi qui as fait partir ma maman et mon papa ! l’accusa-t-il.
Dans les faits, il n’avait pas totalement tort, même si l’accusé estimait avoir des circonstances largement atténuantes.
- Attends, c’est pas… woowoh !
La parole à la défense fut interrompue par l’émergence subite de deux câbles mi-végétaux mi-électroniques depuis le sol herbu. Sans sommation, ils agrippèrent prestement les chevilles du samouraï, et le pendirent tête en bas. Après quoi, un troisième câble vit le jour, animé d’intentions peu louables.
Eidos eut une surprenante rapidité de réaction. Il quitta le cou d’Ulrich à la manière d’un serpent pour reprendre sa forme humanoïde basique, avec des jambes cette fois-ci, lui donnant une allure haute et élancée frisant les deux mètres de haut. D’un geste maîtrisé du bras, qui n’avait rien à envier à un sabre, il trancha net la menace techno-végétale qui se désagrégea promptement. Dans la foulée, il libéra son compagnon immobilisé, qui ne put que se réceptionner maladroitement. Il en manqua l’action suivante de l’être composé de matière noire : une vive projection de lui-même sur le petit lutin fut réalisée avec succès. Le contact physique établi, il recouvrit en quelques instants l’intégralité du corps de Mister Pück. Bien entendu, ce dernier se débattit aussi fort qu’une mouette au milieu d’une marée noire, mais cela finit par se calmer. Eidos reprit alors la forme qu’il avait adoptée en début de combat. La réplique enfantine de la peluche d’Aelita avait totalement disparu.
Le Lyokô-guerrier avait eu le temps d’assister à la fin de la scène après s’être redressé. La performance de son drôle d’ami l’avait assez impressionné, à défaut d’avoir affecté son aisance. Il aurait bien aimé le rencontrer plus tôt, ça lui aurait facilité pas mal de tâches. Eidos rentabilisa ses nouvelles jambes et rejoignit Ulrich. Il lui adressa deux petites tapes sur l’épaule assez maladroites, porteuses d’un message propre à son mode de communication.
- Oui, ça va bien. Grâce à toi. Par contre, ça ne nous dit pas comment on bouge d’ici.
Son partenaire d’ermitage le fixa, sans rien ajouter tactilement. Il n’allait visiblement pas être aussi efficace qu’au combat sur ce coup. Décidant d’être un peu plus actif et performant, le sabreur entreprit une inspection de ce qui traînait encore sur la planète. Il dédaigna les vêtements abandonnés de Miss Pück pour se concentrer sur les trous au sol laissés par les câbles réduits en particules virtuelles. Ils ne révélèrent rien d’autre que de la terre virtuelle fraîchement soulevée. Pück junior ayant été englouti par Eidos, ne restait plus que le corps du « papa » comme indice. À contrecœur, Stern se résolut à l’observer de plus près, espérant qu’il ne s’anime pas d’un seul coup aussi. Rien de vraiment suspect ne fut localisé, excepté cette blessure au buste, qui continuait encore d’épancher ses petites cartes numériques, qui prenaient tranquillement leur envol sans se dissiper… Ulrich n’avait pas relevé ce détail plus tôt, la faute au ciel à moitié illuminé de blanc qui assurait le camouflage des petits papillons rectangulaires. Il se souvint alors des paroles formulées par l’enfant-elfe auparavant : il ne fallait pas porter le regard du côté illuminé du ciel, mais du côté crépusculaire. Misant sur cette idée, le collégien orienta correctement son champ de vision. Passée la période d’adaptation oculaire, il put retracer le trajet des confettis : ceux-ci s’élevaient doucement à hauteur bien supérieure à celle d’un homme, avant de redescendre erratiquement dans un coin d’herbe épaisse bien précis, où ils se dissipaient.
Pas un moment ne fut perdu pour inspecter la zone indiquée. Pile à l’endroit où mourraient les pétales virtuels, l’adolescent trouva un rouage de la taille d’une grosse pièce. La découverte le déçut passablement. Qu’allait-il bien pouvoir faire de ce truc ? Eidos, qui avait suivi la phase de recherche et son aboutissement avec attention, proposa naïvement d’assembler la pièce de machinerie avec le Pück blessé, seul endroit de la planète présentant une encoche. Il y a encore deux parties, Ulrich aurait refusé de concrétiser une telle suggestion, mais faute d’idée de son côté… La chose se tentait. En plus, ça avait le mérite d’être suffisamment tordu pour les standards de la Matrice.
Le rouage fut remis à la main modulable d’Eidos. Équipé ainsi, il s’approcha de l’enveloppe inanimée, puis glissa le fragment d’engrenage directement dans l’entaille ouverte. Le résultat fut littéralement explosif. Ce qui restait du dernier des Pück éclata en une violente lumière. D’instinct, le vagabond de la Matrice se couvrit les yeux. Ne sachant combien de temps il faudrait pour que les conditions permettent leur ouverture, il se fixa un décompte à partir de soixante. Il dépassa tout juste la moitié lorsqu’un contact d’Eidos l’enjoignit à admirer le nouveau panorama.


Indubitablement, ils avaient bougé. Le ciel lumineux et nacré avait disparu, cédant face à un classique azur, pâli par une fine brume ambiante se déployant dans la zone. En dessous, un arbre géant plantait ses racines dans une planète bien plus imposante que les précédentes, mais désespérément banale. Le végétal présentait toutes les caractéristiques dites du « vieux chêne » : une apparence noueuse et assez commune, un tronc exagérément épais, qui soutenait d’impressionnantes branches, habillées d’un feuillage dense. Juste au-dessus de l’embranchement où s’achevait la partie supérieure du tronc, nichée dans un écrin de bois et de feuilles, une apaisante lumière se concentrait. L’accès à la sortie de la Matrice, l’Arène-sas. Enfin.
Adoptant le comportement du papillon de nuit, Ulrich s’approcha de la structure naturelle, encore et toujours par la voie aérienne, prédominante quelle que soit l’Aire. Il se posa à l’entrée du creux ménagé au-dessus du pilier sylvestre, qu’il découvrit évidé en puits. La douce radiance y prenait source pour ensuite s’épanouir en sphère grossière dans l’espace du renfoncement végétal. Excepté les contours du trou, on n’y voyait goutte dans cet intérieur, ce qui ne rassura pas du tout l’aventurier virtuel. Eidos profita de ce moment d’appréhension pour rappeler à ce dernier sa présence, en signalant qu’il ne sentait rien de dangereux. Au vu de son instinct de survie développé, c’était bon à savoir.
- Comment t’es arrivé là d’abord ? l’interrogea Stern en constatant que son compagnon de route était le plus naturellement du monde enroulé autour de son buste.
Question purement pour la forme. Il se doutait bien que l’accrochage avait dû se faire au moment de son dernier décollage en date. L’être informe partagea le sentiment de transgression et d’amusement qui l’envahit, avant de demander à sa façon quand est-ce qu’ils allaient se jeter dans le puits lumineux.
- Heu… je suis désolé, mais je ne crois pas que tu vas pouvoir me suivre. On m’a dit que l’Arène-sas n’était accessible qu’à un individu virtuel à la fois. Je crois qu’il va falloir se dire au revoir.
Le jeune homme se sentit désolé pour Eidos, et déçu de devoir s’en séparer tout de suite. Néanmoins, une contre-argumentation à coups de suites d’images et d’impressions jaillit. Leur signification était plus complexe que ce à quoi l’humain avait été habitué. Tout ce qu’il put en déduire, c’est que sa ceinture spectrale n’était apparemment pas considérée comme un individu aux yeux de la Matrice.
Nouveau flux communicatif sans paroles, toujours sur un registre plutôt sérieux, mais avec une pointe de réjouissance naïve en prime. La question de la plongée dans l’éclat fut relancée.
Se laissant entraîner par son empressement d’en finir et la motivation d’Eidos, Ulrich sauta à pieds joints et se laissa happer.


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L’obscurcissement succéda à l’éblouissement, révélant l’Arène-sas. Une constatation se dégageait immédiatement : l’endroit ne portait pas le nom le plus optimal en regard de sa réalité. Comme attendu, l’arène était présente, au milieu de laquelle le Lyokônaute avait été téléporté. Elle se constituait sobrement d’un espace terrestre circulaire flottant dans une immensité nocturne. Le terrain se voyait recouvert par deux espèces végétales : la classique herbe, qui malgré toute sa bonne volonté et son joli vert, restait largement minoritaire face à l‘invasion de pissenlits lumineux, faisant vraisemblablement office d’éclairage principal. Ulrich en cueillit un, par curiosité, et souffla dessus. Les aigrettes furent emportées sans effort, se dispersant partout devant, le tout sans se départir de leur brillance caractéristique. Eidos fut particulièrement intéressé par cela et reprit spécialement forme humanoïde pour tenter de reproduire l’action effectuée par son ami humain.
Celui-ci continua l’inspection générale – la dernière qu’il aurait à faire espérait-il – et constata qu’il ne pouvait pas être dans un sas. Tout autour de la plateforme, l’encre spatiale s’étalait tant que les rayons des pissenlits ne la perçait que superficiellement. Dans cet infini apparent, cinq repères permettaient néanmoins de définir des limites à ce vide. Dispersés grossièrement aux quatre points cardinaux, autant d’étoiles colorées étaient placées, respectivement bleue, violet pâle, verte et ocre. Au jugé, elles paraissaient lointaines, là où l’espèce de lune pile au-dessus de la tête de Stern paraissait à portée de main. Le mot « espèce » était approprié pour qualifier cet astre, puisque sa surface se fondait totalement avec l’ébène environnant. Seul un fin contour blanc en cercle permettait de la détacher au milieu de tout ça. L’addition de toutes ces informations visuelles laissait imaginer que l’Arène-sas avait la forme d’un gigantesque dôme, avec la lune en guise de point culminant. En somme, c’était un planétarium au ciel particulièrement avare.
De son côté, Eidos n’avait pas lâché les pissenlits. Ne possédant pas de bouche, il provoquait la dispersion des aigrettes par un mouvement de bras sec. Les parachutes végétaux se déployaient pour la majorité hors de la plateforme, entamant une lente descente dans l’abysse ambiant, qui finissait inévitablement par engloutir leur lumière individuelle. La créature contemplait ce spectacle à la fois fascinant et troublant jusqu’à disparition totale de toutes les graines au vent. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’il les vit réapparaître une à une et se rapprocher de lui. Peu rassuré par le phénomène, l’être fait de matière noire se replia autour du cou de son acolyte, reprenant la forme d’une longue écharpe. Le contact soudain n’alerta pas le moins du monde Ulrich, puisqu’il assistait déjà à l’événement principal : les têtes de pissenlits se détachaient en petites sphères de lumière. Cet ensemble s’aggloméra à quelques mètres au-dessus du sol, et ne prit forme définitive qu’au moment où l’ultime aigrette fut absorbée et le terrain devenu un triste gazon.


L’éclairage ne décrut pas, bien au contraire. La grosse boule de lumière aux bords violets qui résulta de la fusion était comparable à un astre miniature venu percer l’opacité de l’Arène-sas. Immédiatement, l’apparition évoqua au Lyokô-guerrier un monstre de Xana : le Gardien. Par analogie, il en déduisit qu’il tenait là celui de la Matrice. Le sabre de gauche fut dégainé naturellement. Eidos ne semblait pas décidé à se dépêtrer de son recroquevillement. Les impressions qu’il partageait témoignaient du pouvoir d’intimidation qu’avait le globe brillant sur lui.
Déterminé à ne pas enfiler des perles, Ulrich passa à l’attaque. Il apposa un DMA à ses pieds, sur lequel il prit appui à pieds joints. Le voilà lancé sur cet adversaire peu conventionnel. Un flash survint instantanément. L’éblouissement du samouraï fut logique, son repoussement brutal au sol beaucoup moins. À ce moment-là, il fut inquiet pour la protection de son enveloppe-charnelle-à-l’œil-mais-en-réalité-spirituelle : depuis le début de son odyssée, elle avait quand même pris deux-trois coups. Si elle avait tenu le choc jusque-là, il n’était pas certain que ce dernier impact lui ait permis de subsister… Au moins, il était encore en un seul morceau.
- Ça va Eidos ? Je t’ai pas écrasé ?
Négatif, son compagnon était aussi en pleine forme, mais toujours aussi en retrait par rapport à la menace. Ulrich, lui, avisa du regard le globe, qui avait conservé sa position immobile, et décida de faire le malin :
- Si tu veux la jouer comme ça, tu vas être servi !
Il empoigna à deux mains son arme, dont la lame se para d’une aura blanchâtre en quelques secondes. Le temps de viser fut prit, avant que la salve énergétique ne soit envoyée d’un geste sec et assuré. Le Gardien l’encaissa de plein fouet et s’écroula, tout simplement, jusqu’à toucher terre. Il parut y rebondir avant de regagner une position stationnaire, en lévitation légère. Face à cette cible facile, l’épéiste chargea une nouvelle salve et la décocha. L’attaque fut interceptée à mi-chemin par un obstacle invisible, provoquant une explosion de particules éphémères.
La question n’eut même pas le temps de se poser que la réponse apparut immédiatement : une nuée de petites lucioles était générée en continu par la boule. Toutes se dirigeaient sur le samouraï, pas vraiment entraîné à combattre de telles choses. En désespoir de cause, il enchaîna onde de choc sur onde de choc, priant pour que l’afflux d’insectes possède une limite. Malheureusement pour lui, la seule limite se trouvait dans sa capacité à gérer pareil assaut. Inévitablement, il se fit submerger. Cela commença par quelques dizaines de lucioles passant le barrage et se posant librement sur le corps d’Ulrich, pour provoquer une micro-explosion dans la seconde suivante. Au départ, il ne se souciait pas de ça, aucun dégât n’étant apparent. Puis, passé le cap des cent détonations, il comprit. Les bestioles n’infligeaient individuellement qu’un nombre de dégâts négligeable, mais à force d’attaquer les mêmes zones… des trous apparurent. Littéralement. La jambe, le ventre et le bras gauche du jeune homme se virent affublés de blessures virtuelles, d’où s’échappaient au compte-goutte les confettis blancs de la dévirtualisation.
C’était confirmé : son esprit était désormais complètement à nu. Il devait se défendre autrement.
Décidant d’interrompre les salves, il libéra une main pour dégainer son second sabre, dont il enclencha immédiatement le bouton. Il était temps de voir si les lucioles entraient dans la catégorie « attaque énergétique ». Il balaya l’espace de la lame ayant adopté une couleur bleutée, sans se soucier de toucher ou non. De toute façon, les insectes étaient si nombreux que même en frappant au hasard, il était impossible de ne pas en traverser un. À peine les premières porteuses de lumière furent touchées par le fer de l’arme que le corps d’Ulrich se vit entouré d’un champ protecteur de couleur froide, qui s’épaissit à mesure que le katana absorbait. Malgré le fait qu’une majorité de lucioles échappait au tranchant, leurs explosions combinées n’entamaient pas le bouclier nouvellement érigé. En confiance, et sans interrompre sa technique défensive, le sabreur commença à marcher tout droit. L’espace minimaliste de l’Arène lui permit d’être à portée du Gardien en peu de temps, qui ne lui laissa pas le temps de le planter et brilla à nouveau intensément. Stern se fit repousser un peu plus loin. Son champ de force avait été éparpillé au cours du processus, tout comme les lucioles restantes.
Pas le temps de se réjouir, une nouvelle nuée fut générée. Peu motivé à entamer une guerre d’usure, Ulrich lâcha son sabre absorbant, et arma une salve d’énergie avec l’autre. Cependant, contrairement aux fois précédentes, il appliqua un effet courbe lors de son tir. De fait, l’attaque contourna habilement les petites lumières explosives, pour s’écraser directement sur la sphère géante qui en fut visiblement affectée. Pour autant, cette percée réussie ne stoppa en rien le nuage d’insectes qui fondait sur lui. Le délai que lui demanda le ramassage de son principal moyen de défense fut trop long : comme une seule entité, la légion couvrit entièrement son bras gauche, avant d’éclater. L’avant-bras et la main liés au membre détruit volèrent sous l’effet du souffle.


Plus de bras gauche. Phi avait prévenu que ça pouvait arriver. Pourtant, il ne s’attendait vraiment pas à le vivre. Quelque chose s’effondra en lui. Même si ce n’était que virtuel, la sensation qu’il expérimentait était déplaisante, infâme même. Il ne put s’empêcher de regarder les dégâts. À l’instar de Papa Pück, un flot constant de cartes immaculées s’envolaient de la blessure ménagée par le démembrement. Cette vue le tétanisa, à tel point qu’il en oublia ce qu’il était en train de faire.
La production en masse de lucioles reprit. Ulrich n’y prêta aucune attention, malgré les avertissements marqués d’Eidos. Ce dernier se résolut finalement à agir et reprit forme humanoïde. Il se jeta sur le katana absorbant au sol, emporté mais pas dissipé comme le bras qui le tenait. Vu le passif de la créature spectrale, il aurait été logique de penser qu’elle allait combattre à la place de celui qu’elle suivait. Au lieu de quoi elle se propulsa en jet sur le samouraï, pour ensuite se souder à l’emplacement de son bras arraché, s’étalant un peu sur son épaule et son buste pour une meilleure prise. Deux secondes plus tard, Eidos avait adopté une forme conforme au membre précédemment perdu, le tout en gardant le katana ramassé. La nouvelle fournée d’insectes arriva à ce moment-là, pile le bon timing pour se faire absorber par la lame made in Psina. Évidemment, Ulrich, hébété par l’action de son compagnon inhumain, était toujours figé. Aussi, c’était le bras noir qui dictait les mouvements à effectuer, auxquels le garçon sans volonté se soumettait.
Une tentative de communication non-orale fut relancée par le matricien. Il confirma qu’il était toujours effrayé par le Gardien, mais que son instinct de survie, comme toujours dans ce genre de situation, était prépondérant. Par là, il demandait au Lyokô-guerrier d’essayer de se reprendre, ce qui de son point de vue était plutôt facile à faire.
Ulrich fit un effort pour se secouer les puces. Retrouver un bras, même s’il bougeait de lui-même, lui avait permis de se remettre un peu de ses émotions. Malgré le niveau d’étrangeté atteint par son expérience dans la Matrice, il renouvela l’approche de l’ennemi par la marche, un peu moins assuré que tout à l’heure. Fatalement, l’histoire se répéta : un flash dispersa les lucioles explosives et l’envoya voler. Cette fois-ci, la réaction avait été anticipée, faisant que l’attaque repoussante n’avait pas été très efficace. La contre-attaque ne traîna pas : un Supersprint combla la distance restante entre le sabre et la boule de lumière. Au moment de trancher, le Gardien perdit subitement en volume, atteignant la taille d’une grosse Pokéball. Cela ne l’empêcha pas d’être proprement coupée en deux et d’exploser en poussière lumineuse.
Prévenu mentalement par son allié, l’estropié effectua un bond en arrière. Une multitude de lasers, identiques à ceux employés par la majorité des monstres de Xana mais incolores, s’écrasèrent sur l’emplacement qu’il venait de quitter. Un coup d’œil rapide confirma la présence de neuf modèles miniatures du Gardien éparpillés en dôme autour de la plateforme. Les tirs reprirent immédiatement, ce qui avec un laser par sphère et par angle différent rendait l’interception totale impossible. Heureusement pour l’avatar jaune-orangé, son bras droit situé à gauche était habile, et parvint à réactiver le champ de protection bleu en interceptant trois traits de lumière. Combiné à l’esquive de deux autres et à la déviation d’un autre par le jeune homme, le compte était bon pour encaisser ce qu’il restait. Cette évolution de la situation acheva de remettre définitivement Ulrich dans le combat.
- Triplicata !
Les deux clones se matérialisèrent prestement, et n’eurent aucune réaction sur le fait de n’avoir qu’un seul bras. Ils se contentèrent de dégainer docilement leur unique sabre, à temps pour le nouveau déluge de lasers, concentré sur le modèle de base. Le quatuor n’en fit rien et parvint à contenir l’assaut.
- En mouvement les gars !
Les Stern profitèrent de la petite latence entre les tirs groupés pour sprinter de manière erratique sur le terrain. Grâce à ça, la vague offensive adverse qui suivit ne mena à rien. Trop heureux de tirer parti de cette confusion, l’original laissa tomber sa lame aux salves d’énergie, ne préférant pas s’arrêter pour la remettre dans son fourreau.
- Eidos ! Je vais nous rapprocher d’eux, toi découpe-les !
L’approbation fut obtenue pendant que la main libérée générait une plateforme de rebond, immédiatement utilisée pour s’élever au-dessus de la mêlée. L’instant de flottement précédant la redescente lui donna une idée globale des positions des globes ennemis. Un DMA instantané lui insuffla une nouvelle trajectoire de chute, droit sur un orbe. Le sombre bras armé fit le reste une fois à portée. Ulrich usa à bon escient du pouvoir de rebond, démultipliant les points d’appuis dans les airs avec l’aide de ses doubles, qui avaient renoncé à tout armement pour l’épauler, mais pas à la course. Face à la boule de flipper, les Gardiens miniatures furent bien embrouillés. Cela provoqua la perte de trois des leurs, avant qu’ils n’aient dans l’idée de commencer à se mouvoir tout en tirant. Leur vitesse navrante ne leur permit pas vraiment de retourner la situation, seulement d’éliminer un clone sur un laser perdu. Pour ce résultat, un trio supplémentaire passa au fil du katana d’Eidos, incontestablement MVP de ce combat.
Les deux orbes survivants se rejoignirent d’un seul coup, mus par une forte attraction. De leur fusion réapparut la boule initiale, qui malgré sa taille normale retrouvée, brillait bien plus faiblement qu’au début. L’échec de son Mini-Décaplicata avait grandement affecté son intégrité. La victoire était proche.
Subitement, le Gardien entama un mouvement rotatoire, qui atteignit rapidement une vitesse telle qu’il en devint presque flou. Très certainement l’ultime effort qu’il pouvait fournir. Face à ça, le trouillomètre d’Eidos atteignit des sommets. Par ricochet, celui d’Ulrich fut influencé. Il en déduisit que la prudence s’imposait et fit signe à sa doublure restante d’aller tâter la température. Docile, elle ramassa son sabre par terre et courut à fond sur la lampe tournante. Un coup d’épée basique fut tenté. À peine le contact avec l’adversaire fut-il établi que l’arme comme son manieur furent dispersés en cartes blanches, poussés vers l’arrière. Le message était clair en ce qui concernait l’approche directe.
Stern alla ramasser sa seconde lame, qu’il avait délaissée plus tôt pour pouvoir générer les DMA. Il fit ranger celle que tenait son bras de rechange, en vue d’une assistance à la génération d’une salve d’énergie. L’envoi de cette dernière ne perturba nullement la toupie.
- Fait chier ! ragea brutalement le jeune homme.
Avec force, il envoya le sabre droit vers la cible. Et le cimetière virtuel.


Ulrich était dégoûté. Arriver à une impasse à deux doigts de la sortie ! Il en aurait frappé le Gardien à mains nues pour décharger sa frustration, s’il n’avait su que ça lui serait fatal. Eidos lui envoya alors une image mentale pour signaler que le sabre absorbant était encore chargé à bloc, donc qu’il pouvait encore générer son champ de force protecteur. C’était sa manière à lui de dire que tout n’était pas perdu. L’attention fit plaisir à celui à qui elle s’adressait… et lui inspira un angle d’attaque.
- Tu peux descendre s’il te plaît ?
Sensation de questionnement.
- Je vais tenter de le finir, mais c’est pas dit que ça marche, alors je préfère qu’on n’y passe pas les deux. Et tu m’as assez mâché le travail comme ça, faut que je mérite un peu mon ticket de sortie.
Compréhensive, la matière noire se désolidarisa du corps humain, pour reprendre sa propre apparence humanoïde et regarder de ses yeux blancs inexpressifs ce qui allait suivre.
Ulrich tenta de faire abstraction de la sensation de vide sur sa gauche et se plaça talon au bord de l’espace de combat. De son unique main, il sortit son dernier sabre, dont le pouvoir se réactiva une fois empoigné. Une intense aura bleutée entoura le collégien et son arme.
- Supersprint.
La traînée bicolore fonça fermement sur la boule sans facette et mit toute la force de son bras dans une estocade finale. À l’impact, une impression proche de celle qu’il avait éprouvée en tentant de contenir un laser de Mégatank lui vint. L’orbe tourbillonnant exerçait une force notable, supérieure. Seule la protection qui entourait le samouraï lui permettait d’y tenir tête. Hélas, la puissance rotatoire semblait empêcher l’absorption d’énergie de s’effectuer. Sans cette fonction, la défense Lyokô-guerrière était vouée à s’affaiblir rapidement. Au lieu de cesser son attaque et de reculer pour réfléchir à une autre option, Ulrich au contraire renforça sa prise et pressa encore plus fort la pointe de son arme. Foncer dans le tas et jouer le kamikaze étaient ses spécialités en combat virtuel. Si cet assaut-là ne passait pas, il ne voyait pas ce qu’il pouvait faire de mieux.
Le choc s’étendit sur quelques secondes encore. Le Gardien ne perdit pas en vitesse, là où le champ protecteur s’affinait dangereusement. La limite fut atteinte : très naturellement, l’épée s’enfonça dans la boule de lumière, comme si elle venait d’un seul coup de tomber sur une encoche spécialement faite pour l’accueillir. Combiné au mouvement dans le sens horaire, cela se termina en une belle estafilade horizontale, qui laissa filtrer une lumière iridescente.
Puis, ce qui pouvait se comparer visuellement à une supernova détona sous le nez de l’égaré de la Matrice.


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Depuis qu’il avait quitté le conseil de classe précipitamment, Odd n’avait cessé de courir. Rejoindre l’usine, l’extrémité du territoire Montagne et la salle du Cœur de Lyokô, en considérant le peu de temps dont il disposait, c’était une performance notable. Hélas pour lui, finir sa course en Overboard ne lui épargna pas de combat virtuel. Cela dit, une Manta et un corps d’Ulrich largement affaibli aux champs de force, il y avait plus insurmontable.
Le clash fut à l’image de l’ennemi principal du jour : rapide. La créature volante opposa une résistance de dix secondes environ avant de succomber à une flèche-laser. L’humanoïde, lui, en encaissa deux en début d’hostilités, puis se fit faucher par la planche volante du matou après destruction du monstre. Il en lâcha son sabre, qui se planta dans le sol plus loin. À ce stade, la domination de Della Robbia était assez incontestable. Ce fut sans compter sur son saut d’évacuation du véhicule, effectué trop loin du samouraï, qui lui fit perdre quelques instants à remonter. Suite à quoi, le Xana-guerrier effectua un remarquable enchaînement Triplicata-Supersprint, qui lui permit d’éviter le retour en traître de l’Overboard plus les tirs de son conducteur, mais surtout de récupérer son sabre. Un demi-tour prestement effectué plus tard, il chargea l’avatar félin et feinta une attaque de taille afin d’asséner un bon coup de pied dans la mâchoire. Bien entendu, cela fonctionna.
Le Lyokô-guerrier non-possédé valdingua directement dans le vide. Il parvint à stopper directement sa chute en plantant ses griffes dans la paroi de la corniche. Xana-Ulrich fit alors l’erreur de se replacer sur le bord pour reprendre son travail de destruction. Du point de vue d’Odd, autant dire qu’il n’avait plus besoin de bouger pour se ménager une fenêtre de tir optimale. Naturellement, il tendit le poing gauche sur la cible offerte…


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Ulrich reprit ses esprits, allongé vraisemblablement au centre de l’Arène, à en juger la vue privilégiée qu’il avait sur la lune opaque. Il sentit un contact dans le creux de sa main valide, qui déversa sans attendre quantité d’images et d’inquiétude. Pour changer, Eidos l’avait sauvé en empêchant l’explosion du Gardien de l’envoyer hors-sol. Sans l’être noir, il n’aurait pu en arriver à ce stade.
- Merci pour ton aide, lâcha-t-il à brûle-pourpoint pour celui qui le voyait comme un ami. C’est grâce à toi que je m’en sors aussi bien.
Le jeune homme n’était pas coutumier de telles paroles, aussi pensa-t-il un instant que la sensation de semi-conscience qui le parcourait et sapait toute envie de se lever était à mettre en cause. C’était probablement pour ça que son compagnon de route tentait d’entretenir le dialogue. Peut-être était-ce aussi à mettre en lien avec l’abondante quantité de cartes blanches qu’il voyait passer sous ses yeux. Il préféra regarder son camarade informe droit dans les yeux, pour ne pas avoir à constater l’ampleur des dégâts sur son avatar. Au moins, il était assuré d’avoir encore une bonne partie du buste ainsi que toute sa tête – ce dernier point restait à vérifier au figuré.
Eidos fit apparaître son autre main dans le champ de vision de Stern. Il tenait le dernier fragment de clé, apparu par matérialisation après la disparition du Gardien selon lui. Le contact avec le cristal inégalement taillé fut établi, ce qui lui permit de se fondre dans ce qu’il restait de corps au samouraï. Au cours du processus, ce dernier ne put s’empêcher de songer que sa victoire face à l’ultime adversaire était à mettre sur le compte de la chance audacieuse. Il n’avait pas l’impression que la boule géante avait fait étalage de toutes ses capacités face à lui. Son passage d’un profil offensif à l’autre était assez douteux. Était-ce comme l’avait dit Psi, qu’il n’était pas conçu pour affronter un humain ?
Sa réflexion fut interrompue. Les cinq fragments de clé jaillirent de son buste, pour s’élever à plusieurs mètres au-dessus de lui. Ils se placèrent alors en cercle, à distance à peu près égale les uns des autres. En superposition avec l’astre lunaire, ils donnèrent l’impression de former une espèce de soleil dardant de grossiers rayons, au milieu des pétales de dévirtualisation. C’est alors que l’éclipse prit fin : tel un couvercle de récipient poussé, la face sombre de la lune s’écarta doucement pour révéler le jour éblouissant.
Ulrich sentit sa conscience s’échapper promptement, par vapeurs éthérées. Il le sut d’instinct : il vivait ses derniers instants dans la Matrice. Eidos le comprit également, lui transmettant toute son affection et sa gratitude pour avoir rompu un temps sa solitude.
- C’est réciproque, même si c’est encore à moi de te remercier.
La vague d’images et de sensations qui suivit fut indéchiffrable, sa concentration avait atteint le point de non-retour.
- Continue de survivre aux autres ! lui envoya-t-il finalement.
Il ne sut jamais si ses lèvres avaient prononcé les mots correctement ni s’il avait eu le temps de les lâcher.
Le néant l’avait aspiré.


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- Attends Odd ! L’esprit d’Ulrich vient de réapparaître !
Le blondinet interrompit son intention de tir. Pas l’avatar xanatifié. La rafale d’énergie verte s’écrasa sur la dernière barrière de protection du Cœur, la détruisant en quelques secondes. Pour parer à la catastrophe ultime, Odd se jeta sur le corps de son pote et le plaqua au sol. D’un geste précis, il lui chipa son sabre avant de le lancer derrière lui, dans le vide. Visiblement irrité, le Xana-guerrier se dégagea des griffes du matou, avant de retenter un coup de latte dans la mâchoire. Cette fois-ci, Della Robbia l’esquiva souplement, puis contre-attaqua d’une droite bien placée. L’avatar possédé vacilla, mais ne s’écroula pas.
- Einstein, il est où alors ? Je viens de passer à côté d’au moins trois occasions de dévirtualiser son corps !
Les deux avatars poursuivirent leur affrontement à mains nues, dans le but de provoquer une chute fatale ou bien simplement contenir l’autre, selon les affiliations.
- Désolé, s’excusa la voix de Jérémie. C’est juste que c’est plus simple de procéder maintenant à la fusion du corps et de l’esprit. Vu que je ne sais pas encore comment ramener un esprit dans le scanner…
- Abrège !
Jouer avec le samouraï possédé était à double-tranchant. Odd savait que si celui-ci décidait de descendre chercher son sabre à toute vitesse, il ne pourrait l’arrêter.
- Il est juste à côté du Cœur. Puisque je ne peux pas communiquer avec lui, crie-lui de regagner son corps tout de suite. Si ça devient ingérable, dévirtualise le corps sans te poser de questions.
- Ulrich !! Si tu m’entends, faut que tu retournes dans ton corps. Fissa !

Le principal intéressé était en proie à une intense confusion. Il ne comprenait pas pourquoi il flottait à côté d’un Cœur de Lyokô dénudé, ni par quel maléfice il se voyait combattre Odd. Ses souvenirs se mélangeaient dans sa tête, lui empêchant de restituer tout contexte. L’appel de son compagnon de chambre le tira néanmoins de sa rêverie. Naturellement, il s’interrogea sur la raison d’une telle demande, avant de relever le « si tu m’entends » et « ton corps ». S’il n’en tira aucune conclusion sur la situation du moment, cela lui inspira l’obéissance aveugle.
Par la force de la pensée, le fantôme bougea jusqu’à son enveloppe charnelle, qu’il traversa sans plus de cérémonie.
L’avatar à dominante jaune-orange poussa une exclamation parlante et s’immobilisa un instant. Réactif, Odd le mit en joue et tira. Game over pour le larbin de Xana.

Le scanner relâcha Ulrich, physiquement en pleine forme, mentalement toujours aussi nébuleux. Cela dit, à en juger les mines des filles, il songea qu’il devait revenir de très, très loin.


À suivre : Épilogue – Ethereal Words


Dernière édition par Zéphyr le Sam 10 Oct 2020 19:28; édité 6 fois
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Zéphyr MessagePosté le: Mer 11 Oct 2017 13:25   Sujet du message: Répondre en citant  
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Spoiler




https://i.imgur.com/vKYLD2d.png




Lorsqu’Ulrich revint dans sa chambre après une petite entrevue privée avec Jérémie, ce fut pour trouver son compagnon de chambre déjà endormi. La chose l’arrangeait, il s’évitait une discussion qui retarderait son envie du moment : mettre à jour son journal intime. Tâchant d’être silencieux, il récupéra le matériel nécessaire et prit place à son bureau. La lampe y était restée allumée, probablement une discrète attention d’Odd.
Impatient d’écrire librement tout ce qui était encore frais dans son esprit, il ne se soucia même pas d’inscrire la date, ce qui allait contre ses habitudes :


Aujourd’hui, j’ai vécu une expérience vraiment particulière sur Lyokô. Enfin, non. Ça a commencé hier soir pour se finir cet après-midi. Je crois que je n’ai jamais passé autant de temps sous forme virtuelle, et je n’arrive pas à me dire si c’était une bonne ou une mauvaise chose.

Les autres m’ont raconté ce qui était arrivé, après mon retour dans le scanner. Je me sentais encore très secoué à ce moment-là, mais j’ai préféré faire mine d’aller bien. C’est pas très agréable de se faire fixer par ses amis inquiets.
Jérémie s’est excusé plusieurs fois pour la virtualisation directe sur le 5ème territoire loupée. Je lui ai suggéré de tenter le coup avec Kiwi à la prochaine. Odd s’est outré, mais il n’a pas caché sa joie de me revoir. D’ailleurs, il m’a raconté le conseil de classe, c’était quelque chose apparemment ! Le soutien de Jim et M. Blanchard m’a empêché de finir en troisième allégée. Va falloir que je pense à aller les remercier dès que je les croiserais. Odd aussi.
Lorsqu’ils ont fini de tout raconter, Jérémie n’a pas pu s’empêcher de se demander à haute voix pourquoi mon esprit est subitement réapparu pile à côté du Cœur de Lyokô. Yumi l’a fusillé du regard et il a préféré se taire. J’ai certainement manqué un épisode, mais c’est quasi-sûr qu’ils se sont disputés.

J’ai passé le reste de cet après-midi à me reposer. Étrangement, j’avais surtout envie de manger et de prendre une douche à mon retour, même pas de dormir. Pourtant, après chaque virtualisation, c’est toujours ce que j’ai le plus envie de faire.
Le plus important dans tout ça, c’est que des souvenirs et images de la Matrice me sont revenus au cours du reste de la journée. Évidemment, ça m’a travaillé, parce que la version que m’ont donnée les autres collait moins.

J’ai préféré attendre ce soir avant d’en parler à Jérémie, seul à seul. Odd, Yumi et Aelita auraient réagi excessivement si je leur avais annoncé que j’avais des souvenirs d’un lieu de Lyokô qu’on ne connaissait pas. Je ne voulais que des explications logiques et seul Jérémie pouvait m’apporter ça.

Donc je suis allé le voir. Je n’ai pas parlé immédiatement de mes souvenirs, mais plutôt de la question qu’il avait posée sur la réapparition de mon esprit sur ses radars. Le connaissant, il ne pouvait qu’avoir cherché une réponse à ce mystère. J’avais tapé juste : il avait fait des recherches. Sans résultat. J’étais un peu déçu, mais il avait quand même une théorie. Ce n’est pas Einstein pour rien ! D’après lui, son programme de virtualisation, en plus de séparer mon corps et mon esprit, les a envoyés à des endroits différents et aléatoires du 5ème territoire. Il suppose que mon esprit s’est retrouvé balancé à côté du Cœur de Lyokô et qu’il s’est fait « absorber ». Et ce serait la proximité de mon corps avec le Cœur qui aurait provoqué une espèce de réaction d’attirance, qui l’a poussé à s’extraire.
Jérémie ne paraissait pas entièrement convaincu par sa propre explication. Il me l’a avoué lui-même, en s’excusant encore une fois.
Du coup, j’en ai profité pour lui demander s’il pensait que le Cœur ne cacherait pas quelque chose dont on ne soupçonnait pas l’existence, une strate inférieure de Lyokô par exemple, ou un truc du genre. Comme ça aurait été trop beau qu’il me réponde sans poser de questions, j’ai dû mentir. J’ai prétendu avoir vu de choses étranges entre ma virtualisation et ma réapparition vers Odd et mon corps. Je n’aime pas faire ça à mes amis, mais je n’avais aucune envie de passer pour un dingue.

Heureusement, Jérémie a été très compréhensif. Il a fait quelques recherches supplémentaires. Elles ont duré un bout de temps, je ne saurais pas dire combien, je n’ai pas regardé l’heure depuis. Si ça se trouve il est déjà plus de minuit. Ça voudrait alors dire que je ne parle plus du bon « aujourd’hui ». Peu importe.
Jérémie n’a rien trouvé de nouveau par rapport au Cœur. Il m’a même assuré qu’après qu’on l’ait découvert, il l’avait étudié en détail et qu’il en avait décrypté toutes les fonctionnalités. Il les avait trouvées logiques pour un monde virtuel comme Lyokô. Je l’ai cru sur parole sur ce point-là.
Il a aussi ajouté autre chose, avec un ton amical et confident. C’était rare chez lui. Il m’a dit que le jour où il s’était trouvé coincé entre Lyokô et notre monde, il avait lui aussi cru voir, sentir et entendre des choses indescriptibles et étranges. Lorsqu’Aelita est venue le chercher, il s’est rendu compte que tout n’était que blanc et vide autour de lui. Selon lui, j’ai peut-être juste les mêmes impressions que lui avait eues. Ça se tiendrait, vu nos expériences assez similaires.

Je n’ai pas plus insisté auprès de Jérémie. Je lui ai dit qu’il devait avoir raison, avant de le laisser tranquille.

Finalement, je pense que tous ces souvenirs et images de la Matrice, je vais les garder pour moi. Pour être honnête, je n’ai en mémoire que les grandes lignes de ce qu’il s’y est passé. Les lieux, les quêtes, les rencontres, les dangers, les découvertes et les combats, ils sont encore là globalement, mais quand ma mémoire essaie de les visualiser, tout me paraît comme traversé par un filtre flou et brumeux. Comme si j’essayais de retracer un rêve.
Je ne suis plus certain de ma capacité à différencier la réalité d’avec le rêve ou le délire. C’est aussi pour ça que je n’ai pas plus insisté avec Jérémie. J’ai peur d’apprendre que tout n’était effectivement que dans ma tête. Bon, Jérémie me l’a déjà plus ou moins dit, mais ce n’est pas comme s’il avait vécu quelque chose de vraiment rationnel non plus. Même s’ils me donnent des sensations étranges, ces souvenirs de la Matrice de Lyokô, ils me paraissent réels. En fait, je veux croire que ces aventures qui m’en ont fait bavé et oublié mes soucis ne sont pas faux.
Si je parlais comme je viens de l’écrire devant les autres, ils penseraient soit que je suis fou, soit que je suis un rêveur, soit que le programme de Jérémie m’a affecté le cerveau. Je préfère encore tout garder pour moi, et ne déranger personne.
Il y a quand même une dernière raison qui m’empêche de me confier totalement à mes amis : je suis un égoïste. J’ai envie de garder cette expérience unique de Lyokô pour moi seul. Aelita en personne n’a jamais vu ni visité la Matrice, c’est dire ! Quand j’y réfléchis, tout le monde a pour soi une expérience virtuelle unique à son actif, sauf moi.

Aelita a vécu plus d’un an sur Lyokô en tant que Gardienne.
Jérémie s’est retrouvé bloqué à la frontière du virtuel et en est revenu.
Yumi est tombée une fois dans la mer numérique. Ce n’est peut-être pas cool de considérer ça comme une expérience virtuelle, mais je commence à penser qu’à ce moment-là, elle a malgré tout vécu quelque chose. La preuve : elle n’a jamais voulu parler de cet épisode, même lorsqu’Odd insistait…
Et pour Odd, il a cette capacité à profiter de chaque instant passé sur Lyokô. Il donne toujours l’impression de s’éclater, à chaque virtualisation. Aelita, Yumi et moi sommes trop souvent sérieux pendant les missions pour pouvoir l’imiter. Du coup, même sans avoir vécu de véritable expérience unique et solitaire, Odd possède ce rapport unique à Lyokô, qu’aucun de nous n’aura jamais.

Alors que ce que j’ai vécu soit réel ou non, j’ai envie de le garder pour moi.

Waouh, je viens de me relire. Je pars loin dans les dernières lignes ! Peut-être que j’ai vraiment viré dingue en fait… En tout cas, c’est ce que je risque de penser si je relis tout ça un jour.

Il est tard, j’écrirai en détail tout ce dont je me souviens de la Matrice demain. Ce ne sera probablement pas un moment 100% agréable, mais je m’en fiche.

C’était quand même une belle aventure.



https://i.imgur.com/r33e086.png


Dernière édition par Zéphyr le Sam 10 Oct 2020 19:29; édité 3 fois
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Dyssery MessagePosté le: Sam 21 Oct 2017 14:07   Sujet du message: Répondre en citant  
[Frelion]


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J'ai envie de dire, je te pardonnerais presque de m'avoir fait attendre aussi longtemps Wink

Bien, comme je n'ai pas laissé de commentaire intermédiaire sur ce texte, et que le délai de publication (eh, j'ai dit « presque ») m'a forcé à tout relire, je vais tout reprendre.

Le premier post du topic sous les yeux, je réalise que dès le départ tu nous as présenté Eidos et les sabres bleus d'Ulrich. J'ai failli passer à côté, ç'a du bon d'écrire des commentaires o/
Mais reprenons par le début. J'ai lu Pôle Lyoko il y a un bon moment. Je ne m'en souviens presque plus, mais sans qu'il m'ait déplu je crois bien que ce texte ne m'avait pas enthousiasmé plus que ça. Je serais bien en peine de te dire pourquoi, cela dit je n'en garde pas du tout le même sentiment que des autres textes que j'ai lu de toi par la suite. Les personnages ne m'avaient pas marqués plus que ça, en tout cas. Alors que là…

Bon sang, Phi est tellement cool XD C'est un très bon personnage d'entrée. Flegmatique, calme, prêt à donner des infos, mais suffisamment ambigu pour bien nous faire comprendre que, malgré un démarrage en douceur, Ulrich est mal barré. Plus généralement, tout le passage sur l'Aire de Détente est un bon passage d'entrée. On apprend l'essentiel sur la matrice, sur ses règles spécifiques, et on sait que le fonctionnement virtuel ne sera pas le même ici que sur Lyoko. Et puis franchement, les ambiances… Dans l'intégralité de ce texte, elles ont été menées d'une main de maître. Au milieu des cascades, on ressent vraiment l'entre-deux, ce moment où l'on peut prendre son temps pour apprendre les clefs nécessaires à la survie. D'autant que, moi qui aime tellement ces passages où les héros sont en plein apprentissage, avec le DMA je suis servie.
Enfin :
Citation:
Je sais voler.

Priceless.
En dernier point sur Phi, j'aime tout particulièrement sa façon de déclencher ses capacités. "Burst. Double.", "Speed.Triple." Cette façon laconique, toute en mesure, de montrer sa force lui convient particulièrement. Enchaîner pour le second avec un Ulrich hurlant pris en otage par une lance supersonique, c'était juste magique.
Enfin de toute façon, avec autant de points commun avec King, pouvais-je faire autrement qu'adorer ce phinomène ? Wink

Ah, Ulrich qui aimerait ensuite faire culpabiliser la lance. Ça m'a fait rire.
Aire de Survie, donc. Avec une toute nouvelle ambiance, pesante à souhait. Imaginer la lave couler lentement le long du volcan me donne cette impression de regarder le temps s'écouler tandis qu'Ulrich est coincé là. Ces sentiments de malaise atteignent leur paroxysme lorsque le garçon entre dans le volcan. Ce passage où il avance dans le noir… Nous aussi on perd tous nos repères ! D'une certaine façon, je le rapproche un peu à ce morceau de L'Engrenage où Chris est prisonnier, immobile, de son avatar.
N’empêche, tout ça pour se faire tirer d’entrée une boule de feu dans la figure, c’est rude XD
Par contre, puisqu’Ulrich s’est fait jeter quand il a posé la question, pourquoi Sigma a installé un dispositif d’extinction du volcan, au juste ?

Par la suite, la rencontre avec Psi, et par extension avec Thêta, est toute aussi intéressante que l’infiltration dans le volcan. Les créatures noires, vestiges d’une pseudo marabounta, sont une super idée (tu sais déjà ce que prépare cette remarque Razz), et l’intervention de Psi est juste tellement drôle. Tellement je-m’en-foutiste, j’aime. Sa relation avec Thêta, bien que très rapidement présentée, fonctionne assez bien. Leurs réflexions sur leurs parties d’échec dressent un portrait d’eux parfait pour les introduire, que leurs actes suivants ne feront que confirmer.

Je passerai sur le premier jeu de Psi (quel enfoiré quand même) et la mission de Sigma, pour passer directement à Thêta. Ce mec essaie de faire croire qu’il est le plus sympa des quatre, mais dans le fond, quel branleur x) Dire qu’il suffit de l’interrompre pour qu’il renonce à expliquer ce qu’il avait prévu au pauvre Ulrich ! En tout cas, la chasse aux monstres de XANA est hyper prenante, et comme toute les scènes d’action que tu as écrite dans cette minific (pas si mini, en fait), j’ai adoré l’utilisation que tu as faite du triplicata, ainsi que des nouvelles capacités que le samouraï récupère dans son passage par la matrice.
Cela dit, pour en revenir à Thêta, deux choses :
Au final elle a déliré, Sigma, la capture du kankrelat il en a rien à carrer, si ?
Et ensuite, un problème de rose ? Sérieux ? Et tu nous décris même pas le volcan girly ? XD

Pour le second jeu de Psi, j’ai juste adoré le lire. J’avoue que je n’ai pas réussi à bien visualiser la pluie dans « l’épreuve » précédente, mais la neige… Je sais pas, ça m’a plu o/ De même que la poursuite du Senja, compliqué par tous ses clones. En fait, en commençant ce passage, j’avoue que j’avais un peu peur de le voir trop traîner en longueur. Mais bon sang que j’avais tort ! Au même titre que la marche dans le tunnel sans lumière du volcan, l’espèce de crise de panique que fait Ulrich dans le labyrinthe de glace était un pur délice ! Et encore une fois, l’utilisation du triplicata…
Et puis vraiment, ce combat en chute libre ! Bon, combat n’est pas vraiment le terme, mais qu’est-ce que c’était cool !

Nous voilà enfin à l’aube de la dernière épreuve. Avec un caméo de Phi, yay Mr. Green Phi qui a bien raison, Thêta est carrément culotté. Sa demande est presqu’aussi choquante que d’aller sucer le candidat qu’on vient de jeter aux ambassadeurs pour récupérer son collier d’immunité (a)

Cela dit, maintenant que j’en suis là, il y a plus important. EIDOS <3<3<3<3<3
Il est tellement adorable, je veux le même :3

Je te rassure, je n’ai pas retenu que ça de l’Aire-mitage. Outre son nom au jeu de mots vaseux (t’inquiète, j’aime bien les jeux de mots vaseux ;P ), cette suite de trois planètes était très intrigante. Je passe sur la première, qui est la meilleure juste parce que c’est là qu’on a rencontré Eidos (gyaaah), la deuxième planète est peut-être mon passage préféré de ce texte. Imaginer les trois M.Puck avait quelque chose d’angoissant, et la réaction de Puck Junior après que Miss Puck ait volé en éclats était étrangement culpabilisante. Enfin, les cartes qui s’envolent en continu de l’entaille sur papa Puck sont joliment picturales, c’est une image que j’ai beaucoup aimé avoir.
Tu as posé une explication par rapport à la nature de la famille Puck, au fait ?
Concernant l’arène-sas, déjà, quoi que tu en dises, les chênes centenaires ça roxe du poney Razz Plus sérieusement, les aigrettes de lumières c’était génial (et puis Eidos, quoi <3)
Suite à ça, j'avoue que le combat final est le passage de l’histoire dans lequel j’ai le moins réussi à m’immerger. Je n’ai rien de spécial à lui reprocher à vrai dire. Ca vient peut-être du fait que je n’avais plus beaucoup de temps avant la fin de ma pause déjeuner, mais je ne sais pas, il m'a paru manquer d’impact, comparé aux combats d’avant, que j’ai trouvés fabuleux.
Et je suis très triste qu’Ulrich n’ait pas pu emporter Eidos :’(


Voilà ce que les évènements de la matrice m’ont inspiré. Bien que je considère que ce sont ceux qui font la force de cette histoire, je vais quand même revenir sur ce qu’ont vécu les autres Lyoko-Guerriers.
Personnellement, j'avoue que j'aime bien partir d'un épisode pour broder autour, et ça se voit pas mal dans PdS. Ce qui fait que je trouve toujours ça un peu dommage quand les auteurs modifient le canon pour le plier à leurs besoins. Cependant, si ce sentiment était présent quand j'ai commencé à lire, il s'est assez vite estompé. Compte tenu de la réécriture du conseil de classe et de l'épilogue, je me retrouve à approuver ton remaniement =o
Je reste juste sur mon impression première : la confrontation entre Jim et madame Hertz est choquante. Sérieusement, quelle connasse ! D’où elle s’accorde le droit de le gifler juste parce qu’il ne peut pas lui apprendre à danser le tango ou je ne sais quoi ? Il ne lui doit rien, qu’il lui ait menti sur ses talents est peut-être agaçant mais s’il avait dû lui faire un cours, tout ça pour qu’elle puisse se consoler de sa vie merdique en faisant du gringue à un latino ayant l’âge d’être son fils (bon, si ça se trouve c’est un vioque, mais quand même), c’est encore lui qui aurait le plus perdu son temps. Vieille carne.

Le conseil de classe était donc super. Ce prof de français du feu de dieu que tu nous as créé =o On va le revoir ? Dis, dis, on va le revoir ? (et Eidos on va le revoir ? =D) Pardon.
Odd a donc bien géré son boulot de délégué, et son rôle de meilleur ami. Jérémie s’est un peu beaucoup planté mais il a su réparer les dégâts. Aelita a, comme toujours, tenu son rôle de figurante. Et Yumi. Et bien, quelle hargne ! Je ne l’ai pas trouvée spécialement attachante (à ce stade, c’est viscéral chez moi…), mais je salue sa performance de combattante.

Enfin, concernant l’épilogue, je te l’ai déjà dit et je le réitère, je n’ai pas trouvé ça trop brutal du tout. Je ne m’attendais pas à une réflexion via le journal intime d’Ulrich, et j’ai apprécié cette façon de remettre en perspective son expérience, aussi désagréable et stressante qu’elle ait pu être. J’attendais un peu de voir la réaction des autres à la découverte de la matrice, mais finalement je me range à ton avis, garder ça secret était la meilleure chose à faire pour clore ce récit.

Voilà, ai-je besoin de résumer mon avis et de synthétiser en une phrase : « Merci pour cette lecture » ?
Par rapport à mes propres inclinations, ce texte ne pouvait que me plaire. L’introspection était menée d’une main de maître, tes personnages étaient tous délicieusement plus tordus les uns que les autres, et tes descriptions… Cet enchaînement de paysages pleins de poésie m’a ramenée à mon exploration des jeux de la saga Myst. Et ça, venant de moi c’est un gros compliment.
Alors je sais que tu ne l’a pas écrit à cette occasion, mais vu la date de publication presque raccord, merci pour ce cadeau d’anniversaire Wink
_________________
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