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Nelbsia MessagePosté le: Lun 17 Aoû 2020 19:58   Sujet du message: Répondre en citant  
Pokémon Master


Inscrit le: 26 Mai 2010
Messages: 324
Localisation: Dans les bras de la Mort
(2/2)



* * *





Après avoir quitté le Next World, le sous-marin et ses passagers abattus regagnent leur monde d’origine dont ils franchissent le sas :

– J’espère qu’on n’a pas été suivis... se méfie Caroline.


Émilie observe ses écrans sans vraiment savoir comment elle pourrait détecter la présence d’un traceur chargé de les pister, quand soudain, alors qu’elle émerge de la Mer Numérique intérieure de Lyoko, l’un des Navskids rattachés à son vaisseau s’en émancipe :

– Hé !? s’étonne-t-elle en identifiant le module qui s’est séparé du vaisseau-mère. Alex !? Qu’est-ce que tu fais !?

– Je ne rentre pas avec vous, répond Alexandre en s’éloignant. Jim vous expliquera.

– Hein !? s’inquiète l’opératrice aussi perplexe que ses camarades. Attends !

– Où tu vas !? l’interroge Matthias.


Et sous leurs yeux ébahis, le Navskid numéro 6 s’évapore dans les airs, dématérialisé par son énigmatique pilote qui, dépossédé de son véhicule volant, chute à présent dans la Mer Numérique.

– Non !! panique Émilie sans pouvoir le rattraper.


L’avatar d’Alexandre disparait dans les flots virtuels, laissant ses coéquipiers abasourdis en contemplant le faisceau de lumière qui remue la surface de l’eau avant que la Mer Numérique retrouve son calme plat :

– ...Il est mort ? finit par demander Romain.

– Non... Il est seulement... virtualisé à jamais... répond la jeune fille à lunettes qui ne comprend pas son geste pour autant.

– Mais pourquoi il a fait ça ?? renchérit Heidi catastrophée.

– Il a dit que Jim nous expliquerait, remarque Christophe.


Émilie rétablit aussitôt la liaison radio entre le Skidbladnir et l’ordinateur de l’usine :

– Monsieur Moralès ? Vous êtes là ?

– Leduc !? C’est bien toi !? s’écrie le professeur de sport qui guettait le retour de ses élèves avec angoisse.

– Oui, heu... On était partis explorer le Next World, et...

– Les autres sont avec toi !? poursuit Jim qui trépigne d’inquiétude.

– Ben... balbutie l’opératrice. À part le professeur Hopper qui a dû rester là-bas pour qu’on nous laisse repartir, nous sommes tous bien rentrés mais Alexandre vient de se jeter dans la Mer Numérique...

– Ah ! Heu, oui ! C’est normal ! la rassure le surveillant de Kadic. Pépin avait passé un accord avec Waldo ! Enfin je veux dire, avec Franz !

– Quel accord ? questionne la jeune fille à lunettes en fronçant les sourcils.

– Hé bien, heu... je préfère ne pas en parler ! L’important, c’est que vous soyez tous sains et saufs !


Tout en conduisant le sous-marin au Garage Skid, Émilie comprend que son professeur de gymnastique leur cache encore des choses, mais celui-ci change de sujet :

– Oh ! À propos, auriez-vous vu d’autres élèves de Kadic dans le Next World par hasard ?

– Aelita et ses amis ? devine son interlocutrice. Non, ils n’étaient pas là-bas. Et apparemment, personne ne sait où ils se trouvent, si c’est ce que vous voulez savoir...

– Ah... conclut Jim déçu.

– Notre véritable mission était d’aller les délivrer, n’est-ce pas ? enchaîne la brillante élève pour le faire parler.

– Oui mais vu qu’en fait ils n’y étaient pas... Enfin heu... Bref ! Peu importe ! Dépêchez-vous de revenir sur Terre, qu’on n’en parle plus !


Théo finit par poser une question un peu malvenue :

– ...Dites, on sera quand même payés pour nos trois jours de « travail » ou pas ?

– Sérieusement ? s’indigne Caroline. Après tout ce qui s’est passé aujourd’hui, tout ce qui t’inquiète c’est ton salaire ?

– Ben c’est surtout pour ça qu’on avait accepté de participer à ce jeu au départ, rappelle Julien en haussant les épaules.

– Ne vous en faites pas, les rassure Jim non sans une pointe de reproche. Franz est un homme de parole, il a procédé aux virements bancaires après chaque journée d’entraînement. Cela dit, vous ne serez rémunérés que pour les deux premiers jours, car à cause de votre petite escapade de ce matin, il n’est plus là pour vous récompenser après cette troisième journée...





* * *





Rematérialisés par leur opératrice, les adolescents quittent l’usine et rentrent chez eux, hormis Matthias qui s’attarde au laboratoire pour discuter avec son professeur de sport pendant qu’Émilie s’applique à effacer de l’ordinateur toutes les opérations effectuées sur le supercalculateur au cours de ces trois derniers jours, afin de s’assurer que personne ne puisse faire ultérieurement le lien entre Lyoko et eux, et surtout pas les gens du Next World s’ils venaient à découvrir l’usine et son secteur secret.

– Celui qui semblait commander les autres, raconte Matthias, c’était un grand type aux cheveux blancs avec de longues ailes noires...

– Zander... murmure Jim en frémissant.

– Oui, je crois que Franz l’a appelé comme ça ! confirme le lycéen. Vous le connaissez ?


Son professeur hésite avant de se confier :

– Je ne devrais pas t’en parler, mais j’ai longtemps travaillé pour lui par le passé, au sein de l’organisation secrète qu’il a lui-même fondée : le Black Phenix... Franz aussi en faisait partie, et apparemment, Zander en a toujours après lui puisqu’il a décidé d’enlever sa fille en détournant l’avion que ses amis et elle ont pris pour partir en vacances...


Toujours face à l’écran de l’ordinateur, Émilie semble absorbée dans sa tâche mais en réalité elle écoute très attentivement les révélations de Jim, bien qu’elle en sache déjà beaucoup à ce sujet.

– Il comptait sur nous pour aller les délivrer... réalise Matthias qui s’en veut d’avoir tout gâché.


Le surveillant confirme d’un hochement de la tête :

– Il ne pouvait pas vous dire trop tôt en quoi consistait votre véritable mission car il craignait qu’en connaissant la gravité de la situation et le danger qui vous attendait, certains d’entre vous refusent d’y prendre part, mais il aurait fini par vous dévoiler toute la vérité quand vous seriez prêts...


Son élève a encore en tête l’image du vieil homme virtuel qui échange sa liberté contre la leur, néanmoins déçu par leur trahison :

– Pourquoi j’ai été aussi impatient... se reproche-t-il en regrettant ses décisions précipitées qui ont conduit à la capture de Franz Hopper.

– Ne sois pas si dur avec toi, le réconforte Jim. Je connais Franz depuis un paquet d’années, et je suis bien placé pour savoir qu’il n’en fait toujours qu’à sa tête car il tient à ce qu’on fasse les choses à sa manière, sans jamais se préoccuper de ce qu’en pensent ses collaborateurs. Tiens ! Moi par exemple : il ne m’a même pas laissé l’accompagner pour vous secourir car il tenait à ce que je puisse continuer le combat si jamais il ne parvenait pas à vous ramener au bercail, mais crois-moi bien que si je savais comment me virtizua-machin moi-même, je ne me serais pas gêné pour venir à la rescousse !

– Qu’est-ce qui va lui arriver maintenant ? s’inquiète Matthias.

– Je n’en sais trop rien, répond son professeur en se grattant le cuir chevelu. Mais Zander connait la valeur du génie scientifique de Franz, donc le Black Phenix saura prendre soin de lui pour qu’il se remette gentiment au travail...


Le jeune garçon n’est pas dupe :

– Ils le retiennent prisonnier contre son gré, et s’il travaille pour eux ce sera seulement sous la menace... devine-t-il avant de se préoccuper de ce que la mystérieuse organisation attend de sa part. D’ailleurs, qu’est-ce qu’ils vont lui demander exactement ? De leur fabriquer des armes et des créatures virtuelles ? Des nouveaux vaisseaux pour conquérir le Réseau et intercepter les communications du monde entier ?


Jim détourne son regard pour ne pas montrer à quel point il est perturbé par l’évocation de cette possibilité, car il se doute qu’en ayant repris Waldo Schaeffer, le Black Phenix va pouvoir achever le projet « Carthage »...

– C’est... C’est possible en effet... admet-il avec peine. Mais ce n’est plus de notre ressort à présent... Et puis au moins, maintenant nous savons que Zander n’a pas réussi à s’emparer d’Aelita...


Matthias plisse les yeux :

– Pourquoi il tient tant à la capturer ? Qu’est-ce qu’elle a de si important pour lui ?


Le surveillant de Kadic s’arrête tout net en se remémorant ce que le père de la jeune fille aux cheveux roses lui a révélé au sujet de ce que Zander Hopper convoite en elle :

– Non, désolé mais ça je préfère ne pas en parler... réplique-t-il en secouant la tête.


Comprenant qu’il n’en dira pas davantage, Émilie referme les fenêtres sur son écran et se lève du fauteuil :

– J’ai terminé, annonce-t-elle en ramassant son sac.


Matthias a soudain une idée :

– Et si on essayait de relancer le programme qui faisait recommencer la même journée !? propose-t-il à sa coéquipière. Ça pourrait « annuler » notre expédition d’aujourd’hui, et Franz ne serait pas capturé !

– Mauvaise idée, rétorque l’opératrice en secouant la tête. Non seulement il serait très dangereux de manipuler un programme capable d’altérer le cours du temps sans savoir exactement ce qu’on fait car les conséquences sur notre réalité pourraient être désastreuses, mais en plus, d’après ce que j’en ai compris, ce « Retour vers le passé » permet seulement de faire « reculer » le monde réel, tandis que ce qui s’est produit dans le monde virtuel reste inchangé, donc ça n’annulerait pas les évènements survenus dans le Next World. D’ailleurs, le professeur Hopper aurait certainement lancé son programme lui-même si cela avait pu lui permettre de nous secourir sans devoir venir nous chercher.

– Elle a raison, confirme Jim à Matthias déçu. Si Wal... heu, si Franz tenait à reprogrammer chaque jour le déclenchement du retour temporel qui se produirait le soir au lieu de simplement programmer une bonne fois pour toutes un déclenchement quotidien, c’est bien parce qu’il estimait lui-même que son « Retour vers le passé » ne devait pas être utilisé à la légère...


Quittant le laboratoire, les deux élèves et leur enseignant prennent place à bord du monte-charge qui les ramène à la surface, puis ils grimpent à la corde pour sortir de l’usine.

– En tout cas, conclut Jim tandis qu’ils traversent tous les trois le pont, c’était très courageux à vous tous d’avoir accepté de nous aider, et je vous en suis reconnaissant.

– Si on peut faire quoi que ce soit de plus... insiste Matthias qui ne peut se résoudre à admettre la défaite de son équipe.

– Négatif, répond catégoriquement son professeur avant que leurs chemins se séparent à la sortie du pont. Bonnes vacances à tous les deux, on se revoit en septembre.


Le lycéen reste figé en observant tristement son entraineur qui s’éloigne et disparait au coin de la rue, jusqu’à ce qu’Émilie lui révèle qu’elle ne s’est pas contentée d’effacer leurs activités sur l’ordinateur :

– Ça te dirait de m’accompagner au lycée demain matin, histoire de fouiller un peu dans les archives de notre prestigieux établissement scolaire ?

– Hein ? s’étonne Matthias. Pour quoi faire ?

– J’ai réussi à décrypter les noms de tous les membres de la « Next-World-team-0.0 », lui confie-t-elle, et je me demande si certains d’entre eux n’auraient pas été élèves à Kadic plusieurs années avant nous...





* * *





Dans le Next World, le créateur de Lyoko suit le maître du Black Phenix qui l’accueille dans son imposant château virtuel. Malgré l’allure médiévale de cette majestueuse demeure, l’intérieur est essentiellement composé de pièces aux décors futuristes, remplies d’écrans et d’étranges interfaces.

– Comme tu peux le voir, déclare Zander tandis que son invité constate que les installations du Next World ont été améliorées en son absence, Howard ne possède certes pas le talent prodigieux avec lequel tu as développé le concept de la virtualisation, mais il s’est très bien occupé de la maintenance de mon monde après ton départ pour que je continue de l’aménager selon mes souhaits.

– Quelle belle preuve de loyauté de sa part... soupire Franz avant de s’enquérir du sort de sa compagne qui avait été recapturée par le Black Phenix. Et Anthéa ? Comment va-t-elle ?

– Chaque chose en son temps, répond le père de celle-ci en s’asseyant dans un grand fauteuil flottant avant de presser quelques commandes pour qu’un second siège se matérialise. Raconte-moi d’abord ce que tu as fait durant toutes ces années... Où t’es-tu donc réfugié pour que je ne puisse pas te localiser malgré tous les systèmes de surveillance dont je dispose ?


Le vieil homme barbu comprend qu’après l’expédition maladroite menée par ses jeunes recrues, l’existence de Lyoko ne peut plus rester secrète :

– J’ai construit un nouveau monde virtuel appelé « Lyoko », avoue-t-il. C’était le seul moyen pour moi d’être en sécurité.

– Je vois... commente Zander en le fixant. L’endroit idéal pour te dissimuler, mais aussi pour cacher ce que tu m’as volé...

– ...Ce que je t’ai volé ? reprend Franz sur un ton faussement innocent. Ah, l’interface Carthage ? Je ne l’ai pas cachée, je l’ai détruite... Mais avec un peu de temps, je peux essayer d’en reconstruire une...

– Et le Xénoformeur ? poursuit son interrogateur. Tu as réussi à le détruire ?


L’architecte de Lyoko devine que cette question vise à le piéger : aucun des savants qui ont un jour tenu l’étrange objet entre leurs mains n’a jamais réussi à le briser sans prendre le risque de déclencher un cataclysme d’envergure planétaire...

– Le Xéno-quoi ? balbutie-t-il en faisant mine de ne pas savoir de quoi il s’agit.

– Ne fais pas l’idiot avec moi... le menace Zander car le mystérieux artefact qui fournissait une quantité d’énergie quasi illimitée aux infrastructures du Black Phenix a été dérobé le soir où Anthéa et son compagnon se sont enfuis avec leurs deux filles.

– Je t’assure que je ne vois pas de quoi tu parles ! insiste Franz qui reste persuadé que son interlocuteur n’a aucun moyen de savoir qu’Anthéa et lui connaissaient l’existence du Xénoformeur qui constituait la principale source d’énergie des installations du Black Phenix. Notre départ s’est fait dans la précipitation, on ne pouvait pas emporter grand-chose avec nous !


Souhaitant d’abord obtenir de son prisonnier toutes les réponses qu’il est déjà disposé à lui fournir, Zander décide de garder pour plus tard ses questions sur l’interface Carthage et le Xénoformeur :

– Parle-moi de ton « Lyoko »... Où as-tu installé le supercalculateur qui l’héberge ?

– Au collège-lycée Kadic, ment l’ancien professeur de sciences. Sous le gymnase se trouve un vaste local qui n’est plus utilisé et auquel on accède par la chaufferie grâce à un passage souterrain relié à l’Ermitage.

– C’est donc par là que tu t’es enfui quand mes hommes sont venus te cueillir dans ta villa... en déduit Zander qui compte bien envoyer des androïdes à Kadic dès ce soir pour qu’ils s’emparent des installations de Franz pendant la nuit. Et ce nouveau monde virtuel que tu as construit, dirais-tu qu’il est plus développé que le mien ?

– Loin de là, affirme le père d’Aelita en secouant la tête. Il est fonctionnel et habitable, mais je n’ai pas vraiment eu le temps d’affiner la qualité des environnements.

– Alors que tu y as séjourné durant plusieurs années ? s’étonne son interlocuteur avec perspicacité. Si tu as pu t’y réfugier en 1994, c’est qu’il était déjà viable à ce moment-là. Qu’as-tu donc fait jusqu’à aujourd’hui ?

– J’ai eu des ennuis... révèle Franz. J’avais créé un programme appelé Xana dont la tâche consistait à protéger mon monde contre d’éventuelles attaques extérieures, mais Xana a acquis une conscience propre et il s’est retourné contre moi... Il a fallu des années à mes jeunes recrues pour venir à bout de ce virus qui avait échappé à mon contrôle...

– Les gamins que tu as envoyés ici pour m’attaquer ? demande Zander.


Son prisonnier hoche la tête, lui laissant accroire que les lycéens engagés cet été sont les mêmes que ceux qui ont affronté et vaincu Xana.

– Et qu’en est-il de Taelia et d’Aelita ? reprend le grand-père des deux jumelles. Étaient-elles virtualisées avec toi pendant toutes ces années ?


Leur père reste muet un moment avant de répondre :

– Anthéa ne t’a donc pas fait part de ce qui est arrivé à Taelia ?


L’interrogateur reste muet à son tour, laissant son prisonnier poursuivre :

– Elle est morte en bas âge, peu après que nous nous sommes enfuis.

– Comment ça « morte en bas âge » !? s’énerve Zander pour déstabiliser son « gendre ».

– C’est la stricte vérité, insiste ce dernier. Un matin, Taelia ne s’est pas réveillée, et nous n’avons jamais su pourquoi. Nous avons simplement enveloppé son corps dans un drap que nous avons déposé aux abords d’un hôpital. Anthéa en a été malade pendant des mois...


Cette version des faits semblait assez peu crédible lorsqu’Anthéa l’avait servie à son père, mais en entendant à présent ce même témoignage de la bouche de Franz, le fondateur du Black Phenix commence à envisager que ce récit macabre soit vrai... à moins qu’Anthéa et Franz aient trouvé le moyen de se contacter pour mettre au point ce mensonge ?

– As-tu la moindre preuve que Taelia soit morte ? demande Zander sur un ton glaçant.

– Tu veux l’adresse de l’hôpital où on a déposé son cadavre ? répond Waldo sans se démonter.

– Les hôpitaux reçoivent régulièrement des corps d’enfants anonymes, rétorque le souverain du Next World. Ça ne prouve rien.


Franz se retient de s’énerver :

– Quand tes hommes sont venus nous capturer au chalet en Suisse, Anthéa, Aelita et moi, où était Taelia ? Et quand ils ont à nouveau essayé à l’Ermitage, où était Taelia ? Combien de chambres d’enfant as-tu comptées dans ma demeure après mon départ ? Combien de lits, combien de brosses à dent... Combien de victimes innocentes as-tu sur la conscience...


Le maître du Black Phenix semble à présent troublé... Si Taelia est effectivement morte en bas âge sans explication apparente, son grand-père devine aisément la cause de son décès... Car sa première fille avait connu le même sort... Et maintenant que Taelia n’est plus, tout repose sur sa sœur jumelle...

– Mais Aelita, elle était bien virtualisée avec toi ? reprend Zander.


Franz confirme d’un simple signe de la tête, cependant il soupçonne son interlocuteur de poser cette question justement parce qu’il aurait vu l’aspect actuel d’Aelita pour s’apercevoir qu’elle est beaucoup plus jeune qu’elle le serait si elle n’avait pas vécu aussi longtemps dans un monde virtuel :

– Tu l’as vue récemment ? s’étonne-t-il spontanément car ses amis et elle ont pourtant disparu à bord de l’avion avant que celui-ci ne puisse les conduire au Centre dans le but de les livrer au Black Phenix.


Le maître des lieux pianote sur son interface pour ouvrir un document qui s’affiche aussitôt sur le grand écran mural, et son invité est stupéfait en découvrant la photo qui lui est présentée : ce portrait d’Aelita bordé de divers cryptogrammes est en fait son billet électronique pour le vol Paris-Ajaccio via la compagnie SkyPhantom...

– Alors c’est bien SkyPhantom qui a vendu la mèche... soupire l’organisateur du voyage.

– Même pas, le surprend Zander. On ignore toujours comment ce billet virtuel anonyme nous est parvenu, mais nos rapides vérifications ont démontré que ça ne venait pas de la compagnie aérienne. La photo m’a néanmoins permis d’identifier avec certitude ma chère petite-fille sans toutefois pouvoir la localiser, et j’ai donc décidé de remplacer les pilotes par deux de mes androïdes afin de l’enlever ainsi que le reste des passagers, mais leur appareil a mystérieusement disparu en plein ciel...


Franz est perplexe : si le billet d’avion n’a pas été transmis au Black Phenix par les employés de SkyPhantom, le seul moyen de procéder à l’envoi de ce document secret était de le faire directement depuis le téléphone portable d’Aelita... Cela expliquerait pourquoi le Black Phenix n’a pas pu remonter directement jusqu’à elle car Jérémie a depuis longtemps rendu les appareils téléphoniques de ses amis totalement intraçables afin d’éviter que quiconque surveille leurs conversations au sujet des missions secrètes sur Lyoko, mais dans ce cas, qui a bien pu faire une chose pareille ?

Le vieil homme barbu frémit en réalisant que l’une des personnes les plus proches d’Aelita connait très vraisemblablement les coordonnées du Black Phenix et qu’elle a donc pu accéder au téléphone mobile de la jeune fille aux cheveux roses afin d’envoyer une copie de son billet virtuel...


– Tu vas m’aider à la retrouver, conclut fermement Zander.

– J’étais persuadé que tu l’avais capturée... lui assure Franz qui avait formé une nouvelle équipe de Lyoko-guerriers dans le but de libérer Aelita et ses amis qu’il croyait retenus prisonniers dans le Next World. Je n’ai aucune idée de l’endroit où ils ont pu atterrir après que leur avion a disparu...

– J’ai absolument besoin d’elle, rappelle froidement le maître du Black Phenix.

– Je le sais très bien, poursuit tout aussi froidement son ancien employé qui avait découvert toutes ses sombres manigances avant de s’enfuir. Tant que tu demeures dans le Next World tu ne vieillis pas, mais tu es incapable de t’en échapper sous peine de mourir. Et même si tu pourras bientôt récupérer le corps jeune et en bonne santé de ton clone que tu as laissé grandir à l’extérieur en vue d’y transférer ton propre esprit pour pouvoir à nouveau sortir de ton monde virtuel, ce nouveau corps finira par se détériorer à son tour dans le monde réel. C’est là qu’intervenaient Taelia et Aelita : elles portaient en elles le résultat de tes expériences de « vieillissement jumelé » auxquelles tu avais soumis tes propres petites-filles pour lier leurs croissances respectives, de sorte que si l’une ne vieillissait pas, l’autre ne vieillirait pas non plus. Et en t’emparant de cette faculté si particulière, tu aurais pu lier le corps jeune que tu arborerais dans le monde réel à ton ancien corps que tu aurais laissé dans le Next World afin de bloquer leur vieillissement. Ainsi, tu serais resté éternellement jeune et en bonne santé dans le monde réel... Seulement, Taelia est morte, et Anthéa ne peut plus avoir d’enfants, donc ta seule chance d’atteindre la jeunesse éternelle que tu convoites tant est de retrouver Aelita pour qu’elle te donne à son tour deux descendants jumeaux sur lesquels tu pourras reproduire tes expériences de vieillissement jumelé... C’est uniquement pour cela que tu as besoin d’Aelita : elle détient la pièce manquante de ton immortalité.


Zander devine que si Franz connait aussi bien ses intentions, il n’acceptera pas facilement de l’aider à retrouver la jeune fille aux cheveux roses, alors il fait apparaître dans sa main deux petits objets provenant du monde réel :

– Les reconnais-tu ? demande-t-il en tendant deux boucles d’oreille composées d’une perle et d’un crochet.


Le compagnon d’Anthéa identifie avec effroi les bijoux dissimulant des appareils de télécommunication très sophistiqués qu’il avait offerts à sa bien-aimée :

– ...Que lui avez-vous fait !? s’inquiète-t-il.

– Mes caméras l’ont surprise en train de parler toute seule, explique le père d’Anthéa. Et bien qu’elle s’exprimait à voix basse pour qu’on ne saisisse pas bien ses propos, elle semblait pourtant s’adresser à quelqu’un d’autre. J’ai donc fait fouiller ses affaires pour découvrir par quel moyen elle contactait quelqu’un de l’extérieur, et j’ai découvert ces micro-récepteurs déguisés en boucles d’oreille. J’aimerais donc savoir : par quel moyen es-tu parvenu à la joindre dans mes locaux sans qu’on ne puisse intercepter vos conversations ?


Franz hésite un moment avant de lui dire la vérité :

– J’ai utilisé un de vos satellites de communication que j’avais piraté avant de m’enfuir, explique-t-il. Au départ il me permettait de garder discrètement un œil sur tes hommes pendant qu’ils nous recherchaient, et plus tard j’ai décidé de m’en servir pour essayer de contacter Anthéa que vous aviez recapturée en Suisse. Il a fallu que je mette au point une nano-fréquence indétectable pour le commun des appareils et...

– C’était quel satellite ? l’interrompt Zander en affichant la liste de ceux que le Black Phenix possède.


Son prisonnier finit par désigner l’un des plus anciens modèles encore en orbite :

– Celui-ci.

– Et quel canal empruntes-tu pour passer inaperçu ? le questionne son propriétaire.


Une fois encore, le créateur de Lyoko devine que son interrogateur cherche en fait à récupérer les communications que Franz et Anthéa ont secrètement échangées, mais l’informaticien rusé sait aussi que les enregistrements de ces précieux entretiens sont en fait stockés dans l’ordinateur de l’usine et non dans le satellite :

– Comme je disais, répète-t-il en pianotant à son tour sur l’interface pour faire une démonstration de son savoir-faire, j’ai mis au point une nano-fréquence me permettant d’emprunter le canal principal sans même entrer en collision avec les communications « normales » qui transitent par cet appareil...


Mais au moment où l’interface accède au moyen de télécommunication secret que recèle le satellite, les haut-parleurs de la pièce se mettent subitement à diffuser le message vocal qui y est émis en boucle :

« ...Mon nom est Hervé Pichon... Si quelqu’un reçoit ce message, sachez que vous n’êtes pas seuls... Ici, nous sommes sept survivants : Milly Solovieff, Tamiya Diop, Taelia Leconte, Hiroki Ishiyama, Johnny Cleary, Nicolas Poliakoff, et moi-même... Nous nous battons jour après jour contre Xana, le monstre qui a anéanti notre civilisation, et nous n’abandonnerons pas... Ne perdez pas espoir... »


Franz comprend avec effroi que ce qu’il redoutait s’est produit : le message envoyé depuis le futur alternatif dont lui avait parlé Jérémie a bel et bien été réémis via le supercalculateur dans le présent malgré la nouvelle trame temporelle partant de la victoire des Lyoko-guerriers contre Xana.

Zander se tourne vers lui pour l’interroger avec un calme inquiétant :

– Peux-tu m’expliquer ce que cela signifie ?

– Eh bien... balbutie Franz un peu pris de court. C’est... Il y a eu... Comment dire... Les choses ont vraiment mal tourné avec Xana... Il a failli anéantir l’espèce humaine, avant qu’une poignée de survivants parvienne à annuler ces évènements... Mais c’est sans importance, tout est rentré dans l’ordre comme si rien ne s’était passé... Le message émis sur le satellite n’est qu’un résidu de... Enfin à vrai dire, je ne sais pas trop...

– « Annuler des évènements » ? souligne le maître des lieux de plus en plus perplexe.


Ne voulant pas livrer à son ennemi la technologie du Retour vers le passé, le créateur de Lyoko consent seulement à évoquer le « Voyage vers le passé » effectué par Hervé du futur pour retourner seul à une époque antérieure afin d’alerter Jérémie, car ce procédé ne serait pas vraiment utile à Zander puisque le « voyageur » qui parcourt le temps en sens inverse par ce biais ne survit malheureusement pas longtemps :

– Le jeune garçon dont on entend la voix a réussi à se projeter dans le passé pour nous prévenir de ce qui allait arriver, et bien que ce « visiteur venu du futur » se soit désintégré très peu de temps après son arrivée, en tenant compte de ses mises en garde nous avons pu agir différemment afin d’éviter la victoire de Xana.


Son menaçant interlocuteur prend un air méfiant en se demandant si Franz est encore en train de lui mentir ou si son histoire est trop incroyable pour qu’il l’ait inventée. À moins qu’il ne s’agisse là que d’une manœuvre pour détourner son attention d’un détail plus important...

Et tandis que le message tourne en boucle, répétant notamment les noms des sept survivants, Zander remarque que l’un d’entre eux sonne familièrement à ses oreilles :

– « Taelia Leconte » ? Est-ce une coïncidence si le prénom de ta fille prétendument décédée est associé au patronyme que portait Marjorie, et sûrement Kamel depuis leur mariage ?


Franz reste muet, totalement désemparé.

– Tous tes mensonges sont vains, Waldo... triomphe le maître du Black Phenix qui a compris qu’Anthéa avait en fait confié Taelia à ses amis. Je finis toujours par découvrir la vérité, et je sais à présent où aller chercher ma précieuse petite-fille bien vivante...


Soudain furieux à l’idée que Zander remette la main sur Taelia, le père des deux jumelles se jette sur lui :

– JAMAIS JE NE TE LAISSERAI...!!


Mais une salve de plumes noires acérées transperce brusquement son avatar, lui arrachant un hurlement de douleur tandis que le souverain du Next World le met à genoux :

– As-tu déjà oublié qui est le maître absolu de ce monde ? tonne-t-il en intensifiant la souffrance qu’infligent ses sombres projectiles tranchants. Je commence à en avoir assez de demander les choses poliment...


Laissant son prisonnier meurtri sur le sol, Zander contacte via son interface ses équipes du monde réel :

– Je vous envoie une liste de noms. Trouvez ces personnes, et amenez-les moi. Exécution.


Dernière édition par Nelbsia le Mar 01 Déc 2020 11:59; édité 3 fois
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Nelbsia MessagePosté le: Lun 17 Aoû 2020 19:59   Sujet du message: Répondre en citant  
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Localisation: Dans les bras de la Mort
Épisode #116 : Restitution


Résumé de l’épisode précédent :


L’expédition secrète dans le Next World s’est mal terminée : les Lyoko-guerriers inconscients du danger ont été capturés par Zander, et Franz Hopper a été contraint de venir échanger sa liberté contre la leur pour que les neuf adolescents qu’il avait recrutés soient autorisés à repartir. À leur retour, Alexandre s’est jeté dans la Mer Numérique dans le but de rester virtualisé sur Lyoko, tandis que ses coéquipiers se sont séparés et sont rentrés chez eux, dépités par leur échec. En effaçant de l’historique du supercalculateur les opérations effectuées au cours des derniers jours écoulés, Émilie a néanmoins réussi à découvrir l’identité des membres de la mystérieuse « Next-World-team-0.0 », l’ancienne équipe de combattants virtuels dont Franz et Jim avaient fait partie à l’époque où ils travaillaient pour le Black Phenix, et la brillante jeune fille a donc invité Matthias à venir avec elle à Kadic le lendemain pour fouiller dans les archives du collège-lycée afin de voir si certaines de ces personnes n’y auraient pas été élèves autrefois. Dans le Next World, Zander a interrogé Franz pour savoir notamment où se trouvaient Lyoko, l’interface Carthage, le Xénoformeur et bien sûr Aelita et Taelia dont il a besoin pour devenir immortel. Malgré les mensonges tissés par le créateur de Lyoko pour faire croire que la sœur jumelle d’Aelita était décédée en bas âge, le message de détresse émis par Hervé du futur alternatif apocalyptique a fini par être réémis via le satellite du Black Phenix comme Franz le craignait, trahissant les noms des sept survivants dont Taelia qui avait en fait été confiée par Anthéa à deux de ses amis, et Zander a aussitôt donné l’ordre de les capturer tous...





– Heu... « Leconte » avec un « M » ou un « N » ? demande Matthias en parcourant l’étagère portant la lettre « L » pour y trouver un certain nombre de dossiers sur lesquels figurent différentes orthographes du patronyme qu’il recherche.

– « L-E-C-O-N-T-E », épelle Émilie occupée à fouiller dans le placard des anciens professeurs.


Comme convenu la veille en quittant l’usine, les deux élèves se sont introduits dans la salle des archives de Kadic pour tenter de se renseigner sur les combattants virtuels de la mystérieuse équipe intitulée « Next-World-team-0.0 » dont Émilie est parvenue à décrypter les noms et qu’elle soupçonne d’avoir fréquenté le même collège-lycée qu’eux plusieurs années auparavant. Située au sous-sol du bâtiment administratif, cette vaste pièce obscure est difficile d’accès en temps normal, mais à la fin de chaque année scolaire sont archivés définitivement les dossiers des élèves qui quittent l’établissement, sans compter qu’il faut aussi mettre à jour les copies des dossiers scolaires des pensionnaires actuels, et nos deux intrus ont donc pu arriver assez tôt le matin, c’est-à-dire avant que le personnel administratif vienne poursuivre sa tâche fastidieuse, pour pénétrer dans ce lieu faiblement éclairé dans l’espoir d’y trouver des réponses.

– J’ai celui de Taelia, annonce Matthias en ouvrant le dossier de la jeune fille aux cheveux rose foncé. Tu avais raison : « Responsable légal 1 : Marjorie Leconte », et « Responsable légal 2 : Kamel Leconte ».

– Et eux deux, ils n’ont aucun dossier ici ? renchérit la jeune fille.

– Non, j’ai regardé à « Leconte » et aussi à « Larbi » pour Kamel, mais je n’ai trouvé que Taelia. Et toi, t’as quelque chose ?

– Si on veut, répond sa camarade plutôt déçue. Apparemment, Jim Moralès travaille ici depuis plus de vingt ans, et le professeur « Franz Hopper » a enseigné les sciences jusqu’en 1994, avant de disparaître subitement et d’être remplacé par madame Hertz.

– On a perdu au change ! s’esclaffe Matthias car Suzanne Hertz est une enseignante assez stricte. Et sinon, rien sur les quatre autres ?


Émilie secoue la tête :

– Anthéa Hopper est manifestement liée à Franz, mais il n’y a rien sur elle ici, pas plus que sur Hélène Lhorion, Derek Rourk, et Samantha Knight. J’ai bien envie de rechercher leurs noms sur internet, mais Alexandre m’a fortement déconseillé de le faire car selon lui ça risquerait de permettre à nos ennemis de remonter jusqu’à nous...

– « Samantha Knight »... répète le grand brun à lunettes avec un air perplexe. Ça me dit quelque chose, mais j’arrive pas à me rappeler quoi...

– Si elle était célèbre, rétorque la brillante élève, son nom ne me serait pas inconnu. À moins qu’il s’agisse d’une de ces chanteuses à la mode dont je me moque royalement.


Matthias écarquille alors les yeux :

– La copine d’Odd ! s’exclame-t-il soudain.

– Tu peux être plus précis ? soupire Émilie qui a elle-même été l’une des nombreuses conquêtes du félin au collège.

– Une grande noire avec des mèches roses ! la décrit Matthias. Elle n’était pas élève à Kadic mais Odd l’avait invitée pour être DJ lors d’une soirée chez Yumi ! Tu ne te rappelles pas !?

– Je n’avais pas été invitée à cette soirée, réplique froidement son interlocutrice.

– Non mais cette fille était repassée à Kadic deux ou trois fois ! poursuit le grand brun. L’année dernière, Odd et elle s’étaient même retrouvés en finale de la compétition de skateboard, mais Odd était parti sans prévenir personne alors elle avait déclaré forfait aussi !

– Ah c’est elle !? réalise soudain Émilie qui avait assisté à cet évènement et qui à présent se souvient très bien des impressionnantes figures acrobatiques effectuées par la grande participante au moins aussi douée qu’Odd sur une planche à roulettes.

– Oui ! Et cette année, elle est passée voir la finale du tournoi de football car on jouait contre son ancien bahut : Matheson ! Donc c’est sûrement là-bas qu’on trouvera des infos sur elle !


Mais la jeune fille à lunettes secoue la tête d’un air peu convaincu :

– D’abord il n’est pas question que j’aille trainer du côté de Matheson, déclare-t-elle car cet établissement et ses alentours sont réputés pour la violence et l’insécurité qui y règnent. Et ensuite, cette fille a notre âge donc elle ne peut pas être la femme que nous recherchons et qui a fait partie d’une équipe de combattants virtuels dans le Next World au même titre que Jim et Franz.

– Tu en connais beaucoup des « Samantha Knight » ? insiste Matthias.

– On n’est même pas sûrs que son nom s’écrive vraiment comme celui de la personne qui nous intéresse, précise Émilie. Par exemple, la copine d’Odd s’appelle peut-être « Samantha Night » : « N-I-G-H-T » qui se traduit par « Nuit » en français, alors qu’on cherche une « Samantha Knight » dont le nom prend un « K » devant le « N » car il signifie « Chevalier ».

– Hein ? Ah mince... balbutie Matthias en retournant vers les étagères car il vient de s’apercevoir qu’il a commis une erreur. Moi j’avais cherché « Night » avec un « N »...

– Tu ne serais pas un peu dyslexique par hasard ? le soupçonne Émilie en comprenant qu’il avait parcouru la mauvaise étagère.

– Un peu... avoue-t-il en s’empressant de vérifer au bon endroit. Bon ! Pas de « Night » dans l’étagère des « N », et pas de « Knight » dans l’étagère des « K » ! Bref, on n’a rien...


Sa coéquipière plisse les yeux :

– « Rourk », tu l’écris comment ?

– Heu... « R-O-U-R-K » ? propose le grand maladroit.

– Et « Lhorion » ?

– Ben... « L-O-R-I-O-N » ?

– Perdu : il y a un « H » après le « L ».

– Ah... conclut Matthias avec déception en allant de nouveau chercher dans l’étagère des « L ». Les noms de famille c’est vraiment n’importe quoi... Oh !?


En le voyant s’arrêter subitement sur un dossier pour l’extraire de la pile, Émilie se rapproche de lui :

– Tu l’as !? s’étonne l’opératrice qui commençait à désespérer de trouver la moindre information sur les mystérieux membres de la Next-World-team-0.0.

– « Hélène Lhorion », confirme son camarade ébahi en ouvrant le précieux dossier. Elle a bien été élève ici dans les années 60...

– Oh mon Dieu... s’étrangle son amie en lui pressant soudain le bras sans même s’en rendre compte. Regarde la photo...


Matthias est aussi abasourdi qu’elle en croyant reconnaître, sur le minuscule portrait en noir et blanc agrafé au dossier, une personne qu’ils fréquentent depuis le collège :

– Mais...!? Non... Ça ne peut pas être elle...


Les deux élèves interloqués se dévisagent avec incompréhension, avant d’être interpelés par la personne qui vient de faire irruption derrière eux :

– Non mais dites donc ! tonne la voix de Jean-Pierre Delmas mécontent en découvrant les deux intrus dans la salle des archives de son établissement. Qui vous a permis d’entrer ici !?


Émilie prend une profonde inspiration avant de s’expliquer :

– Le professeur Hopper a été enlevé pendant notre entrainement, et nous tâchons de découvrir qui sont ses ravisseurs...


Perplexe, le proviseur fronce les sourcils à l’évocation du nom du prédécesseur de madame Hertz, avant de remarquer que le placard des anciens professeurs est ouvert :

– Bien essayé, mademoiselle Leduc, mais le professeur Hopper a disparu il y a plus de dix ans !

– Hein ?? s’exclament en chœur les deux élèves qui ne comprennent pas la réaction de leur interlocuteur qui a pourtant participé à leur recrutement estival, avant que l’informaticienne réalise que Jean-Pierre n’a pas été virtualisé avec eux, ce qui implique que les Retours vers le passé déclenchés chaque nuit par le créateur de Lyoko ont effacé ses souvenirs, si bien qu’il ne se rappelle même pas avoir revu Franz Hopper.

– Qu’est-ce que vous tenez là !? poursuit-il en reconnaissant le nom sur le dossier que Matthias tient en main. Rendez-moi ça !!


Le grand brun est surpris par le geste brusque avec lequel son proviseur lui arrache le document des mains, contrairement à Émilie qui commence à comprendre :

– ...Vous la connaissez, n’est-ce pas ? l’interroge-t-elle avec une certaine prudence néanmoins insuffisante.

– SORTEZ D’ICI IMMÉDIATEMENT !! explose le père de Sissi fou de rage.


Ses deux élèves terrorisés reculent contre les étagères, manquant de trébucher :

– ...Pardon... s’excuse le vieil homme à moustache en tâchant de retrouver son calme. Désolé de m’être emporté... Maintenant, veuillez quitter cette pièce sur-le-champ, et ne vous avisez jamais d’y revenir sous peine d’être renvoyés de Kadic.


Matthias prend Émilie par la main et l’entraine vers la sortie en prenant soin de ne plus déranger aucun dossier, mais la jeune fille à lunettes s’arrête tout de même sur le pas de la porte pour jeter un dernier regard en direction du proviseur agenouillé sur le sol en serrant contre lui le document qu’il leur a repris :

– ...Et... et Derek Rourk ? se risque-t-elle timidement malgré les signes d’opposition que lui fait son comparse paniqué. ...Est-ce que vous savez qui c’est ?


L’homme de dos les congédie dans un soupir :

– Laissez les morts reposer en paix...





* * *





Lorsqu’Heidi Klinger se réveille ce matin-là, elle saisit aussitôt son téléphone pour constater que la date du jour a enfin changé car les Retours vers le passé lancés par Franz Hopper chaque nuit ont cessé avec la capture de celui-ci. Finis les rendez-vous à l’usine et les entrainements sur Lyoko, place aux vraies vacances. En ouvrant ses volets, la jeune blondinette est éblouie par le soleil radieux qui annonce une journée splendide, et elle envoie donc un message à Hervé pour lui proposer de la retrouver dans une heure au grand parc, un lieu de rendez-vous où ils se promènent régulièrement car ses vastes pelouses ainsi que ses longues allées bordées de hauts arbres sont très tranquilles en début de matinée, ce qui garantit aux amoureux de pouvoir se tenir la main sans risquer de croiser des connaissances.

La réponse quasi immédiate de la part d’Hervé fait vibrer le portable qu’Heidi a encore en main, et l’enthousiasme manifesté par son bien-aimé ne manque pas de faire sourire la jeune fille qui repose son appareil téléphonique avant de se rendre dans la salle de bain.

Mais alors qu’elle ouvre le robinet de la douche et se dévêt, l’ex-Lyoko-guerrière à la baguette étoilée ne parvient pas à appréhender sereinement la suite de ses vacances :

« On a fait ce qu’on a pu... », se dit-elle en laissant l’eau chaude couler sur sa peau. « De toute façon, Franz nous a menti, il ne peut s’en prendre qu’à lui-même... »


Par ces pensées, Heidi tente de s’autopersuader que ses anciens coéquipiers et elle ne peuvent plus rien faire pour aider le vieil homme qui les avait recrutés, mais au fond d’elle, la jeune fille est dévorée par les regrets car elle s’en veut d’avoir voulu explorer le Next World en secret avec ses camarades, ce qui a conduit à la capture du professeur Hopper qui s’est en quelque sorte sacrifié pour les délivrer et qu’ils sont à présent incapables de secourir.

« ...Et si ces gens-là décidaient finalement de revenir nous enlever aussi ? » s’interroge-t-elle soudain avec angoisse.


En effet, bien que le créateur de Lyoko respecte sa part du marché en renonçant à sa liberté afin de préserver les adolescents imprudents qui n’ont pas attendu sa permission pour s’aventurer dans le Next World, comment savoir si le maître de cet autre monde virtuel ne va pas revenir sur sa parole et capturer les neuf lycéens qui lui ont fait l’affront de s’introduire dans son royaume ?

Cette idée la fait littéralement frissonner de peur tandis qu’elle referme le robinet de la douche, si bien que ses bouclettes blondes trempées s’agitent un court instant en projetant de fines gouttelettes autour d’elle, et Heidi se sent alors particulièrement vulnérable car dans le monde réel elle ne serait absolument pas en mesure de se défendre contre les hommes du Black Phenix...





* * *





Au moment où Hervé sort enfin de chez lui après s’être soigneusement apprêté, il est agréablement surpris par la présence de son amoureuse qui est finalement venue l’attendre devant son domicile :

– Je croyais qu’on devait se retrouver là-bas ? s’étonne-t-il avec un sourire ravi.

– Je pouvais pas attendre aussi longtemps, répond-elle malicieusement en lui faisant la bise.

– Et t’as quand même réussi à te faire aussi belle avant de venir ? la complimente-t-il en la contemplant sans fin dans sa petite robe colorée. Très impressionnant !

– Hahaha ! Arrête ! rougit-elle en détournant brièvement le regard avec gêne avant de l’observer du coin de l’œil à son tour. T’es pas mal non plus avec cette chemise...


Sans lui laisser le temps de répondre, Heidi défait le second bouton du haut de son vêtement sous prétexte qu’il va faire chaud aujourd’hui, et les deux amoureux se mettent en route vers le parc.

– Si le soleil cogne trop fort cet après-midi, on pourrait aller se mettre à l’ombre au cinéma ! suggère Hervé avec entrain. Il y a « La Guerre des Mondes » de Steven Spielberg !

– Heu... balbutie la jeune fille peu rassurée par le nom du film proposé. Si on allait plutôt à la bibliothèque ? Comme ça on pourra toujours discuter à voix basse...

– Ça me va ! approuve son camarade en la soupçonnant d’avoir la science-fiction en horreur.


Il n’aura cependant pas le temps de l’interroger à ce sujet, car une voiture qui les suivait sans qu’ils s’en aperçoivent s’arrête soudain à leur hauteur, et deux hommes en noir en sortent précipitamment :

– AAAAAH !! hurle Heidi en reculant, mais les deux individus attrapent en fait Hervé qui est endormi au moyen d’une injection chimique dans le cou avant même de pouvoir comprendre ce qui lui arrive.

– Tenez-vous tranquille... déclare l’un des hommes en noir en se retournant vers la petite blonde tandis que son collègue dépose le corps inerte du lycéen à lunettes dans le véhicule.

– Hervé !? panique Heidi qui n’essaye même pas de s’enfuir avant d’être saisie et endormie à son tour.


En réalité, les ravisseurs n’étaient venus que pour enlever le dénommé Hervé Pichon aussi discrètement que possible, mais en identifiant la jeune fille qui l’accompagnait comme l’une des personnes ayant pénétré dans le Next World la veille, les deux androïdes du Black Phenix ont reçu l’ordre de la capturer elle aussi.





* * *





Les uns après les autres, tous les élèves dont les noms et prénoms ont été cités dans le message de détresse d’Hervé sont localisés par les androïdes du Black Phenix pour être kidnappés en toute discrétion au cours de cette journée : Nicolas au bord de l’étang où il pêchait tranquillement, Milly et Tamiya en sortant du magasin où elles faisaient leurs achats pour l’été, Hiroki et Johnny en descendant du bus qu’ils empruntaient pour se rendre à la piscine, et Taelia directement dans la maison de campagne de ses parents adoptifs qui sont également capturés.

Mais alors que ces trois dernières personnes enlevées durant la nuit sont conduites dans la base d’opération du Black Phenix appelée « le Centre » où les prisonniers anesthésiés sont enfermés en attendant d’être virtualisés dans le Next World pour y être interrogés par Zander, un évènement imprévu bouscule les plans de ce dernier : l’androïde posté à l’accueil des bâtiments terrestres de l’organisation secrète signale à son maître une visite imprévue de la part de trois adolescents qui sont rapidement identifiés...

L’ordre est donné de les capturer, mais Zander perd subitement le contact avec le monde réel lorsqu’une explosion d’énergie phénoménale fait disjoncter la plupart des installations électriques du Centre, y compris les nombreux androïdes chargés d’attraper les trois jeunes intrus...





* * *





À leur réveil le lendemain matin, Heidi et Hervé sont assis l’un en face de l’autre sur de grands fauteuils en bois et en velours, de chaque côté d’une longue table autour de laquelle d’autres « convives » se réveillent également. Au total, douze personnes sont attablées dans cette pièce richement décorée à la manière des salles de réception des châteaux d’autrefois. En plus de son amoureux, la petite blonde reconnait six autres élèves de Kadic : Nicolas Poliakoff, le meilleur ami d’Hervé, Taelia Leconte, sa meilleure amie à elle, Milly Solovieff et Tamiya Diop, les deux jeunes rédactrices du journal « Les Échos de Kadic », et Hiroki Ishiyama ainsi que Johnny Cleary, deux collégiens encore plus jeunes. Quatre adultes complètent la table : une femme rousse replète et un grand maghrébin aux tempes grisonnantes qu’Heidi connait bien puisqu’ils sont en fait Marjorie et Kamel Leconte, les parents adoptifs de Taelia, tandis qu’à une extrémité de la table rectangulaire se trouve Franz Hopper, et qu’à l’autre extrémité se tient debout le maître du Next World avec ses longs cheveux blancs et ses larges ailes noires.

Malgré le réalisme du mobilier et des décorations qui ornent cette luxueuse salle, toutes les personnes assises arborent des combinaisons virtuelles : Hervé porte une tenue semblable à celle d’Émilie mais gris foncé avec des bordures vertes, Nicolas est affublé d’une sorte de grande salopette bleue laissant apparaître les écailles scintillantes qui recouvrent ses épaules et ses bras, Taelia a la même combinaison que le spectre-Aelita combattu par Heidi et son équipe mais avec des couleurs légèrement différentes, Milly est vêtue d’une combinaison blanche avec des carreaux multicolores par endroits, Tamiya arbore une tenue verte avec des coques de protection translucides, Hiroki a le visage partiellement caché par un masque noir tandis que ses épaulières sont hérissées de trois petites lames chacune, la combinaison de Johnny présente un dégradé de couleurs vives allant du jaune au rouge comme de la roche en fusion, Marjorie semble vêtue de bois marron foncé orné de tiges vertes et d’une queue touffue dans son dos évoquant celle d’un écureuil roux, Kamel est paré de vêtements blancs richement décorés avec des bordures dorées.

https://i.imgur.com/ClACWFE.jpg


Reconnaissant immédiatement l’avatar virtuel bleu de Franz Hopper et l’impressionnante combinaison noire ailée de Zander, Heidi en déduit avec frayeur qu’elle est de retour dans le Next World.

La Lyoko-guerrière tente aussitôt de reculer son siège afin se lever, sans y parvenir car elle est maintenue assise par des tentacules de cristal qui l’entourent au niveau de la ceinture et de ses poignets attachés aux bras de son fauteuil, et la blondinette remarque dans un coin de la pièce la présence silencieuse de l’étrange femme masquée qui génère les cristaux entravant les onze prisonniers.

– Vous... déclare Kamel en adressant un regard noir à l’homme pour qui sa compagne et lui-même ont travaillé autrefois, et qui est à l’origine de leur enlèvement présent.


Constatant qu’ils ont tous émergé de leur sommeil, Zander Hopper prend la parole de sa voix d’outre-tombe :

– La plupart d’entre vous ne savent ni où nous nous trouvons ni pourquoi, commence-t-il en fixant les adolescents désorientés qui ont été kidnappés sans avoir la moindre idée de ce qu’on leur veut. Rassurez-vous : je devine que vous avez hâte de rentrer chez vous, et je me ferai un plaisir de vous libérer dès que vous m’aurez aidé à récupérer un bien qui m’a été volé...


Les invités se dévisagent, Heidi se tourne vers Franz qui reste impassible, et le maître les lieux touche son interface pour leur faire écouter le message audio relayé par le satellite :

« ...Mon nom est Hervé Pichon... »


L’intéressé écarquille les yeux en entendant son nom et sa propre voix, tandis que la diffusion se poursuit :

« Si quelqu’un reçoit ce message, sachez que vous n’êtes pas seuls... Ici, nous sommes sept survivants : Milly Solovieff, Tamiya Diop, Taelia Leconte, Hiroki Ishiyama, Johnny Cleary, Nicolas Poliakoff, et moi-même... »


Les six autres adolescents nommés dans cet enregistrement sont interloqués à leur tour, se demandant même si Hervé n’aurait pas inventé tout ça pour leur faire une mauvaise blague, mais le ton avec lequel il s’exprime semble aussi grave que sincère :

« Nous nous battons jour après jour contre Xana, le monstre qui a anéanti notre civilisation, et nous n’abandonnerons pas... Ne perdez pas espoir... »


La diffusion s’arrête, et Zander interroge ses prisonniers :

– Qui parmi vous sait de quoi parle la voix que nous venons d’entendre ?


Hormis l’architecte de Lyoko qui a déjà livré son témoignage relativement peu convaincant, personne dans la pièce n’y comprend quoi que ce soit.

Hervé finit par déclarer d’un air gêné :

– Heu... C’est bien ma voix, mais... Honnêtement je ne me rappelle pas avoir enregistré un truc pareil...


Le souverain du Next World comprend alors que Franz a peut-être dit vrai : les évènements décrits dans le message proviendraient d’un futur qui aurait déjà été annulé, ce qui expliquerait pourquoi les personnes qui y ont pris part n’en gardent aucun souvenir.

– Ils ne peuvent pas te renseigner, conclut le père d’Aelita. Comme je te l’ai dit, ils n’ont...

– C’est ce qu’on va voir... le coupe son interlocuteur en actionnant un mécanisme destiné à modifier l’environnement.


La longue table rectangulaire se replie sur elle-même avant que le sol de la pièce s’ouvre sous les onze sièges qui descendent rapidement au niveau inférieur, dans une immense salle où se déploient de nombreux fauteuils inclinés disposés en arc de cercle.


L’homme aux longues ailes noires et la femme muette qui l’accompagne descendent à leur tour en volant, et lorsque le plafond se referme au-dessus d’eux, les visiteurs découvrent qu’il forme un immense écran hémisphérique qui enveloppe cette salle obscure semblable à un planétarium.

Franz Hopper lui-même ne connait pas ce lieu car il n’existait pas à l’époque où le futur créateur de Lyoko travaillait encore sur le Next World, mais il se doute que leur geôlier ne les a pas fait venir ici pour observer des astres :

– Quel est cet endroit ? demande-t-il avec méfiance.

– Soyez les bienvenus dans le Mémorium ! annonce fièrement Zander en atterrissant devant la console qui fait face aux fauteuils sur lesquels il invite les adolescents craintifs à s’installer. Cet appareil permet de visualiser les souvenirs des personnes qui y prennent place, et même de débloquer certaines parties de leur mémoire auxquelles leur conscience n’a plus accès pour diverses raisons, allant d’un simple blocage inconscient à une maladie du cerveau.


Connaissant leur ancien employeur, Marjorie, Kamel et Franz devinent que ce système lui est très utile pour ressasser les innombrables souvenirs qu’il a accumulés au cours de sa longue existence, sans les perdre progressivement en dépit de son grand âge.

Mais aujourd’hui, c’est à d’autres mémoires que la sienne qu’il s’intéresse :

– Hé bien ? interroge Zander en voyant qu’Heidi reste debout avec les trois adultes au lieu d’aller s’asseoir avec les autres élèves de Kadic. Qu’attends-tu pour rejoindre tes petits camarades ?

– Hein ? s’étonne la petite blonde. Mais j’ai rien à voir avec tout ça, moi ! Mon nom n’était même pas mentionné...

– Vois-tu, lui explique le maître des lieux, plus les participants sont nombreux, plus le Mémorium est efficace car il permet de croiser les souvenirs des uns et des autres afin d’obtenir la vérité...


Heidi ne voit toujours pas en quoi ses souvenirs à elle pourraient être d’une quelconque utilité, mais son interlocuteur lui fait tout de même signe de se prêter à l’expérience :

– Nous t’avons capturée en compagnie d’Hervé Pichon qui est l’auteur du message, lui rappelle-t-il. Pouvez-vous nous dire depuis quand vous êtes intimement liés ?


Les deux jeunes amoureux se regardent en rougissant, et la blondinette finit par répondre :

– Ben... depuis environs un mois...

– On se fréquentait depuis assez longtemps, précise Hervé, mais on n’est véritablement sortis ensemble qu’à partir de la fête de fin d’année...

– La fête de fin d’année ? répète Zander en souriant. Tiens donc... Waldo, tu m’avais bien dit que c’était ce jour-là que ton « Xana » aurait, parait-il, envahi la Terre ?


Le créateur de Lyoko hoche gravement la tête, et le maître du Black Phenix encourage les huit élèves à se remémorer cette journée, et plus précisément les évènements qui ont précédé la fête en question :

– Rappelez-vous, ce jour-là, ne vous êtes-vous pas réunis à un moment donné ?


Les prisonniers perplexes se dévisagent, mais leur ravisseur insiste pour qu’ils se focalisent sur leurs souvenirs :

– Ne vous regardez pas bêtement les uns les autres, concentrez-vous sur ce que je vous demande. Levez les yeux vers le ciel comme pour fouiller votre mémoire... Pensez à ce jour-là, et à ce que vous avez bien pu faire ensemble...


La demi-sphère noire qui recouvre le plafond s’éclaircit alors progressivement, et bientôt, les formes grisâtres et indistinctes qui y apparaissent deviennent de plus en plus nettes et colorées à mesure que les souvenirs des participants se mêlent jusqu’à produire une image parfaitement claire, tandis que la date s’affiche sur un écran de contrôle près de Zander, et que les voix des personnes présentes dans le souvenir se font entendre, à commencer par celle de Milly...


– ...Non, non, et non ! N’insistez pas ! s’exclame la petite rousse.


L’écran géant présente en effet les quatre plus jeunes prisonniers en train de discuter sous les arcades de Kadic :

– Oh, allez ! insiste Hiroki. Vous êtes deux filles sans cavaliers, on est deux garçons sans cavalières, la fête est ce soir et il est trop tard pour trouver quelqu’un d’autre !

– Et alors ? rétorque Tamiya. On va pas y aller avec des garçons de cinquième juste pour ne pas être seules !

– De toute façon on ne sera même pas seules vu qu’on y va toutes les deux ! ajoute sa camarade.

– Et vous n’avez pas peur que les gens se posent des questions ? reprend le petit Japonais avec un sourire malicieux. Deux filles toujours ensemble qui refusent les avances des garçons, ça va lancer des rumeurs...

– N’importe quoi ! s’énerve Milly. Personne ne croira un truc pareil ! Et puis même, mieux vaut ça, plutôt qu’on nous voie à la fête avec deux gamins comme vous !

– Comment tu oses nous traiter de gamins vu ce que tu transportes dans ton cartable ? riposte Hiroki toujours plus insolent.


La rédactrice des Échos de Kadic ne s’attendait pas à ce que quelqu’un sache ce que contient son sac à dos aujourd’hui :

– Ça n’a rien à voir ! se défend-elle. C’est un porte-bonheur !

– Ben justement ! poursuit le jeune frère de Yumi. Si tu as pris ton porte-bonheur dans l’espoir de trouver un cavalier avant la fête, c’est sûrement pour ça qu’on est là !


Tamiya roule ses yeux en arrière :

– Je crois que je préfèrerais encore y aller avec Hervé et Nicolas.

– Ça risque pas, intervient Johnny. Ils ont trouvé des cavalières cette année.

– Hein ?! s’étrangle la petite noire.

– Qu’est-ce que tu racontes !? renchérit Milly tout aussi interloquée. Ils y vont avec qui !?


Souhaitant marchander ses réponses, Hiroki empêche Johnny d’en révéler davantage :

– Tout ce qu’on peut vous dire, c’est qu’on sait où ils ont prévu de se promener tous les quatre avant la fête de ce soir... Et si vous acceptez d’être nos cavalières, on veut bien vous y conduire !


La jeune rouquine prend son amie à part pour lui chuchoter :

– Hervé et Nicolas ont trouvé des cavalières, tu imagines le scoop !? Nos lecteurs vont s’arracher notre prochain numéro ! On peut pas rater ça !

– Ce ne sera plus un scoop quand tout le monde les aura vus à la fête de ce soir...

– Et si on a des photos exclusives de leur promenade romantique d’avant la fête ?

– Attends, on va quand même pas accepter d’être les cavalières de deux minus comme Hiroki et Johnny ?


Milly hausse les épaules :

– Pourquoi pas ? Même s’ils ont un an de moins que nous, ils sont plutôt mignons, et puis ce n’est que pour la fête de fin d’année, on n’est pas obligées de sortir avec eux ensuite !

– Bon d’accord, soupire Tamiya. Mais leurs informations ont intérêt à être solides !


Sa camarade se retourne donc vers les deux garçons :

– Marché conclu ! Si ce que vous dites est vrai, on sera vos cavalières ce soir !



L’image projetée sur l’écran se trouble tandis que les quatre adolescents quittent Kadic, avant de redevenir nette lorsqu’ils se retrouvent dans un autre décor...

Sur le sentier pédestre au bord de la Seine, non loin de l’île de la vieille usine abandonnée, les collégiens se cachent derrière un buisson comme des paparazzis à l’affut :

– Ils ne devraient plus tarder maintenant, affirme Hiroki en regardant sa montre.

– Y’a intérêt, le menace Milly.

– Ce serait bien qu’ils se dépêchent, ajoute Tamiya. J’aimerais avoir le temps de me préparer avant la fête...

– Là-bas ! s’exclame soudain Johnny à voix basse. Regardez !

– Où ça ? ...Oh ! réagit Milly en identifiant enfin les deux garçons qui s’avancent sur le sentier. J’ai failli ne pas les reconnaître !

– Ça, c’est du relooking signé Sissi ! commente Tamiya surprise elle aussi par l’apparence inhabituelle des deux acolytes de la fille du proviseur.


Légèrement maquillé et vêtu d’une chemise sortie de son pantalon, Hervé chuchote à son camarade :

– Si possible, laisse-moi parler, et contente-toi de sourire avec un air mystérieux.

– Mais si elles me posent des questions ? s’inquiète Nicolas avec sa chevelure brossée en arrière.

– Dans ce cas tu réponds calmement, mais surtout, tiens-toi droit comme te l’a dit Sissi !

– Compris ! obtempère Nicolas en se redressant tel un soldat au garde-à-vous.

– Attention ! Les voila ! chuchote Hervé en continuant d’avancer d’un pas faussement décontracté.


Toujours dissimulés derrière le buisson, les quatre observateurs tournent la tête pour voir arriver deux splendides jeunes filles en tenue de soirée :

– Heidi Klinger et Taelia Leconte !? s’étrangle Milly.

– J’y crois pas... murmure Tamiya en prenant discrètement des photos des quatre lycéens qui échangent des compliments avant de se remettre en marche pour discuter deux par deux en se promenant le long du fleuve.

– Notre part du marché est remplie, à vous de remplir la vôtre ! triomphe Hiroki en tendant sa main à Milly.


La petite rousse prend d’abord un air vexé mais ne peut s’empêcher de sourire en donnant sa main au jeune Japonais :

– Rassurez-vous, nous savons récompenser nos informateurs...


Johnny tend à son tour sa main à Tamiya en souriant, celle-ci finit par accepter de lui donner la sienne non sans rougir :

– Euh... il faut que j’aille me préparer...

– Moi aussi, complète Milly. On se retrouve devant le gymnase ?

– Ça marche, conclut Hiroki.




– STOP !! hurle soudain Zander qui gardait un œil sur sa console avant de mettre un terme au déroulement du souvenir. C’était là ! Le fil mémoriel s’est divisé en deux branches, l’une des deux est restée cachée ! Je veux y accéder !


Les huit enfants ne comprennent pas de quoi il parle, mais il insiste avec fermeté :

– Concentrez-vous. Cet évènement s’était déjà produit une première fois auparavant, mais avec une issue différente. Je veux la connaître. Efforcez-vous de vous en souvenir.




La projection recule de quelques secondes avant de reprendre :

– Notre part du marché est remplie, à vous de remplir la vôtre ! triomphe Hiroki en tendant sa main à Milly.


Milly sourit en donnant sa main à Hiroki :

– Rassurez-vous, nous savons récompenser nos informateurs...




– STOP !! intervient à nouveau Zander. Vous avez raté l’embranchement ! Recommencez !





Une nouvelle fois, le souvenir remonte brièvement en arrière puis redémarre :

– Notre part du marché est remplie, à vous de remplir la vôtre !

– Rassurez-vous, nous savons récompenser nos informateurs...




– STOP !! martèle Zander. Vous l’avez encore raté !

– Ça ne sert à rien, le raisonne Franz, ils ne peuvent pas s’en rappeler. Ces évènements ont été annulés.

– Tais-toi, lui répond froidement Zander. Tu ne connais rien aux subtilités de la mémoire humaine. Ils peuvent s’en souvenir, c’est aussi bête que de se rappeler les paroles du troisième couplet d’une chanson après avoir chanté le refrain qui était auparavant suivi du deuxième couplet. On recommence !




Le souvenir recule et reprend :

– Notre partie du marché est remplie, à vous de remplir la vôtre !

– Rassurez-vous, nous savons récompenser nos informateurs...




– LÀ ! s’exclame Zander en mettant brusquement le souvenir en pause, l’air complètement possédé par sa trouvaille. Vous l’avez vu !?


Personne d’autre que lui ne saisit de quoi il parle, alors il précise :

– Regardez bien les yeux de la gamine !


En observant attentivement, les spectateurs constatent avec stupeur que dans le blanc des yeux de Milly, on entrevoit comme une seconde paire de pupilles, à peine visibles tant elles sont transparentes, et celles-ci ne sont pas orientées vers Hiroki mais vers le ciel.


Le souverain du Next World apostrophe Milly :

– Pourquoi est-ce que tu regardais vers le ciel à ce moment-là ? Réfléchis-bien !


La petite rousse ne comprend toujours pas de quoi il retourne...

Pour quelle raison aurait-elle bien pu regarder le ciel plutôt qu’Hiroki au moment où celui-ci lui parlait ?


Zander en profite pour rembobiner le souvenir et le relancer, en prenant Milly comme source de focalisation...




En face d’elle, Hiroki lui tend sa main :

– Notre part du marché est remplie, à vous de remplir la vôtre !


Et la divergence se produit enfin : une sombre forme tourbillonnante s’ouvre subitement dans le ciel au-dessus de la ville en s’agrandissant, épouvantant la collégienne qui se met à crier.

Le vortex et le cri de Milly réveillent soudain les mémoires alternatives de ses camarades, et le souvenir projeté par le Mémorium est désormais très net : l’immense tourbillon de ténèbres recouvre bientôt le ciel, tandis qu’une pluie de feu infernale s’abat sur la ville. En fait de météorites, ce sont des monstres articulés qui tombent dans les rues et sur les bâtiments avant de se mettre à tirer des lasers rouges sur les habitants, déclenchant la panique générale.

Les quatre collégiens se mettent à courir le long de la Seine pour échapper aux créatures qui arrivent de toute part.

Hiroki voit soudain un monstre qui tombe du ciel pour s’écraser sur l’usine abandonnée, mais la créature ricoche inexplicablement contre une barrière invisible et coule dans le fleuve.

– Par là ! Suivez-moi ! crie le Japonais en indiquant le pont qui mène l’usine.


Les quatre enfants traversent la passerelle pour s’abriter à l’entrée du bâtiment désaffecté où aucune bestiole n’a atterri.

– Qu’est-ce qui nous arrive ?? sanglote Milly croyant à une invasion extra-terrestre.


Tandis que Johnny hésite à emprunter la corde qui descend dans l’usine, Hiroki aperçoit Hervé, Nicolas, Heidi et Taelia qui courent le long du fleuve pour échapper aux monstres :

– HÉ ! HERVÉ ! PAR ICI ! VENEZ !!


Les quatre lycéens aperçoivent les collégiens réfugiés devant l’usine et décident donc d’emprunter le pont à leur tour, mais un Kankrelat s’écrase au milieu de la passerelle, fissurant celle-ci et arrêtant les adolescents qui tentaient de la traverser.

Voyant que leur adversaire n’est pas très volumineux, Nicolas fonce sur le Kankrelat qui n’a pas le temps de finir de charger son rayon laser : un puissant coup de pied l’envoie rejoindre les poissons. Les élèves se remettent à courir, mais derrière eux un énorme Krabe s’écrase à l’entrée du pont, le brisant en deux si bien qu’il s’incline, faisant chuter les trois camarades de Nicolas.

Hervé et Taelia parviennent à s’accrocher aux fissures, mais Heidi dérape malgré elle vers le bas de l’édifice brisé où est coincé le Krabe qui l’attend pour la broyer.

Envahi par une pulsion héroïque qui le surprend lui-même, Hervé se laisse glisser à son tour pour rattraper in extremis la main de la petite blonde en détresse afin d’empêcher celle-ci de finir entre les pattes du Krabe, tandis que Taelia retient péniblement l’autre main d’Hervé, et que Nicolas s’efforce de hisser Taelia sur la moitié intacte du pont, bientôt aidé par Hiroki.

Franchissant la cassure un par un, les adolescents se croient momentanément sauvés des monstres, mais alors qu’Heidi se redresse au bord de la passerelle dont la première moitié s’écroule dans le fleuve, un sombre rayon d’énergie venu d’en haut transperce les airs et foudroie brutalement la jeune fille. Devant ses amis pétrifiés, son corps sans vie tombe dans les eaux aussi noires que le ciel au-dessus d’eux.

Les enfants hurlent...

Hervé cherche en vain son amie disparue, avant que Nicolas l’attrape par les épaules pour le tirer vers l’usine.

Trainé en arrière, le lycéen à lunettes aperçoit, parmi les monstres dans les cieux, la sombre silhouette de l’assassin d’Heidi : un être humanoïde submergé d’énergie ténébreuse qui crépite autour de lui, révélant sa peau rouge écarlate et son visage terrifiant... Hervé ne le sait pas encore, mais il vient de croiser le regard du dangereux virus qui a anéanti l’équipe de Jérémie Belpois avant de s’échapper de Lyoko avec ses légions de monstres pour envahir la Terre : Xana...

Alors que l’abomination qui a ôté la vie à leur amie s’apprête à déchainer à nouveau sa terrible foudre mortelle, des grondements mécaniques ébranlent l’usine : au sommet de ses larges conduits de cheminées se dressent des rangées de canons laser qui s’actionnent pour mitrailler les monstres de l’autre côté du fleuve ainsi que dans les cieux, y compris Xana lui-même.

Mais les créatures semblent innombrables, et malgré le bouclier invisible qui protège l’usine et ses occupants de leurs tirs, le système de défense du bâtiment ne suffira pas à les repousser toutes.
Terrorisés par les monstres et par le vacarme des tirs échangés, les adolescents se serrent les uns contre les autres.

Les larmes dégoulinant le long de ses joues, Milly ouvre son sac à dos afin d’en sortir son ours en peluche pour étreindre celui-ci, comme s’il avait encore le pouvoir de la protéger de ses cauchemars.

Un dernier détail dont seule Taelia se souvient éclate alors au grand jour : la jeune fille aux cheveux rose foncé sort de son col le pendentif que lui ont donné ses parents adoptifs en souvenir de sa mère, puis elle le serre de toutes ses forces dans sa main en fermant les yeux et en pensant à eux, sachant qu’elle ne les reverrait plus jamais.

Et soudain, une lueur intense transparait entre ses doigts, avant de déclencher un monumental ouragan d’énergie aveuglante qui irradie dans toutes les directions, se propageant avec un indescriptible bruit de carillon rendant inaudible tout autre son.

Lorsque l’intense lumière se dissipe enfin pour redonner place à l’obscurité, les sept rescapés ouvrent les yeux et découvrent avec stupéfaction que tout autour de l’usine, le paysage n’est plus qu’un champ de ruines à perte de vue. Entre les décombres gisent cadavres humains et carcasses de monstres, mais a priori, l’humanoïde qui a foudroyé Heidi ne figure pas parmi les victimes.




– Je le savais, déclare froidement Zander en mettant fin au souvenir avant de se tourner vers Franz. Même si ton « Xana » a effectivement envahi la Terre dans « l’ancien futur », ce n’est pas lui qui a éradiqué les humains : c’est l’usage du Xénoformeur.

– Je te jure que je n’en savais rien, affirme Franz sincèrement surpris en découvrant que Taelia a déclenché sans le vouloir le mystérieux objet capable d’anéantir la surface d’une planète en ne laissant intacte qu’une zone restreinte autour de son point d’activation.

– Et cette usine sur le fleuve épargnée par l’explosion, tu vas me dire que tu n’en savais rien non plus ? renchérit Zander dont les androïdes qu’il a discrètement envoyés à Kadic pour fouiller le passage sous la chaufferie n’ont trouvé aucun accès vers un soi-disant local sous le gymnase, mais à présent il devine aisément où est installé le supercalculateur qui abrite Lyoko. Hé les morveux, dans ce bâtiment désaffecté où vous vous êtes réfugiés, vous avez découvert une sorte de gros ordinateur, n’est-ce pas ?


Toujours allongés sur les sièges, les huit enfants sont en larmes, éprouvés par le douloureux rappel des évènements cauchemardesques qu’ils ont traversés. À présent, ils se souviennent de tout ce « futur alternatif », depuis l’invasion des monstres de Xana sur Terre, jusqu’à leur ultime mission dans le Cinquième Territoire pour permettre à Hervé d’envoyer un message à Jérémie dans le passé afin de prévenir celui-ci de la victoire imminente de Xana.

Zander s’avance vers Taelia avec un air faussement compatissant et rassurant en caressant sa joue perlée de larmes :

– Ma chère petite-fille, tu n’as plus rien à craindre, Xana n’existe plus. Dis-moi, qu’as-tu fait du médaillon que tu possédais dans ce souvenir ?


La lycéenne tâche de contenir ses sanglots :

– Euh... Le médaillon...? Je... Je l’ai perdu...

– Perdu ? s’étonne son grand-père. Perdu comment ?

– Ben... Quand j’étais à la piscine... Je l’avais laissé dans mon casier comme d’habitude, mais quand je suis revenue il n’y était plus...


Zander se tourne aussitôt vers Marjorie et Kamel :

– C’est vous qui lui aviez donné le médaillon ?

– Euh... Oui... confirme le grand maghrébin aussi préoccupé que son épouse par ce qu’ont vécu les huit adolescents devant eux, dont leur fille adoptive.

– Et le lui avez-vous repris ?

– Quoi ? Non ! assure Marjorie en secouant la tête. On lui en avait fait cadeau, pourquoi le reprendre ?

– En fait, précise Kamel, c’est Anthéa qui nous l’avait donné, donc on a décidé de l’offrir à Taelia.

– Je sais que c’est Anthéa qui vous avait confié le médaillon, confirme le père de celle-ci. Seulement, elle n’aurait pas pu le reprendre à Taelia sans que je le découvre. Donc c’est forcément vous qui... oh mais attendez... Taelia, ton médaillon, tu l’as perdu récemment ? Ce mois-ci, je suppose ?

– Euh... Oui...


Zander se retourne alors vers Franz :

– Tu vois Waldo, je parviens toujours à découvrir la vérité. Maintenant tu vas me dire ce que tu as fait du Xénoformeur, si tu ne veux pas que j’exécute un par un les enfants présents dans cette pièce...


Le créateur de Lyoko en déduit que son adversaire a fini par comprendre : à son retour sur Terre, Franz a contacté Anthéa pour savoir ce qu’elle avait fait du Xénoformeur qu’il a ensuite pu récupérer discrètement en le volant à Taelia afin de le dissimuler sur Lyoko, et ce dans le but de l’utiliser plus tard contre le Black Phenix.

– Je l’ai caché dans mon monde virtuel... concède le vieil homme barbu qui n’a plus d’autre choix que d’avouer.

– Bien ! se réjouit Zander en tentant de contacter ses équipes du monde réel pour qu’elles se rendent à l’usine abandonnée afin de trouver le supercalculateur qui héberge Lyoko et d’y récupérer le Xénoformeur.


Mais à sa grande surprise, personne ne lui répond.

– Howard, où es-tu ? s’impatiente le souverain du Next World dont les appels restent vains.


Pris d’un doute, Zander se retourne vers Franz qui reste étonnamment calme...

Il décide alors d’inviter son prisonnier à le rejoindre aux commandes de la console :

– Tout compte fait, Waldo, je pense que l’existence d’un second monde virtuel est l’occasion idéale de tester les pouvoirs de Carthage... Tu vas donc me donner les coordonnées de Lyoko...


Franz cache difficilement sa déception : il avait secrètement échafaudé un plan pour devancer Zander, mais ce dernier l’a compris assez tôt pour trouver le moyen de reprendre l’avantage...

– Et fais bien attention, le menace-t-il. Le moindre chiffre erroné, le moindre mensonge de ta part sera désormais sanctionné par le sacrifice d’un otage...


Tout en tapant à contrecœur sur l’interface les coordonnées demandées, le créateur de Lyoko relève les yeux vers la mystérieuse femme au visage masqué qui s’avance vers eux :

– Tu comptes y envoyer Carthage ? demande-t-il en observant cette personne avec méfiance.

– C’est le moyen le plus rapide, confirme le souverain du Next World. Pendant que tes vaisseaux se trainent dans le Réseau, Carthage passe d’un monde à un autre par une simple porte.

– Je sais, lui rappelle le principal concepteur de ce programme. Mais j’ai justement doté Lyoko d’un système de sécurité destiné à bloquer les invasions extérieures afin d’empêcher quiconque de pénétrer dans mon monde à moins d’y avoir préalablement été virtualisé « de l’intérieur ». Et comme Carthage n’est pas synchronisée avec Lyoko, elle sera détruite dès qu’elle y entrera.


Zander le soupçonne de chercher à le mener en bateau, comme s’il essayait de gagner du temps :

– C’est très aimable à toi de te soucier ainsi du bien-être de Carthage en me faisant part de l’effet que ton monde aurait sur elle... À moins que ce ne soit qu’un mensonge de plus...

– Je t’ai simplement révélé cela car si Carthage avait été détruite sans que je t’aie prévenu de ce qui allait lui arriver, tu t’en serais pris aux enfants. Libre à toi de me croire ou non, mais ne viens pas me dire que je ne t’avais pas mis en garde.


Après un bref moment de réflexion, le maître du Black Phenix finit par conclure que cet avertissement, qu’il soit vrai ou faux, est en fait une manœuvre de la part de Franz qui espérerait être envoyé sur Lyoko à la place de Carthage :

– J’ai une idée, annonce Zander en faisant signe à Heidi de se lever pour venir les rejoindre. Nous allons simplement envoyer cette jeune fille puisqu’elle a déjà été virtualisée dans ton monde, n’est-ce pas ?


Le père d’Aelita ne peut plus inventer d’excuses, et il se contente donc de hocher la tête.

– Parfait ! conclut l’homme aux longues ailes noires en se retournant vers la lycéenne aux cheveux platinés. Si tu parviens à me rapporter le médaillon, je vous libèrerai...


À côté d’eux, l’étrange femme qui a pris connaissance des coordonnées de Lyoko déploie un impressionnant halo d’énergie devant-elle, et au centre de ce large cercle lumineux apparait bientôt le paysage verdoyant du territoire Forêt.

– Tes amis comptent sur toi, termine Zander en regardant de haut la petite blondinette pas très à l’aise qui s’avance pour emprunter le portail.


Au moment où elle le traverse, les bords du cercle énergétique délivrent d’étranges éclairs lumineux qui parcourent rapidement son corps avant de disparaître, laissant Heidi franchir la porte avant d’atterrir maladroitement sur le sol de Lyoko.

– Comment tu te sens ? s’inquiète Franz car sa jeune élève titube quelque peu.

– Heu... Ça peut aller... répond-elle en se relevant avec peine, retrouvant peu à peu ses sensations dans cet environnement bien différent du Next World.

– Bien, dirige-toi vers la tour de passage que tu trouveras au bout du chemin devant toi.


Le souverain aux longues ailes noires s’adresse à sa subalterne qui a ouvert le passage entre les deux « planètes » virtuelles :

– Fais en sorte de te « synchroniser » avec ce monde pour pouvoir t’y rendre dès que possible.


La mystérieuse femme hoche la tête et tend ses mains vers le portail, générant un faisceau d’énergie chargé de capter les données de Lyoko pour les assimiler et ainsi prendre connaissance des paramètres de ce lieu numérique.

– Eh bien Waldo, commente Zander en observant les textures des reliefs qu’ils entrevoient, je ne te félicite pas : ton « Lyoko » est bâclé. Heureusement qu’Howard m’est resté fidèle pour peaufiner mon monde afin d’en faire la merveille visuelle qu’il est aujourd’hui, car je n’aurais pas aimé rester enfermé dans un environnement aussi pauvre et grossier que ce paysage.

– Il ne faut pas toujours se fier aux apparences... répond Franz avec un léger sourire qui plisse sa moustache.


En effet, tout en surveillant Heidi sur le radar de l’interface afin de guider la jeune fille jusqu’à l’endroit où il a caché le précieux Xénoformeur convoité par Zander, l’architecte de Lyoko a pu constater que d’autres lycéens sont déjà sur place...


Dernière édition par Nelbsia le Lun 03 Mai 2021 13:34; édité 6 fois
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Nelbsia MessagePosté le: Lun 17 Aoû 2020 19:59   Sujet du message: Répondre en citant  
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Épisode #117 : Descente au Centre


Résumé de l’épisode précédent :


Le Black Phenix a capturé Heidi, Hervé et les six Lyoko-guerriers qui ont lutté contre Xana dans le futur alternatif, ainsi que Marjorie et Kamel, les parents adoptifs de Taelia elle aussi kidnappée. En les invitant dans le Next World pour les soumettre au Mémorium, un système de mémoire partagée destiné à faire remonter à la surface des souvenirs enfouis, Zander a réussi à restaurer dans leurs esprits les évènements qui se sont produits au cours de la trame temporelle qui a été annulée pour s’apercevoir que même si Xana avait effectivement envahi la Terre, ce n’était pas lui qui avait anéanti tout ce qui se trouvait aux alentours de l’usine, mais bien l’utilisation du Xénoformeur que Taelia avait involontairement déclenché en serrant le pendentif qu’elle tenait de sa mère sans connaître la véritable nature de ce mystérieux objet recelant un pouvoir effroyable : celui d’éradiquer la vie partout à la surface d’une planète. Tenant absolument à récupérer cette source d’énergie incommensurable que Franz et Anthéa lui avaient dérobée en s’enfuyant, Zander a demandé à la mystérieuse femme répondant au nom de Carthage d’ouvrir un portail vers Lyoko pour qu’elle s’y rende sans tarder, mais l’architecte de ce monde a alors prétendu qu’il fallait impérativement avoir déjà été virtualisé sur Lyoko « de l’intérieur » sous peine d’être anéanti en y posant le pied, et Zander a donc décidé d’envoyer Heidi pour récupérer le Xénoformeur. Le souverain du Next World ignore cependant que d’autres Lyoko-guerriers sont déjà sur place...





Le soir précédent, les huit Lyoko-guerriers qui se trouvaient à bord de l’avion disparu en plein ciel sont enfin rentrés de leur périple après être restés bloqués plusieurs jours en Corse à cause des Retours vers le passé que Franz Hopper lançait chaque nuit.

Pendant qu’Ulrich, Yumi, Aelita, Odd, William, Sissi et Naxxya dorment dans le compartiment secret voisin du laboratoire de l’usine, Jérémie reste éveillé pour veiller au bon déroulement de la revirtualisation de Xilune dont l’avatar humanoïde se forme très progressivement.

Souhaitant aussi savoir ce qui a bien pu arriver au vieil homme en fauteuil roulant durant leur absence, le jeune informaticien consulte l’historique des opérations récemment effectuées sur le supercalculateur, mais les rapports d’activité des trois jours précédents sont vides car Émilie a pris soin de les effacer avant de quitter l’usine, et Jérémie ignore donc tout de ce que le père d’Aelita a entrepris pour les sauver car il était persuadé que le Black Phenix avait réussi à les capturer.

Refusant de croire que Franz aurait fini par renoncer, le blondinet à lunettes remonte encore dans les listes d’instructions enregistrées dans la mémoire de l’ordinateur pour y trouver le lancement du premier Retour vers le passé consécutif à la restauration de ce programme par son concepteur, et encore auparavant, les quelques phrases écrites qu’ils avaient échangées via leurs PC respectifs lorsque le créateur de Lyoko avait averti Jérémie que l’avion à bord duquel ses amis et lui se trouvaient n’allait pas dans la bonne direction.

Antérieurement à cela, quelques scans des cinq territoires du monde virtuel semblent indiquer qu’après avoir appris que Xilune était vivante, Franz a tenté de la retrouver sans savoir qu’elle s’était réfugiée en William depuis leur victoire contre Xana.

Parmi les opérations quotidiennes effectuées par l’architecte de Lyoko après son retour sur Terre, certaines semblent avoir été effacées pour une raison inconnue, et en remontant jusqu’au soir de la rematérialisation du père d’Aelita, Jérémie découvre l’enregistrement d’une conversation audio entre le vieil homme et une interlocutrice que Franz appelle par son prénom : Anthéa.

Jérémie n’en croit pas ses oreilles.

Après avoir écouté la conversation en entier plusieurs fois, il hésite un long moment avant de se lever de son fauteuil pour aller réveiller Aelita qui dort dans la pièce voisine. Lorsque la jeune fille assoupie entrouvre les yeux, son amoureux lui fait signe de le suivre discrètement jusqu’au laboratoire où il l’invite à s’installer devant l’ordinateur en la prévenant que ce qu’elle va entendre va sans doute la choquer, puis il démarre la lecture du fichier audio qu’il tâche ensuite de suspendre chaque fois que sa bien-aimée tombe des nues.

« A... Allô ? », demande une voix de femme dans un murmure.

« Bonsoir, Anthéa. », déclare Franz.

« Waldo...? C’est vraiment toi...? »


Aelita écarquille les yeux en réalisant que son père a parlé à sa mère...

« As-tu fait ce que je t’avais demandé ? » poursuit le créateur de Lyoko.

« Quoi...? » s’étonne la femme au bout du fil.

« As-tu, oui ou non, fait ce que je t’avais demandé ? Réfléchis bien, s’il te plait. »

« Heu... Oui... Oui, j’ai fait ce qu’il fallait. »


– Mais de quoi ils parlent !? s’exclame Aelita.

– Je n’en sais rien, répond Jérémie qui a mis la lecture en pause. On dirait qu’ils prennent soin de ne pas en dire trop, comme s’ils avaient peur d’être écoutés.


« Très bien. », reprend Franz. « Où est-il à présent ? »

« C’est... Je crois que c’est Tae’ qui l’a... »

« Tu le lui as donné ? »

« Non... Je l’avais confiée à "Ririe" et "Mémel", mais ils ont dû l’offrir à Tae’ car je l’ai vue le porter en pendentif... »


– Je ne comprends rien à leur charabia ! déplore la jeune fille aux cheveux roses sur un ton agacé tandis que son amoureux suspend à nouveau la lecture du fichier audio.

– Ils parlent de trois personnes en les appelant par des surnoms, lui explique-t-il. Je crois que « Tae’ » c’est en fait Taelia, en revanche je n’ai aucune idée de qui sont les individus surnommés « Ririe » et « Mémel ».

– Qu’est-ce qui te fait croire qu’ils parlent de Taelia ? l’interroge Aelita perplexe.

– Si je ne me trompe pas, ils discutent de quelque chose dont Franz avait demandé à Anthéa de s’occuper, probablement pour mettre cette chose hors de portée du Black Phenix, et selon ta mère, c’est cette fameuse « Tae’ » qui possèderait à présent ce mystérieux objet monté en pendentif autour de son cou... Ça ne te rappelle rien ?


L’ange de Lyoko plisse les yeux, avant de se rappeler subitement l’étrange histoire qu’Odd leur a racontée quand ils étaient coincés en Corse :

– Le médaillon ! s’exclame-t-elle.

– Exactement, confirme Jérémie. Si Franz a vraiment demandé à Odd d’aller voler le collier de Taelia dans son casier à la piscine, c’était sûrement pour récupérer ce fameux objet que tes parents ont évoqué dans cet enregistrement sans dire clairement de quoi il s’agit...


La conversation archivée reprend :

« Ton père ignore toujours où elle est ? » demande le vieil homme.

« J’ai prétendu qu’elle était morte en bas âge, qu’un matin elle ne s’était pas réveillée, et qu’on avait enveloppé son corps dans un drap avant de le déposer devant un hôpital... Je ne sais pas s’il croit vraiment à l’histoire que je lui ai servie, mais a priori Tae’ est toujours libre... »

« Entendu, je tâcherai de la surveiller. Et toi, dis-moi, comment te portes-tu ? »

« Ça pourrait être pire... Est-ce que... Est-ce que tu veux bien me dire où tu étais passé durant ces dix dernières années ? »

« J’ai malencontreusement été "retenu"... Mais rassure-toi, je suis de retour, et je trouverai un moyen de vaincre Zander pour te libérer. »

« C’est impossible... Même en étant enfermé dans le Next World, il est devenu beaucoup trop puissant... Tu ferais mieux de rester caché et de veiller sur les filles... »

« Ne t’en fais pas pour moi, je suis bien entouré. As-tu des alliés, de ton côté ? »

« Je peux compter sur "l’oncle Sam" si j’ai besoin d’un service, mais à part ces deux-là... À vrai dire, il ne reste plus ici que des androïdes et des fidèles de mon père... Car à la suite de notre trahison, il a fait du ménage dans ses rangs... »


– « L’oncle Sam » ? demande Aelita.


Jérémie hausse les épaules en signe d’ignorance :

– Peut-être des collègues américains qui travaillent avec ta mère, propose-t-il à tout hasard. Écoute plutôt la fin, je crois qu’ils y mentionnent quelqu’un qu’on connait...


« Oui, après ça, plus personne ne prendrait le risque de tenter quoi que ce soit contre Zander... », commente Franz. « J’ai une dernière question, au sujet d’une personne "assez grande" qui se promène en liberté... Est-ce que tu vois de qui je parle ? »

« Heu... Pas vraiment, pourrais-tu m’en dire plus ? »

« Une cicatrice à l’œil gauche, ça te dit quelque chose ? »

« Ah... Oui, je vois qui c’est... »


– Attends, tu crois qu’ils parlent de Naxxya !? s’étrangle Aelita.

– J’en suis persuadé, confirme Jérémie. Écoute la suite...


« J’ai eu l’occasion d’analyser son ADN... », révèle le créateur de Lyoko. « Peux-tu m’expliquer pourquoi une telle créature évolue à l’extérieur du Centre ? »

« C’est un peu compliqué... », hésite Anthéa. « Ils m’avaient demandé de l’élever moi-même, certainement pour m’aider à supporter la séparation de notre famille... Je n’aurais pas dû m’attacher à elle, mais c’est arrivé malgré moi, alors pour éviter qu’elle devienne comme ses congénères j’ai décidé de l’inscrire dans un collège en internat afin de l’éloigner du Centre... »

« Ses "congénères" ? Il y en a d’autres comme elle ? »

« Oui, mais elle n’en sait rien. Elle croit simplement être orpheline, elle ne cherche même pas à en savoir davantage sur ses origines. L’an passé, elle a même failli révéler l’existence du Black Phenix quand elle a eu des ennuis avec la justice, mais on l’en a empêchée à temps. Après ça, ils voulaient qu’elle retourne parmi les siens pour réintégrer leur programme d’entrainement, et j’ai dû intercéder en sa faveur pour qu’elle ait droit à une seconde chance. Depuis, évidemment, elle se tient à carreau car elle ne veut surtout pas retourner au Centre... »

« ...Et d’après toi, est-ce qu’on peut lui faire confiance ? »

« Je n’en suis pas sûre... Pour l’instant, elle obéit sans trop poser de questions, et je crois qu’elle sait tenir sa langue, mais si elle venait à découvrir sa vraie nature j’ignore comment elle réagirait... L’esprit de "ruche" est très fort chez les individus de son espèce, et j’ai pu constater qu’elle-même avait une certaine tendance à rechercher l’appartenance à un groupe, comme si elle tentait inconsciemment de retrouver son peuple originel... »

« Je vois... Merci pour ces clarifications. N’hésite pas à me contacter si tu as besoin de parler, mais reste prudente... Et sois patiente, j’échangerai ma vie s’il le faut, mais je ne te laisserai pas entre leurs griffes... »

« Veille sur les filles, c’est tout ce que je souhaite... »

« Je t’aime, Anthéa... »

« Je t’aime aussi... »


Aelita n’en croit toujours pas ses oreilles.

Jérémie pose sa main sur son épaule avec compassion, mais le mutisme de son amoureuse se change progressivement en colère :

– Naxxya connait ma mère, et elle ne me l’a jamais dit...

– Elle avait peut-être une bonne raison pour ne pas t’en parler, suggère le jeune garçon qui sent que sa bien-aimée est en train de perdre son sang froid.

– Tu plaisantes !? explose-t-elle. Depuis tout ce temps elle aurait dû me le dire !!

– Attends, calme-toi ! Aelita ! l’implore Jérémie tandis que la jeune fille retourne dans le dortoir d’un pas décidé.


Sans déranger au passage le reste de leurs camarades assoupis, Aelita gagne le lit de Naxxya et la secoue par les épaules pour la tirer de son sommeil.

Celle-ci finit par émerger en demandant avec un air perdu :

– Hmm...? Qu’est-ce qu’il y a ?

– À toi de me le dire !! réplique son assaillante en grinçant des dents.

– Chut, ne réveillez pas les autres ! chuchote Jérémie qui ne veut pas déclencher un conflit dans leurs rangs maintenant.


Mue par une force insoupçonnée, Aelita empoigne alors Naxxya pour lui enjoindre de se lever et de la suivre jusqu’au laboratoire, le bruit qu’ils produisent étant heureusement couvert par les ronflements d’Odd.

– Tu connais ma mère !? Réponds !! ordonne l’elfe qui tient toujours fermement la géante par ses vêtements.

– Ta mère ? s’étonne Naxxya qui ne s’attendait pas à être levée de force pour être interrogée sur ce sujet.

– Oui ma mère ! Anthéa Hopper ! Tu la connais !?

– Euh... Je... Je ne sais pas... balbutie la grande ingénue qui n’est pas en état de fournir une excuse crédible.

– Arrête de MENTIR !! s’énerve Aelita en libérant de ses mains un éclair de foudre rouge qui projette Naxxya au fond de l’ascenseur.

– Calme-toi ! la supplie Jérémie inquiet en la voyant s’entourer d’émanations électriques. Je comprends ce que tu ressens, mais tu ne dois pas t’emporter ainsi !


Mais l’ange de Lyoko n’en démord pas :

– Elle sait !!! Elle sait où se trouve ma mère depuis tout ce temps !!! C’est elle qui a prévenu le Black Phenix pour qu’ils détournent notre avion !!! C’est pour ça qu’elle s’est incrustée dans notre bande il y a un an pour nous aider à retrouver mon père : elle avait pour mission de le ramener sur Terre et de le livrer au Black Phenix !!!

– Attends ! rétorque son amoureux en s’évertuant à la raisonner. Tu es en train de tout mélanger et de tirer des conclusions trop précipitées !


Mais Aelita ne l’écoute même plus. Des éclairs rouges crépitent autour d’elle tandis qu’elle ramasse Naxxya pour la plaquer contre la paroi du monte-charge en la tenant à la gorge :

– Dis-moi où elle est !


La géante malmenée ne reconnait plus son amie :

– Aelita... qu’est-ce qui t’arrive...?

– DIS-MOI OÙ ELLE EST !!! répète celle-ci en infligeant des décharges électriques à Naxxya qui finit par céder sous la douleur.

– Aaaargh... D’accord... A... Arrête... Je la connais... C’est vrai... Anthéa... était ma... nourrice...

– TU MENS ENCORE !!! s’acharne Aelita en intensifiant ses éclairs.

– N... Non... insiste la géante qui peut à peine articuler. C’est la... vérité...


Jérémie n’ose pas s’interposer car il craint de subir la foudre rouge produite par son amoureuse, mais il ne peut pas la laisser utiliser ces dangereux pouvoirs sans réagir :

– Aelita ! Arrête ! lui crie-t-il en approchant sa main de son épaule.


La jeune fille en furie réalise subitement qu’elle risque de le blesser lui aussi, et son sursaut d’effroi lui fait instinctivement écarter ses éclairs de la main de Jérémie qui se pose sur sa peau, avant que les arcs électriques se dissipent complètement.

Relâchant Naxxya qui reste figée contre le mur de l’ascenseur, Aelita serre les dents pour se retenir de pleurer en massant ses phalanges endolories par la foudre qui a parcouru son corps.

– Ces pouvoirs te font du mal... lui murmure Jérémie en la prenant dans ses bras pour la consoler. Tu ne devrais pas les utiliser à tort et à travers...

– Je... je ne les contrôle pas... sanglote sa bien-aimée qui ne comprend pas d’où lui viennent ces étranges capacités semblables à des pouvoirs virtuels qui se manifestent pourtant dans le monde réel.


Le jeune informaticien ne peut pas prendre le risque de lui révéler leur véritable nature, alors il se contente de la câliner doucement pour l’apaiser, avant de reprendre l’interrogatoire de Naxxya sur un ton plus calme :

– Ainsi donc, Anthéa Hopper t’a élevée ?

– Jusqu’à ce que j’entre au collège, confirme la géante en hochant la tête.

– Et pourquoi ne nous l’as-tu jamais dit ?

– Je n’ai pas le droit d’évoquer quoi que ce soit concernant l’endroit d’où je viens, et Anthéa elle-même m’a fait promettre de ne jamais parler d’elle à Aelita car selon elle ça risquerait de la mettre en danger. Et vu ce qui nous est arrivé, elle avait sûrement raison... Mais je vous promets que je n’étais pas au courant pour l’enlèvement qui nous visait. Je ne sais pratiquement rien sur le Black Phenix, d’ailleurs j’ignorais qu’ils en avaient après Franz.

– Pourtant tu as vécu parmi « eux » ? souligne Jérémie.

– Seulement dans les appartements d’Anthéa, précise Naxxya. Je ne pouvais pas me promener librement dans les bâtiments, et à vrai dire, Anthéa non plus...


En se rappelant la façon dont sa maman lui a été enlevée, Aelita devine que celle-ci est effectivement retenue prisonnière contre son gré, enfermée par ceux qui l’ont capturée :

– Elle est toujours là-bas ? demande-t-elle en essuyant ses joues.

– Quoi ? s’étonne la géante.

– Ma mère ! Est-ce qu’elle vit toujours dans les bâtiments du Black Phenix !?

– Heu... Oui, enfin, je suppose...

– Et c’est où exactement !? la presse sa coéquipière. Comment on s’y rend !? C’est loin d’ici !?

– Ben... C’est aux abords de Paris, dans un complexe isolé qui s’appelle « le Centre »...


Jérémie comprend soudain que son amoureuse rendue impulsive souhaite à présent rejoindre Anthéa sur-le-champ :

– Aelita ! s’empresse-t-il de la raisonner. On ne peut pas partir comme ça en pleine nuit ! Il faut d’abord qu’on réfléchisse à ce qu’on doit faire, et qu’on en parle aux autres avant de...


Mais la jeune fille aux cheveux roses cogne brusquement le bouton de l’ascenseur qui se met en marche.

– Hé !? panique Jérémie tandis que les portes du monte-charge où ils se trouvent se referment derrière eux.


Aelita foudroie Naxxya du regard :

– Tu vas me mener à elle...





* * *





Malgré les protestations de Jérémie, les trois adolescents prennent le RER puis un bus pour se rendre en périphérie de la banlieue suivant les indications qu’Aelita extorque à Naxxya, avant d’emprunter à pied une route déserte qui traverse des champs.

S’éloignant des lumières de la ville, ils s’enfoncent dans l’obscurité, la géante les guidant à contrecœur, et Jérémie n’étant pas rassuré tandis que son amoureuse reste déterminée à aller jusqu’au bout.

Après avoir marché plusieurs minutes au clair de lune, ils aperçoivent enfin la silhouette noire d’un très haut mur surplombé de fil barbelé.

À droite de l’immense portail blindé qui ne s’ouvre que pour laisser passer des véhicules, se trouve une petite porte avec un interphone dont s’approche Naxxya, avant d’avertir ses camarades :

– Une fois qu’on sera à l’intérieur, je ne sais pas si on pourra...

– Contente-toi de nous faire entrer ! lui ordonne Aelita sans tergiverser.


Même Jérémie sait qu’il ne peut plus la raisonner. Il est certain qu’ils ne devraient pas foncer ainsi tête baissée dans le quartier général de leurs ennemis, mais si Aelita est résolue à y aller, alors Jérémie devra y aller aussi. Pourvu qu’il trouve un moyen de s’enfuir en vitesse si les choses tournent mal.

Naxxya presse le bouton de l’interphone, une voix demande alors :

– Identité ?

– Naxxya Warven.


La communication coupe, et la porte s’ouvre.

Les trois lycéens la franchissent, puis elle se referme aussitôt derrière eux.

Une rangée de faibles lumières au sol leur indique le chemin vers l’entrée du premier bâtiment devant eux, un étrange édifice pas très haut, aux parois légèrement obliques et qui semble un peu "écrasé", comme si son architecte avait souhaité qu’il ne dépasse pas trop du sol.

Remarquant des touffes d’herbe dépassant du toit, Jérémie comprend que le complexe tout entier a été conçu pour être pratiquement invisible depuis le ciel.

En passant les portes coulissantes automatiques, les trois jeunes visiteurs arrivent dans une salle d’accueil étonnamment classique, avec un agent en costume derrière son ordinateur, des bancs, des plantes vertes, une porte menant aux toilettes, et même une table basse avec quelques revues scientifiques.

Naxxya s’avance vers l’agent d’accueil :

– Bonsoir, je voudrais voir Anthéa s’il vous plait. Anthéa Hopper.


L’agent dévisage tour à tour chacun des adolescents, avant de leur indiquer les bancs :

– Veuillez patienter.


Les trois enfants égarés s’assoient donc sur un banc, tandis que l’agent d’accueil se met à pianoter sur le clavier de son ordinateur.

Le silence est pesant.

Assis entre Naxxya manifestement inquiète et Aelita toujours décidée à aller au fond des choses, Jérémie observe les alentours et compte cinq portes d’ascenseurs en plus des escaliers, ce qui laisse deviner que ce bâtiment pas très haut en apparence cache en fait de nombreux étages souterrains.

– Donc tu habitais ici avant ? demande-t-il à la géante.

– Jusqu’à mes onze ans, confirme-t-elle.

– Mais vous viviez « sous terre » ? poursuit Jérémie déconcerté.

– L’appartement où Anthéa m’a élevée était confortable malgré l’absence de fenêtres, et elle m’emmenait tous les jours jouer sur le terrain entre les bâtiments et le mur d’enceinte. Je ne me rendais pas vraiment compte qu’on était enfermées, même si les programmes à la télévision décrivaient un monde extérieur bien différent de cet espace clos dans lequel j’avais toujours vécu... Ce n’est qu’en entrant au collège que j’ai fini par réaliser que l’endroit d’où je venais n’était pas ordinaire, mais je n’avais pas le droit d’en parler à qui que ce soit...


Jérémie repense alors à la conversation entre Franz et Anthéa. Pour une raison inconnue, cette dernière semble estimer qu’il vaudrait mieux que Naxxya continue d’ignorer ses propres origines, et le jeune informaticien se contente donc d’imaginer que sa camarade aux cheveux bleus a été conçue en laboratoire mais il ne pourra pas l’interroger à ce sujet.

– Quand as-tu vu Anthéa pour la dernière fois ? reprend-il.

– Ben... Avant je rentrais pour les vacances, mais cette année je suis restée à Kadic afin de faire face aux attaques de Xana, donc je ne suis pas venue ici depuis l’été dernier... Par contre, quand j’ai prévenu Anthéa que je ne rentrerais pas à la Toussaint, elle a eu la permission de me rendre visite...

– Hein ? s’étonne Jérémie. Ils l’ont laissée sortir d’ici ?

– Une seule fois à ma connaissance, et sous étroite surveillance, évidemment... précise la géante. Vous vous souvenez du concours de costumes d’Halloween ?


Aelita fronce les sourcils en écoutant le récit de sa colocataire :

– La femme qui faisait partie du jury et qui se faisait appeler « Hana Prophete », c’était Anthéa.

– QUOI !? s’étrangle la jeune fille aux cheveux roses, effarée à l’idée d’avoir revu sa mère sans même la reconnaître.

– L’espèce de styliste bizarre avec des lunettes extravagantes !? se rappelle Jérémie.


Naxxya hoche la tête :

– Elle s’était grimée pour qu’on ne puisse pas l’identifier, car même si elle avait prétexté me rendre visite pour pouvoir venir à Kadic, son véritable but était de voir ses filles, Taelia et Aelita...


Cette dernière reste sans voix, tandis que la géante poursuit :

– Lorsque vous m’aviez exposé Lyoko et ses origines, notamment ce qui concernait Franz Hopper, vous aviez mentionné Anthéa, la maman disparue d’Aelita, et j’avais fini par comprendre que la femme qui m’avait élevée était cette même personne, alors quand elle est venue le soir du concours d’Halloween, je lui avais demandé pourquoi elle n’était pas allée te parler directement, et elle m’a expliqué que le Centre, enfin, le Black Phenix, la surveillait, et qu’ils étaient à la recherche de Franz et de ses filles... C’est là qu’elle m’a fait promettre de ne jamais te dire que je la connaissais, pour ta propre sécurité...


Plongée dans ses réflexions suite aux révélations de Naxxya, Aelita semble toujours en colère contre celle-ci, mais la jeune fille aux cheveux roses brûle surtout d’impatience de retrouver enfin sa mère.

Jérémie, quant à lui, lève les yeux vers les coins du plafond, et il remarque alors des caméras de surveillance, toutes orientées vers eux, ou plus précisément, vers Aelita.

En entendant le léger bruit de mise en marche des différents ascenseurs, le jeune garçon se lève, l’air de rien, et se dirige vers la sortie.

Naxxya le regarde en cherchant à comprendre ce qui lui prend, avant de s’apercevoir que malgré la présence de Jérémie devant les portes automatiques par lesquelles ils sont entrés, celles-ci restent désormais closes.

Le génie à lunettes prend une profonde inspiration et interpelle l’agent posté à l’accueil avec un faux prétexte :

– Excusez-moi ? Si l’attente est encore longue, pourrais-je sortir une minute pour fumer une cigarette ?


Le préposé lui répond d’une voix monocorde :

– L’attente touche à sa fin. Tenez-vous tranquilles.


En entendant cette dernière phrase, le sang d’Aelita ne fait qu’un tour ; elle se lève d’un bond et se jette littéralement sur l’androïde qui les faisait patienter, le renversant de sa chaise :

– Je veux voir ma mère !! Où est-elle !?


Le robot se contente de saisir fermement les poignets d’Aelita pour l’empêcher de s’enfuir, tandis que les portes des ascenseurs s’ouvrent et qu’une vingtaine d’hommes en noir entrent dans la pièce.

La foudre rouge apparait à nouveau sur les mains d’Aelita qui électrocute son ravisseur avant de se relever et de menacer les autres androïdes de leur faire connaître le même sort.

Mais les êtres mécaniques ne se laissent pas impressionner et avancent vers la jeune fille qui ne pourra pas les affronter tous en même temps, quand soudain, Naxxya qui s’est emparée du banc se jette contre les hommes en noir dont une partie trébuche en cascade telles des quilles de bowling, permettant à Aelita d’électrocuter ses quelques assaillants toujours debout tout en reculant vers Jérémie.

La géante n’a cependant pas l’opportunité de se replier avec eux : immobilisée aux chevilles par les pantins de fer qui s’agrippent à elle en remontant le long de ses jambes, Naxxya cesse de leur donner des coups de banc inutilement et décide de jeter celui-ci de toutes ses forces contre les vitres des portes automatiques qui volent en éclats, déclenchant une alarme sonore et la chute immédiate d’une grille métallique censée empêcher quiconque de sortir.

Par bonheur, cette barrière n’a pas pu descendre jusqu’au sol car elle est restée bloquée par le banc encastré dans la vitre brisée.

– Viens vite ! s’écrie Jéremie en tirant aussitôt Aelita par le bras pour qu’elle le suive sous la grille, et une fois sortis, il donne un grand coup de pied dans le banc pour dégager le passage de la barrière métallique qui se ferme enfin complètement, piégeant leurs poursuivants à l’intérieur du bâtiment.


Sous les hurlements des sirènes d’alarme et les lumières des projecteurs qui éclairent désormais la cour, les deux fugitifs foncent jusqu’au mur où se trouve la petite porte par laquelle ils sont entrés, mais celle-ci est évidemment verrouillée à présent.

– On est pris au piège ! panique Jérémie qui ne parvient pas à forcer le verrou.

– Laisse-moi essayer ! rétorque Aelita tandis que son amoureux s’écarte pour la laisser employer ses foudres rouges contre la serrure, en vain.

– C’est inutile, se lamente l’informaticien en voyant des hommes en noir accourir vers eux. Tout le système électrique de cette base doit être conçu pour résister aux pannes de courant et aux surcharges... La porte ne s’ouvrira pas...

– Alors je la ferai FONDRE !! s’acharne la jeune fille furieuse en intensifiant ses éclairs.

– Non Aelita !! Arrête !! Tu ne dois pas abuser de...!!


Mais trop tard, un craquement énergétique déchire brusquement l’air, faisant tomber Jérémie à la renverse : Aelita est à présent submergée par la foudre rouge qui envahit tout son corps et crépite tout autour d’elle sans qu’elle puisse la maîtriser.

– Jérémie... Je ne contrôle plus rien... Je...


Celui-ci reste au sol, à moitié sonné :

– Aelita...


Voyant les hommes en noir courir vers eux, la jeune fille prend peur :

– Non !! Reculez !! Laissez-nous !! LAISSEZ-NOUS !!!


Et la frayeur qu’elle éprouve se transforme en une rage incontrôlée qui explose, libérant une vague d’énergie rouge autour d’elle :

– AAAAAAAAAAAAAAAAH !!!


En un éclair, l’incroyable salve foudroyante émise par Aelita submerge ses assaillants ainsi que tous les bâtiments aux alentours...


Miraculeusement épargné par l’onde énergétique qui vient de décimer les hommes en noir, Jérémie se relève avec peine, et lorsque ses yeux captent enfin la lueur du clair de Lune qui perce faiblement l’obscurité, il constate que tout semble s’être arrêté autour de lui : les lumières se sont éteintes, la sirène d’alarme s’est tue, les carcasses des nombreux androïdes qui les pourchassaient gisent autour d’eux, et même la lourde porte blindée a été éventrée par la violence de l’explosion.


Le jeune garçon se réjouit brièvement en pensant qu’ils peuvent désormais s’enfuir, avant de réaliser que son amoureuse est allongée au sol, inerte.

– Aelita !?






* * *






Réveillée par une étrange source lumineuse mouvante, Naxxya entrouvre péniblement les yeux pour distinguer dans la pénombre une imposante silhouette au-dessus d’elle en train d’écarter les carcasses métalliques des androïdes qui recouvraient l’adolescente aux cheveux bleus.

Encore étourdie par la vague énergétique qu’elle aurait encaissée de plein fouet si les robots amassés sur elle dans le but de l’immobiliser ne l’avaient pas absorbée en grande partie jusqu’à griller complètement, la géante entend une grosse voix familière mais inquiétante déclarer :

– La Warven est vivante, je la descends...


Paniquée en comprenant qu’elle va être abattue sur place, Naxxya tente de repousser l’être penché sur elle, mais celui-ci attrape ses avants-bras pour l’empêcher de se débattre :

– Arrête de t’agiter, je t’emmène simplement à l’infirmerie.


L’individu hisse sans difficulté la grande lycéenne sur ses épaules et emprunte les escaliers toujours plongés dans l’obscurité, en avançant avec assurance grâce au casque de vision nocturne dont il est équipé.

Au terme de la longue descente rythmée par le pas lourd de l’homme qui foule une à une les marches de l’escalier, Naxxya et son porteur atteignent un niveau où l’électricité fonctionne encore. Sous la lumière des néons, la jeune fille découvre alors des murs et des portes de composition métallique singulière, évoquant une base militaire ou spatiale à la limite de la science-fiction. N’ayant jamais eu le droit de s’aventurer dans le bâtiment en dehors des appartements où Anthéa l’a élevée, Naxxya elle-même n’était jamais descendue si profondément dans cet endroit dont elle ignore en fait pratiquement tout.

L’homme qui la transporte sur ses épaules finit par s’arrêter devant un sas qui vérifie leurs identités avant de les laisser passer.

Un long couloir les mène enfin à une grande salle contenant quelques hommes en noir gardant d’étranges machines, notamment des sortes de sarcophages surélevés comme des tables d’opérations chirurgicales dont dépassent de nombreux tuyaux et autres fils électriques.

Le grand costaud dépose Naxxya dans l’un de ces caissons, puis il retire enfin son casque, et le sang de la jeune fille ne fait qu’un tour lorsqu’elle reconnait son visage : Derek Rourk, l’élève qu’elle avait poignardé mortellement lors d’une bagarre au collège-lycée Matheson.

– Toi !? s’écrie-t-elle en se redressant, le souffle coupé par ses blessures et par la surprise.

– Reste allongée, lui ordonne Derek en prenant place dans le sarcophage situé à côté du sien tandis qu’un scientifique en blouse blanche pianote sur l’ordinateur au fond de la salle.

– Je croyais que tu étais mort !? insiste Naxxya qui le dévisage tel un fantôme.

– Mon « assurance » m’a couvert, répond ironiquement l’homme bien vivant en levant le menton pour montrer les prothèses métalliques qui recouvrent sa gorge. Mais les premiers ambulanciers avaient déjà constaté mon décès, alors on a laissé le bruit courir.

– C’est le Centre qui t’a sauvé !? interroge la jeune fille en comprenant que seules les technologies déployées dans les laboratoires obscurs de ce bâtiment ont pu permettre à Derek de survivre à cette mutilation qu’elle lui avait infligée et à laquelle il aurait dû succomber. Et depuis quand tu travailles pour eux ?!


Le colosse s’esclaffe :

– Depuis bien avant ta naissance, tout comme la femme qui t’a élevée, ainsi que celle qui t’a accompagnée à Matheson...


La jeune fille aux cheveux bleus est complètement perdue :

– Hein !? ...De quoi tu parles !?


Derek interpelle l’informaticien :

– Howard, projetez-nous les cellules quatre et cinq je vous prie.


Le vieux scientifique moustachu à la peau noire s’exécute, et sur le grand écran accroché au mur au-dessus de l’ordinateur, les images de deux caméras de vidéo-surveillance apparaissent, montrant d’un côté la silhouette inerte d’une femme aux cheveux roses allongée dans un lit, prostrée en cachant son visage entre ses mains, et de l’autre une jeune fille noire qui donne furieusement des coups de poing contre les murs tachés de sang.

Naxxya reconnait avec effroi sa « nourrice », Anthéa Hopper, et sa meilleure amie au collège Matheson, Samantha Knight, toutes deux enfermées dans des cellules séparées.

– Qu’est-ce que vous leur avez fait !? s’inquiète la géante qui ne comprend pas pourquoi ces deux personnes à qui elle tient sont emprisonnées ainsi.

– Malgré la mission que nous leur avions confiée, explique Derek, Anthéa t’a menti depuis ta naissance en te cachant ta véritable nature pour t’en détourner, et Samantha t’a délibérément confortée dans ce mensonge alors qu’elle était censée te ramener dans le « droit chemin ». Mais il est grand temps pour toi de connaître la vérité...


Le couvercle du sarcophage se referme sur Naxxya qui panique :

– Non !! Attendez !!

Trop tard, la jeune fille est prise au piège dans son cercueil de fer qui s’illumine progressivement, et un balayage éblouissant la parcourt de la tête aux pieds, avant qu’elle éprouve une indescriptible sensation qu’elle connait bien : celle de la virtualisation.




Lorsque Naxxya ouvre les yeux, elle se trouve dans un lieu à l’air libre : une vaste étendue d’herbe au pied d’un immense monument de pierre, entourée par des chemins et des escaliers qui se rejoignent au socle d’une épaisse colonne surplombée par une statue représentant un gigantesque oiseau noir aux longues ailes. Une légère brise fait onduler les cimes des grands arbres aux alentours, et très haut dans le ciel, de nombreux volatiles planent en décrivant des cercles au-dessus du monument.

En voulant s’avancer vers les escaliers, la jeune fille devine que malgré le réalisme de son environnement, elle se trouve bien dans un monde virtuel, car sa tenue a changé : elle porte désormais une fine combinaison métallique bleu foncé, beaucoup plus souple et légère que les lourdes plaques grises qu’elle arbore sur Lyoko.

– Bienvenue chez toi ! déclare la voix de Derek.


Naxxya relève la tête pour apercevoir son interlocuteur posté sur le balcon devant la statue, et vêtu d’une combinaison rouge foncé avec de larges couteaux de boucher à sa ceinture, ainsi qu’une armure à pointes recouvrant son bras, tel un gladiateur.

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La jeune fille ne comprend toujours pas pourquoi Derek l’a amenée en ce lieu :

– « Chez moi » ? répète-t-elle. Je suis censée habiter ici ?

– ...Auprès de ta vraie famille, complète le grand costaud avec un sourire faussement bienveillant en levant le doigt pour désigner le ciel.


Levant les yeux dans la direction indiquée, Naxxya voit alors les créatures qu’elle prenait pour des oiseaux descendre subitement en piqué vers le sol tout en laissant des trainées énergétiques bleutées derrière elles, et la jeune fille réalise que ces créatures ont une apparence bien humaine, mais surtout : leurs sombres combinaisons sont identiques à celle qu’elle porte, hormis un casque dont la visière dissimule leur visage, ne laissant dépasser à l’arrière qu’une longue chevelure bleue comme la sienne.

– C’est quoi ce délire !? s’inquiète Naxxya en voyant ses « clones » par dizaines disposés en rang le long des escaliers et des chemins tout autour d’elle.

– Tu as peur ? s’amuse Derek. Rassure-toi, ici tu apprendras très vite à maîtriser tes sentiments !


Les impassibles guerrières clament aussitôt d’une seule voix :

– NOS SENTIMENTS SONT NOS FAIBLESSES, SANS EUX JE SUIS PLUS FORTE.


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Derek approuve d’un signe de tête avant d’interpeler l’une des créatures en particulier :

– Warven-49, un pas en avant !


Celle-ci s’exécute en s’avançant pour faire face à Naxxya perplexe :

– « Warven-49 » ? Vous les appelez par des numéros ?

– Elles sont numérotées par rang de puissance, rectifie Derek. Et toi, tu réponds au nom de Warven-50, comme tu vas t’en rendre compte dès que Warven-49 t’aura montré ta place.


La Lyoko-guerrière se met en garde en comprenant que la créature portant le numéro 49 vient d’être désignée pour l’affronter, mais cette dernière est déjà sur elle, enfonçant son poing dans son ventre avant d’enchaîner des coups si rapides et précis que Naxxya est incapable d’y répondre...





* * *





Assis dans le RER quasiment vide qui les ramène en ville, Jérémie est épuisé après avoir porté Aelita dans ses bras pour s’enfuir du Centre, mais soulagé que celle-ci ouvre enfin les yeux :

– Jérémie...

– Je suis là, ne t’en fais pas. On rentre à l’usine.


La jeune fille hébétée se redresse :

– Et Naxxya ?


Jérémie secoue la tête car leur grande camarade n’a pas réussi à échapper aux androïdes du Black Phenix :

– On peut espérer qu’ils l’épargneront parce qu’elle vient de chez eux et qu’elle connait ta mère, mais ils vont certainement l’interroger pour qu’elle leur dise où tu es, donc il faut qu’on aille réveiller les autres et qu’on s’éloigne de l’usine au plus vite...


Aelita se masse le front, son esprit ressassant péniblement les révélations de Naxxya :

– Je crois... qu’elle a essayé de me le dire...

– Quoi ?

– Qu’elle connaissait ma mère... Elle a essayé de m’en parler une fois, l’année dernière...





* * *




À l’automne précédent, durant les vacances de la Toussaint, les parents Ishiyama ainsi que leur fils Hiroki sont absents de leur domicile pendant deux jours consécutifs, et Yumi en a donc profité pour inviter Aelita et Naxxya à passer la soirée chez elle ainsi qu’à rester dormir.

Après avoir regardé un film en dégustant les exquises spécialités asiatiques préparées par la Japonaise, la maîtresse de maison insiste pour s’occuper seule de la vaisselle, et ses deux invitées quittent donc le salon pour aller se brosser les dents avant de se rendre dans la chambre où elles dormiront toutes les trois.

Aelita se jette la première sur le grand matelas au sol :

– C’est moi qui dors au milieu !

– Tu devrais laisser cette place à Yumi, lui conseille Naxxya. Si je me retourne en dormant, elle saura me repousser contrairement à toi.

– Moi aussi je peux te repousser ! affirme la jeune fille aux cheveux roses qui s’allonge sur le dos en invitant sa camarade à venir la mettre à l’épreuve. Viens là que je te montre !


La géante s’étend donc sur sa petite colocataire en se tenant sur ses coudes, et Aelita s’efforce de la pousser avec ses bras jusqu’à parvenir à la faire rouler sur le côté, puis elle lui monte dessus à son tour en triomphant :

– Alors ? C’est qui la plus forte ?


Dévisageant son amie à contre-jour par rapport à la lampe suspendue au plafond au-dessus d’elles, Naxxya est momentanément troublée par sa silhouette et plus particulièrement par son doux visage entouré d’une chevelure rose...

– Aelita, déclare-t-elle à voix basse, il faut que je te dise quelque chose...


Le ton gêné avec lequel la géante s’exprime inquiète sa camarade qui s’empresse de lui couvrir la bouche avec sa main :

– Un instant ! Que les choses soient bien claires : mon cœur appartient à Jérémie !


Naxxya retire la main plaquée sur ses lèvres et poursuit :

– Ton vrai nom de famille, c’est « Hopper », c’est bien ça ?...

– Techniquement non, répond son interlocutrice soulagée, mon vrai nom est « Schaeffer » car c’est le nom de mon père. « Hopper » c’est le nom de ma mère, on l’avait pris pour brouiller les pistes. Pourquoi tu me demandes ça ?


C’est alors que Yumi entre à son tour dans la chambre et découvre Aelita à califourchon sur Naxxya :

– Heu... vous faites quoi exactement ?


L’ange de Lyoko s’enlève précipitamment de sa coéquipière en rougissant :

– Rien du tout ! Qu’est-ce que tu vas imaginer ? Je lui montrais simplement que c’est moi la plus forte !


La Japonaise amusée reprend de plus belle :

– Et vous faites ça souvent dans votre chambre à Kadic ?


Naxxya change habilement de sujet :

– En fait, Aelita était en train de m’expliquer que son cœur appartient à Jérémie...

– Quoi ? J’ai dit ça moi ? s’étonne innocemment la jeune fille aux cheveux roses qui ne peut cependant s’empêcher de rougir encore davantage.


Yumi soupire en s’allongeant à côté d’elles avec un grand sourire :

– Pourquoi faut-il qu’à chaque soirée entre filles, on finisse par discuter des garçons ?





* * *





– ...Elle n’a pas réessayé de t’en parler après ça ? demande Jérémie étonné par ce témoignage.

– Non, répond Aelita toujours dans ses bras. C’est la seule fois où elle m’a interrogée sur mon nom, ou plutôt sur celui de ma mère...

– Et c’était quand exactement, cette soirée chez Yumi ?

– Heu... Vers la fin des vacances de la Toussaint si je me souviens bien...

– Peu après Halloween, donc ? en conclut le jeune informaticien.

– Oui pourquoi ? ...Oh !? Tu crois que c’est ma mère qui...?


Son amoureux hoche la tête :

– Je n’en suis pas sûr, mais a priori ça concorde avec ce que Naxxya nous a dit : Anthéa était à Kadic le soir du concours de déguisements d’Halloween, et elle lui a elle-même interdit de te révéler ce qu’elle savait. C’est probablement pour ça que même si Naxxya a failli t’en faire part chez Yumi, elle n’a pas osé t’en reparler depuis...


Aelita couvre ses yeux avec ses doigts :

– Elle a été capturée par ma faute... se lamente-t-elle sans saisir elle-même ce qui l’a poussée à s’emporter aussi violemment contre sa camarade et à décider de se rendre dans le repaire de leurs ennemis au beau milieu de la nuit. Qu’est-ce qui m’a pris de vouloir aller dans ce « Centre » de malheur... Je ne comprends plus rien à ce qui m’arrive... Tout ce que je fais me dépasse... C’est... Il y a comme une rage intérieure qui s’empare de moi sans que je sache pourquoi...


Ne pouvant lui révéler la source de ses tourments, Jérémie caresse doucement la joue de son amoureuse en la rassurant :

– Ça va aller, on trouvera un moyen d’arranger ça. La virtualisation de Xilune doit être terminée, peut-être qu’elle saura nous dire comment résoudre ton problème...





* * *





Les premières lueurs du jour qui se lève éclairent progressivement le fleuve tandis que Jérémie et Aelita sont de retour à l’usine. Accueillis au laboratoire par leurs cinq camarades qui étaient paniqués en découvrant l’absence de trois d’entre eux à leur réveil sans même pouvoir les joindre car leurs téléphones portables ont grillé durant leur voyage en Corse, les deux amoureux sont sommés de justifier leur escapade nocturne :

– Où étiez-vous passés !? les interroge Yumi furieuse car elle se faisait un sang d’encre.

– ...Et Naxxya ? demande Odd inquiet en constatant que sa grande petite amie n’est pas avec eux. Elle est où ?

– On est allés au Centre, explique Jérémie en s’asseyant devant l’ordinateur.

– Au centre de quoi ? renchérit Sissi perplexe.

– C’est le nom de la base terrestre du Black Phenix, précise l’informaticien en vérifiant que la revirtualisation de Xilune est pleinement achevée.

– Hein ?? s’étonne William. Mais qu’est-ce que vous êtes allés faire là-bas ??

– Je... je voulais retrouver ma mère... répond honteusement Aelita.

– Et vous y êtes allés comme ça, tout seuls, en pleine nuit ? les réprimande Ulrich.

– Sans même nous laisser un message pour nous dire où vous étiez ? ajoute Yumi toujours en colère contre eux.

– Je suis désolée... se lamente la jeune fille aux cheveux roses qui est à l’origine de cette excursion insensée. Je ne sais vraiment pas ce qui m’a pris... C’était plus fort que moi... Et par ma faute, Naxxya a été capturée...

– QUOI !? s’exclame Odd abasourdi.

– Capturée ?? répète Sissi avec effroi en comprenant que leur camarade manquante est en fait restée aux mains de leurs ennemis.

– Ce n’est pas tout, poursuit Jérémie. Nous avons appris que Naxxya venait elle-même du Centre, peut-être même qu’elle a été conçue dans leurs laboratoires...


Ses camarades échangent des regards interloqués, avant que William en tire les conclusions qui s’imposent :

– Alors c’était elle la taupe... réalise-t-il en serrant les poings.

– Hé !! réplique le félin offensé. Qui tu traites de taupe !?

– Pardon, rectifie ironiquement le grand ténébreux en détachant ses mots, je voulais dire : « la traitresse ».


Odd empoigne alors rageusement William par les pans de sa veste sans que celui-ci s’en préoccupe car leur différence de stature est trop importante pour que le félin parvienne à le faire vaciller, et Ulrich retient son intrépide colocataire pour le raisonner :

– Il a raison, affirme le samouraï en tenant les poignets d’Odd pour lui faire lâcher son grand adversaire. Si notre avion a été détourné, c’est qu’il y avait une balance parmi nous.

– Tu vas pas t’y mettre aussi !? s’indigne son ami.


Mais même Yumi en vient à admettre que Naxxya les a vraisemblablement aidés à sauver Franz Hopper dans l’unique but de le livrer ensuite au Black Phenix :

– Elle avait tout calculé depuis le début... réalise la Japonaise avec effroi en repensant à la façon dont la guerrière aux cheveux bleus avait rejoint leur équipe en se montrant aussi utile que docile.

– J’imagine que c’est grâce à elle que vous avez pu entrer dans ce « Centre » où elle vous a conduits... commente William.

– Pourtant... raconte Aelita désemparée, elle ne voulait pas y aller... Elle a vraiment tenté de m’en dissuader, et elle nous a aidés à nous enfuir...

– Peut-être qu’elle a fini par s’attacher à nous et à éprouver des remords... suggère Sissi qui a du mal à croire que leur coéquipière ait pu jouer un double jeu depuis le début sans aucun scrupule.

– Quoi qu’il en soit, reprend Jérémie qui s’active sur l’ordinateur, Naxxya est à présent détenue par nos ennemis. Ce n’est plus qu’une question de temps avant qu’elle leur révèle notre position et qu’ils viennent nous chercher ici. On va donc devoir quitter l’usine, mais avant ça, il faut que je transfère certains fichiers importants vers mon PC portable pour qu’on puisse continuer d’agir à distance en profitant de la puissance du supercalculateur...


Ses camarades frissonnent en comprenant que les hommes du Black Phenix peuvent venir les arrêter d’une minute à l’autre...

L’avenir des sept adolescents est incertain : ils ne sont plus en sécurité nulle part, même l’usine n’est plus un endroit sûr pour eux, et leurs moyens de lutter dans le monde réel sont très restreints...

– Il faut qu’on emporte des Lyoko-morphers pour pouvoir se défendre, affirme Ulrich.

– Leur portée est limitée... rappelle Aelita en sous-entendant que les précieux bracelets ne fonctionneront que s’ils restent dans les environs de l’usine et de Kadic.

– Je tâcherai de l’augmenter, déclare Jérémie qui termine d’envoyer les fichiers adéquats vers sa machine personnelle. Dès que j’y serai parvenu, on pourra attaquer le Centre avec nos pouvoirs de Lyoko, et nos adversaires ne s’y attendront pas...


Mais Yumi en a assez de tous ces plans insensés :

– Bon, ça suffit... intervient-elle froidement. On a fait suffisamment de dégâts comme ça, il est temps d’arrêter les frais et d’admettre que cette fois, ce n’est plus de notre ressort. Nous ne pouvons pas raisonnablement affronter le Black Phenix. Il faut qu’on alerte les autorités.


Ses camarades médusés la dévisagent...

– La partie n’est pas encore perdue, insiste Jérémie. En prenant d’assaut le Centre, il nous reste une chance d’atteindre le supercalculateur qui abrite le Next World, et nous serons alors en mesure de « débrancher » Zander Hopper... Autrement dit : de décapiter le Black Phenix...

– Laisse tomber ! rétorque fermement la Japonaise en se dirigeant vers le monte-charge, résolue à aller prévenir les forces de l’ordre elle-même.


Mais lorsqu’elle presse le bouton de l’ascenseur, celui-ci ne s’élève pas :

– Hé !? Pourquoi ça marche pas !? s’énerve-t-elle en rappuyant à plusieurs reprises, avant de comprendre que son camarade informaticien a lui-même bloqué cette commande pour retenir sa coéquipière dissidente. Jérémie ! Remets l’ascenseur en marche tout de suite !

– Tu ne pourras pas les convaincre... affirme calmement ce dernier. Et à vrai dire, je suis prêt à parier que le Black Phenix a des « contacts » bien placés dans toutes les branches du gouvernement...


Yumi est excédée par l’attitude désinvolte du cerveau de la bande qui semble vouloir prendre toutes les décisions tout seul car il est persuadé de tout savoir mieux que quiconque :

– Tu deviens exactement comme Franz ! assène-t-elle. À force de passer tout ton temps sur ce maudit supercalculateur, tu es devenu aussi parano et aliéné que son créateur !

– Heu, Yumi... intervient prudemment Ulrich gêné par la dureté des propos tenus par sa compagne à l’égard du père d’Aelita. Ce n’est pas très...

– Non, laisse... le coupe Jérémie.


Celui-ci a en effet cessé de pianoter sur le clavier de l’ordinateur, touché par les reproches de son amie qui, contrairement à lui, a toujours su garder les pieds sur terre :

– Excusez-moi, j’ai un peu trop de choses qui tournent dans ma tête en ce moment... souffle-t-il en levant brièvement ses lunettes pour se frotter les yeux en signe de fatigue. Ce n’est pas à moi de décider seul de ce qu’il convient de faire... Et en toute objectivité, je pense que Yumi a raison : nous devons quitter cet endroit au plus vite et aller prévenir les autorités compétentes...


La Japonaise hoche gravement la tête, et tous s’apprêtent donc à la rejoindre dans le monte-charge que l’informaticien remet en marche, hormis le félin qui grimpe à l’échelle :

– Odd, tu vas où ? l’interpelle Ulrich.

– Je vais chercher Naxxya !

– Arrête de faire l’idiot, tu ne sais même pas où elle est...

– Attendez ! les interpelle soudain Jérémie car des mouvements ont été détectés aux abords du bâtiment désaffecté où ils se trouvent. Quelqu’un vient d’entrer dans l’usine !

– Hein !? paniquent ses camarades en se regroupant autour de lui pour observer sur son écran les fenêtres affichant les vidéos des caméras de surveillance.


Les Lyoko-guerriers angoissés découvrent alors la silhouette d’un homme assez âgé à la peau sombre et vêtu d’une blouse blanche, portant d’épaisses lunettes ainsi qu’une longue moustache.

– C’est qui ce papy ? demande William en observant l’énigmatique intrus qu’aucun d’entre eux ne connait.

– On a été suivis... panique Aelita persuadée que son amoureux et elle ont été pistés par le Black Phenix durant leur retour à l’usine.

– Faut qu’on se tire d’ici en vitesse ! s’alarme Yumi qui redoute que leurs ennemis arrivent en grand nombre pour les capturer.


Jérémie analysait justement les déplacements de l’individu pour tenter de déterminer comment sortir sans qu’il les voie :

– Je crois qu’il se dirige vers le corridor, donc en prenant l’ascenseur on devrait pouvoir se sauver discrètement, à condition qu’il n’y ait personne d’autre...

– Pourquoi il est seul ? se méfie Ulrich.

– C’est peut-être un piège pour nous faire sortir... craint Sissi. Peut-être que le reste de sa troupe nous attend sur le pont...

– Alors on devrait peut-être rester ici pour lui tomber dessus... suggère William prêt à recevoir le curieux visiteur.

– En tout cas, il a l’air de savoir où il va... les prévient Jérémie car l’intrus hésite assez peu en empruntant le long détour menant au secteur secret de l’usine, comme si quelqu’un lui avait indiqué le chemin à suivre. Il sera là dans une minute ; si on veut essayer de s’enfuir à son insu, c’est maintenant...

– Non ! On reste pour l’attraper ! rétorque Odd. Comme ça, on le prend en otage, et après on l’échange contre Naxxya !


Yumi hésite à emprunter le monte-charge pendant qu’il en est encore temps, mais elle ne peut se résoudre à abandonner ses amis :

– Bon ! Planquons-nous dans le dortoir pour le surprendre ! conclut-elle en se dépêchant d’aller se dissimuler derrière la porte ouverte dans le mur.


Les sept Lyoko-guerriers s’abritent donc à l’entrée de la pièce où ils ont passé la nuit, guettant avec appréhension l’arrivée du mystérieux individu, et celui-ci atteint enfin le laboratoire par l’ouverture près du plafond avant de descendre prudemment les barreaux métalliques de l’échelle murale pour rejoindre le poste de commande.

À peine s’est-il assis sur le fauteuil devant l’ordinateur, que les adolescents en embuscade surgissent pour le maîtriser :

– YAHAAAAAAA !! s’écrie Odd en bondissant sur lui.

– Aaaah !? sursaute le vieil homme effrayé en se protégeant maladroitement avec ses mains.


Ulrich et William le saisissent par les poignets pour l’immobiliser, tandis qu’Odd le secoue par les pans de sa blouse :

– Où est Naxxya !? questionne le félin furieux.

– Arrêtez ! Aïe ! Laissez-moi !! balbutie le pauvre bougre malmené.

– Parle ou je t’arrache la moustache !! le menace son interrogateur.

– Odd ! Ça suffit ! intervient Yumi en tirant celui-ci en arrière pour qu’il cesse de torturer leur otage.

– Lâche-moi ! proteste le fauve enragé, mais la Japonaise le retient fermement.


Jérémie s’avance alors en face de l’intrus pour l’interroger sur un ton plus calme :

– Excusez notre ami, il est un peu nerveux. Nous allons tâcher de l’empêcher de vous faire du mal, mais il va falloir répondre gentiment à nos questions... Pour commencer, qui êtes-vous ?


L’individu tétanisé consent aussitôt à se présenter :

– Je... Je me nomme Howard Knight...


Les yeux de Jérémie se plissent puis s’écarquillent :

– Howard « Knight » ? répète-t-il en insistant sur son nom de famille car celui-ci ne lui est pas inconnu.

– Je suis originaire des États-Unis d’Amérique... précise son interlocuteur en craignant que son patronyme leur semble étrange au point qu’ils le soupçonnent de leur mentir.


Les camarades du jeune informaticien échangent des regards perplexes tandis que celui-ci reprend l’interrogatoire :

– Connaitriez-vous par hasard une jeune fille prénommée « Samantha » ? demande Jérémie qui distingue à présent la ressemblance physique entre l’ex-copine d’Odd et le vieil homme noir portant le même nom qu’elle.

– ...Vous connaissez ma fille ?? s’étonne l’otage encore plus surpris que ses agresseurs.


Les Lyoko-guerriers sont complètement abasourdis, à commencer par Odd :

– Vous êtes le papa de Sam !? réalise le félin qui remarque à son tour leur ressemblance évidente. Oh là là, si elle apprend que je vous ai attaqué, elle va me tuer... Pardon ! Je suis vraiment désolé de vous avoir tiré les moustaches...

– Mais qu’est-ce que Sam a à voir avec tout ça ? poursuit Yumi toujours dans l’incompréhension.


En dévisageant les lycéens, Howard reconnait subitement la jeune fille aux cheveux roses :

– Aelita ! Tu es Aelita Schaeffer, n’est-ce pas !?

– Hein ? s’étonne celle-ci. Heu, oui...

– C’est ton père qui m’a envoyé ici ! révèle enfin l’otage.

– ...Vous savez où est mon père !? s’exclame l’ange de Lyoko.

– Il est retenu prisonnier au Centre ! confirme Howard. Là où vous êtes venus cette nuit !


Jérémie plisse à nouveau les yeux :

– Comment vous savez tout cela ?

– Je travaille pour le Black Phenix ! avoue son interlocuteur. Il y a deux jours, Waldo a été capturé en essayant d’attaquer notre monde virtuel parce qu’il pensait que nous vous avions kidnappés, et cette nuit, il m’a demandé de venir le voir dans sa cellule...

– Et qu’est-ce qu’il vous a dit ? questionne la Japonaise car Howard semble s’interrompre.

– Eh bien... Zander Hopper, le maître du Black Phenix, convoite un artefact appelé « Xénoformeur », et Waldo m’a demandé d’aller récupérer ce précieux objet avant que Zander ne s’en empare...


Ulrich, Yumi, William et Sissi ne sont pas vraiment convaincus par cette histoire, mais leurs trois camarades à qui Waldo a fait part de l’existence du Xénoformeur savent de quoi il s’agit, en particulier Jérémie qui comprend enfin :

– Le médaillon ! s’exclame-t-il en se tournant vers Odd.

– Quoi « le médaillon » ? s’étonne le félin un peu perdu. Quel médaillon ?

– Celui que Franz t’a demandé de voler à Taelia ! C’était le Xénoformeur !

– Et on peut savoir à quoi sert ce fameux bidule ? renchérit Yumi agacée en devinant que son camarade à lunettes était encore au courant avant eux.

– D’après ce que Franz nous a raconté, relate Jérémie, il s’agirait d’une arme d’origine extraterrestre capable d’éradiquer toute vie à la surface de la planète, alors qu’elle tient dans le creux de la main...

– Mais Zander s’en servait surtout pour alimenter ses installations en énergie, précise Howard le plus sérieusement du monde malgré les mines perplexes de ses auditeurs. C’est grâce à cette source quasi illimitée que le Black Phenix a pu prendre une avance technologique aussi considérable sur le reste du monde en quelques décennies... Et si jamais Zander s’en empare à nouveau, il pourra reprendre le développement de son empire virtuel avant de l’étendre sur le monde réel... Plus rien ni personne ne pourra l’arrêter...

– Et Franz aurait caché cette arme ici ? demande Sissi en regardant autour d’elle.

– Pas exactement, répond Howard avant d’être devancé par Jérémie.

– Sur Lyoko... devine le blondinet perspicace.


Le vieux scientifique noir approuve d’un hochement de la tête :

– Waldo m’a indiqué un secteur intitulé « Banquise » où se trouverait une grotte derrière une cascade...


Face à l’holomap luisant au centre de la pièce, Aelita désigne aussitôt l’endroit correspondant :

– C’est là...

– Il faut impérativement qu’on aille chercher le Xénoformeur avant que Zander envoie ses troupes, affirme Howard.


Ulrich et William le relâchent tandis que Jérémie reprend sa place aux commandes de l’ordinateur :

– Descendez aux scanners, je vous envoie là-bas sur-le-champ.


Odd est toujours préoccupé par le sort de son amoureuse :

– Et Naxxya ? s’enquiert-il auprès de l’employé du Black Phenix. Qu’est-ce qu’ils vont lui faire ?


Howard hésite avant de lui répondre :

– Tu ferais mieux de l’oublier...


Le félin n’a même pas le temps de chercher à en savoir davantage :

– Odd ! Amène-toi ! l’appelle Ulrich pour qu’il les rejoigne dans le monte-charge.


Laissant Jérémie et Howard au laboratoire, les six combattants virtuels descendent à la salle des scanners et entrent tour à tour dans les trois colonnes lumineuses grâce auxquelles leur opérateur les virtualise, mais soudain, une alerte apparait sur son écran :

– « Intrusion exo-spatiale » dans le Territoire Forêt ??? lit-il effaré. Qu’est-ce que c’est que ce truc !?


À côté de lui, l’employé du Black Phenix a la réponse :

– Un portail virtuel... comprend-il en devinant qu’un passage entre le Next World et Lyoko vient d’être ouvert. Cela signifie que Carthage arrive...


Dernière édition par Nelbsia le Dim 18 Déc 2022 07:34; édité 5 fois
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Nelbsia MessagePosté le: Lun 17 Aoû 2020 20:00   Sujet du message: Répondre en citant  
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Épisode #118 : Dans les yeux de Carthage


Résumé de l’épisode précédent :


Pendant que leurs camarades dormaient, Jérémie a fait écouter à Aelita un étrange enregistrement audio découvert dans l’ordinateur de l’usine, contenant une conversation entre Franz et Anthéa au cours de laquelle ceux-ci ont mentionné Naxxya qui aurait en fait été créée dans un laboratoire du Black Phenix. Furieuse en apprenant que sa colocataire connaissait sa mère mais ne lui en avait jamais fait part, Aelita a aussitôt réveillé Naxxya pour qu’elle s’explique, et la géante a admis avoir été élevée par Anthéa dans les locaux de cette sombre organisation qui la retenait prisonnière, et que c’était sa « nourrice » elle-même qui lui avait demandé de ne jamais parler d’elle à Aelita, pour sa propre sécurité. Animée par une rage incontrôlable et ne semblant plus pouvoir être raisonnée, pas même par Jérémie, la jeune fille aux cheveux roses a ordonné à Naxxya de la conduire sur-le-champ au « Centre » pour y retrouver sa mère. Les trois adolescents se sont donc rendus en pleine nuit dans la base terrestre du Black Phenix où ils sont entrés sans difficulté, mais une fois à l’intérieur, des androïdes sont rapidement arrivés en grand nombre pour les capturer. Sans pouvoir repartir avec eux, Naxxya a semble-t-il aidé ses deux camarades à s’enfuir, mais ils seraient restés bloqués à la porte de l’enceinte extérieure si Aelita n’avait pas été submergée par les étranges pouvoirs qu’elle manifeste malgré elle, faisant griller tous les obstacles et les androïdes aux alentours. Restée au Centre, Naxxya a été conduite dans les profondeurs de ce bâtiment par l’individu qu’elle croyait avoir mortellement blessé l’année précédente : Derek Rourk, qui travaillait en fait pour le Black Phenix et qui a été chargé de la virtualiser dans le Next World pour qu’elle réintègre sa « véritable famille » composée d’une cinquantaine d’implacables combattantes virtuelles identiques à elle. De retour à l’usine au petit matin, Jérémie et Aelita ont expliqué la situation à leurs camarades, et en comprenant que Naxxya faisait partie du Black Phenix depuis le début et qu’elle livrerait donc tous les secrets des Lyoko-guerriers à ses véritables maîtres, nos héros ont estimé qu’ils ne pouvaient plus faire face au Black Phenix eux-mêmes et qu’il était temps d’alerter les autorités. C’est alors qu’un étrange individu est arrivé à l’usine : Howard Knight, le père de Samantha Knight, qui a déserté le Centre parce que Franz Hopper l’a envoyé récupérer le Xénoformeur caché sur Lyoko avant que Zander ne s’en empare, et la bande de Jérémie a donc accepté de l’aider dans cette mission. Mais à peine ont-ils posé le pied sur le territoire Banquise, qu’un portail généré depuis le Next World s’est ouvert dans le territoire Forêt, indiquant que les troupes virtuelles du Black Phenix arrivent...





En apparaissant sur Lyoko, Yumi, Ulrich, Aelita, Odd, William et Sissi sont surpris en découvrant l’entité virtuelle qui les attendait : une elfe dont l’apparence est quasiment identique à celle d’Aelita, hormis sa tenue d’un rose très pâle et sa courte chevelure blanche.


https://i.imgur.com/zCvYAVq.jpg


– Alors c’est toi « Xilune » ? demande le grand ténébreux en dévisageant cette créature qu’Odd avait décrite comme un petit nuage blanc et qui s’était temporairement réfugiée dans le corps de William avant qu’un passage par le scanner les sépare pour qu’elle retourne sur Lyoko.


Celle-ci hoche lentement la tête :

– Grâce à Jérémie, je possède désormais ma propre enveloppe corporelle.

– Et c’est aussi lui qui a décidé de te donner le même aspect qu’Aelita ? se méfie Yumi.

– Il n’en est rien, répond Xilune en agitant son visage de droite à gauche en signe de négation. Tout comme vos avatars virtuels, la forme humanoïde que j’arbore a été produite à partir de mon subconscient ; si je ressemble à Aelita, c’est sans doute parce que je l’ai attentivement observée durant plusieurs années.


L’intéressée hausse ses sourcils roses avec étonnement :

– Pourquoi tu m’observais ?

– Même si j’étais dans l’incapacité d’agir tant que Xana me retenait enfermée en bloquant mes pouvoirs, explique l’elfe aux cheveux blancs, ma mission a toujours été de veiller sur toi.

– Bel exemple de dévouement, commente Ulrich. Dommage que le programme qui était chargé de protéger Lyoko n’ait pas fait preuve d’une telle loyauté...


Mettant fin à leur discussion, Jérémie leur annonce une mauvaise nouvelle :

– Les gars, un portail vient d’être ouvert dans le Territoire Forêt, probablement depuis le Next World ! déclare-t-il en faisant apparaître leurs véhicules.

– Un portail ? s’inquiète Yumi qui prend les commandes de l’Overwing.

– Comment c’est possible ? renchérit Aelita en montant avec elle.

– Carthage a le pouvoir de générer des passages entre les mondes virtuels... leur explique Howard.

– Nos ennemis arrivent... conclut gravement William en invoquant sa Blackmanta sur laquelle il grimpe avec Sissi qui tâche de contenir son angoisse.

– Alors dépêchons-nous d’aller récupérer le Xénoformeur avant eux ! termine Ulrich en enfourchant l’Overbike.


Odd avance son Overboard devant Xilune :

– Monte avec moi !

– Heu... D’accord... conclut-elle avec une certaine appréhension car elle a parfois vu Aelita se mettre à crier lorsqu’elle accompagnait le félin sur son véhicule, sans vraiment comprendre en quoi consistait la perception de ces « sensations fortes ».


Les sept aventuriers s’élancent donc à toute vitesse sur les étendues enneigées du territoire Banquise, tandis que leur opérateur parvient enfin à détecter et à identifier la personne qui vient d’emprunter la tour de passage en provenance du territoire Forêt :

– Heidi Klinger !? découvre-t-il abasourdi.

– Quoi « Heidi Klinger » ? interroge Sissi.

– C’est elle qui vient d’arriver par le portail ouvert entre le Next World et Lyoko ! explique Jérémie perplexe en analysant les données de l’intruse.

– Hein ?? s’étonne Odd en écarquillant les yeux.


Howard est également perplexe car il s’attendait plutôt à ce que Zander leur envoie Carthage :

– Qui est cette personne ? demande-t-il au jeune informaticien à côté de lui.

– Une élève de notre lycée, mais elle n’a jamais été sur Lyoko à ma connaissance... répond Jérémie déconcerté.

– Et il n’y a personne d’autre avec elle ? s’enquiert Ulrich.

– Non, a priori elle est seule... confirme l’opérateur en vérifiant l’écran radar.

– Ça sent le piège à plein nez... se méfie William.


Yumi se demande néanmoins pourquoi une de leurs camarades d’école serait aux mains du Black Phenix :

– Et si ce qu’on redoutait était arrivé ? lance-t-elle à Jérémie sur un ton angoissé. Si le Black Phenix avait reçu le message du satellite comme Franz le craignait, et qu’ils avaient ensuite décidé de capturer Hiroki et les autres ?

– Heidi ne faisait pas partie des survivants du futur alternatif mentionnés dans ce message, rétorque son ami à lunettes, donc il n’y a aucun lien entre elle et eux.


Mais Sissi s’inquiète à son tour car pour une fois, elle sait quelque chose que Jérémie lui-même ignorait :

– Heu... En fait, après la fête de fin d’année, Heidi et Hervé ont secrètement continué de sortir ensemble... Donc peut-être qu’elle a été capturée avec lui...?


Le blondinet devant l’ordinateur se tourne aussitôt vers Howard pour l’interroger :

– Savez-vous si d’autres lycéens ou collégiens ont été kidnappés par le Black Phenix récemment ?


Le vieux scientifique noir consent à le renseigner à voix basse :

– Sur ordre de Zander, nos androïdes ont procédé aux enlèvements d’une dizaine de personnes depuis hier... Des adolescents, pour la plupart...


Yumi l’a entendu, et son sang ne fait qu’un tour.

Sans dire un mot, elle déporte brusquement son Overwing afin de l’orienter dans la direction de la tour de passage, et ses camarades décident aussitôt de se joindre à elle pour foncer à la rencontre d’Heidi.

– Attendez ! les supplie Howard qui a bien vu le changement de cap de toute leur équipe. Il faut que l’un d’entre vous aille chercher le Xénoformeur pendant qu’il en est encore temps !

– Je me contrefiche de votre satané Xénoformeur ! réplique sèchement la Japonaise. Si mon frère a été enlevé, je vais emprunter le portail vers le Next World pour aller le délivrer immédiatement !

– Très bonne idée ! approuve Odd qui se réjouit à l’idée de se rendre dans l’autre monde virtuel car il compte bien y retrouver Naxxya. Une fois là-bas, on libère tous nos amis, on défonce les méchants, on bousille leur supercalculateur et après on rentre chez nous juste à temps pour manger !

– Vous n’avez aucune chance ! insiste le scientifique qui s’évertue à les raisonner. Le Next World est bien défendu, et Carthage peut à elle seule vous neutraliser sans difficulté !

– C’est ce qu’on va voir... réplique William prêt à en découdre.


Les alliés de Yumi sont prêts à l’accompagner dans le repaire de Zander Hopper sans délai, tout comme Xilune suivra Aelita jusqu’en enfer s’il le faut, alors Jérémie programme une virtualisation différée :

– Navré Howard, mais si vous tenez vraiment à récupérer votre Xénoformeur, je crois que vous devrez y aller vous-même...

– Bon sang... grommelle Howard en se résignant à se rendre sur Lyoko.


Et pendant que le vieil homme moustachu descend à la salle des scanners, les Lyoko-guerriers tonbent nez à nez avec Heidi au détour d’un iceberg, la faisant sursauter tandis qu’ils lui barrent la route en alignant leurs quatre véhicules devant elle :

– Mains en l’air ! la braque Odd en la menaçant avec son poing tendu vers elle, prêt à décocher une fléche-laser.


Xilune retient doucement le bras du félin afin d’éviter qu’Heidi ne soit malencontreusement abattue pendant que leurs coéquipiers la pressent de questions :

– Comment es-tu arrivée ici ? l’interroge Ulrich pour qu’elle leur révèle l’emplacement du portail menant au Next World.

– C’est le Black Phenix qui t’envoie ? ajoute Sissi.

– Qui d’autre a été capturé !? s’impose Yumi.


La blondinette apeurée les regarde avec méfiance... Au premier abord, elle croyait avoir affaire à des spectres, mais les individus en face d’elle sont manifestement beaucoup plus loquaces que les répliques générées par Franz Hopper durant l’entrainement qu’elle a suivi sur Lyoko quelques jours auparavant. Ses interlocuteurs ignorent cependant qu’à cet instant, Heidi écoute les ordres de Zander, et celui-ci vient notamment de lui interdire de répondre à leurs questions :

– Laissez-moi passer, leur demande-t-elle craintivement. Je dois aller chercher quelque chose qui ne vous concerne pas...

– Ça on le sait déjà, reprend Ulrich en avançant son Overbike devant elle pour la menacer du bout de sa lame. Dis-nous plutôt comment aller dans le Next World...

– Est-ce que tu as vu mon frère !? renchérit Yumi à bout de patience.


C’est alors qu’un nouveau portail s’ouvre progressivement derrière les Lyoko-guerriers qui font volte-face, et de ce deuxième cercle d’énergie surgissent un par un Hiroki, Johnny, Milly, Tamiya, Taelia, Nicolas et Hervé.


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– Hiroki !? s’exclame sa sœur.


En effet, malgré le mensonge de Franz consistant à faire croire à Zander qu’il fallait d’abord avoir été virtualisé via les scanners de Lyoko pour pouvoir se rendre dans ce monde sans être détruit à son arrivée, le maître du Next World a estimé que la virtualisation qu’Hervé et son équipe ont opérée dans le futur alternatif est suffisante pour qu’il prenne le risque de les envoyer un par un sur Lyoko via le nouveau portail ouvert près de la position d’Heidi par Carthage... sans même se douter qu’Hervé avait toujours supervisé son équipe depuis l’ordinateur de l’usine et ne s’était donc jamais virtualisé lui-même, sa présence sur Lyoko suffisant alors à démontrer que Franz a menti...


Aelita prend les commandes de l’Overwing tandis que Yumi saute du véhicule pour s’avancer face à son frère, mais ce dernier la maintient à distance en brandissant sa tri-lame :

– L’homme qui nous a capturés ne nous relâchera que si nous lui rapportons l’objet que nous sommes venus récupérer... déclare le petit Japonais sur un ton résolu derrière le masque noir qui couvre son nez et sa bouche. Ne vous mettez pas en travers de notre chemin...

– Tu ne manques pas d’aplomb pour un microbe... s’amuse William qui connait le caractère bien trempé du jeune frère de Yumi.

– J’ai une super idée ! s’exclame Odd en observant le passage énergétique ouvert derrière les nouveaux arrivants. Allez chercher votre bidule si ça vous chante, et pendant ce temps-là, nous autres, on prend le portail pour aller botter les fesses du guignol qui vous fait du chantage !


Malgré leurs regards déterminés, les combattants venus du Next World finissent par s’écarter de la porte reliant les deux mondes, comme s’ils venaient d’en recevoir l’ordre de la part de Zander...

– N’y allez pas ! s’écrie soudain Jérémie alors que le félin s’apprêtait à s’y engouffrer. Notre ennemi veut Aelita ! S’il vous laisse venir à lui, c’est qu’il est sûr de pouvoir la capturer !

– Elle n’a qu’à rester ici ! s’entête Odd. Moi, je vais chercher Naxxya !


Mais soudain, les camarades de Nicolas échangent des regards inquiets juste avant que celui-ci lance le large crochet de sa canne-grappin pour accrocher Aelita et la tirer vers lui.

– Aaaaah !? panique la jeune fille aux cheveux roses.


Ulrich tranche aussitôt le câble par lequel son amie était tractée malgré elle tandis que Xilune la soulève par les bras pour emmener Aelita dans les airs grâce aux ailes blanches qu’elle vient de déployer.

– Mais à quoi vous jouez !? s’écrie Sissi épouvantée par le geste de Nicolas.


Ses alliés se mettent aussitôt en garde, car ils ont très bien compris : leurs adversaires ont désormais pour consigne de ramener Aelita auprès de son grand-père...

– Pas touche à Aelita ! rugit Odd en les menaçant de ses deux poings prêts à tirer tout en reculant auprès de ses compères.


Hervé leur fait part des dernières directives de Zander :

– « Il » accepte de tous nous laisser partir à condition que Taelia et Aelita restent avec lui. Ce n’est pas négociable.

– Pourquoi vous écoutez ses ordres !? s’indigne Sissi.

– On ne vous laissera pas l’emmener, conclut catégoriquement Ulrich prêt à défendre son amie quoi qu’il arrive.



Le crochet de Nicolas réapparait au bout de sa canne.

Taelia demeure aussi impassible que ses frères d’armes, comme si elle avait déjà accepté son sort.

Yumi et Hiroki restent figés face à face, et en dévisageant son petit frère, la Japonaise comprend que quelque chose a changé dans son regard...

– Désolée... murmure Milly en déclenchant son pouvoir de métamorphose. Mais on n’a pas vraiment le choix...


La petite rousse copie alors l’avatar de Taelia, et toutes deux déploient leurs ailes pour prendre leur envol afin de pourchasser Aelita que Xilune tenait à éloigner du champ de bataille.

– Pas si vite ! clame William en chargeant une salve d’énergie dans sa large lame en vue d’abattre ses deux cibles volantes, mais soudain, le sol se met à trembler puis s’ouvre sous ses pieds. Hé !?


En effet, Johnny vient de poser une main à terre pour générer une longue crevasse dans la banquise, faisant chuter le grand ténébreux et ses coéquipiers à proximité : Zander vient d’ordonner à ses troupes de dévirtualiser les amis d’Aelita pour pouvoir capturer celle-ci.

Tandis qu’Ulrich, William et Sissi dégringolent au fond de la fosse ouverte dans le sol, Odd se rattrape au bord de grâce à ses griffes et délivre immédiatement une rafale de projectiles pointus en direction de Johnny :

– Flèches-laser !!


Le collégien reçoit les tirs en pleine face, et cette série d’impacts au visage le déstabilise en le repoussant en arrière, mais il n’est pas dévirtualisé pour autant : les bulles d’énergie octroyées par Tamiya ont absorbé la quasi-totalité des dégâts infligés par les flèches du félin qui doit aussitôt bondir sur le côté car son adversaire riposte à présent avec un puissant rayon oculaire.

Surprise par l’intensité lumineuse de l’attaque ardente générée par Johnny, Yumi détourne une seconde son regard de celui de son frère qui en profite aussitôt pour fondre sur elle avec sa tri-lame, mais son arme se heurte aux sabres d’Ulrich qui vient de remonter de la crevasse en Supersprint.

– Arrêtez !! proteste la Japonaise sans pouvoir empêcher son frère et son amoureux d’échanger des coups de lames.


Couvert par Odd qui canarde leurs adversaires, Ulrich semble prendre l’avantage sur Hiroki, mais la plupart des dégâts subis par ce dernier sont systématiquement amortis par les bulles absorbantes que lui confère Tamiya, tandis qu’Heidi se charge de remonter les points de vie perdus par ses coéquipiers en leur adressant des étoiles filantes.

Nicolas parvient à accrocher la jambe du félin bondissant pour le jeter brutalement à terre, mais Odd reçoit aussitôt les soins de Sissi qui s’élève de la crevasse grâce à son pouvoir Ascension, et alors que l’acolyte d’Hervé fait tournoyer son large hameçon qu’il compte bien projeter sur la Lyoko-guérisseuse, William surgit à son tour de la fosse en Supersmoke pour se jeter sur Nicolas qui se protège avec sa canne avant de riposter à grands coups de crochet.

– Ne les dévirtualisez pas !! s’exclame soudain Jérémie qui était en train d’analyser les pouvoirs de ses adversaires. Ils sont encore liés au Next World !! Si vous les abattez, ils ne réapparaîtront pas à l’usine mais dans les scanners du Centre !!


Ulrich retient immédiatement ses coups car Yumi ne lui pardonnerait jamais d’avoir renvoyé Hiroki entre les griffes du Black Phenix :

– Et qu’est-ce qu’on fait alors ? demande le samouraï en prenant de la distance.

– Essayez de gagner du temps ! recommande son opérateur. Je cherche un moyen d’altérer leur processus de rematérialisation !

– Reculez !! ordonne Yumi à ses alliés en faisant signe à Odd de cesser le feu.


Un peu plus loin, Taelia et Milly s’acharnent à essayer d’attraper Aelita qui virevolte avec ses ailes pour leur échapper tandis que Xilune s’interpose chaque fois qu’elles sont sur le point de parvenir à leurs fins.

– Mais t’es qui toi à la fin !? s’énerve la petite rousse sous les traits de sa coéquipière aux cheveux rose foncé.


L’entité virtuelle ne répond pas, se contentant de gêner les deux assaillantes d’Aelita en les tirant par la cheville ou en feignant de leur foncer dessus.

– On n’a besoin que d’Aelita, rappelle alors Taelia en chargeant des Champs de force dans ses mains.


Milly en fait autant, puis elles délivrent simultanément leurs sphères énergétiques en direction de l’elfe aux cheveux blancs qui s’applique à les éviter sans perdre Aelita des yeux, mais Taelia charge soudain ses projectiles roses en direction de sa sœur jumelle, surprenant Xilune qui fonce aussitôt vers elle sans voir que Milly lui tire à nouveau dessus.

– Non !! panique Aelita en voyant son ange gardien encaisser les boules d’énergie à sa place.

– Finissons-en !! reprend la collégienne prête à achever l’elfe qui leur barrait la route.


Mais Aelita attrape alors Xilune par le poignet pour la tirer vers elle afin de la couvrir, s’exposant elle-même délibérément aux attaques que ses assaillantes sont obligées de retenir car Zander leur a formellement interdit de dévirtualiser Aelita :

– Hé !? Ça va ?? s’inquiète celle-ci en voyant que sa camarade est hébétée.

– ...C’est... C’est étrange comme sensation... répond la créature virtuelle qui n’est pas habituée à subir des attaques directes car son enveloppe corporelle est toute neuve.

– Aelita ? Xilune ? Vous m’entendez ?? les appelle soudain Jérémie.

– Heu... Oui... répond son amoureuse tandis que sa coéquipière et elle se remettent en garde face aux deux autres anges qui s’approchent d’elles.

– Je crois que j’ai trouvé comment régler notre problème : il faut que Xilune modifie le « routage » de rematérialisation de nos adversaires dès qu’on les dévirtualise, de sorte qu’ils réapparaissent dans les scanners de l’usine !

– Tu peux faire ça ?? s’étonne Aelita.

– Ben... Je l’avais déjà fait dans l’autre sens pour amener Odd dans la « prison secrète » où Xana m’avait enfermée, répond Xilune qui avait effectivement réussi à changer les coordonnées d’arrivée du félin pendant sa virtualisation, mais pour une rematérialisation c’est plus délicat... Si jamais ça se passe mal, ils risquent de ne pas réapparaître du tout...


Jérémie sait qu’elle a raison : cette capacité doit être déclenchée pendant le processus de virtualisation ou de rematérialisation, ce qui ne laisse qu’un très court laps de temps pour parvenir à obtenir la destination souhaitée, une prouesse très difficile à réaliser en plein combat, face à des adversaires qui se défendent comme des lions...

– Et si on les immobilise un par un, insiste Jérémie, tu penses pouvoir rectifier leur chemin correctement ?

– Eh bien... Je pense que oui... confirme son interlocutrice sans en être totalement certaine.

– Dans ce cas, retourne avec les autres... lui ordonne Aelita sans quitter des yeux Taelia et Milly qui se demandent ce qu’elle prépare mais qui sont néanmoins ravies que leur proie se retrouve seule face à elles.

– Hein !? panique Xilune. Non, je dois veiller sur toi...

– Je peux me débrouiller, lui assure sa camarade. Mais je ne peux pas maîtriser mes adversaires, contrairement à Ulrich et William, alors dépêche-toi d’aller les aider à dévirtualiser leurs opposants les uns après les autres...

– Mais...

– FAIS-LE !! termine l’ange aux cheveux roses en s’élevant brusquement dans les airs, poursuivie par les deux combattantes ailées chargées de la capturer.


Xilune se résigne alors à lui obéir, s’éloignant d’elle à contrecœur pour foncer rejoindre le reste de leur équipe que Jérémie s’empresse de prévenir :

– Les gars ! Il faut que vous attrapiez vos adversaires un par un pour que Xilune les dévirtualise de façon à ce qu’ils réapparaissent à l’usine !

– Ah oui !? se réjouit Odd en se retournant face à Heidi qui en avait après lui. Dommage que Naxxya ne soit pas là, elle les aurait plaqués au sol en deux secondes !


En voyant la créature aux ailes blanches arriver vers eux, Ulrich laisse ses coéquipiers maintenir Nicolas et Hiroki à distance et se jette sur Johnny pour lui tordre les bras dans le dos.

En effet, malgré ses puissants pouvoirs, le collégien au regard ardent n’est pas très doué en combat rapproché, et le samouraï peut donc l’immobiliser sans difficulté pour le présenter à Xilune :

– Vas-y !! l’encourage-t-il tandis qu’elle atterrit devant lui en s’avançant avec une démarche incertaine. Je le tiens, fais ce que tu as à faire !!

– Non !! panique Tamiya qui ne peut pas intervenir car Yumi se jette à présent sur elle.

– Allez !! presse Ulrich car Johnny se débat comme un beau diable.


Xilune approche alors sa main tremblante de la tête du jeune garçon dont les yeux sont entourés par un masque orangé, puis elle délivre des éclairs blancs qui viennent rapidement à bout des bulles absorbantes dont il bénéficiait, jusqu’à le vider de ses points de vie.

Mais alors que l’elfe aux cheveux blancs s’efforce de ramener Johnny à bon port, la petite combattante noire maîtrisée par Yumi parvient à tirer une bulle paralysante qui atteint Xilune, et celle-ci est pétrifiée sur le coup...

– Oh non !! s’étrangle Ulrich avec effroi tandis que les derniers fragments lumineux du petit Lyoko-guerrier dévirtualisé s’évaporent entre ses mains. Tamiya !? Qu’est-ce que tu as fait !?


Tous les combattants présents frissonnent en comprenant que Johnny est perdu pour de bon, mais Hervé est alors envahi par un instinct enfoui en lui qui le pousse à tendre subitement sa main vers l’endroit où se trouvait son coéquipier disparu, comme pour le « rattraper » en l’arrachant au néant...

Et soudain, entre Ulrich catastrophé et Xilune paralysée, le collégien au regard ardent se reforme grâce au pouvoir spécial qu’Hervé possède sur Lyoko : le « Sursaut Temporel », permettant de faire reculer le temps de quelques secondes pour ramener à la vie un allié qui vient tout juste d’être dévirtualisé...

Johnny ouvre les yeux, et après un bref moment d’hésitation, il s’accroupit pour poser sa main au sol, déclenchant l’ouverture d’une nouvelle crevasse dans laquelle tombent ses adversaires, mitraillés par leurs assaillants qui semblent désormais enragés après ce qui a failli arriver à l’un des leurs...

Tandis que Sissi s’efforce de remonter les points de vie de son équipe mal en point, Jérémie finit par se résoudre à se rendre lui-même sur Lyoko pour leur prêter main forte avec son propre pouvoir spécial, car ils ont déjà perdu trop de temps, et les androïdes du Black Phenix risquent d’arriver à l’usine d’une minute à l’autre...

Mais alors qu’il avait pris la précaution d’apparaître derrière un monticule de glace un peu à l’écart afin d’éviter que ses ennemis ne le voient arriver, Jérémie a à peine le temps de toucher le sol, qu’un violent coup de poing en pleine face l’envoie dans les cordes.

Le jeune garçon sonné ne comprend pas ce qui lui arrive : le coup qu’il vient de recevoir n’était pas très puissant, d’ailleurs ses points de vie n’ont presque pas diminué, pourtant la douleur est intense...

En se redressant péniblement, il découvre son agresseur qui se penche sur lui :

– Hervé...??


Ce dernier charge dans son poing une sombre énergie verdâtre :

– Je savais que tu finirais par venir... triomphe l’agresseur qui restait à l’écart des combats pour prendre connaissance discrètement de ses propres capacités en guettant l’arrivée prévisible de Jérémie. Et je savais que tu te planquerais comme un rat...


Hervé frappe à nouveau son rival au sol, lui arrachant un cri de douleur car le halo verdoyant qui entoure son poing le rend capable d’infliger une véritable souffrance virtuelle :

– Une année en enfer.... par ta faute !!! poursuit le bourreau furieux en tabassant rageusement sa victime impuissante, coup après coup.


Jérémie comprend alors : Hervé et ses camarades se souviennent de tout. Tout ce qu’ils ont traversé pendant plus de trois-cents jours, enfermés dans l’usine où ils s’étaient réfugiés lorsque Xana avait envahi la Terre, luttant inlassablement dans l’espoir d’annuler ce futur apocalyptique causé par l’échec de Jérémie et son équipe qu’ils tiennent pour responsables du cauchemar qu’ils ont vécu... C’est pour cela qu’ils semblent maîtriser aussi bien leurs pouvoirs : ils étaient déjà habitués à affronter des monstres sous la menace d’une mort immédiate si jamais leurs points de vie tombaient à zéro... Et c’est pour cela qu’autour de la crevasse ouverte par Johnny, les survivants du futur alternatif déversent leur rancœur et leurs projectiles dévastateurs contre leurs prédécesseurs à cause de qui tout est arrivé...

– ...Et tout ça pour quoi ?? reprend Hervé en rechargeant son poing de souffrance. Pour ton propre orgueil je parie !? Tu t’es cru assez malin... pour affronter XANA !?


Face à ses torts, le jeune garçon mal en point peine à articuler une justification maladroite mais sincère :

– ...Je... Je voulais juste... sauver... Aelita...


Son tortionnaire retient subitement son poing entouré d’énergie verdâtre...

Jérémie se serait donc rendu responsable de toutes ces catastrophes juste pour préserver la fille dont il est tombé éperdument amoureux ?

Hervé aurait trouvé cette justification affreusement ridicule et futile, s’il n’avait pas lui-même récemment développé une tendre passion pour Heidi, et connu l’atroce déchirement de la perdre le jour où Xana l’a assassinée sous ses yeux...

– Je suis désolé... s’excuse tristement le blondinet étendu sur le sol, conscient de ses lourdes responsabilités et de ses propres faiblesses. Je croyais pouvoir... sauver tout le monde... quoi qu’il arrive... Mais si vous n’aviez pas été là... si tu ne m’avais pas fait parvenir cet avertissement... tout aurait été perdu... à cause de moi...


L’informaticien en combinaison noire tremble de rage...

Il en veut toujours à son rival pour ce qu’il a fait, pour toutes les décisions qu’il a prises et pour toutes les conséquences qu’ils ont dû endurer par sa faute... Mais malgré tout, Jérémie a manifestement tenu compte des mises en garde qu’Hervé lui avait transmises pour parvenir à annuler le désastre dans lequel il allait les plonger... Et aujourd’hui, Heidi est vivante...

– Si tu penses vraiment pouvoir nous ramener à l’usine, murmure Hervé entre ses dents, comment tu comptes empêcher l’organisation de nous retrouver ensuite ?...


Soudain, Jérémie voit dans le ciel au-dessus d’eux un éclair rose qui leur fonce dessus :

– Aelita !! Non !! Arrête !!


La Lyoko-guerrière ailée s’immobilise juste à temps pour éviter de percuter Hervé surpris par son arrivée :

– Lâche-le tout de suite !! exige-t-elle furieusement en générant des Champs de force dans ses mains.


L’intéressé se relève aussitôt pour lui faire face :

– Stop !! clame-t-il fermement en faisant signe de renoncer.


La jeune fille se méfie en le voyant s’approcher d’elle, mais il la dépasse car sa requête ne lui était pas destinée : Taelia et Milly arrivaient derrière Aelita à toute allure, et leur proie était si préoccupée par le sort de Jérémie qu’elle se serait fait avoir si Hervé n’avait pas dissuadé ses coéquipières d’attraper leur cible.

– Qu’est-ce qui te prend ? interroge Taelia perplexe en voyant que son opérateur est intervenu en faveur d’Aelita.

– Vous n’entendez rien ? demande celui-ci.

– De quoi tu parles ? s’étonne Milly en retrouvant sa forme initiale pour tendre l’oreille.

– Les voix ont cessé ! leur explique Hervé car les ordres de Zander ne leur parviennent plus depuis un moment. Les gens qui nous ont enlevés ont perdu le contact avec nous !


Ses deux alliées se dévisagent et constatent qu’il a raison : le maître du Black Phenix ne semble plus pouvoir s’adresser à eux, car en secret, Franz Hopper a coupé la liaison audio entre le Next World et les combattants envoyés sur Lyoko.

– Qu’est-ce qu’on fait alors ? s’inquiète Taelia.

– On va vous revirtualiser à l’usine ! répond Jérémie en se relevant pour aller dire à leurs camarades de cesser le combat afin que Xilune puisse sereinement faire réapparaître chacun d’entre eux dans les scanners du bâtiment désaffecté.

– Il faut faire vite ! renchérit Hervé. On a révélé l’emplacement de l’usine à nos ravisseurs, donc ils ne vont pas tarder à investir les lieux !


Ils ignorent cependant que si Franz Hopper a pu discrètement rompre le contact audio entre le Next World et eux, c’est parce qu’Howard a été repéré sur Lyoko par les ordinateurs de Zander, et ce dernier a donc compris que son « fidèle » subalterne l’a trahi pour aller récupérer le Xénoformeur...

En effet, non loin des Lyoko-guerriers qui s’efforcent de mettre fin aux hostilités, le vieux scientifique noir vêtu ici d’une épaisse tunique mauve ornée de larges bordures ocres atteint enfin la cascade que Franz lui avait indiquée.

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Dans la caverne dissimulée derrière la chute d’eau numérique, Howard retrouve le précieux médaillon brillant de mille feux, suspendu dans l’air et entouré d’une intense aura énergétique presque palpable.

Contemplant un bref instant ce puissant artefact qui l’a hanté depuis si longtemps et devant lequel il s’agenouille à nouveau, le vieil homme pose ses mains sur le sol qui se soulève progressivement à mesure que se forme un massif golem de glace généré par le scientifique virtualisé.

Le monstre se redresse dans la caverne puis se penche au-dessus de l’eau pour permettre à son créateur perché sur son épaule de saisir le Xénoformeur flottant devant lui :

– Ainsi, tu me reviens... commente le scientifique qui doute de parvenir un jour à se débarrasser de ce terrible objet.


Tout en redescendant du dos de son golem, Howard referme ses deux mains sur le précieux médaillon virtualisé afin de l’absorber, avant de demander à sa volumineuse créature d’aplatir sa personne :

– Écrase-moi, lui ordonne-t-il dans l’intention d’être rematérialisé à l’usine avec le Xénoformeur dont il vient de s’emparer.


Mais alors que le monstre de glace s’apprêtait à obéir à son maître, un nouveau portail s’ouvre dans la caverne, et une rafale de longs cristaux pointus s’en échappe subitement pour abattre le golem avant qu’il puisse dévirtualiser Howard...

– Oh non !! panique le déserteur du Black Phenix en comprenant qu’il vient d’être localisé par son ancien employeur et que Carthage est désormais après lui...


Une seconde salve de cristaux issus du cercle d’énergie s’abat rapidement devant la sortie de la grotte pour empêcher l’homme qui s’y trouve de s’enfuir par la cascade, mais ce dernier ne possède pas seulement le pouvoir de générer un golem : Howard plaque ses mains contre la paroi gelée de la caverne, et après une seconde qui lui parait infiniment plus longue car il ressent la présence de ses ennemis derrière lui, son avatar traverse le décor pour se retrouver à l’extérieur de la cavité.

– Vite !! s’alarme-t-il en s’enfuyant à toutes jambes, emportant avec lui le Xénoformeur qu’il vient d’absorber dans le but d’être dévirtualisé avec celui-ci.


Les Lyoko-guerriers, quant à eux, sont encore divisés : Jérémie et Hervé s’évertuent à ramener à la raison leurs coéquipiers respectifs, mais certains d’entre eux sont têtus.

– Je baisserai mon bras quand il lâchera sa canne ! s’exclame le félin qui continue de viser Nicolas avec son poing car il n’a pas apprécié que celui-ci tente de leur donner des coups de crochet lorsqu’ils étaient au fond de la crevasse ouverte par Johnny.

– Dans tes rêves ! réplique fermement le combattant en combinaison de pêcheur qui n’a pas l’intention de céder aux menaces d’Odd.

– Ça suffit !! les réprimande Hervé. C’est pas le moment de se chamailler, il faut vite qu’on...

– Johnny a failli mourir à cause d’eux !! les coupe Tamiya furieuse car elle a bien cru qu’Ulrich et Xilune avaient attrapé son camarade dans le but de l’assassiner.

– Mais pas du tout !! s’époumone Ulrich. On essayait de le revirtualiser à l’usine !! C’est toi qui as failli causer sa perte en paralysant Xilune pendant qu’elle s’efforçait d’altérer sa destination de réapparition !!

– Vous êtes complètement malades... commente Heidi qui n’en revient pas que Jérémie et ses amis osent entreprendre des manipulations virtuelles aussi risquées. Maintenant je comprends mieux comment un simple virus informatique a failli envahir la Terre...

– Ne parle pas de ce que tu ne connais pas ! rétorque Yumi qui a lutté contre Xana pendant de nombreuses années.

– Évidemment qu’Heidi n’a pas eu le temps de connaître Xana... lui répond ironiquement Hiroki avant d’exploser de rage car il ne supporte pas que sa grande sœur continue de les prendre de haut. ...parce que XANA L’AVAIT TUÉE !!! COMME IL A MASSACRÉ DES CENTAINES D’INNOCENTS PAR VOTRE FAUTE !!!


Les hurlements du petit Japonais hors de lui imposent le silence.

Contrairement à Jérémie qui a visionné le DVD que lui avait envoyé Hervé du futur pour le prévenir de ce qui allait arriver, ses amis n’ont pas vraiment conscience de tout le mal que la victoire de Xana avait engendré avant qu’ils ne parviennent à l’annuler...

Mais le ressentiment dans la voix d’Hiroki et dans les reproches qu’il vient de leur faire les met face à l’ampleur des graves conséquences de leurs actes : tous les risques qu’ils ont pris ont eu un prix... Un prix terrible que le reste du monde a payé...

Connaissant mieux que quiconque toute la souffrance qu’ils ont endurée dans le futur alternatif apocalyptique, Hervé s’avance néanmoins pour reprendre la parole sur un ton plus calme :

– Ce n’est pas le moment de se disputer, répète-t-il car il sait que le temps presse. Il faut qu’on se rematérialise tous à l’usine au plus vite...

– Pourquoi tu continues de les défendre !? s’énerve Hiroki. On n’a qu’à livrer Aelita à son grand-père et il nous laissera tranquille !! Si c’est à cause d’elle qu’on se retrouve dans toutes ces galères depuis le début, on peut bien la sacrifier pour en finir !!


Yumi s’apprête à rétorquer avec virulence qu’il est hors de question de livrer Aelita à qui que ce soit, mais Hervé lui fait signe de le laisser s’adresser à son petit frère :

– Et Taelia alors ? Elle aussi tu es prêt à la livrer à ce fou furieux qui nous a kidnappés ?

– Hé ! Regardez ! les alerte soudain William en remarquant une étrange émanation énergétique dans le ciel au-dessus de la plaine gelée où ils se trouvent.


Les adolescents se tournent dans la direction indiquée et distinguent un nouveau portail qui s’ouvre à l’horizontale comme pour observer le champ de bataille en dessous, tandis que dans la plaine, un individu vêtu d’une tunique mauve accourt dans leur direction :

– À moi !! s’écrie le vieil homme à la peau noire qui fonce vers les Lyoko-guerriers.

– C’est qui ce type ? se méfie Nicolas en se mettant en garde.

– Howard !? s’étonne Odd en identifiant le père de Samantha. Mais qu’est-ce qu’il fait là !?


En voyant qu’il revient de la cascade derrière laquelle était caché le médaillon dérobé à Taelia, et en constatant qu’il semble poursuivi par les portails ouverts depuis le Next World, Jérémie comprend qu’Howard a récupéré ce qu’il était venu chercher :

– Il a le Xénoformeur ! Il faut qu’on le dévirtualise ! Vite !!


Le félin tire aussitôt des flèches-laser pour abattre le scientifique, mais avant que ses projectiles atteignent leur cible, de larges remparts cristallins se déploient entre Howard et les Lyoko-guerriers pour bloquer leurs tirs.

– Oh non... s’alarme Heidi en reconnaissant les vitraux générés par la mystérieuse femme aux terribles pouvoirs qui avait terrassé son équipe dans le Next World.


Yumi envoie ses deux éventails pour contourner la barrière dressée devant Howard, mais des obstacles identiques apparaissent aussitôt devant ses armes volantes qui échouent à leur tour.

– Trop tard... réalise Jérémie épouvanté en contemplant le vaste barrage de cristal qui les empêche de dévirtualiser le détenteur du Xénoformeur dont leurs ennemis vont pouvoir s’emparer.


Mais Hiroki lance alors sa tri-lame de toutes ses forces, et celle-ci tournoie avec une trajectoire si chaotique qu’elle parvient à ricocher entre les multiples façades transparentes pour aller transpercer Howard en plein torse :

– Aaaargh... gémit le vieil homme en tombant à genoux, soulagé d’être enfin dévirtualisé.


Mais alors que les pixels de son avatar se désagrègent, du portail ouvert dans les airs surgit une main tendue vers lui, et le vieil homme sent soudain sa propre structure se stabiliser à nouveau à mesure qu’un cristal enveloppe son corps pour l’empêcher de disparaître...

– N... Non... proteste-t-il sans pouvoir empêcher la formation d’une coque solide tout autour de lui destinée à le maintenir paralysé et surtout virtualisé.


Les Lyoko-guerriers sont désemparés, et en relevant les yeux vers le cercle énergétique qui surplombe la banquise, ils voient émerger lentement une femme pourvue d’un impressionnant avatar bleu nuit entouré de sombres filaments et de longs cristaux tentaculaires qui flottent à ses côtés...

– Carthage... devine Jérémie tétanisé face à la personne décrite par Franz Hopper.


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Le haut de son visage caché par une obscure visière sur laquelle luit le symbole du Black Phenix, la mystérieuse dame au teint livide s’adresse à son maître d’une voix monocorde :

– Waldo a menti, déclare-t-elle en constatant que son avatar n’est pas endommagé par son arrivée sur Lyoko, contrairement à ce que Franz Hopper avait prétendu. Il n’y a aucun système de synchronisation. Il essayait juste de gagner du temps.


Voyant que les murs transparents se dissipent un à un car leur créatrice a fini par emprisonner Howard directement dans un cristal, Jérémie fonce vers ce dernier, surprenant ses propres coéquipiers :

– Mais il est fou !? s’exclame Hervé.

– Jérémie !? Qu’est-ce que tu fais !? panique Yumi.


Leur ennemie s’apprête à lui lancer des pointes de cristal, mais elle retient son geste car Zander vient de lui interdire de laisser quiconque s’échapper de ce monde...

– Howard ! crie Jérémie en arrivant auprès de lui. Tenez bon !!


Le jeune garçon déclenche alors son Supprayon pour tenter de libérer le scientifique moustachu du cristal qui le paralyse, mais en vain :

– C’est inutile... déclare tristement le vieil homme noir.


Voyant que son attaque d’énergie n’est effectivement pas assez puissante pour percer le cristal, Jérémie se met à taper du poing contre la matière transparente avec désespoir :

– Qu’est-ce qu’on peut faire alors ?? demande-t-il lamentablement comme pour supplier son interlocuteur de lui donner un dernier conseil qui pourrait les aider.


Howard réunit alors toute son énergie, et en concentrant ses forces dans son bras, il parvient à traverser la surface du cristal du bout de ses doigts entre lesquels il fait réapparaître le médaillon qu’il avait absorbé :

– Prends-le...


Jérémie s’empare aussitôt du Xénoformeur qu’il compte bien absorber à son tour pour se rematérialiser à l’usine avec le précieux objet, mais il n’en aura pas le temps : Carthage lui lance une longue pointe cristalline qui le transperce brusquement, avant que le jeune garçon se retrouve enveloppé dans une coque transparente identique à celle qui paralyse Howard.

– NON !! hurle Aelita en voyant son amoureux connaître le même sort que l’homme qu’il a voulu secourir.


Délaissant les deux individus qu’elle vient d’emprisonner dans des cristaux pour suspendre leur dévirtualisation, Carthage descend à présent en lévitation vers les adolescents effrayés, jusqu’à ce que ceux-ci se décident enfin à passer à l’attaque :

– Champ de force !! lance Aelita furieuse.


Sa boule d’énergie rose est repoussée par l’un des Tentacristaux de sa cible, mais les alliés de l’ange de Lyoko se joignent à elle :

– Champ de force !! renchérit Taelia en délivrant à son tour des sphères rosées.


Odd tire des flèches-laser, Hervé déclenche son Supprayon, Heidi envoie des étoiles filantes, Johnny délivre son faisceau oculaire, les enfants Ishiyama lancent leurs armes respectives, et William produit une salve d’énergie ténébreuse avec son épée, mais rien n’y fait : de larges écrans cristallins se déploient pour bloquer leurs attaques systématiquement malgré leur nombre et leurs trajectoires, tandis que la femme qui génère ces remparts translucides reste impassible en avançant vers ses proies.

– Mais qu’est-ce que c’est que ce truc !? demande Ulrich abasourdi car il n’avait jamais vu une créature capable de parer un si grand nombre de projectiles sans la moindre difficulté. Elle est pas humaine !


Aelita ne sait pas quoi répondre. Contrairement à Xana, Carthage n’est pas un programme conscient en soi, mais la personne qui possède ses pouvoirs semble aussi efficace et implacable qu’un virus informatique...

– Il va nous falloir des bulles... confie Nicolas à Tamiya et à Milly.


La petite rousse copie l’avatar de sa meilleure amie, et les deux collégiennes octroient des bulles absorbantes à tous leurs coéquipiers qui se lancent à l’assaut de leur ennemie désormais assez proche pour qu’ils aillent lui porter des coups de lames au corps à corps.

– Chargez !!! s’écrie le samouraï en s’élançant en Supersprint, suivi par William et Nicolas ainsi que par Hiroki prêt à utiliser sa tri-lame à bout portant s’il le faut.


Malheureusement pour eux, même en parvenant à courir entre les barrières de cristal dressées par leur adversaire, aucune de leurs attaques directes ne touche leur cible car leurs armes se heurtent aux longs Tentacristaux protégeant farouchement la personne qu’ils entourent.

Derrière les Lyoko-guerriers qui combattent avec acharnement, Sissi et Heidi se tiennent prêtes à leur restituer les Points de Vie qu’ils perdent, mais aucun d’entre eux ne semble subir de dégâts de la part de leur ennemie :

– Pourquoi elle ne les attaque pas...? s’inquiète Heidi qui se doute que la mystérieuse femme prépare quelque chose.

– Et elle fait quoi avec ses cordes bizarres ? interroge Sissi en remarquant les étranges mouvements des sombres appendices filamenteux qui ornent l’avatar de Carthage et qui semblent s’agiter dans leur direction.


Et aux oreilles de la blondinette ainsi qu’à celles de ses camarades envoyés depuis le Next World résonne à nouveau la voix du maître du Black Phenix :

– Vous m’avez beaucoup déçu... déclare froidement Zander pour leur glacer le sang.

– Oh non... panique Hervé en comprenant que la liaison entre le Next World et eux a été rétablie grâce aux étranges filaments que leur ennemie tend vers eux.


En quelques secondes, son avatar ainsi que ceux d’Heidi, de Taelia, de Nicolas, d’Hiroki, de Johnny, de Milly, et de Tamiya se désintègrent : Zander vient de les dévirtualiser manuellement pour les renvoyer dans les scanners du Centre.

– Xilune !! l’appelle aussitôt Aelita qui espère vainement qu’il soit encore possible de réorienter certains d’entre eux vers l’usine.


Mais l’elfe aux cheveux blancs ne réagit pas, restant paralysée non pas par la capacité de Tamiya qui s’est dissipée depuis un moment, mais par l’horreur d’avoir failli causer la mort de Johnny en tentant d’altérer sa rematérialisation.

– Hé ! l’interpelle Odd en voyant qu’elle n’essaye même pas d’attaquer Carthage. Pourquoi tu ne lui tires pas dessus !? Franz a dit qu’avec toi on pouvait la battre !

– Je... je peux pas... balbutie-t-elle. Je veux pas... faire de mal...

– Mais qu’est-ce que tu racontes ? s’étonne le félin qui ne s’attendait pas à ce que l’entité virtuelle ait des états d’âme à l’idée de combattre leur adversaire, d’autant plus qu’elle est bien placée pour savoir que l’abattre ne lui fera pas vraiment de mal. On te demande juste de nous aider à la dévirtualiser !


Xilune secoue la tête en reculant, alors Aelita s’approche à son tour pour tenter de la convaincre :

– Nos attaques n’ont quasiment aucun effet sur elle ! Mais toi, d’après mon père, tu possèdes des pouvoirs semblables à ceux de Xana ! Donc tu dois pouvoir la blesser !

– Mais... je ne veux pas... blesser qui que ce soit... rétorque la créature numérique terrorisée à cette idée.

– Moi non plus ne je veux pas ! lui assure Aelita qui comprend que l’empathie de Xilune lui est venue en observant la jeune fille aux cheveux roses qu’elle était censée protéger. Mais si on ne la détruit pas, elle va tous nous capturer !!


En effet, leurs alliés restants sont vaincus les uns après les autres par Carthage qui s’applique à les emprisonner dans des cristaux...

Submergée par des émotions contradictoires qu’elle n’arrive pas à interpréter, l’intelligence artificielle à la chevelure blanche en vient à essayer de persuader ses camarades de renoncer à terrasser leur ennemie :

– En quoi serait-elle... différente de nous ?

– Oh c’est pas vrai... soupire Odd exaspéré. Pour une fois qu’un programme surpuissant est de notre côté, il faut qu’il nous fasse une crise existentielle en plein milieu du combat...


Et l’étonnement du félin redouble lorsqu’il s’aperçoit qu’Aelita est perturbée par la question qu’a soulevée Xilune tandis qu’elles observent leur ennemie :

– Me dis pas que tu refuses de te battre toi aussi !? s’indigne Odd.


L’ange de Lyoko semble de plus en plus troublée à mesure qu’elle dévisage leur implacable adversaire qui vient de paralyser Ulrich et William, et qui pourchasse à présent Yumi...

Seule la partie inférieure du visage livide de cette mystérieuse femme est visible, et pourtant, Aelita a l’impression de la reconnaître...

– C’est... Ça ne peut pas... bredouille-t-elle en croyant reconnaître sa mère disparue.

– Mais qu’est-ce que vous fabriquez !? s’écrie la Japonaise en virevoltant habilement pour esquiver les pointes de son adversaire pendant que ses camarades restent en retrait. Venez m’aider !!

– J’arrive !! répond Odd qui accourt en renfort.

– Yumi !! l’appelle Aelita. Son casque !! Retire-lui son casque !!

– Quoi ?? s’étonne la geisha.

– Fais-le !! la supplie son amie.


Profitant d’une diversion de la part du félin, Yumi ferme les yeux en posant ses mains sur ses tempes pour déclencher sa télékinésie, et en se concentrant intensément, elle parvient à soulever l’obscure visière qui s’envole, dévoilant la face de la personne qui incarne Carthage...

– Mais...!? s’étrangle Aelita en identifiant aussitôt les traits du visage de leur ennemie qui n’est pourtant pas Anthéa Hopper contrairement à ce que la jeune fille aux cheveux roses espérait tout au fond d’elle.


Et tandis que la mystérieuse femme s’immobilise car elle ne s’attendait pas à être dépossédée de son heaume, ses adversaires effarés se retournent vers Sissi en état de choc :

– Ma... Maman...? articule péniblement la jeune fille complètement déboussolée...


Un indescriptible moment de flottement envahit le champ de bataille.

– C’est... C’est ta mère ? demande Odd qui n’ose plus tirer.

– Hélène... précise la fille du proviseur de Kadic en se rappelant le prénom par lequel son papa appelait son épouse.

– Mais... se méfie Yumi. Je croyais qu’elle était morte...?


Sissi le croyait aussi.

Les larmes lui montent aux yeux, mais en face d’elle, sa mère reste parfaitement impassible, comme si elle était dénuée de toute émotion.

– Maman... C’est moi... pleure la jeune fille en avançant vers elle. Élisabeth...


Ses camarades frémissent en voyant leur amie s’approcher de leur terrible adversaire :

– Tu me reconnais...? balbutie Sissi en cherchant une réponse dans le regard de sa génitrice.


Malheureusement, elle n’y trouve pas l’ombre de l’expression du moindre sentiment.

Observant attentivement sa fille qui se tient juste devant elle, Hélène Lhorion relève sa main vers le visage de son enfant pour lui avouer le plus simplement du monde :

– Oui.


Et une longue pointe de cristal transperce alors Sissi qui se met à hurler avant d’être enveloppée dans une coque transparente...

– NON !! s’écrie Yumi horrifiée tandis que le casque qui s’était envolé redescend sur la tête de sa propriétaire...


La Japonaise n’a pas le temps de réagir : Carthage la pourfend et l’emprisonne dans un cristal elle aussi, avant de faire connaître le même sort à Odd ainsi qu’à Aelita qui restait aussi épouvantée que Yumi après avoir vu Sissi être neutralisée de manière aussi impitoyable par sa propre mère...

Seulement, en s’attaquant à l’ange de Lyoko, Hélène a malencontreusement réveillé l’instinct protecteur de Xilune :

– Aelita !!! rugit l’elfe aux cheveux blancs en déchaînant soudain des éclairs de foudre blanche tout autour d’elle.


Carthage lui lance une salve de pointes cristallines, mais la créature virtuelle les esquive méthodiquement avant de libérer un faisceau énergétique dévastateur vers son adversaire, ou plutôt vers le cristal dans lequel est retenue la jeune fille aux cheveux roses.

– Impossible... murmure Hélène en constatant que la coque transparente qui entourait Aelita a été fendue en deux par cette étrange foudre blanche.


Obéissant aux ordres de Zander qui a absolument besoin de récupérer sa petite-fille, Carthage tente aussitôt de capturer à nouveau sa proie qui vient d’être délivrée, mais celle-ci s’entoure d’inquiétants éclairs rouges...

Aelita a enfin compris : les puissantes émanations de foudre écarlate qui l’envahissent lorsqu’elle perd son sang froid sont en fait les pouvoirs de Xana... Son père savait qu’ils en auraient besoin pour affronter Carthage, alors il les a secrètement confiés à Aelita lorsqu’il lui a restitué les clés de Lyoko après que ses amis et elle ont vaincu le monstrueux virus informatique dans le Sixième Territoire...

Et après avoir vu l’efficacité des éclairs blancs de Xilune contre leur adversaire, la jeune fille aux cheveux roses jubile en songeant au potentiel destructeur de la foudre rouge qu’elle s’apprête à déchaîner :

– XANNIHILATION !!! vocifère-t-elle en libérant un torrent d’énergie rougeoyante.


Carthage déploie aussitôt des remparts de cristal, mais ceux-ci volent en éclats, submergés par l’effroyable vague énergétique qui percute violemment la combattante du Next World...

Hélène est projetée à plusieurs mètres de distance, si brutalement que Xilune se remet à s’inquiéter pour son ennemie, avant de s’apercevoir qu’à côté d’elle, Aelita est étendue sur le sol, son bras étant comme rongé par des brûlures virtuelles...

– Aelita !? panique la créature aux cheveux blancs en réalisant que, comme elle le redoutait, les terribles pouvoirs de Xana blessent également leur détentrice...

– Qu... Qu’est-ce qui m’arrive...? demande l’ange de Lyoko en souffrance, dépassée par la puissance qu’elle vient de déchaîner.


Xilune est catastrophée, comme si elle redoutait la gravité des blessures que sa camarade vient de s’infliger malgré elle...

Lorsqu’elle remarque que leur adversaire s’est relevée et s’avance à nouveau vers elles, l’entité numérique déconcertée ne cherche même pas à se défendre, préférant laisser Carthage les emprisonner dans des cristaux pour guérir Aelita plutôt que de laisser celle-ci souffrir de ses lésions...

Hélène capture enfin ses deux dernières proies, puis elle réunit autour d’elle les cristaux contenant ses opposants vaincus avant d’annoncer à son maître :

– Je les tiens tous...

– Parfait ! se réjouit Zander qui vient de menacer Franz d’exécuter les otages inutiles afin de contraindre celui-ci à lui révéler où il a caché l’interface Carthage qu’il avait dérobée lorsqu’il s’était enfui du Centre. Rends-toi à présent dans le secteur central de ce monde...


Entraînant ses neuf prisonniers dans son sillage, la mère de Sissi s’envole en direction du Cinquième Territoire sans se douter que sur la banquise dont elle s’éloigne, un spectateur invisible a assisté à toute la scène...





* * *


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Nelbsia MessagePosté le: Lun 17 Aoû 2020 20:00   Sujet du message: Répondre en citant  
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* * *





Après avoir traversé rapidement les corridors labyrinthiques formés par les blocs bleus mouvants qui composent le Cinquième Territoire, la combattante entourée de cristaux rejoint l’unique tour de cet environnement grâce aux indications que l’architecte de Lyoko livre à regret.

Une fois à l’intérieur de cette singulière colonne blanche, Hélène s’élève jusqu’à l’interface située à son sommet afin d’y entrer le code révélé par Franz sous la menace : « Marcus Porcius Cato », le nom latin du sénateur romain Caton l’Ancien, principal instigateur de la troisième guerre punique qui conduisit à la destruction totale de la cité de Carthage.

Un vortex se déploie sur le sol à la base de la tour, et Hélène y plonge avec ses cristaux pour enfin pénétrer dans l’espace parallèle clos où Odd avait été attiré par Xilune qui avait été séquestrée là par Xana.

Sur l’unique plateforme du lieu obscur où elle atterrit, la femme au teint livide voit émerger une sorte de long fauteuil incliné sur lequel elle s’installe, ce qui fait apparaître autour d’elle une série d’écrans transparents.

Les nombreux filaments dépassant de sa combinaison se branchent alors aux bords de son étrange siège, et sur les rectangles lumineux qui l’entourent se forme le message « CARTHAGE : ACCÈS AUTORISÉ » avant que des centaines de menus incompréhensibles s’ouvrent en cascade.

Le silence pesant est rompu lorsqu’Hélène utilise le système auquel elle vient d’accéder pour établir instantanément une connexion entre le lieu reclus où elle se trouve et le Next World où son maître attend de ses nouvelles :

– Je suis connectée, annonce-t-elle en confirmant qu’elle est entrée en possession de l’interface que Franz avait dissimulée tout au fond de son monde virtuel.

– Commence par envoyer tes prisonniers au Centre... lui ordonne Zander qui tient tout particulièrement à récupérer Aelita.


Sans esquisser un mouvement, la femme étendue sur le fauteuil incliné dévirtualise les neuf individus pétrifiés dans les cristaux autour d’elle en s’assurant de les faire réapparaître dans les scanners du Centre et non dans ceux de l’usine d’où ils se sont pourtant virtualisés.

– Maintenant, reprend le souverain du Next World avide de pouvoir, je veux que tu accèdes à toutes les données de la Terre...


Hélène marque un instant d’hésitation.

Elle sait que son interface et le programme permettant à son avatar de s’y connecter ont été conçus dans ce but précis, pour accomplir cette tâche qui confèrera au Black Phenix un contrôle absolu sur les systèmes informatiques du monde entier... Mais elle sait aussi que même en fermant les yeux sur les conséquences que son acte aura sur la civilisation humaine, la prouesse qu’elle s’apprête à réaliser n’est pas sans risque pour elle... Et c’est notamment pour cette raison que Zander lui-même a préféré déléguer l’immense pouvoir de Carthage...

Néanmoins, l’implacable femme qui a terrassé les Lyoko-guerriers, y compris sa propre fille, tient à montrer que son maître a fait le bon choix en lui octroyant le rôle de Carthage après qu’Anthéa a trahi le Black Phenix.

– À vos ordres, conclut-elle de sa voix monocorde pour ne pas décevoir son interlocuteur.


Son avatar s’illumine alors, parcouru par des faisceaux éblouissants qui se propagent le long des filaments qui la relient à son siège, et celui-ci brille à son tour tandis que sur les écrans qui se démultiplient en tourbillonnant autour d’elle, les données du monde entier affluent de toute part, depuis tous les appareils connectés de la planète, du simple téléphone mobile au plus sophistiqué des supercalculateurs...

Au départ uniquement des « 0 » et des « 1 » en quantités astronomiques, avant que s’ajoutent d’autres chiffres qui finissent par former des nombres décimaux, puis des caractères qui indiquent à quoi ces valeurs correspondent...

Grâce au programme qui permet à son esprit de traiter de très nombreuses informations simultanément, Hélène distingue par exemple des sommes d’argent colossales dans les grandes entreprises et les paradis fiscaux, parmi des millions de comptes en banque vides ou endettés...

Elle accède à des documents anodins comme les e-mails publicitaires, et à des rapports top-secrets dévoilant les crimes des guerres passées et à venir...

Des conversations écrites, audio ou vidéo entre des proches qui se disent « je t’aime » ou « bon anniversaire », et des manigances politiques ou économiques pour dicter les lois des différents pays afin de mieux servir des intérêts obscurs...

D’innombrables images vectorielles ou matricielles se superposent dans son champ visuel, dans le chaos le plus complet : des simples clips musicaux aux longs-métrages hollywoodiens, des portraits d’animaux de compagnie aux paysages dévastés par des catastrophes naturelles, des pitreries de jeunes vidéastes amateurs aux exécutions sanglantes filmées par des terroristes, des photos de vacances en famille à d’insoutenables films pédopornographiques...

Engloutie par cet océan de données qui la submerge, Hélène n’entend même plus la voix de Zander, noyée dans la masse et dans l’horreur...

Le monde des humains est fou...

Nul ne pourrait en supporter l’intégralité, tant les abominations qu’il a engendrées sont nombreuses et atroces...

En fin de compte, les seules personnes qui paraissent à peu près heureuses sont ces gens simples, et plus particulièrement les enfants insouciants, qu’on voit sourire sur les photos des voyages entre amis ou des grands repas en famille...

« ...Famille... »

Ce mot résonne dans l’esprit torturé de Carthage qui s’efforce désormais de retrouver ses souvenirs d’une ancienne vie qu’elle avait préféré oublier...

À force de se concentrer sur les rares moments dont dispose encore sa mémoire, une image lui saute au visage... Une somptueuse photographie où Hélène est assise sur une chaise en bois, son conjoint se tenant fièrement debout auprès d’elle, et leur toute jeune fille assise sur ses genoux ouvrant de grands yeux vers l’objectif de l’appareil...

Tous trois sourient...

C’est impossible...

Cette photo fut prise en France au début des années 1990, et les appareils photographiques numériques n’avaient pas encore atteint l’hexagone, même chez les photographes professionnels...

Pourquoi cette photo se trouve-t-elle parmi toutes les données numériques récoltées par l’interface virtuelle ?...

Hélène s’empresse de développer les caractéristiques de la photo : il s’agit bien d’une image numérique et non d’une photographie sur papier, mais elle a été générée il y a seulement quelques années par un scanneur informatique, donc probablement à partir d’une photo plus ancienne, et cette image matricielle est actuellement enregistrée dans la mémoire d’un simple ordinateur de bureau localisé dans le bâtiment administratif du collège-lycée Kadic, et plus précisément dans le poste de travail du directeur de l’établissement...

« ...Jean-Pierre... »

Même après qu’elle les a abandonnés, même après toutes ces années, il a pris la peine de numériser une de leurs vieilles photos de famille pour sauvegarder dans son poste de travail au moins un souvenir de cette courte mais heureuse époque où ils étaient tous les trois : Jean-Pierre, Hélène, et Élisabeth...

« ...Élisabeth... »

Les images ne se font pas attendre : Sissi a posté sur son blog personnel une impressionnante quantité de photographies, dans des tenues tantôt distinguées, tantôt affriolantes, mais toujours à son avantage... L’adolescente publie même des conseils destinés à d’hypothétiques lectrices en quête de beauté, ou rédige des billets d’indignation face à la pauvreté, à la pollution ou à la maltraitance des animaux... Tout cela semble si futile, et pourtant si captivant pour Hélène, simplement parce que cela vient de Sissi...

Sous la visière qui recouvre son visage livide et inexpressif, d’infimes reflets lumineux se dessinent dans les yeux de Carthage...

– HÉLÈNE !? rugit soudain Zander qui s’impatiente.

– ...Oui...? finit-elle par répondre en tâchant de reprendre ses esprits.

– Réponds quand je t’appelle !! la réprimande son maître.

– Oui... Pardon... s’excuse-t-elle avec sa voix monocorde.

– Tu as pu accéder à toutes les données comme je te l’ai demandé ? reprend-il avec intérêt.

– En effet, confirme sa subalterne.

– Parfait ! se réjouit-il à l’idée de pouvoir bientôt prendre la Terre en otage. Récolte immédiatement les données les plus importantes : codes de lancement des armes nucléaires, codes d’accès aux divers niveaux d’autorisations gouvernementales, codes de coupure des télécommunications, codes d’écriture et d’effacement des données bancaires... et rapporte-moi au plus vite ce package de données...

– À vos ordres, conclut Carthage en s’exécutant.





* * *





Lorsque Jérémie sent son corps réapparaître dans le monde réel, il s’aperçoit qu’il est allongé sur un support horizontal à l’intérieur d’une structure tubulaire aux parois lumineuses ; une sorte de couvercle au-dessus de lui se soulève, et deux hommes en noir se penchent sur le jeune garçon avant de le saisir fermement pour l’extraire de son caisson en le dépossédant du pendentif qu’il tenait dans sa main...

L’adolescent désorienté découvre le lieu où il a atterri : une salle obscure aux murs métalliques, éclairée uniquement par des néons et par des appareils électriques comme les écrans des ordinateurs aux alentours.

Incapable de se débattre pour échapper aux androïdes qui le tiennent par les bras, Jérémie voit les autres sarcophages à côté de celui dont il est sorti s’ouvrir les uns après les autres tandis que ses alliés rematérialisés sont à leur tour attrapés par les robots humanoïdes qui guettaient leur arrivée.

Le jeune garçon à lunettes remarque néanmoins l’absence de son amoureuse :

– Où est Aelita !? s’exclame-t-il en s’agitant vainement.


La voix de Zander résonne alors dans la pièce :

– Elle est avec moi, le rassure-t-il ironiquement car Aelita a été immédiatement revirtualisée pour rejoindre son grand-père dans le Next World. Envoyez-moi le Xénoformeur, et mettez les prisonniers à l’isolement.


Malgré leurs protestations, Ulrich, Yumi, William, Sissi, Odd, Howard, Xilune et Jérémie sont rapidement conduits dans un long couloir bordé de portes blindées, et chacun d’entre eux est enfermé dans une cellule individuelle car leur ravisseur tient à les empêcher de communiquer entre eux.

Isolé du reste de ses camarades, Jérémie finit par cesser de frapper inutilement la lourde porte qui s’est refermée derrière lui, puis il va s’asseoir tristement sur le bord du lit au fond de son cachot sans fenêtre en plongeant son visage dans ses mains...

Désespéré par la situation dans laquelle ses amis et lui se sont retrouvés, le cerveau du groupe ne peut s’empêcher de passer en revue ses erreurs...

Au lieu de foncer bêtement pour tenter de secourir Howard qui détenait le Xénoformeur, il aurait dû rester avec ses coéquipiers pour les booster un par un afin de leur donner une chance de terrasser Carthage...

Son manque d’expérience sur le terrain a révélé son incapacité à improviser dans le feu de l’action, car si d’ordinaire Jérémie parvient à réagir judicieusement tant qu’il reste derrière l’écran de l’ordinateur, il perd une grande partie de son efficacité lorsqu’il se rend sur Lyoko à cause de sa peur du danger permanent...

Et s’il avait effectivement permis à ses alliés de vaincre Xana en les rejoignant dans le Sixième Territoire, c’est parce que ce jour-là il avait un plan conçu de longue date, ce qui lui a manqué au moment d’affronter Carthage...

Il n’était pas prêt à combattre cette ennemie dont il ne savait presque rien, et il n’aurait jamais dû laisser son équipe se mesurer à elle aussi inconsidérément...

En fin de compte, il aurait mieux fait d’écouter Yumi et de quitter l’usine pour alerter les autorités pendant qu’il en était encore temps...

Maintenant, il est trop tard pour faire quoi que ce soit...

Zander a récupéré tout ce qu’il convoitait : la source d’énergie phénoménale contenue dans le Xénoformeur qu’Howard n’a pas pu emporter, les données du monde entier récoltées grâce à l’interface Carthage que Franz avait cachée, et l’immortalité à travers le vieillissement jumelé que le maître du Black Phenix va pouvoir prélever sur ses deux petites-filles, Taelia et Aelita...

« Aelita... », se lamente Jérémie en songeant à ce qui va lui arriver, avant d’écarquiller les yeux...

Si ce que le jeune garçon croit savoir au sujet de son amoureuse s’avère exact, comme Franz le lui a implicitement confirmé, alors peut-être que Zander ne pourra pas récolter les fruits des expériences qu’il a menées sur elle...






* * *






Dans le Next World, les deux jumelles aux cheveux roses sont immobilisées en stase dans d’étranges colonnes énergétiques reliant le sol et le plafond d’un laboratoire virtuel situé dans le château de leur grand-père.

Les adolescentes pétrifiées par l’éclairage verdâtre de cet endroit inquiétant observent craintivement les multiples bras mécaniques qui semblent les ausculter en projetant de fins rayons de lumière, traçant des quadrillages à la surface de leurs avatars tandis que le maître des lieux semble perplexe voire contrarié face à l’écran de son ordinateur...

En effet, devant ses yeux aux sourcils froncés, les analyses menées en profondeur sur les structures de ses deux descendantes ne sont pas homogènes : d’un côté, le scan de Taelia donne exactement le résultat escompté, mais de l’autre, les données d’Aelita semblent totalement corrompues... Bien que le lien tissé entre sa sœur et elle paraisse intact, d’étranges symboles incompréhensibles brouillent complètement son rapport d’analyses, le rendant inexploitable...

En effectuant plusieurs manipulations compliquées, Zander s’efforce de « rectifier » la structure de sa petite-fille, mais en vain : Aelita reste incompréhensible pour ses appareils, ce qui rend inutilisables les précieux résultats des expériences qu’il avait menées sur elle...

Le souverain du Next World s’avance alors pour contempler gravement les deux jeunes filles qui lévitent dans les colonnes énergétiques devant lui...

Qu’est-ce qui a bien pu leur arriver pour que la première soit exactement conforme à ce qu’il attendait d’elle, tandis que la seconde s’écarte radicalement du modèle prédéfini ?...

La longue virtualisation d’Aelita ne suffit pas à expliquer une telle disparité : Taelia a elle-même été virtualisée sur Lyoko sans que cela n’affecte sa structure, et elle a cessé de vieillir aussi longtemps qu’Aelita est restée dans ce monde virtuel, ce qui prouve que leur vieillissement jumelé fonctionne parfaitement...

Alors pourquoi peut-il prélever le fruit de ses expériences sur Taelia, mais pas sur Aelita ?...

Quelqu’un sait forcément quelque chose... Peut-être même que quelqu’un a FAIT quelque chose...

Ses parents lorsqu’ils étaient en cavale... Ou bien ses amis du collège-lycée Kadic...

Et ceux qui savent vont probablement tout faire pour garder le secret...

Quoi qu’il en soit, l’immortalité de Zander est en jeu, et il ne peut pas se permettre de laisser quiconque lui cacher des informations ou lui servir des mensonges qui mettraient son existence en péril, alors le seigneur du Black Phenix décide d’employer les grands moyens pour découvrir la vérité...





* * *





La porte de la cellule de Jérémie s’ouvre brusquement ; deux androïdes entrent pour le prendre par les bras et le faire sortir dans le couloir où il retrouve ses camarades, également escortés par des hommes en noir :

– Qu’est-ce qu’ils nous veulent ? s’inquiète Sissi.

– Sûrement pas du bien, répond Ulrich prêt à se rebeller contre ses geôliers à la moindre occasion.


Jérémie devine que Zander souhaite les interroger, mais il reste muré dans le silence, tandis que les hommes en noir ouvrent d’autres portes blindées pour en extraire leurs occupants : Hervé, Nicolas, Heidi, Milly, Tamiya, Johnny, Hiroki.

– Bande de nuls... commente le petit Japonais en constatant avec déception que leurs « sauveurs » se sont fait capturer aussi.


Pendant que Yumi se dispute avec son petit frère, Odd est abasourdi en découvrant la personne qui résiste comme une lionne aux quatre gardes qui la font sortir de son cachot :

– Sam !? s’exclame le félin ébahi.

– Odd !? répond celle-ci également surprise par la présence des élèves de Kadic. Mais qu’est-ce que vous fichez là !?


La jeune fille noire aperçoit soudain son père parmi eux :

– Ah d’accord... conclut-elle avec mépris. J’imagine que vous êtes ici à cause de lui...

– Quoi ? s’étonne Odd. Mais pas du tout ! Il a été fait prisonnier comme nous ! ...Enfin je crois ?


Sa camarade ne sous-entendait pas qu’Howard les avait trahis pour les livrer à leurs ennemis, mais simplement que le vieux scientifique moustachu était selon elle si incompétent que sa présence à leurs côtés suffit à laisser penser qu’il a conduit toute leur équipe à sa perte.

– Et toi ? Qu’est-ce que tu deviens ? reprend Odd sur un ton joyeux malgré les circonstances. Y’a longtemps que tu habites ici ?

– Non mais ce mec... soupire William excédé par l’insouciance de son coéquipier.

– Beaucoup trop longtemps... répond Samantha avec un air sombre.

– Ah oui ? renchérit l’infatigable félin. Ben si j’avais su, je t’aurais rendu visite plus souvent !


Son amie se rappelle alors qu’en voulant cesser de fréquenter Odd car elle commençait à s’attacher un peu trop à lui, elle avait prétendu avoir déménagé dans le sud du pays :

– Désolée, je... Je ne ne pouvais pas t’en parler, mais... je ne suis pas vraiment la personne que tu crois...

– Comment ça ? s’étonne son interlocuteur. Tu ne t’appelles pas Samantha Knight ?

– Si, bien sûr... hésite-t-elle avant de lui dévoiler la vérité. Mais en réalité, je travaille pour le Black Phenix depuis de nombreuses années...

– Hein ?? s’inquiète le félin. T’es une sorte d’espionne ??


Jérémie sort de son silence :

– Depuis quand exactement ? demande-t-il avec intérêt car il commence à comprendre où Samantha veut en venir.

– ...Depuis qu’ils nous ont recueillis mon père et moi, en 1970...


Odd la dévisage avec des yeux ronds :

– Attends, mais t’as quel âge en fait ??

– Peu importe... répond-elle avant d’expliquer son apparence d’adolescente. Le Black Phenix dispose de nombreuses technologies permettant de ralentir le vieillissement, voire même de rajeunir...


Jérémie s’en doutait : Samantha a bénéficié de certains des nombreux procédés auxquels Zander Hopper à eu recours pour prolonger son existence, sauf que ce dernier est désormais si vieux que seule la virtualisation parvient encore à le maintenir en vie.

Alors que les prisonniers sont de retour dans la salle où ils se sont rematérialisés, les androïdes les forcent à entrer un par un dans les sarcophages destinés à les envoyer dans le Next World où les attend le seigneur de ce monde virtuel.

Avant que le couvercle lumineux se referme sur Jérémie, le jeune garçon est soudain surpris en apercevant très brièvement une personne qu’il n’avait même pas remarquée lorsqu’elle avait été extraite de sa cellule derrière eux...





* * *





Brusquement arrachées à leur stase dans le laboratoire où leur grand-père les retenait, Taelia et Aelita chutent à travers une série de planchers qui s’ouvrent en dessous d’elles jusqu’à ce qu’elles atterrissent lourdement sur le tapis d’une antichambre aux murs de pierre...

Les deux jeunes filles se relèvent fébrilement au milieu de cette étrange pièce, et les armures médiévales autour d’elles s’animent soudain pour les orienter vers le sombre couloir derrière elles dans lequel les deux sœurs s’engouffrent sous la menace des hallebardes dans leur dos...

– Je crois que je sais où on va... déclare Taelia en remarquant que sur les parois du tunnel qu’elles traversent, les pierres laissent progressivement place à des éléments futuristes semblables à ceux que ses coéquipiers et elle ont observés dans le lieu où Zander les avait convoqués avant de les envoyer sur Lyoko.


Mais Aelita ne s’en préoccupe même pas, se contentant d’avancer d’un pas résigné...

– Hé ? Ça va pas ? s’inquiète sa camarade en remarquant la mélancolie qui transparait dans son regard.

– J’ai cru... balbutie la jeune fille peinée en repensant au combat qui les a opposés à Carthage, et plus précisément au moment où Yumi est parvenue à retirer la visière qui cachait le visage de leur ennemie. J’ai cru que j’avais enfin retrouvé maman...


Taelia plisse les yeux car elle ne voit pas bien de qui parle Aelita, avant de se rappeler que si elles sont jumelles comme Zander le lui a révélé, alors elles ont la même mère... Et Taelia n’a pas oublié sa maman qui l’a « laissée » quand elle était petite, et qui n’est jamais revenue...

– Tu crois... qu’elle est ici ? demande la jeune fille aux cheveux rose foncé, désormais aussi troublée que sa sœur à l’idée de revoir enfin la femme qui les a mises au monde.


Aelita secoue la tête en signe de désespoir, car Carthage n’était pas Anthéa Hopper mais Hélène Lhorion, la mère de Sissi... Et si Anthéa a un jour incarné Carthage comme Aelita le pressent tout au fond d’elle, comment expliquer qu’Hélène ait pris sa place ?... Naxxya a par ailleurs prétendu qu’Anthéa l’avait élevée et qu’elle était venue à Kadic le soir du concours d’Halloween, mais si elle avait menti pour faire croire que celle-ci était toujours vivante et ainsi inciter Aelita à foncer au Centre pour la retrouver ?...

– Je ne sais même pas si elle est encore en vie... se lamente l’ange de Lyoko.


Cette hypothèse effroyable fait frémir son interlocutrice...

Bien qu’elle ait eu la chance d’être élevée avec amour par Marjorie et Kamel chez qui Anthéa l’avait laissée, l’idée que sa mère biologique soit décédée et qu’elle ne la reverra donc plus jamais creuse tout de même un vide atroce dans son cœur... En comprenant qu’Aelita ressent exactement la même chose, sa camarade saisit instinctivement sa main sans trop savoir si c’est pour la rassurer ou pour se raccrocher à elle...

Leurs doigts tremblants entrelacés, les deux adolescentes atteignent le bout du tunnel, et devant elles s’ouvrent alors les portes de l’immense salle dans laquelle elles pénètrent : le Mémorium...

Le plafond hémisphérique destiné à projeter les souvenirs est éteint pour l’instant, et les faibles lumières qui délimitent sa base éclairent à peine les nombreux gardes postés le long du mur circulaire : des squelettes de métal lourdement armés...

Devant la console trône Zander tandis que Carthage reste en retrait derrière lui, et sur les rangées de sièges devant eux sont étendus de nombreux participants vêtus de leurs combinaisons virtuelles et entravés par des tentacristaux qui les maintiennent immobiles sur leurs fauteuils...

Les amis d’Aelita et de Taelia se réjouissent en les voyant arriver saines et sauves : Jérémie, Yumi, Odd, Ulrich, Sissi, William, Hervé, Nicolas, Hiroki, Johnny, Milly, Tamiya, Heidi, mais aussi Xilune, Marjorie, Kamel, Howard, et Samantha...

https://i.imgur.com/MEASizd.jpg


Et enfin, Waldo, leur père...

Et à côté de lui : Anthéa Hopper, bien vivante...

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Les jumelles n’en croient pas leurs yeux :

– ...Maman !? s’écrient-elles simultanément.


Anthéa esquisse un sourire triste car même si elle ne peut s’empêcher d’être heureuse de revoir ses filles, elle aurait préféré que celles-ci restent libres...

Sans se soucier des gardes qui les escortent, les deux adolescentes se précipitent vers leur mère pour essayer de la libérer du tentacule de cristal qui la retient sur son siège, en vain.

– Ne vous inquiétez pas pour moi... les rassure Anthéa de sa douce voix tandis qu’elles l’étreignent en sanglotant. Ça va aller...


Mais la voix caverneuse de Zander met fin à leurs retrouvailles :

– Comme c’est touchant... commente-t-il sans s’attendrir le moins du monde avant de s’adresser à l’ensemble de ses prisonniers. Rassurez-vous, je vous ai réunis ici pour un motif nettement plus important que ces fadaises...


https://i.imgur.com/duvNwQe.jpg


Aelita et Taelia relâchent le cou de leur mère pour adresser un regard furieux à leur grand-père, et en contemplant les yeux de ses filles, Anthéa s’arrête sur ceux d’Aelita avec inquiétude, avant de se tourner vers Waldo qui évite son regard...

– « Zwilling Altern », reprend Zander. Tel est le nom du projet consistant à lier le vieillissement d’Aelita et de Taelia. Je vous épargne les détails, mais il se trouve qu’au moment de récolter le fruit de mes expériences, j’ai découvert que la structure d’Aelita est corrompue pour une raison que j’ignore, rendant inexploitables les résultats contenus en elle tant que je n’en sais pas davantage sur la nature de la corruption de ses données...

– J’ai rien compris ! lance Odd avant d’être douloureusement rappelé à l’ordre par le Tentacristal qui se resserre sur lui. Aaaaaargh...


Le maître du Black Phenix savoure la souffrance du félin, avant de clarifier ses propos :

– En d’autres termes, reprend-t-il en scrutant un par un ses auditeurs avec ses yeux noirs, Aelita a subi quelque chose qui m’empêche d’accéder à l’immortalité, et certains parmi vous savent forcément de quoi il s’agit...


Les prisonniers échangent des regards inquiets, tandis que le plafond en forme de dôme commence à s’illuminer...

– Personne n’a rien à me dire ? demande Zander qui n’obtient évidemment que le silence. Peu importe : la pièce dans laquelle nous nous trouvons va nous permettre de faire toute la lumière sur ce qui a bien pu arriver à Aelita...


Il fait alors signe à ses petites-filles de s’asseoir sur les deux sièges vides près d’elles, mais celles-ci refusent d’obéir :

– Libère d’abord nos amis ! exige Aelita en le fixant avec détermination.

– Fais très attention, rétorque son grand-père en caressant une plume noire qui flotte entre ses doigts griffus. Même si tu m’es précieuse, je peux toujours te faire souffrir... Quoique je pourrais tout aussi bien laisser ce plaisir à l’un ou l’autre de ces individus que tu considères à tort comme tes « amis »...


Taelia se range aux côtés de sa sœur en déployant des Champs de force afin de montrer qu’elle est prête à se battre, mais les deux jeunes filles sont soudain surprises lorsque les portes de la salle se rouvrent derrières elles pour laisser entrer une dernière personne dont la haute silhouette effraye les combattants entravés...

– Oh là là... s’alarme Heidi en reconnaissant l’imposante combinaison aux reflets métalliques que portaient les unités d’élite qui ont aisément maîtrisé son équipe venue explorer le Next World.


Les deux jumelles se mettent en garde face à leur adversaire, avant qu’Odd remarque la longue chevelure bleue qui dépassant du casque qui recouvre sa tête :

– Hé ! Mais c’est Naxxya !?

– Hein ? s’étonnent ses camarades à côté de lui.


Aelita reste perplexe, se demandant pourquoi leur ancienne amie arborerait un nouvel avatar virtuel portant la marque du Black Phenix :

– Naxxya ?... C’est bien toi ?... l’interroge-t-elle avec incertitude.


Sans dire un mot, la personne en face d’elle se jette soudain sur les deux jeunes filles aux cheveux roses pour les attraper à la gorge simultanément et les asseoir brutalement sur des sièges, avant que des tentacules de cristal les étreignent pour les empêcher de s’en relever.

– Espèce de...! s’énerve Jérémie qui ne s’attendait pas à ce que leur ancienne alliée malmène ainsi Aelita et Taelia.

– Bouge pas, je vais m’occuper d’elle !! renchérit William en s’efforçant de briser les Tentacristaux qui le retiennent.

– Non mais calmez-vous ! intervient maladroitement Odd. Naxxya a toujours eu la main un peu lourde, mais elle ne voulait pas vraiment...

– Arrête de la défendre !! lui crie Yumi aussi choquée que Jérémie après avoir vu la brutalité avec laquelle la géante en armure a projeté les deux jumelles.


Mais la guerrière silencieuse ne se préoccupe même pas des remontrances de ses anciens amis : elle s’installe à son tour dans un fauteuil vide, et soudain, éblouissant les spectateurs assis autour d’elle, des images se forment au plafond en défilant à toute vitesse...

On y entrevoit Anthéa... Samantha... Odd, ainsi que le reste de la bande... et Lyoko...

Lorsque le défilé visuel s’arrête, Zander remercie sa subordonnée :

– Voila déjà une solide base sur laquelle il sera difficile de construire des mensonges... se réjouit-il en lui faisant signe de se relever. Tu peux retourner à ton entrainement.


Et tandis que Naxxya quitte la salle, ses anciens coéquipiers effarés comprennent qu’elle vient de livrer à Zander tous les souvenirs dont elle dispose concernant Lyoko et ses secrets...

– Quand je pense qu’elle s’amusait à me traiter de traître... commente froidement William.

– Bien ! reprend Zander de sa voix d’outre-tombe. Nous allons à présent tout reprendre à zéro tous ensemble pour que les souvenirs concordent et convergent, jusqu’à ce que j’obtienne la vérité...


Dernière édition par Nelbsia le Dim 18 Déc 2022 07:40; édité 4 fois
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Nelbsia MessagePosté le: Lun 17 Aoû 2020 20:01   Sujet du message: Répondre en citant  
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Épisode #119 : Au commencement


Résumé de l’épisode précédent :


Afin d’empêcher leurs ennemis de s’emparer du Xénoformeur, nos héros ont dû affronter leurs homologues envoyés par le Black Phenix. Mais lorsque les adolescents ont fini par cesser leur combat fratricide, Carthage est arrivée sur Lyoko pour attraper Howard et récupérer le Xénoformeur, avant de s’en prendre aux Lyoko-guerriers qui semblaient impuissants face à elle. Persuadée que leur ennemie n’était autre que sa mère disparue, Aelita a demandé à Yumi d’ôter la visière qui masquait son visage pour découvrir que Carthage était en fait Hélène Lhorion, la maman de Sissi, mais l’impitoyable combattante venue du Next World n’a pas hésité à capturer sa fille ainsi que tous les amis de celle-ci. Pour secourir Aelita, Xilune a fait usage de ses puissants éclairs blancs capables d’affecter Carthage, et la jeune fille aux cheveux roses a recouru à son tour aux étranges décharges d’énergie rouge qu’elle manifestait depuis quelque temps et qui étaient en réalité les pouvoirs de Xana que Franz avait confiés à sa fille lorsqu’il lui avait restitué les clés de Lyoko que le virus lui avait volées. La terrible attaque libérée par Aelita a violemment renversé Carthage car les pouvoirs de Xana ont été conçus pour la détruire, mais cette effroyable foudre rouge a également blessé la jeune fille qui l’a générée, et Hélène a donc pu capturer ses deux dernières adversaires. Suivant les ordres de Zander, l’implacable combattante s’est ensuite rendue dans la salle secrète située sous la tour du Cinquième Territoire pour y trouver l’interface Carthage que Franz y avait cachée et grâce à laquelle Hélène a pu rematérialiser tous ses prisonniers dans les locaux du Black Phenix avant d’accéder aux données du monde entier pour s’emparer des informations les plus précieuses, notamment les codes de lancement des armes nucléaires, afin de les remettre à son maître. Dans le Next World, Zander a voulu prélever sur ses deux petites-filles la capacité de vieillissement jumelé qu’il avait développée dans le but de se rendre immortel, mais il a alors découvert que la structure d’Aelita était corrompue, rendant inexploitables les résultats de ses expériences sur elle. Désireux de connaître la source de cette altération pour pouvoir y remédier, le chef du Black Phenix a donc rassemblé tous ses prisonniers dans le Mémorium : Aelita, Taelia, Jérémie, Yumi, Odd, Ulrich, Sissi, William, Hervé, Nicolas, Hiroki, Johnny, Milly, Tamiya, Heidi, Xilune, Howard, Marjorie, Kamel, Franz, mais aussi Anthéa que ses filles craignaient de ne jamais revoir, et Samantha qui a révélé a ses amis de Kadic qu’elle travaillait depuis des années pour le Black Phenix et qu’elle avait bénéficié d’un procédé de rajeunissement pour paraître adolescente. Également convoquée par Zander, Naxxya est alors arrivée vêtue d’une sombre tenue virtuelle portant le symbole de son nouveau maître à qui elle a aussitôt livré volontairement tous ses souvenirs concernant Lyoko et ses secrets. Ayant compris la trahison de leur ancienne alliée, les Lyoko-guerriers sont à présent sommés par Zander de lui dévoiler à leur tour toutes les informations qu’ils détiennent au sujet d’Aelita, en sachant que le croisement de leurs souvenirs respectifs va les empêcher d’inventer des mensonges, ce qui conduira immanquablement à faire éclater la vérité...





Attachés sur leurs sièges, les vingt-deux prisonniers du Mémorium s’adressent des regards inquiets et des chuchotements...

La plupart des personnes présentes n’ont pas la moindre idée de ce que Zander attend de leur part, mais celui-ci reste sûr de sa manœuvre destinée à découvrir ce qui a bien pu arriver à Aelita pour que ce qu’il a investi en elle ne puisse plus être prélevé :

– Voyons voir... réfléchit-il à voix haute en fixant un par un ses « invités » avec un sourire malveillant. Si les actes peuvent trouver leur motivation bien avant leur accomplissement, jusqu’où devrais-je remonter pour m’assurer de ne rien manquer ?


Comme il s’y attendait en posant cette question, des bribes d’images commencent à se former au plafond car certains participants ne peuvent s’empêcher de songer au jour où ils ont rencontré Zander Hopper pour la première fois, mais Samantha Knight décide de saboter la séance en défiant leur sinistre hôte pour qui elle a longtemps travaillé :

– Je sais pas ce que tu cherches exactement, déclare-t-elle avec mépris, mais personnellement j’ai bien envie de penser à un hot-dog avec de la moutarde ! Qui est avec moi !?

– Oh ! réagit Odd mis en appétit. Une fois j’ai mangé un hot-dog plus haut que moi mais personne ne m’a cru !


Le souvenir du sandwich en question apparait alors au plafond, suivi par d’autres images montrant des repas savoureux en superposition, avant que Zander intervienne de sa voix effrayante qui envahit la salle :

– Très amusant Samantha, reprend-il sur un ton inquiétant avant de plonger son regard noir et perçant dans le sien comme pour entrer dans son esprit. Je comprends que tu préfères penser à des choses agréables, plutôt qu’aux tragiques circonstances dans lesquelles je vous ai recueillies ton père et toi, en 1970...


Malgré eux, Samantha et Howard se rappellent immédiatement ce sombre évènement...

La date s’affiche sur l’écran de contrôle de Zander, et des images floues se forment au plafond avant de devenir nettes lorsqu’un bruyant coup de feu éclate...





* * *





1970.

De hauts arbres tout autour...

Une forêt si épaisse qu’entre les troncs ne passe aucune lumière, seulement l’obscurité sous les branches à perte de vue...

À genoux sur le sol, Howard serre sa fille qui pleure contre lui...

Il semble alors âgé d’à peine quarante ans, tandis que son enfant n’en a même pas le tiers...

Près d’eux, trois trous longs comme trois cercueils ont été creusés...

Dans l’une de ces fosses, tombe le corps sans vie d’une femme noire abattue d’une balle dans le dos...

L’homme qui vient de jeter son cadavre s’essuie les mains, tandis que ses deux collègues menacent toujours Howard avec des armes à feu :

– C’est ta dernière chance de nous dire où tu as caché le Xénoformeur... déclare l’un d’eux en s’exprimant en anglais avec un accent américain.

– Pourquoi je vous le dirais ? répond dans la même langue le pauvre scientifique à genoux qui se sait condamné. Vous allez nous tuer de toute façon...


Le bourreau approche son pistolet du front d’Howard, avant d’orienter le canon de son arme vers la tempe de la malheureuse enfant qu’il tient dans ses bras :

– Souhaites-tu que ta fille rejoigne sa mère en un éclair, ou préfères-tu la voir souffrir auparavant ?

– Dernière chance, ajoute son collègue. Où est le Xénoformeur ?


Comprenant que ses interrogateurs sont prêts à tout pour le faire parler, Howard s’apprête à leur dire ce qu’ils veulent savoir afin d’épargner à sa fille les sévices qu’ils pourraient lui infliger avant de la tuer, quand soudain, une détonation lointaine retentit et l’homme qui menaçait la petite Samantha s’effondre. Ses camarades ont à peine le temps de se retourner pour tenter de comprendre ce qui se passe, que deux autres bruits sourds se font entendre et ils s’écroulent à leur tour.

Tandis qu’Howard reste à genoux au milieu des trois corps inertes, tétanisé en serrant sa fille contre lui, plusieurs hommes en noir équipés d’étranges fusils s’avancent alors pour s’assurer que les trois individus au sol ne nuiront plus à personne, puis une sorte de fauteuil en lévitation se faufile silencieusement à travers les arbres. Sur cet étange véhicule flottant est assis celui qui semble être le chef des hommes qui viennent d’abattre les trois ravisseurs du scientifique : un être squelettique dont l’effrayant visage desséché laisse apparaître distinctement la forme de son crâne sous sa peau ridée.

Howard dévisage avec incompréhension cet inquiétant individu qui vient apparemment de leur sauver la vie :

– Qui... qui êtes-vous ? lui demande-t-il en s’exprimant à présent en français.

– Zander Hopper, se présente celui-ci d’une voix caverneuse en constatant que l’épouse de son interlocuteur a malheureusement été tuée avant que ses assassins soient abattus. Navré d’être intervenus si tardivement, il nous a fallu du temps pour vous localiser dans cette forêt.


L’afro-américain reste craintif, mais son « bienfaiteur » l’invite à se relever :

– Rassurez-vous, je ne travaille ni pour Washington ni pour Moscou, et les agents qui en avaient après vous ont tous été neutralisés par mes hommes.

– Pour qui travaillez-vous dans ce cas ? se méfie Howard. Le gouvernement français ?

– La France n’a pas pris votre situation au sérieux, répond Zander qui sait qu’Howard était venu se cacher dans ce pays car il avait fui les États-Unis d’Amérique avec sa famille après avoir dérobé le Xénoformeur. Fort heureusement pour vous, mon organisation est infiltrée à tous les niveaux du gouvernement, et j’ai récemment eu vent de vos ennuis avec la CIA...

– Vous dirigez une société secrète ? frémit le scientifique moustachu en réalisant qu’il a affaire à un groupe obscur indépendant qui agit au-delà du cadre des États et des lois.


Zander hoche la tête :

– Je suis le fondateur du Black Phenix, et si je suis venu vous rencontrer en personne, c’est parce que je souhaiterais garantir votre sécurité ainsi que celle de votre fille, à la seule condition que vous acceptiez de me confier le puissant appareil que vous avez emporté avec vous en quittant l’Amérique...

– Ah... Vous voulez la même chose que les autres... comprend Howard qui se doutait que l’offre de son interlocuteur était trop généreuse pour être honnête.

– N’est-ce pas pour éviter que le Xénoformeur soit aux mains des américains ou des soviétiques que vous vous êtes réfugié en France ? insiste l’homme au visage osseux avec diplomatie. Je comprends votre démarche, vous savez... Tout comme vous, je crains que les États-Unis et l’URSS finissent par faire sauter la planète si personne n’a assez de poids pour calmer leurs ardeurs belliqueuses ; or, avec le Xénoformeur, nous pourrions arbitrer leur rivalité en leur faisant comprendre que même si l’un des deux camps parvenait à anéantir l’autre en atomisant la moitié du globe, nous ferions usage du Xénoformeur pour nous assurer qu’il n’y ait aucun gagnant. Mais en dehors de son pouvoir de dissuasion, je peux vous promettre que je ne compte utiliser le Xénoformeur que pour bénéficier de l’énergie qu’il fournit, car voyez-vous, le Black Phenix est avant tout une organisation scientifique à la poursuite du progrès technique. Il serait fort regrettable que le monde soit détruit aujourd’hui alors que les découvertes scientifiques se multiplient et que le monde de demain s’annonce fascinant. Et puis, j’ai moi-même une fille et je ne voudrais pas qu’il lui arrive quoi que ce soit à cause de la folie des hommes au pouvoir...


Ces belles paroles n’auraient pas convaincu Howard en temps normal, mais il n’est pas en état de refuser la protection qui lui est offerte, alors il finit par accepter à contrecœur en désignant la fosse dans laquelle git le corps sans vie de sa compagne :

– Vous trouverez ce que vous êtes venu chercher... autour du cou de mon épouse...


L’un des hommes armés descend aussitôt dans le trou pour récupérer sur le cadavre de la femme noire l’étrange pendentif qu’elle portait, détachant avec soin ce médaillon avant de le remettre à son maître.

Tenant enfin le Xénoformeur entre ses doigts squelettiques, Zander contemple le précieux artefact constitué d’une matière inconnue dont émane une lueur surnaturelle :

– Le pouvoir de façonner des mondes... susurre-t-il de sa voix caverneuse. Ou de les réduire à néant...


Howard s’inquiète à présent en se demandant si son interlocuteur va tenir parole ou l’exécuter à son tour, mais celui-ci lui sourit car il connait la valeur du savant qu’il vient de secourir :

– Vous avez fait le bon choix, le félicite-t-il avec bienveillance. Pour vous, et pour votre enfant.


Soulagé, le père de Samantha émet timidement une dernière requête :

– Hem... Pardon de vous demander cela, mais... pourriez-vous faire en sorte que ma compagne soit enterrée dignement dans un cimetière et non dans ce trou creusé par ses assassins ?


Zander fait signe à l’un de ses subordonnés d’emporter le corps de la défunte :

– Ne vous en faites pas, les trous creusés par ces imbéciles ne seront que les leurs.





* * *





Dans le Mémorium, les spectateurs sont relativement troublés par la scène à laquelle ils viennent d’assister, tandis que Zander commente :

– J’ai tenu ma promesse, Howard. Je vous ai protégées ta fille et toi jusqu’à aujourd’hui. Et rappelle-toi, au début, n’étais-tu pas heureux de travailler pour le Black Phenix, parmi d’autres brillants scientifiques comme toi, avec du matériel et des technologies en avance sur tout ce qu’on pouvait trouver ailleurs ?


Le vieil homme noir ne répond pas, et son interlocuteur interroge à présent sa fille :

– Et toi, Samantha ? Après avoir vu ta mère mourir, ne t’ai-je pas permis d’assimiler de nombreuses techniques de combat au sein du camp d’entrainement du Black Phenix et de devenir plus dangereuse que tous les agents qui en auraient après toi ?


Les élèves de Kadic qui croyaient la connaître sont surpris en apprenant que leur camarade a suivi une longue formation au combat grâce à Zander qui termine de s’adresser à Howard et à Samantha pour déclencher la projection d’un nouveau souvenir :

– N’étiez-vous pas tous les deux aussi enthousiastes que moi quand nous avons lancé le projet Carthage ?





* * *





1974.

Une salle de conférences...

De nombreux scientifiques en blouses blanches discutent en s’installant sur les rangées de fauteuils face à la scène...

Howard s’assoit près de ses collègues qui semblent s’interroger sur le motif de cette assemblée générale exceptionnelle réunie par Zander lui-même...

L’un des chercheurs émet l’hypothèse que le fondateur du Black Phenix s’apprêterait enfin à désigner un successeur pour diriger l’organisation après sa mort, mais on lui rétorque que Zander n’acceptera jamais l’idée de mourir, même si aucun des procédés qu’il utilise ne semble plus pouvoir arrêter son vieillissement désormais...

Certains affirment à demi-mot qu’une équipe restreinte préparerait dans les sous-sols du Centre un nouveau projet des plus secrets depuis un certain temps...

On évoque une sorte de « cryogénisation » qui permettrait à Zander de survivre en attendant qu’on trouve le moyen de le « revitaliser »...

Brusquement, les lumières de la salle faiblissent, et sur le grand écran qui surplombe la scène, le symbole du Black Phenix s’enflamme avant de laisser apparaître le visage cadavérique de Zander, entouré des nombreux tubes le reliant à des machines qui le maintiennent en vie...

Derrière sa tête, un support blanc et lisse laisse supposer qu’il est allongé sur une sorte de table d’opération...

Sa voix éraillée envahit la salle alors qu’il souhaite la bienvenue à tous ses fidèles collaborateurs :

– Mes très chers camarades, comme vous le voyez, mon état se détériore, mon corps se dégrade, et je vais bientôt quitter ce monde...


Certains savants échangent un regard aussi surpris qu’intéressé : leur patron va-t-il enfin passer la main ?

– ...Mais rassurez-vous, poursuit celui-ci, je ne serai pas vraiment absent grâce aux découvertes et aux inventions de ma toute dernière recrue : le professeur Waldo Schaeffer...


Un individu en blouse blanche monte sur la scène et salue l’audience qui observe avec étonnement ce nouvel élément pour le moins atypique : il s’agit d’un jeune homme d’une vingtaine d’années aux cheveux ébouriffés portant des lunettes rondes et une petite moustache très en vogue à cette époque.

Tandis que l’image du chef du Black Phenix se réduit dans un coin de l’écran qui montre désormais des sortes d’ondes électriques et d’autres formes abstraites incompréhensibles, Zander poursuit :

– Le professeur Schaeffer est indubitablement le plus brillant des scientifiques que compte cette salle, ce qui n’est pas peu dire, croyez-moi. Son génie ne se limite pas aux mathématiques ou aux sciences physiques et biologiques que vous maîtrisez tous selon vos spécialités ; Schaeffer est en effet à la pointe d’un domaine extrêmement prometteur : l’informatique. Certains d’entre vous le savent déjà : les ordinateurs et les réseaux vont envahir le monde à tous les niveaux dans les décennies à venir. Or, là où le commun des mortels ne verra qu’un amas d’appareils et de câbles électriques permettant d’échanger et de stocker des données, nous serons déjà en mesure de voyager nous-mêmes à travers le réseau et les mondes virtuels qui le composent...


L’écran montre alors un paysage polygonal constitué de structures cubiques incolores. Progressivement, le sol devient vert, le ciel devient bleu, et les gros blocs gris prennent la forme de « bâtiments » aux murs blancs, avec des murailles et des tours semblables à ceux d’une cité antique.

La moitié gauche de l’écran est ensuite recouverte par l’image d’un laboratoire où se trouve une jeune fille aux cheveux roses : Anthéa Hopper, la fille de Zander lui-même, s’allongeant dans une sorte de sarcophage dont le couvercle se referme.

– Voici à présent le processus révolutionnaire que le professeur Schaeffer a baptisé : « virtualisation »...


Sur la scène, Waldo presse des boutons sur sa console de contrôle, puis le caisson contenant Anthéa s’illumine quelques instants avant de se rouvrir, vide, et la surprise des spectateurs se renforce lorsque sur la moitié droite de l’écran, la jeune fille apparaît dans le monde virtuel avec des oreilles pointues comme celles d’une elfe ainsi qu’une étrange robe rose dont certains éléments semblent flotter à la surface de sa peau...

Dans son dos se déploient de longues ailes grâce auxquelles elle s’élève rapidement dans les airs, ce qui ne manque pas de subjuguer ses observateurs...

– Comme vous le voyez, explique Zander sans même attendre que son public se remette de ses émotions, dans cet environnement, les individus disposent de capacités surhumaines. Et plus une personne est extraordinaire, plus ses pouvoirs virtuels seront incroyables...


Des dizaines d’hommes en noir surgissent alors sur les remparts blancs de l’étrange cité numérique au-dessus de laquelle vole Anthéa...

Leurs costumes et leurs armes semblent identiques à leurs équipements du monde réel, et ils se mettent à tirer des rayons laser sur la jeune fille ailée qui esquive habilement leurs multiples faisceaux en laissant une trainée d’énergie rose dans son sillage, tandis que son père poursuit :

– J’ai donc décidé de recruter des individus hors norme afin d’exploiter au mieux leurs capacités dans le monde virtuel...


Anthéa redescend au sol, et à ses côtés apparaissent soudain d’autres jeunes gens virtualisés que Zander présente tour à tour en commençant par le garçon trapu affublé d’une tenue de catcheur rouge à bordures jaunes avec une cape ainsi qu’un tatouage de taureau sur son épaule :

– Jim Moralès, que certains parmi vous connaissent comme « l’agent tout terrain ». Il travaille pour le Black Phenix depuis bien longtemps, tantôt pour tester les programmes de rajeunissement, tantôt pour accomplir des missions périlleuses un peu partout dans le monde ; ayant vécu à lui seul plus d’expériences que n’importe quel explorateur ou aventurier, ses compétences sont trop nombreuses pour être citées.


À côté de lui, un grand maghrébin se tient parfaitement immobile, portant des vêtements blancs avec une large ceinture autour de laquelle sont attachés une arbalète et un sabre d’or courbé :

– Kamel Larbi, reprend Zander. Acrobate dans un cirque le jour, cambrioleur la nuit. Jim l’a rencontré par hasard en forçant les serrures d’un musée, mais contrairement à notre agent chevronné et malgré tous les risques encourus, Kamel ne s’est jamais fait prendre.


La combattante suivante est incroyablement belle dans son justaucorps bleu nuit orné de cristaux :

– Hélène Lhorion, gymnaste de haut niveau. Malgré sa beauté angélique, elle est avide de pouvoir et de grandeur, et son esprit manipulateur lui a permis d’infiltrer les sphères de la haute société pour y causer plus de dégâts qu’une mitrailleuse dans un hémicycle parlementaire.


Un colosse en combinaison de gladiateur rouge avec un bras recouvert de métal jusqu’à l’épaule frotte les lames de ses couteaux l’une contre l’autre :

– Derek Rourk, deux mètres de haut, cent-quatre-vingts kilogrammes sur la balance, une force de la nature. Invaincu dans les arènes de combats clandestins où sa réputation de boucher faisait trembler ses rivaux les plus endurcis.


Contrastant nettement avec l’aspect menaçant de Derek, une jeune fille rousse dont la tenue marron se termine par une queue d’écureuil sautille sur place :

– Marjorie Leconte, portée disparue à l’âge de treize ans au cours d’une simple promenade en forêt, elle s’était en fait enfuie volontairement pour vivre dans la nature où elle a aiguisé ses sens et développé sa résistance naturelle. Il a fallu des jours à nos équipes pour la localiser et la capturer.


En découvrant la dernière personne virtualisée, Howard tombe des nues car il ignorait qu’elle avait été recrutée pour prendre part à ce projet :

– Et enfin, termine Zander, Samantha Knight, la fille de l’éminent professeur Howard Knight que vous connaissez bien. Depuis que son père et elle ont rejoint le Black Phenix, Samantha a suivi de son plein gré le même entrainement que nos meilleurs agents de terrain, pour devenir la plus jeune de nos recrues à atteindre le dernier stade de formation au combat.


Des voix chuchotent dans le public : hormis Jim Moralès, aucun des jeunes individus présentés n’a eu recours aux services des spécialistes des différents procédés de rajeunissement dont dispose le Black Phenix, et mis à part Derek qui approche vraisemblablement la trentaine, les recrues virtualisées paraissent vraiment très jeunes...

– Des adolescents en apparence, confirme le fondateur de l’organisation, mais ne vous y trompez pas : grâce aux compétences qu’ils possèdent dans le monde virtuel, chacun de ces « gamins » virtualisés est plus redoutable que le seraient les soldats les plus aguerris. Mais rien ne vaut une bonne démonstration...


Les hommes en noir postés sur les murailles blanches sautent alors dans la cour pour encercler et mettre en joue les jeunes gens situés au centre, et ceux-ci contre-attaquent aussitôt en se jetant férocement sur leurs adversaires...

Jim attrape ses ennemis qu’il agite comme des pantins en se servant d’eux comme boucliers avant de les projeter violemment sur leurs coéquipiers, Kamel génère un écran de fumée grâce au carreau-fumigène décoché par son arbalète avant de fondre discrètement sur ses proies aveuglées qu’il pourfend avec son sabre, les Tentacristaux d’Hélène la protègent des tirs de ses adversaires qui sont ensuite transpercés par les longs cristaux pointus qu’elle leur lance, Derek court littéralement sur ses victimes qu’il piétine sur son passage en donnant des coups de couteau dans un large rayon autour de lui grâce à son poing de métal qui se détache de son bras auquel il est relié par un câble rétractile, Marjorie bondit d’ennemi en ennemi en donnant des coups de griffes comme un animal sauvage et génère un ours spectral qui combat à ses côtés, et Samantha pulvérise chacun de ses adversaires grâce à ses poings américains surchargés d’énergie tout en se téléportant chaque fois que ses assaillants sont sur le point de l’abattre.

Malgré leur nombre, les hommes en noir sont rapidement éliminés par les impressionnants pouvoirs des jeunes combattants qui s’en sont tous sortis indemnes.

Satisfait de leur performance, Zander reprend son discours :

– Quant à ma fille Anthéa, elle sera au cœur du grand projet qui nous attend...


Celle-ci, qui était restée en retrait durant le combat, tend à présent sa main vers ses coéquipiers pour conférer à chacun d’entre eux une paire d’ailes énergétiques, et les six combattants s’envolent dans les cieux au-dessus de la cité blanche afin de s’éloigner des dangereuses particules d’énergie rose qui apparaissent tout autour d’Anthéa... En quelques secondes, les poussières lumineuses se soulèvent et se réunissent en pétales scintillants qui tourbillonnent autour de leur créatrice, formant une tornade de lumière rose au centre de laquelle la jeune fille s’élève...

Dans la salle de conférence, Waldo pianote sur sa console pour qu’au milieu de l’étrange « ville » aux murs blancs du monde virtuel émerge une sorte de long fauteuil sur lequel Anthéa atterrit, faisant apparaître des écrans transparents autour d’elle...

De son siège s’échappent brusquement des faisceaux de lumière bleue qui se propagent aux alentours, lézardant le sol des « rues » et les façades des « bâtiments » dans toutes les directions, jusqu’à envahir intégralement le paysage à perte de vue...


– ...Et lorsque toutes les infrastructures des grandes puissances militaires dépendront du réseau informatique, termine Zander, nous serons les maîtres du monde réel...


L’écran de la salle montre alors les lettres formées sur les interfaces entourant Anthéa pour révéler le nom donné à ce projet fou : Carthage...

Le visage cadavérique du fondateur du Black Phenix réapparait à l’image tandis qu’il interroge ses subalternes :

– Alors ? Qui parmi vous souhaite prendre part à cette avancée technologique sans précédent dans l’histoire de l’Humanité ?


Plusieurs chercheurs se manifestent aussitôt, dont Howard Knight qui parait aussi emballé que ses confrères.

Zander se réjouit de leur engouement :

– Votre enthousiasme sera récompensé, mes amis. Le monde entier nous appartiendra. Quant à moi, je serai partout pour le voir...


Un couvercle se referme alors sur lui, et les scientifiques comprennent qu’ils se trouvait en fait dans un sarcophage semblable à celui dans lequel était entrée Anthéa.

L’écran affiche à nouveau le monde virtuel, et Zander y apparaît lentement aux côtés de sa fille...

Mais au lieu de son aspect cadavérique, il arbore désormais un visage jeune aux longs cheveux blancs avec des mèches argentées...

Dans sa grande tenue noire aux reflets métalliques ornée de crânes d’oiseaux, et debout sur ses deux jambes pour la première fois depuis de nombreuses années grâce à Waldo Schaeffer, Zander Hopper a retrouvé toute sa vitalité :

– Une nouvelle ère de prospérité commence pour le Black Phenix !





* * *





Dans le Mémorium, les élèves du collège-lycée Kadic sont interloqués après avoir appris que Jim Moralès, leur professeur de sport, a longtemps fait partie du Black Phenix pour qui il a accompli des missions aux quatre coins du monde, ce qui semble indiquer qu’il a peut-être vécu toutes les aventures extravagantes qu’il évoquait avec passion avant de se raviser...

Tout comme Samantha, Jim aurait donc eu recours à des procédés de rajeunissement. Et tout comme elle, il a participé au développement du projet Carthage avec les parents d’Aelita et de Taelia, ainsi que les parents adoptifs de celle-ci, Marjorie et Kamel, sans oublier Hélène, la mère de Sissi qui incarne aujourd’hui Carthage bien que ce rôle était à l’origine celui d’Anthéa...

Howard, qui était resté muet jusqu’à présent car il craignait toujours d’attiser la colère de Zander, tient à clarifier ses intentions cette fois-ci :

– Si j’ai souhaité travailler sur le projet Carthage, affirme-t-il en s’adressant à son ancien maître sur un ton de reproche, c’était seulement pour pouvoir veiller au bien-être de ma fille... Je n’étais même pas au courant que Samantha avait été recrutée pour ce projet... C’était encore un coup en traître de votre part, Zander, une manigance de plus pour parvenir à vos fins sans tenir compte des autres...


Le souverain du Next World le laisse délibérément développer son propos car il sent qu’Howard fait enfin preuve de franchise à son égard, ce qui pourrait permettre d’apprendre des choses très instructives...

– ...Mais vos sombres desseins étaient voués à l’échec, poursuit le vieux scientifique à la peau noire, car vous aviez choisi ces jeunes gens pour leur puissance au combat et non pour leurs qualités humaines... Ainsi, même si la plupart d’entre eux ont fini par tisser des liens, cette brute de Derek s’en prenait sans arrêt à ses propres coéquipiers, tandis qu’Hélène restait glaciale car elle enviait les privilèges d’Anthéa... Et au lieu d’écarter les éléments qui nuisaient à la cohésion du groupe, vous vous êtes séparé de Kamel et de Marjorie car leur relation constituait une faiblesse impardonnable à vos yeux... J’imagine donc que c’est en apprenant que votre fille s’était éprise de Waldo, que vous avez décidé de renoncer à employer des humains trop « instables » pour vous tourner vers les androïdes que nous commencions à fabriquer à cette époque, avant d’envisager de créer des êtres organiques « programmables » qui seraient aussi autonomes que des humains et aussi obéissants que des machines...

– Et tu m’as admirablement épaulé dans toutes ces entreprises... lui rappelle Zander. Si tu n’avais pas essayé de me doubler aujourd’hui, je serais encore persuadé de ton indéfectible loyauté envers le Black Phenix, car durant toutes ces années, pas une seule fois tu ne t’es opposé à moi, contrairement à tous ceux qui ont commis cette grave erreur...


Howard s’apprête à rétorquer qu’il lui était impossible de se dresser contre son maître car celui-ci tenait Samantha sous sa coupe, mais Anthéa prend spontanément la parole pour défendre l’honneur du vieux savant faussement docile :

– Tu te trompes...


Zander se tourne vers elle avec intérêt :

– As-tu quelque chose à me dire ?


La jeune femme aux cheveux roses se reprend car elle ne veut pas compromettre son ami, aussi décide-t-elle de réorienter habilement la discussion :

– Je disais simplement à Howard qu’il se trompait en affirmant que ma liaison avec Waldo t’avait fortement déplu... En réalité, tu en étais ravi, car tu avais hâte que je te donne des petits-enfants... sur lesquels tu pourrais t’adonner à tes expériences sordides...


L’évocation de ce que Waldo et elle avaient découvert suffit à déclencher la projection des souvenirs d’Anthéa tandis que le plafond s’illumine...





* * *





1983.

Des meubles en bois rectangulaires...

Du papier peint à motif floral éclairé par des lampes aux abat-jours coniques jaunes...

Un appartement chaleureux et confortable, malgré l’absence de fenêtres...

Au milieu du salon, penchée sur les deux berceaux dans lesquels dorment côte à côte deux petites filles aux boucles roses âgées d’à peine deux ans, Anthéa fait part de ses inquiétudes à son compagnon qui vient de regagner leur domicile situé dans les sous-sols du Centre :

– Les infirmiers sont encore venus leur faire des piqures... lui confie-t-elle à voix basse. Ils ont prétendu que c’était simplement un rappel de vaccins, mais j’ai bien vu qu’ils leur ont aussi prélevé un peu de sang...

– Ne t’en fais pas, la rassure Franz. Zander ne veut pas que tu sois au courant pour éviter de t’inquiéter inutilement, mais il travaille depuis plusieurs mois sur un nouveau projet de clonage humain, et le sang des jumelles pourrait permettre de mettre en évidence les décalages entre leurs ADN afin de mieux savoir comment manipuler ceux-ci.


Au lieu d’être rassurée, Anthéa est plutôt choquée :

– Mon père utilise nos filles pour ses expériences, et tu n’y vois aucun problème !? se fâche-t-elle en chuchotant pour ne pas réveiller les nourrissons endormis.


Son compagnon prend délicatement ses mains pour l’apaiser :

– Voyons, il ne ferait jamais de mal à ses petites-filles. Les quelques gouttes de sang prélevées sur elles n’impliquent nullement qu’elles seront soumises à des expériences.

– Et si c’était déjà fait ? rétorque Anthéa de plus en plus angoissée par son instinct maternel. S’il avait procédé à notre insu à des expériences dont il observe à présent le résultat via des prélèvements réguliers ?


Franz la serre à présent tendrement dans ses bras comme pour lui prouver qu’il n’est absolument pas inquiet :

– Je n’ai pas oublié notre longue discussion au chalet durant notre lune de miel... lui murmure-t-il calmement. Je sais que tu te méfies de ton père et que tu aimerais qu’on puisse élever nos enfants loin d’ici... Mais je peux t’assurer que si j’avais eu le moindre doute sur les intentions de Zander vis-à-vis de nos filles, j’aurais déjà tout fait pour découvrir ce qu’il nous cache...


La femme aux cheveux roses n’en est pas si certaine :

– Tu es persuadé d’être trop intelligent et trop malin pour te laisser berner par qui que ce soit, mais crois-moi, mon père peut aisément te manipuler sans que tu t’en rendes compte... Tout comme il a manipulé bon nombre de tes collaborateurs avant toi... Sans parler de ceux qui ont disparu du jour au lendemain sans laisser de trace...


Restant serein malgré tout, le scientifique aux lunettes teintées prend sa compagne par les épaules :

– Donne-moi une seule bonne raison de croire que Zander aurait fait quelque chose à nos filles, et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour lever le voile sur ses agissements...


Après un long moment de réflexion, Anthéa lui fait part d’un élément anodin mais néanmoins troublant :

– Quand je retire leurs pansements, les marques laissées par les piqures sont toujours exactement identiques : ou bien Taelia et Aelita ont toutes les deux une petite lésion précisément au même endroit sur leur peau, ou bien il n’en reste absolument aucune trace...


Franz ne s’en étonne pas :

– Elles ont simplement le même rythme de guérison, suggère-t-il. En tant que jumelles monozygotes, leurs métabolismes sont très semblables...


Anthéa décide d’en avoir le cœur net : elle invite donc son conjoint à se lever du canapé pour se pencher avec elle sur les berceaux de leurs filles endormies, et en soulevant délicatement de leurs petits bras les pansements portant encore des traces de sang, les deux parents découvrent avec effroi qu’il ne reste sur la peau de leurs filles aucune trace visible des piqures qu’elles ont pourtant reçues seulement quelques heures plus tôt...

Même en adoptant une posture sceptique, Franz est bien obligé de reconnaître que les séquelles du passage d’une seringue dans l’épiderme ne disparaissent pas si rapidement...

Sans dire un mot, le père de famille va s’asseoir devant son bureau sur lequel trône un volumineux ordinateur personnel grâce auquel il peut poursuivre ses travaux depuis son appartement, et sous le regard inquiet d’Anthéa qui apporte une seconde chaise pour s’installer à côté de lui, le brillant scientifique prend soin de rendre ses opérations « invisibles » avant de s’introduire dans les données protégées de la base du Black Phenix, et plus précisément dans les archives numériques de Zander...

Ce dernier est manifestement très méticuleux : chacun des projets qu’il a conduits, chaque mission effectuée par les agents de son organisation, absolument tout est documenté en détail, et archivé avec différents niveaux de sécurité...

Mobilisant ses incroyables talents en informatique, Franz force rapidement l’ouverture des dossiers auxquels nul n’est censé accéder...

Immédiatement, des images insoutenables lui sautent à la figure...

Des rapports d’expériences menées sur des cobayes humains dans les laboratoires du Centre, mais également dans d’autres centres de « recherche scientifique » tristement célèbres, à commencer par les infirmeries des camps de concentration Nazis où sont morts d’innombrables Juifs ainsi que des Tziganes, des homosexuels et bien d’autres individus considérés comme inférieurs par le Troisième Reich allemand dans son idéologie de « race supérieure »... D’autres photos sont issues de l’Unité 731 où l’armée de l’Empire du Japon a infligé des traitements abominables à des prisonniers chinois ou russes pour développer d’effroyables armes bactériologiques... D’autres encore montrent les goulags de l’URSS où les soviétiques se sont débarrassés de leurs opposants... Certaines images proviennent de lieux sinistres encore méconnus, anciens ou récents, sur tous les continents, où la science a « progressé » au détriment de nombreuses vies humaines considérées comme négligeables...

Anthéa ne peut pas regarder...

Franz continue de chercher...

Des rapports d’entretien avec les dirigeants des pays occidentaux...

Des plans obscurs pour s’emparer de ressources ou de technologies...

Tous les secrets du Black Phenix...

Les documents les plus anciens portant la signature du fondateur de cette sombre organisation remontent au début du XIXème siècle, ce qui laisse supposer que Zander a bien plus de cent-cinquante ans...

Et soudain, Franz découvre les prénoms « Taelia » et « Aelita » dans le rapport d’avancée d’un projet nommé « Zwilling Altern », ou « Vieillissement jumelé »...

Basé en partie sur les travaux du docteur Josef Mengele, un médecin Nazi obsédé par les jumeaux sur lesquels il menait d’horribles expériences au sein du camp d’Auschwitz-Birkenau durant la Seconde Guerre mondiale, le projet « Zwilling Altern » a pour but de lier le vieillissement de Taelia et d’Aelita pour qu’elles se servent mutuellement de « sauvegarde de restauration », ce qui leur permettrait de vivre plus longtemps car les micro-détériorations subies par l’une des deux jumelles seraient corrigées immédiatement grâce au modèle intact que constitue sa sœur...

En comprenant que c’est par ce procédé que les piqures subies par ses filles s’effacent aussi rapidement, Franz réalise que sa compagne avait raison : Zander a fait des expérience sur Taelia et Aelita...

Un détail le laisse néanmoins perplexe :

– Pourquoi a-t-il utilisé nos filles en particulier ? s’inquiète leur père car cela ne peut pas être le fruit du hasard puisque le maître du Black Phenix aurait très bien pu se servir de n’importe quels cobayes pourvu qu’ils soient jumeaux.


Une seule explication s’impose alors :

– Parce qu’elles sont ses descendantes... devine Anthéa avec effroi. Il doit mener cette expérience sur des personnes qui ont suffisamment d’ADN en commun avec lui, pour pouvoir bénéficier lui-même des résultats ensuite...


Épouvanté à l’idée que Zander manipule ainsi les membres de sa propre famille, Franz se rappelle soudain un détail qui lui fait froid dans le dos : lorsque l’échographie de sa femme enceinte avait révélé qu’elle attendait des jumelles, celle-ci avait confié à son mari qu’elle craignait de perdre l’une des deux enfants car sa propre mère, Aurore Hopper, lui avait autrefois raconté qu’Anthéa aurait dû avoir une sœur jumelle mais que celle-ci n’avait pas survécu à l’accouchement...

– Quel était... balbutie le scientifique qui appréhende ce qu’il risque de découvrir. Quel était le prénom de la seconde fille que ta mère aurait dû avoir ?


Anthéa s’étonne brièvement de cette question, avant d’en comprendre la portée...

Interloquée, la femme aux cheveux roses finit par murmurer :

– Elle l’aurait appelée « Athéna »...


Franz approfondit aussitôt ses recherches en ciblant ce prénom, et découvre l’impensable : Zander avait bel et bien fait en sorte que la mère d’Anthéa donne naissance à des enfants jumeaux, mais cela avait entrainé des complications qui coûtèrent la vie à l’une des deux filles à naître... Or, Aurore Hopper travaillait pour le Black Phenix en tant que biochimiste, et elle ne tarda pas à découvrir que son conjoint était en fait responsable du drame qui lui était arrivé : non seulement le processus destiné à forcer la double naissance l’avait rendue stérile, mais en plus, l’une des deux filles obtenues n’y avait pas survécu... Meurtrie dans sa chair, la douce femme en deuil devint presque aussi machiavélique que son mari lorsqu’elle trouva le moyen de se venger de lui : tenter de l’assassiner était voué à l’échec car il disposait de toutes les techniques possibles et imaginables pour se maintenir en vie quoi qu’il arrive, mais la scientifique rusée lui administra discrètement une solution chimique dont les effets invisibles ne lui seraient révélés qu’à long terme... Et c’est en réessayant de procréer pour engendrer une nouvelle paire de descendants jumeaux que Zander découvrit que sa compagne l’avait rendu stérile à son tour afin qu’il ne puisse plus jamais se reproduire... Une trahison impardonnable qui valut à Aurore d’être exécutée, tandis que le maître du Black Phenix devait désormais attendre que sa fille unique soit en âge d’enfanter avant de pouvoir répéter sur elle ses sombres expériences...





* * *





Dans le Mémorium, les prisonniers sont horrifiés par les souvenirs des découvertes qu’avaient faites Anthéa et Waldo ce soir-là...

– Dorénavant, toutes les personnes que tu as réunies ici savent ce que tu as fait... déclare froidement la femme aux cheveux roses à son père. Sans jamais m’en parler, tu t’étais arrangé pour que je donne naissance à des jumelles quitte à me rendre infertile, tout comme tu l’avais fait avec maman, sauf que sa seconde fille n’avait pas survécu... Et quand elle t’a stérilisé pour te punir de ce que tu lui avais fait, tu l’as assassinée... Mais ta cruauté ne s’arrête pas là : si ma sœur avait vécu, tu nous aurais ensuite tuées toutes les deux en prélevant sur nous le fruit de tes expériences... tout comme tu comptes exécuter Taelia et Aelita dès que tu seras en mesure de leur reprendre ce que tu as investi en elles...


S’il était déjà clair que le fondateur du Black Phenix mettait tout en œuvre pour atteindre ses objectifs, ses « invités » savent désormais que leur hôte est prêt à sacrifier impitoyablement des êtres humains pour y parvenir, y compris les membres de sa propre famille...

– Tu es toujours dépassée par les ambitions que je poursuis, rétorque Zander éternellement déçu par sa fille unique. Quelques vies humaines ne sont rien face au rêve qui anime les grands esprits de notre civilisation depuis que les hommes convoitent les pouvoirs des dieux : l’immortalité. Et je compte bien être le premier à atteindre ce privilège. S’il me faut des descendants jumeaux pour y parvenir, je force leur naissance. Si les premiers essais échouent, je recommence jusqu’à réussir. Et si quelqu’un se met en travers de ma route, je l’élimine...


Franz émet alors un rictus, et Zander l’interpelle aussitôt :

– Quelque chose t'amuse, Waldo ?


Le créateur de Lyoko finit par lui répondre :

– Je crois que je commence à comprendre pourquoi tu cours après l’immortalité : malgré tous les cadavres que tu as déjà semés derrière toi, il te faudra un temps infini si tu souhaites vraiment éliminer chaque personne qui se dresse contre toi, et chaque collaborateur qui t’a un jour trahi...


Alors qu’il a capturé Kamel, Marjorie, Howard, Samantha, Anthéa, et Franz, autrement dit toutes les personnes encore en vie qui ont trahi son organisation d’une façon ou d’une autre, le maître du Black Phenix plisse les yeux en suspectant son ancien employé d’insinuer qu’un traître lui échappe encore :

– Chercherais-tu à prétendre que Jim Moralès serait moins idiot qu’il en a l’air ? questionne Zander qui n’a jamais pris la peine d’emprisonner « l’agent tout-terrain » qu’il méprisait pour sa maladresse évidente. Il vous aurait donc permis de vous enfuir délibérément et non par mégarde comme à son habitude ?


Prêt à lui dévoiler enfin la vérité sur ce qui s’est passé la nuit où son épouse et lui se sont enfuis, le père d’Aelita s’esclaffe :

– Tu crois toujours que c’est grâce à Jim que nous avons pu quitter le Centre ce soir-là ?





* * *





1983.

Le même soir, le même appartement...

Un sac à dos et un sac à main...

Le strict nécessaire pour emporter le minimum vital...

Franz replie l’écran d’un ordinateur portable extrêmement puissant malgré sa taille compacte...

Grâce à cette merveille technologique, l’informaticien a pu dérober depuis son logement l’interface Carthage qu’il développait pour le Black Phenix...

Par précaution, le professeur Schaeffer a également sauvegardé dans sa machine les codes d’accès de l’un des satellites que possède l’organisation afin de pouvoir garder discrètement un œil sur ses poursuivants, au cas où ceux-ci parviendraient à retrouver sa trace...

Et pour retarder l’alerte qui sera donnée dès que Zander découvrira la fuite de sa fille et de son gendre, ce dernier a pris soin de pirater les caméras de surveillance ainsi que la sirène d’alarme du Centre pour l’empêcher de se déclencher...

Franz range l’ordinateur dans son sac à dos et serre son épouse contre lui :

– Tu veux toujours le faire ? lui murmure-t-il.

– Il le faut... répond-elle la gorge nouée.


Ayant pris leur lourde décision et préparé leurs maigres bagages, les jeunes parents s’apprêtent à prendre leurs filles endormies dans leurs berceaux, quand soudain, quelqu’un frappe à la porte de l’appartement...

Anthéa est tétanisée, mais son mari conserve son sang froid en cachant leurs sacs dans un placard avant d’ouvrir la porte :

– Bonsoir... les salue Howard à voix basse. Pardon de vous déranger, pourrais-je entrer un instant ? Il faut absolument que je vous parle de quelque chose...

– Bien sûr, accepte calmement Franz en l’invitant à s’avancer dans le salon avant de refermer la porte derrière lui. De quoi s’agit-il ?


Le vieil homme noir leur explique alors la raison de sa venue :

– Je sais que vous vous êtes introduits dans les données de Zander... leur révèle-t-il. Je sais que vous avez volé Carthage et que vous vous apprêtez à vous enfuir...


La jeune femme aux cheveux roses est catastrophée, mais leur étrange visiteur la rassure aussitôt :

– Ne vous en faites pas, j’ai pris soin d’effacer vos traces pour vous faire gagner du temps et éviter que Zander découvre votre forfait...


Franz s’apprête à lui demander pourquoi il souhaite les couvrir au lieu de les dénoncer, quand Howard leur tend un étrange objet dont émane une lueur surnaturelle :

– Si vous le voulez bien, j’aimerais que vous emportiez ceci avec vous...

– C’est le Xénoformeur ? devine Franz en voyant sa compagne saisir fébrilement le précieux artefact dont il avait entendu parler sans jamais avoir pu l’approcher.

– L’intarissable source d’énergie du Black Phenix... confirme son confrère qui avait lui-même remis ce mystérieux appareil à Zander, avant de le regretter en découvrant ce que celui-ci préparait dans ses laboratoires...


Ne voulant pas s’attarder en leur compagnie, Howard se dirige vers la sortie de leur appartement quand Anthéa l’interpelle :

– Howard... Mon père va être fou de rage quand il découvrira ce qu’on a fait... Peut-être feriez-vous mieux de quitter cet endroit pendant qu’il en est encore temps...

– Impossible, répond-il tristement. Je dois rester ici pour veiller sur ma fille...

– Mais Samantha est complètement dévouée au Black Phenix, insiste la jeune femme aux cheveux roses, elle vous dénoncera elle-même si elle découvre que vous nous avez aidés...

– Probablement... se lamente le vieil homme. Je n’ai pas su l’empêcher de tomber sous l’influence de Zander... Mais quoi qu’il arrive, je ne l’abandonnerai pas... Maintenant, dépêchez-vous de rejoindre la porte extérieure et de quitter le Centre, car pour ne pas éveiller les soupçons, je vais moi-même informer Zander qu’une intrusion a été détectée dans ses données protégées...


Howard s’éclipse enfin, et dans la minute qui suit, Franz et Anthéa sortent du bâtiment calmement en portant leurs filles dans leurs bras comme pour aller faire une petite promenade...

La peur au ventre mais l’air de rien, les jeunes époux discutent à voix basse pour répéter le plan d’action échafaudé par Franz : un taxi les attend actuellement, phares éteints, dans le chemin de terre parallèle à la route qui part du Centre. Une fois que cette voiture les aura conduits assez loin, ils devront se séparer car les deux petites filles jumelles qu’ils portent les rendent trop facilement identifiables, et chacun des deux parents devra donc partir de son côté avec l’une d’elles s’ils veulent avoir une chance d’échapper aux recherches qu’entreprendra Zander pour les retrouver. Anthéa est particulièrement angoissée à l’idée que leur famille se divise pour prendre deux directions différentes, mais elle reconnait que Franz a raison : Zander ne s’attendra pas à ce qu’ils se séparent au lieu de rester ensemble quoi qu’il arrive. La mère des jumelles partira donc avec Taelia et le Xénoformeur que leur a confié Howard, tandis qu’Aelita ira avec Franz transportant pour sa part l’interface Carthage qu’il a lui-même subtilisée. Chacun des deux époux devra ensuite se réfugier dans un lieu de son choix sans en faire part à l’autre, et ils ne pourront avoir aucun contact entre eux pendant au moins dix-huit mois afin d’être sûrs de ne pas avoir été repérés. S’ils sont toujours libres après ce délai, ils pourront se rejoindre dans un sanctuaire qu’ils connaissent tous les deux : le chalet en Suisse qui appartenait à la mère d’Anthéa et où ils ont passé leur lune de miel lorsque la jeune femme aux cheveux roses était enceinte de Taelia et d’Aelita...

Mais alors qu’ils s’apprêtent à passer le portail pour quitter discrètement l’enceinte du Centre, la présence d’un garde effectuant sa ronde de surveillance les retarde, et ils doivent attendre que celui-ci s’éloigne...

Lorsqu’ils atteignent enfin la sortie, leurs badges ne fonctionnent pas, et la porte reste fermée...

Pour les deux fugitifs angoissés, cela ne peut signifier qu’une seule chose : Zander est au courant de leur fuite, et ils vont être arrêtés...

– Je peux savoir où vous allez ? leur demande une voix féminine dans leur dos.


Les jeunes parents surpris se retournent et découvrent Hélène, qu’ils n’ont pourtant jamais croisée lors de leurs courtes marches à l’extérieur.

– Nous comptions nous promener en famille comme tous les soirs, prétend calmement Franz, mais la porte semble avoir un problème aujourd’hui... Pourrais-tu essayer avec ton propre badge pour voir si cela fonctionne ?


Le regard glacial que leur adresse leur coéquipière du projet Carthage ne laisse malheureusement pas de place au doute : elle sait qu’ils sont en train de s’enfuir...

Pourtant, à leur grande surprise, Hélène leur tend un badge eu leur donnant un conseil :

– Si vous ne savez vraiment pas où aller, vous pourrez toujours trouver refuge au collège Kadic. Le proviseur est un ami, dites-lui simplement que vous venez de ma part.


Franz saisit le badge avec méfiance et découvre que c’est en fait celui de l’agent Jim Moralès, dont le niveau d’accréditation au sein du Black Phenix est bien supérieur aux leurs...

L’informaticien utilise immédiatement cette carte pour déverrouiller la porte et quitter les lieux avec Anthéa et leurs deux filles, laissant tomber derrière eux le badge volé par Hélène à ce pauvre Jim qui se retrouvera accusé à sa place...






* * *





Dans le Mémorium, Zander se retourne lentement vers Hélène en la foudroyant du regard...

Après un silence pesant, l’effrayant homme aux longues ailes noires finit par esquisser un sourire en demandant à sa subalterne :

– Ce n’était pas par charité, n’est-ce pas ?


Les prisonniers cherchent à comprendre le sens de cette question à laquelle Hélène finit par répondre avec sa voix dénuée d’émotions :

– Anthéa avait le privilège d’être ta fille, concède-t-elle sur un ton égal, mais j’étais meilleure qu’elle en tout point. Je méritais de devenir Carthage. Mon dévouement était sans faille, tandis qu’elle ne cessait de te tourner le dos. Tu as accepté de me confier les pouvoirs de Carthage seulement pour la durée du « congé de maternité » d’Anthéa, mais tu les lui aurais restitués ensuite. Même en découvrant qu’elle avait essayé de s’enfuir, tu l’aurais toujours favorisée. Alors j’ai dû écarter ma rivale afin de prendre sa place. C’est uniquement pour cette raison que je leur ai permis de quitter le Centre ce soir-là. C’était le seul moyen pour que tu m’accordes enfin le rôle qui me revenait de droit. Seulement, j’ignorais que Waldo avait emporté l’interface Carthage avec lui...


Sans cesser de sourire, Zander passe lentement sa main aux griffes métalliques noires autour du cou d’Hélène qui s’efforce de rester impassible malgré les serres acérées qui entourent sa gorge :

– Je n’ai jamais trahi le Black Phenix, affirme-t-elle catégoriquement. Je suis une meilleure Carthage qu’Anthéa ne l’a jamais été.


Son maître retire tout doucement sa main, avant de l’abattre brusquement contre la joue d’Hélène d’un violent revers qui la projette contre le mur de la salle, lui arrachant un gémissement de douleur...

Les prisonniers tressaillent sur les sièges en ressentant les Tentacristaux se resserrer sur eux, puis Hélène se relève, impassible, tenant à manifester une fois encore sa dévotion à Zander malgré le coup qu’il vient de lui infliger.

Le souverain du Next World s’avance vers elle et lui caresse la joue, avant de reprendre sereinement de sa voix d’outre-tombe :

– Ne t’inquiète pas, je sais reconnaître ta loyauté... Je n’ai pas oublié tout ce que tu as fait pour notre cause... Mais dis-moi, si tu ne voulais pas qu’Anthéa revienne, pourquoi m’as-tu dit où je pourrais la trouver ?


Les Lyoko-guerriers sont interloqués par cette révélation, tandis qu’Hélène réfléchit avant de répondre :

– ...Non, cette fois-là, c’était seulement un coup de chance, ou de malchance selon le point de vue. Je ne voulais pas voir Anthéa revenir au Centre pour me reprendre ma place dans le projet Carthage, mais après sa fuite tu étais furieux contre tous tes collaborateurs et je devais donc te témoigner ma loyauté en t’indiquant au moins un endroit où Waldo et Anthéa pouvaient se cacher avec leurs filles. Je ne me doutais pas qu’ils seraient assez stupides pour se rendre dans ce chalet en Suisse...

– Le chalet était un lieu sûr ! rétorque Anthéa furieuse contre elle. Si tu ne lui en avais pas parlé, ce refuge ne lui serait jamais venu à l’esprit car il n’y a jamais mis les pieds ! Ma mère m’y emmenait en vacances quand j’étais enfant, loin des tourments du Black Phenix, parce qu’elle savait que son mari ne chercherait même pas à l’y accompagner puisqu’il ne pouvait pas s’absenter de ses fonctions et encore moins affronter un climat aussi froid vu son état de santé... C’était un sanctuaire loin des technologies, et donc loin de son emprise... Un havre de paix, à l’abri de son esprit malfaisant...


Zander répond à sa fille :

– Et pourtant, tu craignais que je finisse tout de même par penser à ce chalet, aussi as-tu pris la précaution de ne pas y emmener Taelia lorsque tu as rejoint Waldo et Aelita pour fêter Noël en famille...


L’évocation de leurs retrouvailles après leur longue séparation déclenche immanquablement la projection des souvenirs réveillés chez Anthéa...






* * *


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Nelbsia MessagePosté le: Lun 17 Aoû 2020 20:01   Sujet du message: Répondre en citant  
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* * *






1985.

Des montagnes enneigées...

Un chalet éclairé...

Noël...

La petite Aelita ouvre son cadeau sous le sapin : une poupée en forme de lutin, que son père lui propose d’appeler « Monsieur Pück »...

Elle a l’air si heureuse avec ses deux parents... Elle ignore tout de leurs préoccupations...

Vient l’heure d’aller jouer dehors...

Tandis que leur enfant enjouée fait rouler une petite boule de neige pour la faire grossir, Franz envisage l’avenir avec Anthéa...

Le brillant informaticien révèle à sa compagne qu’il est en train de concevoir un nouveau monde virtuel pour y cacher l’interface Carthage :

– Avec assez de temps, poursuit l’homme en anorak jaune, nous pourrions même envisager d’utiliser Carthage contre le Next World...


Anthéa reste méfiante :

– Empêcher mon père de nous retrouver est déjà un exploit, chercher à l’affronter serait de la folie. Et malgré les précieux éléments dont nous avons privé le Black Phenix en nous enfuyant, le projet Carthage n’a sûrement pas été abandonné en notre absence...

– Ils ne sont pas près de réussir à reprogrammer l’interface Carthage sans mon aide, affirme Franz. Et comme tu possédais les pouvoirs de Carthage avant qu’Hélène en hérite, je suis persuadé que je pourrais te rendre à nouveau capable d’utiliser l’interface que nous détenons, ce qui nous donnera un avantage sur nos ennemis...

– Et après ? rétorque la jeune femme excédée. Comment espères-tu vaincre le Black Phenix tout entier ? Simplement en lui volant des données numériques ?


Son conjoint finit par lui révéler son véritable plan :

– En détruisant le Next World, et Zander avec.

– Quoi !?

– Si on parvient à éliminer ton père avant qu’il trouve le moyen de revenir dans le monde réel, son organisation s’effondrera.

– C’est impossible... réplique Anthéa atterrée. Il sait très bien que tant qu’il est condamné à demeurer dans le Next World pour rester en vie, son monde virtuel ne doit jamais tomber... Il a donc veillé à ce que le Next World soit pratiquement indestructible, et qu’à l’intérieur de ce monde, sa puissance surpasse toutes les autres... Même Carthage ne suffira pas à l’abattre...

– Sauf si on possède une source d’énergie assez gigantesque pour réduire le Next World à néant...


Anthéa est à nouveau stupéfaite en comprenant la stratégie proposée :

– Tu veux virtualiser le Xénoformeur et l’utiliser pour annihiler le monde virtuel de mon père ?


Le scientifique hoche la tête :

– Ce sera peut-être notre unique chance de nous débarrasser définitivement de Zander et du Black Phenix...


Après un long silence de réflexion et d’appréhension, la jeune femme aux cheveux roses finit par répondre dans un soupir :

– Sincèrement, je pense qu’on ferait mieux de laisser tomber... Je voudrais partir loin de tout ça... Pouvoir vivre tranquillement, juste nos filles, toi, et moi... On pourrait... On pourrait démarrer une nouvelle vie à l’étranger... Au Japon par exemple...


Prenant lui aussi son temps pour évaluer leurs options avant de s’exprimer, Franz comprend qu’Anthéa n’est pas prête à affronter son père :

– Tu as sans doute raison, finit-il par admettre. Je ne devrais pas m’entêter à vouloir anéantir nos ennemis au risque de perdre notre liberté et nos enfants. Mais j’aimerais néanmoins savoir : qu’as-tu fait du Xénoformeur ? L’as-tu apporté avec toi par hasard ?

– Non, je l’ai laissé chez Marjorie et Kamel, et crois-moi, il est bien caché.

– Je n’en doute pas, opine son mari. Cependant, les rayonnements qu’il emet le rendent localisable même à travers la matière, donc quand tu iras chercher Taelia, j’aimerais que tu récupères aussi le Xénoformeur et que tu me l’apportes afin que je le cache dans mon monde virtuel.


Anthéa se méfie aussitôt :

– Waldo, je te préviens, si tu cherches à t’en servir pour attaquer le Black Phenix...


Franz l’assure aussitôt de ses bonnes intentions :

– Je te promets que si nous parvenons à nous installer à l’étranger sans être inquiétés, je ne ferai rien qui puisse compromettre notre tranquillité. Mais quoi qu’il arrive, le Xénoformeur ne doit jamais retomber entre les mains de Zander, sinon plus personne ne pourra l’arrêter. Alors si par malheur ton père nous retrouve et nous interroge au sujet de cet artefact que nous lui avons volé, nous devrons absolument le persuader que nous ne savons absolument rien à ce sujet.

– Mais si mon père croit que nous n’y sommes pour rien, frémit la jeune femme en parka bordeaux, il va forcément soupçonner Howard...


Malgré tout le respect qu’il a pour le vieux scientifique noir qui a couvert leur fuite, Franz se soucie assez peu de son sort :

– Howard connaissait les risques encourus lorsqu’il a décidé de dérober le Xénoformeur et de nous le confier. J’espère seulement que si jamais les soupçons se reportent sur lui, il soit déjà loin ou déjà mort...


Comprenant qu’il vient de choquer son épouse en tenant des propos aussi crus, l’homme aux lunettes teintées s’empresse de préciser sa pensée :

– Si Howard nous a demandé d’emporter le Xénoformeur, c’est parce qu’il se sentait coupable de l’avoir offert à Zander, et il était désormais prêt à faire le nécessaire pour réparer son erreur. Alors si nous sommes capturés, nous ne devrons pas chercher à dédouaner Howard, mais plutôt nous contenter de prétendre que nous ne sommes absolument pas au courant de quoi que ce soit concernant cet appareil...


Anthéa sait que Franz a raison et que son père ne doit plus jamais s’emparer du Xénoformeur, mais elle ne peut se résoudre à abandonner Howard au sort effroyable qui l’attend si jamais Zander découvre la vérité :

– Et si l’un de nous deux seulement est capturé ? suggère-t-elle. Ne pourrait-on pas alors prétendre que celui de nous deux qui est toujours libre avait dû dérober le Xénoformeur sans en parler ? De cette manière, on éviterait à Howard d’être soupçonné immédiatement, ce qui lui laisserait assez de temps pour tenter de s’enfuir...


Franz voit bien qu’il ne pourra pas empêcher sa femme de vouloir intercéder en faveur d’Howard :

– Quoi que tu décides de faire, conclut-il gravement, ne laisse pas ton père récupérer le Xénoformeur. Oriente ses soupçons vers qui tu veux, mais avant tout, persuade-le que tu ne sais rien...


À quelques mètres de ses deux parents qui discutent à voix basse, Aelita est fière de la volumineuse boule de neige qu’elle vient de former devant elle :

– T’as vu maman ? demande la petite fille émerveillée.

– Oui, ne t’éloigne pas trop ma chérie ! lui recommande sa mère en souriant.

– Bravo mon ange ! la félicite son père pour l’encourager.


Les époux attendris observent en silence leur enfant qui joue dans la neige avec insouciance...

Avançant parallèlement à Aelita qui continue de pousser sa boule pour la faire grossir, Anthéa regarde en direction des arbres recouvrant le flanc de la montagne :

– Quand j’étais petite, des loups vivaient dans ces bois et venaient parfois jusqu’au chalet pour que ma mère leur donne de la nourriture... En partageant nos repas avec eux, nous avions gagné leur confiance, et je pouvais alors me promener sans danger parmi la meute...


Franz l’écoute en silence, observant les arbres au loin pour tenter d’apercevoir des animaux sauvages, tandis que sa femme scrute l’horizon avec lui sans vraiment s’attendre à voir revenir ses « amis d’enfance » :

– C’était il y a bien longtemps, conclut-elle avec un sourire nostalgique. Si des loups vivent encore ici aujourd’hui, ils sont sans doute moins habitués à fréquenter des humains...


Soudain, son mari lui fait signe de se taire, comme s’il avait perçu un son inquiétant...

Figée face à lui, Anthéa reste muette jusqu’à ce qu’il finisse par s’expliquer en chuchotant :

– J’ai entendu un bruit de moteur... affirme-t-il avec effroi.

– Tu en es sûr ? s’alarme sa femme.


Même si ce son s’est subitement arrêté, Franz hoche lentement la tête.

Personne ne viendrait ici par hasard. Personne ne couperait le moteur de son véhicule avant d’arriver au chalet, à moins de vouloir surprendre ses occupants.

Anthéa se retourne :

– Aelita ?... commence-t-elle à paniquer en découvrant que sa petite fille a échappé à leur surveillance en s’enfonçant dans les bois. Aelita !?

– Retrouve-la ! Je vais chercher la voiture ! s’exclame son compagnon en courant vers le chalet.


Mais en pénétrant dans le salon pour y récupérer les clés de son véhicule, le scientifique tombe nez à nez avec un homme en noir qui le menace de son pistolet...


Au milieu des bois, la petite fille aux cheveux roses qui a poussé sa boule de neige beaucoup plus loin que ses parents ne l’auraient imaginé n’entend pas les lointains appels que lui lance sa mère, car des hurlements d’animaux résonnent soudain près d’elle...

L’enfant apeurée observe les alentours et voit subitement un énorme loup qui s’avance dans la clairière où elle se trouve...

– Maman...? Papa...? demande-t-elle craintivement sans pouvoir détacher son regard des grands yeux jaunes de la bête sauvage qui se met à grogner...


Mais la petite fille pétrifiée réalise que l’animal n’en a pas après elle : il fixe en fait les deux hommes en noir qui sont arrivés silencieusement derrière Aelita...

– C’est une de leurs gamines... déclare le plus trapu des deux à son collègue. Si on l’attrape, ils n’auront pas d’autre choix que de nous suivre...


En suivant la trace de la grosse boule de neige que sa fille faisait rouler, Anthéa la retrouve enfin, tétanisée derrière le loup qui montre les crocs pour protéger l’enfant des deux sinistres individus venus l’enlever...

Lorsque les hommes du Black Phenix décident de sortir leurs armes pour abattre l’animal, la jeune femme s’interpose car elle sait qu’ils n’oseront jamais ouvrir le feu sur elle :

– Si mon père apprend que vous avez voulu me tirer dessus... les menace-t-elle pour qu’ils renoncent.

– Où est votre mari ? l’interroge l’un des deux hommes.


Soudain, un bruit de moteur en marche retentit tout près d’eux, et par-delà les arbres qui bordent la route menant au chalet, on distingue la voiture de Franz qui passe à toute vitesse :

– Il s’enfuit ! réalise le gorille à la gachette facile qui se met à tirer sur le véhicule.

– Non !! panique Anthéa en voyant la voiture de son mari foncer tout droit et s’écarter de la piste au premier virage avant de tomber dans le ravin...


Profitant de la stupéfaction de la jeune femme, le collègue de l’homme qui a tiré se jette sur elle pour l’attraper fermement par les poignets en s’adressant à son coéquipier déboussolé :

– Oublie la gamine ! Il faut qu’on aille voir si Schaeffer est vivant !


Anthéa est alors trainée de force jusqu’à un 4x4 dans lequel elle est embarquée contre son gré, tandis que sa fille a faussé compagnie au loup pour rattraper sa mère :

– Aelita !! s’écrie sa génitrice impuissante en l’apercevant par la vitre arrière.

– Maman ! Mamaaaaaan !! hurle l’enfant en courant aussi vite qu’elle peut après le véhicule, mais celui-ci s’éloigne puis disparait, et la petite fille tombe dans la neige...


Lorsqu’elle se redresse en sanglotant, sa maman a disparu.

Les grognements du loup se font entendre à nouveau : celui-ci a continué de suivre Aelita, et il voit à présent une nouvelle silhouette fondre sur elle...

Par bonheur, l’homme qui s’approche de l’enfant n’est autre que son père : portant des traces de lutte sur son visage ainsi que sur son anorak jaune, Franz glisse silencieusement vers sa fille grâce aux skis qu’il a chaussés juste après avoir démarré et poussé sa voiture dans la descente pour faire croire qu’il se trouvait à bord...

– Papa ? s’étonne la petite fille en s’essuyant les yeux.

– Tout va bien ma chérie, je suis là... la rassure-t-il en lui tendant sa poupée.


Aelita serre Monsieur Pück contre elle, son père la porte dans ses bras, puis ils descendent dans la vallée en faisant du hors-piste à travers les bois afin de ne pas être repérés.






* * *





Dans le Mémorium, l’année indiquée passe soudain de 1985 à 1986 au moment où le souvenir de la disparition d’Anthéa laisse place à d’autres souvenirs déclenchés : Taelia, aussi jeune qu’Aelita jouant dans la neige, est assise sur un canapé parmi d’autres enfants un peu plus âgés qu’elle. Ils regardent la télévision dans un petit salon chaleureux, entourés d’animaux de compagnie dont certains s’attaquent aux guirlandes du sapin de Noël.

Captivée par le programme diffusé à l’écran, Taelia ne remarque pas que derrière le bar qui surplombe le canapé où ses camarades et elle sont assis, Marjorie et Kamel l’observent avec tristesse. Ils se sont enfin décidés à ouvrir l’enveloppe qu’Anthéa leur avait laissée au cas où elle ne reviendrait pas de son séjour en Suisse, et les papiers que contenait ce pli sont en fait des documents d’adoption pour Taelia.

– Il faut qu’on la retrouve et qu’on la secoure ! chuchote Marjorie qui ne peut pas se résoudre à perdre son amie, et encore moins à devoir expliquer à la petite Taelia que sa maman ne reviendra pas.


Kamel a mieux interprêté le message laissé par la femme qu’ils hébergeaient :

– Nous ne pouvons rien faire pour elle, explique-t-il à sa compagne en tâchant de la résonner. Anthéa savait qu’en rejoignant Waldo, le Black Phenix risquait de les retrouver et de les capturer. Si elle nous a confié Taelia avec des papiers d’adoption, c’est justement pour que, dans le cas où elle se ferait prendre, on puisse s’occuper de sa fille...


Malgré toute sa peine, Marjorie sait que son conjoint a raison : ils ne peuvent pas s’en prendre au Black Phenix car ils mettraient alors leur propre famille en danger...



Insensible à ces détails, Zander interrompt ce souvenir :

– Ne nous éparpillons pas, conclut-il abruptement avant de se retourner vers le père des jumelles. Waldo, qu’as-tu fait après avoir si habilement échappé à mes hommes au chalet ?


Franz le foudroie du regard, comme si la rage qu’il avait éprouvée suite à la capture d’Anthéa était toujours en lui :

– Je suis rentré à Paris pour terminer ce que j’avais commencé...


Tandis que l’indicateur temporel oscille entre la fin des années 1980 et le début des années 1990, de nouvelles images défilent au plafond, montrant le brillant informaticien qui travaille d’arrache-pied à l’élaboration de son propre monde virtuel...

– J’avais fini par admettre que, où que l’on se cache, même à l’étranger, ton organisation maudite finirait toujours par nous retrouver... Et finalement, le seul endroit où nous pourrions être en sécurité, c’était le monde virtuel que j’étais en train de concevoir...


L’écran hémisphérique montre à présent l’interface Carthage isolée dans une pièce sombre, au-dessus de laquelle se dresse soudain une tour blanche, bientôt entourée par d’innombrables blocs bleutés en pagaille formant à eux tous une immense sphère autour de laquelle gravitent quatre vastes environnements de différentes couleurs : les territoires de surface.

– En souvenir du rêve qu’Anthéa avait formulé, celui de partir s’installer au Japon pour y vivre en paix avec nos filles, j’ai baptisé mon monde : « Lyoko »...


La massive planète virtuelle apparait enfin dans son intégralité, flottant dans les profondeurs des eaux numériques du Réseau mondial...

– Mais je savais que tôt ou tard, ta conquête de l’univers virtuel pourrait finir par nous menacer jusque dans ce refuge que j’avais construit... Alors pour protéger mon monde contre d’éventuelles invasions à venir, j’ai créé un programme plus puissant que tous les combattants virtuels que tu pourrais réunir... un programme conçu pour surpasser Carthage elle-même... un programme encore plus dangereux que toi...


Les images des paysages de Lyoko s’assombrissent... Une fumée aussi épaisse qu’obscure se répand à une vitesse vertigineuse à travers les quatre territoires, faisant apparaître dans son sillage les premiers monstres qui peupleraient les différents environnements...

– Aveuglé par la haine que je vouais au Black Phenix, j’ai réalisé très tard que Xanadu risquait de devenir une menace bien pire encore...


L’architecte de Lyoko apparait en train de pianoter frénétiquement sur son clavier pour lutter contre son propre programme, en commençant par le scinder en deux entités distinctes : Xilune et Xana...

Fasciné par les œuvres de son ancien employé, Zander soupire :

– Ah, Waldo... Imagine tout ce que tu aurais pu accomplir durant toutes ces années si tu avais continué de travailler pour moi au lieu de t’enfuir...


Franz est écœuré par l’arrogance du chef du Black Phenix :

– Comment oses-tu dire ça après tout le mal que tu as fait à notre famille ?... Aelita et Taelia n’étaient que des enfants, et tu les as privées de leur mère pendant plus de vingt ans...

– Seulement parce que tu nous as échappé, précise Zander avec cynisme. Une fois que nous avions capturé Anthéa, il te suffisait de revenir au Centre avec tes filles pour que toute la petite famille soit réunie comme avant. Au lieu de cela, tu as laissé Marjorie et Kamel élever Taelia, et je devine que tu as aussi négligé Aelita car tu étais trop occupé par le développement de ton propre monde virtuel, tandis qu’Anthéa était seule au Centre. Si seulement tu avais pu voir sa souffrance, tu aurais réintégré le Black Phenix de ton plein gré.


Des couleurs ternes apparaissent subitement au plafond, car l’un des protagonistes se souvient de la solitude qui avait dévoré Anthéa après sa capture, et dans laquelle elle aurait fini par sombrer...






* * *





1988.

L’appartement d’Anthéa dans les sous-sols du Centre...

Vivant désormais seule dans ce logement où elle reste alitée, la jeune femme aux cheveux roses est au plus mal...

L’image se brouille avant de montrer Howard qui contacte Zander pour lui faire part de la dégradation de la santé de sa fille, mais le souverain du Next World ne le prend pas au sérieux :

– Eh bien faites-la rajeunir de quelques années, rien de tel pour retrouver la santé. Et intégrez-là à un nouveau projet, ça lui changera les idées.

– Écoutez, insiste Howard, ce n’est peut-être pas votre cas, mais quand un parent perd ses enfants, c’est sa propre énergie vitale qui est touchée. Si vous retirez des chiots à leur mère, elle cessera de s’alimenter et se laissera dépérir.

– Dans ce cas, répond calmement Zander, qu’elle nous aide à retrouver sa « portée », et tout le monde sera content.


Le vieil homme noir, qui a du mal à se retenir d’invectiver son patron, tente une autre approche :

– Je vous rappelle qu’en préservant Anthéa, il y a fort à parier que Waldo finisse par se montrer pour essayer de la libérer. Mais si vous la laissez mourir, vous pouvez être certain que l’homme qui a conçu Carthage ne reparaîtra plus jamais.


Sensible à cet argument, Zander se met à réfléchir...

– Ma fille s’intéresse-t-elle toujours au projet « War Heaven » ?

– Plus tellement, répond Howard en secouant la tête. Elle a activement participé à la conception biologique des sujets, mais elle a ensuite pris ses distances lors de la phase de développement des embryons. Elle n’a même pas été les voir lorsqu’ils ont éclos.


Le souverain du Next World sourit en pressentant qu’il tient peut-être un moyen de redonner à sa fille un certain goût pour la vie :

– Vous allez confier à Anthéa l’élevage d’une Warven. Dites-lui qu’on souhaite simplement observer les différences de développement chez un sujet élevé hors du cadre prévu.


Howard comprend la stratégie de Zander :

– Attendez, vous comptez lui confier un « nouvel enfant » pour compenser la perte des siens ?

– Absolument, confirme le père d’Anthéa. Et pour qu’elle soit vraiment tentée de s’impliquer par instinct maternel, vous allez lui laisser le soin de choisir son « enfant de substitution », et de lui trouver un prénom...





* * *





– Naxxya... devine Jérémie à voix basse en observant attentivement les souvenirs projetés au plafond.

– Quoi « Naxxya » ? demande Odd à côté de lui. Qu’est-ce qu’elle a à voir...?


Le félin s’interrompt en découvrant, sur l’écran hémisphérique au-dessus d’eux, Anthéa qui est de nouveau sur pied dans son salon et rajeunie de quelques années, penchée sur un berceau avec une expression sévère dans son regard :

– Je sais très bien ce qu’ils cherchent à faire en te confiant à moi... susurre-t-elle sur un ton légèrement inquiétant. Comme si une horreur de plus suffirait à faire oublier toutes les précédentes...


Dans le berceau, un bébé aux cheveux bleus reste muet, captivé par la douce voix d’Anthéa sans rien comprendre à ses propos.

– Malgré ton apparence humanoïde, tu n’es qu’un amas de tissus organiques fabriqué dans un laboratoire en prévision des prochaines guerres... De la chair recomposée pour dévaster les champs de bataille... Une abomination... Comme celles dont parlent les sombres légendes sur les nécropoles oubliées... Et puisque je dois te donner un prénom, autant rendre hommage à la plus célèbre d’entre elles... Naxxya...


Le nourrisson émet alors un gazouillis en tendant ses mains vers Anthéa. Celle-ci, d’abord méfiante, finit par prendre l’enfant dans ses bras tendrement, avant de lui murmurer de sa belle voix qui a retrouvé toute sa douceur :

– Rassure-toi, je ne te ferai aucun mal... La haine a déjà corrompu tant de cœurs humains... Nous verrons bien si l’amour peut produire l’effet inverse sur un organisme inhumain...



Certains prisonniers du Mémorium sont stupéfaits en apprenant que Naxxya n’était pas humaine...

D’autres le savaient déjà et s’apprêtent à en dire davantage, mais Zander met un terme à cette digression pour recentrer les souvenirs sur ce qu’il souhaite découvrir :

– Fin de la parenthèse, intervient-il encore de manière assez sèche. Revenons à ce qui nous intéresse : Waldo, as-tu utilisé Aelita pour expérimenter les possibilités de ton monde virtuel durant sa conception ?


Franz secoue la tête en déclarant sur un ton sarcastique :

– Cela va t’étonner, mais un père n’est pas obligé de se servir de sa fille comme cobaye...

– Très amusant, mais je n’ai pas le temps de plaisanter... répond froidement Zander en faisant signe à Hélène de resserrer le Tentacristal qui maintient Franz sur son siège.

– Argh... se plaint celui-ci. C’est la vérité... Je n’ai jamais cherché à envoyer Aelita sur Lyoko avant que tout soit prêt... J’ai méticuleusement optimisé l’environnement virtuel pour être sûr que nous y serions en sécurité...

– Pourtant tu as été pressé par le temps, n’est-ce pas ? rétorque le seigneur du Next World. D’après ce que j’ai compris, tu t’es virtualisé avec Aelita le jour même où mes hommes sont venus vous chercher à l’Ermitage... Lyoko était-il donc déjà prêt ce jour-là ?


Franz ne veut surtout pas dévoiler à Zander qu’il possède un programme permettant de retourner dans le temps quotidiennement, mais comment pourrait-il oublier cette journée sans fin que fut pour lui le 6 juin 1994...





* * *





6 juin 1994.

Le soleil du matin...

Des voix d’enfants...

Des bavardages, des rires, des groupes d’adolescents...

La cour de récréation du collège-lycée Kadic...

Sous les arcades le long des bâtiments passe presque inaperçu l’éminent professeur Franz Hopper qui enseigne plusieurs matières scientifiques...

Arrivant toujours à l’heure pour donner son premier cours de la matinée, sa routine et sa discrétion font presque de lui un fantôme...

Mais aujourd’hui, dans le couloir qui mène à la salle de classe où ses élèvent l’attendent, une femme splendide malgré son regard sombre s’avance à sa rencontre...

Franz la connait bien, toutefois il s’étonne de la voir venir à lui pour l’appréhender car ils ont toujours évité de s’adresser la parole, bien qu’elle travaille également dans cet établissement dont le directeur est son mari...

Le professeur de sciences s’immobilise devant elle :

– Qu’y a-t-il ? lui demande-t-il avec méfiance.

– Je veux qu’on reprenne le projet Carthage... répond gravement Hélène.


Dernière édition par Nelbsia le Lun 10 Mai 2021 15:20; édité 3 fois
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Nelbsia MessagePosté le: Lun 17 Aoû 2020 20:01   Sujet du message: Répondre en citant  
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Épisode #120 : 6 juin 1994


Résumé de l’épisode précédent :


Interrogés par Zander, les prisonniers du Mémorium ont consenti à livrer leurs premiers souvenirs. On a donc vu Howard offrir le Xénoformeur au fondateur du Black Phenix en échange de sa protection, puis les débuts du projet Carthage supervisé par Franz et auquel participaient Samantha, Jim, Derek, Hélène, Kamel, Marjorie, et Anthéa qui disposait alors des pouvoirs de Carthage. L’équipe initiale s’est séparée au fil des années, et Hélène a hérité des privilèges d’Anthéa lorsque celle-ci a donné naissance à ses deux filles, Taelia et Aelita, et leurs jeunes parents se sont aperçus que Zander avait fait des expériences sur elles. En fouillant dans les archives secrètes du Black Phenix, Franz a découvert que le fondateur de l’organisation avait déjà procédé à de telles expériences sur sa propre femme Aurore afin qu’elle donne naissance à des filles jumelles, mais l’une d’elles n’avait pas survécu ; Aurore s’était donc vengée de son mari en le stérilisant, puis il l’avait exécuté avant de répéter ses expériences sur sa fille restante Anthéa pour qu’elle lui donne à nouveau les deux enfants jumeaux nécessaires à sa quête d’immortalité. Seulement, les descendants de Zander sur qui il prélèverait le fruit de ses sombres expériences n’y survivraient pas, et pour protéger leurs filles, Franz et Anthéa ont donc décidé de s’enfuir. Howard leur a alors secrètement confié le Xénoformeur pour priver le Black Phenix de sa principale source d’énergie, tandis qu’Hélène les a aidés à s’enfuir du Centre car elle tenait à éloigner sa rivale en s’arrangeant pour que la faute retombe sur Jim qui serait ensuite exclu de l’organisation. Pour mieux échapper à leurs poursuivants, Franz et Anthéa sont partis chacun de leur côté : l’informaticien a emporté Aelita et l’interface Carthage, tandis que son épouse s’est réfugiée avec Taelia et le Xénoformeur chez Marjorie et Kamel. Deux ans plus tard, les deux conjoints séparés ont décidé de se retrouver pour Noël dans un chalet en Suisse où Anthéa n’a pas osé emmener tout de suite Taelia de peur que le Black Phenix saisisse cette occasion pour retrouver leur trace, et la suite des évènements lui a donné raison : les hommes en noir sont venus arrêter la petite famille, Franz a miraculeusement pu s’enfuir avec Aelita, mais Anthéa a été capturée. Privée des personnes qu’elle aimait, Anthéa s’est laissée dépérir, et Zander lui a donc confié l’élevage d’une « Warven », c’est-à-dire une humanoïde créée dans les laboratoires du Black Phenix, et la femme aux cheveux roses a baptisé cette créature Naxxya. Franz, de son côté, a construit son propre monde virtuel dans le but de s’y réfugier avec sa fille, jusqu’à ce qu’au matin du 6 juin 1994, Hélène vienne le solliciter dans les couloirs du collège-lycée Kadic où ils travaillent tous deux à cette époque pour lui annoncer qu’elle souhaitait reprendre le projet Carthage...





Après un long silence, Franz demande à son interlocutrice de répéter sa requête :

– ...Je te demande pardon ?

– Tu m’as très bien entendue, réplique froidement Hélène. Je veux redevenir Carthage...


Le professeur de sciences ne comprend pas ce revirement si soudain de la part de son ancienne collaboratrice qui a pourtant quitté le Black Phenix pour se mettre en ménage avec Jean-Pierre Delmas afin de fonder une famille...

– Mais qu’est-ce qui t’arrive ? l’interroge-t-il en se demandant ce qui a bien pu lui donner l’envie de reprendre ses anciennes activités.

– Je ne supporte pas ma vie, répond-elle simplement. Ce que je suis en ce moment, ce n’est pas moi. Ça ne me convient pas. Je devrais être Carthage. Je devais rester éternellement jeune. Je devais devenir parfaite. Aide-moi à le redevenir.

– Tu es Hélène Delmas, la raisonne son interlocuteur. Tu as un mari formidable et une fille adorable qui t’aiment très fort. Oublie Carthage, c’est de l’histoire ancienne.

– Au contraire, insiste-t-elle avec fermeté, Carthage est mon avenir, et quand je dirai à Zander que je sais où tu te trouves, il me réintègrera.

– Vraiment ? riposte Franz. Et si je lui révèle que c’est toi qui nous as permis de nous enfuir du Centre en 1983, crois-tu toujours qu’il te « réintègrera » ?

– Je me doutais que tu dirais cela, poursuit la jeune femme calculatrice. Mais je sais aussi que tu caches quelqu’un dans ta maison...


Le propriétaire de l’Ermitage comprend avec effroi qu’Hélène a découvert qu’Aelita habitait avec lui...

– Anthéa et toi, reprend-elle sans émotion, vous ne voulez surtout pas que vos filles retournent au Centre, n’est-ce pas ? Voila donc le marché que je te propose : si tu acceptes de reprendre le projet Carthage sans dire à Zander que je vous avais aidés à quitter le Centre, je m’engage à ne pas lui révéler qu’Aelita était avec toi. Et je te laisse jusqu’à ce soir pour prendre tes dispositions vis-à-vis d’elle. À ta place, je la confierais à Jean-Pierre : il s’occupe si bien d’Élisabeth qu’elle ne voit pas à quel point je me désintéresse d’elle.


Perdant son calme habituel, Franz est révolté :

– Tu oses me dire quoi faire de ma fille, alors que tu t’apprêtes à abandonner la tienne !?


Mais son ancienne collaboratrice reste impassible devant lui...

– Pauvre Élisabeth, se lamente le professeur en songeant à la petite fille qui fait la fierté de son papa. Si elle voyait quel monstre est vraiment sa maman... Et Jean-Pierre, un homme si généreux, épris d’une harpie sans le moindre scrupule... Comment peux-tu les trahir ainsi...


Hélène ne s’en émeut pas le moins du monde :

– Je ne suis que le monstre que TU as créé, Waldo : la « personne-Carthage », dénuée de tout sentiment, car telle est la condition requise pour pouvoir assimiler toutes les données de ce monde le moment venu, sans sombrer dans la folie. Une expérience si dangereuse que Zander lui-même a préféré confier ce pouvoir à Anthéa, mais elle aurait échoué et tu le sais. Moi seule peux endosser le rôle de Carthage, et je veux que tu m’aides à retrouver ma place. À redevenir celle que je n’aurais jamais dû cesser d’être.


Franz lui jette un regard méprisant :

– Ne t’en fais pas pour ça. En fouillant l’Ermitage, ils trouveront tous les documents nécessaires pour reprendre ce maudit projet Carthage là où je l’avais laissé. Ainsi, tu auras ce que tu voulais, et vous pourrez vous passer de moi.

– Inutile de chercher à t’enfuir, l’avertit froidement Hélène. Les satellites de surveillance sont désormais capables de scruter toutes les rues et de suivre n’importe quel véhicule. Tu ne pourras pas t’échapper cette fois-ci. Mets ta fille en sécurité avant ce soir, car dès que j’aurai contacté Zander, tu ne pourras plus te cacher.

– On verra bien, rétorque l’énigmatique informaticien persuadé de pouvoir s’échapper par le passage souterrain pour rejoindre son monde virtuel. En attendant, que je sois capturé ou pas, je suis disposé à ne pas dire à Zander que tu nous avais laissés partir, à condition que tu acceptes de me rendre un service...


De la poche intérieure de sa veste, Franz sort une petite boite contenant deux boucles d’oreille en or rose qu’il tend à Hélène :

– Lorsque tu retourneras au Centre, dis à Anthéa que je l’aime et donne-lui ceci de ma part...


Son interlocutrice saisit le présent en acquiesçant, avant de faire part de son étonnement :

– Pourquoi avais-tu ces bijoux sur toi ? le questionne-t-elle avec méfiance.

– Pour les offrir à la femme que j’aime... répond simplement Franz en tournant les talons sans préciser qu’il gardait cette petite boite dans sa poche depuis la tragique journée du 25 décembre 1985, près de dix ans auparavant. Dommage qu’on ne m’en ait pas laissé le temps...






* * *






Dans le Mémorium, les prisonniers sont médusés après avoir appris qu’Hélène était à l’origine de l’arrivée des hommes en noir à l’Ermitage...

Le souvenir de cette odieuse dénonciation se dissipe, mais des contours flous se dessinent aussitôt, comme si un autre souvenir enfoui était en train d’émerger tandis qu’on perçoit la voix d’une petite fille inquiète, et la tristesse dans les réponses de son père :

– Qu’est-ce qu’il y a papa ? demande innocemment l’enfant.

– C’est maman... Elle a... elle a des problèmes... explique l’homme peiné.

– Elle va prendre les médicaments pour guérir les problèmes ?

– Non, non... Cette fois, les médicaments ne sont pas assez forts pour guérir les problèmes de maman...

– Mais elle va rentrer à la maison quand ?

– Je ne sais pas... Peut-être qu’elle ne reviendra plus jamais...


L’image devient plus nette au moment où la petite fille perdue demande naïvement :

– Elle va mourir ?


On reconnait alors Jean-Pierre Delmas avec quelques années de moins, serrant sa fille dans ses bras pour ne pas qu’elle voie qu’il a les larmes aux yeux.

Les Lyoko-guerriers se tournent aussitôt vers Sissi qui avalait ses sanglots en silence depuis un moment déjà, après avoir découvert la façon dont sa mère l’avait abandonnée sans aucun état d’âme. Dévasté par ce départ, Jean-Pierre avait préféré laisser la petite Élisabeth croire que sa mère était décédée, plutôt que de lui livrer la lourde vérité : Hélène ne leur accordait aucune importance.

Pour le maître du Black Phenix, la faute d’Hélène se trouve ailleurs :

– Alors tu avais prévenu Waldo avant de nous dire où il se cachait... reproche-t-il à sa subalterne en se tournant vers elle.

– Il n’était pas censé pouvoir s’échapper, se défend Carthage. Je lui avais simplement fait une faveur pour qu’il mette sa fille à l’abri avant d’être capturé, et en échange il ne te révèlerait pas que je l’avais aidé à s’enfuir du Centre. J’ignorais que tu avais aussi besoin d’Aelita, mais à cette époque je ne faisais plus partie du Black Phenix et j’étais prête à tout pour le réintégrer.


Zander continue de la fixer avec son regard glaçant. Qu’Hélène puisse faire passer ses propres intérêts avant ceux de son organisation, ça il le savait depuis qu’il l’avait recrutée pour le projet Carthage. Mais à présent, le souverain du Next World commence à se demander si, contrairement à ce qu’elle prétend, Hélène n’aurait pas aussi fait preuve de compassion...

En permettant à Franz de cacher Aelita pour qu’elle ne soit pas capturée par le Black Phenix, l’impitoyable femme qui incarne Carthage voulait-elle seulement s’assurer que l’informaticien ne révèlerait pas qu’elle l’avait autrefois aidé à s’enfuir, ou bien avait-elle eu des scrupules à l’égard de l’enfant ?

D’ailleurs, même si elle ignorait que les boucles d’oreilles que lui avait confiées Franz dissimulaient en fait un minuscule appareil de télécommunication qui lui permettrait de contacter Anthéa, Hélène les avait généreusement remises à celle-ci, comme Franz le lui avait demandé...

– « Prête à tout pour réintégrer le Black Phenix » ? répète Zander en mettant sa parole à l’épreuve. Et si nous avions capturé uniquement Waldo comme tu l’avais prévu, aurais-tu fini par me livrer Aelita également en apprenant que j’avais aussi besoin d’elle ?

– ...Sans l’ombre d’un doute, finit par répondre Hélène sur un ton résolu mais après avoir néanmoins marqué un bref instant d’hésitation.


Plusieurs prisonniers lancent des injures à l’encontre d’Hélène, avant de se taire lorsque Zander se retourne vers eux, ou plutôt vers Franz :

– Et pourtant, malgré la dénonciation d’Hélène ce soir-là, et en dépit de tous nos satellites de surveillance braqués sur ta demeure, tu as réussi à t’évaporer. Un passage souterrain vers les égouts. Un labyrinthe à l’abri des regards. Quand mes hommes en ont trouvé l’entrée, il était déjà trop tard pour déterminer quelle sortie tu avais empruntée.


Le seigneur du Next World dévisage longuement le créateur de Lyoko avant de reprendre son interrogatoire :

– ...Mais si Hélène t’avait prévenu dès le matin qu’elle allait te dénoncer, pourquoi as-tu attendu l’arrivée de mes hommes avant de t’enfuir ?


Ne voulant pas dévoiler à son adversaire la technologie du Retour vers le passé, Franz s’efforce de ne pas penser aux très nombreux retours temporels à répétition qu’il a effectués le 6 juin 1994 dans le but d’achever la construction de Lyoko avant l’arrivée des hommes en noir :

– Je... Je ne me sentais pas très bien... J’avais deux ou trois choses à régler, et j’ai dû perdre la notion du temps...


Malgré lui, des flashs de sa mémoire apparaissent au plafond, le montrant sans cesse au poste de commande du laboratoire de l’usine, tandis que la date indiquée ne change jamais...

Par moments, il semble s’adresser à l’écran de l’ordinateur devant lui, ou plutôt à la caméra intégrée à celui-ci...

Et parmi tous les discours incompréhensibles qu’il semble énoncer seul face à sa machine, l’une de ses déclarations devient parfaitement audible :

« ...J’ai tenté de détruire le supercalculateur, et de supprimer toute trace de mes activités... C’est alors que j’ai découvert une de ses propriétés les plus fascinantes : le Retour Vers le Passé... Cela m’a donné tout le temps dont j’avais besoin pour mettre au point mon grand projet... Mon unique solution pour réussir à échapper à mes ennemis... »


– Oh non... murmure Jérémie.


Zander a évidemment compris que Franz tente de lui cacher quelque chose, et il utilise aussitôt la console du Mémorium pour repasser le souvenir qui vient d’être projeté :

« ...le Retour vers le passé... Cela m’a donné tout le temps dont j’avais besoin pour mettre au point mon grand projet... »


– « Retour vers le passé » ? répète l’homme aux longues ailes noires. Tu avais donc bien trouvé le moyen de remonter dans le temps ?


Franz essaye toujours de retenir ses souvenirs, mais Zander le menace en faisant apparaître des plumes noires au-dessus des prisonniers attachés à leurs sièges :

– Combien de gamins inutiles dois-je éliminer avant que tu te décides à parler ?


Ne pouvant laisser son bourreau s’en prendre aux enfants autour de lui, l’architecte de Lyoko finit par avouer :

– J’étais persuadé que c’était impossible... déclare-t-il en confirmant l’existence du retour temporel mentionné. Je l’ai découvert par hasard...


Le plafond retrouve alors les couleurs du collège-lycée Kadic tandis que Franz révèle ce qui s’est passé après qu’Hélène l’a prévenu qu’elle allait le dénoncer...






* * *






6 juin 1994.

Ses élèves l’ignorent encore, mais le professeur Franz Hopper ne dispensera aucun cours aujourd’hui...

Celui-ci s’éclipse en empruntant discrètement le passage secret dans les bois de Kadic pour foncer à l’usine sans même repasser par l’Ermitage...

Arrivé dans le bâtiment désaffecté, il ramasse une barre de fer avant de descendre à la salle du supercalculateur...

Debout face à l’imposante machine cylindrique, le créateur de Lyoko lève son arme contondante au-dessus de lui...

Un bref moment d’hésitation trahit le déchirement que le brillant informaticien éprouve à l’idée de détruire l’œuvre de sa vie, mais il lui serait encore plus inacceptable que sa création tombe entre les mains de ses ennemis, sans compter qu’ils y trouveraient l’interface Carthage...

Alors il frappe. Encore et encore.

La coque du supercalculateur se brise par endroits, mais en dépit de son acharnement, Franz s’essouffle et finit par admettre qu’il n’a pas assez de force pour lui causer des dégâts en profondeur.

Il remonte donc au laboratoire pour effacer numériquement toutes les données contenues dans la mémoire de la robuste machine.

Une dernière raison d’hésiter le retient : Xanadu.

L’intelligence artificielle chargée de défendre Lyoko et de vaincre Carthage.

En ouvrant les dossiers concernant Xanadu, son concepteur constate que le programme a déjà commencé à développer sa « conscience évolutive ».

Cela ne fait pas de lui une personne à part entière, mais l’idée de le supprimer avec tout le reste est encore plus difficile à accepter pour l’homme qui l’a créé.

Dans les données d’identification de Xanadu au sein de Lyoko, Franz remarque que celui-ci s’est doté d’un système de contrôle d’accès à sa mémoire, de la même manière que les logiciels de sauvegarde devant gérer simultanément plusieurs versions d’un même travail évoluant en parallèle.

Le scientifique écarquille les yeux en réalisant qu’il tient enfin la pièce manquante du retour temporel : il sait déjà qu’il est possible de faire légèrement reculer le temps du monde réel à partir d’un monde virtuel servant de référentiel, sauf que cela ne permettait pas de conserver sa mémoire et c’était donc totalement inutile. Mais à présent, Franz tient peut-être un moyen de garder ses souvenirs à la suite d’un retour dans le temps...

Il lance donc une procédure d’analyse complète et descend à la salle inférieure pour s’enregistrer lui-même dans la mémoire du supercalculateur.

Après avoir été longuement balayé par les faisceaux lumineux du scanner où il se trouve, l’informaticien en ressort puis remonte au laboratoire pour vérifier que ses données d’identification ont bien été sauvegardées.

L’architecte de Lyoko s’empresse alors de copier le système de contrôle d’accès mémoriel de Xanadu pour incorporer cette fonctionnalité à son propre « avatar », avant de l’étendre à l’ensemble des données contenues dans le supercalculateur, de manière à ce que toutes ces données restent intactes malgré les retours temporels.

Alors qu’il met en place une procédure de recul du temps basée sur Lyoko, le génial inventeur est de plus en plus persuadé que son idée va fonctionner, car si ce n’était pas le cas, il serait très probablement déjà en train de revivre une boucle temporelle sans s’en souvenir, et il verrait au moins que tout ce qu’il est en train d’écrire dans le supercalculateur y figurerait déjà, auquel cas il renoncerait. Mais manifestement, Franz Hopper alias Waldo Schaeffer est bien en train de coder pour la première fois le programme de « Retour vers le passé », ce qui le conforte dans son intuition.

Au terme de longues heures de frappe intense au clavier, ayant achevé d’assembler les blocs d’instructions et maintes fois relu tout son code pour s’assurer de n’avoir commis absolument aucune erreur, le père d’Aelita presse d’une main tremblante la touche de lancement du programme :

– Retour vers le passé...


Aveuglé par l’intense lumière blanche qui l’a englouti, Franz met du temps à rouvrir les yeux.

Il se trouve à présent devant l’usine, et voyant que le soleil occupe dans le ciel la même position matinale qu’au moment où Franz était arrivé en ce lieu le matin même, celui-ci saute de joie en comprenant qu’il a réussi : le temps a reculé, mais il se souvient de tout.

Un bref passage par la salle du supercalculateur permet à l’informaticien de s’assurer que les dégâts qu’il lui avait infligés ont disparu, puis il remonte au laboratoire pour vérifier que, comme prévu, tout ce qu’il a écrit sur l’ordinateur avant le retour temporel y figure toujours.

Franz jubile en faisant craquer ses doigts avant de se remettre à l’ouvrage : désormais, il sait qu’il dispose de tout le temps nécessaire à la finalisation de Lyoko.






* * *





– Brillant ! commente Zander en applaudissant la découverte qu’avait faite son ancien employé.


Ce dernier ne partage pas son enthousiasme car il devine que le chef du Black Phenix va prochainement l’obliger à lui remettre la technologie du Retour vers le passé, ce qui le rendra pratiquement invincible.

– J’imagine qu’après cela, tu as pris ton temps pour peaufiner ton monde virtuel ? reprend le seigneur du Next World qui souhaite en savoir davantage sur ce qu’a fait Franz durant tout le temps qu’il a gagné grâce aux retours temporels à répétition.

– En effet, confirme l’architecte de Lyoko. Je passais la journée à programmer, et l’après-midi je lançais un Retour vers le passé en différé, ce qui me laissait un peu de temps pour rentrer à l’Ermitage auprès d’Aelita, avant que le jour recommence à partir de mon arrivée à l’usine... Mais la sensation de vivre une seule et unique journée en boucle a malgré tout fini par me rendre fou...


L’écran hémisphérique retrouve les couleurs verdâtres du laboratoire de l’usine tandis que Franz livre les souvenirs des nombreux « 6 juin 1994 » qui se sont succédé. Pour échapper un peu à la monotonie et à la solitude de ce jour sans fin, le père d’Aelita avait pris l’habitude de consacrer quelques minutes de sa journée à l’enregistrement d’un journal vidéo, tantôt pour expliquer l’immense travail qu’il était en train d’accomplir, tantôt pour raconter comment il en était arrivé là...





* * *





« 6 juin 1994, jour 66. Après avoir obtenu haut la main mes diplômes, j’ai continué de mêler les grandes théories de la physique à mes travaux personnels en informatique. Mon esprit était en ébullition. D’après mes expériences et mes calculs, tout me portait à croire que les humains seraient un jour capables de se projeter dans les mondes virtuels. Les possibilités seraient aussi innombrables qu’incroyables. Mais lorsque j’ai présenté mes propres théories lors d’une conférence, on m’a ri au nez, en me traitant de "jeune rêveur égaré" et en qualifiant mes travaux de "balivernes de cinéma". Pourtant, quelques semaines après cette déconvenue, une mystérieuse organisation m’a contacté. Je préfère taire les noms de cette organisation et de son dirigeant, mais toujours est-il que ce dernier était particulièrement intéressé par mes travaux, et plus particulièrement par la virtualisation. Il souhaitait donc m’engager pour mettre à ma disposition le matériel et le personnel nécessaires à l’application pratique de mes théories. J’ai d’abord cru à une nouvelle farce pour se moquer de moi et de mes travaux, mais lorsque j’ai rencontré mon interlocuteur en personne pour la première fois, plus de doute : il était on ne peut plus sérieux, et il avait largement les moyens de réaliser ses ambitions. Nous avons longuement discuté, puis il m’a proposé de diriger l’équipe chargée de concevoir la prochaine étape de son plan : le projet Carthage... »

« 6 juin 1994, jour 67. J’ai compris que le projet Carthage était un programme militaire destiné à bloquer les communications ennemies. En fait, à terme, Carthage donnerait un pouvoir suprême à son propriétaire, le rendant maître de toutes les données numériques connectées à travers le monde. Mais j’étais jeune, et en tant que scientifique, les moyens qui seraient mis à ma disposition étaient trop fabuleux pour que je décline une telle offre. J’ai donc fini par accepter. Ce fut la première de mes erreurs, mais ce choix me donnerait néanmoins l’immense bonheur de rencontrer ma femme... »

« 6 juin 1994, jour 71. Aujourd’hui encore, je n’ose pas évoquer ce que nous avons découvert en fouillant dans les données de notre "employeur", mais la vie de famille à laquelle nous aspirions nous apparaissait impossible après cela. Du moins, pas en restant dans cet environnement, aussi avons-nous décidé de nous enfuir. Malheureusement, nos ennemis ont fini par nous retrouver, et mon épouse a été capturée. Alors j’ai construit ce supercalculateur, puis j’ai créé Lyoko, et enfin j’ai programmé Xana’ pour qu’il détruise Carthage. J’avais promis à Anthéa de ne pas chercher à affronter l’organisation tant que nous serions libres et en sécurité, mais comme ils me l’ont enlevée, cette promesse ne tient plus. Je serai certes contraint de me réfugier dans mon monde virtuel, mais mes ennemis vont devoir en payer le prix, pour tout le mal qu’ils nous ont fait. Et malgré toute la crainte que l’organisation suscite chez ses opposants, bientôt le jour viendra où c’est elle qui tremblera face à Xana’... »


– Épargne-moi ces sornettes, rétorque Zander pour que Franz choisisse mieux les souvenirs qu’il projette au plafond. Je veux les découvertes, je veux les inventions, tout ce qui pourrait m’être vraiment utile.



« 6 juin 1994, jour 639. Le casque neuronal fonctionne à merveille. Il amplifie mes facultés intellectuelles et organise méthodiquement dans mon cerveau l’immense quantité de connaissances que je manipule au cours de mes travaux. Je rédige du code plus rapidement, plus habilement, et sans aucune erreur. J’arrive à penser à plusieurs choses en même temps pour ne rien oublier lorsque j’en ai besoin. J’anticipe, je planifie, je développe et j’améliore, tout cela à une vitesse vertigineuse. À moi tout seul, j’abats à présent plus de travail que toute l’équipe qui était en charge du projet Carthage à l’époque. Ce qui me prenait des semaines auparavant est désormais accompli en quelques jours. Et des jours, j’en ai à profusion... »


– Voila ! Ça c’est intéressant ! se réjouit Zander captivé par cette nouvelle merveille technologique dont il va pouvoir s’emparer.

– As-tu déjà oublié ce que je t’ai dit tout à l’heure ? rétorque Franz tandis que l’écran montre à présent son esprit torturé, envahi par d’étranges formes noires qui semblent se refermer sur lui. Cette journée interminable a fini par me faire perdre la raison, et le casque neuronal n’y était pas étranger...



« 6 juin 1994, jour 1265. Quelqu’un m’espionne... Quelqu’un qui veut m’éliminer... J’en suis persuadé... L’organisation a-t-elle fini par comprendre ce que je faisais ? Sont-ils eux aussi parvenus à conserver leurs souvenirs malgré le Retour vers le passé ? Ou bien est-ce quelqu’un d’autre ? Je l’ignore, mais ce dont je suis sûr, c’est qu’on cherche à m’arrêter... ...Mais je dois finir ce que j’ai commencé ! Personne ne m’arrêtera ! »

« 6 juin 1994, jour 1266. De toute évidence, la personne qui me surveille fait tout pour rester discrète, mais avec mon casque neuronal, je ressens les choses avant même d’en avoir conscience ! Pour un cerveau normal, aucune preuve tangible n’indique que quelqu’un en aurait après moi, mais grâce à mes facultés amplifiées je perçois avec certitude l’existence d’une menace extérieure simplement en croisant les données qui se bousculent dans ma tête ! Si cette personne commet la moindre erreur, je la trouverai aussitôt ! »

« 6 juin 1994, jour 1267. Je parie que celui ou celle qui m’espionne n’a en réalité aucun moyen de m’atteindre ! Même en conservant ses souvenirs après un Retour vers le passé, le temps qui recule annule continuellement toutes les actions que cette personne pourrait entreprendre contre moi ! Et quand bien même elle parviendrait à me débusquer, si elle savait ce qui l’attend dans cette usine... J’ai construit mon laboratoire secret durant la guerre froide, et j’avais personnellement des ennemis à mes trousses, alors il fallait bien que je protège mes locaux contre tout ce qui pourrait leur tomber dessus... Et plus récemment, je me suis moi-même doté d’un moyen de me défendre, juste au cas où... »


– Inutile de faire trainer le suspense, s’impatiente Zander. Qui était donc cette personne qui en avait après toi ? À moins que ce ne fût le fruit de ton imagination ?

– Les deux, répond gravement Franz. Le fruit de mon imagination s’était retourné contre moi...



« 6 juin 1994, jour 2545. On dirait que j’ai gagné mon pari. Lyoko est sur le point d’être achevé, et personne n’a pu m’en empêcher. Dès demain, lorsque j’aurai passé en revue le processus de virtualisation afin de m’assurer qu’il sera sans danger pour Aelita, ce sera terminé. J’échapperai définitivement à mes ennemis, et je pourrai enfin contre-attaquer. J’ai hâte de voir les têtes qu’ils feront lorsqu’ils découvriront, sur tous les écrans de leurs installations, le symbole de Lyoko, la marque de Xana’... »

« 6 juin 1994, jour 2546. Les scanners et les programmes de virtualisation sont prêts. D’ici quelques heures je m’en irai sur Lyoko avec Aelita. Tout comme moi, Aelita détiendra les clés de Lyoko. Et ensemble, nous en serons les maîtres absolus. Et nous pourrons y vivre elle et moi à tout jamais. »


Le souvenir montre alors Franz qui éteint la caméra, avant d’archiver toutes les vidéos qu’il a enregistrées. Mais soudain, il tressaille en réalisant qu’un autre processus s’était ouvert en parallèle avant de se refermer subitement : la personne qui l’espionne depuis tout ce temps aurait-elle réussi à s’introduire dans ses données ?

L’informaticien s’empresse de verrouiller tous les accès possibles et de consulter les tâches récemment effectuées avant que quiconque puisse les effacer, et il s’aperçoit alors que quelqu’un a tenté de visionner le contenu de son journal vidéo...

Paniqué, le scientifique extrait à la hâte son journal de l’ordinateur pour le graver sur des CD et ainsi le mettre hors de portée de l’intrus, puis il réalise qu’il va peut-être enfin pouvoir identifier celui-ci maintenant qu’il l’a pris la main dans le sac...

Mais contrairement à ce qu’il espérait, il ne trouve aucune trace d’un attaquant extérieur.

Franz est déconcerté : comment son adversaire a-t-il pu remonter jusqu’à lui, s’introduire dans son système et disparaître sans laisser le moindre indice permettant de l’identifier, et tout cela en dépit des innombrables protections dont sont pourvus le supercalculateur et le monde virtuel qu’il abrite ?

...À moins que l’intrus soit justement passé par le monde virtuel pour remonter dans les données de son architecte ?

Non, cela parait impossible, et si quiconque était parvenu à pénétrer dans Lyoko, Xanadu l’aurait forcément repéré et détruit sur-le-champ...

Et tout à coup, en contemplant le casque neuronal dont il abuse quotidiennement depuis des années, son concepteur réalise que cet appareil relié au supercalculateur a permis à l’intelligence qui s’y trouve d’épier ses actes et même ses pensées...

– Oh mon Dieu... s’étrangle le savant en comprenant enfin que depuis le début, il était espionné par son propre programme...


Paniqué, Franz détruit l’objet puis se met à analyser en profondeur la structure et les activités de sa créature virtuelle pour s’apercevoir que les Retours vers le passé la renforcent, si bien que Xanadu est ainsi devenu beaucoup plus puissant et plus intelligent que son créateur ne l’avait imaginé...

L’architecte de Lyoko ouvre alors une fenêtre de dialogue, et hésite un long moment avant d’y écrire :

> Pourquoi m’espionnes-tu ?


Après quelques secondes, une réponse apparait à l’écran :

> Je suis chargé de protéger Lyoko contre toute menace extérieure. Vous êtes devenu une menace.


Franz n’en revient pas. Xanadu est déjà capable de formuler des phrases correctes pour répondre à une question posée. Ce ne serait pas impressionnant si Waldo l’avait programmé pour s’exercer à apprendre cette compétence, mais il n’en est rien : Xanadu a appris cela par lui-même, sans que personne ne lui ait demandé de le faire. Qui aurait pu dire quel niveau de conscience le programme avait véritablement atteint ?

> Pourquoi me considères-tu comme une menace ? poursuit par écrit le créateur de Xanadu afin de faire parler celui-ci.


Malgré la longueur de la réponse, celle-ci ne se fait pas attendre :

> Votre utilisation excessive du casque neuronal vous a rendu instable, vous présentez des traits de comportement paranoïaque que l’on retrouve chez les individus qui maltraitent périodiquement leur entourage, et vous nourrissez des ambitions vengeresses et destructrices. Vous ne présentez pas un danger immédiat tant que vous vous sentez en sécurité, mais vous risquez de faire du mal autour de vous si jamais la situation échappe à votre contrôle. C’est pourquoi je dois vous surveiller de près.


Le père d’Aelita va devoir repousser le jour de leur virtualisation.

L’idée lui est pénible car il n’en peut plus de cette journée vécue plus de deux mille fois, mais sa créature lui tient tête désormais, et il ne serait pas prudent de se rendre sur Lyoko sans être certain qu’elle lui obéisse pleinement et qu’elle ne s’en prenne pas à lui ou à sa fille.

Le scientifique pense alors à manipuler directement les données de Xanadu afin de reprendre le contrôle sur celui-ci, avant de découvrir avec effroi que le programme a lui-même mis ses propres données à l’abri pour s’assurer que personne ne pourrait l’attaquer à travers elles, pas même son créateur.

Mais en se manifestant pour répondre aux questions qui lui étaient posées, l’intelligence artificielle a « publiquement » fait usage de sa conscience pour la première fois, sans savoir que cela laisserait une porte dérobée à son interlocuteur...

Franz saute immédiatement sur l’occasion d’isoler la conscience de Xanadu afin de la détacher du reste du programme.

Après une succession de manipulations compliquées, Xanadu se retrouve scindé en deux entités distinctes ; la première conserve simplement toutes les capacités d’attaque et de défense que possédait Xanadu pour veiller sur Lyoko, mais sans posséder de conscience cette fois-ci, seulement les comportements prédéterminés d’un programme standard ; la seconde entité, au contraire, est essentiellement pourvue de la conscience évolutive qui avait conduit Xanadu à considérer son créateur comme une menace, mais ne dispose plus de la robustesse ni de la puissance destructrice dont était doté l’ancien programme unique.

Alors que Franz continue d’entrer des commandes à toute vitesse pour éviter que l’une ou l’autre de ses créatures trouve un moyen de se protéger, un dernier message apparait sur son écran :

> Ne faites pas ça.


Trop tard : les souvenirs de Xanadu sont effacés par son créateur afin qu’aucun a priori négatif ne persiste dans l’esprit des deux programmes engendrés : Xilune et Xana.



L’informaticien pousse un long soupir, soulagé d’avoir résolu son problème sans être contraint de sacrifier le fruit de son travail.

Et pourtant...

Le vieil homme paranoïaque ne peut s’empêcher de redouter ce qui arriverait si l’une des deux nouvelles entités venait à se retourner contre lui...

Cette fois, elle ne lui laisserait sûrement pas l’opportunité d’effacer sa mémoire aussi facilement, et la riposte serait terrible...

L’architecte de Lyoko connait les grands pouvoirs virtuels des intelligences artificielles chargées de défendre son monde, ainsi que les opportunités que les tours de Lyoko leur offrent pour agir sur le monde réel...

Peut-être que la menace que Franz craint depuis toujours ne viendra ni des armes nucléaires, ni de ses ennemis personnels, mais bien de ses propres créations...

Alors que la Guerre Froide est terminée, le scientifique rouvre les fichiers contenant les procédures qu’il avait mises en place pour défendre automatiquement l’usine grâce aux tourelles et au bouclier électromagnétique qu’il y avait discrètement installés en prévision d’une éventuelle invasion soviétique, puis il compile tous ces documents dans une archive nommée « Survie » qu’il protège par un mot d’excuse en guise de mot de passe car il sait que si le désastre qui le hante se produit un jour, ce sera entièrement de sa faute...

Après avoir refermé toutes les fenêtres sur son interface, Franz Hopper se frotte les yeux en se demandant s’il ne serait pas devenu aussi fou et dangereux que Xanadu le lui reprochait...

Ses angoisses le poussent sans cesse à envisager le pire, alors que la construction d’un monde virtuel consiste justement à imaginer le meilleur...

Il est pourtant persuadé que Lyoko est un bel endroit ; encore loin d’être idéal, mais Aelita y sera en sécurité...

Laissant ses craintes derrière lui, Franz se lève et quitte le laboratoire, bien décidé à se virtualiser avec sa fille dès aujourd’hui comme il l’avait prévu.





* * *





On le voit donc brièvement dissimuler une mallette noire dans une consigne de gare portant le numéro 167, et les Lyoko-guerriers reconnaissent le conteneur du journal de Franz Hopper, puis il va à l’Ermitage pour y retrouver Aelita.

Mais celle-ci n’est pas là.

Inquiet, Franz monte dans la chambre de sa fille, avant de se rappeler la raison de son absence : Aelita est en train de faire une promenade à vélo, comme chaque jour depuis qu’il a décidé de lancer le Retour vers le passé en boucle pour verrouiller la date du 6 juin 1994 et empêcher les hommes du Black Phenix de venir l’arrêter.

Depuis combien d’années n’a-t-il plus vraiment passé de temps avec sa fille, celle-ci n’évoluant plus car elle est piégée dans ce jour sans fin sans garder ses souvenirs, tandis que lui est sans cesse préoccupé par le développement de Lyoko...

Pour Aelita, c’est une journée comme les autres : elle a pris son petit déjeuner avec son papa avant que celui-ci parte travailler à Kadic, puis elle a étudié toute la matinée grâce aux nombreux livres à sa disposition, le midi elle a mangé seule car son père n’est pas rentré du travail, l’après-midi elle a effectué quelques tâches ménagères avant de se replonger dans ses livres, et en fin d’après-midi elle est partie se promener à vélo dans les bois.

L’insouciante adolescente ignore qu’hormis la première partie de la matinée, elle a vécu cette même journée plusieurs milliers de fois, et que son père sait déjà exactement à quelle heure elle rentrera de sa promenade et quelles paroles elle prononcera, car au début, il repassait à l’Ermitage pour voir sa fille au moins une fois par jour avant le déclenchement du Retour vers le passé, en s’efforçant d’avoir chaque fois une discussion différente avec elle, mais les années et le manque de repos ont fini par lui faire perdre la raison.

Il en aurait presque oublié que sa fille l’attendait chaque jour à la maison, et qu’à l’origine, c’était pour elle qu’il faisait tout cela.

Voyant la poupée qu’Anthéa et lui avaient offerte à leur fille, Franz décide de cacher la clé de la consigne de gare à l’intérieur de cette poupée, comme s’il espérait qu’un beau jour, lorsqu’elle ressortirait libre de Lyoko, Aelita découvre le journal vidéo de son père et qu’elle comprenne ce qu’il avait fait et pourquoi.

Mais lorsqu’il redescend pour jouer du piano en attendant le retour d’Aelita, Waldo n’est plus très sûr de vouloir enfermer sa fille avec lui dans son monde virtuel...

Sa « prison temporelle » du 6 juin 1994 est supportable pour l’adolescente car elle n’en garde aucun souvenir après chaque Retour vers le passé donc elle a l’impression de vivre cette journée pour la première fois, mais sa « prison virtuelle » ne présentera pas cet avantage : Aelita aura pleinement conscience d’être coincée dans un monde numérique, et le monde réel pourrait finir par lui manquer...

Peut-être vaut-il mieux attendre encore un peu avant de la virtualiser... Continuer d’enrichir les territoires de Lyoko pour les rendre agréables à vivre... Laisser le temps à Xilune de développer sa conscience évolutive afin qu’elle puisse tenir compagnie à Aelita...

– Papa ! s’exclame joyeusement la jeune fille qui vient de rentrer de sa promenade à vélo. Je monte dans ma chambre !


Franz se tourne vers Aelita, en dissimulant derrière ses lunettes le même regard attendri que celui d’un père voyant son enfant pour la première fois, mais aussi l’indescriptible peur de la perdre...

– Très bien ma chérie.


Tandis que l’adolescente se rend dans sa chambre, le scientifique se remet à jouer du piano en prenant intérieurement la décision de laisser les retours temporels continuer encore un peu afin de peaufiner Lyoko et s’assurer d’avoir bâti pour sa fille un refuge merveilleux, un monde sans danger...

Tout en pressant les touches noires et blanches de son instrument de musique en attendant le déclenchement du Retour vers le passé, le scientifique réfléchit longuement aux améliorations qu’il pourrait apporter à son monde virtuel, mais il est soudain sorti de ses pensées par le bruit du freinage brutal d’une voiture qui percute un obstacle tout près de l’Ermitage...

Franz est aussitôt parcouru par un terrible frisson : il n’a aucun souvenir d’avoir jamais entendu ce bruit lorsqu’il attendait le Retour vers le passé à l’Ermitage...

En regardant sa montre, il découvre avec effroi que le programme de retour temporel ne s’est pas déclenché, et pour cause : le « jour précédent », l’informaticien avait lui-même désactivé le lancement automatique du Retour vers le passé car il comptait se virtualiser dès le lendemain, mais avec tous les évènements imprévus de cette dernière journée, il avait complètement oublié ce détail...




Le souvenir disparait brusquement du plafond du Mémorium :

– La suite, tu la connais déjà ! déclare sèchement Franz.


Cet arrêt soudain étonne les autres prisonniers, mais intrigue surtout Zander qui suspecte aussitôt une stratégie de son ancien employé pour dissimuler la vérité.

Le chef du Black Phenix fixe du regard son otage récalcitrant :

– Qu’essayes-tu encore de me cacher ?

– Demande à tes hommes ! répond Franz toujours avec un air vexé. Ils étaient là aussi il me semble !


L’attitude insolente de l’architecte de Lyoko commence à attiser la colère du souverain du Next World, mais celui-ci se demande néanmoins si ce ne serait pas précisément le but recherché par Franz...

Bien que la manœuvre de son prisonnier reste floue, Zander se met à sourire :

– Demandons plutôt à la dernière personne qui a été témoin de toute cette scène... suggère-t-il en se tournant vers sa petite-fille. Aelita, pour éviter que je fasse du mal à ton père qui abuse dangereusement de ma patience depuis tout à l’heure, veux-tu bien nous montrer ce qui s’est passé quand mes hommes sont arrivés à l’Ermitage ?


Attentif aux échanges de parole, Jérémie remarque que Franz ne proteste pas, et d’un hochement de la tête, le jeune garçon encourage donc son amoureuse à accéder à la demande de son grand-père...





* * *





6 juin 1994.

Des murs roses...

Des peluches, des poupées et des livres...

Dans sa chambre au premier étage de l’Ermitage, Aelita est alertée par le bruit de la voiture qui a freiné avant de percuter un obstacle...

La jeune fille jette un coup d’œil par la fenêtre et voit devant chez elle deux hommes en noir qui regardent dans sa direction...

– Papa ! panique-t-elle avant que celui-ci la rejoigne. Papa y’a des hommes en noir en bas !

– Je sais, oui, répond-il calmement pour tâcher de la rassurer. Tu te souviens où est Monsieur Pück ?

– Oui... bredouille-t-elle sans comprendre l’importance de cette information.

– Alors viens vite !


Ils s’empressent de descendre au rez-de-chaussée, mais deux hommes en noir se tiennent déjà devant la porte d’entrée qu’ils viennent de franchir, et Franz prend alors la main de sa fille :

– Par ici chérie ! lui souffle-t-il en l’entrainant dans l’escalier qui mène au sous-sol tandis que les hommes en noir se lancent à leur poursuite.


Les deux fuyards sortent dans le jardin, Franz prend le temps de caler une planche sous la poignée de la porte afin de retarder les agents à ses trousses, puis il emprunte une seconde porte cachée et la referme juste avant qu’on entende l’autre porte s’ouvrir avec fracas...

Aelita suit son père en courant dans les égouts ; comme aucun bruit ne se fait entendre derrière eux, ils semblent avoir réussi à semer les hommes en noir qui doivent encore être en train de les chercher dans le jardin de l’Ermitage...

Lorsque le scientifique et sa fille ressortent à l’air libre grâce à une échelle, ils font face à l’usine où Franz a préparé Lyoko depuis si longtemps...

Arrivés à la salle de l’ordinateur, Aelita est subjuguée par l’étrangeté de ce lieu futuriste où son énigmatique géniteur l’a amenée :

– Mais... Où est-ce qu’on est ?

– Dans mon laboratoire, répond son père en pianotant brièvement sur le clavier. Allez, viens !

– Où ça ? demande encore l’adolescente craintive.

– Dans un monde sans danger, où nous serons en sécurité toi et moi, pour toujours.


Descendus à la salle des scanners, ils entrent chacun dans une colonne de lumière :

– À tout de suite mon ange...

– À tout de suite papa... lui répond-elle tandis que les portes des scanners se referment.


Lorsqu’elle rouvre les yeux, Aelita découvre un paysage féérique qu’elle ne connait pas encore : le territoire Forêt de Lyoko...

Apeurée, la jeune fille virtualisée regarde aux alentours pour observer les chemins verts flottant entre d’étranges arbres sans branches ni feuillage...

– Papa ?... appelle-t-elle. Papa où es-tu ? Réponds !...


La voix de son père lui parvient enfin :

– Je suis là Aelita...


Elle se retourne et voit alors de petites sphères lumineuses qui lui tournent autour :

– Papa ??


Celui-ci tente de la rassurer en lui expliquant son état :

– Je ne peux pas encore me virtualiser sous forme humaine comme toi... Il me reste encore bien des choses à faire sur Lyoko... Ce monde... doit encore évoluer... Bientôt des rivières couleront... Des oiseaux chanteront... Tu redécouvriras la chute des feuilles en automne et le parfum des fleurs au printemps... Je nous construirai une maison, comme celle que...


Mais ses promesses sont interrompues par un inquiétant cliquetis, et Aelita prend peur en voyant de curieuses créatures qui accourent vers elle et son père :

– Papa ! Il y a de drôles de bêtes qui viennent !


Franz reconnait sur leur carapace le symbole de Lyoko... le symbole de Xana... et les monstres commencent à charger leurs rayons...

– Sauve-toi Aelita !


L’elfe rose s’enfuit à toutes jambes, mais ne sachant où aller, elle se cache d’abord derrière un arbre, avant d’entendre la voix lointaine de son père :

– La tour ! lui crie-t-il. Tu dois aller dans la tour ! Ils ne pourront pas te suivre à l’intérieur !


La jeune fille aperçoit un grand édifice cylindrique blanc et comprend qu’elle doit courir s’y abriter, mais le bruit des monstres qui se rapprochent en tirant l’effraye tellement qu’elle reste pétrifiée derrière l’arbre, n’osant pas se lancer à découvert.

C’est alors qu’un petit nuage de fumée blanche descend lentement à sa hauteur pour lui murmurer d’une voix apaisante :

« Utilise ton don de création pour tromper tes ennemis... »

Mais Aelita demeure incapable de réagir tandis les monstres arrivent, alors le petit nuage se condense pour adopter une apparence identique à celle de la jeune fille aux cheveux roses, sauf que sa silhouette entière est blanche.

Pourtant, lorsque cette étrange créature sort de derrière l’arbre et se met à courir dans la direction opposée à la tour, les monstres ne font pas la différence : ils ouvrent le feu sur la fausse adolescente qui continue malgré tout de courir aussi vite qu’elle peut afin de détourner leur attention de la vraie Aelita.

Cette dernière est toujours incapable de bouger malgré l’opportunité que vient de lui fournir son alliée inattendue en copiant la forme de son avatar, quand soudain elle voit un immense nuage de fumée noire traverser le ciel dans un horrible grondement avant de fondre sur celle qu’il croit être Aelita...

Réalisant que cette ombre terrifiante en avait en fait après elle, la jeune fille aux cheveux roses se décide enfin à foncer vers la tour pour s’y réfugier...

Mais elle commence à paniquer en ne trouvant aucune porte à la base de cette tour, alors elle essaye de pousser la paroi avec ses mains qui, à sa grande surprise, traversent le décor si bien qu’elle tombe en avant...

À l’intérieur de l’édifice, Aelita est encore plus désorientée par la composition du lieu où elle se trouve. En avançant sur la plateforme où elle a atterri, des cercles concentriques illuminent le sol pour accompagner ses pas vers le milieu de ce support, et lorsqu’elle y parvient, l’adolescente sent un indescriptible flux d’énergie parcourir son corps, la faisant s’élever doucement dans les airs pour la transporter verticalement vers une seconde plateforme en hauteur...

Son arrivée déclenche l’apparition d’un écran rectangulaire sur lequel elle pose instinctivement sa main, et l’interface transparente l’identifie immédiatement en écrivant son nom : « Aelita »...

– ...Papa ? demande-t-elle en croyant que c’est son père qui lui envoie un message, avant que l’écran lui demande de saisir un « code ».


La jeune fille est déconcertée car son géniteur ne lui a pas donné de mot de passe, pourtant le nom « Lyoko » résonne dans son esprit, pour une raison qu’elle ne s’explique pas...

Et en voyant soudain les lettres qui commencent à se former devant elle comme si la machine virtuelle lisait ses pensées, Aelita prend peur et recule brusquement pour s’éloigner de cette mystérieuse interface, si bien qu’elle tombe de sa plateforme...

– Aaaah ?! panique-t-elle en chutant, mais sa descente heureusement est ralentie par la même force invisible qui l’avait fait monter, et elle atterrit donc tout doucement sur la plateforme située à la base de la tour.


N’osant pas quitter son abri à cause des monstres qui l’attendent sûrement à l’extérieur de la colonne où elle s’est réfugiée, l’elfe aux cheveux roses se recroqueville sur le sol en se demandant pourquoi son père l’a emmenée dans un endroit aussi effrayant...

– ...Aelita ? l’appelle soudain Franz.

– Papa ! répond-elle en relevant la tête pour découvrir avec soulagement les petites sphères lumineuses.

– Aelita, il faut que j’entre en contact avec Xana pour tenter de le persuader que nous pouvons vivre ensemble en harmonie...


Sa fille ne comprend pas de quoi il parle :

– Qui est « Xana » ?

– Un programme multi-agent que j’ai créé, lui explique-t-il. Il a accédé à la conscience, et depuis, il cherche à nous éliminer...

– Mais...? Pourquoi...? s’étonne l’innocente adolescente.


Cette question restera sans réponse, et les sphères lumineuses disparaissent.

– Papa ??

– Surtout reste là... Ne sors pas de cette tour...

– Papa !?... Papa !?!... Papaaaa !!...


De longues minutes passent...

Aelita reste cachée dans la tour, comme son père le lui a demandé...

Progressivement, la solitude et la peur la poussent à « écouter » son environnement, à l’affût de la moindre menace...

À son grand étonnement, elle découvre bientôt qu’elle est capable de « ressentir » tous les éléments numériques qui gravitent autour d’elle... Toutes les données contenues dans l’édifice cylindrique où elle se trouve...

Et tout à coup, sans pouvoir dire comment, elle perçoit du mouvement à l’extérieur...

– Papa ?? demande-t-elle tout en s’approchant de la sortie.


À force de concentration, la jeune fille réalise avec effroi que son père est en danger :

– Papa !! s’exclame-t-elle en courant le rejoindre. J’arrive papa !!


Quittant son refuge malgré les consignes de son géniteur, elle découvre les sphères lumineuses encerclées par de nouveaux monstres volants qui lui tirent dessus :

– Papa !!!

– Non !! panique-celui-ci en réalisant sa présence. Non Aelita !!! Retourne à l’abri dans la tour !!!


Certaines créatures ailées se retournent vers l’adolescente qui n’ose plus faire un pas en les voyant se diriger vers elle, mais l’architecte de Lyoko délivre soudain un puissant arc électrique qui rebondit entre les monstres pour tous les foudroyer.

L’elfe aux cheveux roses pousse un cri tandis que ses agresseurs éclatent devant elle, mais elle est indemne.

– Je t’avais dit de ne pas sortir !! la réprimande son père.

– Je... je voulais juste être avec toi... s’excuse-t-elle tristement.


Franz s’efforce de retrouver son calme pour expliquer à sa fille pourquoi elle ne doit surtout pas s’exposer au danger :

– Tu possèdes les clés de Lyoko, Aelita... Xana ne doit jamais s’en emparer ! Jamais, tu m’entends !?


La jeune fille n’a pas le temps de répondre car de nouveaux monstres viennent d’arriver pour leur tirer dessus, manquant de peu leur cible qui se remet à crier.

Les sphères lumineuses contre-attaquent aussitôt en électrocutant leurs ennemis, mais d’autres créatures apparaissent au loin, obligeant l’informaticien à admettre qu’il ne parviendra pas à abattre ses adversaires indéfiniment :

– C’est fini Aelita... Xana est trop puissant... C’est une menace pour l’humanité... Je dois éteindre le supercalculateur...


L’adolescente apeurée s’empresse donc de suivre son père à l’intérieur de la tour, et une fois rendus au sommet de l’édifice, les sphères lumineuses accèdent à l’interface qui s’y trouve pour entrer les commandes destinées à causer l’extinction de l’ordinateur qui héberge Lyoko...

– Mais... on va... ça veut dire qu’on va mourir ? demande l’elfe angoissée.

– Non, répond Franz pour la rassurer avant de lui donner une dernière consigne sur laquelle il insiste tout particulièrement. Mais tu ne dois jamais m’oublier. Jamais. N’oublie jamais, Aelita...

– Papa...


Le dernier murmure de l’ange de Lyoko s’évanouit dans les ténèbres, et le monde virtuel plonge dans un sommeil qui durera plus de sept ans...





* * *






Alors que le plafond du Mémorium devenu entièrement noir se met à afficher les flashs d’un souvenir de Kamel et Marjorie affolés par l’évanouissement soudain de Taelia qui vient de tomber dans un profond coma sans raison apparente, Zander fixe Franz avec un regard inquiétant...

Quelque chose ne colle pas...

Malgré toute la sincérité d’Aelita dans la retranscription de ses souvenirs, depuis l’arrivée des hommes en noir à l’Ermitage jusqu’à l’extinction de Lyoko par son créateur, il manque l’explication d’un point important :

– Comment ont-ils été tués ? demande tout à coup le souverain du Next World.

– Pardon ? s’étonne Franz en haussant les sourcils.

– Mes hommes !! s’écrie Zander pour se montrer plus pressant. Comment ont-ils été tués !?

– Mais de quoi tu...

– Tu sais très bien de quoi je parle !!! rugit son interlocuteur hors de lui. Les deux hommes qui sont entrés à l’Ermitage pour te capturer ont été retrouvés massacrés dans le hall d’entrée !!! DIS-MOI COMMENT ILS ONT ÉTÉ TUÉS !!!


Franz conserve son air déconcerté, alors Zander fait aussitôt signe à Hélène de faire souffrir tous les otages qui se mettent à hurler...

– Je te jure que je ne sais pas de quoi tu parles !! clame l’informaticien désemparé au milieu des cris de douleur.

– TU MENS !!! s’acharne le bourreau en ordonnant à Carthage d’intensifier la torture.

– Mais tu as bien vu le souvenir d’Aelita !! réplique Franz. On s’est enfuis par le souterrain dès que tes hommes sont entrés !! Comment veux-tu que je sache ce qui leur est arrivé après ça !? Tu ne crois quand même pas que j’avais installé des pièges dans la maison ou je vivais avec ma fille !?


Le maître du Black Phenix plisse ses yeux noirs, avant d’indiquer à Hélène qu’elle peut cesser de faire souffrir les prisonniers pour que ceux-ci arrêtent de crier et permettent ainsi à Zander de réfléchir...

On entrevoit alors au plafond le souvenir du seigneur du Next World recevant le rapport de mission d’un agent à la carrure imposante : Derek Rourk...

– Je ne comprends toujours pas ce qui a bien pu leur arriver ! raconte le colosse de sa voix rauque. Ils étaient morts tous les deux quand je suis entré, et Schaeffer avait disparu ! J’ai fini par trouver le passage souterrain qu’il avait emprunté pour s’enfuir, mais une fois dans les égouts, impossible de savoir par où il était passé !


Son patron fulmine de rage :

– Pourquoi n’étais-tu pas avec eux quand ils sont entrés !?

– Je vous l’ai dit : j’étais en train de « nettoyer » le deux-roues qu’on avait percuté en arrivant, mais Tony a cru apercevoir un visage à la fenêtre de l’étage alors ils ont investi les lieux sans m’attendre ! J’ai passé la porte moins d’une minute après mais c’était déjà trop tard : ils étaient tous les deux en miettes, et Schaeffer s’était volatilisé !



Dans le Mémorium, Franz est soulagé :

– Ah, il y avait donc un troisième homme sur place... conclut-il en sous-entendant que Derek serait responsable de ce qui était arrivé à ses deux collègues lors de leur mission.


Zander devine que pour éviter de devoir lui avouer que leur cible sans défense avait encore réussi à leur échapper, Derek avait préféré éliminer ses deux collègues pour faire croire que Franz était beaucoup plus dangereux qu’il n’en avait l’air....

– Nous règlerons cela plus tard... grince l’homme aux longues ailes noires qui commence à en avoir assez des mensonges de ses propres subordonnés.


Le grand-père d’Aelita la fixe à nouveau en repensant à ce qu’elle a vécu, et à l’extinction du monde virtuel où Franz et elle s’étaient réfugiés :

– Qui a rallumé votre supercalculateur ?


Les regards se tournent vers Jérémie qui décide d’assumer son rôle :

– Moi.


Zander dévisage le blondinet à lunettes, et celui-ci raconte :

– Je venais de rentrer en classe de cinquième à Kadic ; j’aimais bien construire des petits robots, et pour dénicher des composants électroniques, je m’étais mis à explorer l’usine désaffectée sur le fleuve non loin du collège. J’y ai découvert par hasard le complexe souterrain que Franz avait construit en secret. Tout était éteint, mais je voyais bien que la technologie déployée dans cet endroit dépassait de loin tout ce qui se faisait ailleurs...


Comprenant que son jeune interlocuteur est la tête pensante de son équipe de combattants virtuels, le maitre du Black Phenix se doute que celui-ci pourrait chercher à lui cacher des choses, aussi insiste-t-il pour que le brillant lycéen projette directement ses souvenirs au lieu de les narrer :

– Montre-moi le jour où tu as rallumé le supercalculateur, exige-t-il sans détour.

– Comme vous voudrez, obtempère Jérémie en haussant les épaules tandis que le plafond hémisphérique s’illumine à mesure que s’y dessinent les murs métalliques de la salle renfermant l’imposante machine qui abrite Lyoko...


Dernière édition par Nelbsia le Mer 21 Déc 2022 10:55; édité 9 fois
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Nelbsia MessagePosté le: Lun 17 Aoû 2020 20:02   Sujet du message: Répondre en citant  
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Épisode #121 : Code Lyoko


Résumé de l’épisode précédent :


Alors qu’elle menait une vie normale avec son mari Jean-Pierre Delmas et leur toute jeune fille Sissi, Hélène les a abandonnés pour retrouver sa place au sein du Black Phenix, et pour cela, elle a décidé de dénoncer Franz. Paniqué, celui-ci a aussitôt voulu détruire le monde virtuel qu’il était en train de construire afin que ses ennemis ne s’en emparent pas, et c’est alors qu’il a découvert le Retour vers le passé, ce qui lui a permis de prolonger indéfiniment cette journée du 6 juin 1994 pour poursuivre son œuvre avant l’arrivée des hommes du Black Phenix. Durant des milliers de jours, l’informaticien a continué de développer Lyoko en abusant du casque neuronal destiné à améliorer ses capacités intellectuelles, mais il est devenu à moitié fou en ressentant la présence de quelqu’un qui l’espionnait sans pouvoir trouver de qui il s’agissait. Alors qu’il était prêt à se virtualiser avec sa fille Aelita, le scientifique a découvert qu’il était en fait surveillé par son propre programme chargé de protéger Lyoko, Xanadu, qui l’observait grâce au casque neuronal et qui se renforçait lui-même après chaque Retour vers le passé, si bien que l’intelligence artificielle en était venue à se méfier de son créateur qu’elle jugeait paranoïaque et dangereux. Franz Hopper a alors effacé la mémoire de Xanadu et scindé celui-ci en deux entités distinctes : Xana, chargé de défendre le monde virtuel sans trop « réfléchir », et Xilune, dotée d’une conscience évolutive destinée à tenir compagnie à Aelita. Mais en rentrant à l’Ermitage pour aller chercher sa fille, Franz a estimé qu’il valait peut-être mieux attendre encore un peu avant de l’emmener sur Lyoko, et continuer de peaufiner ce monde pour être sûr que cet endroit sera assez accueillant pour elle. Malheureusement, l’informaticien absorbé dans ses pensées a oublié qu’il avait désactivé le Retour vers le passé car il comptait se virtualiser ce jour-là, et les hommes en noir sont alors arrivés à l’Ermitage pour le cueillir. Le père et sa fille sont parvenus à s’enfuir par les égouts pour rejoindre l’usine avant de se réfugier dans le monde virtuel, mais les monstres de Xana les ont alors attaqués, et en comprenant que son programme s’était à nouveau retourné contre lui, son créateur décida d’éteindre Lyoko. Chez Marjorie et Kamel, Taelia tomba subitement dans un coma qui durerait plus de sept années, jusqu’à ce qu’elle se réveille en même temps que la machine rallumée par le jeune collégien qui l’avait découverte au fond de l’usine abandonnée : Jérémie Belpois...





9 octobre 2001.

Des surfaces de métal... Des reflets lumineux...

Deux volumineux cylindres imbriqués, un plus large à la base, et un plus haut en son centre...

Le supercalculateur abritant Lyoko...

Debout face à cette impressionnante machine, Jérémie hésite encore...

Prudent voire peureux, le collégien a longtemps étudié les différents appareils qu’il a découverts pour tenter de comprendre leur fonctionnement sans oser les mettre en marche, jusqu’à ce que l’envie dévorante de savoir à quoi servent les cabines dorées reliées à un ordinateur ultra-sophistiqué surpasse l’angoisse de faire quelque chose qu’il ne devrait pas...

– J’espère que je suis pas en train de faire une énorme bêtise... déclare-t-il en tenant dans ses mains fébriles la manette d’allumage. Allez, go !


Jérémie abaisse courageusement le levier pour mettre en marche l’impressionnante machine, et celle-ci s’illumine alors d’un intense éclat qui envahit la pièce, éblouissant le blondinet qui recule subitement de quelques pas. L’ordinateur semble avoir démarré avec succès, et le jeune garçon redresse donc ses lunettes puis monte au laboratoire pour prendre place au poste de commandes :

– À nous deux ! se réjouit-il en faisant craquer ses doigts avant de les poser sur le clavier. Voyons voir tout ce que t’as dans l’unité centrale...


Il presse quelques touches pour initialiser l’interface, et en à peine quelques secondes, l’ordinateur affiche des fenêtres rectangulaires entourées de bordures bleues. Au centre de l’écran, une fenêtre montre le visage d’une jeune fille endormie aux oreilles pointues et aux cheveux roses...

– Hé ?? s’étonne l’adolescent. Waow ! C’est quoi ce truc ?? Une espèce de jeu ??


Sa surprise grandit lorsque l’elfe virtuelle ouvre les yeux pour regarder autour d’elle avant de dévisager celui qui vient de la réveiller :

– Euh... Qui êtes-vous ?... Où... Où suis-je...?

– Ben heu... Je ne sais pas, je... Pardon, moi c’est Jérémie !

– « Jérémie » ?...

– Oui...?

– C’est joli « Jérémie »...

– Ah...? Heu... Merci... Et toi, tu as un nom ?

– Heu... Je ne sais pas... Je devrais ?


Cette question laisse Jérémie sans voix. L’étrange créature devant lui ignore si elle possède un nom, telle une invention dont l’auteur aurait disparu avant de la baptiser... Mais après tout, bien que cette « personne » s’adresse à lui, sans doute n’est-elle rien de plus qu’un programme d’accueil chargé de guider l’utilisateur...

– Ben... Comme tu es dans un ordinateur, je suppose que tu es une intelligence artificielle, mais les personnes qui t’ont créée t’ont peut-être donné un nom ?

– Les personnes qui m’ont créée ?

– Oui, heu, avant moi, tu as déjà parlé à quelqu’un d’autre ?


L’elfe aux cheveux roses ne parvient pas à faire fonctionner sa mémoire et finit par répondre avec une voix angoissée :

– Je ne... Je n’arrive pas à me rappeler...

– Ah mais ne t’inquiète pas ! la rassure aussitôt Jérémie qui ne s’attendait pas à la voir peinée. Ce n’est pas grave du tout, je vais regarder dans les fichiers pour voir si je trouve ton nom...

– D’accord...


Le jeune informaticien parcourt maladroitement l’arborescence des dossiers contenus dans l’ordinateur, en se perdant dans l’immensité des répertoires avant de se rappeler qu’il est attendu au collège :

– Heu... Intelligence Artificielle ?

– ...Oui ?

– Je dois retourner en cours, et je vais donc m’absenter un moment... Mais ne t’en fais pas, je reviens juste après ! Promis !

– « En cours » ? répète l’elfe en penchant la tête.

– Je voulais dire que je dois aller à l’école, reformule Jérémie tout en tapant de nouvelles commandes sur le clavier. Avant de partir je vais m’envoyer des fichiers vers mon propre ordinateur, comme ça je pourrai profiter de la récré pour analyser un peu tout ça, et je reviendrai dès que possible pour te faire part de mes découvertes ! Tu veux bien m’attendre ici ?

– Heu... D’accord Jérémie, je t’attendrai...





* * *





Dans le Mémorium, tandis que la rencontre entre Jérémie et Aelita laisse la place au réveil inespéré de Taelia après son long et inexplicable sommeil sans vieillissement qu’elle a passé confinée dans une chambre secrète chez ses parents adoptifs, Zander est particulièrement intrigué par le fait qu’Aelita ne se rappelait même plus son propre prénom lorsque Lyoko a été rallumé...

– Montre-moi la suite, insiste l’homme aux longues ailes noires en faisant signe à Jérémie de poursuivre la projection de ses souvenirs.


L’écran hémisphérique retrouve aussitôt les nuances verdâtres du laboratoire de l’usine...





* * *





La porte du monte-charge s’ouvre, et Jérémie en sort précipitamment pour se rasseoir au poste de commande :

– Intelligence Artificielle ? Je suis de retour, est-ce que tu m’entends ?


La créature virtuelle réapparait à l’écran :

– Oui mais franchement, j’aimerais bien que tu m’appelles autrement...


Jérémie est de plus en plus surpris par les réactions de son interlocutrice, toutefois il accepte de lui faire plaisir :

– Bon, d’accord... Voyons... Qu’est-ce que tu dirais de... « Maya » ?

– « Maya » ? répond l’elfe en marquant un bref moment de réflexion avant de sourire. Ça me plait. Mais ce qui me plairait encore plus, c’est que tu me dises ce que je fais ici, dans ce monde virtuel...

– Ça c’est difficile à dire, répond Jérémie un peu embarrassé. Mais par contre, je t’ai déjà récolté quelques données : l’environnement virtuel où tu te trouves s’appelle Lyoko ! Il faudrait que tu essayes d’en sortir ! Regarde autour de toi, il y a peut-être une porte ou quelque chose qui y ressemble ?


La jeune fille se lève pour observer les alentours. Des données. Rien que des données, tout autour d’elle.

Une sorte de chemin semble pourtant traverser ces fragments numériques en disparaissant vers l’inconnu, elle décide donc de l’emprunter avant de se heurter à une barrière :

– Jérémie ? Je ne vois rien... je...? balbutie l’elfe aux cheveux roses tandis que ses mains passent à travers le mur. Oh ?


Aspirée malgré elle, Aelita franchit le mur et se retrouve à l’extérieur, dans une drôle de forêt, avec d’immenses arbres sans branches ni feuillage et dont les cimes se perdent dans le ciel.

– Jérémie ?? C’est... C’est fou ! Il faut que tu voies ça !

– Bah, j’aimerais bien, oui ! renchérit le jeune garçon qui partage son enthousiasme. Tu crois que tu pourrais m’envoyer un visuel ?

– Je vais essayer !


Une nouvelle fenêtre apparaît alors sur l’écran du collégien qui découvre à son tour l’étrange paysage dans lequel évolue sa nouvelle amie.

– Waow...


À peine remis de sa surprise, l’informaticien voit s’ouvrir encore une autre fenêtre sur laquelle se dessine progressivement un schéma circulaire, quand une source lumineuse près de son fauteuil l’oblige à détourner les yeux de l’écran : au centre du laboratoire vient d’apparaître une sphère holographique représentant l’intégralité de Lyoko sous le regard émerveillé de Jérémie.

– Maya ? On dirait qu’il n’y a pas seulement qu’une forêt... C’est un monde ! Tout un monde !


La jeune fille virtuelle s’avance dans la forêt, aussi stupéfaite par son environnement que par les paroles de son ami qui poursuit :

– Je compte quatre territoires, et tous différents les uns des autres !


Mais soudain, l’elfe entend un inquiétant cliquetis accompagnant l’arrivée de quelques bestioles avec un étrange symbole sur leurs carapaces :

– Heu ? Jérémie ? Je ne suis pas toute seule dans ce... ce monde... il y a aussi de drôles d’animaux...

– Waow ! C’est vrai !? C’est génial ça !


Il ne se doute pas qu’à cet instant précis, les monstres chargent leurs rayons laser pour tirer sur celle qu’il appelle « Maya » :

– Ah !! Jérémie !! Les animaux !! Ils m’attaquent !!


L’opérateur réalise enfin que les créatures s’en prennent à sa camarade :

– Sauve-toi Maya !! Retourne dans la tour ! Cache-toi !


Mais un tir de Kankrelat touche la jeune fille et la fait tomber au sol, tandis que l’informaticien en herbe la voit perdre des points de vie sur son écran :

– Maya !! Allez !! Dépêche-toi !!


Celle-ci se relève et se jette dans la tour pour s’y réfugier in extremis tandis que les tirs derrière elle échouent contre la paroi de l’édifice.





* * *





Dans le Mémorium, Zander se retourne vers Jérémie pour l’interroger sur la perte de mémoire d’Aelita, qui ne se rappelait ni le monde où elle avait été virtualisée, ni les monstres qui l’avaient déjà attaquée auparavant :

– Pourquoi ne se souvenait-elle de rien ? questionne le souverain du Next World. Simplement à cause de l’extinction prolongée du supercalculateur qui abritait Lyoko ?


Le jeune garçon secoue la tête :

– Il lui manquait un fragment de sa mémoire.

– Comment cela ?

– Une histoire longue et compliquée, répond simplement Jérémie avec une certaine lassitude.

– Trop compliquée pour mon intellect ? rétorque Zander avant de se montrer très clair en faisant apparaître ses menaçantes plumes noires tout autour des otages attachés à leurs sièges : je veux tout savoir, et j’ai tout mon temps, mais mieux vaut pour vous tous que cela aille vite, car chaque abus de ma patience sera douloureusement sanctionné. Maintenant montre-moi ce qui s’est passé.


Le brillant lycéen soutient quelques secondes le regard glaçant de Zander tandis que les sombres plumes acérées descendent lentement sur les prisonniers, avant que le cerveau des Lyoko-guerriers se résigne à livrer le récit de leur longues années de lutte contre Xana :

– Très bien, puisque c’est ce que vous souhaitez...


Sans comprendre ce qui pousse Jérémie à dévoiler ainsi toutes les réponses désirées par Zander, ses amis se joignent involontairement à lui en partageant leurs souvenirs en commun qui refont surface à l’évocation de leurs aventures passées...





*    *    *





Après avoir découvert Lyoko et la jeune fille virtuelle qui s’y trouve, Jérémie est attaqué par des appareils électriques puis secouru par Ulrich Stern à qui il accepte de tout raconter. En visitant le secteur secret de l’usine, le nouvel ami de Jérémie lui conseille d’éteindre le dangereux ordinateur et d’appeler la police, mais le blondinet entêté est persuadé qu’avant d’en arriver là, ils peuvent peut-être ramener « Maya » sur Terre par l’intermédiaire des scanners qui permettent selon lui de se rendre dans le monde virtuel et d’en revenir...

Afin de tester la virtualisation, Ulrich enlève Kiwi, le chien de son nouveau colocataire Odd Della Robbia, mais c’est finalement Odd lui-même qui se retrouve malencontreusement envoyé sur Lyoko alors qu’il était simplement venu récupérer son chien en compagnie d’Élisabeth Delmas également à la recherche d’Ulrich. Ce dernier rejoint son camarade de chambre dans le monde virtuel, mais de nouvelles anomalies d’électricité s’en prennent à Jérémie tandis que des monstres attaquent les deux garçons virtualisés. L’informaticien en herbe pense encore pouvoir matérialiser celle qu’il appelle « Maya » grâce aux tours activées de Lyoko, alors les collégiens se lancent dans une dernière mission de sauvetage à laquelle se joint Yumi Ishiyama...

Lorsqu’ils atteignent avec succès l’inquiétante colonne auréolée de rouge grâce à laquelle les adolescents pensent pouvoir envoyer leur amie virtuelle sur Terre, celle-ci voit son vrai prénom apparaître sur l’interface au sommet de l’édifice : « Aelita »...

Et au moment où l’écran transparent lui demande un code, l’elfe aux cheveux roses devine instinctivement : « Lyoko »...

La tour est alors désactivée, ce qui met fin aux agressions électriques survenues dans le monde réel, mais contrairement à ce que Jérémie espérait, Aelita reste malheureusement coincée dans le monde virtuel, et le blondinet parvient tout juste à déclencher son premier Retour vers le passé pour échapper à Jim Moralès ainsi qu’à Jean-Pierre Delmas que Sissi a conduits à l’usine pour secourir ses camarades en mettant fin à leurs activités secrètes, trahissant alors leur secret qu’elle devait garder...

Tout semble redevenu normal, et le cerveau de la bande souhaite donc poursuivre ses efforts pour matérialiser Aelita, mais celle-ci s’y oppose : Xana, le virus qui utilise les colonnes de Lyoko pour attaquer la Terre, est beaucoup trop dangereux, et la jeune fille virtuelle recommande donc d’éteindre le supercalculateur pendant qu’il en est encore temps, mais ses nouveaux amis sont prêts à relever le défi dans l’espoir de la sauver...



Les innombrables attaques de Xana contrées par les Lyoko-guerriers jour après jour pendant des années se succèdent sur le plafond du Mémorium qui montre tantôt des êtres ou des objets xanatifiés sur Terre, tantôt des créatures virtuelles sur Lyoko, et les vaillants collégiens qui bravent tous les dangers sans relâche. Des arcs électriques, l’ours en peluche de Milly devenu géant, un monstre de cinéma, Aelita emprisonnée au moment où Taelia Leconte arrive à Kadic, le collège qui s’enfonce dans le sol lors d’une visite de Samantha venue voler un PC, un canal fantôme pour retenir les héros prisonniers dans une fausse réalité...

À travers ces affrontements incessants et chaotiques, un fil conducteur semble émerger, mêlant le destin d’Aelita que ses amis veulent sauver, et celui de Xana qui doit être détruit. Les enfants prennent là un pari risqué, car en prolongeant ainsi l’existence de Xana pour préserver celle d’Aelita, c’est le monde tout entier qui est en jeu...

Alors que Jérémie et ses camarades réels étaient persuadés que leur amie virtuelle n’était qu’un programme informatique, le jeune informaticien parvient bel et bien à matérialiser celle-ci, avec l’aide inattendue de leur infatigable professeur de sport : Jim Moralès, dont la mémoire sera cependant effacée cette fois encore...

Mais ce qui devait marquer la fin des combats contre Xana n’est que désillusion : lorsque les héros éteignent le supercalculateur, Aelita s’évanouit aussitôt, et Jérémie en déduit que leur adversaire a implanté un virus en elle afin de les empêcher de se débarrasser de lui. Il faut donc trouver un antivirus pour permettre à la nouvelle Terrienne de survivre malgré l’extinction du supercalculateur...



Aelita vit enfin dans le monde réel avec ses amis dont certains sont quelque peu perturbés par l’arrivée de William Dunbar à Kadic, mais leur existence est loin de retrouver une véritable tranquillité : la lutte contre Xana continue, et ce dernier semble gagner en puissance comme en témoignent les nouveaux monstres qu’il déploie sur Lyoko tels que les coriaces Tarentules ou l’inquiétante Méduse qui cherche à voler la mémoire d’Aelita. Alors que Jérémie ne parvient pas à trouver l’antivirus qui rendrait son amie indépendante du supercalculateur, celle-ci est en proie à d’étranges visions qui la conduisent à une maison abandonnée : l’Ermitage...

La villa délabrée appartenant à un ancien professeur de Kadic intrigue les collégiens qui y découvrent la clé de la consigne de gare contenant le Journal de Franz Hopper, toujours grâce aux inexplicables visions d’Aelita. Malgré les attaques de Xana visant à détruire ce journal avant que Jérémie ne parvienne à le décrypter, le créateur de Lyoko se manifeste enfin pour aider les enfants à accéder au contenu de ses vidéos. Leur surprise est de taille lorsqu’ils apprennent qu’Aelita est en réalité la fille de Franz Hopper, et qu’elle n’a donc pas de virus mais qu’il lui manque en fait un fragment de mémoire que lui a dérobé Xana. Et si le terrible programme informatique cherche à s’emparer de la mémoire de la jeune fille, c’est parce qu’elle contient les clés de Lyoko qui lui permettraient de s’échapper du supercalculateur pour se répandre dans le réseau, de sorte que la destruction de la machine hébergeant Lyoko au fond de l’usine ne suffise plus à le mettre hors d’état de nuire...

Les Lyoko-guerriers se lancent donc à l’assaut du Cinquième Territoire, persuadés d’y trouver le fragment d’Aelita qui leur permettra enfin d’éteindre le supercalculateur avant que Xana ne s’en évade et sans que leur amie n’en soit affectée. Mais les jeunes combattants tombent tour à tour, dévirtualisés par les monstres qui les attendaient, et la Méduse capture l’elfe aux cheveux roses afin de lui voler sa mémoire. Laissant Aelita pour morte, Xana s’échappe de Lyoko sous les yeux impuissants des collégiens dévastés par la perte de leur amie, avant que celle-ci soit ramenée à la vie par le sacrifice de Franz Hopper qui restitue à sa fille le fragment de mémoire qui lui manquait pour être une humaine à part entière...



Cependant, Xana est désormais libre de se propager dans le réseau, et il s’emploie désormais à détruire Lyoko pour priver les adolescents de leur unique moyen de le combattre. Les Lyoko-guerriers luttent tant bien que mal pour repousser les assauts de leur ennemi contre la machine qui héberge le monde virtuel ou directement contre le Cœur de Lyoko situé dans le Cinquième Territoire, mais si Aelita bénéficie à présent du pouvoir « Champ de Force » pour mieux se défendre depuis que Franz Hopper lui a rendu son fragment de mémoire manquant, Xana a lui aussi gagné en intelligence après avoir volé la mémoire d’Aelita : il envoie désormais sa Méduse pour prendre le contrôle de la Gardienne de Lyoko et la forcer à taper le code « Xana » dans les tours, effaçant ainsi un à un les territoires de surface jusqu’à ce qu’il ne reste plus que le territoire Carthage...

Fort heureusement, Jérémie trouve le moyen de virtualiser ses amis directement dans le Cinquième Territoire afin de défendre le dernier bastion du monde virtuel, mais la menace de destruction qui plane sur Lyoko est plus grande que jamais, et pour y faire face, les Lyoko-guerriers sont contraints de prendre une décision qui sera lourde de conséquences : recruter William...

Si le grand ténébreux a déjà maintes fois prouvé sa témérité et son efficacité au combat, il reste avant tout une tête brûlée, ce qui causera sa perte dès sa première mission sur Lyoko : alors que Jérémie fait l’objet d’un reportage vidéo par Milly Solovieff et Tamiya Diop, et qu’Odd fait du skateboard avec Samantha Knight qui a volontairement omis de lui transmettre le message urgent d’Ulrich, lequel reçoit un savon de son père tandis que Yumi subit un odieux chantage de la part de son petit frère Hiroki, Aelita n’a d’autre choix que de se virtualiser seule avec William pour s’empresser d’aller contrer l’attaque de Xana dans le Cinquième Territoire...

Négligeant les consignes et les mises en garde de sa coéquipière lorsque les monstres de Xana se laissent vaincre un peu trop facilement afin de mettre en confiance le nouveau Lyoko-guerrier, William est emporté par l’euphorie des combats et par le poids de sa lourde lame, si bien qu’il finit par tomber entre les tentacules de la Méduse venue s’emparer de son esprit. Mettant désormais sa force au service de Xana, le grand ténébreux pourfend chacun de ses anciens alliés avant d’abattre son épée sur le Cœur de Lyoko...

Désemparés, anéantis comme le monde virtuel qu’ils n’ont pas réussi à protéger, et privés de leur dernière recrue portée disparue, les héros se réunissent à l’Ermitage où ils ne peuvent que constater leur échec total : Lyoko a été détruit, et ils n’ont plus aucun moyen de lutter contre Xana, le monstre qu’ils ont laissé s’échapper. Mais sur l’ordinateur de Jérémie, un message provenant du réseau leur redonne un espoir inattendu : Franz Hopper est vivant...



Grâce aux données envoyées par le créateur de Lyoko, Jérémie et Aelita reconstruisent le monde virtuel et créent le Skidbladnir, un vaisseau qui leur permettra de plonger dans la mer numérique et d’explorer le Réseau afin d’y pourchasser Xana. Mais l’insaisissable virus possède désormais un combattant nettement moins écervelé que ses habituels monstres : William xanatifié, dont les pouvoirs accrus par le contrôle de Xana mettent les Lyoko-guerriers à rude épreuve...

Heureusement, ayant acquis beaucoup de savoir-faire lors de la reprogrammation de Lyoko, Jérémie possède à présent les compétences nécessaires d’une part pour générer une réplique de William dans le monde réel afin de couvrir l’absence du vrai adolescent, et d’autre part pour améliorer les avatars virtuels de ses alliés dans le but de contenir les assauts répétés du Xana-guerrier qui semble déterminé à précipiter Aelita dans la mer numérique...

Outre les monstres aquatiques placés dans le Réseau par leur ennemi pour couler leur sous-marin, les héros découvrent les « Réplikas », ces mondes virtuels sous contrôle de Xana reproduisant les territoires de Lyoko, et qui sont en fait abrités par d’autres supercalculateurs situés dans diverses bases militaires aux quatre coins de la planète. Jérémie programme donc la « Translation » pour matérialiser les avatars virtuels de ses coéquipiers au cœur des complexes scientifiques dans le monde réel afin de détruire les supercalculateurs de Xana. Sur place, les Lyoko-guerriers découvrent avec effroi que leur ennemi contrôle l’ensemble des infrastructures de ces lieux qu’il a contaminés, ainsi que leur personnel dont il se sert pour fabriquer d’innombrables monstres mécaniques à dessein d’envahir la Terre...

Pour ne rien arranger, William xanatifié vient sans cesse enrayer les expéditions de ses anciens alliés en attaquant le Skidbladnir chaque fois que celui-ci est arrimé à une tour, obligeant les voyageurs à revenir défendre leur vaisseau. Lorsque le Xana-guerrier parvient enfin à jeter Aelita dans la mer numérique, Franz Hopper est contraint de se manifester pour sauver sa fille en s’exposant aux tirs des troupes de Xana qui cherchait en fait à se débarrasser de son créateur, car sans lui, Aelita et Lyoko auraient déjà cessé d’exister, et les élèves de Kadic n’auraient plus aucun moyen de l’arrêter...

L’architecte de Lyoko s’en sort in extremis à plusieurs reprises, et les courageux adolescents parviennent à détruire quelques Réplikas, mais Xana rend coup pour coup à Jérémie par l’intermédiaire de William qu’il munit du Rorkal (un vaisseau lui permettant d’attaquer le Skidbladnir durant ses traversées dans le Réseau), et qu’il finit même par translater pour défendre ses supercalculateurs dans le monde réel, empêchant ainsi les héros de détruire les Réplikas...

Xana a cependant commis une erreur : pour translater William, le virus a hébergé ses données dans une tour activée, et lorsqu’Aelita se connecte ensuite à l’interface de cette tour, elle parvient à récupérer les données de leur ancien camarade grâce auxquelles Jérémie peut concevoir un programme qui devrait leur permettre de ramener William sur Terre, débarrassé du contrôle de Xana...

Alors que les héros croient enfin prendre l’ascendant sur leur adversaire, celui-ci dévoile l’étendue de sa puissance en envoyant un monstre titanesque : le Kolosse qui écrase les Lyoko-guerriers comme de vulgaires insectes. Par chance, les élèves de Kadic réussissent de justesse à délivrer William de l’emprise de son maître virtuel, mais le Kolosse fracasse leur Skidbladnir, les privant ainsi de leur unique moyen de transport dans le Réseau...

Jérémie est catégorique : les Réplikas sont trop nombreux, et reprogrammer le Skid prendrait trop de temps. Maintenant que Xana est partout, la seule façon de le vaincre une bonne fois pour toutes est de concevoir un programme multi-agents capable de l’attaquer partout à la fois, mais cette tâche est extrêmement compliquée, même pour Jérémie malgré tous les progrès qu’il a faits cette année...

Heureusement pour les adolescents, Franz Hopper leur apporte son aide afin de compléter le programme de Jérémie, mais Xana profite du rendez-vous entre Aelita et son père sur Lyoko pour envoyer ses monstres dans le but d’empêcher l’achèvement du programme destiné à l’anéantir. Les Lyoko-guerriers peinent à contenir toutes les créatures qui les attaquent, et Jérémie s’aperçoit que son programme ne peut pas être lancé car il leur manque de l’énergie, alors Franz Hopper se sacrifie une dernière fois pour que le programme de son jeune successeur soit enfin déployé. D’innombrables faisceaux d’énergie blanche fusent dans toutes les directions et se répandent rapidement dans le Réseau, détruisant chaque Réplika et éradiquant Xana où qu’il se trouve...

Jérémie et ses amis sont enfin victorieux, mais Aelita a perdu son père...

La mort dans l’âme, ils décident qu’il est temps d’éteindre le supercalculateur.



Mais quelques semaines plus tard, Odd en proie à une crise de nostalgie dévorante se rend discrètement à l’usine en pleine nuit pour rallumer la machine afin d’aller sur Lyoko. Alors qu’il pensait simplement se faire une petite promenade virtuelle en souvenir de ses années d’aventurier, le jeune imprudent est attiré malgré lui dans une cavité secrète du Cinquième Territoire : la salle « parallèle » où Franz Hopper avait caché l’interface Carthage et où Xana avait emprisonné Xilune. Celle-ci explique à Odd qu’elle ne peut s’échapper sans l’aide de Jérémie, et pour prouver qu’elle n’est pas Xana, elle montre à son invité qu’elle est capable d’accéder à ses souvenirs pour modifier selon ses souhaits les actions qu’il regrette et les erreurs qu’il voudrait corriger...

Sous-estimant gravement les conséquences d’un tel pouvoir, le félin et la fumée blanche qu’il vient de rencontrer ressuscitent malgré eux Xana, et Xilune doit alors s’empresser de dévirtualiser Odd pour qu’il aille immédiatement éteindre le supercalculateur qui ne doit plus jamais être rallumé...



Ce que l’adolescent irresponsable ignore, c’est qu’il n’est pas le seul à regretter d’avoir éteint le supercalculateur : même si elle a vu son père mourir sous ses yeux, Aelita ne parvient pas à accepter sa disparition, ni à oublier la promesse qu’elle avait faite de ne jamais l’oublier. Mais lorsqu’elle décide de remettre Lyoko en marche dans l’espoir de découvrir un indice indiquant que son père serait toujours en vie, Aelita ne se doute pas qu’entretemps, Odd a malencontreusement ramené Xana à la vie, et qu’il ne faut donc surtout pas rallumer le supercalculateur...

Le jour de la rentrée des classes, une alerte sur l’ordinateur de Jérémie indique que Xana, très affaibli mais bien vivant, a activé une tour pour recouvrer sa puissance d’autrefois. Ressentant au fond de lui qu’il se passe quelque chose sur Lyoko, William suit ses anciens camarades à l’usine pour leur donner un coup de main, mais plus préoccupés par l’identité du « traitre » qui a rallumé le supercalculateur que par l’urgence de cette mission imprévue, les Lyoko-guerriers ne parviennent pas à désactiver la tour à temps, et Xana en profite pour récupérer ses pouvoirs, bien décidé à prendre sa revanche sur les adolescents...

Suite à son échec sur Lyoko, Aelita révèle à ses amis que c’est elle qui a rallumé le supercalculateur, car elle est persuadée que son père est toujours vivant et qu’il se trouve quelque part dans le monde virtuel. Ses camarades sont sceptiques, mais Jérémie concède qu’il reste bien une chance que Franz Hopper soit encore en vie, alors puisque Xana est désormais confiné à l’intérieur de Lyoko, ils devraient pouvoir le combattre et l’anéantir définitivement, tout en recherchant le père d’Aelita...

Seulement, même si Xana est à présent coincé dans Lyoko et privé des Réplikas qu’il avait bâtis dans le Réseau, sa puissance et son intelligence ne cessent de croître : il continue de générer des créatures virtuelles toujours plus nombreuses et dévastatrices qu’il envisage de matérialiser sur Terre le moment venu. En plus de William qui fait désormais partie de leur équipe, les Lyoko-guerriers doivent recruter Naxxya Warven qui peut absorber de grandes quantités de dégâts, ainsi que Sissi car celle-ci possède la capacité de remonter les points de vie perdus par ses alliés. Mais malgré tous leurs efforts pour continuer de tenir tête à Xana qui se renforce, les héros découvrent que leur ennemi a retrouvé Franz Hopper avant eux...

Si le virus maléfique garde son créateur en otage au lieu de l’éliminer comme il a longtemps cherché à le faire, ce n’est pas uniquement pour éviter que les adolescents éteignent le supercalculateur : ceux-ci commencent à deviner le sombre plan de Xana qui projette en fait de contraindre Franz Hopper à le matérialiser lui-même avec son immense armada de monstres...

Jérémie reçoit même un message vidéo provenant du futur apocalyptique dans lequel Hervé Pichon met en garde son prédécesseur : Xana va bientôt vaincre les Lyoko-guerriers et envahir la Terre, à moins qu’ils parviennent à changer le cours des évènements...

Mais en dépit de l’avertissement d’Hervé du futur, Jérémie et son équipe tombent dans le piège de Xana qui les prive du Retour vers le passé et de la possibilité de se rematérialiser quand ils perdent tous leurs points de vie. Le monstre numérique oblige ainsi ses ennemis à venir l’attaquer au fond de son repaire, et les craintes des lycéens se confirment lorsque Xana apparait devant eux dans sa propre enveloppe corporelle humanoïde tout droit sortie d’un cauchemar...

La puissance écrasante de Xana lui permet d’éliminer aisément les Lyoko-guerriers et de voler les clés de Lyoko qu’Aelita avait reçues de son père, avant que Jérémie ne révèle son propre plan qu’il avait tenu secret jusqu’à ce jour grâce à un nouveau casque neuronal de sa conception : rejoindre ses amis sur Lyoko pour leur redonner l’avantage grâce à son pouvoir spécial qui consiste à améliorer grandement les capacités de ses alliés...

Au terme d’une bataille acharnée, les huit Lyoko-guerriers réussissent enfin à vaincre leur terrible adversaire qui se désintègre, mais ils n’ont plus aucun moyen de se rematérialiser tandis que le territoire tout entier commence à s’écrouler sur eux. Heureusement, Xana étant vaincu, Xilune en profite pour renoncer à son propre support physique afin de s’échapper de sa prison et foncer jusqu’à celle de Franz Hopper, rendant à celui-ci juste assez d’énergie pour voler au secours des Lyoko-guerriers. Pendant que Xilune se substitue au virus que Xana avait implanté en William, Franz Hopper rend à Aelita les clés de Lyoko que lui avait volées Xana, puis père et fille ouvrent un portail afin de rematérialiser tout le monde sain et sauf à l’usine. Aelita a enfin retrouvé son papa, mais celui-ci lui cache encore des choses, à commencer par la perte de l’usage de ses jambes dans le monde réel, ainsi que le moyen qu’il a de contacter Anthéa, même après toutes ces années...





* * *





Dans le Mémorium, Zander « remercie » Jérémie pour sa coopération, en reconnaissant que le blondinet a réalisé de véritables prouesses durant ses années de lutte contre Xana :

– Si jeune mais déjà capable de comprendre et de poursuivre les travaux de Waldo, le félicite-t-il. En d’autres circonstances, je t’aurais offert un emploi très enrichissant, mais je me doute que le sort que je réserve à Aelita risque de te déplaire...


Jérémie s’efforce de rester calme :

– Épargnez-la et voyons donc où notre collaboration peut nous mener...


Ses amis sont surpris de le voir proposer ainsi ses services à Zander, Aelita la première car elle ne veut pas que son amoureux se sacrifie pour elle, mais le cerveau de la bande reste impassible en menaçant froidement le chef du Black Phenix :

– ...Dans le cas contraire, je jure de vous réduire à néant.

– Je ne te pensais pas assez stupide pour me manquer ainsi de respect, soupire Zander en plantant d’un revers de la main des plumes noires dans le corps de Jérémie qui crie de douleur. Vous ne comprenez toujours pas à qui vous vous adressez ? Pour l’instant je ne suis que le seigneur du monde virtuel que j’ai bâti et de l’organisation que j’ai fondée, mais très bientôt, je serai le premier humain à accéder à l’immortalité, et à régner sur le monde réel tout entier. Plus rien ni personne ne pourra se dresser contre moi.


Jérémie serre les dents pour répliquer :

– Pourtant, vous avez vu Xana...


Zander retire brièvement ses pointes noires le temps de comprendre où Jérémie veut en venir :

– Et alors ? Pourquoi ce vieux programme mal conçu vous obsède-t-il tant ? Parce qu’il était censé « détruire » mon empire ? Les systèmes de défense du Black Phenix regorgent de programmes mieux élaborés, qui m’obéissent au doigt et à l’œil...


Les androïdes postés tout autour de la salle effectuent aussitôt un salut militaire simultané, faisant raisonner leurs structures métalliques à l’unisson, mais Jérémie secoue la tête :

– En accédant à la conscience indépendante, Xana avait atteint un niveau de puissance qu’aucun de vos pantins n’égalera jamais... Vous l’avez vu dans nos souvenirs : le monstre que nous avons combattu était devenu un danger pour toute la planète Terre... Mais malgré la suprématie de notre ennemi dans le monde virtuel, nous avons fini par le terrasser... Et je suis persuadé qu’au sommet de sa puissance, il était bien plus redoutable que vous...


Le calme imperturbable de Zander se rompt subitement, et une lueur rouge envahit ses yeux lorsqu’il précipite furieusement ses plumes acérées dans la chair de Jérémie qui se remet à hurler de douleur. L’idée qu’un être, même disparu, surpasse sa propre puissance met le souverain du Black Phenix hors de lui. Tandis que de la foudre rouge se propage aux alentours, les prisonniers supplient le bourreau aux longues ailes noires d’arrêter de torturer leur ami, mais sa colère semble le rendre sourd à leurs complaintes...

Aelita tente donc de lui rappeler son objectif :

– Arrêtez ! Laissez Jérémie tranquille ! Je vous dirai tout ce que vous voulez savoir !! Je vous aiderai à devenir immortel !!


Zander finit par rétracter ses plumes noires, avant de se masser les phalanges, ne comprenant pas pourquoi, l’espace d’un instant, il a perdu le contrôle de lui-même et il ne pensait plus qu’à massacrer Jérémie, oubliant presque la raison pour laquelle il avait réuni tous ses otages dans le Mémorium : Aelita est à sa merci, mais les données qu’elle recèle et qui sont censées lui permettre d’accéder à l’immortalité ont été corrompues. Quelqu’un sait forcément quelque chose. Quelqu’un qui doit bien se moquer de lui, depuis le début...


Zander fixe soudain Samantha en la dévisageant comme pour essayer de lire dans son esprit. La jeune fille originaire des États-Unis lui a longtemps été dévouée après qu’il l’avait sauvée d’une mort certaine, jusqu’à ce qu’elle se retourne contre lui comme l’avait fait sa propre fille Anthéa... Mais contrairement à elle, Samantha a été plusieurs fois en contact avec les élèves de Kadic récemment, y compris avec Aelita... Se pourrait-il que la jeune fille colérique à la peau noire soit la clé de l’énigme ? Aurait-elle en fait agi sur ordre d’Anthéa pour faire en sorte que les résultats des expériences menées sur Aelita soient inexploitables ?

– Pourquoi t’es-tu rendue si souvent à Kadic ? lui demande donc Zander en tâchant de retrouver son calme sans se soucier des gémissements de douleur de Jérémie.


Samantha fronce les sourcils :

– « Souvent » ? Je n’y suis allée que trois ou quatre fois, comme les souvenirs de Jérémie et ses copains l’ont montré.


Voyant que le tortionnaire s’apprête à punir Samantha pour son manque de coopération, Howard prend la parole afin de défendre sa fille :

– Je sais ce que vous croyez, mais vous faites erreur : Samantha n’avait rien à voir avec Aelita, et je peux vous le prouver...


Projetant les souvenirs du vieil homme noir, le plafond du Mémorium s’illumine aux couleurs de l’appartement d’Anthéa...


Dernière édition par Nelbsia le Mer 21 Déc 2022 10:52; édité 5 fois
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Nelbsia MessagePosté le: Lun 17 Aoû 2020 20:02   Sujet du message: Répondre en citant  
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Épisode #122 : Seconde jeunesse


Résumé de l’épisode précédent :


Encourageant ses camarades à faire de même, Jérémie a finalement livré à Zander tous les souvenirs de la lutte contre Xana que ses amis et lui ont menée en secret durant quatre longues années, depuis qu’il avait rallumé le supercalculateur le 9 octobre 2001. Toutes les attaques sur Terre, toutes les missions sur Lyoko, la découverte des origines d’Aelita qui était en fait humaine puisqu’elle est la fille de Franz Hopper, et la victoire des Lyoko-guerriers contre Xana qui avait pourtant atteint un niveau de puissance incommensurable. Malgré les comportements étranges que Zander a pu observer chez Aelita dans les souvenirs évoqués par ses amis, le maître du Black Phenix n’est toujours pas parvenu à déterminer comment les données de la jeune fille aux cheveux roses ont pu être corrompues au point qu’il ne puisse plus prélever ce qu’il avait investi en elle pour se rendre immortel. Cependant, après avoir assisté aux souvenirs projetés par Jérémie et sa bande, Zander n’a pas manqué de se tourner vers Samantha, car il savait désormais qu’elle avait fréquenté Odd et ses camarades à Kadic et qu’elle avait donc pu aller voir Aelita pour s’en prendre à elle...





1999.

Anthéa fait entrer dans son appartement l’homme qui vient de frapper à sa porte : Howard Knight.

Le visiteur est surpris par l’atmosphère chaleureuse qui règne dans ce lieu pourtant situé dans les profondeurs des bâtiments du Centre : une pièce à vivre radieuse avec une table pour manger ainsi qu’une cuisine ouverte sur un petit salon doté d’un canapé devant une télévision, un aquarium, des étagères pleines de livres, des plantes vertes et des tableaux colorés accrochés aux murs. Seule l’absence de la moindre fenêtre et les dispositifs d’aération au plafond trahissent la véritable nature de cet endroit : une prison sous terre.

Anthéa est étonnée par cette visite à l’improviste car elle a toujours pris soin d’éviter de discuter avec Howard depuis qu’il avait volé le Xénoformeur pour le confier à la jeune femme et à son mari avant de couvrir leur fuite, une quinzaine d’années auparavant.

Voyant une chevelure bleue dépasser du dossier du canapé qui fait face au poste de télévision, Howard invite Anthéa à le suivre discrètement jusqu’à la salle de bains pour faire couler de l’eau dans la baignoire afin d’être certain que leurs paroles ne seront pas entendues par autrui ou même par des micros.

– Naxxya aura douze ans l’an prochain, déclare Howard. Tu sais ce que ça signifie ?


Anthéa se méfie de son invité :

– Pourquoi cela te préoccupe-t-il ?


Le vieil homme noir lui assure qu’il est venu avec de bonnes intentions :

– Je vous ai vues vous promener tous les soirs dans les jardins à la surface. Tu lui as appris à reconnaître les oiseaux qui traversent le ciel, à imaginer les formes auxquelles ressemblent les nuages, et à nommer toutes les nuances de couleurs du coucher de soleil.

– Je n’ai cependant jamais réussi à mettre un nom sur chaque garde qui nous surveille quand nous sortons, répond ironiquement son interlocutrice, et j’ignorais que tu en faisais partie.


Howard secoue la tête :

– Je ne vous espionne pas. Il m’arrive simplement de me promener, moi aussi, car tout comme toi, j’ai longtemps apprécié ces promenades en compagnie de ma fille.

– Naxxya n’est pas ma fille, rétorque aussitôt Anthéa.

– Mais tu tiens beaucoup à elle, ne le nie pas. Et je suis bien placé pour savoir ce que tu ressentiras lorsqu’ils te la reprendront.

– Elle va seulement rejoindre les autres pour commencer l’entrainement, ça ne veut pas dire qu’elle ne viendra plus me voir.


Le scientifique n’est pas aussi optimiste :

– Tu la verras de moins en moins souvent, jusqu’à ce qu’elle réside en permanence dans le Next World. Elle a été génétiquement programmée pour cela, et quand sa « formation » sera achevée, elle finira par oublier tout ce que tu lui as appris jusqu’à maintenant.

– J’en doute, réplique Anthéa. Elle manque clairement d’initiative et d’imagination, mais sa mémoire est solide, comme on peut l’attendre d’un sujet de son espèce. Maintenant si tu veux bien m’excuser...


Elle s’apprête à refermer le robinet de la baignoire, mais Howard la retient par le bras :

– Tu ne feras donc rien pour les empêcher de te la reprendre ? insiste-t-il. As-tu déjà oublié dans quel état tu as fini la dernière fois que tu t’es retrouvée seule, séparée des personnes que tu aimais ? Moi, je ne l’ai pas oublié. Je t’ai vue dépérir, et tu te serais sans doute laissée mourir si je n’avais pas convaincu Zander de te confier l’élevage d’une Warven !


La fille du chef du Black Phenix dévisage son interlocuteur, surprise en apprenant que c’était lui qui était à l’origine de cette manœuvre, avant de se ressaisir :

– Si mon père me garde en vie uniquement parce qu’il espère que Waldo se manifestera pour me sauver, peut-être qu’il aurait mieux valu que je meure. Et peut-être que cette fois-ci sera la bonne. Au moins, je partirai avec la certitude que mon mari et nos filles n’auront plus aucune raison de revenir ici.

– Et Naxxya alors !? la secoue Howard. Tu vas les laisser faire d’elle un soldat virtuel à la conquête du réseau mondial !?

– Mais qu’est-ce que ça peut te faire !? se défend Anthéa en retirant vivement son bras avant d’ouvrir la porte qui relie la salle de bains à la chambre à coucher. J’ai déjà fait tout ce que j’ai pu avec elle, mais elle n’est pas humaine !! Je lui ai fait découvrir tout ce qu’on m’autorise à lui montrer, des histoires dans des livres ou à la télévision, de la peinture ou de la musique, mais rien n’y fait ! Elle ne montre aucun trait de caractère, elle se contente d’obéir aux consignes en recherchant l’ordre et la perfection !


Tandis qu’Anthéa s’assoit au bord du lit impeccablement bordé pour cacher son visage dans ses mains, Howard contemple les quelques peintures encadrées au mur : des formes géométriques régulières et symétriques, des couleurs unies et des dégradés sans défaut. Même les branches et les racines d’un arbre sont dessinées selon un schéma fractal. Comme si la personne qui avait peint ces toiles était en fait une machine soumise à un algorithme qui ne tolère que l’harmonie.

Le visiteur retrouve un ton plus calme :

– Il arrive que nos enfants nous déçoivent profondément, mais ça ne justifie pas qu’on renonce à leur bien-être...


La femme aux cheveux roses s’essuie les yeux en s’apprêtant à répéter que Naxxya n’est pas son enfant, mais elle comprend soudain pourquoi Howard est venu la solliciter, et pourquoi il se montre aussi insistant :

– C’est pour Sam que tu es là, n’est-ce pas ? devine-t-elle. Tu t’en veux d’avoir laissé Zander l’enrôler dans son armée virtuelle, alors tu espères m’empêcher de faire la même erreur que toi...


Immobile face à l’un des tableaux carrés, Howard finit par avouer :

– À vrai dire, je veux croire qu’il n’est pas non plus trop tard pour sauver Samantha...


L’espoir du vieil homme semble fou pour Anthéa qui a bien connu la redoutable combattante survoltée lorsqu’elles faisaient toutes les deux partie du projet Carthage :

– Sam est une guerrière. La dernière fois que je l’ai vue à l’œuvre dans le Next World, elle était complètement dans son élément. Presque aussi impitoyable qu’Hélène, et presque aussi sanguinaire que Derek.

– Sa mère est morte sous ses yeux quand elle était enfant, justifie Howard en dissimulant maladroitement la peine qui transparait dans sa voix. L’entrainement que Samantha a reçu ici lui a permis de surmonter son chagrin, alors j’ai laissé faire, sans me douter qu’elle deviendrait ce qu’elle est aujourd’hui. Mais je ne quitterai pas ce monde sans essayer de réparer mon erreur. Je n’irai pas rejoindre mon épouse avant d’avoir fait tout ce qui est en mon pouvoir pour sauver notre unique enfant. Et c’est pour cela que je suis venu te voir : j’ai peut-être un plan pour permettre à Samantha et à Naxxya d’échapper au conditionnement militaire du Black Phenix.


Anthéa reste silencieuse, intriguée par l’idée qu’Howard finit par lui révéler :

– Tu dois exiger auprès de ton père que Naxxya soit scolarisée à la rentrée prochaine.


Son interlocutrice hausse les sourcils, désemparée par l’absurdité du plan proposé :

– « Scolariser Naxxya » ? C’est une plaisanterie ?

– Absolument pas. Tu vas devoir trouver les mots pour que ton père accède à ta demande. N’importe quel prétexte fera l’affaire, dis-lui que tu fais une expérience scientifique ou bien menace-le de mettre fin à tes jours, même si cela doit passer pour un caprice de ta part. Et c’est là que j’entrerai en jeu, en proposant à Zander des conditions qui le pousseront à aller dans notre sens sans le savoir.

– Qu’est-ce que tu entends par là ? se méfie la femme aux cheveux roses.

– As-tu entendu parler du collège-lycée Matheson ?


Anthéa secoue la tête en signe de négation.

– C’est un établissement en banlieue parisienne regroupant les pires élèves de la région et où règnent violence et délinquance. Je tâcherai de recommander à Zander d’y inscrire Naxxya, afin de voir un peu comment elle se débrouille dans un milieu aussi hostile. Et pour mieux encadrer tout cela, je suggèrerai habilement d’y envoyer aussi Samantha, rajeunie de quelques années évidemment, et dont le rôle sera de garder un œil sur tout ce que fera Naxxya.


Cette stratégie complètement folle ne convainc pas Anthéa :

– C’est totalement insensé... Et de toute façon, mon père n’acceptera jamais...

– Détrompe-toi, poursuit Howard. Zander est tourné vers l’avenir et la conquête virtuelle, mais je peux t’assurer qu’il serait ravi de confronter dès que possible ses futurs « super-soldats » à des adversaires du monde réel. Si nous lui en donnons l’occasion, nous parviendrons peut-être à accorder à nos filles une chance d’échapper au destin qui les attend en restant au sein du Black Phenix. Je dirais presque qu’elles auront enfin droit à la jeunesse « normale » qu’elles n’ont jamais eue.


Anthéa ne dit plus rien, en proie à de nombreuses interrogations : et s’ils faisaient tout cela en vain ? Si Samantha était définitivement irrécupérable ? Si Naxxya ne pouvait rien devenir d’autre que ce qui a été écrit dans son code génétique ?


Howard décroche le tableau qu’il observait depuis tout à l’heure pour le montrer à Anthéa :

– Au moins, tu la reverras quand elle rentrera durant les vacances...


La femme aux cheveux roses parcourt du regard la peinture mise sous ses yeux par Howard, et découvre que les formes géométriques ennuyeuses qui s’y trouvent ne sont pas aussi dénuées d’émotions qu’elle le croyait : le grand carré blanc dont les coins sont arrondis par des quarts de cercles représente en fait le grand lit sur lequel elle est assise à cet instant même, tandis que le « Yin Yang » rose et bleu qui figure au centre désigne en réalité ses deux occupantes, enlacées dans leur sommeil...





* * *






Dans le Mémorium, le souvenir prend fin sur cette image, et Howard conclut catégoriquement :

– Nous n’avons jamais cherché à envoyer Samantha à Kadic, et de toute façon, nous ignorions qu’Aelita s’y trouvait. D’ailleurs selon les dates indiquées durant les souvenirs des jeunes gens ici présents, lorsque nous avons inscrit Naxxya et ma fille à Matheson, Jérémie et ses futurs coéquipiers ne se connaissaient même pas, tandis qu’Aelita et Waldo étaient toujours prisonniers de leur supercalculateur qui n’avait pas encore été découvert. Il vous est donc inutile de vous en prendre à Samantha puisqu’elle n’a rien à voir avec Aelita.


Zander a écouté Howard jusqu’au bout pour en savoir le plus possible, mais sans perdre de vue ses intimes convictions :

– Comme c’est touchant de te voir prendre la défense de ta fille, alors qu’elle se défend beaucoup mieux que toi et qu’elle t’a toujours considéré comme un faible. La perte de sa mère t’a rendu impuissant à ses yeux et l’a poussée à apprendre à se battre elle-même pour devenir l’une des meilleures unités du Black Phenix...


Le fondateur de cette sombre organisation se tourne vers Samantha avant de poursuivre à son sujet sur un ton de reproche à la troisième personne :

– ...Mais après ses quatre années de collège, elle avait changé. Elle qui auparavant était absorbée dans ses entrainements dans le Next World, dévouée corps et âme à devenir aussi féroce qu’impitoyable, une fois revenue de Matheson elle passait désormais moins de temps à s’entrainer qu’à trainer en dehors du Centre pour se rendre à la bibliothèque, au cinéma ou même à des concerts musicaux, comme si elle avait pris goût à la vie « ordinaire », jusqu’à ce que je découvre qu’elle commençait elle aussi à comploter contre moi... Et pour une raison que j’ignore, elle continue de me cacher ce qui l’a transformée à ce point. Or, j’ai horreur qu’on me cache des choses...


Samantha sourit, bien qu’elle sache ce qui l’attend :

– Envoie les plumes si ça t’amuse, mais j’ai toujours pas l’intention de te répondre.


Les douloureuses dagues noires de Zander apparaissent autour d’elle, et celui-ci lui rend son sourire :

– En effet, cela m’amuse.


Il esquisse alors un geste de la main pour planter ses projectiles dans le corps de son insolente prisonnière qui crie brièvement avant de serrer les dents tout en continuant de sourire. Les autres otages attachés sur les sièges du Mémorium sont horrifiés en voyant Zander augmenter le nombre de plumes acérées et intensifier la souffrance qu’elles infligent à Samantha pour la forcer à crier de nouveau, mais son cri devient saccadé et s’apparente désormais à un rire...


Lorsque le bourreau retire ses dagues, la jeune fille noire reprend son souffle, le corps crispé et tremblant de douleur, mais le sourire toujours aux lèvres :

– Ça chatouille.


Ses camarades entravés sont médusés par son attitude face à la torture, contrairement à Zander qui connait bien l’endurance de son ancienne protégée qu’il a déjà « interrogée » plusieurs fois sans succès :

– De tous mes prisonniers, tu es la seule à retenir tes souvenirs depuis tout à l’heure, et la seule qui résistes aussi bien à mes interrogatoires « aiguisés ». Devrais-je accroître encore la douleur pour voir jusqu’à quel point tu peux la supporter avant que ton esprit subisse des dommages irréversibles ? Ou bien dois-je simplement te reconduire à ta chambre noire pour t’y laisser croupir jusqu’à ce que tu acceptes de parler, car nous savons toi et moi que tu ne supportes pas les espaces clos ?


Samantha redoute en effet l’enfermement bien plus que la souffrance physique, mais elle n’en montre rien :

– Fais-moi ce que tu veux, ça m’est complètement égal. Je ne te dirai rien du tout, juste pour le plaisir de te résister, parce que je sais que ça t’énerve au plus haut point.


Zander tend à nouveau son bras vers elle :

– Avec tout l’entrainement que tu as reçu ici, tu aurais été extrêmement difficile à briser...


Mais il tourne lentement son bras vers Howard avant de terminer sa phrase :

– ...si tu n’avais pas fini par retrouver cette part d’humanité dont tu t’étais débarrassée.


Les plumes noires de Zander transpercent le scientifique noir qui hurle de douleur. Le père de Samantha ne partage aucunement la résistance dont est dotée sa fille, et la souffrance qu’il subit lui est insupportable. Les sombres dagues martyrisent son avatar, ne lui laissant que quelques secondes de répit pour permettre au fauteuil auquel il est attaché de le régénérer avant qu’elles l’attaquent à nouveau.


Tout en maintenant Howard sous la torture, Zander interroge Samantha :

– Pourquoi t’es-tu retournée contre moi ? Que s’est-il passé à Matheson ?


Malgré le calvaire de son père, Samantha s’esclaffe :

– Attends, tu as dit à l’instant que je méprise cet homme parce qu’il est faible, et tu espères m’obliger à parler en le torturant ? Eh bien c’est vrai, je l’avoue : mon père est faible. Moi pas. Tu peux faire hurler toutes les personnes ici présentes, tu n’entendras de ma part rien d’autre que mon rire.


Loin d’être insensible à la douleur d’Howard, Anthéa tente de raisonner la fille de celui-ci :

– C’est bon, arrête ! Ne laisse pas Zander lui faire du mal juste parce que tu lui en veux de ne pas avoir été assez fort pour protéger ta mère ! Ton père t’aime et il s’est toujours battu pour toi !

– ...Je sais, murmure discrètement l’intéressée, mais si nous donnons à Zander ce qu’il veut, nous sommes tous morts...


Les otages comprennent alors qu’en dépit de la posture inflexible qu’elle a adopté, Samantha tâche en réalité de ne pas perdre de vue les enjeux de l’interrogatoire auquel ils sont soumis...

Leur bourreau prend d’ailleurs plaisir à insister sur l’efficacité de son pouvoir de torture :

– Il n’est pas si simple de reproduire dans le monde virtuel la souffrance qu’un être humain éprouve à travers son système nerveux dans le monde réel. Mais j’y tenais beaucoup, alors nous nous sommes appliqués à développer ce paramètre précis. Et à présent, je peux générer des niveaux de douleur normalement impossibles à atteindre sur Terre car le corps humain dispose de mécanismes de défense comme l’évanouissement ou l’arrêt cardiaque pour s’y soustraire. Dans le Next World, j’ai le pouvoir de torturer n’importe qui au-delà de ce qui est imaginable, pour réserver à mes ennemis un sort plus cruel encore que la mort elle-même...


Samantha ne sourit plus du tout, se forçant à regarder son père qui hurle en se tordant de douleur, mais elle est résolue à ne pas céder car, convaincue qu’ils sont tous condamnés, le mieux qu’elle puisse faire est de garder pour elle tout ce qu’elle sait, pourvu que cela empêche Zander d’accéder à l’immortalité.

– Toutefois, reprend le tortionnaire indifférent aux cris d’Howard, je reste persuadé que d’un point de vue extérieur, le spectacle de la douleur d’un être cher, si atroce soit-il, reste malgré tout moins insurmontable que l’acceptation de la perte définitive de cette personne. Car la souffrance nous laisse bêtement espérer une amélioration à venir, tandis que la mort est absolument irréversible. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’on ne soulage la souffrance d’un malade en lui accordant une mort « libératrice » que lorsqu’on est certain qu’il est déjà condamné à mourir et que sa douleur ne fera donc qu’empirer jusqu’à l’heure fatidique. Alors, Samantha, souhaites-tu que ton père meure dans d’atroces souffrances, ou acceptes-tu de lui épargner ce malheur ?


En dépit de sa raison et de sa détermination, Samantha ferme les yeux et ses souvenirs se forment sur l’écran hémisphérique au-dessus d’elle...





* * *





6 septembre 1999.

Une cour de récréation...

Mais pas celle de Kadic...

Fraichement rajeunie grâce aux divers procédés dont dispose le Black Phenix, Samantha entre à Matheson dans un corps de préadolescente abritant en réalité une combattante surentrainée. Elle rejoint les élèves de sixième réunis au milieu de la cour en attendant leurs professeurs. Il n’y a pratiquement que des garçons, âgés d’à peine onze ou douze ans, probablement issus de quartiers difficiles et de milieux défavorisés, et prêts à se bagarrer au moindre regard de travers. Ces gamins savent déjà ce qui les attend durant les années qu’ils passeront dans l’enceinte de cet établissement car leurs grands frères et tous les délinquants de leurs cités y sont passés avant eux, mais la violence ne semble pas les impressionner, au contraire ils n’attendent que cela. Montrer qui sont les plus forts, quel quartier est le plus « dangereux », et par-dessus tout, prouver que leur génération est encore pire que les précédentes.

Depuis les fenêtres des étages, une poignée d’élèves des années supérieures laissés sans surveillance insultent joyeusement les petits nouveaux pour leur souhaiter la bienvenue, juste pour voir qui parmi eux se croira assez fort pour répondre à leurs provocations. Quelques sixièmes répliquent aussitôt par des injures, avant d’échanger des promesses de passage à tabac, mais Samantha a la tête ailleurs : tous ces gamins sont sans intérêt pour elle, et elle fixe donc le portail d’entrée jusqu’à voir celle qu’elle attendait le franchir enfin.

Le regard vide et le pas lourd, Naxxya Warven rejoint à son tour les élèves de sixième, réduisant subitement au silence les échanges de « politesses » car tous dévisagent la nouvelle venue, étrange de par sa couleur de cheveux, sa salopette grise à pattes d’éléphant, et sa taille démesurée. Alors que le corps rajeuni de Samantha la situe quand même parmi les plus grands élèves de son niveau réunis dans la cour, Naxxya mesure quasiment une tête de plus qu’elle.

La jeune fille noire foudroie du regard cet être synthétique auquel elle fait face, ce futur « super-soldat » qui prendra sa place dans la conquête des mondes virtuels. Naxxya croise son regard noir sans en comprendre la signification, car elle ignore que Samantha fait aussi partie du Black Phenix et qu’elle a pour mission de s’assurer que la géante aux cheveux bleus subira d’une façon ou d’une autre la violence nécessaire au développement des capacités de guerrière inscrites dans son code génétique depuis sa conception en laboratoire.

Leur professeur principal, un homme au visage fatigué et apparemment indifférent aux écarts de conduite des élèves, arrive enfin pour faire rapidement l’appel avant d’entamer la visite du collège, en commençant par les toilettes situées au fond de la cour au cas où certains élèves auraient un besoin pressant.

Voyant que Naxxya suit bêtement l’enseignant, Samantha décide de la tirer par le bras pour l’entraîner dans les toilettes des filles, là où personne ne pourra les voir.

Les murs et les portes de cet endroit sont recouverts de grossiers graffitis, des insultes pour la plupart, et une forte odeur de produit d’entretien embaume l’air...

La géante reste plantée devant les lavabos en regardant sa « ravisseuse » verrouiller la pièce de l’intérieur avant de se tourner vers elle pour la questionner sans même se présenter :

– D’où tu viens ?


Naxxya réfléchit plusieurs secondes avant de répondre une phrase toute faite :

– J’ai grandi dans un orphelinat, mais je n’ai pas envie d’en parler.

– Mauvaise réponse, conclut Samantha en envoyant aussitôt son poing dans la figure de son interlocutrice si fort qu’elle recule de quelques pas.


La grande ingénue se masse la joue avec incompréhension :

– Pourquoi tu m’as frappée ?


Samantha s’étonne un instant que son coup n’ait pas eu plus d’effet, avant de se rappeler que son corps enfantin atténue grandement sa force tandis que sa victime est naturellement dotée d’une résistance physique accrue.

Elle arbore alors un sourire inquiétant :

– On dirait que ce sera plus amusant que je l’imaginais...


D’un puissant coup de pied, Samantha projette Naxxya contre le mur avant de la saisir à la gorge en la menaçant du poing, mais la géante, bien que gênée par les coups que lui porte son assaillante, se contente de réunir ses mains devant elle pour se protéger.

Samantha la secoue par ses bretelles :

– Tu attends quoi pour te BATTRE !?

– Heu... Ma... Ma nourrice m’a dit que je ne dois pas faire du mal aux gens...


La jeune fille noire devine qu’Anthéa cherche à empêcher Naxxya de devenir la guerrière programmée attendue par le Black Phenix, mais ça lui est complètement égal :

– Soit tu te bats contre moi, soit j’irai faire du mal à ta « nourrice »...


Les pupilles de Naxxya se contractent et elle repousse aussitôt Samantha à distance, avant de déclarer d’un ton incertain qui trahit sa confusion :

– Je vais... je vais me battre contre toi !


Samantha continue de la provoquer :

– Eh bien vas-y, bats-toi ! Attaque-moi !


Naxxya réunit ses poings devant elle comme pour se mettre en garde, mais elle a simplement l’air ridicule, comme si elle essayait de reproduire une posture vue dans un film.

Voyant qu’elle reste immobile, Samantha est obligée de lui crier dessus à nouveau :

– Allez ! Frappe-moi ! C’est un ordre !!


La géante obéit et s’avance pour donner un énorme coup de poing à son adversaire, mais celle-ci l’évite aisément et enfonce son genou dans le ventre de Naxxya pour la calmer instantanément, car la voix de leur enseignant se fait entendre à l’extérieur :

– Oh, les filles ? Vous avez bientôt fini de vous pomponner ? J’ai pas que ça à faire de vous attendre !


Samantha se dirige vers la porte en murmurant froidement à sa camarade :

– On continuera plus tard...


Alors que les deux adolescentes rejoignent enfin leur classe, la combattante à la peau noire s’interroge intérieurement. De toute évidence, Naxxya ne sait absolument pas se battre. Seules sa résistance physique et la force brute du coup qu’elle a essayé de porter attestent de sa véritable nature, mais elle reste très loin de la guerrière surhumaine qu’on lui a promise. Même d’autres élèves de Matheson pourraient la mettre à terre, alors qu’ils ne sont que des gamins de cité. Samantha va donc devoir faire en sorte que la géante s’endurcisse, jour après jour, jusqu’à retrouver le niveau qu’elle aurait déjà dû acquérir si elle n’avait pas été élevée par Anthéa...





* * *





Dans le Mémorium, Zander presse Samantha :

– Arrête de faire traîner les choses, lui ordonne-t-il. Je n’ai pas le temps de regarder tes journées d’école une par une, d’autant plus que ta « camarade de classe » nous a déjà donné tout cela tout à l’heure. Montre-moi ce que tu sais et qu’elle ignore. Montre-moi le moment précis où tu as décidé de me trahir.


Samantha soupire :

– Tu n’as décidément rien compris, explique-t-elle en soutenant son regard. Il n’y a pas eu de moment précis. Ou bien il y en a eu plusieurs, au fil du temps. Nos années à Matheson n’ont pas seulement ramené la combativité de Naxxya au contact de la violence, elles ont aussi ramené mon humanité au contact de notre vie commune. Tout comme Naxxya a dû se battre contre moi dès notre premier jour dans ce bahut, j’ai commencé à douter de ma mission dès notre première nuit ensemble...






* * *





Le soir, après manger, la visite de Matheson se termine dans l’internat où les surveillants conduisent les pensionnaires à leurs chambres.

Naxxya apprend alors qu’elle partagera la chambre de Samantha qui en profite pour l’intimider avec un craquement de phalanges et son sourire malveillant :

– Je sens qu’on va bien s’amuser toi et moi...


Mais au moment de se coucher dans leurs lits respectifs, la géante demande timidement :

– Heu... Est-ce qu’on pourrait rapprocher les lits pour dormir ensemble ?


Samantha sursaute presque, déconcertée face à cette demande sortie de nulle part :

– « Dormir ensemble »...??? ...Mais qu’est-ce que tu...What ???


Sa camarade s’explique :

– Normalement je dors dans les bras de ma nourrice, mais comme elle n’est pas là...

– Non mais ça va pas !? Jamais de la vie !! Chacun son lit !! Et si jamais tu t’approches de moi pendant que je dors je te jure que je te défonce !!


L’adolescente aux cheveux bleus semble peinée :

– Mais comment je vais faire pour dormir alors ?

– J’en sais rien, moi ! T’as qu’à serrer ton oreiller ! C’est pas mon problème !


La jeune fille noire se retourne dans son lit, énervée par la gênante requête de sa colocataire. Au cours de cette première journée, elle l’a frappée à plusieurs reprises, elle l’a menacée en lui promettant des moments pénibles, et voila que Naxxya souhaite dormir avec elle car elle est habituée à dormir avec Anthéa. L’étrangeté de la situation est particulièrement inconfortable. Et pour couronner le tout, lorsque Samantha se retourne brusquement pour vérifier que Naxxya ne serait pas en train de l’observer ou de se rapprocher, elle découvre la géante paisiblement endormie, en serrant contre elle son oreiller, comme Samantha le lui avait suggéré...






* * *






Zander s’apprête à punir sa prisonnière pour cette perte de temps, mais les souvenirs au plafond s’enchaînent et s’accélèrent, montrant tantôt Samantha et Naxxya en train de se battre entre elles ou contre d’autres élèves, tantôt les deux colocataires en paix dans l’intimité de leur chambre. Le jour, la combattante colérique se montre brutale et impitoyable envers la géante aux cheveux bleus, même lorsqu’elle lui « apprend » à se défendre contre ses agresseurs, mais le soir venu, la jeune fille noire laisse sa camarade dormir tranquillement, en dépit des menaces proférées en début d’année. Pire : à mesure que les mois et les années passent, les deux filles semblent soudées lors de leurs bagarres contre les bandes organisées de Matheson, et la nuit, elles discutent et rient de bon cœur. Si Naxxya a bien gagné en jugeote et en techniques de combat, Samantha a de son côté redécouvert quelques plaisirs remontant à sa lointaine enfance aux États-Unis comme la musique ou le skateboard, qu’elle tente même de transmettre à sa colocataire durant les week-ends. Naxxya est plutôt maladroite sur une planche à roulettes, mais présente un bon sens du rythme avec les instruments à percussion, notamment la batterie.

Ainsi s’éveille progressivement la guerrière synthétique mais pas tout à fait de la manière qui était prévue, tandis que la responsable de son entrainement se laisse aller à profiter de sa seconde jeunesse, bien au-delà de la mission qui lui incombait.

Pourtant, la violence de Matheson reste omniprésente, et la jeune fille noire en fait les frais quand une bande rivale décide de s’en prendre à elle en surnombre et avec des barres de fer. En l’absence de Naxxya, Samantha découvre à ses dépens qu’elle s’était un peu trop habituée à ce que ses arrières soient couverts par son imposante camarade, et un violent choc de métal derrière le crâne la ramène douloureusement à la réalité. Son corps d’adolescente en pleine croissance n’a pas encore récupéré toute sa puissance d’adulte, mais elle est déjà bien assez forte pour se relever au milieu des coups que lui portent ses adversaires avant de les leur rendre au centuple. Quand enfin plus rien ne bouge autour d’elle, Samantha aperçoit, à l’autre bout de la cour, une foule de corps battus aux pieds de Naxxya qui reste immobile. Ainsi, deux factions d’élèves s’étaient organisées pour les attaquer simultanément pendant qu’elles étaient séparées, et Samantha est ravie de découvrir que son « apprentie » s’est très bien débrouillée toute seule. Mais en l’observant mieux, elle réalise que sa colocataire semble peinée en regardant dans ses mains. Inquiète, Samantha court la rejoindre pour s’assurer qu’elle n’est pas blessée, et la géante lui montre tristement la cause de son tracas : ses agresseurs ont cassé son baladeur CD grâce auquel elle pouvait écouter les compositions électroniques de sa camarade. La jeune fille noire est alors soulagée qu’il ne s’agisse que d’un dégât matériel et rassure donc Naxxya en lui promettant de lui acheter un baladeur numérique plus compact pour lire des fichiers musicaux au format MP3, avant de se rendre compte qu’elle vient de s’inquiéter sérieusement pour Naxxya, comme si elle tenait à elle...

L’idée de s’être attachée à cette « créature » qu’elle était seulement censée former au combat terrifie l’impitoyable combattante rajeunie. Cela constitue pour elle une faiblesse, alors qu’après avoir assisté à la mort de sa mère et à l’impuissance de son père, Samantha s’était juré d’être la plus forte, quoi qu’il arrive.

Se retournant dans son lit en luttant contre ses contradictions, la jeune fille noire repense à ses parents pour la première fois depuis très longtemps. Après toutes les années qu’elle a passées à s’entrainer au sein du Black Phenix afin de devenir toujours plus puissante en enfouissant au plus profond d’elle la perte tragique de sa maman, le sentiment de bonheur qu’elle partageait autrefois avec sa famille refait subitement surface et lui manque, comme si le rajeunissement de son corps l’avait véritablement ramenée en enfance...

Au beau milieu de la nuit, Samantha quitte son lit et se glisse sous la couverture de Naxxya pour dormir contre elle, enlacée dans ses bras...






* * *






Dans le Mémorium, Zander adresse un regard méprisant à Samantha. Celle-ci, autrefois si impitoyable et dévouée au Black Phenix, lui a simplement tourné le dos parce qu’elle s’est attachée à Naxxya et à leur vie d’adolescentes, ce qui constitue pour lui une trahison largement plus minable que toutes les précédentes. Car si le souverain du Next World sait apprécier la détermination de ceux qui osent se dresser contre lui par ambition ou par conviction, il n’a pas la moindre considération pour le type de faiblesse dont a fait preuve son ancienne recrue.

Mais maintenant que Samantha est disposée à lui donner des réponses, Zander peut la questionner sur ce qui lui importe vraiment :

– Pourquoi es-tu allée à Kadic ?


Samantha hausse les épaules :

– J’avais besoin d’un PC pour faire du mixage audio.


Le bourreau aux longues ailes lève alors sa main, puis un long bâton s’y forme lentement, en se terminant par une large lame courbée et percée d’un cercle ou crépite une flamme noire entourée d’une fumée blanche, ce qui donne à l’objet le profil effrayant d’un oiseau de proie aux yeux embrasés...

L’apparition de cette arme virtuelle fait frémir ceux qui ont déjà travaillé pour Zander : il s’agit du Bec du Phenix Noir, une faux effroyablement puissante et dont les effets ont été accrus dans le Next World, de sorte qu’en ce monde où règne Zander, la sombre lame vole les âmes de ses victimes pour renforcer l’avatar de son propriétaire, tout en donnant à ses adversaires une mort certaine sans possibilité de rematérialisation...

– Je répète ma question, déclare froidement le porteur de cette funeste faux en agitant sa lame nimbée de ténèbres au-dessus des têtes de ses prisonniers pétrifiés sur leurs sièges. Pourquoi es-tu allée à Kadic ?


Comprenant que Zander va commencer à exécuter ses otages si elle continue de le défier, Samantha se résout à lui livrer la vérité...





* * *





3 novembre 2002.

Les vacances de la Toussaint se terminent, et Anthéa retourne à sa solitude après avoir accompagné Naxxya jusqu’au portail du Centre où l’attendait la voiture qui devait la reconduire à l’internat de Matheson.

Restée cachée car la géante aux cheveux bleus ne doit surtout pas savoir qu’elle réside également au Centre, Samantha se montre enfin et s’avance à son tour vers le portail où l’attend une seconde voiture, mais au lieu de rejoindre le véhicule, elle interpelle Anthéa qui marchait en sens inverse pour retourner à son appartement :

– Je peux te parler une minute ?


La femme aux cheveux roses s’étonne de cette sollicitation et reste silencieuse en dévisageant son ancienne « coéquipière » du Projet Carthage. Elles avaient à peu près le même âge à l’époque, mais à présent, tandis qu’Anthéa se contente d’entretenir l’apparence d’une belle dame sans pour autant profiter de toutes les possibilités dont dispose le Black Phenix pour rester jeune indéfiniment ou presque, Samantha est désormais redevenue une adolescente dont rien ne permet de deviner le véritable vécu dissimulé derrière son aspect et sa voix juvéniles, hormis peut-être ce regard déterminé qu’elle possède toujours et qui intimidait déjà ses contemporains dans son « ancienne vie ».

– C’est à propos de Naxxya, commence la jeune fille noire avant que son interlocutrice détourne le regard.

– On n’a rien à se dire, conclut Anthéa en s’apprêtant à lui fausser compagnie.

– Je sais ce que tu essayes de faire avec elle, clame fermement Samantha pour obliger la femme aux cheveux roses à continuer de l’écouter. Tu l’as élevée comme ta propre fille car tu cherches à l’utiliser plus tard contre le Black Phenix.


Anthéa s’immobilise un instant en émettant un rictus :

– En quoi ça te pose problème ? Tu as du mal à faire d’elle un bon soldat comme on te l’a demandé ? Pourtant, sa « meilleure amie » lui enseigne la bagarre tous les jours, d’après ce qu’elle m’a raconté...

– Elle est à des années lumières de ses capacités réelles, rétorque Samantha. Pour le moment, elle se bat seulement avec la force et la robustesse du corps dont elle est pourvue. Ça lui suffit pour battre des collégiens et des lycéens, mais tant qu’elle n’accède pas à ses compétences pré-intégrées, elle ne pourra rien faire contre des vrais combattants comme ceux formés au sein du Black Phenix. Et si elle n’est pas assez forte pour s’opposer à eux avant qu’ils la réintègrent à son véritable programme d’entrainement, nous ne pourrons plus rien pour elle.

– « Nous » ? se méfie Anthéa. Depuis quand tu te préoccupes du sort de quiconque à part toi-même ? Et surtout, en quel honneur te comptes-tu parmi les rares personnes encore en vie et prêtes à renverser mon père à la moindre opportunité ? Aux dernières nouvelles, tu étais très obéissante envers lui...


Samantha serre les poings et les dents pour se retenir d’élever la voix :

– Je n’ai jamais été dévouée à Zander. Tant que je lui obéis, il me permet de devenir plus forte, et c’est tout ce qui m’intéresse. Seulement, j’ai fini par comprendre que malgré tous mes efforts, je ne pourrai jamais devenir plus puissante que lui, donc je reste à sa merci. Mais avec Naxxya à nos côtés, nous aurions une chance de réussir à le vaincre, à condition qu’elle reçoive de notre part l’entraînement adéquat.


Anthéa est perplexe : Samantha semble sincère. La féroce combattante à la peau noire qui auparavant s’entrainait aveuglément dans le Next World serait désormais prête à s’opposer à Zander, ou à former Naxxya dans ce but ? À moins que tout cela soit manigancé par Zander lui-même qui se servirait de Samantha pour mieux savoir ce qu’Anthéa trame contre lui ?

Pour éprouver sa nouvelle « alliée », la femme aux cheveux roses choisit de l’orienter vers la personne qui lui déplait le plus :

– Je ne suis pas libre de mes mouvements, et même en étant retenue prisonnière ici, mes conversations sont surveillées. Cependant, je connais quelqu’un qui pourrait t’aider, à condition que personne d’autre ne soit au courant de vos échanges. Tu vas donc devoir te procurer un ordinateur qui ne permettra pas de remonter jusqu’à toi, et tu prendras contact avec cette personne grâce à une adresse e-mail que je t’indiquerai.


Méfiante à son tour, Samantha fronce les sourcils :

– De qui s’agit-il ?


Anthéa hésite à répondre, car elle n’est toujours pas sûre de pouvoir accorder sa confiance à son interlocutrice, mais elle décide d’en profiter pour observer sa réaction :

– De ton père.


La jeune fille noire n’y croit pas :

– Ce lâche de la pire espèce !? Comment un être aussi faible que lui pourrait nous être d’une quelconque utilité !? Il n’aura jamais le cran d’entreprendre quoi que ce soit contre Zander !

– Il l’a déjà fait, révèle Anthéa sans en dire plus.

– Ah bon !? réplique Samantha toujours pas convaincue. Alors il cache bien son jeu, parce que ça fait des années qu’il supervise des projets pour le Black Phenix et qu’il participe activement au développement du Next World en suivant méticuleusement les ordres de Zander !


La fille de ce dernier maintient ses déclarations :

– Si tu veux vraiment t’opposer à mon père comme tu le prétends, tu vas devoir te réconcilier avec le tien.


Vexée, Samantha décide de renoncer :

– Tu sais quoi ? Laisse tomber, oublie tout, je me préfère encore me débrouiller seule.


Anthéa ne la laissera pas s’en tirer si facilement :

– C’est dommage, je commençais à croire que Naxxya avait vraiment réussi à se faire une « amie »...


La jeune fille noire est surprise par ce sous-entendu inattendu, mais se reprend aussitôt en ripostant avec un regard menaçant :

– Ma mission est de pousser Naxxya à se battre contre le plus d’adversaires possible afin de développer ses capacités. Tout le reste n’est que du cinéma pour l’amener à faire ce que je veux d’elle. Et si ta « fille adoptive » devait en éprouver de la peine, tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même pour l’avoir rendue aussi vulnérable.

– Certainement, ironise Anthéa en hochant la tête. Toi par contre, tu ne commettrais jamais l’erreur de t’attacher à elle...


Samantha est rouge de colère, tandis que son habile interlocutrice conclut :

– ...mais si toutefois c’était le cas, je te conseille vivement de ne pas attendre qu’elle réintègre le Black Phenix. Contacte ton père pendant qu’il en est encore temps. Et j’ignore si ça t’aidera à t’y résoudre, mais sache que l’idée de vous scolariser Naxxya et toi venait de lui.





* * *





L’image disparait du plafond, mais Samantha conserve le même regard vexé que dans son souvenir car elle n’aime pas que ses moments de faiblesse soient exposés ainsi :

– Voila, t’es content ?


Pour Zander, les réponses sont encore incomplètes :

– Il te fallait un nouveau PC pour communiquer secrètement avec Anthéa et ton père, ça c’est établi, mais pourquoi es-tu allée le chercher précisément à Kadic ?


Sa prisonnière hausse les épaules :

– C’était plus facile de voler un PC dans une école plutôt que dans un magasin. D’ailleurs je n’ai même pas eu besoin d’en voler un car Jérémie m’a passé l’un des siens. Enfin, apparemment, au début j’avais bien essayé de voler un PC, mais d’après ce que j’ai compris, cette première version des évènements a été annulée par un retour temporel, donc je n’en conserve pratiquement aucun souvenir.


Le souverain du Next World résume avec un air peu convaincu :

– Donc si je récapitule, d’après les souvenirs que nous ont déjà montrés Jérémie et ses amis ici présents, Odd t’a introduite à Kadic car tu voulais en profiter pour voler un PC, mais Jérémie a lancé un retour temporel et t’a offert l’un de ses propres ordinateurs à la place. ...Alors qu’Odd était le seul de leur bande à te connaître ? Et je devrais avaler ça ?


Samantha s’esclaffe à moitié :

– Attends, t’es toujours persuadé que je suis allée à Kadic pour autre raison que le PC que je comptais voler ?


Le bourreau aux longues ailes noires caresse doucement la lame de sa faux :

– Étant donné qu’Aelita se trouvait dans cet établissement, oui, je suis plutôt certain que tu n’y es pas allée par hasard.


Malgré la situation, la jeune fille désinvolte s’amuse presque de l’obsession de Zander dans sa recherche de la vérité :

– Je t’ai toujours trouvé cinglé, mais c’est assez rare que tu le montres aussi grossièrement. Déjà, je te rappelle qu’Aelita n’était PAS à Kadic quand j’y suis allée la première fois, car elle était toujours coincée dans le supercalculateur de Waldo, et je n’avais absolument aucune connaissance de tout cela. Ensuite, pourquoi refuses-tu de croire à une simple coïncidence alors que vous aussi, vous avez envoyé l’un de vos sujets d’expérience au collège-lycée Kadic, bien avant que j’y envoie Naxxya, et même bien avant que j’y mette les pieds moi-même ?


À part les quelques personnes déjà au courant, les prisonniers se regardent en cherchant à comprendre à qui Samantha fait allusion lorsqu’elle évoque un « sujet d’expérience » du Black Phenix qui aurait fréquenté Kadic avant elle. Certains suspectent Jim Moralès car il faisait partie du projet Carthage, mais les mieux informés savent que les gaffes répétées de Jim lui ont valu d’être exclu du Black Phenix.

Zander, lui, sait très bien de qui parle Samantha : Alexandre Pépin. Derrière son prénom de conquérant et son patronyme de graine destinée à germer, il est en fait le sujet 89-08d du projet Seed Sowing consistant à fabriquer des clones du souverain du Next World pour que ce dernier récupère ultérieurement leurs corps jeunes et en bonne santé, ce qui est l’une des composantes essentielles de l’immortalité convoitée par Zander. Mais privés d’une réelle existence humaine, ces clones conservés en laboratoire dépérissaient, et leurs précieux corps mourraient après quelques années, en dépit des techniques employées pour les maintenir en vie artificiellement. Ce n’est qu’en constatant le développement spectaculaire de Naxxya après son arrivée au collège Matheson que les scientifiques du Black Phenix ont décidé de scolariser le dernier clone de Zander encore en vie pour voir si son nouvel environnement lui permettrait de perdurer jusqu’à atteindre l’âge adulte, en prévision du jour où son modèle d’origine lui reprendrait son corps en pleine jeunesse et en parfaite santé. Ainsi, un an après l’arrivée de Samantha et Naxxya à Matheson, un certain « Alexandre Pépin » fut inscrit à Kadic.

Le choix du collège où irait Alexandre n’avait a priori pas d’importance aux yeux de Zander et il semble donc qu’il ne s’agisse bien là que d’une simple coïncidence. Pourtant, le chef du Black Phenix trouve que les éléments issus de son organisation et qui ont ultérieurement atterri à Kadic sont anormalement nombreux : Jim, Waldo, Aelita, Alexandre, Samantha, Naxxya... Sans oublier celle qui est probablement derrière cet étrange regroupement : Hélène.

Zander se retourne vers sa « fidèle » Carthage, dont la loyauté ne cesse de s’émousser au fil des révélations. C’est Hélène qui a conseillé à Franz de se réfugier à Kadic lorsqu’elle lui a permis de s’enfuir du Centre avec sa femme et leurs filles. C’est encore Hélène qui, après avoir été écartée du Projet Carthage interrompu par le vol de la puissante interface, a côtoyé Franz à Kadic durant des années lorsqu’il y enseignait les sciences, avant qu’elle décide de le dénoncer au Black Phenix pour y retrouver sa place privilégiée, en permettant toutefois à Franz de mettre Aelita à l’abri à condition qu’il ne révèle pas qu’Hélène l’avait aidé à s’enfuir autrefois. Hélène, toujours elle, avait utilisé le badge de Jim pour qu’il endosse la responsabilité de l’évasion de Franz et d’Anthéa, mais elle avait néanmoins recommandé à l’agent bafoué de trouver du travail à Kadic après son éviction du Black Phenix. Et par-dessus tout, Hélène avait elle-même été élève à Kadic dans sa jeunesse. Elle y a d’ailleurs rencontré Jean-Pierre Delmas, qui deviendrait le futur directeur de l’établissement, et avec qui elle aurait une fille : Sissi.

Restée absolument silencieuse depuis un moment, Carthage prend la parole pour justifier ses actes auprès de Zander :

– Jean-Pierre accède à toutes mes demandes, s’explique-t-elle, et il ne pose pas de questions. Kadic est donc l’établissement idéal pour accueillir nos « ressortissants » : un endroit familier, pas trop éloigné, tranquille et discret, avec à sa tête un « contact privilégié ».


Zander frôle désormais le cou d’Hélène du bout de sa terrible lame en lui adressant un inquiétant sourire :

– Même après que tu as abandonné ta famille, ton ancien mari continue de t’accorder ses faveurs ?


Hélène reste de marbre :

– Il a toujours été bienveillant à mon égard, quoi que je fasse. J’imagine que dans ses rêves les plus fous, il espère encore me voir « rentrer à la maison » un jour.


Parmi les prisonniers, Sissi est écœurée par les propos insensibles que tient sa mère, mais le seigneur du Next World n’a que faire de ces futilités tandis qu’il continue d’interroger sa subalterne :

– Qui as-tu « envoyé » à Kadic exactement ?

– Waldo et Anthéa quand ils se sont enfuis en 1983 mais apparemment seul Waldo a suivi mon conseil, Jim quand vous l’avez renvoyé peu après, le sujet 89-08b en 2000, et la Warven numéro 50 en 2004.

– Mais pas Samantha ? souligne Zander.

– Non, répond catégoriquement Hélène.


Le chef du Black Phenix se retourne donc vers la jeune fille noire avec un grand sourire :

– Tu vois, je parviens toujours à découvrir la vérité. Maintenant dis-moi exactement pourquoi tu es allée précisément à Kadic, sinon des têtes vont littéralement tomber...


Samantha est désemparée :

– Mais je te JURE que c’était une coïncidence !!


Voyant que Zander s’avance vers ses prisonniers tandis que Sam est incapable de prouver qu’elle ne lui cache plus rien, Jérémie interpelle Odd attaché sur le siège voisin :

– Vous vous êtes rencontrés où !?


Le félin tâche de s’en souvenir :

– Hein ? Heu... Dans un parc en centre-ville je crois... J’étais sorti pour promener Kiwi...

– Laissez-les tranquilles !! s’écrie Hiroki en voyant le bourreau s’approcher de Milly et Tamiya terrorisées et retenues malgré elles sur leurs fauteuils.


Zander lève sa sombre lame en intensifiant les ténèbres qui l’entourent, mais le plafond du Mémorium montre désormais le chien d’Odd qui s’éloigne de son maître car celui-ci vient de lui crier : « Va chercher ! »...

Le canidé traverse la pelouse pour disparaître dans des buissons qui ne sont pas inconnus de Samantha puisque celle-ci s’y cachait justement ce jour-là...


Dernière édition par Nelbsia le Sam 05 Déc 2020 15:45; édité 3 fois
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Nelbsia MessagePosté le: Lun 17 Aoû 2020 20:03   Sujet du message: Répondre en citant  
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Épisode #123 : Entre Kadic et Matheson


Résumé de l’épisode précédent :


Samantha a révélé les motivations de sa trahison envers le Black Phenix : en retrouvant son corps d’adolescente pour aller former Naxxya au combat au collège Matheson, la redoutable combattante du Next World a retrouvé une part de son humanité, notamment en s’attachant à sa camarade de chambre qu’elle comptait désormais retourner contre le chef l’organisation qui l’avait créée. Voyant que Samantha avait alors tenté de s’associer avec Anthéa et Howard qui complotaient déjà contre lui, Zander a exigé qu’elle lui dévoile les véritables raisons de ses visites à Kadic car il suspectait toujours Samantha d’avoir servi d’intermédiaire entre Anthéa et sa fille Aelita, mais la jeune fille noire n’a cessé de répéter qu’il ne s’agissait que d’une coïncidence... L’impitoyable bourreau armé de sa terrible faux de ténèbres a alors menacé d’exécuter des otages, avant que Jérémie s’empresse de demander à Odd de se souvenir du jour où il a rencontré Samantha...





Septembre 2002.

Au milieu d’une journée splendide, dans un grand parc du centre-ville où le faible vent dessine des courbes à la surface d’un étang dont les canards friands de pain font le bonheur des enfants, nul ne se doute qu’un méfait se prépare.

Samantha Knight, dissimulée dans le feuillage d’un buisson, guette avec patience et détermination l’arrivée de sa malheureuse victime : un homme d’affaires d’une cinquantaine d’années richement vêtu qui déjeune presque tous les midis sur le banc disposé entre le buisson et le chemin qui le longe.

Comme à son habitude, l’homme aux cheveux poivre et sel pose ses affaires juste à côté de lui, dont sa sacoche contenant son ordinateur portable.

Quasiment invisible derrière le banc, Samantha n’a plus qu’à tendre la main pour dérober le PC sans que l’homme s’en aperçoive, trop occupé à croquer dans son sandwich, mais elle est soudain surprise par l’aboiement d’un petit chien au long museau qui mordille le bas de son pantalon.

Interpelé par le bruit, l’homme d’affaires se retourne, et la jeune fille noire comprend qu’elle est repérée, alors elle saisit le canidé pour le porter dans ses bras en déclarant innocemment :

– Ah, Whisky ! réprimande-t-elle l’animal en lui inventant un nom. Te voila enfin ! Si tu continues d’embêter les gens qui mangent, je vais devoir te remettre ta laisse !

– Ce n’est rien, s’amuse le vieil homme assis sur le banc. Il est de quelle race ?


Samantha n’en a pas la moindre idée, elle se contente donc de plaisanter en souriant :

– Oh moi, vous savez, je ne suis ni experte, ni raciste ! Bon appétit monsieur, et pardon de vous avoir dérangé ! Allez viens Whisky, tu as des croquettes à la maison.


Une fois qu’elle s’est assez éloignée du banc, la jeune fille dépitée gronde le petit chien qui continue de la suivre :

– Fiche le camp, sale bête ! À cause de toi, je vais devoir trouver un autre pigeon à déplumer...

– Kiwi !! s’exclame une voix aigüe à quelques mètres de là.


Samantha voit alors un garçon minuscule et bizarrement coiffé courir vers le chien qui se met à aboyer en sautillant autour de celle qui l’a « recueilli » malgré elle, tandis qu’elle découvre la personne à qui appartient le canidé...

Le visage efféminé et le look androgyne de ce préadolescent laissent croire à Samantha qu’il s’agit d’une fille, sans parler de sa voix et de son prénom qu’il révèle à la grande demoiselle au regard sévère en la contemplant de bas en haut :

– Waow... Salut ! Moi c’est Odd ! C’est gentil d’avoir retrouvé mon chien ! Ça te dit d’aller manger une crêpe ?


La jeune fille dévisage à son tour son étrange interlocuteur sans se douter que c’est un garçon, puis elle répond sèchement en tournant les talons :

– Sois mignonne, ramasse ton cabot et dégage, j’ai d’autres chats à fouetter.


À sa grande surprise, cette « nouvelle connaissance » ne se démonte pas, bien au contraire, « elle » continue de marcher à ses côtés en insistant avec enthousiasme :

– Oh, allez ! Personne ne dit non à une bonne crêpe ! Sauf si tu préfères un cornet de glace ? C’est vrai qu’il fait plutôt chaud aujourd’hui !


Samantha répète avec un air menaçant qu’elle ne veut pas de compagnie :

– Je t’ai dit de dégager gamine !

– Hein ? « Gamine » ? Pourquoi « gamine » ? Tu m’as pris pour une fille ou quoi ?


Perplexe en entendant ces paroles, la voleuse se retourne pour mieux observer l’individu, avec cette fois-ci un regard moins menaçant que dubitatif :

– ...Comment ça ? T’es un garçon ? Et tes parents t’ont appelé « Aude » ?

– Pas « Aude », « Odd » ! rectifie celui-ci. Un « O » et deux « D » ! C’est un prénom assez rare, mais je l’aime bien !


Samantha n’en a rien à faire :

– Moi ce que j’aimerais bien, ce serait que TU ME LAISSES TRANQUILLE !! T’AS PIGÉ CETTE FOIS !?

– Sans même faire connaissance ? s’étonne l’insolent galopin. Allez, dis-moi au moins de quel collège tu viens !


N’arrivant pas à impressionner son poursuivant, la jeune fille décide de l’ignorer en reprenant simplement son chemin, mais rien ne semble pouvoir entamer la bonne humeur de son interlocuteur :

– Ou plutôt, laisse-moi deviner... Diderot ? Non, sûrement pas, je t’y aurais déjà croisée... Bellevue, peut-être ? Il parait qu’il y a beaucoup de jolies filles à Bellevue... Ah mais non je suis bête, c’est un lycée ! T’es pas au lycée, si ?


Excédée, Samantha empoigne Odd par le col :

– Je suis à Matheson, et tu sais ce qui arrive quand on cherche les élèves de Matheson ?

– On finit par les trouver ? devine Odd. Je t’avoue que je ne traine pas souvent du côté de Matheson, car il parait que les bagarres y sont fréquentes... Enfin, j’ai pas peur de me battre ! Mais je suis en internat à Kadic, et si je fais des bêtises même en dehors du collège, je risque d’être renvoyé...


La jeune fille plisse les yeux :

– T’es à Kadic ? Le bahut des petits bourges et des cas spéciaux ?


Le félin hausse un sourcil :

– On doit avoir beaucoup de cas spéciaux alors, parce que même si la scolarité à Kadic est payante, j’ai pas l’impression d’être dans un collège de riches...


Samantha le relâche en répliquant :

– Si vous avez des toilettes propres et du matériel en bon état, c’est déjà un collège de riches... D’ailleurs, est-ce que vous avez une salle informatique ?

– Hein ? Heu, oui, pourquoi ?


Le regard menaçant de la grande fille noire s’adoucit tandis qu’elle esquisse un sourire :

– Je commence à avoir chaud, t’es toujours partant pour une bonne boule de glace ?






* * *





Tandis que Kiwi sautille devant eux pour qu’on lui jette des petits morceaux de cornet, les deux adolescents mangent leurs glaces assis dans l’herbe, en discutant de skateboard ou de musique, et Samantha ne peut s’empêcher de rire aux blagues maladroites d’Odd.

Lorsqu’elle mentionne le fait qu’elle avait presque réussi à deviner le nom de Kiwi en l’appelant « Whisky », Odd finit par avouer :

– À propos, heu... depuis tout à l’heure je t’appelle "tu", mais en fait c’est parce que j’ai complètement oublié de te demander ton nom...


La jeune fille hésite à lui donner un faux nom, mais à cet instant elle se sent inexplicablement bien, au point de lui livrer sa vraie identité :

– Samantha Knight. Mais tu peux m’appeler Sam.

– Sam ? demande Odd en réfléchissant au pire jeu de mot qu’il pourra trouver... D’accord, Sam’va !

– Merci, on ne me l’avait jamais faite celle-là... répond ironiquement l’intéressée qui ne peut s’empêcher de sourire face à la nullité de cette blague dont l’auteur semble pourtant très fier. Si tu refais encore une seule vanne sur mon prénom, je t’explose.

– Hein ?? Mais si je le fais pas exprès ?

– Comment ça ?

– Ben parfois, juste en discutant, ça m’arrive de... Oh ? Ben voila, c’est fait...

– Quoi ? J’ai rien compris, de quoi tu parles ?

– Sans faire exprès, j’ai dit : « ça m’arrive », et y’avait ton prénom dedans : « Sam’arrive »...

– Ah oui... Bon, ben, je finis ma glace et je te frappe ?


Le félin hoche la tête :

– C’est mérité.


Mais son portable émet une courte sonnerie : un message de Jérémie l’informe que Xana a lancé une attaque.

– Oh non, je dois retourner à Kadic... Je peux te donner mon numéro ?

– Bien sûr, répond Samantha en se levant à son tour pour sortir son propre téléphone.


Les deux adolescents échangent donc leurs coordonnées téléphoniques respectives avant de se dire au revoir :

– Tu veux toujours me frapper ? demande timidement Odd à la jeune fille qui mesure une bonne tête de plus que lui.

– Oui, mais je pourrais changer d’avis si tu m’aidais à entrer discrètement à Kadic pour utiliser votre salle informatique...

– Quand tu voudras, tu seras la bienvenue ! se réjouit Odd à l’idée qu’ils vont bientôt se revoir.

– Marché conclu alors, termine la jeune fille en se penchant pour déposer un baiser sur la joue du jeune garçon qui rougit aussitôt.


Par réflexe, il tourne subitement sa tête vers la sienne au moment où celle-ci se recule, et leurs lèvres se frôlent « accidentellement »...

– Ah !! Pardon !! Désolé !! s’excuse-t-il précipitamment.

– Heu... non... c’est... c’est pas grave... le rassure maladroitement sa nouvelle amie qui rougit désormais autant que lui.

– Bon ben... à la prochaine ?

– Oui... à la prochaine...


Odd s’éloigne de quelques mètres, mais Samantha l’appelle :

– Hé ! Tu oublies ton chien !


En effet, Kiwi était resté sagement auprès de Samantha, et Odd doit donc revenir le chercher en lui disant que « le jeu est fini » et qu’ils doivent rentrer.

En relevant les yeux vers Samantha, Odd se remet à rougir en avouant :

– En fait, pour changer des bouts de bois que Kiwi me ramenait sans arrêt, je lui avais demandé de me trouver la plus jolie fille du parc, et du coup, ... Bref, à la prochaine !


Le Lyoko-guerrier s’en va pour de bon, laissant Samantha quelque peu perturbée par cet étrange personnage. Alors qu’elle croyait se contenter de faire semblant d’être sympa avec lui dans l’unique but d’en profiter plus tard pour voler un ordinateur au collège Kadic, la jeune fille noire a la drôle d’impression de ne pas être totalement insensible aux avances de ce garçon efféminé bien plus petit et plus jeune qu’elle...





* * *





Leur rencontre suivante est telle que décrite précédemment dans les souvenirs des Lyoko-guerriers : à l’occasion d’une fête qui aura lieu chez Yumi, Odd envoie un message à Samantha pour lui proposer de venir en tant que DJ car elle lui a vanté la qualité de ses compositions musicales, et ils conviennent donc de se retrouver à Kadic pour qu’elle lui fasse écouter sa dernière maquette.

Lorsque son invitée le contacte par téléphone, Odd s’étonne qu’elle insiste toujours autant pour visiter la salle informatique du collège, et Samantha décide alors d’égarer son interlocuteur en lui faisant une promesse assez floue pour qu’il ait envie d’en savoir davantage : lui faire connaître « le grand frisson ». Le félin, très troublé, accueille donc sa camarade devant les grilles de Kadic avec moins d’assurance qu’à son habitude, ce qui ne l’empêche pas de l’embrasser « accidentellement » sur la bouche en lui disant bonjour. C’est au tour de Samantha d’être perturbée par l’audace du collégien qui parvient encore à la faire rougir, avant qu’elle se ressaisisse pour lui rappeler qu’il a promis de la conduire à la salle informatique.

Une fois rendue à destination, la jeune fille noire révèle sa véritable intention : dérober un ordinateur. Odd s’y oppose fermement, ce à quoi Samantha répond qu’elle n’a pas les moyens de s’en acheter un et que Kadic se fera de toute façon rembourser par l’assurance, quand Odd lui fait signe de se taire : le surveillant Jim Moralès arrive dans le couloir. La cambrioleuse s’empare du PC pour se cacher aussitôt derrière le bureau, mais le félin s’empresse de le lui reprendre pour le reposer avant que Jim entre. Trop tard : au moment ou le professeur de sport ouvre la porte, Odd a l’ordinateur à la main, et l’air coupable d’un voleur pris en flagrant délit. L’adolescent ne sait pas comment expliquer la situation car il ne veut pas dénoncer sa camarade, et celle-ci n’ose même pas se montrer car elle a reconnu à travers la voix du surveillant son ancien coéquipier du projet Carthage. Si jamais il la découvre, il pourrait la reconnaître aussi, ou pire : informer le Black Phenix que Samantha est venue à Kadic.

Heureusement, Jim ne la voit pas, et il emmène donc Odd au secrétariat après avoir refermé à clé la salle informatique, y enfermant sans le savoir la vraie voleuse qui s’y trouve toujours.

Samantha en profite alors pour reprendre l’ordinateur dans l’espoir de partir avec, ni vu ni connu, avant de s’apercevoir que Jim a verrouillé la porte. Constatant que cette porte s’ouvre malheureusement vers l’intérieur, l’intruse se demande si son corps rajeuni aurait suffisamment de force pour la défoncer, quand elle entend soudain un bruit étrange provenant des fenêtres, comme si les murs extérieurs du bâtiment se mettaient à grincer...

Un vertige s’empare de la jeune fille qui se sent prise au piège, entourée d’une porte infranchissable et de murs semblant se rapprocher, avec leur grincement ininterrompu...

Cette crise de claustrophobie l’oblige à se recroqueviller sur le sol, les yeux clos et les mains sur les oreilles, pour tenter de faire le vide dans sa tête et de ne pas céder à la panique. Mais les bruits se font entendre à nouveau, de plus en plus oppressants, et lorsque Samantha rouvre les yeux, elle croit halluciner en voyant le sol extérieur engloutir les fenêtres...

Terrorisée par cette situation incompréhensible et cauchemardesque pour elle qui ne supporte pas l’enfermement, la voleuse s’acharne vainement à essayer d’ouvrir la porte tandis que la pièce tout entière plonge dans l’obscurité...

Malgré ses cris, personne ne l’entend. Elle donne des coups de poing et de pied, elle tire de toutes ses forces sur la poignée, mais la porte ne cède pas. Son front transpire à grosses gouttes, ses pensées n’ont plus aucune clarté, mais son instinct lui fait néanmoins ressentir dans tout ce chaos l’œuvre d’un monstre insaisissable qui referme ses griffes sur elle.

Alors que tout semble perdu, la voix d’Odd parvient à ses oreilles :

– Sam ! On arrive !


Ulrich, situé du bon côté de la porte, donne un fulgurant coup de pied dans sa serrure pour parvenir à la disloquer et enfin libérer la prisonnière.

Odd se jette dans les bras de son amie pour la rassurer, tandis qu’elle le serre très fort contre elle en s’excusant :

– Oh, Odd.. Pardon...


Ulrich leur rappelle que le temps presse, et ils se rendent donc tous les trois à l’usine. Au premier abord, Samantha ne comprend rien à ce qui se passe dans ce lieu singulier, jusqu’à ce que Jérémie prononce le mot « virtualisation », désignant sans le savoir une technologie que la jeune fille noire connait bien, car elle a fait partie du projet Carthage mené par Waldo Schaeffer alias Franz Hopper.

La combattante du Next World se souvient alors qu’en 1994, Waldo avait failli être capturé non loin d’ici par les hommes du Black Phenix. Se pourrait-il que cette usine en apparence abandonnée abrite en fait le nouveau laboratoire du génial inventeur de la virtualisation ?

Les soupçons de la « fausse adolescente » se renforcent lorsque l’écran de l’ordinateur montre brièvement Aelita, une jeune fille aux cheveux aussi roses que ceux d’Anthéa Hopper.

Mais tout cela, Samantha va l’oublier malgré elle, car Jérémie termine la mission en lançant un Retour vers le passé.


Après le retour dans le temps, Odd retrouve son amie devant les grilles, mais cette fois-ci, au lieu de la conduire à la salle informatique, il l’emmène rendre visite à Ulrich et Jérémie dans la chambre de ce dernier. Samantha, d’abord furieuse qu’Odd ait prévenu ses amis de sa visite, est ensuite très étonnée lorsque le félin lui explique que Jérémie a accepté de lui donner l’un de ses anciens ordinateurs. Et bien qu’il ne s’en serve plus car il en possède un plus récent, le petit génie à lunettes démontre rapidement la puissance de son ancienne machine, qui devrait satisfaire les besoins de sa nouvelle utilisatrice pour les années à venir.

Samantha n’en revient pas : Odd et ses amis, pourtant loin d’être aussi riches qu’elle l’imaginait, lui offrent un ordinateur en très bon état simplement parce qu’ils la croient défavorisée. Gênée par leur élan de générosité, la jeune fille en vient même à essayer de refuser leur présent, mais ils insistent : Jérémie affirme qu’il ne souhaite pas collectionner ses anciens ordinateurs alors que ceux-ci pourraient être utiles à des personnes qui n’ont pas les moyens de s’en acheter, et Odd ajoute avec une pointe d’ironie que les élèves de Matheson passeraient sans doute moins de temps à se bagarrer si chacun d’entre eux possédait un PC pour naviguer sur internet ou pour jouer à des jeux vidéo.

Tandis que Jérémie télécharge et installe rapidement les logiciels dont Samantha aura besoin pour composer ses morceaux musicaux, celle-ci devine que derrière la générosité dont ses nouveaux amis font preuve à son égard, cet ordinateur est en fait un cadeau de la part du félin car celui-ci en pince pour elle. Samantha se dit qu’Odd est un peu stupide de croire qu’il pourrait acheter ainsi le cœur d’une fille, mais il a l’air vraiment heureux de lui rendre service, comme s’il était simplement satisfait d’avoir accompli une bonne action. Et en dehors du fait qu’Odd et ses amis lui offrent un ordinateur, Samantha se sent inexplicablement redevable envers eux, et plus particulièrement envers cet excentrique collégien qui ne la laisse décidément pas indifférente :

– Merci, Odd...





* * *





Dans le Mémorium, Zander roule encore les yeux, excédé par les « gamineries » montrées dans les souvenirs de Samantha à qui il demande :

– Après t’être procuré cet ordinateur, j’imagine que tu as contacté ton père ?


La jeune fille détourne les yeux honteusement :

– Non, enfin... je voulais le faire, mais j’ai laissé trainer les choses...


Redoutant que son interrogateur croie à nouveau qu’elle lui cache une partie de la vérité, Samantha s’empresse de préciser :

– J’ai hésité plusieurs fois, mais j’étais toujours énervée contre lui, je ne savais pas quoi lui dire... Et puis, je pensais qu’il me restait les trois années de lycée et que j’avais donc du temps devant moi pour réfléchir, mais ce temps précieux nous a été volé...





* * *





2003.

Tandis que Naxxya et Samantha sont désormais en seconde, cette dernière est surprise en voyant débarquer un nouvel élève de terminale qu’elle connait depuis le projet Carthage : Derek Rourk, apparemment rajeuni pour sembler avoir environs dix-sept ans, mais toujours aussi impressionnant par sa carrure imposante et son regard belliqueux.

Le colosse ne tarde pas à s’en prendre violemment aux autres élèves pour montrer que personne ne lui arrive à la cheville, bousculant le semblant d’équilibre qui s’était installé entre les différents bandes rivales de l’établissement.

D’ordinaire, Samantha n’hésite pas à « calmer » rapidement les nouveaux combattants un peu trop sûrs d’eux, mais cette fois-ci elle n’en fait rien, si bien que Naxxya finit par en rire :

– Si tu as peur de lui, je peux m’en occuper !


La jeune fille noire n’a pas du tout envie de plaisanter, et elle prend donc sa camarade par le col pour lui signifier que la situation est très sérieuse :

– Ne t’avise jamais d’affronter ce mec si je ne suis pas avec toi ! Compris !? Même s’il vient te provoquer, tu ne fais rien si je ne suis pas là !


La géante ne comprend pas l’inquiétude de son amie :

– Heu... Tu le connais ou quoi ?


Samantha relâche sa camarade et détourne les yeux :

– Non, j’ai juste un mauvais pressentiment. Je ne saurais pas dire pourquoi, mais je suis persuadée qu’il est là pour toi. Alors quoi qu’il arrive, ne t’éloigne jamais de moi.



Le soir, laissant Naxxya dans leur chambre, Samantha rend discrètement visite à Derek pour le questionner :

– Ça t’amuse de frapper des gamins ?

– Pas spécialement, ricane la brute épaisse. Je suis obligé de retenir mes coups pour éviter de les envoyer à l’hôpital. Et pourtant, ce rajeunissement est censé réduire temporairement ma force, pour mieux l’accroitre dans les années à venir...


Samantha sait que Derek possède le même désir insatiable qu’elle : devenir toujours plus puissant. Cela justifie le rajeunissement de son corps, mais pas sa présence à Matheson :

– Qu’est-ce que tu es venu faire ici exactement ?


Le colosse continue d’arborer son sourire de défi :

– Rassure-toi, je ne suis pas là pour te piquer ton terrain de jeu. Je profite simplement de mon rajeunissement pour venir m’assurer que Warven-50 se développe conformément à nos attentes et qu’elle ne prendra pas trop de retard sur ses congénères restées au Centre...


La jeune fille noire s’inquiète :

– Tu as l’intention de te battre contre elle ?

– J’adorerais, reconnait Derek, mais je risquerais de l’abimer. Je vais donc simplement lui faire affronter simultanément tous les lycéens qui trainent ici, pour voir combien d’adversaires elle pourra repousser avant de tomber.


Samantha comprend alors qu’en tabassant tous les élèves les uns après les autres, Derek est en fait en train de « conquérir » Matheson pour mettre tous les élèves sous ses ordres dans le but de les lancer à l’assaut de la géante aux cheveux bleus, ce qui constituera pour elle son ultime épreuve avant de réintégrer le Centre définitivement.

– Ce n’est pas du tout ce qui était prévu ! proteste maladroitement Samantha. Naxxya n’est pas censée retourner au Centre avant ses dix-huit ans ! Anthéa tient à ce qu’elle termine sa scolarité !

– Qu’est-ce que ça peut te faire ? s’étonne Derek. T’es amie avec Anthéa maintenant ?

– Pas du tout ! riposte fermement la jeune fille noire vexée. Mais on m’a confié cette mission et je compte la mener à son terme !

– Si je me souviens bien, poursuit Derek, ta mission consistait à veiller au bon développement des capacités martiales de Warven-50 dans cet environnement « hostile ». Mais d’après ce que j’ai vu, tout cela ressemble plutôt à des vacances, donc je vais reprendre les choses en main.


Alors que le colosse tourne les talons, Samantha lui demande encore :

– Et Anthéa ? Elle est au courant ?


Derek hausse les épaules sans même se retourner :

– Je reçois mes ordres directement de Zander. Va préparer ta valise, les vacances sont finies.





* * *





Du plus en plus inquiète à mesure que Derek rassemble des « partisans », Samantha se décide enfin à contacter son père pour lui demander pourquoi Zander souhaite que Naxxya réintègre le Centre si tôt. Elle envoie donc un e-mail à l’adresse que lui avait indiquée Anthéa, et reçoit rapidement une réponse contenant un lien temporaire vers une plateforme de discussion instantanée dont les messages s’effacent après seulement quelques secondes.

La jeune fille noire se lance par écrit :

> Salut papa.


La réponse d’Howard ne se fait pas attendre :

> Bonsoir ma fille. J’espère que tu vas bien ? J’ai longtemps attendu de tes nouvelles...


Samantha a la gorge nouée, mais elle n’en laisse rien paraitre dans ses messages :

> Derek est à Matheson, il veut ramener Naxxya au Centre beaucoup plus tôt que prévu, et moi avec. Il a dit que la décision vient de Zander lui-même, c’est vrai ?


Après quelques secondes, l’explication apparaît enfin :

> Le Projet Carthage avance à grands pas. Hélène pourra bientôt ouvrir des portails entre les mondes virtuels pour permettre à nos troupes de les envahir, ce qui nous donnera un avantage certain sur toutes les nations du monde qui sont encore loin de découvrir la virtualisation. Naxxya doit donc rejoindre le Centre pour rattraper l’entrainement qu’elle n’a pas encore reçu.

> Et tu ne pourrais pas intercéder en notre faveur auprès de Zander pour qu’il nous laisse encore une ou deux années de répit ?

> Il est trop tard pour cela, Zander a déjà pris sa décision. Je suis navré. Tu aurais dû me contacter plus tôt.


Samantha hésite à faire confiance à son père car celui-ci semble encore très proche du maître du Black Phenix, mais au fond d’elle, elle est persuadée qu’il ne dénoncerait jamais sa propre fille :

> Et si on décidait de s’enfuir, tu pourrais nous couvrir ?

> C’est impossible : les individus conçus au Centre (androïdes, clones, etc) sont tous dotés d’une puce qui permet de les localiser où qu’ils se trouvent sur Terre au cas où ils chercheraient à s’échapper, donc Naxxya ne pourra jamais s’enfuir... En revanche, toi, tu le pourrais...


La jeune fille noire rétorque sèchement :

> Je ne partirai pas sans Naxxya. Soit tu trouves une solution pour nous deux, soit tu m’oublies.


De longues secondes s’écoulent alors, sans que rien ne permette à Samantha de savoir si son interlocuteur est simplement en train d’écrire ou s’il a mis fin à la conversation.

Après une attente interminable, la réponse d’Howard apparait enfin :

> J’ai peut-être une idée pour vous faire gagner du temps, mais tu vas devoir proposer un marché à Derek...





* * *





Le lendemain, Samantha va trouver la grande brute qui traversait un couloir à la tête d’une véritable légion d’élèves désormais sous ses ordres :

– On peut se parler deux minutes ?


Entouré par de nombreux combattants qui ont une revanche à prendre sur Samantha, Derek prend un malin plaisir à fixer la jeune fille en silence, sous-entendant qu’il lui suffirait de claquer des doigts pour que ses « serviteurs » se jettent sur elle.

Mais il choisit de les congédier :

– Patience les gars, on s’occupera bientôt d’elle. Allez me faire de la place à la cantine, je vous y retrouve dans une minute.


Enfin seule avec le colosse, Samantha lui dévoile sa proposition :

– J’accepte d’amener Naxxya à se battre contre tous les lycéens que tu pourras réunir. Je trouverai même les mots pour faire en sorte qu’elle ne se défile pas, pour qu’elle donne tout ce qu’elle a, pour qu’elle aille jusqu’au bout. Mais si jamais elle gagne, tu devras raconter à Zander que Naxxya se développe bien au-delà de nos espérances, afin qu’il accepte de la laisser terminer sa scolarité.


Derek s’esclaffe, mais il est en réalité intrigué par la confiance que Samantha place en Naxxya :

– Tu la crois vraiment capable de gagner ? Ce matin je l’ai vue cogner les quelques gars que je lui avais envoyés, c’était franchement laborieux. Et pour avoir observé ce dont sont réellement capables les créatures de son espèce, je peux t’assurer qu’elle ne maîtrise absolument pas les techniques inscrites dans son code génétique.


La jeune fille noire en profite pour le provoquer :

– Si tu es si sûr que Naxxya perdra, pourquoi ne pas accepter ma proposition ? Tu t’es souvent vanté d’être un « gladiateur », je pensais que ce genre de combat avec enjeu t’intéresserait...

– Les seuls combats qui m’intéressent sont les miens, répond Derek avant de retourner la situation à son avantage. Mais puisque tu tiens tellement à marchander la liberté temporaire de ta petite protégée, je suis prêt à accepter ton deal, en y ajoutant une condition : finalement, c’est bien moi qu’elle affrontera.


Samantha reste sans voix, comprenant trop tard que le colosse tient enfin un motif pour se mesurer lui-même à la géante, et son interlocuteur lui fausse compagnie :

– À seize heures, tu me l’amèneras au fond de la cour, derrière les arbres, puis tu t’éclipseras pour me laisser seul avec elle.





* * *





Le moment venu, la combattante du Next World amène sa camarade au lieu de rendez-vous. Les deux filles écoutent de la musique avec leurs baladeurs MP3, comme à leur habitude, mais Samantha est extrêmement anxieuse, car elle sait que Derek va bientôt arriver pour affronter son amie, et qu’elle devra abandonner celle-ci à son triste sort. Maintenant que le temps leur manque, la jeune fille noire réalise que leur vie d’adolescentes va lui manquer. Les bagarres dans les couloirs, les rires après les victoires, les excursions nocturnes, les parties de jeu vidéo, la musique dans les oreilles, les câlins dans la chambre...

La géante remarque que sa colocataire la dévisage curieusement ; elle éteint donc sa musique pour lui demander ce qui ne va pas, et Samantha lui répond par une autre question :

– Tu te souviens de notre pacte d’évasion ?


Naxxya réfléchit :

– La première de nous deux qui réussit à s’échapper d’ici doit faire quelque chose pour l’autre ?


La jeune fille noire hoche la tête :

– Si je m’échappe la première, je te libèrerai à ton tour comme tu me l’as demandé. Et toi, tu sais ce que tu as à faire ?

– Oui. Si c’est moi qui m’échappe la première, je dois trouver la tombe de ta mère pour y déposer des fleurs.

– Bien, conclut Samantha avant de se rapprocher de son amie pour passer doucement sa main derrière sa nuque.


La géante frémit : ce genre de signes d’affection est normalement réservé à l’intimité de leur chambre car Samantha tient absolument à ce que personne n’en sache rien, mais cette dernière ne semble plus s’en préoccuper. Posant son autre main sur la joue de Naxxya en l’invitant à se pencher vers elle, Samantha ferme les yeux et embrasse longuement sa camarade qui n’ose momentanément plus bouger, avant de refermer ses bras autour des épaules de son amoureuse pour la serrer contre elle.

La géante aux cheveux bleus s’attend à ce que Samantha se retire précipitamment en s’excusant ainsi qu’elle l’a fait chaque fois qu’elles ont fini par s’embrasser dans un moment d’égarement, mais cette fois, la jeune fille noire s’éternise dans ses bras, avant de reculer tout doucement en lui tenant les mains :

– Il faut que j’aille aux toilettes.


Samantha quitte donc Naxxya, mais avant de s’en aller, elle décide de faire ce qu’elle s’était jusqu’à présent interdit pour de nombreuses raisons : lui ouvrir son cœur.

– Je t’aime.



Une fois à l’abri des regards, la sombre combattante escalade en fait l’un des arbres pour surveiller furtivement la géante qui, occupée à écouter de la musique mais surtout troublée par ce qui vient de se passer avec sa colocataire, ne voit pas les élèves pourtant nombreux qui s’approchent pour l’encercler, avant que leur chef s’avance pour engager la conversation sur un ton faussement amical :

– Alors comme ça, tu n’as jamais perdu un seul combat ?


Naxxya retire ses écouteurs et les range avec son baladeur, en lançant des regards autour d’elle, mais Samantha est hors de sa vue.

– Moi non plus je n’ai jamais perdu, poursuit Derek en faisant craquer ses phalanges. Et pourtant, contrairement à toi, je n’attends pas qu’on vienne me trouver...


Se rappelant les consignes de son amie, la géante pense brièvement à s’enfuir bien que les élèves disposés tout autour sont manifestement là pour l’en empêcher, et son inattention est brutalement sanctionnée par le poing du colosse qui la projette plusieurs mètres en arrière...

Des cris d’élèves impressionnés acclament la puissance de ce premier coup porté par leur leader ; Naxxya se relève tant bien que mal, mais un genou en pleine face la renvoie aussitôt dans les cordes...

L’adolescente malmenée se masse péniblement le visage, avant de se prendre des coups de pied dans les côtes de la part de Derek qui semble mécontent de la faiblesse de son adversaire :

– Allez ! Relève-toi !


La jeune fille à terre roule sur le côté pour s’écarter et en profite pour se relever précipitamment, mais Derek est déjà de nouveau sur elle et la bombarde de coups de poing, la rendant incapable de contre-attaquer.


Perchée dans un arbre, Samantha comprend que son amie ne peut pas gagner : malgré l’imposante constitution physique de Naxxya qui lui confère naturellement une force et une robustesse démesurées sur lesquelles elle s’est toujours reposée, Derek possède non seulement ces atouts lui aussi, mais il dispose également d’une vivacité déconcertante au vu de son gabarit, et de techniques de combat très développées, avec des gestes sûrs et efficaces, contrairement à la géante qui, malgré l’expérience qu’elle a gagnée depuis son arrivée à Matheson, semble désespérément maladroite dans la façon dont elle frappe et se protège face à un adversaire nettement meilleur qu’elle.

La jeune fille noire se sent responsable de ce résultat : avec le temps, elle a négligé sa mission et n’a pas suffisamment entrainé sa colocataire pour que celle-ci dispose pleinement de ses capacités. Samantha espérait que le récent rajeunissement de Derek le handicaperait suffisamment pour que son amie ait une chance de le battre, mais à présent, elle prie simplement pour que la brute épaisse en finisse rapidement.

Naxxya se débat plus qu’elle ne se bat, et Derek continue de lui porter des coups pour la voir finir par s’écrouler toute seule. Il est alors surpris quand elle parvient à mettre en pratique une simple astuce que lui avait enseignée Samantha : en se mettant légèrement de profil pour se défendre d’une seule main, la lycéenne cache derrière elle son autre poing qu’elle propulse subitement contre son ennemi qui le reçoit en pleine mâchoire sans l’avoir vu venir. La surprise est cependant de courte durée : bien que le coup de poing de Naxxya ait fait reculer Derek et tourné sa figure dans la mauvaise direction, il devine qu’elle va enchaîner avec un second coup de poing de son autre main qui le percutera à l’instant où il retournera son visage, c’est pourquoi il se contente d’esquiver ce coup en décalant légèrement sa tête sans même regarder le poing qui passe juste à côté de sa joue, puis il en profite pour saisir le poignet de la géante et la faire basculer par-dessus son épaule pour l’écraser contre le sol.

Sous les cris d’animaux des élèves autour qui savourent la défaite de celle qui leur a longtemps tenu tête, Naxxya s’efforce de se relever malgré la douleur qui parcourt son dos engourdi par sa chute, mais elle retombe aussitôt face contre terre, vaincue.

Méprisant l’état de santé de la jeune fille, Derek l’attrape par les cheveux pour redresser sa tête et constater qu’elle est toujours consciente :

– Soit tu te relèves pour te battre, soit je te termine au sol à coups de pied...


Samantha serre les poings pour se retenir de se jeter sur le colosse qui secoue sa proie par les cheveux pour susciter une réaction de sa part.

Le baladeur MP3 de Naxxya glisse alors de sa poche et tombe sur le sol. Les mains tremblantes, elle tente maladroitement de ramasser son bien mais Derek est plus rapide.

Il regarde l’objet qu’il vient de ramasser, avant de le tendre devant le visage de Naxxya qu’il tient toujours par les cheveux :

– Tu es en train de perdre un combat, et tout ce qui t’inquiète c’est ton baladeur ?


La jeune fille mal en point implore misérablement son bourreau :

– C’est... c’est à moi... rends-le moi... s’il te plait...


Mais Derek referme son poing sur l’appareil et le fracasse violemment contre la joue de Naxxya, avant de laisser glisser entre ses doigts les miettes du baladeur broyé, tout en relâchant les cheveux de sa victime pour la laisser retomber au sol.

Derek lui donne un dernier coup de pied dans le ventre et s’essuie les mains en concluant :

– Une larve. Tu n’es qu’une grosse larve. Ta faiblesse est répugnante.


Mais des voix inquiètes aux alentours le poussent à jeter un regard à sa victime pour s’apercevoir que celle-ci, toujours étendue à terre mais les yeux désormais écarquillés, s’applique vainement à reconstituer d’une main fébrile les morceaux de son baladeur éparpillés sur le sol...

Agacé, Derek donne un grand coup de pied dans la main de Naxxya pour la priver définitivement de ce qu’il restait de son appareil, sans mesurer les conséquences de son geste : la jeune fille ivre de rage se redresse brusquement pour se ruer sur son ennemi qu’elle attrape par les jambes afin de le faire tomber en arrière. S’appuyant sur son ventre pour l’empêcher de se relever, elle le martèle frénétiquement de ses poings sans qu’il puisse riposter...

Le colosse à terre subit toute la rage de celle qu’il martyrisait encore quelques secondes plus tôt, mais il sait déjà comment reprendre l’avantage : ses doigts raclent le sol pour ramasser de la poussière qu’il jette au visage de Naxxya, l’aveuglant suffisamment pour la repousser en arrière et s’extirper de sa lourde charge. Mais alors qu’il se relève, la géante agrippe sa jambe pour le refaire tomber et le tirer vers elle. Derek se laisse trainer jusqu’à son ennemie et en profite pour la frapper aussitôt tandis qu’elle est occupée à tenir sa jambe, mais la lycéenne enragée mord sauvagement le poing qui visait sa bouche...

Couvrant les exclamations effarées des élèves tout autour, le colosse hurle de douleur en se tenant la main et en tentant de rouler sur le côté ; à nouveau debout sur ses deux jambes, la géante attrape son ancien tortionnaire par sa ceinture et par son col pour le soulever au-dessus d’elle avant de le projeter violemment contre un arbre...

Respirant bruyamment suite à cet effort, la furie dévisage les élèves qui ne savent pas s’ils doivent l’attaquer pendant qu’elle est vulnérable ou s’ils feraient mieux de s’enfuir avant qu’elle s’en prenne à eux. L’adolescente exténuée ne voit pas que derrière elle, son adversaire s’est relevé et a sorti discrètement un couteau...

– Attention !! s’écrie Samantha alors que sa camarade se retournait vers Derek sans se douter qu’il était en train de se jeter sur elle...


Alertée par la voix de son amie, Naxxya se recule de justesse au moment où son assaillant abat sa lame sur son visage, écorchant néanmoins sa paupière et manquant de lui crever un œil...

Tandis que la géante s’essuie la joue et voit le sang qui dégouline sur sa main, le colosse la charge à nouveau en brandissant son couteau :

– J’vais t’crever !!


Dans un éclair de frénésie, la créature aux cheveux bleus intercepte la main de son agresseur, lui tord le bras dans le dos pour le déposséder de son arme et lui tranche la gorge sous les cris d’horreur des élèves autour d’eux...






* * *






Dans le Mémorium, les prisonniers sont sous le choc après avoir assisté à l’issue sanglante du combat entre Naxxya et Derek, mais Zander, lui, arbore un sourire de satisfaction en déclarant à Samantha :

– Tu as dû être très déçue de constater qu’en dépit de toutes les niaiseries que tu as partagées avec elle, Warven-50 restait la machine de guerre que nous avions conçue...


La jeune fille noire ne veut pas laisser à son bourreau la satisfaction de voir à quel point elle était accablée en découvrant que son amie restait malgré tout une arme meurtrière forgée par le Black Phénix :

– Pourquoi aurais-je été déçue ? C’était tout le contraire ! ment-elle avec conviction. Voir Naxxya corriger cette ordure de Derek m’a remplie de joie ! Elle pouvait difficilement m’offrir une plus belle manière de conclure nos années à Matheson !

– Oublie Matheson et parle-moi plutôt de Kadic, reprend le souverain du Next World. Pourquoi y es-tu retournée cette année-là ?


Samantha hausse les épaules :

– Tu le sais déjà : j’avais pris goût à la vie « normale ». Et comme je ne pouvais plus voir Naxxya, j’ai simplement rendu visite à Odd et sa bande à Kadic.

– Voila des paroles peu convaincantes, conclut Zander en caressant la lame de sa faux toujours prête à décapiter des otages.


La prisonnière soupire :

– Ça va, j’ai compris, tu ne crois que ce que tu vois. Ne viens pas me reprocher ensuite de te faire perdre ton temps...






* * *






Fin 2003.

Du sable clair...

Des colonnes et des statues de pierre...

Des grilles, des armes et des armures de fer...

Dans sa tenue virtuelle mauve traversée par des lanières lumineuses, Samantha affronte des créatures numériques générées par l’environnement où elle se trouve : une enceinte de combat dans le Next World, dont l’apparence reproduit celle des arènes de gladiateurs de l’antiquité. Bien que la jeune fille soit seule face à un grand nombre d’adversaires, ses techniques martiales et son pouvoir de téléportation lui permettent d’abattre ses ennemis systématiquement, aussi bien les féroces créatures animales imitant des fauves que les redoutables humanoïdes en armure représentant des gladiateurs. Mais une très grande statue de pierre s’anime soudain et surprend Samantha en l’aplatissant sous son pied, ce qui la dévirtualise.

Réapparue dans l’un des sarcophages de virtualisation des sous-sols du Centre, Samantha médite sur sa défaite. Elle a pratiquement récupéré le niveau qu’elle avait atteint avant de rajeunir et elle sera donc encore plus forte à l’avenir, mais de toute évidence, le cœur n’y est plus. Elle a la tête ailleurs. Elle qui auparavant passait volontiers ses journées à s’entrainer inlassablement dans le Next World, maintenant cela lui semble vain. Et même en sortant fréquemment au cinéma ou à la bibliothèque pour se changer les idées, il lui manque quelque chose, ou plutôt quelqu’un.

Seulement, elle ne peut plus voir Naxxya, car celle-ci a réintégré le Centre définitivement. Samantha a souvent hésité à lui rendre visite ou à essayer de la « croiser par hasard » dans le Next World, mais elle ose à peine imaginer la déception que son amie éprouverait en apprenant que la jeune fille noire avec qui elle partageait tout travaillait en fait pour le Black Phenix et que tout ce qu’elles ont vécu ensemble n’était qu’une sorte d’expérience, y compris le combat contre Derek. Pire : qu’arriverait-il si l’on découvrait que les deux demoiselles ont en fait « sympathisé » bien au-delà de la mission que Samantha devait accomplir ? Et pour couronner le tout, l’entrainement quotidien que reçoit désormais Naxxya va certainement la « formater », de sorte qu’elle ne vivra plus que pour servir le Black Phenix dans la conquête des mondes virtuels, sans qu’il reste dans son esprit la moindre trace de ses sentiments humains développés auprès d’Anthéa qui l’a élevée comme une mère, puis auprès de Samantha qui devait simplement être sa rivale mais qui est progressivement devenue sa meilleure amie, voire sa petite amie.

La combattante mélancolique se souvient alors qu’elle s’était fait d’autres amis : Odd et sa bande, les enfants de Kadic. Pendant un temps, elle avait continué d’échanger des SMS avec Odd et de le rejoindre en ville pour faire du skateboard, avant que l’étrange attirance qu’elle ressentait pour ce minuscule gamin qui n’hésitait pas à l’embrasser spontanément la pousse à prendre ses distances en prétendant qu’elle avait déménagé dans le sud et qu’ils ne pourraient donc malheureusement plus se voir.

Mais à présent, Samantha souhaite revoir Odd. Aussi décide-t-elle de profiter du concours annuel inter-collèges de skateboard pour s’introduire à Kadic avec sa planche à roulettes...


Dernière édition par Nelbsia le Mer 21 Déc 2022 10:58; édité 3 fois
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Nelbsia MessagePosté le: Lun 17 Aoû 2020 20:03   Sujet du message: Répondre en citant  
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Épisode #124 : Une dernière chance


Résumé de l’épisode précédent :


La rencontre entre Odd et Samantha était bien une coïncidence, mais elle avait néanmoins permis à la jeune fille noire de se procurer un ordinateur pour contacter secrètement son père. Howard avait alors imaginé un plan pour persuader Zander que Naxxya devait continuer sa scolarité hors du Centre : montrer que la géante se développait si bien qu’elle surpassait les attentes de ses concepteurs, et pour cela, elle allait devoir affronter Derek Rourk, le redoutable gladiateur du Black Phenix, également rajeuni et bien décidé à la faire rentrer dans le rang. La lycéenne aux cheveux bleus semblait incapable de venir à bout de son impitoyable adversaire qui la brutalisait sans difficulté car elle ne disposait manifestement d’aucune des techniques de combat pourtant inscrites dans son code génétique, jusqu’à ce qu’il réveille involontairement son instinct de machine à tuer et qu’elle retourne son couteau contre lui. De retour au Centre après cette scolarité écourtée, Samantha ne pouvait plus s’adonner exclusivement à son entrainement virtuel comme elle le faisait avant, car elle avait désormais gouté aux plaisirs légers d’une vie d’adolescente ordinaire. Mais plus encore que les activités et les divertissements, c’était surtout la compagnie d’une présence amicale qui lui manquait depuis que Naxxya avait été enfermée, et Samantha décida donc de retourner voir Odd au collège Kadic à l’occasion d’une compétition de skateboard...





Lorsqu’elle entre dans le gymnase de Kadic, Samantha repère immédiatement Odd qui enfile ses protections en compagnie d’Ulrich, tandis que Jim Moralès fait son discours de bienvenue aux participants.

Le professeur de sport mentionne au passage ses exploits en patins à roulettes dans les années 1960 avant de réaliser qu’il n’est pas censé en parler, ce qui ne manque pas de faire sourire son ancienne coéquipière qui le rejoint discrètement dans les escaliers derrière la rampe tandis qu’il siffle le départ des premiers concurrents.

– Salut Jimmy.


Jim se retourne vers elle en fronçant un sourcil, perplexe face à cette effrontée qui vient de l’appeler par un surnom familier, avant de se retenir de crier au moment où il identifie enfin derrière ses traits d’adolescente une personne qu’il a bien connue lors du projet Carthage : Samantha Knight.

– ...Sam ?! C’est toi ?!


Celle-ci lui fait signe de diminuer le volume de sa voix :

– Mois fort, tu vas nous faire repérer.


Jim poursuit donc en chuchotant :

– Qu’est-ce que tu fais ici !?

– Relax, répond-elle en souriant, je suis juste venue participer à la compétition. Tu veux bien m’ajouter sur la liste des concurrents ?

– Heu... hésite-t-il avant d’admettre que sa morphologie rajeunie est acceptable. D’accord mais... tu dois porter des protections ! C’est le règlement ! Il y en a dans le local à matériel si tu veux...

– Merci Jimmy, conclut Samantha. Ah, et bien sûr, pas un mot de ma présence ici à qui que ce soit, personne ne doit savoir qu’on se connait.

– Naturellement... acquiesce Jim encore tout étonné, tant par ces retrouvailles inattendues que par l’attitude relativement sympathique affichée par Samantha dont il se rappelle davantage le caractère abrupt et impitoyable.



Ayant enfilé des protections, Samantha assiste à la prestation d’Odd qui virevolte sur la rampe et conclut son passage avec toute la modestie qu’on lui connait :

– Et voila le travail ! Technique exceptionnelle, fluidité, une élégance incroyable, en bref la grande classe !


La jeune fille noire s’avance en souriant :

– Salut Odd, super ton run !

– Sa-Sa-Sa-AAAAH-SAM !? bégaye le félin en tombant de sa planche sous le coup de la surprise avant de faire comme si tout allait bien. Comment ça va, toi !?

– Pas mal, répond son amie toujours le sourire aux lèvres.

– C’est ça, ouais, la grande classe ! s’esclaffe Ulrich pour se moquer de son colocataire étendu à terre qui semble néanmoins ravi de retrouver son ancienne camarade.


Les deux jeunes skateurs discutent passionnément dans les gradins pour échanger des nouvelles, tout en continuant d’effectuer des passages successifs au fil de la compétition.

Ulrich s’amuse de les voir aussi émerveillés l’un par l’autre, non seulement lorsqu’ils papotent, mais aussi lorsqu’ils s’admirent tour à tour durant leurs démonstrations de skateboard respectives.

Pendant qu’Odd se donne à fond sur la rampe pour impressionner le public et surtout Samantha, le samouraï s’étonne que celle-ci soit à ce point en extase devant le félin :

– Je ne pensais pas qu’une fille pouvait s’attacher à Odd pendant plus d’une semaine ! Qu’est-ce qui te fait craquer chez lui exactement ?


Avec un grand sourire toujours fixé sur son visage tandis qu’elle dévore des yeux le jeune skateur en tenue violette, la spectatrice béate met du temps à formuler sa réponse. La vérité, c’est que tout lui plait chez Odd. Son enthousiasme permanent quand il est avec elle, leurs passions communes, leurs loisirs, leurs discussions, et même sa voix aiguë mais enjouée, son sourire naïf mais indéfectible, et son visage aussi efféminé que magnifique... Tout cela fait que la jeune fille noire se sent bien en sa compagnie, loin de ses problèmes, et elle a malgré elle développé des sentiments à l’égard de cet étrange collégien avec qui tout semble si simple.

Mais elle ne peut évidemment pas dire tout cela à voix haute, alors elle se contente de bredouiller :

– Ben heu... Oh là... C’est Odd... Il est... Il est...

« ...irrésistible... », pense-t-elle sans oser le déclarer.

– ...Il est hyper désordonné, complète Ulrich. Tu verrais son armoire, un vrai désastre...

– Oh, ça j’suis comme lui, concède Samantha. Incapable de ranger ma chambre...

– Eh ben si ils finissent pas ensemble ces deux-là... soupire le samouraï avant de décrocher son téléphone qui s’est mis à sonner. Aelita ? ...Ouais, t’inquiète pas, je préviens Odd et on arrive...


Mais alors qu’il se lève et raccroche, le jeune garçon est apostrophé par le proviseur :

– Ulrich Stern ! Quelqu’un demande à vous voir !

– Bonjour Ulrich... déclare gravement l’homme au regard sévère qui accompagne Jean-Pierre Delmas.

– Papa ?!


Le père d’Ulrich semble très remonté contre son fils à cause de ses mauvais résultats scolaires, et il veut donc lui en parler dans le bureau du proviseur, ce qui tombe très mal pour le collégien car une attaque de Xana est en cours.

Mais le samouraï ne peut pas échapper à son père, alors avant de partir, il demande à Samantha de dire à Odd de « se rendre rapidement où il sait » pour que le félin aille rejoindre ses amis à l’usine sans attendre son colocataire. La jeune fille accepte dans un premier temps, avant de s’apercevoir que si Ulrich préfère lui cacher le lieu où Odd doit se rendre, c’est qu’elle n’y sera pas invitée, alors qu’elle est venue exprès pour passer du temps avec lui. Et d’un autre côté, Samantha se dit qu’en ne transmettant pas le message à Odd, elle l’aura pour elle toute seule... Ils pourront passer du temps tous les deux, comme à l’époque où il leur arrivait de traîner ensemble en ville, sans que personne ne vienne les déranger, hormis les mystérieux coups de fil de Jérémie...

Au moment où Odd revient s’asseoir à côté d’elle, il remarque l’absence de son camarade de chambre :

– Ben il est où Ulrich ?

– Ben, heu... je sais pas...

– Il t’a rien dit ? s’étonne le félin.

– ...Ben non, ment Samantha en espérant qu’Odd ne lui en voudra pas trop d’avoir voulu passer plus de temps avec lui pour une fois qu’ils ont l’occasion d’être réunis.


La jeune fille noire ignore que son mensonge sera lourd de conséquences, car pendant qu’elle retient Odd auprès d’elle, Aelita doit se rendre dans le Cinquième Territoire de Lyoko avec pour seul garde du corps William qui, virtualisé pour la première fois et peu attentif aux consignes de sa coéquipière, tombera entre les tentacules de la Méduse pour devenir malgré lui l’un des plus terribles serviteurs de Xana...


Quelques minutes plus tard, alors qu’Odd s’extasie devant les figures en skateboard que Samantha effectue pour le rejoindre en finale, un appel d’Ulrich le ramène à la réalité :

– Odd !? Qu’est-ce que tu fabriques !? T’es pas au labo !?

– Au labo ? Tu veux rire !? J’suis qualifié pour la finale ! se vante le félin inconscient de la gravité de la situation.

– Mais Sam t’a rien dit !?

– Bah ? Dit quoi ? s’étonne Odd avant que son colocataire l’informe enfin des évènements en cours.


Fière de sa performance que même Jim a applaudie, Samantha revient vers Odd en triomphant :

– Héhéhé ! Allez, à toi de faire mieux maintenant !


Mais le félin est en colère contre elle :

– Sam ! Pourquoi tu m’as pas transmis le message d’Ulrich ? C’était important !

– « Important » ? se vexe la jeune fille avant de s’excuser maladroitement. Oh bah zut, je suis désolée, c’est que... J’avais pas envie que tu partes... On vient de se retrouver et c’est pas tous les jours qu’on a du bol comme ça... En plus, je repars ce soir...


Odd comprend que son amie voulait simplement qu’il reste avec elle, mais sa mission passe malheureusement avant tout le reste :

– Je sais, je pense comme toi, Sam, mais... moi, j’ai un truc à faire !

– ...Qui compte plus que passer la journée avec moi ? demande la jeune fille en s’efforçant de ne pas montrer sa déception.


Odd se lève pour prendre ses responsabilités à contrecœur :

– Heu... Malheureusement, oui...


La tristesse qui submerge Samantha transparait dans son regard, déchirant le cœur du félin qui reste planté un long moment devant elle avant de s’enfuir à toutes jambes, laissant son amie dans la peine et l’incompréhension.





* * *





La voix de la Samantha du présent s’élève dans le Mémorium tandis qu’elle met fin à son souvenir brusquement en s’adressant au maître du Black Phenix :

– Tu me crois maintenant !?


Le ton employé par la jeune fille n’était pas très respectueux, mais Zander se retourne simplement vers elle avec son sourire inquiétant :

– Non.


Alors que les prisonniers cherchent à comprendre le sens de sa réponse, le souverain du Next World passe sa main sur la console de commande du Mémorium pour projeter des extraits de certains des souvenirs livrés par Naxxya lors de son bref passage un peu plus tôt.

Le plafond montre peu à peu une salle plongée dans la pénombre, au fond de laquelle on distingue bientôt la géante aux cheveux bleus, le corps immobilisé par d’épaisses chaînes métalliques et le crâne enveloppé dans un volumineux appareil qui recouvre même ses yeux.

Une voix résonne pour l’interroger :

– Qu’est-ce que le Black Phenix ?


Naxxya répond d’une toute petite voix :

– Je... je sais pas...


Une décharge électrique la secoue violemment un bref instant, avant qu’elle s’évanouisse.

Lorsque Naxxya revient à elle, la question se répète à l’identique :

– Qu’est-ce que le Black Phenix ?

– Je ne... sais pas...


Une nouvelle décharge la fait s’évanouir, puis elle se réveille, et la même question lui est posée :

– Qu’est-ce que le Black Phenix ?

– Je... c’est... c’est vous...


Cette fois, la décharge infligée est si intense qu’elle lui arrache un hurlement de douleur qui saisit les spectateurs du Mémorium et déclenche l’effet escompté par Zander : au son de cet atroce hurlement, des fragments des souvenirs que cache encore Samantha lui échappent en se projetant à présent en transparence par-dessus l’image de Naxxya torturée, et l’on y entend la voix de désespérée de la jeune fille noire à travers des phrases entremêlées :

« ...Arrêtez !! Laissez-la !! Elle a compris la leçon !!... »
« ...Tu ne vas rien faire pour la sortir de là !?... »
« ...On doit lui accorder une seconde chance ! Une dernière chance !... »
« ...Ta fille est là, dehors, et elle a besoin de nous !!... »


Zander arrête aussitôt le processus pour isoler ce qui l’intéresse :

« ...Ta fille est là, dehors, et elle a besoin de nous !!... »


Cette phrase se répète en boucle jusqu’à ce que le souvenir dont elle est issue se dessine enfin clairement au plafond pour montrer les deux protagonistes de la discussion : lorsque Samantha a prononcé cette exclamation, elle s’adressait à Anthéa dans son appartement au Centre...

Zander rediffuse une dernière fois la phrase avant de se retourner vers la jeune fille noire :

– De qui parliez-vous à ce moment-là ?

– Ben de Naxxya, réplique aussitôt Samantha. Tu as bien vu que...


Sa réponse est interrompue par le bruit d’une énorme lame qui se plante brutalement juste à côté de sa tête, faisant crier de surprise les prisonniers autour.

La terrible faux de Zander se détache du dossier du fauteuil de Samantha tétanisée pour revenir en lévitation dans la main de son propriétaire qui vient de la lancer, et celui-ci demande pour la dernière fois en détachant ses mots :

– De qui... parliez-vous ?


La jeune fille noire ferme les yeux, laissant ses souvenirs se reformer au plafond :

– ...D’Aelita.





* * *





Sortant tristement du gymnase où Odd l’a abandonnée, Samantha se rend à l’évidence : elle n’avait de toute façon rien à faire avec lui. Il n’est qu’un collégien avec sa petite vie et ses préoccupations d’adolescent, tandis qu’elle est une guerrière issue d’une organisation secrète, sans compter qu’en dépit de son rajeunissement qui lui donne l’apparence d’une jeune fille d’un âge proche de celui d’Odd, Samantha pourrait en fait être sa mère...

D’ailleurs, l’attirance qu’elle ressent pour lui n’est probablement qu’une conséquence imprévue du procédé de rajeunissement qu’elle a utilisé, puisqu’en dehors de cela, elle a bien constaté une certaine régression de maturité dans sa propre attitude, notamment quand elle était à Matheson avec Naxxya. Après tout, elle est la première à avoir rajeuni jusqu’à un âge pré-adolescent, et les effets d’une tel recul biologique sont encore méconnus, même pour les chercheurs du Black Phenix.

Bref, mieux vaut sans doute qu’Odd et elle en restent là, que Samantha retourne à ses tourments et qu’elle laisse l’authentique collégien mener son existence.

Alors qu’elle quitte l’enceinte de Kadic, la jeune fille noire est soudain prise d’une étrange sensation...

Elle sort son téléphone de sa poche, mais contrairement à ce qu’elle croyait, celui-ci ne semble pas avoir vibré...

Le long du trottoir, les lumières des lampadaires se mettent à clignoter, provoquant l’étonnement des passants...

Samantha pressent que quelque chose de terrible est en train de se produire...

Comme la fois où elle s’était retrouvée... enfermée...?

– AAAAAHH ?! s’écrie-t-elle subitement en se tenant la tête avant de tomber à genoux sur le sol...

Tandis que quelques personnes accourent vers elle en s’inquiétant de son état, des fragments de mémoire verrouillés lui reviennent par flashs...

La salle informatique de Kadic... le grincement des murs s’enfonçant dans le sol... Odd et Ulrich qui viennent la délivrer... avant de l’emmener dans une usine abandonnée qui abrite un supercalculateur... Jérémie prononçant le mot « virtualisation »... et le prénom d’une certaine... Aelita...

Samantha se relève péniblement en faisant signe aux personnes venues l’aider de s’écarter de son passage.

Elle se souvient.

Le Retour vers le passé lancé par Jérémie avait dû effacer sa mémoire, mais à présent, elle se souvient de tout.

Et elle comprend enfin pourquoi Odd n’a pas pu rester avec elle : le monstre imperceptible qui les avait attaqués la fois précédente est de retour, et les collégiens doivent le contrer.

Décidée à leur venir en aide, Samantha fonce à l’usine...






* * *





Ne connaissant pas le code de l’ascenseur, la jeune fille s’époumone pour signaler sa présence et agite les bras devant les caméras de surveillance, mais en vain : les adolescents sont déjà partis. Pourtant, cette fois-ci, Jérémie n’a pas lancé de Retour vers le passé. Les choses auraient-elles mal tourné pour eux ? Est-elle arrivée trop tard pour les aider et leur éviter un désastre ?

En observant les lieux, Samantha se demande qui a bien pu aménager un complexe informatique secret au fond de cette usine désaffectée pour y déployer un monde virtuel et des scanners, avant de retomber sur la même conclusion à laquelle elle était arrivée lorsqu’elle s’était trouvée aux côtés de Jérémie au poste de commandes :

– Waldo... C’est forcément Waldo !


D’après ce qu’elle avait entendu dire, celui-ci avait failli être capturé non loin d’ici en 1994, dans une villa à proximité du collège Kadic où il enseignait...





* * *





L’« Ermitage ». Le nom s’effrite sur la pancarte du portail que Samantha franchit avant de traverser discrètement le jardin pour s’introduire dans la bâtisse délabrée. Bien que cet endroit ait sûrement déjà été fouillé par les hommes venus arrêter Waldo Schaeffer, la jeune fille noire espère y trouver un indice qui lui permettrait de retrouver la trace du génial inventeur de la virtualisation et principal artisan du Projet Carthage. Le seul individu à sa connaissance qui serait capable de s’opposer au Black Phenix dans les mondes virtuels.

Mais en s’avançant dans la masure dont les meubles ont été renversés, Samantha entend des voix d’adolescents provenant du salon. Elle s’approche donc du pas de la porte en prenant soin de ne pas être vue et entrevoit alors Jérémie debout près du canapé où sont assis Yumi, Odd et Ulrich. Tous semblent abattus, comme s’ils venaient de subir un lourd revers.

– Et maintenant, qu’est-ce qu’on va faire ? demande Odd d’une voix inquiète.

– On ne peut plus rien faire, réplique Jérémie. On n’a plus aucun moyen de contrer Xana... C’est le monde entier qui est menacé...

– Whoa, j’arrive même pas à imaginer... ajoute Ulrich désemparé.

– Et William ? s’enquiert Yumi. Vous croyez qu’il est...?

– Ouais, conclut tristement Odd en mettant sa tête dans ses mains. C’est horrible...


Depuis un coin de la pièce que Samantha ne peut pas voir, une cinquième voix déclare tristement :

– Et moi qui pensais... que je reverrais mon père...

– Oui, je sais... se lamente Jérémie. J’ai fait tout mon possible...

– Je sais, le rassure la douce voix féminine, et je ne t’en veux pas...


Alors que l’espionne restée dans l’ombre s’interroge sur l’identité de cette cinquième personne qui se trouve hors de sa vue pour l’instant, un signal sonore répété émane de l’ordinateur portable posé sur la table basse.

La jeune fille noire se cache aussitôt tandis que Jérémie s’empresse d’ouvrir l’appareil, et ce qu’il y découvre le laisse pantois :

– Mais...? Qu’est-ce que...?


Un bref instant s’écoule, avant que le jeune génie s’exclame :

– ...Ça c’est incroyable !

– Bah quoi !? interroge Odd. Qu’est-ce qui se passe !?

– Je viens de recevoir un message codé ! répond Jérémie. Un message en provenance du Réseau ! Et il est signé...


La cinquième élève de Kadic se précipite vers son camarade :

– Qui !? ...Bah quoi !? Parle, Jérémie !


Samantha ne peut s’empêcher de jeter un œil à la scène pour enfin découvrir la mystérieuse collégienne qui restait en retrait : une petite adolescente aux cheveux roses, comme ceux d’Anthéa Hopper...


Jérémie livre enfin à ses amis le nom de l’expéditeur du message :

– ...Franz Hopper !


Tandis que les collégiens poussent des cris de surprise, la jeune fille noire recule le long du mur en maintenant sa main sur sa bouche. La collégienne à la chevelure rose est bien la fille d’Anthéa Hopper et de Waldo Schaeffer. Quant à « Franz Hopper », Samantha s’en souvient à présent : il s’agit du pseudonyme qu’Hélène avait livré lorsqu’elle était revenue au Centre afin de réintégrer le Black Phenix en dénonçant Waldo qui utilisait ce faux nom pour enseigner à Kadic. Et aux dires des collégiens, « Franz Hopper » se trouve actuellement dans le Réseau. C’est certainement pour cette raison que le Black Phenix n’est jamais parvenu à le retrouver après sa fuite de l’Ermitage en 1994 : il s’est en fait virtualisé pour leur échapper.

Samantha entend alors la voix de Franz émise depuis les haut-parleurs de l’ordinateur portable de Jérémie qui vient de démarrer la lecture du fichier audio reçu avec le message :

« Je dois disparaître dans le Réseau pour me cacher de Xana, mais ne perdez pas espoir : je vous envoie des données qui vous permettront de continuer le combat. Il faut à tout prix arrêter le monstre que j’ai créé. Le sort du monde en dépend. Aelita, ne m’oublie pas. »

– Papa... murmure tristement la jeune fille aux cheveux roses.

– Que contiennent les données ? demande Ulrich intrigué.

– Elles sont cryptées, répond Jérémie. Je vais m’en occuper mais ça va demander un peu de temps.

– Espérons que Xana n’en profitera pas pour attaquer avant qu’on soit à nouveau en mesure de riposter, conclut Yumi en regardant l’heure sur son téléphone. Bon, je suis déjà en retard pour rentrer chez moi, vous m’appelez s’il se passe quoi que ce soit...


Samantha s’empresse de s’éclipser avant que la Japonaise ne la découvre en quittant la demeure. De toute façon, elle aussi devrait déjà être de retour au Centre, et son absence prolongée risque d’attirer sur elle des suspicions quant à ses activités à l’extérieur, mieux vaut donc qu’elle regagne son « domicile » sans plus tarder.





* * *





Sur le chemin du retour, la jeune fille noire repense au message audio de Franz. D’après ce qu’elle a compris, le scientifique a lui-même créé un monstre appelé « Xana » qui aurait échappé à son contrôle, et les enfants de Kadic doivent maintenant arrêter cette entité maléfique car le destin de la Terre est en jeu. Ce « Xana » serait donc à l’origine des évènements inexplicables survenus sur terre, et les collégiens se rendent à l’usine pour se virtualiser et combattre Xana afin d’annuler ses effets néfastes dans le monde réel...

Mais aujourd’hui, ils ont échoué, et la menace que représente Xana semble les effrayer encore davantage. Les données que leur a envoyées Franz devraient heureusement leur permettre de reprendre le combat, mais Samantha reste perplexe : ce ne sont que des enfants. Comment pourraient-ils sauver le monde face à une créature virtuelle qui fait craindre le pire à Waldo Schaeffer en personne ? Il leur faut de l’aide, et Samantha se considère justement comme l’un des meilleurs combattants virtuels qui existent à ce jour...

La jeune fille noire brûle d’envie de retourner voir ses amis de Kadic pour se joindre à eux dans leur lutte contre Xana, persuadée qu’elle leur assurera la victoire, mais elle sait aussi que si jamais le Black Phenix découvre leur secret, Zander s’emparera de toutes les dernières créations de Franz, sans compter Xana, et plus rien ne pourra l’arrêter...

Samantha enrage intérieurement : elle est toute désignée pour assister les collégiens dans leur combat virtuel, mais alors elle risquerait de les compromettre et de livrer involontairement à Zander tout ce dont il cherche à s’emparer depuis des années, y compris Aelita...

Le risque encouru est trop grand. Samantha doit pourtant parvenir à aider ses amis. Et si elle ne le peut pas, qui d’autre le pourrait ?

En arrivant devant les murs d’enceinte du Centre, une idée lui traverse l’esprit : « Naxxya... »





* * *





Dans le Mémorium, tandis que Jérémie et ses amis sont encore étonnés après avoir appris que Samantha connaissait leur secret depuis ce jour-là, Zander interroge le père de celle-ci car il le soupçonne de lui avoir menti :

– N’avais-tu pas affirmé tout à l’heure que ta fille n’avait rien à voir avec Aelita ?

– Je vous ai dit tout ce que je savais, répond Howard qui n’a de toute façon aucune envie de subir à nouveau le courroux du seigneur du Next World. J’ignorais que Sam avait fini par retrouver Aelita par hasard...

– Il dit la vérité, confirme Samantha.


Zander se retourne vers elle :

– Dans ce cas, à qui as-tu parlé de tes découvertes ?

– Seulement à Anthéa.

– Et jamais à ton père ? insiste le maître du Black Phenix.

– Jamais. Je lui ai seulement demandé où était passée Naxxya car contrairement à ce que je croyais, elle n’était pas à l’entrainement avec les autres dans le Next World...


Le plafond affiche à présent les sombres couloirs souterrains du Centre où Samantha avance avec une mine furieuse en compagnie de son père...





* * *





– Tu m’avais dit qu’elle devait rejoindre son unité pour s’entraîner !?

– C’était le cas, confirme Howard en tâchant de suivre la vitesse de marche imposée par sa fille, mais son dernier combat à Matheson a engendré des complications que nous n’avions pas prévues : les ambulanciers ont constaté le décès de Derek et Naxxya a été arrêtée par les forces de l’ordre. Bien sûr nous avons fait en sorte d’accélérer le processus judiciaire pour qu’elle soit libérée rapidement et pour étouffer l’affaire, mais au cours du procès, Naxxya a pris la parole malgré nos consignes et elle a publiquement évoqué l’endroit où elle a grandi. Nos hommes présents sur place se sont donc chargés d’endormir tous les témoins de cette audience et d’effacer cet évènement de tous les registres, puis Naxxya a été enfermée ici pour être punie et rééduquée après cette faute grave de sa part.

– Attends, tu savais tout ça et tu ne m’as même pas prévenue !? vocifère Samantha qui n’en revient pas que le sort de son ancienne colocataire lui ait échappé.

– Je savais surtout que tu t’emporterais en l’apprenant, explique Howard en faisant signe à sa fille de parler moins fort. Nous ne pouvons plus rien faire pour la sortir de là, inutile que tu te compromettes en prenant outrageusement sa défense...

– Et si c’était moi qui étais à sa place, tu ferais quoi !?

– Silence, on arrive...


Deux hommes en noir postés de chaque côté d’une porte blindée observent gravement les deux arrivants ; Howard leur fait signe que tout va bien, puis il s’approche de la porte pour y ouvrir un petit hublot permettant de voir ce qui se passe à l’intérieur de la cellule.

Après un bref coup d’œil, le vieil homme cède sa place à sa fille pour la laisser regarder par le hublot...

Samantha découvre alors Naxxya enchaînée au fond d’une pièce sombre, questionnée inlassablement par une voix caverneuse dont on ne distingue pas clairement les propos, tandis que la géante aux cheveux bleus subit des décharges électriques qui lui font perdre connaissance...

La jeune fille noire se retient péniblement d’exploser de rage face au spectacle de son amie torturée, mais elle sait que ce traitement attend tous ceux qui oseraient trahir le Black Phenix ne serait-ce qu’en exposant publiquement son existence...

Après plusieurs évanouissements, Naxxya semble donner une réponse particulièrement déplaisante aux questions qui lui sont posées, car la nouvelle décharge électrique qu’elle subit la fait hurler si fort que sa voix résonne jusque dans le couloir...

Samantha donne un coup de poing dans la porte :

– Arrêtez !! Laissez-la !! Elle a compris la leçon !!


Les deux hommes en noir se saisissent aussitôt de la fille d’Howard pour la faire reculer de force :

– Tenez-vous tranquille...

– Lâchez-moi tout de suite bande de primates !!


Tandis que la jeune furie se débat en vain car son corps est encore jeune et que les deux hommes en noir sont en fait de solides androïdes, son père tente de la calmer et de préserver les apparences afin que le comportement de Samantha ne leur attire pas des ennuis :

– Ne t’en fais pas. Comme je te l’ai dit, Naxxya suit simplement un programme de rééducation pour apprendre à ne plus mentionner notre organisation en public. Lorsqu’on sera certains qu’elle ne commettra plus jamais cette faute, elle pourra rejoindre ses semblables qui s’entrainent dans le Next World.


L’adolescente énervée s’efforce de retrouver son sang froid pour que les deux androïdes la lâchent enfin, puis elle repart avec son père contre qui elle est toujours en colère :

– Et Anthéa ? Elle est au courant de ce que Naxxya subit ?

– Oui, confirme Howard, mais elle ne fera rien non plus car elle sait que nous ne pouvons rien faire.

– Ta lâcheté me dégoûte, conclut sèchement Samantha en lui faussant compagnie pour rejoindre l’étage des appartements.





* * *





Lorsqu’Anthéa ouvre la porte de son domicile et se retrouve face à face avec Samantha dont le regard laisse deviner qu’elle est assez remontée, la femme aux cheveux roses fait signe à son invitée de la suivre jusqu’à la salle de bains pour y faire couler de l’eau afin de couvrir le son des paroles qu’elles vont échanger.

– Tu sais ce qu’ils sont en train de faire à Naxxya ? commence froidement la visiteuse.


Anthéa se contente de hocher la tête.

– Et c’est tout ce que ça te fait !? s’emporte la jeune fille noire. Tu ne vas rien faire pour la sortir de là !?

– Même si je pouvais faire quoi que ce soit pour l’aider, ça ne servirait à rien, car malgré tout ce que j’ai entrepris pour qu’elle dépasse sa nature génétique, Naxxya a fini par nous montrer qu’elle reste bel et bien l’une des leurs.

– Comment ça ? De quoi tu parles ?

– De ce qu’elle a fait à Derek.


Samantha ne comprend pas où son interlocutrice veut en venir :

– Mais qu’est-ce qu’on en a à faire de Derek !? Même s’il était vraiment mort, ça nous aurait seulement fait un tas de problèmes en moins !


Anthéa soupire :

– Je comprends mieux pourquoi Naxxya a fait ça en dépit de mes recommandations : tu lui as enseigné que le meilleur moyen d’éliminer ses problèmes est de tuer ses ennemis...

– Arrête de dire n’importe quoi !! s’énerve la jeune fille noire. Je ne lui ai jamais dit de trancher la gorge de qui que ce soit !! Derek l’avait poussée à bout et elle a mal réagi, c’est tout !!

– Et tu es vraiment persuadée de n’y être pour rien ? reprend son hôte. Tu avais deux missions il me semble : l’une consistait à œuvrer avec ton père pour sortir Naxxya des griffes du Black Phenix, et l’autre était de lui apprendre à se battre jusqu’à ce qu’elle accède aux techniques de combat inscrites en elle pour devenir la machine de guerre programmée qu’elle a finalement toujours été au fond d’elle. Au vu du résultat, je constate que tu as seulement réussi à accomplir la mission que le Black Phenix t’avait confiée...

– J’ai été prise de court ! se défend Samantha. Il nous restait normalement trois années de scolarité, je ne pouvais pas prévoir que Zander voudrait récupérer Naxxya beaucoup plus tôt que ce qui avait été convenu !


La femme à la chevelure rose hausse les épaules :

– Peu importe, Naxxya est ce qu’elle est, et nous ne pouvons rien y changer.

– Tu te trompes ! rétorque l’adolescente avec insistance. Naxxya est un peu bizarre et pas très dégourdie, mais elle a un bon fond, je peux te l’assurer ! Il n’est pas trop tard pour la préserver de tout ça ! On doit lui accorder une seconde chance ! Une dernière chance !


Anthéa dévisage son invitée, surprise par l’engagement dont elle fait preuve pour tenter de « sauver » son ancienne colocataire, mais elle finit par livrer le fond de sa pensée :

– J’ignore ce qui te pousse à croire que Naxxya ne serait pas irrécupérable et que nous devrions donc nous battre pour la garder à nos côtés, mais à quoi bon prendre un tel risque ? Mon père a déjà éliminé presque tous ses opposants, quelle différence ferait Naxxya dans tout ça ? Je suis fatiguée d’espérer, de croire qu’un jour on pourrait anéantir le Black Phénix pour s’en libérer. La puissance de Zander Hopper était censée décroître à mesure que sa carcasse s’affaiblissait, mais depuis qu’il s’est virtualisé pour survivre, il n’a cessé de se renforcer. Pourquoi continuer de lutter ? Tu ferais mieux de t’enfuir avec ton père tant que vous le pouvez encore...


Samantha décide de lui révéler la vraie raison pour laquelle elle souhaite faire libérer Naxxya :

– Tu continuerais le combat si je te disais que j’ai retrouvé Aelita ?


Anthéa reste sans voix un long moment avant de nier la nouvelle :

– Tu mens.


La jeune fille noire la regarde droit dans les yeux :

– Elle est collégienne à Kadic. Waldo s’était caché avec elle dans un nouveau monde virtuel qu’il avait lui-même conçu. Il avait aussi programmé une créature numérique aux pouvoirs terribles capable de causer d’immenses dégâts y compris dans le monde réel. Je suppose que Waldo avait créé cette entité dans le but de combattre le Black Phenix, mais sa création s’est retournée contre lui, et maintenant, Aelita et ses amis doivent faire face à ce monstre jour après jour pour l’empêcher de ravager notre monde. Nous devons absolument leur venir en aide...


Anthéa a reconnu dans les paroles de Samantha le nouveau monde virtuel dont lui avait parlé son mari avant qu’elle soit capturée, mais elle secoue vigoureusement la tête :

– Je ne te crois pas... Je ne crois pas un seul mot de ce que tu racontes !!


Samantha la prend par les épaules pour lui répéter bien en face :

– Ta fille est là, dehors, et elle a besoin de nous !!

– NON !! s’entête Anthéa en repoussant son invitée. Et même si ce que tu dis est vrai, il est hors de question de révéler sa présence ! Mon père ne doit JAMAIS la retrouver !!

– Je sais ! réplique Samantha. C’est pour cela que je ne peux pas aller l’aider moi-même ! Mais on pourrait lui envoyer Naxxya ! Comme ça, Zander ne se douterait de rien, et ta fille aurait une alliée de taille !

– Qu’est-ce que tu en sais !? Naxxya pourrait aussi bien la dénoncer !!

– Non, je ne crois pas. J’ai passé quatre années avec elle et je lui en ai fait baver, pourtant elle ne m’a jamais dénoncée, ni au collège, ni au procès. J’imagine que tu lui as appris à rester discrète et à ne pas balancer ses amis...


Anthéa est de plus en plus méfiante :

– Qu’est-ce qui te fait croire qu’Aelita et elle seront amies ?! Je t’interdis de les faire se rencontrer !! Et ne me dis pas que c’est pour aider Aelita !! Tu ne peux pas l’aider !! Laisse-la tranquille !!

– Mais on DOIT aider ta fille !! Parce que derrière elle il y a Waldo, autrement dit le seul individu qui pourrait nous permettre un jour de renverser le Black Phenix !! Alors s’il te plait, laisse-moi lui envoyer Naxxya ! J’ai confiance en elle, aie confiance en moi !


La femme aux cheveux roses prend quelques instants pour réfléchir. Ça l’ennuie de l’admettre, mais Samantha a raison sur toute la ligne : ils doivent aider Aelita et Waldo, car ce dernier pourrait ensuite leur donner l’avantage dans leur lutte contre l’organisation malfaisante de son père. Et la seule personne qu’ils peuvent envoyer pour s’en occuper sans éveiller les soupçons de Zander, c’est Naxxya.

Anthéa se redresse pour demander à Samantha :

– Comment tu comptes la faire sortir ?

– En démontrant que les résultats obtenus en la scolarisant au lieu de l’élever ici sont largement supérieurs à nos attentes : malgré son manque d’entrainement et son niveau inférieur à celui de ses congénères, elle a réussi à vaincre Derek. D’ailleurs, j’avais passé un marché avec lui avant qu’il affronte Naxxya : si elle arrivait à le battre en duel, elle pourrait terminer le lycée comme prévu.

– Et c’est avec ça que tu comptes convaincre mon père de laisser Naxxya poursuivre sa scolarité au lieu de la réintégrer à son unité ?

– Mon père saura trouver les mots pour intéresser le tien, affirme Samantha. Ça prendra du temps, des semaines, peut-être des mois, mais le jeu en vaut la chandelle, et nous ne devons surtout pas nous précipiter sinon Zander risque de suspecter un stratagème derrière tout ça. Si tout fonctionne comme prévu, Naxxya pourra s’inscrire à Kadic dès la rentrée de septembre.


Anthéa est toujours inquiète :

– Si jamais mon père découvre qu’Aelita est là-bas...

– Ça n’arrivera pas, lui assure Samantha. En revanche, peut-être que tu pourras demander exceptionnellement une permission de sortie pour aller rendre visite à Naxxya dans son lycée, ce qui te donnera secrètement l’occasion de revoir ta gamine...


Ces dernières paroles fascinent la femme à la chevelure rose qui désespérait de retrouver sa famille un jour. Mais plus étonnant encore : cette perspective lui est offerte par Samantha. Celle-ci a bien changé depuis leurs années au sein du projet Carthage. La jeune fille noire a conservé son tempérament, sa force et sa détermination, mais elle les met désormais au service d’une cause plus noble que sa propre quête de puissance.


Anthéa esquisse un sourire :

– Si on m’avait dit que tu m’aiderais un jour à revoir ma fille...

– À propos, reprend Samantha, on sait maintenant où se trouvent Waldo et Aelita, mais qu’est-il arrivé à ton autre fille ?


La mère des deux jumelles se méfie à nouveau :

– Pourquoi ça te préoccupe ?

– Quand viendra l’heure d’affronter Zander, il utilisera nos faiblesses contre nous, donc nous devons veiller à ce que nos « points faibles » soient hors de sa portée. Es-tu sûre que... comment s’appelle-t-elle, déjà ? Tatiana ?

– Taelia.

– Ah oui, voila. Es-tu sûre qu’elle est en sécurité ?


Anthéa marque un moment d’hésitation, avant d’estimer qu’elle peut faire confiance à son invitée :

– Je n’ai plus eu aucun contact avec elle depuis que j’ai été capturée. Mais elle est avec des gens bien, qui ont su non seulement nous cacher, mais aussi cacher le fait qu’ils nous cachaient, malgré les nombreuses visites des hommes de mon père.


Samantha comprend alors que les personnes dont parle son interlocutrice sont en fait Marjorie et Kamel, deux de leurs anciens coéquipiers du projet Carthage qui ont quitté le programme prématurément pour diverses raisons :

– Et tu crois que ces « gens biens » pourraient nous aider ?

– Non, répond catégoriquement Anthéa. Ils doivent protéger leur propre famille, et après tout ce qu’ils ont déjà fait pour moi, pas question de les embarquer dans notre combat. Sans compter que tu étais un peu à l’origine de leur départ si je me souviens bien...


Samantha était effectivement l’une des responsables de l’éclatement de leur équipe, car elle se montrait systématiquement intraitable envers ses camarades qui faisaient preuve de « faiblesse » selon elle :

– On était là pour s’entraîner, pas pour flirter comme des ados en vacances...


Bien qu’étant la fille de Zander, Anthéa avait elle-même essuyé des remarques très désagréables de la part de Samantha lorsqu’elle s’était éprise de Waldo :

– C’est drôle que tu dises ça aujourd’hui, alors que tu as plutôt bien profité de ta « seconde jeunesse » à Matheson il me semble...


Le teint sombre de la peau de la jeune fille noire ne suffit pas à masquer le rougissement intense qui l’envahit à l’évocation de ce sujet :

– Je ne sais pas ce que Naxxya t’a raconté, mais c’était sûrement sorti de son contexte...

– En tout cas, conclut Anthéa avec un sourire satisfait, ça expliquerait pourquoi tu tiens tant à la faire libérer...


Samantha s’apprête à répliquer sèchement, mais la femme aux cheveux roses lui fait un signe de la main pour lui indiquer que ce n’est pas la peine :

– Ne t’inquiète pas, je n’en parlerai à personne. Et pour être honnête, je suis contente de voir que tu as enfin développé des sentiments pour autrui. Ce n’est sans doute qu’une conséquence de ton rajeunissement car tu traverses une nouvelle crise d’adolescence, mais au moins, tu sais dorénavant ce que ça fait de s’inquiéter pour les gens que l’on aime...





* * *





Dans le Mémorium, Samantha met un terme à son souvenir pour s’adresser directement à Zander :

– Le reste, tu le sais déjà. Mon père a réussi à te convaincre de laisser Naxxya terminer sa croissance en dehors du Centre pour voir de quoi elle serait capable à son retour, et Hélène a contacté son ancien compagnon pour faire inscrire Naxxya à Kadic.

– Et toi, tu n’es pas retournée à Kadic après cela ? l’interroge Zander.

– Si, comme tu l’as vu dans les souvenirs de Jérémie et de ses amis, j’étais présente lors du match de football entre Kadic et Matheson, à la demande de mon père.


Howard prend la parole :

– L’infirmière scolaire que nous avions chargée de suivre Naxxya m’avait appelé pour nous prévenir de cet évènement à risque, j’ai donc pris la précaution d’envoyer Sam à Kadic pour qu’elle veille à ce que Naxxya ne commette pas de nouveau dérapage, ni avec les élèves de Matheson, ni sur la confidentialité autour du Black Phenix.


Le souverain du Next World se retourne vers Samantha avec un regard menaçant :

– C’est vraiment la seule fois où tu y es retournée ?


Samantha sait que Zander veut surtout savoir si elle a été en contact avec Aelita, ce qui n’est pas le cas, mais il serait dangereux de cacher quoi que ce soit à Zander désormais :

– Non, il y a eu une autre fois, mais je ne suis restée que quelques minutes, et d’ailleurs personne ne l’a su. Enfin, j’ai discuté avec Odd, mais il ignorait que j’étais là...





* * *






Septembre 2004.

Une belle journée commence à Kadic.

Postée sur le toit d’un des bâtiments de l’établissement, Samantha observe attentivement le flux des élèves dans les différentes cours de récréation aux alentours. En cette saison, les feuillages des arbres compliquent un peu sa tâche, mais la jeune intruse s’est débrouillée pour connaître les emplois du temps des lycéens qui l’intéressent.

À sa droite, des petits groupes d’élèves semblent soudain intrigués lorsque leurs regards convergent vers le parc. La jeune fille noire regarde aussitôt dans cette direction et se réjouit lorsqu’elle aperçoit Naxxya qui avance lentement avec ses deux énormes valises en plus de son sac à dos.

La géante disparait en pénétrant dans le bâtiment administratif, et Samantha se retourne alors vers les cours de récréation pour enfin localiser Odd, Ulrich, Jérémie et Aelita qui semblent saluer Yumi et un autre élève de son âge avant de se diriger vers le bâtiment des sciences où leur prochain cours avec madame Hertz va bientôt commencer.

Naxxya n’étant toujours pas ressortie de l’administration, son ancienne camarade de chambre décide de téléphoner à Odd pour le retarder. Depuis sa position en hauteur, Samantha peut voir le félin qui regarde son portable en train de sonner, et elle l’entend même crier à ses amis qu’il les rejoindra dans deux minutes.

Odd s’isole au fond de la cour pour répondre au téléphone avec enthousiasme :

– Allô Sam !? C’est toi !?

– Salut Odd, tu vas bien ?

– Waouh ! Je suis trop content d’entendre ta voix ! trépigne le jeune lycéen qui n’avait pas eu de nouvelles de son amie depuis plusieurs mois.

– Héhé ! Ta voix perchée m’avait manqué aussi, c’est cool qu’elle n’ait pas changé !

– Tu plaisantes !? J’ai mué maintenant !!

– Ah bon ? C’est bizarre, j’ai toujours l’impression d’entendre une fille ! le taquine son amie.

– Hein !? J’ai encore une voix de fille !? Non mais ça, ça doit être à cause du téléphone ! Viens plutôt me parler directement pour me dire ce que tu en penses !


Samantha regarde vers le bâtiment administratif mais Naxxya n’en est toujours pas ressortie :

– J’aimerais beaucoup te rendre visite mais...

– ...Mais quoi ?? demande Odd suspendu à ses lèvres.

– ...Ben... Justement, c’est un peu pour ça que je t’appelais... Déjà, je suis désolée qu’on n’ait pas pu se voir cet été... et aussi...


La jeune fille embarrassée hésite un instant avant de se jeter à l’eau :

– ...J’aurais adoré être avec toi à Kadic, qu’on continue de faire du skate tous les deux, qu’on écoute de la musique, qu’on rigole et qu’on... bref, la vie n’est pas toujours simple malheureusement... Et il vaut mieux que nos routes se séparent...

– QUOI !? s’étrangle Odd. Non mais c’est pas grave ! Même si on vit loin l’un de l’autre, on peut continuer de s’envoyer des messages en attendant nos prochaines retrouvailles !

– Je suis désolée... murmure Samantha en voyant Naxxya qui traverse la cour. J’espère que tu ne m’en voudras pas trop, et que tu resteras toujours aussi génial... Quant à celle qui saura gagner ton cœur, elle aura vraiment de la chance...

– Attends !! On pourrait...!! Heu... Allô !? ...Sam !?


Mais celle-ci n’a pas seulement raccroché : elle a carrément détruit son téléphone, et elle observe à présent la lente avancée de Naxxya qui jette des regards perdus à droite et à gauche, tandis qu’Odd réalise qu’il est en retard pour son cours et se met donc à courir à toutes jambes.

Au tournant du bâtiment des sciences, leurs trajectoires convergent et ils se cognent l’un contre l’autre.

Lorsqu’Odd se relève pour contempler avec un grand sourire la nouvelle élève qui se tient debout devant lui, Samantha frémit car la géante aux cheveux bleus serre les poings en adressant au jeune insolent un regard relativement hostile.

Par bonheur, une femme aux cheveux blonds et courts portant une blouse d’infirmière rejoint les deux élèves pour échanger quelques mots avec eux, et lorsqu’elle les quitte, ceux-ci se dirigent ensemble vers les salles de cours, Odd étant redevenu un moulin à paroles hyperactif, et Naxxya semblant désormais intriguée par cet étrange lycéen qui l’accompagne volontiers à travers Kadic.

Avec une satisfaction teintée de mélancolie, Samantha s’éclipse le cœur léger, laissant derrière elle les deux êtres qu’elle aime le plus, soulagée de les savoir ensemble.






* * *






– Voila, commente Samantha dans le Mémorium. Je n’ai plus rien à ajouter.


Zander semble contrarié en fixant sa prisonnière :

– Vraiment ? Tu n’as plus aucune information intéressante à me révéler ?


La jeune fille noire sait ce qui l’attend, mais ça lui est égal désormais :

– Si, j’ai un dernier scoop qui risque de te déplaire : depuis tout à l’heure je t’ai bien fait perdre ton temps, car même si j’ai retrouvé Aelita par hasard, je n’ai pas la moindre idée de ce qui lui est arrivé pour que tu ne puisses plus prélever sur elle le résultat de tes expériences destinées à te rendre immortel.

– Alors tu ne me sers plus à rien, conclut Zander en avançant vers elle avant de lever sa terrible lame dévoreuse d’âmes...


Les prisonniers paniquent en voyant qu’il va exécuter Samantha, quand celle-ci tente un ultime coup de poker :

– En effet, je ne te sers plus à rien.


Tandis qu’Howard supplie Zander d’épargner sa fille ou de le faucher à sa place, le chef du Black Phenix interrompt son geste comme s’il hésitait, avant de trancher en s’adressant à sa prisonnière la plus retorse :

– Si tu cherches à me faire croire qu’en réalité tu caches encore des informations et que tu acceptes d’être exécutée dans le faux but de les « emporter avec toi », sache que d’autres ont déjà essayé ce petit stratagème bien avant toi, et je t’envoie les rejoindre...


Samantha ferme les yeux, les prisonniers crient en vain, et Zander abat brutalement sa lame vers sa tête...

– NOOON !!! hurle Howard.

– ÉCOUTE-MOI !!! J’AI UNE INFORMATION !!! s’époumone Anthéa pour se faire entendre au milieu des autres exclamations de peur ou de colère.


Les cris des prisonniers se calment enfin lorsqu’ils réalisent que la faux du bourreau s’est arrêtée juste devant la gorge de Samantha tétanisée, et Zander arbore un sourire satisfait en se retournant vers sa fille :

– Ah, il me semblait bien que quelqu’un allait se décider à parler...


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Nelbsia MessagePosté le: Lun 17 Aoû 2020 20:04   Sujet du message: Répondre en citant  
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Épisode #125 : Retour vers le présent


Résumé de l’épisode précédent :


Suite à la compétition de skateboard durant laquelle Odd avait dû s’éclipser avant la finale, Samantha avait en fait découvert le secret des Lyoko-guerriers qui venaient de perdre William que Xana avait envouté pour qu’il détruise le cœur de Lyoko. En tant que combattante virtuelle chevronnée, la jeune fille noire souhaitait leur apporter son aide dans le combat contre le terrible virus créé par Franz Hopper, mais alors elle aurait risqué de permettre à Zander de retrouver Aelita, et Samantha a donc dû renoncer à épauler elle-même Odd et ses amis, pour finalement convaincre Anthéa de leur envoyer Naxxya car cette dernière n’attirerait pas les soupçons du maître du Black Phenix. Après avoir livré toute son histoire, la fille d’Howard a avoué à Zander qu’elle n’avait pas la moindre idée de ce qui avait bien pu arriver à Aelita pour que sa structure soit altérée, et le bourreau aux longues ailes noires a donc décidé de l’exécuter, mais Anthéa est alors intervenue en acceptant de révéler une information à son père...





Une fois le silence revenu, Anthéa annonce à son père :

– Moi aussi, je suis allée à Kadic l’année dernière.


Zander s’en souvient :

– Je t’avais en effet accordé la permission exceptionnelle de rendre visite à ta « fille adoptive », mais contrairement à ce que j’espérais, mes hommes chargés de te surveiller ce soir-là ne t’ont vue discuter avec personne d’autre que Warven-50.

– Il s’agissait d’une soirée costumée à l’occasion d’Halloween, lui rappelle Anthéa. Tes soldats m’ont sûrement vue échanger quelques mots avec des élèves déguisés, ils n’ont simplement pas été capables de reconnaître parmi eux mes deux filles non seulement à cause de leurs accoutrements, mais aussi parce qu’elles étaient encore adolescentes alors qu’on les croyait adultes.


Zander est perplexe en réalisant qu’il avait omis ce détail : à l’époque, le Black Phenix ignorait que Franz s’était virtualisé avec Aelita, ce qui impliquait que Taelia et elle n’avaient pas vieilli durant plusieurs années. Mais avec tout ce qu’il sait à présent, il est évident qu’Anthéa a pu parler à ses filles parmi les autres élèves, sous le nez des hommes chargés de la surveiller.

– Et que leur as-tu dit ?

– Rien de très intéressant, répond la mère des jumelles tandis que le plafond la montre sous les traits de la styliste « Hana Prophete » en train de complimenter le déguisement d’Aelita puis celui de Taelia sans manquer de remarquer le pendentif que cette dernière porte autour de son cou. En revanche, comme Howard m’avait préalablement assuré qu’il effacerait toutes les conversations que vous tenteriez d’intercepter à l’aide des bracelets du concours d’Halloween, j’ai pu discuter longuement avec Naxxya...


Zander observe le souvenir que lui livre sa fille et la découvre en train de discuter tranquillement avec la géante aux cheveux bleus tout comme ses hommes le lui avaient rapporté, sans se douter qu’Anthéa en avait profité pour lui faire de nombreuses révélations à propos de ses deux filles Aelita et Taelia, des expériences qu’elles ont subies au Centre, de leur fuite et de sa capture...


Lorsque le souvenir se termine, Zander ne comprend toujours pas l’importance supposée de ces révélations :

– Et alors ? s’impatiente-t-il en se retournant à nouveau vers sa fille. Où veux-tu en venir ?


La femme aux cheveux roses prend une profonde inspiration :

– Comme tu as pu le voir dans la conversation que j’ai eue avec elle, Naxxya était terrorisée par le Centre à cause de la « rééducation » que vous lui aviez infligée. Mais je lui ai révélé que je n’étais pas la seule à avoir œuvré pour sa libération. Je lui ai avoué qu’une personne tenait beaucoup à elle, sans lui dire de qui il s’agissait, évidemment. Or aujourd’hui, je suis persuadée que Naxxya a fini par comprendre, car elle sait désormais que Sam faisait partie du Black Phenix depuis tout ce temps...


Les regards se tournent vers Samantha, et Anthéa termine par une mise en garde :

– ...Donc si par malheur quelqu’un faisait du mal à Sam, je suis prête à parier que Naxxya serait très contrariée et ferait tout pour venger celle qui a veillé sur elle.


La plupart des prisonniers ne saisissent pas pourquoi Anthéa semble croire que Naxxya serait de leur côté vu la façon dont la géante a malmené Aelita et Taelia sans aucun scrupule lors de son bref passage dans le Mémorium, mais Odd se réjouit bruyamment à l’idée que sa grande copine aux cheveux bleus vienne tout casser. Samantha n’ose rien dire car elle doute que cette « menace » parvienne à dissuader Zander de s’en prendre à elle alors qu’il pourrait au contraire l’exécuter juste pour montrer qu’il ne craint rien ni personne, et son inquiétude s’intensifie en voyant son bourreau fixer sa fille avec un regard particulièrement noir...

Manifestement, Anthéa s’est moquée de lui en lui faisant croire qu’elle avait quelque chose d’important à lui révéler, ce qui l’agace au plus haut point...


Redoutant que Zander s’en prenne à elle, Franz prend la parole :

– Il faudra bien que tu finisses par te rendre à l’évidence, déclare le scientifique. Personne ici ne sait par quel miracle les résultats de tes expériences sur Aelita ont été corrompus. Inutile de torturer qui que ce soit. Mais ma proposition tient toujours : si tu libères tous les enfants, je travaillerai à nouveau pour toi, sans chercher à m’enfuir.


Le souverain du Next World se retourne lentement vers son ancien disciple en faisant crépiter périodiquement des éclairs noirs autour de lui :

– Je sais que tu me caches encore des choses, Waldo. Tu as un plan derrière la tête, tu ne cesses de faire diversion et de gagner du temps comme si tu attendais une opportunité pour t’échapper une nouvelle fois... Mais crois-moi sur parole : aucun de vous ne sortira d’ici sans que j’aie obtenu ce que je recherche. Et puisque vous refusez obstinément de me le donner, je vais le prendre moi-même...


Sous les regards terrifiés des prisonniers, le chef du Black Phenix s’avance jusqu’au siège de Franz et pose sa main griffue sur le frond de celui-ci, lui arrachant un hurlement. Autour des doigts de Zander se dessine progressivement une marque noire en forme de serre d’oiseau sur la peau de sa proie, secouée de tremblements tandis que le plafond s’illumine soudain, trahissant les pensées du brillant informaticien.

On découvre alors des adolescents en tenues virtuelles qui s’entrainent joyeusement à combattre des monstres sur les territoires colorés de Lyoko. Mais hormis Heidi Klinger qui figure parmi les prisonniers attachés sur leurs sièges dans le Mémorium, les autres combattants ne sont pas présents car ils n’ont pas été capturés, et les spectateurs sont étonnés en découvrant Théo Gauthier, Julien Xao, Romain Le Goff, Caroline Savorani, Christophe M’Bala, Matthias Burrel, Émilie Leduc, Alexandre Pépin et même Jim Moralès en combinaisons virtuelles.


Zander finit par retirer sa main du front de l’architecte de Lyoko :

– C’est seulement pour ça que tu gagnes du temps depuis le début ? s’esclaffe-t-il presque déçu. Tu espères franchement que tes dernières recrues vont venir vous secourir ici, après la correction qu’ils ont essuyée lors de leur précédente visite sur mes terres ? Ils ne passeront même pas le sas d’entrée sous-marin, j’ai veillé à ce que cet accès soit verrouillé.


Laissant Franz reprendre péniblement ses esprits, l’homme aux longues ailes noires se dirige à présent vers Aelita :

– Bien, il est grand temps de mettre un terme à toute cette mascarade...


Voyant la main griffue de son grand-père s’avancer vers son visage, la jeune fille aux cheveux roses tente de protester en se débattant comme elle peut.

– Allons, calme-toi... la rassure Zander d’une voix qui n’a cependant rien de rassurant. Je ne voudrais surtout pas t’abimer... Mais j’ai absolument besoin de savoir ce qui t’est arrivé...


Ses doigts se posent sur le front d’Aelita où se dessine lentement la marque noire, et l’adolescente se met à crier avant de se retrouver dans le noir complet, seule avec son interrogateur.

Celui-ci serre sa main sur le crâne de sa petite-fille qui appelle à l’aide en vain :

– Aaaaïe !! J... Jérémie...! Quelqu’un... Aidez-moi...!!

– Personne ne viendra te secourir ici... Allez... Laisse-moi accéder à tes pensées profondes... Je veux savoir...


Aelita se sent pressée de toute part par la voix de son agresseur qui répète inlassablement :

– Je veux savoir... Je dois savoir... ce qui t’est arrivé...


La jeune fille n’a même pas la moindre idée de ce qu’il cherche à découvrir précisément, mais elle sait que si jamais cette réponse se trouve en elle et qu’il l’obtient, le maître du Black Phenix pourra enfin devenir immortel...

Alors elle lutte... Elle s’évertue à se montrer aussi forte que toutes ces personnes qui ont souffert pour la protéger... Mais l’emprise de son adversaire est si grande... si intense... Et elle est seule...


« Aelita... », murmure une douce voix dans sa tête.


Celle-ci s’efforce de jeter des coups d’œil aux alentours pour constater qu’elle est toujours isolée dans le noir absolu face à son grand-père, mais la voix résonne à nouveau :

« Ferme les yeux... »


La jeune fille obéit, et découvre avec stupéfaction une image fantomatique de Xilune qui s’adresse à elle :

« Aelita... Tu peux le renverser... »

« Mais... comment...? » se demande la jeune fille qui peine à résister à la pression exercée sur elle par son ravisseur.

« Il a tissé un lien vers ton esprit... Mais il a baissé sa garde... Laisse-le venir à toi... Et retourne son pouvoir contre lui... »


La lycéenne ne voit pas du tout comment s’y prendre, mais Xilune insiste :

« Tu en es capable... », affirme la créature virtuelle qui a en fait infiltré le système du Mémorium reliant les esprits des participants réunis par Zander. « Fais-moi confiance... »


Dans l’esprit torturé de la jeune fille se forme alors un lieu familier... L’Ermitage... La chambre d’Aelita... Son père se précipite sur elle, puis... dans l’encadrement de la porte, une silhouette massive s’approche... une silhouette rouge...

– NON !! s’écrie la Lyoko-guerrière en orientant d’un seul coup toute sa volonté et toute sa colère contre son interrogateur dont la tête bascule subitement en arrière.

– AAAAARGH !!! rugit Zander en reculant tandis que les ténèbres autour de sa victime et de lui-même se dissipent.


Les personnes présentes dans le Mémorium sont stupéfaites lorsqu’elles découvrent Aelita qui fixe furieusement son grand-père en concentrant toute son énergie pour alimenter le faisceau qui relie leurs crânes...

Tandis que le chef du Black Phenix se tient la tête en émettant des grognements sans que ses subordonnés ne sachent comment réagir, des coups de tonnerre secouent la salle, accompagnés de flashs lumineux brefs mais intenses...

En y regardant mieux, certains prisonniers réalisent que ces courtes émanations de lumière sont en réalité des bribes d’images projetées au plafond, et que les grondements assourdissants accompagnent en fait le feu qui s’échappe d’un canon, ou plutôt d’une rangée de pièces d’artillerie...

« Les guerres... », déclare soudain une voix d’outre-tombe qui envahit la pièce.


Zander Hopper est pourtant encore occupé à convulser devant leurs yeux à cause d’Aelita, mais c’est bien sa voix que l’on entend :

« Les guerres incessantes... »


À travers les éclairs lumineux et les tirs des canons, on distingue des soldats de différentes nationalités qui courent sur des champs de bataille, qui s’entre-tuent avec acharnement au milieu des explosions, qui hurlent et qui tombent sur le sol. Leurs uniformes et leurs armes paraissent anachroniques, passant du début du XIXème siècle au milieu du XXème et inversement, mais la violence des combats semble ininterrompue, comme un cauchemar sans fin...

« J’ai longtemps cru que ces boucheries insensées étaient vouées à se répéter, et qu’on pouvait au mieux espérer les orchestrer pour en tirer un bénéfice économique ainsi que des avancées scientifiques, jusqu’à ce que nos prouesses techniques se retournent contre nous... »


Une explosion titanesque se déclenche, formant un champignon nucléaire qui obscurcit l’horizon... Puis une autre, et encore une autre, de plus en plus dévastatrices...

« Difficile de croire que tous ces carnages se déroulent en fait pour le simple profit de quelques groupes d’intérêt cupides... Mais aujourd’hui, je vois plus loin, beaucoup plus loin... »


L’immense nuage de fumée qui recouvrait le ciel se disperse, et l’on découvre à présent un satellite flottant en orbite autour de la Terre... Tourné vers le globe, l’appareil de télécommunication projette symboliquement des ondes qui révèlent des points lumineux sur toute la surface terrestre, tandis que les vibrations se propagent aux quatre coins de la planète...

« Notre monde est interconnecté à présent... Bientôt, chaque être humain aura accès à l’information où qu’il se trouve, et les grandes puissances se disputeront le contrôle de ces échanges car cela impliquera à terme le contrôle total du savoir et des mentalités, rendant définitivement impossible toute remise en question de l’ordre établi... »


Des mégalopoles se dessinent soudain, s’étendant à perte de vue, remplies de gratte-ciels dont les façades de verre et d’acier sont bientôt recouvertes d’écrans géants, diffusant en continu des informations, du divertissement, de la publicité, dans différentes langues mais avec le même ton formaté... Minuscules au pied des buildings, les gens vont et viennent selon un chaos dont le désordre apparent est en fait strictement encadré par des écrans d’indications et des caméras de surveillance, mais aucun d’entre eux ne s’en préoccupe car chacun n’est obnubilé que par son propre écran miniature qu’il tient dans sa main...

« Sans s’en douter, l’Humanité s’engouffre joyeusement dans une impasse dont elle ne pourra pas revenir avant de s’apercevoir qu’il est déjà trop tard... Fort heureusement, mon organisation a toujours œuvré en secret pour dépasser les intérêts des uns et des autres afin de s’assurer que notre civilisation continue d’avancer quoi qu’il arrive... Et cette fois encore, nous avons plusieurs trains d’avance sur tous nos adversaires... »


Les décors grandioses laissent place à une pièce assez sombre au fond de laquelle s’illumine une rangée de sarcophages en métal...

Le jeune individu qui se tient debout devant ces machines reste sans voix en les parcourant du bout des doigts, tandis que son interlocuteur demeuré dans l’ombre poursuit :

« Comme vous le voyez, mes plus brillants scientifiques ont déjà étudié vos travaux, et ils sont unanimes : votre technologie est révolutionnaire et elle nous permettra très bientôt d’explorer les mondes virtuels, plusieurs décennies avant que quiconque se doute qu’un tel exploit soit seulement possible... Alors ? Qu’en dites-vous ? »


Le jeune homme toujours incrédule se retourne et frémit en découvrant son hôte qui quitte la pénombre pour s’avancer vers lui : un être cadavérique étendu sur un large fauteuil en lévitation et relié à celui-ci par de nombreux tubes censés le maintenir en vie...

Le « mort-vivant » tend faiblement à son invité une main squelettique :

« Acceptez-vous de vous joindre à la noble cause du Black Phenix, docteur Schaeffer ? »


Dans le Mémorium, les prisonniers comprennent que ce souvenir s’échappe en fait de la mémoire de Zander lui-même car son esprit est toujours malmené par Aelita...

Le plafond montre un court instant la poignée de main entre Zander et Franz le jour où celui-ci a rejoint le Black Phenix, avant que cette image s’évanouisse dans les ténèbres sous le rire diabolique du fondateur de l’organisation dont la voix issue de ses souvenirs résonne à nouveau :

« ...Je vais réussir là où tous les monarques ont échoué... »


Faisant presque oublier son véritable aspect cadavérique, l’avatar resplendissant du seigneur du Next World se forme dans cet environnement où il se virtualise grâce à Franz...

« ...Je serai le premier homme à obtenir l’immortalité... »


Des scientifiques terrorisés apparaissent à leur tour dans le monde virtuel, aussitôt saisis par les androïdes qui les conduisent devant leur bourreau malgré leurs supplications... Ayant découvert les conspirations de ceux qui espéraient prendre sa place après son inéluctable trépas dont le professeur Schaeffer l’a sauvé en parvenant à le virtualiser, Zander tranche une à une les têtes de ses anciens collaborateurs à l’aide de sa terrible faux qui semble aspirer dans sa lame leurs âmes quittant leurs corps inertes...

« ...Et le monde m’appartiendra pour l’éternité... »


Le fondateur du Black Phenix lève les bras, ses longues ailes noires se déploient, et il quitte le sol pour transpercer le ciel de toute sa noirceur, tandis qu’à ses côtés volent à grande vitesse d’innombrables soldats futuristes émettant des lueurs bleutées dans leur sillage pour former un quadrillage tentaculaire autour de la Terre, effaçant la frontière floue entre les mondes virtuels et le monde réel...



Les prisonniers du Mémorium frissonnent en comprenant qu’aux souvenirs du passé de Zander se sont mêlées ses ambitions pour l’avenir... Un futur où il règnera sans partage sur toute la planète parce qu’il se sera assuré le contrôle absolu de l’univers virtuel, et parce qu’il aura obtenu l’immortalité nécessaire à sa rematérialisation...

– Ça n’arrivera pas !!! s’exclame Aelita en intensifiant le lien qui l’unit au souverain du Next World pour tenter d’affaiblir encore celui-ci et de creuser dans son esprit.


Carthage tend alors ses bras pour faire apparaître des tentacristaux autour d’Aelita, mais Zander, toujours prostré, lui interdit de lui faire quoi que ce soit :

– Non !!... Mon immortalité dépend d’elle !! ...Ne la touche pas !!

– Tu n’obtiendras rien de moi !!! s’entête l’adolescente qui ne faiblit pas, les yeux toujours fixés sur son grand-père pour maintenir l’emprise qu’elle croit désormais avoir sur lui.

– Alors tes amis vont mourir... conclut-il en faisant un signe de la main en direction de ses gardes.


Restées immobiles le long des murs tout autour de la salle, les squelettes de métal se mettent soudain en marche pour menacer de leurs armes chacun des prisonniers toujours retenus sur leurs fauteuils.

Aelita panique en voyant ses amis mis en joue par les nombreux androïdes qui n’attendent que le signal de leur maître pour exécuter les otages, et celui-ci sourit à sa petite-fille :

– Je choisis qui vit et qui meurt... lui rappelle-t-il pour signifier que ses privilèges dans le Next World lui permettent d’empêcher la rematérialisation des personnes dont les Points de Vie tombent à zéro, ce qui entraine leur disparition définitive. Maintenant laisse-moi entrer dans ton esprit, ou prépare-toi à les regarder mourir jusqu’au dernier...


Les voix des personnes autour d’Aelita sont confuses : certains prisonniers la supplient de gagner encore un peu de temps, d’autres l’encouragent à ne pas céder face à la menace, mais la jeune fille aux cheveux roses est perdue...

Zander lève lentement la main pour indiquer qu’il va donner l’ordre d’abattre tout le monde, et Aelita s’empresse donc de relâcher la pression énergétique qu’elle exerçait sur l’esprit de son grand-père pour qu’il renonce à tuer ses amis, mais il se redresse en maintenant sa main en l’air avec un sourire machiavélique car il a malgré tout l’intention d’éliminer quelques prisonniers pour dissuader quiconque de retenter quoi que ce soit contre lui...


Il retient néanmoins son geste lorsqu’Hélène l’informe que, sur la console du Mémorium, une alerte signale l’arrivée d’un véhicule non identifié qui s’approche du château...

Le maître des lieux n’a pas le temps de comprendre la nature de cette intrusion : dans un fracas terrible, le plafond hémisphérique du Mémorium est pulvérisé par un déluge de tirs aériens qui surprend tous ses occupants, hormis Franz car ce dernier espérait justement l’arrivée des renforts :

– Il était grand temps, déclare-t-il avec un soupir de soulagement tandis que le Skidbladnir III piloté par Émilie vole au-dessus du bâtiment qu’il vient d’éventrer.

– Un nouveau Skid !? s’étonne Yumi. D’où il sort ?!

– C’est le père d’Aelita qui nous l’avait fourni, lui répond Heidi.

– Il a six Navskids au lieu de quatre ! s’extasie Odd. Ils sont combien là-dedans du coup !?


Zander pianote furieusement sur sa console :

– Comment se fait-il qu’ils n’aient pas été détectés plus tôt !?


Les androïdes au sol ripostent maladroitement en tirant vers le ciel et Hélène déploie un écran de protection en cristal pour bloquer les rayons laser du Skidbladnir qui effectue un second passage, quand une multitude de bruits de moteurs s’élèvent dans les airs : des avions de combat arrivent pour mitrailler le sous-marin volant.


– Navskids, on y va !! annonce Caroline tandis que ses coéquipiers et elle se détachent du vaisseau-mère pour riposter contre les engins aériens de Zander.

– Feu à volonté !! se réjouit Théo en canardant à tout-va.

– Émilie, on compte sur toi ! ajoute Matthias.

– Contentez-vous de me couvrir, répond celle-ci.


Protégée par ses camarades qui virevoltent avec leurs Navskids et par Romain qui forme un barrage de tirs depuis sa tourelle défensive située sur le vaisseau mère, Émilie arrime le Skidbladnir III au donjon du château et en profite pour s’infiltrer dans les données de Zander qui ne s’en aperçoit même pas car il est occupé à rameuter ses renforts.

Malgré le nombre de drones qui les assaillent, les pilotes des Navskids conservent l’avantage du combat aérien grâce à leur dextérité, mais ils aperçoivent au loin les innombrables troupes terrestres du Next World qui convergent vers le château : des androïdes prenant l’apparence de fantassins, mais aussi des véhicules blindés lourdement armés, et même de grandes statues de pierre animées...


– Émilie ? T’en es où ?? s’impatiente Matthias en voyant exploser le Navskid de Christophe qui réapparait heureusement dans l’habitacle du module principal du sous-marin piloté par l’opératrice à lunettes.

– Deux secondes ! répond celle-ci.


S’apercevant que des engins d’artillerie se mettent en position pour les bombarder, Matthias presse sa coéquipière :

– Il va vraiment falloir se dépêcher, parce que...

– J’ai dit deux secondes ! le coupe Émilie. Voila, j’ai fini ! Regroupez-vous !

– Regroupement ! ordonne Caroline.


Les Navskids regagnent à la hâte le vaisseau mère et Caroline débarque précipitamment l’ensemble de son équipe à l’intérieur du Mémorium désormais à ciel ouvert, puis le Skidbladnir III toujours arrimé au donjon du château est subitement oblitéré par des tirs d’artillerie assourdissants.


Voyant que ses adversaires se sont transférés dans le Mémorium pour échapper à la destruction de leur vaisseau, Zander fait signe à ses androïdes de les mettre en joue et leur rit au nez :

– Alors c’était ça, votre plan de sauvetage ? Venir vous jeter dans la gueule du loup ?


Émilie déploie une interface devant elle pour presser quelques touches :

– Non, c’est plutôt ça...


Désactivés par la pilote du Skidbladnir qui s’était introduite dans les données du château pour pirater le Mémorium, les sièges des prisonniers s’évaporent les uns après les autres, libérant tout à coup les otages qui tombent sur le sol avant de se relever précipitamment.

– Battez-vous !!! s’écrie aussitôt Ulrich en dégainant ses sabres.


Le chef du Black Phenix n’a même pas le temps d’ordonner à ses pantins d’abattre les évadés : Jérémie, Aelita, Xilune, Ulrich, Yumi, Odd, William, Sissi, Hervé, Nicolas, Hiroki, Johnny, Taelia, Milly, Tamiya, Heidi, Samantha, Franz, Anthéa, Howard, Kamel, Marjorie, Théo, Julien, Romain, Christophe, Caroline, Émilie, Matthias et Alexandre détruisent en un rien de temps tous les androïdes qui gardaient la salle.


Débarrassés des sous-fifres, les Lyoko-guerriers se tournent à présent vers Zander, mais Carthage leur barre le chemin, prête à les affronter à elle seule, tous autant qu’ils sont.

Son maître, étonnamment serein, lui fait signe de patienter un moment pour s’adresser à Franz :

– Tu peux être fier de tes gamins, ils se sont mieux battus aujourd’hui que la dernière fois. Il y a cependant une chose que j’aimerais comprendre... Comment êtes-vous entrés dans mon monde cette fois-ci ?

– Bah comme la dernière fois, répond Théo en haussant les épaules, par la porte au fond de l’eau.

– Justement, précise Zander, suite à votre précédente visite, j’ai personnellement veillé à ce que cet accès soit verrouillé et à ce qu’on ne puisse le déverrouiller que de « l’intérieur »...

– Quelqu’un de « l’intérieur » a dû la déverrouiller par mégarde, conclut ironiquement Émilie.


Le souverain du Next World est persuadé d’avoir été trahi une fois encore, mais par qui ?

Soudain, un dernier avatar virtuel se forme à quelques mètres devant lui :

– Salut la compagnie ! J’arrive au bon moment on dirait !


Le chef du Black Phenix est dépité en reconnaissant l’un de ses anciens agents qu’il avait renvoyé à cause de ses nombreuses maladresses, il y a bien longtemps :

– Jim Moralès... Qu’est-ce qu’un incapable comme toi est venu faire ici ?

– « Incapable » !? Moi !? s’offense Jim. Je viens juste de tromper tous les systèmes de défense du Centre pour m’infiltrer jusqu’à la salle qui héberge le Next World afin de déverrouiller l’accès au réseau en tabassant quelques gardes au passage, puis je me suis virtualisé tout seul sans l’aide de personne pour arriver directement ici, et tu oses encore me traiter d’« incapable » !? Tu vois Zander, c’est exactement pour ça que je suis venu régler mes comptes après toutes ces années : t’as pas été correct avec moi ! Tu m’as viré comme un malpropre pour une bêtise que je n’avais même pas faite, et sans tenir compte de mes nombreuses années de bons et loyaux services ! Alors aujourd’hui, vieille fripouille, tu vas regretter de t’en être pris à mes élèves ! Parce que oui, figure-toi, tous ces gamins que tu vois là, je suis leur prof de sport au collège-lycée Kadic et... enfin bref, je préfère ne pas en parler mais tu m’as compris !

– De « bons et loyaux services » ? rétorque Zander qui semble ennuyé par ses balivernes. Combien de fois as-tu désobéi à mes ordres pourtant très clairs, en allant jusqu’à épargner nos ennemis ? J’aurais dû t’éliminer au lieu de te mettre à la porte...


Le surveillant de Kadic s’apprête à répondre que le Black Phenix lui devait ses années de prospérité car c’est lors d’une mission dans une base secrète américaine que Jim a rencontré Howard Knight à qui il a conseillé de se réfugier en France s’il voulait mettre le Xénoformeur hors de portée des États-Unis et de l’URSS, mais soudain, le souverain du Next World se retourne en donnant un violent coup de faux pour désarmer un agresseur invisible qu’il attrape à la gorge : Alexandre avait profité du discours de Jim pour se glisser derrière leur ennemi dans le but de l’assassiner...

– Bien essayé, reconnait Zander. Mais si je n’avais pas besoin de ton corps, je t’aurais tué sur le coup.


Le chef du Black Phenix jette son jeune clone au pied de ses camarades, puis il poursuit en retournant sur sa console tandis qu’Hélène dissuade quiconque de s’approcher de lui :

– Pour récompenser tous les efforts que vous avez accomplis jusqu’ici, je vais vous permettre de m’être utiles une dernière fois avant de me débarrasser de vous...


Après avoir entré une série de commandes, l’environnement s’ébranle aux alentours : le plafond éventré disparait, les murs s’écartent pour former une enceinte beaucoup plus vaste, et le faux aspect réaliste des décors s’évapore pour laisser la place à des textures polygonales caractéristiques des mondes virtuels.

– Vous allez affronter mes propres unités afin de mesurer leur véritable valeur...


Réalisant qu’ils sont à présent au cœur d’une immense arène de combat, les Lyoko-guerriers se mettent en garde et voient arriver les innombrables droïdes qui convergeaient vers le château, mais ceux-ci se contentent de se ranger dans les sortes de « gradins » qui surplombent les murs d’enceinte comme pour empêcher quiconque de s’enfuir, tandis que les hautes statues de pierre se placent à intervalles réguliers le long des remparts.

Ne comprenant pas l’attitude de ceux qu’ils croyaient devoir affronter, les humains virtualisés se retournent vers Zander qui déploie ses ailes pour s’installer en hauteur, suivi par Hélène à sa droite, puis un troisième individu massif portant un réacteur dorsal les rejoint en se plaçant à la gauche de son maître.

Ce grand costaud qui vient d’arriver est rapidement identifié par tous ceux qui le haïssent, notamment Samantha qui grince des dents :

– Derek, espèce d’ordure...

– Si tu survis je m’occuperai de toi ! lui répond celui-ci avec un grand sourire tout en aiguisant ses couteaux de boucher.

– Alors prie pour que je crève ! réplique la jeune fille noire furieuse. Parce que si je t’attrape, crois-moi sur parole, tu vas payer pour tout ce que tu as fait !


Zander agite les bras tandis que sa voix d’outre-ombe envahit les airs :

– Nous avons assez ressassé le passé pour aujourd’hui, il est temps de se tourner vers l’avenir...


Une cinquantaine de silhouettes traversent soudain le ciel en laissant des trainées bleutées derrière elles, et certains Lyoko-guerriers identifient les troupes d’élite qui les avaient arrêtés lors de leur première venue dans le Next World.

– Voici les Warvens, commente fièrement le chef du Black Phenix. Mes unités de combat les plus avancées, bien supérieures à nos vieux androïdes, et plus implacables que nos recrues humaines du projet Carthage...


Les cinquante super-soldats en armures futuristes atterrissent verticalement tout autour de l’arène pour encercler leurs adversaires regroupés en son centre, et Odd est inquiet en constatant que toutes ces créatures à la stature imposante arborent le même étrange uniforme métallique que celui que portait Naxxya durant son bref passage dans le Mémorium.

En infériorité numérique, les combattants de Lyoko dévisagent ceux du Next World, mais ces derniers restent parfaitement impassibles derrière leurs visières opaques, n’attendant que l’ordre d’attaque qu’ils s’apprêtent à recevoir.

– ...Sachez toutefois que dans l’avenir que j’ai conçu, termine Zander en fendant l’air avec sa faux pour déclencher les hostilités et sceller le destin de ses prisonniers, vous n’existez plus.



Obéissant au signal de leur commandant, les soldats d’élite du Next World fondent sur leurs proies comme une meute de prédateurs se jetant sur un troupeau d’herbivores.

Zander admire avec satisfaction le dessin formé par les trainées bleues dans le sillage de ses troupes au cours de leur charge faussement chaotique : en réalité, chaque unité fonce précisément vers un adversaire déterminé sans jamais gêner ses propres coéquipières, de sorte que chacun des Lyoko-guerriers soit pris pour cible par un assaillant.

La vitesse à laquelle les Warvens agressent leurs ennemis ne laisse aucune chance aux moins réactifs d’entre eux. Marjorie et Kamel, redoutables dans leur jeunesse mais n’ayant pas combattu depuis longtemps, sont maîtrisés quasi instantanément, tout comme le sont les adolescents les moins robustes comme Milly, Tamiya, Johnny, Heidi, Taelia, ou les moins aptes au combat comme Anthéa, Howard, et Hervé.

Aelita et Sissi défendent Jérémie et Émilie qui souhaitent respectivement booster et synergiser leurs camarades, mais à leur grand désarroi, rien ne se produit : les « informaticiens » de Lyoko ne savent pratiquement rien des spécificités techniques du Next World où ils ne peuvent donc pas déclencher les capacités spéciales qu’ils possèdent dans le monde virtuel sur lequel ils opèrent habituellement. Aelita veut alors employer les terribles pouvoirs de Xana malgré l’opposition de son amoureux, mais quatre Warvens se jettent brusquement sur eux pour les plaquer face contre terre en pointant leurs armes énergétiques derrière leurs nuques, menaçant de les électrifier à la moindre tentative de faire usage de leurs pouvoirs.

Rapidement, d’autres combattants de Lyoko pourtant aguerris sont neutralisés à leur tour : Nicolas échange plusieurs coups avant d’être ceinturé puis jeté au sol, Caroline et Christophe sont débordés alors qu’ils s’efforçaient de se protéger mutuellement, Romain encaisse des frappes de plus en plus lourdes jusqu’à ce qu’une percussion particulièrement violente le fasse tomber à la renverse, et même des « voltigeurs » qui multiplient les acrobaties pour échapper à leurs poursuivants finissent par être arrêtés au moment où ils tentent de riposter, à l’instar de Julien et Odd.

Bientôt, ne restent debout qu’une dizaine de Lyoko-guerriers qui se battent avec acharnement comme Jim et Samantha, ou qui se protègent grâce à leurs pouvoirs virtuels très développés comme Franz et Xilune.

Ne se laissant pas impressionner par la vivacité et la taille de son adversaire, William parvient à la désarmer d’un puissant coup d’épée avant de planter aussitôt sa large lame dans son ventre. La Warven tombe lentement au sol, inerte, mais en dépit du creux lumineux qui traverse son corps, elle ne se dévirtualise pas...

Le grand ténébreux ne s’en soucie guère : il repère Sissi parmi les prisonniers maintenus au sol et canalise une onde de choc pour débarrasser son amoureuse de la Warven qui la tient, quand une autre Warven percute William par surprise. Celui-ci se défend et riposte, bien décidé à pourfendre sa nouvelle adversaire qui lui semble toutefois nettement plus redoutable que la précédente : en effet, une trentaine de Warvens seulement ont attaqué les Lyoko-guerriers pour égaler leur nombre, mais les Warvens les plus puissantes sont restées en retrait, prêtes à intervenir si l’un de leurs adversaires se révélait assez fort pour battre l’une des leurs.

Malgré sa vitesse, Théo est capturé. Malgré son expérience, Yumi est vaincue. Malgré ses pouvoirs, Franz se fait avoir. Ulrich vient à bout de son adversaire en la trompant avec des clones avant de lui planter son sabre dans le dos, mais une autre encore plus coriace prend aussitôt le relais. Parmi les meilleures Warvens restées en retrait, l’une d’elles se fait transpercer subitement par derrière, mais ses camarades réagissent immédiatement en se jettant sur Alexandre qui s’était glissé derrière elles en restant invisible.

Jim réalise une impressionnante prise de catch pour vaincre son opposante, et il se jette aussitôt sur celle qu’il croit être la prochaine à l’affronter. Profitant de son gain de puissance après avoir enchaîné plusieurs coups avec succès, le surveillant de Kadic bat sa deuxième Warven à la suite, mais il ne s’agissait en fait que de la Warven qui cherchait vainement Alexandre depuis le début : la vraie nouvelle adversaire de Jim lui tombe dessus avant même qu’il ait pu s’apercevoir de sa méprise.

Comprenant que la bataille est perdue d’avance, Samantha tente le tout pour le tout en décidant de déclencher son pouvoir « Survoltage » pour bénéficier temporairement de décharges d’énergie qui améliorent grandement la puissance et la vitesse de ses attaques ainsi que celle de ses déplacements, et surtout, pour effectuer rapidement plusieurs téléportations successives. La jeune fille noire se débarrasse de son adversaire d’un puissant coup de poing américain qui lui troue le ventre, puis elle se téléporte au devant de la nouvelle Warven qui s’était mise en marche et la met KO d’un deuxième coup de poing américain en pleine face surprenant son adversaire qui n’a même pas le temps de se protéger, et enfin, profitant de la confusion laissée par sa première téléportation, Samantha se téléporte à nouveau, réapparaissant en plein vol au-dessus de Zander pour lui asséner un foudroyant coup de pied énergétique.

Mais la technique de Samantha se heurte au rempart de cristal dressé instantanément par Hélène qui repousse l’intrépide combattante d’un violent coup de Tentacristal, et celle-ci retombe au pied du mur, vexée d’avoir échoué si près du but à cause des pouvoirs de Carthage qui surpassent largement les siens.

Une troisième Warven attrape Samantha sans même que celle-ci se défende, mais Zander a une meilleure idée :

– Warven-50 ? demande-t-il en pianotant sur sa console.

– WARVEN-50 !!! répète bruyamment Derek à côté de lui.


La combattante en armure futuriste qui retenait Milly au sol actionne ses ailes pour s’avancer au garde-à-vous devant son souverain qui l’interroge avec un sourire machiavélique :

– J’ai vu que tu avais été très proche de Samantha par le passé. On m’a même menacé de tes représailles si jamais je lui faisais du mal. Qu’en dis-tu ?

– Réponds ! complète Derek.


La Warven portant le numéro 50 finit par déclarer sur un ton égal :

– Nos sentiments sont nos faiblesses. Sans eux je suis plus forte.


Ravi d’entendre cette réponse, Zander termine de pianoter sur sa console :

– Parfait. Tu vas donc affronter toi-même Samantha, la vaincre, et la tuer.

– Exécution ! termine Derek.


Tandis que la Warven qui tenait Samantha la relâche, la Warven numéro 50 redescend au sol pour faire face à l’adversaire que lui a imposée son maître qui déclare :

– Mais d’abord, faisons un peu de place...


La jeune fille noire se redresse pour se mettre en garde, avant d’être déstabilisée lorsque se déclenche la modification du décor opérée par Zander : tout autour des Warvens qui retiennent les Lyoko-guerriers déjà vaincus, des figures polygonales se dessinent dans le sol, et des plateformes s’en détachent lentement pour s’élever de quelques mètres dans les airs. Bientôt, l’arène ne contient plus que l’îlot des prisonniers en son centre, entouré par une large fosse au fond de laquelle on aperçoit la surface de la mer numérique, et dans les airs tournent lentement des plateformes hexagonales sur lesquelles se battent les derniers Lyoko-guerriers encore debout contre les Warvens désormais avantagées par les sortes d’ailes qu’elles ont dans le dos.

Ulrich s’en sort plutôt bien avec son Supersprint qui lui permet de passer rapidement de plateforme en plateforme, William également grâce à son Supersmoke ainsi que sa Lévitation, Xilune bénéficie de ses propres ailes, et Matthias déploie périodiquement ses réacteurs scapulaires. Quant à Hiroki, alors que la Warven à ses trousses s’apprêtait à l’écraser sur sa plateforme, il parvient à coupler son pouvoir d’augmentation de vitesse à la rotation de sa Tri-lame pour s’élancer et planer en tourbillonnant jusqu’à une autre plateforme, rappelant la technique « Toupie » effectuée par sa grande sœur. Son ennemie fonce aussitôt vers lui, sans se douter qu’il a lâché sa Tri-lame en la laissant tournoyer dans les airs, et l’arme du jeune ninja revient comme un boomerang en plein dans le flanc de la Warven qui est abattue en plein vol. L’une des Warvens toujours en retrait bondit aussitôt pour récupérer sa camarade et la déposer avec les prisonniers, tandis qu’une autre quitte sa plateforme pour se jeter sur Hiroki qui rattrape son arme sans voir celle qui le percute de plein fouet.

– Non !! s’écrie Yumi maintenue au sol en voyant son jeune frère inconscient chuter entre les plateformes.


La Japonaise ferme les yeux en s’efforçant de localiser mentalement Hiroki afin de le rattraper par Télékinésie avant qu’il ne tombe dans la Mer numérique, mais la Warven qui maintient la geisha au sol lui délivre une décharge électrique avec son arme pour l’empêcher d’utiliser ses pouvoirs.

Heureusement, Xilune parvient à créer une plateforme au fond de la fosse pour intercepter Hiroki, avant que la Warven qui l’avait fait tomber descende le ramasser et le remonte pour l’étendre avec les autres prisonniers.

Plus en hauteur, parmi les plateformes en mouvement, Ulrich et Matthias se croisent en échappant à leurs adversaires respectives, et partagent subitement l’idée d’en profiter pour se jeter chacun sur la poursuivante de son coéquipier arrivant en sens inverse, surprenant celles-ci qui se font pourfendre en pleine course alors qu’elles étaient focalisées sur leurs proies.

Deux nouvelles Warvens encore plus féroces se jettent dans la bataille, et William tente d’intercepter l’une des deux avec une Onde de Choc mais sa cible l’esquive en une pirouette aérienne et se rue sur lui pour l’obliger à se protéger précipitamment, quand la Warven contre laquelle il se battait déjà en profite pour l’attraper par derrière, permettant à sa coéquipière de lui planter son arme en plein cœur.

Alors que ses points de vie s’évaporent, le grand ténébreux saisit fermement les poignets de son exécutrice pour retenir celle-ci contre lui, donnant à Ulrich l’opportunité de transpercer d’un double impact les deux Warvens qui ont terrassé William.

Trois corps chutent alors simultanément, et même un quatrième car Matthias vient de succomber sous les coups sa nouvelle adversaire. Deux Warvens plongent pour rattraper leurs coéquipières vaincues, Xilune s’empresse de créer des plateformes pour empêcher William et Matthias de tomber dans la mer numérique, mais la Warven qui en avait après elle saisit cette occasion pour enfin atteindre l’insaisissable créature virtuelle aux cheveux blancs qu’elle électrocute aussitôt, et dans tout ce ballet aérien, Ulrich se repositionne sur une autre plateforme sans voir la Warven plus puissante que toutes les précédentes qui fonce droit sur lui et enfonce son arme directement dans le crâne du samouraï, sous les cris de ses amis au sol qui voyaient en lui leur dernier espoir.

Les sabres d’Ulrich glissent entre ses doigts et tombent dans la mer numérique, tandis que la redoutable Warven qui le tient empalé au bout de son arme saute de la plateforme pour plaquer sa victime au sol avec toutes les autres.

Aelita et Jérémie échangent un regard catastrophé : même Ulrich et William ont été battus.

Tous les Lyoko-guerriers sont désormais maintenus à terre et certains d’entre eux sont toujours inconscients, tandis que les quelques Warvens qu’ils sont parvenus à vaincre se relèvent après avoir été régénérées par leurs coéquipières au moyen d’un simple bouche-à-bouche.

– ...On a perdu ? demande Johnny avec inquiétude.


Personne n’ose lui répondre, jusqu’à ce qu’Anthéa déclare d’une voix incertaine en observant le ciel :

– Pas tout à fait, il reste peut-être un espoir...


Les prisonniers tâchent de regarder dans la direction indiquée par la femme aux cheveux roses et voient alors les plateformes volantes qui s’écartent pour n’en laisser que deux : celles sur lesquelles Samantha et la Warven numéro 50 se font face.

Zander s’adresse aux Lyoko-guerriers vaincus :

– Mes Warvens vous ont balayés sans effort, et certaines des plus puissantes d’entre elles n’ont même pas eu à se battre ! triomphe-t-il en désignant les quelques Warvens restées les bras croisés en périphérie des combats. Aujourd’hui elles ne sont que cinquante, mais à chaque nouvelle génération, elles seront vingt fois plus nombreuses et plus puissantes qu’auparavant ! Dans quelques décennies, elles surpasseront toutes les armées du monde réunies ! Et ce, alors que les moins puissantes de mes Warvens suffisent à éliminer vos meilleurs combattants !

– Je croyais sincèrement que tu étais l’une des nôtres... murmure Samantha à la Warven impassible qui se tient devant elle. Je t’ai offert une chance d’échapper à tout ça, ou au moins de te battre du bon côté...

– Et pour couronner de succès notre démonstration, poursuit Zander en s’apprêtant à donner à la Warven numéro 50 l’ordre d’attaquer, ma guerrière la plus faible va à présent s’occuper de votre combattante la plus féroce !


Mais la jeune fille noire n’attend même pas que son adversaire reçoive le signal du début du combat :

– ...Tu vas regretter de m’avoir trahie !!!


Samantha se jette sur son ennemie en déchaînant ses poings chargés d’énergie, mais cette dernière agite mécaniquement son arme et s’applique à bloquer chacun des coups qui lui sont portés, comme si elle connaissait déjà leur trajectoire avant même qu’ils ne la touchent. La jeune fille noire ne reconnait plus sa camarade maladroite qui s’en remettait autrefois seulement à sa force et à sa robustesse, mais elle s’adapte en conséquence : sachant que ses coups seront systématiquement bloqués par l’arme de son adversaire, elle effectue un saut périlleux en feintant une attaque en piqué en direction de la tête de sa cible, l’obligeant à lever son arme au-dessus d’elle, puis Samantha se téléporte aussitôt sur le côté pour que son coup de pied termine en fait contre les mains de son ennemie qui lâche enfin son arme, et l’objet tombe dans le précipice.

La Warven désarmée ne plonge même pas pour récupérer son bien : alors que la jeune fille noire s’apprêtait à lui asséner un deuxième coup de pied chargé d’énergie en plein visage, la créature en armure futuriste bloque cette attaque avec son coude puis saisit son adversaire par la cheville pour la faire basculer au-dessus d’elle et la jeter dans le vide.

La guerrière du Next World s’approche du bord de la plateforme pour voir sa victime tomber dans la Mer numérique, mais elle perd soudain son casque en recevant un énorme coup de genou derrière la tête qui la fait tomber à son tour, avant d’activer ses ailes et d’encaisser un nouveau coup surprise dans le flanc car Samantha a en fait déclenché son pouvoir « Survoltage » pour venir à bout de son adversaire en se téléportant après chaque frappe énergisée.

Malmenée en plein vol par les coups ultrarapides et surchargés d’énergie de la jeune fille noire qui continue de se déplacer instantanément tout autour d’elle, la Warven décide de riposter d’un terrible coup de poing qui échoue dans le vide car Samantha s’est encore téléportée, mais cette dernière réapparait sur la trajectoire d’un coup de pied rotatif amorcé par son adversaire avant même qu’elle change de place.

Encaissant de plein fouet le coup brutal qui avait anticipé sa nouvelle position, la fille d’Howard s’écrase sur une plateforme en contrebas.

N’ayant même plus la force se relever, Samantha sait que c’est terminé pour elle : ses points de vie ne descendent pas à zéro car Zander a fait en sorte d’empêcher ses prisonniers de se dévirtualiser, mais les dégâts en surplus sont alors reportés sur sa réserve d’énergie, de sorte que les combattants vaincus sont épuisés, ou tombent momentanément inconscients si leur réserve d’énergie est complètement vide.

Au sol, les prisonniers se lamentent en constatant la défaite de leur dernière alliée, sauf Odd qui croit reconnaître le visage de l’implacable Warven sans casque qui descend lentement vers sa proie sans défense.

– Hé mais c’est Naxxya !


Ses amis n’en sont pas si sûrs car l’attitude de leur « ancienne coéquipière » la rend méconnaissable, et pour William cela ne change rien :

– Que ce soit elle ou pas, on ne va pas pouvoir compter sur son aide...


Zander félicite sa guerrière en validant des commandes sur sa console :

– Beau travail, Warven-50. Je viens de désactiver le blocage de ses points de vie, ainsi que sa rematérialisation. Tu peux donc à présent détruire Samantha définitivement.


La jeune fille noire comprend qu’elle est à la merci de la créature qui s’avance vers elle pour la tuer, mais elle ne peut même plus s’enfuir.

– Non !! s’écrie Howard en activant ses pouvoirs.


La Warven qui le maintient à terre tente de lui infliger une décharge d’énergie pour le neutraliser, mais elle est subitement déséquilibrée par le sol qui se soulève : créé par Howard et constitué d’une texture identique à celle de l’îlot sur lequel sont retenus les prisonniers, un massif golem se lève et bouscule les Warvens aux alentours en agitant ses énormes poings en forme d’enclumes. Quelques Lyoko-guerriers libérés tentent d’en profiter pour se rebeller contre les guerrières en armure, mais les puissantes Warvens en retrait plongent aussitôt pour reprendre le contrôle de la situation et repousser le golem vers le bord du terrain.

Un combattant de Lyoko particulièrement agile parvient néanmoins à leur échapper : Odd court à quatre pattes en se faufilant entre les grandes jambes des guerrières de Zander puis il plante ses griffes dans le golem pour escalader celui-ci. Afin de se débarrasser du colosse généré par Howard, trois Warvens le chargent simultanément, le faisant basculer à la renverse pour qu’il chute dans la Mer numérique.

Perché sur la tête du monstre, Odd a juste le temps de sauter vers une plateforme qui passait à proximité, puis le félin s’empresse de bondir de plateforme en plateforme car deux Warvens ont activé leurs ailes pour le rattraper.

– Tenez bon ! J’arrive ! s’exclame l’insaisissable Lyoko-guerrier en évitant habilement ses poursuivantes tout en s’efforçant de rejoindre la plateforme où la Warven numéro 50 se penche sur Samantha pour l’attraper à la gorge...


La jeune fille noire sent les doigts métalliques s’enrouler sous son menton, quand soudain, un éclair violet la délivre :

– Je suis lààààààààààà ! crie Odd en se jetant dans les bras de la guerrière qui interrompt son geste, surprise par l’étreinte soudaine du jeune garçon qui la serre contre lui.


Les deux autres Warvens qui le poursuivaient s’arrêtent à leur hauteur, mais le félin ne s’en soucie même pas, occupé à câliner celle qu’il prend pour son amoureuse :

– Tout va bien ! Ils ne te feront plus aucun mal ! Et maintenant qu’on est réunis, on va leur botter les fesses comme ils le méritent !


Allongée au sol juste derrière lui, Samantha doute que les belles paroles de son ami convainquent Naxxya de rejoindre leur camp, mais elle est surtout inquiète en voyant que Zander reste parfaitement serein tout en observant attentivement la scène... Pire : il semble ricaner...

La jeune fille noire se retourne pour dévisager la Warven étreinte par Odd, et dans le regard désespérément neutre de celle-ci, elle réalise avec effroi qu’il manque sa cicatrice... Et maintenant qu’elle y pense, cette Warven qui était censée être « la plus faible de toutes » s’est montrée bien plus coriace que les précédentes... Zander les a bernés.

– Odd !! C’est pas elle !!


Trop tard : la puissante guerrière en armure referme ses bras sur sa proie qui pousse un gémissement de surprise en ressentant une douleur grandissante car les membres qui l’entourent se resserrent pour le broyer :

– Aïe ! Hahaha ! Aïe ! Arrête ! Aïe ! Je sais que c’est toi ! Aïe ! Moi aussi je suis super content de te retrouver mais là tu me fais mal ! Aïe !


Sans tenir compte de ses plaintes, la Warven impassible continue de le serrer contre elle si fort qu’il en perd ses points de vie.

Ayant cessé de se débattre, Odd ferme les yeux et repose sa tête contre l’épaule de son bourreau pour lui murmurer à l’oreille dans un dernier souffle :

– Mourir d’amour dans tes bras... j’aurais pas pu rêver mieux...

– Odd !! s’écrie Samantha en voyant qu’il ne bouge plus.

– « Nos sentiments sont nos faiblesses » ! rappelle Zander en écartant les bras en signe de triomphe.

– ...SANS EUX JE SUIS PLUS FORTE !!! répondent à l’unisson quarante-neuf Warvens.

Mais la cinquantième a gardé le silence : desserrant son étreinte autour d’Odd inconscient dans ses bras, elle ramène ses mains de chaque côté de la tête du Lyoko-guerrier pour saisir son visage et l’embrasser...


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Nelbsia MessagePosté le: Lun 17 Aoû 2020 20:04   Sujet du message: Répondre en citant  
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Épisode #126 : Warven-50


Résumé de l’épisode précédent :


Anthéa n’a en fait pris la parole que pour menacer son père en lui affirmant que s’il faisait du mal à Samantha, Naxxya en serait très contrariée. À bout de patience, le souverain du Next World décida alors d’utiliser ses propres pouvoirs pour entrer dans la tête de ses victimes, en commençant par celle de Franz où il découvrit que celui-ci gagnait du temps dans l’espoir que les Lyoko-guerriers qu’il avait recrutés durant l’été viennent les secourir. Zander est ensuite entré dans la tête d’Aelita où il a commencé à découvrir d’étranges bribes de souvenirs à l’Ermitage, avant que Xilune vienne en aide à la jeune fille aux cheveux roses pour l’encourager à retourner le pouvoir de son grand-père contre lui. Le Mémorium a alors diffusé des souvenirs de Zander ainsi que ses sombres ambitions pour l’avenir, mais le maître du Black Phenix a alors menacé d’exécuter les amis d’Aelita pour la contraindre à le relâcher. S’apprêtant néanmoins à mettre sa menace à exécution, le bourreau a finalement été interrompu par l’arrivée du Skidbladnir III venu bombarder le Mémorium, avant que son équipage débarque au milieu des prisonniers libérés. Un dernier combattant se virtualisa à leurs côtés : Jim Moralès, qui s’était discrètement infiltré au Centre pour déverrouiller l’accès sous-marin du Next World et ainsi permettre au vaisseau virtuel d’y pénétrer. Zander fit alors appel à ses troupes d’élite, les Warvens, afin de les mesurer aux Lyoko-guerriers avant d’exécuter ceux-ci. Les cinquante implacables guerrières ne tardèrent pas à maîtriser leurs trente-et-un adversaires, jusqu’à ce que le souverain du Next World ordonne à la Warven portant le numéro 50 d’exécuter Samantha. Howard créa donc un golem pour tenter de secourir sa fille, mais la créature massive fut rapidement poussée dans le vide, cependant elle permit à Odd de se libérer pour foncer rejoindre la Warven numéro 50 qu’il prenait pour Naxxya. Le félin la serra dans ses bras pour tenter de la raisonner, avant que la guerrière impassible l’écrase contre elle, le vidant de ses Points de Vie. Mais alors que Zander croyait sa victoire totale, l’imprévisible Warven numéro 50 saisit le visage d’Odd pour l’embrasser...





(Quelques heures plus tôt, dans une autre vallée du Next World...)

Naxxya git face contre terre, des touffes d’herbe chatouillant son visage hagard, entre la douleur et l’incompréhension.

La nuit précédente, lorsque Jérémie et elle avaient accompagné Aelita qui avait foncé tête baissée au Centre dans l'espoir d'y retrouver sa mère Anthéa, la géante aux cheveux bleus avait été conduite dans les profondeurs de ce bâtiment par Derek Rourk, le grand costaud qu'elle croyait avoir mortellement blessé à Matheson sans savoir qu'il faisait en réalité partie du Black Phenix depuis le projet Carthage. Derek avait alors virtualisé Naxxya dans le Next World pour qu'elle réintègre sa « véritable famille » composée d'une cinquantaine d'implacables combattantes virtuelles : les Warvens, créées dans les laboratoires de la sombre organisation dirigée par Zander Hopper. Vêtue d'un nouvel avatar identique à ceux de ses congénères portant le symbole du Black Phenix, Naxxya avait alors dû affronter l'une de ses semblables pour éprouver leurs forces respectives.

Et au terme de ce duel, la lycéenne étendue sur le sol contemple les bottes virtuelles de son adversaire qui l’a terrassée sans effort ou presque.

Engourdie par les coups qu’elle vient de subir, Naxxya s’interroge : pourquoi ce monde virtuel semble-t-il si réel, au point de faire ressentir aussi vivement la souffrance physique dont les personnes virtualisées sont habituellement protégées ? Et pourquoi tous les dégâts qu’elle vient de subir ne l’ont pas encore dévirtualisée ?

La Warven numéro 49 qui vient de la passer à tabac lui donne un grand coup de pied dans le flanc pour la retourner sur le dos, de sorte qu’elle voie ses quarante-neuf « clones » stoïques tout autour d’elle, et Derek qui la regarde de haut, dépassé uniquement par l’immense statue ailée obscurcissant le ciel au-dessus d’eux.

– Projet « War Heaven », déclare le gladiateur du Black Phenix. Sais-tu ce que cela signifie ?


Étendue sur le sol, Naxxya n’a même plus la force d’articuler ou d’agiter la tête pour répondre, et Derek poursuit donc :

– Littéralement : « Le Paradis de la Guerre ». Remplacer la boue, le sang et les gueules cassées, par des créatures belles, fortes et inébranlables. Les humains se prosterneront d’eux-mêmes face à ces anges de la guerre venus des cieux pour enfin unifier l’Humanité et mettre un terme aux futiles querelles. Quant à tous ceux qui tenteront de s’opposer à nous, ils seront écrasés comme des insectes sous un rouleau-compresseur d’acier.

– ...Des... Des « super-soldats » ? comprend la jeune fille mal en point.

– Mieux : des « néo-humains », précise Derek. Si l’on avait voulu de simples soldats améliorés, on aurait sûrement produit des mâles car leur force et leur férocité au combat sont plus faciles à développer. Mais les Warvens sont aussi destinées à remplacer les humains : aujourd’hui au nombre de cinquante, chacune d’elles donnera naissance à une dizaine d’embryons par auto-reproduction, et leur maturation sera encore plus rapide de génération en génération, jusqu’à former une population de plusieurs milliards de sujets en seulement quelques décennies. Ainsi, les faibles humains, fragiles et querelleurs, disparaîtront au profit d’êtres harmonieux dont l’ADN a été manipulé avant leur naissance dans le but d’optimiser méticuleusement leurs caractéristiques, non seulement pour les doter d’une enveloppe corporelle avantageusement taillée pour le combat, mais aussi pour leur implanter dans leur « mémoire génétique » des techniques et des réflexes prélevés chez nos meilleurs combattants... Ça devrait te rappeler quelque chose, non ?


Naxxya ne voit pas où son interlocuteur veut en venir, avant que celui-ci place son propre couteau sous son menton, et la jeune fille comprend enfin qu’au cours de leur combat à Matheson, lorsqu’elle était parvenue miraculeusement à désarmer Derek avant de l’égorger, elle avait en réalité fait appel à des techniques d’auto-défense implantées en elle lors de sa conception dans les laboratoires du Centre.

– Hé oui ! confirme Derek en savourant le regard perturbé de Naxxya. C’est ce qui explique le grand écart de niveau entre tes congénères et toi : grâce à l’entrainement que je leur donne ici depuis quelques années, elles disposent pleinement des capacités implantées en elles, tandis que toi, tu te bats maladroitement à la force de tes poings parce qu’Anthéa t’a élevée comme une humaine en insistant pour que tu ne connaisses jamais ta vraie nature, puis Samantha t’a surprotégée à Matheson au lieu de te mettre à l’épreuve pour développer tes capacités comme elle était supposée le faire. Toutes les deux savaient pourtant ce qui t’attendait par la suite, mais elle t’ont caché la vérité, et c’est à cause d’elles que tu es si faible aujourd’hui : elles voulaient se servir de toi pour te retourner contre nous.

– C’est... C’est faux... proteste Naxxya. Elles me protégeaient... parce qu’elles tenaient à moi...

– Non, elles te l’ont simplement fait croire pour te pousser à être de leur côté, mais elles connaissaient ta vraie nature et elles savaient donc parfaitement que tu n’étais pas censée éprouver des sentiments. D’ailleurs, en dehors d’Anthéa et Sam qui voulaient t’utiliser contre nous, quelqu’un s’est-il déjà attaché à toi ?

– O... Oui... Mes amis... à Kadic...

– Ah, tu parles d’Aelita Schaeffer et de ses petits camarades ? Mais étaient-ils vraiment tes amis, ou t’ont-ils seulement trouvée « utile » parce que tu étais forte ? Lorsque tu as été capturée, ils se sont enfuis, et où sont-ils à présent que tu es à notre merci ? Est-ce là toute l’« amitié » qu’ils ont pour toi ?

– Non... Il y avait... aussi... l’amour...


Derek s’esclaffe :

– « Contact(s) physique(s) : a embrassé trois de ses camarades », c’est bien cela ?


Naxxya est interloquée, ne voyant pas comment son interlocuteur peut être au courant des moindres détails de sa vie, et celui-ci s’explique avec un sourire satisfait :

– J’ai bien lu ton dossier, tu sais, celui qui contient toutes les réponses que tu donnais aux questions posées par l’infirmière que nous avions chargée de te suivre. Sache que si nous lui avions demandé de t’interroger également sur tes éventuels « contacts physiques » et de les relever, c’est parce que nous savions que tes améliorations génétiques seraient susceptibles de déclencher ce genre de dérives...


Il fait un signe de la main à la Warven numéro 49, celle-ci retire donc son casque pour laisser apparaître un visage quasiment identique à celui de Naxxya hormis l’absence de cicatrice à l’œil gauche, et Derek poursuit :

– Non pas que la « belle gueule » que vous avez toutes vous rende particulièrement attirantes, mais les améliorations génétiques dont vous avez bénéficié lors de votre conception ne s’arrêtent pas à votre constitution corporelle ou à vos techniques de combat innées : comme l’ADN de chacune d’entre vous a été redéfini de la même manière et en profondeur, il devenait alors possible de vous doter de capacités d’interaction biologique entre les membres de votre propre espèce, ce qui vous permet notamment de vous transférer de l’énergie...


La Warven qui a ôté son heaume s’agenouille au-dessus de Naxxya et saisit le visage de celle-ci entre ses mains, avant d’appliquer ses lèvres contre les siennes...

Voulant d’abord résister, la lycéenne se ravise en éprouvant la délicieuse sensation de l’énergie affluant dans son corps et chassant la douleur qui engourdissait ses membres...

Lorsque la Warven qui vient de l’embrasser la libère et lui tend la main pour l’aider à se relever, Naxxya constate qu’elle se sent à nouveau en pleine forme, tandis que Derek reprend :

– Vous êtes ainsi capables de vous soigner entre vous, mais nous avons observé qu’il peut arriver que l’énergie qui émane de vos lèvres déborde et vous rende « attirantes » auprès des femelles humaines car elles sont génétiquement assez proches de vous pour « capter » votre pouvoir ; leur ADN reste néanmoins trop différent du vôtre pour qu’elles puissent recevoir le transfert d’énergie, mais elles ressentent malgré elles le désir de vous embrasser, un peu de la même manière qu’on peut éprouver subitement l’envie de croquer une pâtisserie dont s’échappe un parfum sucré.


Naxxya plisse les yeux en passant ses doigts autour de sa bouche :

– Donc ça voudrait dire que les... « humaines »... qui m’ont embrassée, elles ne ressentaient rien pour moi, elles étaient en fait seulement attirées par l’énergie qui s’échappe périodiquement de mes lèvres ?


– Exactement, confirme Derek. Et ce transfert d’énergie buccal n’est que l’une de tes compétences spécifiques en tant que Warven : votre ADN uniformisé permet bien d’autres prouesses, et tout particulièrement dans les mondes virtuels car les capacités des avatars virtuels reposent sur leur ADN. Mais bientôt, nous serons même en mesure de matérialiser des avatars virtuels directement dans le monde réel, y compris depuis d’autres supercalculateurs que celui abritant le Next World. Dès que nos Warvens seront assez nombreuses, elle pourront conquérir les mondes virtuels à travers le Réseau, puis utiliser ceux-ci pour matérialiser leurs avatars sur Terre et frapper simultanément aux quatre coins du globe, à l’intérieur des bases militaires de toutes les nations, depuis les déserts arides américains jusqu’aux cavernes glaciales de Sibérie. Aucune armée humaine ne pourra faire face à nos guerrières matérialisées derrière leurs lignes de défense avec des capacités virtuelles propres à leur espèce. Par exemple, contrairement aux fantassins ordinaires, les Warvens s’accordent instinctivement sur leurs tactiques de combat en temps réel sans prononcer un mot, ce qui suffit à dérouter leurs adversaires les mieux entrainés. Et maintenant, imagine un peu la réaction qu’auront les humains lorsqu’ils assisteront à cela...


Il désigne alors deux Warvens qui s’avancent pour effectuer une démonstration : la première s’accroupit et pose un genou à terre, tandis que la seconde se place derrière elle en posant ses mains sur les épaules de sa camarade. Soudain, une faille lumineuse se dessine dans le dos de la Warven agenouillée et s’élargit, permettant bientôt à l’autre Warven d’y introduire une jambe, puis la seconde, avant de s’y engouffrer tout entière...

Naxxya hallucine en voyant sa semblable disparaître à l’intérieur du dos de sa partenaire, et Derek la rassure :

– Ses cellules vont simplement se répartir dans l’organisme de son hôte, ce qui va doubler son volume et sa puissance...


En effet, le corps de la Warven accroupie semble à présent s’épaissir, et lorsqu’elle se redresse au milieu de ses camarades qui mesurent environs 1 mètre 95, elle les dépasse toutes largement car elle culmine désormais à près de 2 mètres 50.


– En plus du renforcement corporel, commente Derek en faisant signe à la guerrière numéro 49 de s’agenouiller devant Naxxya, cette « fusion » permet à la Warven désintégrée de « synchroniser » son ADN avec celui de son hôte pour « réparer » les éventuels dégâts subis par son corps, mais aussi pour bénéficier du savoir et des expériences accumulés par sa réceptrice même après qu’elle en sera ressortie.


Naxxya hésite en contemplant le dos de sa camarade numérotée 49, mais Derek l’invite à faire un choix :

– Souhaites-tu vraiment rester le mouton noir du troupeau, le maillon faible de la chaine ? Ou bien désires-tu rattraper tout le retard qui te sépare de tes sœurs de bataille ?


S’efforçant de ne pas montrer sa nervosité, l’adolescente pose enfin ses mains sur les épaules de la Warven accroupie devant elle. Une ouverture lumineuse se forme dans le dos de celle-ci, et après un dernier instant d’hésitation, Naxxya se résout à y plonger.

Un fourmillement de lumière l’aveugle et elle perd soudain la sensation de son propre corps, avant de retrouver la vue à travers les yeux de son hôte.

Derek lui sourit :

– Ça va là-dedans ?


Dans le corps agrandi de la Warven 49 où ses cellules ont été distribuées, Naxxya voit, entend, ressent, et pense, mais elle est incapable de répondre : seule la réceptrice peut effectuer des mouvements.

– Bien ! conclut Derek en se frottant les mains. Il est temps d’effectuer un petit entrainement : défendez la statue quoi qu’il arrive ! Exécution !


Tandis que leur instructeur se replace en hauteur sur son balcon où il tape quelques commandes sur un écran, les quarante-six Warvens et les deux « double-Warvens » se mettent en garde tout autour de l’immense statue de phenix, certaines activent leurs ailes pour se positionner dans les airs, et tout à coup, entre les arbres qui entourent la plaine où est situé le monument à défendre, des squelettes de différentes tailles vêtus de lambeaux d’armures médiévales surgissent en poussant des cris d’outre-tombe, formant une marrée d’ossements qui converge vers les imperturbables Warvens.

Tendant leurs mains devant elles, les guerrières font apparaître leurs armes : de longs bâtons avec une extrémité plus large laissant s’échapper de l’énergie bleutée dont la forme varie pour s’apparenter à différents objets tranchants comme une lame de hache ou bien contondants comme une sphère à pointes.

Sans la moindre hésitation, les Warvens se jettent sur les squelettes virtuels pour faucher leurs rangs.

Toujours hébergée dans le corps de sa semblable portant le numéro 49, Naxxya est aux premières loges pour voir la bataille mais aussi pour ressentir les mouvements de son hôte : très agile et rapide malgré sa taille imposante, la double-Warven se bat avec la même férocité que ses coéquipières, en sautant et en tournoyant à de multiples reprises pour abattre inlassablement son arme énergétique sur les légions ennemies, les fracassant par dizaines. Même les squelettes géants parviennent seulement à forcer les Warvens à esquiver quelques moulinets de massue cloutée, avant que les guerrières contre-attaquent en leur brisant les deux tibias pour les mettre à terre et les achever.

Voyant que les squelettes médiévaux se font rapidement décimer, Derek génère une nouvelle vague d’adversaires plus coriaces : des squelettes métalliques plus solides, plus vifs, et surtout équipés de fusils-laser.

Face à cette menace d’un autre niveau, les Warvens se replient dans un premier temps en tâchant d’éviter les nombreux tirs qui les visent, avant de modifier leurs armes qu’elles tiennent désormais comme des lance-roquettes dont l’extrémité s’entoure d’un écran protecteur pour bloquer les rayons ennemis, et dont le canon génère des projectiles d’énergie concentrée qu’elles libèrent bientôt sur les troupes de squelettes, déclenchant de formidables explosions à leur contact. Quelques monstres métalliques sont assez vifs pour se faufiler entre les explosions en continuant à tirer, et les plus gros monstres sont même assez robustes pour encaisser les projectiles énergétiques, mais certaines Warvens ont volontairement conservé leurs armes de corps-à-corps pour se jeter sur les « survivants » ennemis qui ne font pas long feu.

– Trève d’échauffement ! annonce Derek en voyant disparaître les derniers squelettes. Warven-50, sors de ta camarade !


La double-Warven contenant Naxxya s’agenouille à nouveau, son dos s’ouvre et l’occupante s’en extirpe avant qu’il se referme.

Ayant récupéré son propre corps, la jeune fille se sent néanmoins différente, comme si elle percevait chaque présence autour d’elle tout en restant parfaitement sereine, à l’image de ses impassibles congénères.

– Tiens, tu en auras besoin ! lui crie Derek en faisant apparaître devant elle un objet qu’elle rattrape par réflexe.


Il s’agit du même casque que celui que portent toutes les autres Warvens, avec sur son front le symbole du Black Phenix au sommet d’une visière face à laquelle Naxxya frémit en découvrant que le reflet de son visage ne possède plus de cicatrice à son œil gauche : celle-ci a été « réparée » lors de l’assimilation de son corps dans celui de l’autre Warven.

Mais cette surprise est de courte durée : la jeune fille qui répond désormais au nom de « Warven-50 » enfile le casque dans lequel apparaissent en périphérie de son champ de vision divers symboles indiquant notamment le nombre de Points de Vie qu’il lui reste ainsi que la position de ses coéquipières.

– Le vrai défi du jour va pouvoir commencer ! se réjouit Derek en validant les commandes sur son écran.


Un terrible rugissement caverneux secoue la forêt qui borde le monument.

Les Warvens se retournent aussitôt dans la direction d’où l’effroyable hurlement s’est fait entendre, et soudain, des arbres tombent un à un, couchés par l’arrivée d’un monstre colossal qui surgit dans la plaine : une gigantesque abomination formée d’un squelette de métal dont le bas du corps évoque un mille-pattes, et dont les nombreuses paires de bras se terminent par des pointes acérées ou par des canons-laser.

Tandis que l’horreur métallique réitère son affreux rugissement, la Warven numéro 50 fait apparaître son arme et actionne ses ailes pour se joindre à ses sœurs de bataille qui se lancent à l’assaut de la redoutable sentinelle.


Évitant les larges faisceaux d’énergie que l’abomination délivre par ses multiples canons, les guerrières aériennes fondent sur lui avec l’acharnement d’un essaim de guêpes mais aussi l’organisation d’un escadron d’avions de chasse : instinctivement, les Warvens savent ce que chacune doit faire pour attaquer leur ennemi efficacement sans se gêner entre elles. Dès que l’une d’elles doit esquiver brusquement un coup ou un tir du monstre géant, les autres s’écartent en conséquence pour lui laisser la place de manœuvrer dans les airs, et les mieux placées en profitent immédiatement pour briser l’un des nombreux membres du monstre, le privant ainsi progressivement de ses armes.

La Warven numéro 50, qui participe pourtant à son tout premier combat au sein de son clan, constate qu’après s’être « synchronisée » dans le corps de sa camarade numéro 49, elle est désormais capable de réagir avec le même instinct que ses congénères, tant pour esquiver et contre-attaquer en fonction des coups ennemis que pour se déplacer et réagir en accord avec les actions de chacune de ses sœurs d’armes.

L’efficacité de ses adversaires rend la sentinelle de métal incapable de les toucher, d’autant plus qu’elles détruisent ses membres un par un, mais la cage thoracique du colosse squelettique s’illumine soudain lorsqu’il charge un énorme torrent d’énergie qu’il libère par sa bouche grande ouverte, crachant un large souffle énergétique sur les Warvens qui se dispersent pour éviter le terrible rayon.

Voyant que le monstre recharge en penchant légèrement sa tête en arrière, la Warven 50 est aussitôt mise au courant mentalement de la stratégie tacite que ses coéquipières ont choisie pour le vaincre : elles doivent profiter de cet instant pour sauter sous la mâchoire du squelette et lui trancher la gorge.

Fonçant parmi ses alliées en direction du point faible de leur ennemi, la « nouvelle recrue » est néanmoins surprise en recevant un grand coup de pied dans le flanc qui l’envoie voltiger sur le côté. Elle se rétablit aussitôt en cherchant à comprendre qui l’a frappée et pourquoi, mais elle voit soudain le souffle du monstre inonder les airs à l’endroit où elle se trouvait juste avant d’être déviée de sa trajectoire. Plus étonnant encore : les autres Warvens sont à présent derrière la tête du monstre pour le décapiter pendant qu’il est occupé à cracher devant lui.

Ayant vaincu leur adversaire, les guerrières du Next World se regroupent au sol, et la Warven 50 découvre le corps étendu et encore grésillant de l’une d’entre elles, tombée à court de points de vie et d’énergie en ayant manifestement reçu de plein fouet le flot énergétique déversé par le titan.


Derek arrive pour féliciter ses troupes :

– Très beau travail, comme d’habitude ! Et notre jeune amie au numéro 50 semble avoir bien assimilé ses capacités ! déclare-t-il avec satisfaction avant de poser un regard méprisant sur celle qui git à terre. Ah, Warven-49, toujours là pour gâcher la propreté de nos victoires. Combien de fois vais-je devoir sanctionner sa faiblesse avant qu’elle apprenne de ses erreurs ?


L’impitoyable instructeur saisit l’un de ses couteaux et le plante lentement dans le dos de la guerrière tombée pour lui arracher un cri de douleur, mais il est soudain interrompu par une sonnerie dans son oreille qui l’oblige à se relever pour répondre :

– Derek, j’écoute ?


Les Warvens restent immobiles autour de leur camarade meurtrie qui se retient de gémir car ses cris ne feraient qu’empirer la punition que Derek lui inflige, puis ce dernier termine sa conversation :

– ...Entendu, je vous l’envoie.


Il met fin à la communication, puis il annonce fièrement à ses troupes :

– Soldats, on vient de m’informer que tous les opposants ont été capturés par Carthage ! Longue vie au Black Phenix !

– LONGUE VIE AU BLACK PHENIX !! répètent les cinquante guerrières à l’unisson.


Leur chef se tourne alors vers sa dernière recrue avec un sourire malin :

– Warven-50, ressens-tu par hasard quelque chose pour tes anciens « amis » ?


Celle-ci conserve une expression froide en répondant machinalement :

– Nos sentiments sont nos faiblesses...

– ...SANS EUX JE SUIS PLUS FORTE, complètent ses quarante-neuf camarades.


Derek s’approche d’elle et la fixe avec son regard inquiétant :

– En es-tu tout à fait sûre, Warven-50 ?


Ne la laissant même pas répondre, il ramène brusquement son poing vers sa tête pour la frapper par surprise mais elle encaisse instinctivement ce coup en levant son avant-bras par réflexe sans vaciller :

– Absolument sûre.

– Je tenais à l’entendre, conclut son instructeur avec un sourire satisfait avant de lui faire signe de s’occuper de sa coéquipière restée au sol. Maintenant, soigne Warven-49 pour qu’elle te conduise au château. Zander t’attend dans le Mémorium.





* * *





Les Warvens 49 et 50 volent toutes les deux à grande vitesse au-dessus des paysages pittoresques du Next World dont le rendu visuel contraste singulièrement avec les formes polygonales de Lyoko : des forêts et des champs, des collines et des plaines, des rivières et des ponts, des chemins et des routes, des villages et leurs habitants. Mais malgré l’aspect réaliste que l’on s’est efforcé de leur donner, tous ces éléments du décor sont faux. De simples textures virtuelles recouvertes d’une apparence illusoire, et des androïdes à l’allure reproduisant celle des humains dont ils miment les comportements, de manière beaucoup trop « parfaite » pour être crédible.

La Warven numéro 50 sait tout cela à présent, car elle bénéficie des connaissances et des expériences de sa camarade qui vient s’entrainer dans le Next World chaque jour depuis des années. Tout cet environnement et tous les individus qui s’y trouvent obéissent en fait à la seule volonté de leur maître absolu : Zander Hopper, le chef du Black Phenix.

– Pourquoi a-t-il demandé à me voir ? demande-t-elle à sa guide.

– Je n’en sais rien, lui répond celle-ci sans même la regarder. Contente-toi de lui obéir sans poser de questions.


Le « formatage » qu’elle a subi en se synchronisant dans le corps de sa congénère pousse la Warven 50 à obtempérer docilement, mais une dernière interrogation la préoccupe :

– C’est toi qui m’as poussée tout à l’heure, juste avant que le grand monstre se mette à souffler pour la seconde fois ? C’est pour ça que tu t’es pris son souffle ?


La réponse de la Warven 49 prend la forme inverse de la précédente puisqu’elle jette un bref regard à sa partenaire sans décrocher un mot, et la Warven 50 poursuit donc sur un ton égal :

– C’était mon erreur, tu n’avais pas à l’assumer à ma place.


Sa coéquipière consent alors à lui expliquer ce qui s’est vraiment passé :

– Tu crois avoir commis une erreur en interprétant mal la stratégie dont nous avions convenu à ce moment-là, mais en réalité, nos quarante-huit alliées t’ont volontairement fait croire qu’on attaquerait le monstre à la gorge pendant qu’il rechargeait son souffle. Or, on connaissait la durée du souffle car il venait d’en effectuer un, mais pas son temps de recharge puisqu’il ne l’avait fait qu’une seule fois. La vraie stratégie consistait donc à l’attaquer derrière la nuque pendant le souffle suivant, mais nos « coéquipières » t’ont fait croire qu’on allait l’attaquer à la gorge pendant qu’il rechargeait tout en sachant qu’il risquait de souffler aussitôt, et c’est ce qui s’est produit.


La Warven 50 n’en revient pas :

– Pourquoi elles ont décidé de me faire croire ça en sachant que j’allais y rester, alors que nous avions le même objectif ?

– Elles ont estimé que la victoire était déjà acquise, alors elles en ont profité pour te soumettre à une sorte de bizutage.

– Parce que je suis la « nouvelle » ? comprend la Warven 50.

– Parce que tu es la plus faible, précise la Warven 49. Notre échelle de valeur est basée sur la puissance, et nous sommes donc encouragées à malmener la moins forte d’entre nous pour l’endurcir.

– ...Alors pourquoi tu es intervenue ?


Sa camarade prend un moment de réflexion avant de répondre :

– Ça a toujours été moi la plus faible. J’ai subi tous les coups en traitre possibles durant nos entrainements, et toutes les punitions les plus atroces de la part de Derek, simplement parce que j’ai moins de force que le reste de mes semblables. Néanmoins, grâce à cela, j’ai développé une intelligence hors du cadre strict qui nous est imposé, car je devais en permanence anticiper le moment où mes coéquipières allaient me trahir. C’est ce qui fait ma force aujourd’hui : je suis de loin la plus rusée du groupe, et avant ton arrivée, j’étais devenue capable d’éviter chacun des coups tordus de mes partenaires, ne fût-ce que pour priver Derek du plaisir de me punir ensuite. Mais j’ai réalisé un peu trop tard que leur prochain bizutage serait orienté contre toi. J’ai seulement pu t’éviter de le subir quitte à l’encaisser à ta place. Et j’avais presque oublié à quel point les couteaux de Derek pouvaient faire mal.


La Warven 50 comprend que malgré le ton relativement neutre de son discours, sa partenaire au numéro 49 lui avoue en fait qu’elle s’est sacrifiée pour lui éviter de subir la douloureuse punition que leur cruel instructeur réserve à celles qui font preuve de faiblesse lors des entrainements.

– Merci... murmure-t-elle envahie par la honte d’être un fardeau.

– On est arrivées, reprend la guide en montrant le château où sa coéquipière est attendue. N’oublie pas ce que je t’ai dit : tu dois lui obéir sans poser de questions. En fait, je te déconseille d’ouvrir la bouche à moins qu’il te l’ordonne expressément.





* * *





Restée à l’entrée du château, la Warven 49 voit sa camarade en ressortir quelques minutes seulement après y être entrée :

– Alors ? Il te voulait quoi ?

– Mes souvenirs, répond la Warven 50 avant de tourner subitement la tête à droite et à gauche comme si elle venait d’être alertée par un bruit inquiétant. C’était quoi ??


Sa partenaire regarde aux alentours sans comprendre :

– De quoi tu parles ?

– T’as pas entendu comme une détonation ?


La Warven 49 fait non de la tête, mais la Warven 50 fait part des nouveaux sons qu’elle entend :

– Des voix... Des voix d’hommes qui parlent en anglais... Une petite fille qui pleure...

– C’est sûrement un simple effet secondaire du Mémorium, suppose sa coéquipière. À l’origine, il servait seulement à sauvegarder la mémoire de Zander ; le système permettant de croiser les souvenirs de nombreux participants est tout neuf, rien d’étonnant à ce qu’il y ait quelques dysfonctionnements.


Malgré les voix lointaines qui résonnent périodiquement dans sa tête, la Warven 50 a l’étrange impression que sa guide vient de lui révéler des informations qu’elles ne sont pas censées connaître :

– Attends... comment tu sais tout ça ?


La Warven 49 réalise qu’elle en a trop dit, car comme la Warven 50 s’est synchronisée avec elle, elles devraient disposer des mêmes informations sur le Next World ; or, la Warven 49 a mentionné des détails au sujet du Mémorium qu’elle seule connaissait parce qu’elle s’est bien gardée de les partager durant la synchronisation.

– Peu importe, conclut-elle en activant ses ailes. Il faut qu’on se dépêche, Derek n’aime pas les retardataires.


Les deux Warvens décollent pour retourner à l’entrainement, mais l’esprit de la Warven 50 est toujours envahi par d’étranges voix qui prennent la forme de visions lorsqu’elle ferme les yeux. Elle découvre alors un homme à la peau noire avec une moustache et des lunettes, tenant contre lui sa petite fille dans une forêt. La Warven se rappelle alors où elle a déjà vu cet individu : il était parmi les nombreux prisonniers attachés sur les sièges du Mémorium, mais il était aussi aux commandes de l’ordinateur dans la salle contenant les sarcophages grâce auxquels Derek et elle ont été virtualisés vers le Next World ; et enfin, ce vieil homme noir en blouse blanche virtualisait les Warvens huit par huit, avant de prendre un moment pour discuter seul à seul avec la dernière d’entre elles. Sauf que dans ce dernier souvenir, la Warven 50 n’était pas présente...






* * *






Tout au long du vol qui les ramène au monument où a lieu leur entrainement du jour, la Warven 50 continue de recevoir des visions, avant d’être sollicitée par sa camarade qui l’interroge sans même la regarder :

– Le monde extérieur, il est comment ?

– ...Pardon ?


La Warven 49 se tourne légèrement vers elle pour répéter sa question :

– Tu es la seule d’entre nous à avoir vécu à l’extérieur du Centre et du Next World... J’aimerais savoir comment c’était...

– Ben... Ça ressemble beaucoup à ce qu’on voit ici, commente la Warven 50 en désignant les paysages réalistes qu’elles survolent. Mais l’atmosphère... l’ambiance est différente, je ne saurais pas la décrire. Tu veux te synchroniser avec moi pour le voir ?


Sa coéquipière secoue la tête :

– Derek nous a formellement interdit de nous synchroniser dans ton corps car il ne veut pas que tes mauvaises expériences du monde réel « polluent » nos esprits, et il serait particulièrement furieux d’apprendre qu’on lui aurait désobéi. Enfin si tu veux mon avis, il craint surtout que les autres Warvens éveillent leurs consciences...


La Warven 50 comprend alors que sa partenaire au numéro 49 est la seule parmi ses congénères à faire preuve de discernement, à avoir ses propres opinions et une volonté indépendante, tandis que les autres ont des mentalités de machines de guerre, terriblement efficaces au combat, mais incapables de prendre du recul sur leur condition ou leur finalité.

Elle lui demande alors :

– Si tu es la seule de l’équipe à développer ton intelligence au-delà du cadre imposé, pourquoi tu n’en profites pas pour chercher des moyens « détournés » de devenir plus forte que les autres ?

– Parce qu’en matière de force pure, nos niveaux respectifs ont été déterminés lors du développement de nos embryons. C’est pour cela que nous avons été numérotées par rang de puissance avant même notre naissance. Et comme nous suivons toutes le même entrainement destiné à exploiter au mieux notre potentiel de combat tout en nous synchronisant régulièrement les unes avec les autres afin que chacune bénéficie en permanence de l’intégralité des techniques acquises par ses semblables, il est impossible qu’une Warven surpasse une de ses supérieures. Enfin, il peut arriver exceptionnellement que l’une d’entre nous parvienne à battre en duel une Warven mieux classée, mais en répétant l’expérience, la Warven mieux classée aura forcément un plus grand nombre de victoires. Et là, on parle bien sûr de Warvens qui ont un rang voisin ou assez proche, mais si on prend par exemple Warven-30 et Warven-15, tu peux être sûre que Warven-15 remportera cent pour cent de ses duels contre Warven-30.


La Warven-50 n’imaginait pas qu’il existait un tel écart de puissance entre ses congénères dont la plus faible était déjà bien plus forte qu’elle-même à son arrivée dans le Next World :

– Les Warvens les mieux classées doivent être monstrueusement puissantes...

– Et pourtant, Warven-1 n’est que la quatrième personne la plus puissante du Next World, sans compter certains monstres virtuels.

– Qui sont les trois autres ? demande Warven-50 avec intérêt.

– Derek, Carthage et Zander, évidemment.

– Derek est plus fort que Warven-1 ??

– Leurs forces brutes et leurs techniques de combat se valent, mais Derek est beaucoup plus malin, donc il la bat sans trop de problèmes.

– Et si Warven-1 et Warven-2 s’unissent ?


La Warven 49 réfléchit un instant :

– La double-Warven qu’elles formeraient serait clairement plus forte que Derek, mais à mon avis, Derek chercherait plutôt un moyen « déloyal » de la vaincre donc il pourrait gagner quand même selon les conditions dans lesquelles se déroulerait le combat.

– Et contre Carthage ?

– Carthage gagnerait largement, ses pouvoirs sont trop puissants.


Surprise par cette réponse si catégorique, la Warven 50 demande encore :

– Alors personne ne peut battre Carthage ?

– Personne à part Zander. On ignore l’étendue de ses pouvoirs, mais il a forcément fait en sorte de rester toujours plus puissant que Carthage. Et de toute façon, il contrôle le Next World ainsi que toutes les créatures virtuelles qui s’y trouvent, donc à tout moment il peut rassembler l’intégralité de ses armées pour les lancer contre ses ennemis.

– Et parmi tous les prisonniers que j’ai vus dans le Mémorium, reprend Warven-50, tu crois que certains pourraient rivaliser en puissance avec Zander ?

– Tu plaisantes ? s’esclaffe la Warven-49. Carthage s’est rendue seule dans leur propre monde virtuel, et elle a réussi à tous les capturer. Ce ne sont que des humains, et d’après ce que j’ai entendu dire, des ados ordinaires pour la plupart.

– Derek, Carthage et Zander aussi sont humains, rétorque Warven-50.

– Carthage et Zander possèdent des pouvoirs bien supérieurs à ceux des avatars standards, parce qu’ils ont été développés dans le but de surpasser le commun des mortels. Quant à Derek, c’était une force de la nature en tant qu’humain, et il était déjà le plus puissant de son équipe à l’époque où l’on avait sélectionné les meilleurs candidats possibles pour les premières virtualisations, mais il ne s’est pas arrêté là : tout au long de ses nombreuses années au service du Black Phenix, il a eu recours à des procédés scientifiques pour accroître encore sa puissance, faisant de lui un quasi-surhumain, et il n’a jamais cessé de s’entrainer depuis tout ce temps, allant même jusqu’à rajeunir son corps pour redévelopper son potentiel encore plus intensément, ce qui explique qu’il ait atteint un niveau aussi élevé aujourd’hui.


La Warven-50 reste dubitative quant au niveau de puissance que sa camarade accorde à leur instructeur, car lorsqu’elle l’avait affronté à Matheson, elle était malgré tout parvenue à le vaincre... Certes, Derek ne disposait pas alors de ses pouvoirs virtuels, sa force était temporairement diminuée suite à son récent rajeunissement, et dans un premier temps il l’avait massacrée sans difficulté, mais... lorsqu’il l’avait vraiment énervée, poussant l’inconscient de la jeune fille à faire appel à ses capacités innées enfouies au fond d’elle, elle s’était surprise elle-même en réussissant à le terrasser... Lui qui, aux dires de Warven-49, bat aisément la Warven numéro 1, soit la plus puissante d’entre elles...

– Aaaargh...!? s’écrie soudain la Warven 50 en s’immobilisant dans les airs et en plaquant ses mains sur son casque.

– Qu’est-ce qui t’arrive ? s’inquiète la Warven 49 en s’arrêtant à son tour.


L’esprit toujours assailli par ces étranges visions perpétuelles qui défilent devant ses yeux clos, Warven-50 comprend enfin qu’il s’agit en fait des souvenirs projetés au même moment dans le Mémorium :

– Quelqu’un m’envoie les souvenirs livrés par les prisonniers ! Comme pour les graver dans ma mémoire !

– C’est impossible, rétorque sa camarade en l’examinant. À moins que quelqu’un t’ait « collé » un dispositif à cet effet lorsque tu es allée dans le Mémorium... As-tu eu un contact avec un des prisonniers ?

– J’ai fait asseoir Aelita et Taelia, mais ça n’a duré que quelques secondes...


Warven-49 constate que sa coéquipière n’a aucun appareil accroché à elle, alors elle lui fait retirer son casque pour voir si l’objet est la cause de ses troubles, mais même après l’avoir ôté, la jeune fille tourmentée se tient toujours le crâne...

– Alors quelqu’un a dû réussir à accéder directement à ton cerveau à l’aide d’un pouvoir virtuel...


Warven-50 ne voit pas qui possèderait un tel pouvoir, avant de se souvenir de la créature qui s’était emparée momentanément du cerveau de William : Xilune... Mais cette intelligence artificielle qui a depuis obtenu un avatar humanoïde était retenue prisonnière avec les autres dans le Mémorium, et elle n’était à aucun moment entrée en contact avec la Warven venue livrer ses souvenirs... À moins que cette créature virtuelle ait été capable d’utiliser le Mémorium lui-même pour accéder à son esprit ?

C’est alors que, durant un bref instant, l’image de l’entité aux cheveux blancs posant un doigt sur sa bouche fermée apparaît par-dessus les visions qui défilent dans la tête de Warven-50, comme pour lui demander de ne rien révéler à son sujet.

La jeune fille perplexe hésite un moment en se tenant la tête, avant de décider de faire semblant d’aller subitement mieux :

– Ah ? On dirait que ça s’est enfin arrêté.


Sa guide s’étonne de cette guérison soudaine et lui jette un regard suspicieux tandis qu’elle remet son casque, mais elles ont déjà pris trop de retard :

– Bon, remettons-nous en route.


Cependant, la Warven 49 ne voit pas que, sous son casque qui cache son visage, Warven-50 vole désormais les yeux clos, se contentant d’ajuster la direction de son vol en ressentant la présence de sa coéquipière, tout en gardant les paupières fermées pour observer attentivement les souvenirs envoyés en continu par Xilune.

Elle découvre alors les sombres évènements qui ont frappé la famille d’Aelita, mais aussi la folie grandissante qui s’est emparée de Franz Hopper alias Waldo Schaeffer lorsqu’il a créé Lyoko, puis Xana...

L’évocation du terrible virus qu’elle a combattu l’année passée fait frémir la Warven-50...

Elle n’a pourtant pas tremblé face au squelette métallique géant qu’elle a affronté un peu plus tôt aux côtés des autres Warvens, car s’étant synchronisée avec elles, le danger la laisse désormais de glace, comme il en va pour toutes les représentantes de son espèce... Mais Xana, pour une raison inconnue, lui fait encore plus peur maintenant qu’avant sa disparition... Comme si elle était autrefois simplement « inconsciente » du danger qu’il représentait, et qu’elle ne se rendait compte que maintenant de l’ampleur de la menace que le programme maléfique constituait pour la Terre...

Quoi qu’il en soit, Xana a été détruit, alors pourquoi est-elle si angoissée tout à coup ? Serait-ce simplement parce que sans ce virus, il n’existe plus aucun moyen de vaincre Carthage ? Quand bien même, pourquoi s’en soucierait-elle, alors qu’elle fait désormais partie du Black Phenix ? Cela signifierait qu’elle s’inquiète encore pour ses anciens amis ? Non, certainement pas. Ils n’étaient que des humains, elle est une Warven. Seule sa propre puissance la préoccupe. Seule compte la victoire de son unité. Et si jamais elle éprouvait encore des sentiments pour Odd et les autres, cela constituerait pour elle une faiblesse impardonnable.

...Alors pourquoi n’arrête-t-elle pas d’y penser ? Sans doute parce que devant ses yeux toujours clos défilent à présent les souvenirs de ses anciens amis affrontant le danger alors qu’ils ne sont que des collégiens, puis des lycéens, jusqu’à ce qu’elle les rejoigne... jusqu’à leur ultime combat contre Xana...


– Hé ! Tu vas où ?! l’interpelle Warven-49 en la ramenant à la réalité.


Warven-50 ouvre les yeux pour s’apercevoir qu’elle a dévié de sa trajectoire sans s’en rendre compte au lieu de suivre sa coéquipière qui lui fait signe de se dépêcher de descendre avec elle vers le monument où elles sont enfin de retour.


– Désolée, j’avais la tête ailleurs... se justifie maladroitement la Warven distraite en s’efforçant de ne pas laisser transparaître les doutes qui la tourmentent.


Mais un terrible souvenir la secoue à nouveau lorsqu’elle entend l’horrible voix de Xana qui referme son piège sur les Lyoko-guerriers : « ...vous étiez déjà morts ! ».

– Non !! s’écrie-t-elle à voix haute en se protégeant avec ses bras.


La voyant s’agiter sans raison apparente, sa coéquipière la somme de s’expliquer :

– Mais qu’est-ce qui t’arrive à la fin !?


Warven-50 ne peut plus faire semblant d’aller bien : elle plaque à nouveau ses mains sur son casque comme pour protéger son esprit des visions que Xilune lui envoie depuis le Mémorium, sans parvenir à échapper au cauchemar dans lequel elle replonge mentalement malgré elle...

L’écho synthétique du rire de Xana résonne dans sa tête, tandis que sous ses yeux, William est tué par Xana et Odd est abattu par les innombrables tirs ennemis, avant qu’elle-même succombe face à l’écrasante puissance des monstres de Lyoko, engloutie sous un déluge de rayons destructeurs...

Sa voix se superpose aux derniers mots qu’elle avait prononcés avant de périr aux côtés de Yumi :

– Je n’en... peux... plus...


Elle perd connaissance et chute vers le sol, Warven-49 plonge pour la rattraper et atterrir en douceur, avant qu’elles soient rejointes par les autres Warvens commandées par Derek qui questionne les deux retardataires :

– Je peux savoir à quoi vous jouez ?

– Je n’en sais rien, affirme Warven-49 qui tient toujours sa camarade inerte dans ses bras. Après avoir livré ses souvenirs dans le Mémorium, elle s’est mise à entendre des voix dans sa tête, elle a dit qu’elle « recevait » sous forme de visions les souvenirs projetés par les prisonniers, et là elle vient de faire un malaise...


Le poing gauche de Derek se détache soudain de son bras en armure pour attraper brusquement Warven-50 à la gorge et la ramener à lui, puis de son autre main il lui plante un couteau dans le ventre afin de lui infliger une douleur intense qui la réveille aussitôt.

– C’est pas l’heure de dormir, déclare-t-il en la laissant retomber devant lui avant de l’interroger. Alors comme ça, tout ce qui est projeté dans le Mémorium en ce moment arrive dans ta tête ?

– Je crois que oui, confirme-t-elle en se tenant douloureusement le ventre.


Derek plisse les yeux, cherchant une tournure habile pour formuler sa question :

– Dans ce cas, as-tu vu comment Waldo s’est échappé de l’Ermitage le jour où nous sommes venus le cueillir ?

– Heu... Oui, il était descendu au sous-sol afin d’échapper aux hommes en noir, puis il était passé par le jardin pour emprunter un escalier vers les égouts derrière une porte dérobée, ce qui lui a permis de rejoindre l’usine où il s’est virtualisé avec Aelita.

– « ...avec Aelita » ? répète Derek intrigué.


Warven-50 hoche la tête, sans comprendre pourquoi son instructeur insiste sur ce point.

– Ah, j’ignorais que sa fille était avec lui, conclut-il avant de voir Warven-49 qui s’avance vers Warven-50 pour soigner celle-ci. Hé là ! Tu fais quoi !?

– Je restaure ses points de vie, explique Warven-49 en relâchant Warven-50 dont la douleur au ventre s’est enfin envolée.

– Il ne me semble pas t’avoir donné cet ordre ! rétorque Derek sur un ton menaçant.


La Warven 49 ne voit pas pourquoi leur entraineur lui reproche cette simple initiative, et celui-ci poursuit :

– Je trouve que tu te montres un peu trop attentionnée à l’égard de ta nouvelle camarade ! On m’a même rapporté que tu avais en fait encaissé le souffle du squelette géant à sa place !


Warven-49 comprend que les autres Warvens l’ont dénoncée, mais elle continue de nier catégoriquement tout attachement envers Warven-50 :

– Pas du tout, je l’ai simplement frappée pendant qu’on attaquait le monstre afin qu’elle apprenne à rester sur ses gardes et à surveiller ses arrières quoi qu’il arrive ; je n’ai en revanche pas été assez rapide pour éviter le souffle car j’avais sous-estimé sa largeur.


Derek brandit alors ses deux couteaux pour menacer Warven-49 qui tâche de rester impassible, mais au lieu de la frapper avec, il lui tend l’une des deux douloureuses lames en souriant :

– Si tu gagnes ce combat, je passerai l’éponge...


Warven-49 saisit le couteau en sachant que le combat est perdu d’avance car elle n’a aucune chance de gagner contre Derek, mais celui-ci envoie son deuxième couteau à la Warven numéro 50, avant de compléter sa menace :

– ...Mais si jamais tu perds, je dirai à Zander que ton niveau est trop inférieur à celui de tes congénères et qu’il vaudrait mieux qu’on se débarrasse de toi...


Derek recule pour laisser les Warvens 49 et 50 se faire face, avec pour seules armes les couteaux qu’il leur a donnés :

– Ça nous permettra aussi de constater les progrès faits par Warven-50 grâce à sa synchronisation et à son premier entrainement ici.


À travers leurs casques, les deux Warvens se dévisagent. Pour Warven-49, la victoire est obligatoire, mais bien qu’elle ait aisément battu Warven-50 lorsque celle-ci a débarqué dans le Next World, ce nouveau combat l’inquiète.

– Ne me décevez surtout pas, conclut Derek en leur faisant signe de commencer le combat.


Warven-49 se jette aussitôt sur son adversaire pour en finir rapidement, mais celle-ci bloque sa lame avec la sienne par réflexe. Warven-50 semble presque surprise d’avoir été aussi réactive, avant de réitérer l’exploit plusieurs fois de suite tandis que son assaillante s’acharne à l’attaquer de nouveau sans lui laisser aucun répit.

Lassé de voir Warven-50 rester immobile en s’appliquant seulement à parer les coups adverses, Derek lui ordonne de contre-attaquer :

– Arrête de la laisser te frapper sans réagir ! Bats-toi !


Au lieu de continuer de contrer les coups de couteau de son adversaire, Warven-50 décide donc de la frapper brusquement au poignet afin de la désarmer, et d’utiliser enfin sa propre arme pour la poignarder en plein cœur... mais elle interrompt son geste au dernier moment, déconcertée par la facilité avec laquelle elle aurait pu gagner tant ses gestes sont rapides et précis, tout en laissant fébrilement la pointe du couteau à un millimètre de la poitrine de Warven-49 qui en profite immédiatement pour s’en emparer et le retourner contre elle.

Warven-50 intercepte donc sa main et lui tord le bras dans le dos pour reprendre le couteau qu’elle place désormais sous la gorge de son adversaire, s’arrêtant une fois encore au dernier instant...

De sa main libre, Warven-49 tente d’écarter la lame maintenue sous son menton, mais Warven-50 la tient trop fermement et ne semble plus disposée à bouger.

– Qu’est-ce que tu attends pour l’achever ? la presse Derek.


Warven-50 reste immobile en tenant sa proie, ne sachant pas quelle décision prendre...

Pour prouver sa force et sa détermination en tant que Warven, elle doit exécuter son adversaire sans hésiter...

Mais si elle fait cela, Warven-49 risque d’être éliminée par Derek...


– Il n’y a pas de place pour les faibles ! la menace-t-il. En cas de match nul, je vous détruirai toutes les deux !


Réalisant soudain que Warven-49 a cessé d’essayer de se débattre, Warven-50 comprend que sa camarade préfère encore être la seule à mourir, alors elle décide de lâcher sa lame.

C’est alors qu’en un éclair, Warven-49 rattrape l’arme et fait volte-face pour la planter dans le ventre de Warven-50. Celle-ci s’attendait à souffrir, mais le cri de douleur vient bien de son assaillante : Warven-49 vient d’être transpercée par le couteau dont Warven-50 ne sent que le manche appuyé contre son abdomen, ce qui indique que la lame était en fait orientée vers le ventre de Warven-49 au moment où elle s’est jetée contre elle.

– Ah, c’est pas trop tôt ! s’exclame Derek satisfait.


Mais Warven-50 sait que cette fois, elle n’a rien fait pour retourner l’arme contre son adversaire : cette dernière a habilement fait croire que c’était le cas, alors qu’elle s’est en réalité débrouillée pour se poignarder elle-même.

S’accrochant à sa nouvelle camarade toujours sous le coup de la surprise et de l’incompréhension, Warven-49 se vide progressivement de ses points de vie et en profite pour murmurer discrètement à son oreille un détail qu’elle est la seule à connaître :

– Nous avons été numérotées informatiquement...


Puis elle s’écroule inconsciente aux pieds de Warven-50 qui reste perplexe suite à cette révélation.

– Après tout, conclut le gladiateur avec mépris, pourquoi s’encombrer de deux souffre-douleurs ? Une seule suffit !


Restée immobile, Warven-50 finit par se tourner vers son instructeur pour déclarer sur ton glacial :

– Je veux un adversaire à ma taille.


Derek se retourne lentement vers elle :

– J’entends des voix à mon tour, ou tu viens d’exiger quelque chose ?

– Je veux un adversaire à ma taille, répète froidement Warven-50.


Un grand sourire inquiétant se dessine sur le visage intimidant de Derek, puis il se met à rire :

– Voyez-vous ça ? Notre petite Warven numéro 50 parvient à vaincre la numéro 49, et elle réclame à présent un adversaire « à sa taille » ?


Il retrouve subitement son ton menaçant en cessant de ricaner tout en continuant néanmoins de la fixer avec ses yeux noirs pour déclarer sèchement :

– Warven-49 était la seule adversaire à ta taille, même après ta synchronisation. Et pour te le prouver sans perdre trop de temps, Warven-25 devrait suffire.


Aussitôt, la Warven numéro 25 fait apparaître son arme et se jette sur Warven-50. Mais cette dernière ne fait même pas apparaître la sienne : elle évite l’attaque de Warven-25 et riposte avec un énorme coup de poing qui la projette plusieurs mètres en arrière, surprenant son adversaire et ses spectateurs, mais pas elle-même car elle sait désormais qu’elle est nettement plus forte que ce qu’ils croient.

La Warven-25 revient à la charge en tournoyant pour abattre brutalement son arme sur sa cible, et Warven-50 est prête à la renvoyer dans les cordes, mais elle est soudain distraite par les visions qui continuent d’apparaître dans son esprit... elle y voit notamment le vieil homme noir moustachu discuter avec Anthéa à son sujet, puis celle-ci qui parle avec Samantha, et enfin Samantha qui s’acharne à la frapper au début de leur scolarité à Matheson... et c’est alors que Warven-50 encaisse de plein fouet le coup que Warven-25 était en train de lui porter.

La surprise est encore plus grande que la précédente : malgré la violence du choc qu’elle vient de subir, Warven-50 n’a reculé que de quelques pas. Se tenant la tête comme pour reprendre ses esprits, elle fait signe à Warven-25 de s’arrêter un instant, mais celle-ci décide au contraire d’en profiter pour l’attaquer à nouveau. Elle ne s’attendait cependant pas à ce que Warven-50 intercepte à mains nues le coup de bâton qui lui était adressé pour ensuite faire basculer par-dessus elle-même la propriétaire de l’objet et l’écraser au sol avant de lui enfoncer sa propre arme dans sa poitrine pour qu’elle reste à terre.

Habituellement imperturbables, les autres Warvens sont quelque peu interloquées face à l’issue rapide de ce combat, car un tel résultat ne s’était jamais produit entre deux Warvens ayant un écart de rang si important.

Mais Warven-50 ne s’en soucie pas : les yeux clos derrière la visière de son casque, elle est trop occupée à contempler les visions que lui envoie Xilune, découvrant tout ce qu’Howard, Anthéa et Samantha ont effectivement entrepris pour la sauver du Black Phenix.

Derek l’extirpe néanmoins de ses songes en applaudissant ironiquement sa prouesse :

– Bravo ! Bel exploit ! Maintenant, voyons voir s’il ne s’agissait pas simplement d’un gros coup de chance... Warven-1, elle est à toi.


En entendant ce numéro, Warven-50 ouvre les yeux et fait immédiatement apparaître son arme pour se défendre, mais trop tard : un foudroyant uppercut la projette dans les airs. Elle déploie alors ses ailes pour se rétablir, avant de recevoir un nouveau coup, puis un autre, et encore un autre, sans qu’elle parvienne à les parer ou même à les voir venir. Malmenée sans même pouvoir retomber au sol, Warven-50 se protège avec ses bras, mais sa tenue souple du Next World lui confère nettement moins de résistance que son épaisse combinaison de Lyoko. Alors elle décide d’esquisser une tentative d’attaque tout en baissant volontairement sa garde pour que son adversaire la frappe aussitôt, la projetant en arrière sans se douter que c’était ce qu’elle espérait : ayant compris que son assaillante enchaîne les coups en se replaçant rapidement sur la trajectoire dans laquelle elle projette sa cible à chaque frappe, Warven-50 se retourne pour donner un énorme coup de pied à l’endroit où son adversaire l’attendait. Warven-1 est alors projetée à son tour, mais elle se rétablit immédiatement pour contrer les attaques de Warven-50. Leurs échanges de coups semblent assez équilibrés, mais une fraction de seconde d’inattention de la part de Warven-50 causée par une vision donne à Warven-1 l’occasion d’en finir : d’un violent coup de genou en pleine face, elle fait basculer Warven-50 en arrière avant de transpercer son corps avec son arme.

Portant son adversaire empalée au bout de la longue lame laser de sa lance, la numéro 1 des Warvens redescend pour déposer son trophée au pied de son instructeur qui la félicite en brandissant un de ses couteaux :

– Bien, à présent que tout est rentré dans l’ordre, passons à la punition !


Mais soudain, un message d’alerte sonne dans son oreille pour l’avertir d’une intrusion : le Next World est attaqué.

– Soldats, nos ennemis sont de retour ! Soignez les blessées, nous devons foncer défendre le château !


Les Warvens 25, 49 et 50 sont soignées par leurs coéquipières, puis les cinquante guerrières prennent leur envol au commandement de leur instructeur équipé d’un réacteur dorsal :

– Pour le Black Phenix !! clame-t-il en s’élançant dans les airs.

– POUR LE BLACK PHENIX !! répondent d’une seule voix les Warvens en laissant des trainées bleutées dans leur sillage.


Dernière édition par Nelbsia le Jeu 30 Déc 2021 09:09; édité 3 fois
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Nelbsia MessagePosté le: Lun 17 Aoû 2020 20:05   Sujet du message: Répondre en citant  
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Épisode #127 : Delenda Carthago


Résumé des épisodes précédents :


Entrainée par l’impitoyable Derek Rourk, Naxxya a intégré l’unité d’élite du Next World composée de ses quarante-neuf congénères appelées « Warvens », et son instructeur lui a révélé les particularités des membres de son espèce, en tâchant de la persuader qu’elle n’avait jamais vraiment compté pour ses anciens amis humains qui l’avaient abandonnée. Mais après avoir délibérément livré ses souvenirs dans le Mémorium, la géante aux cheveux bleus a progressivement reçu les mémoires des autres participants, habilement transférées dans son esprit par Xilune. N’appréciant pas la façon dont la Warven numéro 49 prenait sous son aile sa nouvelle camarade au numéro 50, Derek a donc décidé de les faire s’affronter en menaçant d’exécuter la perdante du combat. Contre toute attente, la Warven 50 a vaincu celle qui l’avait aisément terrassée à son arrivée dans le Next World, et la dernière recrue a même battu la numéro 25 pourtant bien plus forte qu’elle a priori, avant d’être surclassée par la numéro 1. C’est alors que Derek a reçu un signal d’alerte indiquant que le Next World était attaqué et qu’il devait se rendre au plus vite avec les Warvens au château de son maître pour le débarrasser des intrus...

Alors que ses redoutables combattantes semblaient avoir terrassé les Lyoko-guerriers, Zander ordonna à la Warven numéro 50 d’exécuter Samantha, mais Odd intervint juste à temps pour tenter de raisonner celle qu’il avait formellement identifiée parmi ses semblables malgré son allure méconnaissable et l’absence de sa cicatrice : Naxxya. L’ancienne Lyoko-guerrière qui portait désormais les couleurs du Next World commença par broyer le félin entre ses bras pour le vider de ses Points de Vie, mais Odd restait malgré tout heureux d’avoir retrouvé sa bien-aimée, et elle décida soudain de l’embrasser...





Warven-50 relâche le visage d’Odd qui ouvre les yeux en lui souriant :

– Ah, je savais bien que c’était toi !

– Désolée, je ne t’ai pas fait trop mal ? s’excuse-t-elle en le reposant à terre. Il fallait vraiment que je vérifie un truc...


Voyant que le Lyoko-guerrier est de nouveau sur ses jambes alors que la combattante du Next World était censée le broyer, Derek somme celle-ci de s’expliquer :

– Warven-50 ! On peut savoir à quoi tu joues !?


La jeune fille se retourne vers lui pour le défier :

– Je teste simplement mes pouvoirs, et apparemment, mon transfert d’énergie ne se limite pas à mes congénères...


Elle se penche à présent sur Samantha pour l’embrasser à son tour ; celle-ci se relève, revigorée et soutenue par Odd, tandis que leur grande camarade aux cheveux bleus reprend son discours calmement car elle a enfin pu forger ses propres convictions :

– J’ai fini par comprendre que mes compétences ne s’arrêtent pas à ce dont les Warvens sont normalement capables : mon ADN s’est adapté grâce à tout ce que j’ai vécu à l’extérieur, à Matheson, à Kadic, sur Lyoko... Et je crois que le plus grand pouvoir que j’en ai tiré, c’est le pouvoir de choisir. Choisir à qui je peux transférer de l’énergie, choisir ce que je retiens de mon entrainement dans ce monde et ce que je préfère conserver de mes expériences du monde réel...


Sa cicatrice se redessine de part et d’autre de son œil gauche, et elle conclut enfin :

– ...Mais surtout, je peux choisir mon camp !


La guerrière fait apparaître son bâton dont l’extrémité prend la forme d’une pointe de javelot qu’elle la lance droit sur Zander, comme pour lui rendre cette arme dont elle ne veut plus.

Le souverain du Next World ne s’inquiète même pas car le projectile est immédiatement bloqué par un écran de protection en cristal généré par Carthage, tandis que Derek donne l’ordre d’arrêter la traitresse :

– Warvens 7 et 8 ! Emparez-vous de Warven-50 !!


Les deux Warvens qui avaient poursuivi Odd avant qu’il se jette dans les bras de son amie attrapent donc celle-ci pour lui tordre chacune un bras dans le dos afin de la mettre à terre, mais elle refuse de plier :

– Il n’y a pas de « Warven-50 » ! déclare-t-elle tandis que de l’énergie bleutée scintille sur toute la surface de son corps. Mon vrai prénom, c’est Naxxya !


Sa combinaison du Next World s’évapore alors, remplacée par les épaisses plaques grises qui reforment sa tenue de Lyoko-guerrière :

– ...Et vous allez regretter de vous en être pris à mes amis !


Amplifiée par son avatar de Lyoko, la force colossale de Naxxya lui permet de se défaire des deux Warvens qui la tenaient et de les attraper chacune par le torse avant de sauter de la plateforme pour les écraser en contrebas sur l’ilot où sont maintenus au sol les autres Lyoko-guerriers.

– DÉTRUISEZ-LA !! ordonne Derek pour que les autres guerrières l’éliminent.


Mais rien ne semble pouvoir arrêter Naxxya désormais : en dépit de tous les avantages dont ses semblables disposent grâce à leurs équipements du Next World, la Lyoko-guerrière les surpasse largement par sa solidité et sa force brute. Les Warvens qui se retrouvent malencontreusement entre ses mains sont soulevées puis jetées contre leurs propres coéquipières, et le tumulte provoqué permet à Naxxya de libérer certains de ses camarades, aidés par Odd et Samantha descendus à leur tour.

Soudain, Naxxya reçoit un coup de pied foudroyant en pleine face qui la fait reculer jusqu’au bord de la plateforme. Elle déploie aussitôt ses boucliers pour se protéger du coup suivant qui était destiné à la faire tomber dans le vide, et elle découvre alors son adversaire : Warven-1, la plus puissante des Warvens. Celle qui l’a battue à plate couture même après sa synchronisation. Celle qui a transpercé Ulrich avec sa lance alors que celui-ci venait d’abattre plusieurs Warvens, mettant fin aux espoirs des Lyoko-guerriers. Une adversaire trop technique et trop expérimentée pour être vaincue par la simple force brute de Naxxya qui va devoir trouver un autre moyen de la surpasser. Mais en attendant, elle est assez robuste pour encaisser les coups de son ennemie, alors elle change l’un de ses boucliers en Plasma-lame pour contre-attaquer.


Assistant au combat acharné que se livrent les deux géantes, le maître du Black Phenix interroge l’instructeur des Warvens :

– Comment se fait-il que la plus faible de nos guerrières tienne tête à la plus puissante ?

– Ça vient sûrement de son nouvel avatar virtuel, répond Derek. Tout à l’heure elle n’a strictement rien pu faire contre Warven-1, et maintenant elle semble la dépasser sur plusieurs points...


Zander soupire :

– Je te préviens : si jamais Warven-1 échoue, tu devras faire le ménage toi-même.

– Ce serait avec plaisir, confie le gladiateur en caressant ses couteaux, mais Warven-1 ne perdra pas.


En effet, la vitesse, la dextérité, les réflexes et les techniques de la Warven numéro 1 lui donnent l’avantage, car Naxxya parvient à peine à la frôler, tout en s’efforçant de parer les violents coups de hallebarde énergétique que son ennemie lui inflige.

Près d’elles, les autres Warvens en surnombre reprennent le contrôle des prisonniers, y compris Samantha et Odd qui se retrouvent plaqués au sol avec les autres.

Le gémissement aigu du félin brutalisé ne manque pas d’interpeller Naxxya qui se déconcentre un bref instant en voulant voir si son ami va bien, mais elle est aussitôt sanctionnée par son adversaire : Warven-1 lui donne un grand coup de hallebarde pour écarter son bouclier suivi d’une frappe circulaire derrière les genoux pour la faire trébucher, puis elle veut l’achever en lui plantant sa lame pendant qu’elle est au sol mais Naxxya roule sur le côté pour éviter ce coup. La Lyoko-guerrière n’est néanmoins pas assez rapide pour se relever : Warven-1 lui porte immédiatement une attaque horizontale qu’elle s’efforce de parer, mais le coup la pousse suffisamment pour qu’elle glisse du bord du terrain et tombe dans le vide.

Sa chute est heureusement amortie quelques mètres plus bas par une petite plateforme générée à la hâte par Xilune avant que celle-ci reçoive une décharge électrique de la part de la Warven qui la maintient au sol, et Naxxya se relève donc sur le petit monticule de décor, incapable d’en partir car elle n’a pas d’ailes, contrairement aux Warvens et notamment Warven-1 qui prend son envol avant de plonger vers Naxxya en piqué dans le but de l’achever.

Mais la prédatrice aérienne est soudain surprise lorsque sa cible utilise son pouvoir « Impulsion » pour bondir brusquement à sa rencontre. Au moment du choc entre les deux combattantes, la pointe de la hallebarde de Warven-1 glisse contre le bouclier de Naxxya qui la heurte de plein fouet, et la Lyoko-guerrière peut enfin transpercer son adversaire d’un coup de Plasma-lame en plein thorax.

Les deux guerrières retombent sur la petite plateforme, Naxxya retire sa lame pour se relever et voit alors une autre Warven descendre vers elles. La Lyoko-guerrière se met en garde en croyant devoir affronter une nouvelle adversaire, mais la Warven qui les a rejointes retire son casque et lui adresse un clin d’œil discret avant de se pencher sur Warven-1 pour la prendre en charge. Reconnaissant Warven-49, Naxxya se demande quel rôle elle joue vraiment dans tout cela, avant qu’une main l’attrape fermement par les cheveux et la tire subitement vers le ciel : Derek vient d’entrer dans l’arène et d’activer son poing télescopique pour ramener Naxxya jusqu’à lui, sur la plateforme en hauteur où il la fracasse à son arrivée en rétractant son poing.

– Tu vas bientôt regretter de ne pas avoir laissé Warven-1 t’achever, déclare Derek en frottant ses couteaux l’un contre l’autre.

– Je crois plutôt que c’est toi qui vas regretter de m’avoir amenée ici, rétorque Naxxya en se relevant. Maintenant que j’ai rattrapé mon retard technique sur mes congénères parce que tu m’as obligée à me synchroniser dans le corps de Warven-49, je ne pensais pas que tu serais assez stupide pour me donner l’occasion de t’affronter à nouveau...

– Ha ! s’esclaffe le gladiateur avec son inquiétant sourire. Si tu crois pouvoir t’en sortir avec autant de chance que lors de notre altercation à Matheson, tu vas vite comprendre qui de nous deux est vraiment stupide...


Toujours spectateur de la scène, Zander interpelle Naxxya avec intérêt :

– Avant que Derek te mette en pièces, je tiens à saluer ta surprenante performance contre tes semblables, mais j’aimerais surtout savoir d’où te vient cette force impressionnante qui t’a permis de venir à bout de Warven-1 alors que tu n’es que la Warven 50...

– Vous n’avez toujours pas compris !? s’emporte la Lyoko-guerrière en se tournant vers le seigneur du Next World pour lui expliquer ce qui lui échappe. Je vous le répète : il n’y a pas de « Warven-50 » ! Car comme Warven-49 me l’a révélé durant notre entrainement, nous avons en fait été numérotées « informatiquement » : non pas de 1 à 50, mais bien de 0 à 49 ! Je suis donc la Warven « numéro zéro », ce qui signifie que j’avais depuis le début le potentiel le plus élevé du groupe ! C’est pour cela qu’Anthéa a choisi de m’adopter en faisant croire que je portais le numéro 50, et c’est aussi pour cela que je pouvais battre Warven-1 alors qu’on me croyait nettement plus faible qu’elle ! Cependant, même en me synchronisant pour rattraper le retard que j’avais sur les autres Warvens en matière d’entraînement, les meilleures d’entre elles restaient évidemment plus fortes que moi, notamment parce qu’elles maîtrisaient bien mieux que moi l’équipement dont nous sommes pourvues dans le Next World ! Alors pour les surpasser, j’ai dû moi-même revêtir la tenue que je maîtrise le mieux : mon avatar de Lyoko-guerrière ! Celui qui me correspond vraiment car il a été défini par mon subconscient, celui qui me permet de protéger mes amis, celui avec lequel je me suis battue à leurs côtés durant toute une année scolaire pour vaincre Xana ! Et en dépit de mon potentiel de créature conçue en laboratoire, c’est bien grâce à tout ce que j’ai vécu avec Anthéa, avec Sam, avec Odd, Aelita, Yumi, Sissi, Ulrich, Jérémie, et William, qu’aujourd’hui je suis bien plus qu’une simple Warven : je suis une Lyoko-guerrière ! Et pour la dernière fois, mon prénom, c’est Naxxya !!


La jeune fille ne quitte pas des yeux le maître du Black Phenix, soutenant non sans efforts son terrifiant regard tandis que lui reste impassible, avant d’esquisser un sourire en déclarant froidement :

– Qu’on en finisse.


Un coup de lame s’abat violemment contre le visage de Naxxya, lui faisant tourner la tête. Mais la Lyoko-guerrière vacille à peine et se retourne lentement vers Derek qui est quelque peu surpris que sa cible ait encaissé aussi aisément son attaque en pleine face, avant qu’il comprenne pourquoi : son couteau a seulement esquinté la plaque grise qui protège le côté gauche du visage de Naxxya en écho à la cicatrice qu’il lui avait lui-même causée.

– Et dire que je m’en voulais de t’avoir tué... déclare-t-elle avant de riposter avec sa Plasma-lame.


Mais le gladiateur esquive cette attaque en répliquant :

– Tu vas t’en vouloir de ne pas l’avoir fait !


Il en profite aussitôt pour lui donner d’autres coups de couteau, lui arrachant des gémissements de douleur à chaque entaille. L’avatar de la Lyoko-guerrière encaisse plutôt bien les coups car il est très résistant et les blessures subies par Naxxya sont donc peu profondes, mais sa lourdeur l’empêche de contre-attaquer efficacement car son ennemi reste extrêmement vif en dépit de sa carrure imposante.

En lui plantant une lame dans la cuisse, il parvient à lui faire poser un genou au sol, puis il tente de la poignarder au visage mais elle bloque le coup avec son bouclier, alors il lui donne un coup de pied pour la faire tomber en arrière, au bord de la plateforme.


– T’es plutôt solide ! reconnait-il en levant ses deux couteaux dont les lames s’allongent et s’élargissent pour former des couperets de boucher. Mais j’ai largement de quoi te briser !


La Lyoko-guerrière qui essayait de se redresser lève aussitôt son bouclier pour parer l’épaisse lame que son adversaire abat sur elle, mais l’arme est si tranchante qu’elle coupe à travers le rempart et s’enfonce dans l’avant-bras de Naxxya qui crie de douleur.

Derek retire sa première lame pour abattre la seconde, Naxxya s’empresse de rouler en arrière pour l’éviter, mais elle tombe alors de la plateforme, en se retenant au bord de justesse avec une seule main, l’autre étant toujours engourdie par la douleur.

Son bourreau s’approche de la plateforme en lui marchant sur les doigts pour s’assurer que sa victime ne lui échappera pas, puis il lève lentement ses deux couperets avec un grand sourire :

– Voyons si ta tête est aussi dure que tes boucliers !


Mais alors qu’elle ferme les yeux en appréhendant le double coup de lames qui va lui découper le crâne, Naxxya sent une plateforme se matérialiser sous ses pieds pour la soutenir.

Un bref coup d’œil en contrebas lui fait s’apercevoir que les autres Lyoko-guerriers se sont rebellés et luttent à nouveau contre les Warvens qui les retenaient captifs, tandis qu’Aelita est tournée dans la direction de Naxxya pour lui fournir un point d’appui car elle la voyait en difficulté, suspendue au bord de la plateforme.

– ADIEU !! lui crie Derek en abattant ses terribles lames vers sa tête.


Mais les couperets terminent en fait sur les épaules de la géante car celle-ci a profité du décor généré sous ses pieds par son amie pour utiliser « Impulsion » et se propulser verticalement contre son adversaire penché sur elle, le heurtant d’un coup de tête particulièrement brutal qui le fait tomber à la renverse.

De retour sur la plateforme, Naxxya se jette de tout son poids sur Derek pour le maintenir au sol, allongé sur le dos, en le tenant à la gorge. Désarmé, le colosse tente de se débattre en tirant avantage du fait que son ennemie ne le tient que d’une seule main car son autre bras est mal en point, mais Naxxya ne le lâche pas, et elle tend malgré tout son avant-bras blessé vers la tête de sa proie en déployant une Plasma-lame à un centimètre de son visage qu’elle fixe avec détermination.

Comprenant que la jeune fille peut à présent l’achever, le colosse frémit un instant en cessant de se débattre, mais il retrouve le sourire en réalisant qu’elle reste immobile au lieu de lui porter le coup de grâce :

– Eh bien alors ? la provoque-t-il. On dirait que tu hésites ?


En effet, pour une raison qu’elle ne s’explique pas, Naxxya ne peut se résoudre à achever son adversaire. Comme si elle portait encore en elle le poids de la culpabilité d’avoir commis l’irréparable, alors même que l’individu qu’elle croyait avoir tué se trouve juste devant elle.

L’adolescente secoue rapidement la tête pour reprendre ses esprits :

– Tes points de vie sont verrouillés, tu ne vas pas mourir, conclut-elle en s’apprêtant à frapper.

– Ils ne le sont plus ! leur annonce subitement Zander qui continue d’observer sereinement le combat. Tu peux l’achever définitivement si tu le souhaites.


La Lyoko-guerrière ne peut plus bouger, tétanisée à l’idée d’ôter la vie, même s’il s’agit d’un ennemi aussi dangereux que Derek. Mais celui-ci ne semble pas s’alarmer à l’idée que Zander soit prêt à le sacrifier pour voir jusqu’où Naxxya est prête à aller, au contraire il continue de sourire en la défiant, probablement parce qu’il sait qu’elle ne pourra pas aller au bout de son geste... ou bien parce qu’il sait que Zander n’a pas réellement déverrouillé ses points de vie ?

– Trop tard ! conclut-il alors que ses armes sont réapparues dans ses mains.

– AAAAAAAH !! hurle Naxxya lorsque les deux lames s’enfoncent dans ses flancs, lui faisant lâcher Derek qui la repousse avant de se relever.

– Je t’avais pourtant prévenue que la faiblesse n’était pas tolérée ici ! triomphe-t-il en s’apprêtant à la décapiter.


Mais son large couperet est arrêté par une arme encore plus impressionnante : l’épée de William qui vient d’arriver en Supersmoke juste à temps pour sauver Naxxya.

– W... William !? s’étonne la jeune fille surprise par son sauvetage inespéré.

– Ne te fais surtout pas d’idées, c’est Sissi qui m’a envoyé car Odd ne serait pas arrivé à temps ! rétorque le grand ténébreux sans même la regarder, avant de s’adresser à Derek : Allez Dédé, danse un peu avec moi !


Le boucher du Black Phenix accepte ce défi avec grand plaisir :

– J’ai horreur qu’on m’interrompe quand je frappe quelqu’un, mais ça me fait toujours une personne de plus à frapper !


Il se met à marteler l’épée de William avec ses puissants couperets, produisant d’assourdissants chocs métalliques à chaque coup, mais le Lyoko-guerrier prend de la distance et risposte avec des salves d’énergie.

Derek déploie alors son poing télescopique pour attraper son adversaire par le bras et le ramener vers lui par la force, quand celui-ci s’évapore en Supersmoke avant de réapparaître derrière lui dans le but de le transpercer, sauf qu’il reçoit immédiatement un coup de coude en pleine face qui le fait tomber en arrière.

Le colosse s’apprête à se débarrasser du lycéen sonné, mais un déluge de tirs perturbe ses plans :

– Quelqu’un a commandé une frappe aérienne !? plaisante Odd en mitraillant Derek avec ses Flèches laser, porté par Xilune qui bat des ailes en déposant le félin sur la plateforme.

– C’était pas la peine de venir ! proteste son coéquipier en se relevant. Je m’en sortais très bien tout seul !

– Je suis pas là pour toi mais pour Naxxya ! réplique le félin en lui tirant la langue. Et aussi parce qu’en bas on s’est encore fait défoncer alors on a dû s’enfuir...

– Hein !? s’étrangle William. Mais quand je vous ai laissés on avait le dessus !

– Les Warvens ont fusionné deux par deux pour reprendre l’avantage, explique Xilune. Maintenant elles ne sont plus qu’une vingtaine donc elles ont du mal à nous capturer tous à la fois, mais leur force est démesurée...


Le grand ténébreux fulmine en apprenant que la puissance des Warvens reste trop écrasante malgré tous les efforts des Lyoko-guerriers, mais il ne se démonte pas :

– Bon ! Si on arrive à battre leur chef, peut-être qu’elles accepteront de nous laisser tranquilles ! À nous quatre on peut y arriver !


Derek s’esclaffe :

– Vous quatre ? Tu comptes le moustique avec les oreilles de chat et la gamine albinos ? La quatrième n’en parlons même pas, vu l’état dans lequel je l’ai laissée...


Odd réalise soudain que si Naxxya est toujours agenouillée au sol en se tenant les côtes, c’est parce qu’elle a été blessée au cours du combat, et il est alors furieux contre Derek :

– Attends, t’as fait du mal à ma copine !? ...Hé mais je vais t’exploser en fait !!

– Non je ne crois pas, soupire Derek consterné par la maigreur du gringalet qui le menace.

– Ah si si ! J’insiste ! s’entête le félin en s’avançant vers lui. En plus t’es très mal tombé : vu ta taille, je risque pas de tirer à côté ! Vous autres, laissez-le-moi !

– Pour ça ne t’en fais pas, on ne risque plus d’être dérangés... confirme Derek tandis que William, Xilune et Naxxya sont brusquement capturés par des double-Warvens qui viennent de rejoindre la plateforme.


Odd ne s’en préoccupe même pas :

– À nous deux, ordure !! s’exclame-t-il en se jetant sur Derek qui reste indifférent.


Avant même de pouvoir frapper sa cible, le garçon-chat est attrapé en plein saut par une double-Warven qui le tient par la queue. Il agite alors les bras pour essayer de griffer son ennemi, mais sa portée est trop courte, et Derek lui inflige donc une méprisante pichenette au front, puis la double-Warven porte le Lyoko-guerrier sous son bras avant de s’éloigner.

Odd n’a cependant pas dit son dernier mot : il tend son poing en direction de Derek et lui tire une Flèche-laser en plein dans son œil :

– AÏE !! s’écrie-t-il en se tenant le visage.

– Œil pour œil ! se réjouit Odd en faisant une grimace à Derek.

– Espèce de sale petit...!! peste ce dernier avec l’intention d’exécuter lui-même le félin, avant de s’interrompre lorsqu’il voit une Warven non fusionnée qui retire son casque en s’avançant vers Naxxya. Hé toi !! Je peux savoir ce que tu fabriques !?


La Warven interpelée adresse un nouveau clin d’œil à Naxxya, et celle-ci reconnait alors sa semblable au numéro 49 qui se retourne vers Derek pour lui répondre :

– Je soigne ses blessures avant de me synchroniser avec elle.

– Quoi !? Qu’est-ce que tu racontes !? Je t’interdis de la soigner !!


Mais la Warven 49 ne l’écoute plus : elle embrasse Naxxya pour la régénérer, puis elle passe derrière elle et pose ses mains sur ses épaules avant qu’une ouverture lumineuse se dessine dans le dos de la Lyoko-guerrière.

– Arrête ça immédiatement !!! rugit Derek. C’est un ordre !!!

– Nous n’écoutons plus vos ordres, rétorque Warven-49 si bien que Zander lui-même semble soudain préoccupé par l’attitude de la combattante du Next World. Naxxya nous a démontré que la vie à l’extérieur lui avait apporté bien plus que tout ce qu’on nous a appris ici, et nous avons donc décidé de la suivre dorénavant.

– « Décidé » !? enrage Derek en brandissant ses couperets. Les Warvens n’ont PAS à décider ! Vous avez été conçues pour nous OBÉIR !!


Il se rue sur Warven-49 pour l’empêcher d’accomplir son « rituel », mais une lame énergétique transperce subitement le crâne de Derek par l’arrière, et il se retrouve alors soulevé au bout de la hallebarde que vient de lui planter Warven-1. Cette dernière conduit son ancien instructeur au bord de la plateforme, avant de le jeter dans le vide, sous les regards médusés des Lyoko-guerriers relâchés par les double-Warvens qui s’élancent dans les airs pour rejoindre leurs camarades en hauteur.


– Une preuve d’initiative ? s’interroge Zander intrigué par ce qui est en train de se produire.


Warven-49 entre alors dans le corps de Naxxya pour se synchroniser avec elle, mais le dos de celle-ci ne se referme pas aussitôt, permettant à Warven-1 d’y pénétrer à son tour après s’être débarrassée de son casque, suivie par une double-Warven, puis une autre, et encore une autre...


– Hé !? Qu’est-ce que vous lui faites !? s’alarme Odd en voyant Naxxya qui tremble et prend du volume à mesure que ses congénères s’introduisent en elle...


Les double-Warvens restantes forment un cercle autour d’elle pour empêcher les Lyoko-guerriers de l’approcher, tout en continuant d’entrer une par une dans l’ouverture lumineuse tracée dans son dos...

Lorsque la dernière d’entre elles disparait dans le corps de Naxxya, celle-ci, toujours secouée de tremblements, tente de se redresser, faisant reculer ses camarades inquiets car elle mesure à présent plus de sept mètres de haut, son volume corporel cumulant ceux de toutes ses congénères incluses en elle...

– Heu... ça va ? demande timidement Odd en voyant qu’elle se tient péniblement le crâne en continuant de trembler.


Mais la géante lui fait signe de ne pas s’approcher, puis elle se met à tituber avant de trébucher si lourdement que la plateforme se brise et elle passe à travers. Naxxya termine sa chute sur l’ilot où son restés les autres Lyoko-guerriers surpris en voyant tomber près d’eux l’énorme combattante qui convulse tandis que William, Odd et Xilune redescendent à leur tour.

– Qu’est-ce qui lui arrive !? s’inquiète le félin en voyant que Naxxya est prise de soubresauts et n’arrive même plus à se relever.


Tous ses amis semblent déconcertés, y compris Jérémie, tandis qu’Ulrich regarde aux alentours :

– Où sont passées les autres Warvens ?

– Ben justement, répond William en désignant Naxxya, elles sont toutes entrées en elle...

– Toutes ? s’inquiète Howard.

– Elles n’étaient pas censées pouvoir faire ça... renchérit Anthéa également anxieuse.


Le vieil homme noir réfléchit :

– Ça signifie que les quarante-neuf Warvens qui se trouvent en elle sont en train de se synchroniser avec son esprit pour accéder à ses expériences et à ses souvenirs...

– Et en quoi ça pose un problème ? s’étonne Samantha. C'est une de leurs principales capacités, non ?

– Se synchroniser deux par deux oui, confirme son père, mais toutes à la fois... Son esprit aura du mal à le supporter...

– Et il le sait... déclare soudain Franz en désignant Zander qui a déployé ses longues ailes noires pour descendre vers eux, accompagné par Hélène.


Les Lyoko-guerriers se mettent en garde pour défendre leur position, mais Carthage déploie des Tentacristaux tout autour de Naxxya pour les obliger à s’éloigner d’elle.

– Gardez votre calme, annonce Zander, je viens seulement soulager son esprit et reprendre ce qui m’appartient...


Le chef du Black Phenix atterrit auprès de Naxxya toujours tourmentée au sol, puis il pose sa main sur le front de la géante, y faisant apparaître la marque noire en forme de serre d’oiseau.

Rapidement, les tremblements de Naxxya s’estompent, et celle-ci se relève aux côtés de Zander qui lui ordonne :

– Détruis tous ceux qui ne me sont pas utiles. Exécution.


La massive combattante se met en marche pour faire face aux Lyoko-guerriers tétanisés en comprenant que Naxxya obéit désormais à leur ennemi qui a probablement désactivé le blocage de leurs points de vie ainsi que leur possibilité de rematérialisation, mais Sissi s’avance vaillamment vers Naxxya pour lui administrer un Régéné-rayon dans le but de la libérer de l’emprise du maître du Black Phenix.

Malheureusement, la marque noire persiste, et la géante tend soudain sa main à travers le rayon vert afin d’attraper Sissi qui est sauvée de justesse grâce au crochet déployé par Nicolas pour la tirer en arrière.

Odd bondit sur Naxxya dans l’espoir de la ramener une fois encore à la raison en lui parlant et en la rassurant, mais celle-ci n’entend plus sa voix : elle l’intercepte d’une main et commence à le broyer entre ses doigts, avant que les autres Lyoko-guerriers prennent d’assaut l’énorme Warven pour qu’elle relâche leur camarade.

Mais les différentes attaques qu’ils lui portent semblent rester sans effets, tandis qu’elle continue de les pourchasser, et la lenteur dont elle fait preuve se dissipe à mesure qu’elle maîtrise de mieux en mieux son enveloppe virtuelle très volumineuse...

Pendant que les Lyoko-guerriers redoublent d’efforts pour tenter de renverser la géante qui repousse leurs assauts, Aelita se tourne vers Xilune :

– Tu ne pourrais pas entrer dans son esprit pour la protéger contre Zander !?


L’entité virtuelle aux yeux blancs secoue la tête :

– Je peux seulement lui transmettre des pensées ou lui montrer des images, mais c’est très compliqué car les quarante-neuf autres Warvens cohabitent actuellement dans son esprit...

– Alors bombarde-la de souvenirs ou de ce que tu veux, mais fais en sorte qu’elle cesse le combat ! conclut l’ange de Lyoko.


Xilune se concentre donc pour faire remonter dans l’esprit de Naxxya tous ses souvenirs et notamment les plus marquants, espérant déclencher en elle quelque chose susceptible de la ramener à la raison. Mais en dépit des bons moments partagés autrefois avec ses amis, la géante y reste insensible car les autres Warvens prennent trop de place dans son esprit, tout comme l’intelligence artificielle le craignait.

Toutefois, des images bien précises deviennent persistantes, au grand étonnement de Xilune : les combats contre Xana, et les étranges pouvoirs développés par Aelita depuis leur victoire contre le virus de Lyoko... Comme si toutes les Warvens présentes dans l’esprit de Naxxya étaient subitement inquiètes en harmonisant leurs impressions à ce sujet...

– Ça fonctionne ! se réjouit Aelita en constatant que sous la pression des souvenirs envoyés par Xilune, Naxxya recommence à se tenir la tête en tremblant, ce qui l’empêche de se battre contre les Lyoko-guerriers désormais sur la défensive.


Zander ne comprend pas l’attitude de sa subordonnée et intensifie son pouvoir en tendant sa main vers elle :

– Arrête de tergiverser et détruis-les !


Naxxya continue de trembler mais elle fonce à présent sur Xilune pour tenter de la neutraliser, avant d’être violemment secouée par les pensées qui envahissent son esprit, et soudain, la géante reporte son attention sur Aelita qu’elle attrape aussitôt...

– Aaaaah !? s’écrie la jeune fille aux cheveux roses.

– Aelita !! panique Jérémie en tirant vainement son Supprayon sur Naxxya.

– Mais qu’est-ce que tu fiches !? enrage Zander. J’ai besoin d’Aelita !! Lâche-la tout de suite !!


Les Lyoko-guerriers tentent de libérer leur amie des mains de la géante, mais celle-ci la tient fermement en l’approchant juste devant ses yeux écarquillés, comme pour l’examiner de très près.

Aelita est terrorisée face au visage de Naxxya, mais cette dernière n’est pas en train de lui faire du mal... Elle semble chercher quelque chose dans les yeux de l’ange de Lyoko... Elle semble même troublée en ne trouvant pas ce qu’elle cherche... Et elle finit par formuler une phrase décousue pour interroger sa proie en émettant une voix à la sonorité multiple :

– Où... Où est... se cache... il... Xana... ??

– Qu... Quoi ?? balbutie Aelita dans l’incompréhension.


La volumineuse Warven ne parvient pas à articuler correctement, sa bouche étant crispée comme si plusieurs phrases voulaient en sortir simultanément, et soudain, elle lâche Aelita et tombe lourdement en arrière, inconsciente sur le sol, victime d’une attaque spirituelle.

En découvrant Zander dont les deux bras sont tendus vers Naxxya, les Lyoko-guerriers comprennent que celui-ci a préféré la neutraliser car elle risquait de faire du mal à Aelita :

– Cette idiote m’aura décidément causé plus de problèmes qu’elle ne m’a été utile, conclut froidement le seigneur du Next World. Mais en la « reconditionnant » en profondeur, je suis certain qu’elle saura me servir avec un dévouement infaillible...


Avant de s’en retourner à son interface pour prendre ses dispositions, Zander fait un signe à Hélène qui enveloppe donc le corps inerte de la géante dans un cristal pour la soulever du sol et l’éloigner du champ de bataille en direction d’une grande porte dans l’un des murs au pied duquel s’alignent des plateformes pour former un chemin entre l’ilot et l’issue de l’arène, mais Odd ne l’entend pas de cette oreille : il bondit sur son amie pour tenter de percer le cristal dans lequel elle est pétrifiée, en vain.

– Lâchez-la !! s’acharne-t-il. C’est ma copine !! Rendez-la-moi tout de suite !!


Mais tout en transportant la volumineuse guerrière inconsciente dans son enveloppe translucide, Carthage déploie un Tentacristal pour fouetter l’indésirable félin qui est éjecté plusieurs mètres en arrière.


– Ils ne sont plus que deux, remarque Émilie en s’adressant discrètement à Franz. On pourrait les attaquer maintenant...

– Nous ne pourrons absolument rien faire si nous combattons Carthage et Zander en même temps, répond catégoriquement le père d’Aelita. Il faut trouver un moyen de les affronter l’un après l’autre, c’est notre seule chance de réussir à les vaincre...

– L’idéal serait qu’ils se battent l’un contre l’autre, suggère Hervé.

– Hélène est trop loyale à Zander, rétorque Howard en secouant la tête.

– Je n’en suis pas si sûr, murmure Jérémie pour qui l’attitude de la mère de Sissi révélée dans les souvenirs du Mémorium reste ambiguë.


Malgré leur discrétion, le maître du Black Phenix a parfaitement entendu leur discussion, et tout en continuant de taper sur son interface, il émet un rictus avant de leur répondre sans même les regarder :

– Si vous doutez de la loyauté d’Hélène envers moi, vous allez tomber de haut. Mais votre plus grossière erreur est de croire qu’en nous affrontant séparément, vous auriez la moindre chance d’en sortir vainqueurs...


Théo s’avance en agitant ses sabres :

– Eh bien moi je parie qu’on gagnerait ! lance-t-il dans le but évident de provoquer leur ennemi à accepter le défi.


Ses camarades sont assez surpris par l’audace inconsidérée dont Théo fait preuve et se mettent donc en garde en redoutant la réaction de Zander, mais celui-ci reste concentré sur ses affaires et fait simplement signe à sa subalterne de s’occuper d’eux :

– Tu peux les anéantir librement, seuls ceux dont j’ai encore besoin survivront.


Hélène cesse alors de transporter Naxxya en laissant sa lourde carcasse retomber sur le chemin devant la porte, puis elle se retourne vers les Lyoko-guerriers qui comprennent que cette fois, Carthage ne fera pas de prisonniers...

– PROTÉGEZ-VOUS !!! s’écrie Ulrich en croisant ses sabres.


Ses camarades s’empressent donc de dresser leurs défenses du mieux qu’ils peuvent : Nicolas augmente le nombre de points de vie initial de ses alliés, Tamiya leur octroie des bulles protectrices pour absorber les dégâts subis, des décors sont générés par ceux qui le peuvent, et les combattants les plus courageux brandissent leurs armes avec détermination, prêts à en découdre, quand une véritable tempête de cristaux lancés par Hélène déferle sur eux...

Le golem créé par Howard s’écroule, Romain solidifié se fissure, plusieurs Lyoko-guerriers sont blessés, Sissi et Heidi leur restituent leurs Points de Vie perdus tandis que Tamiya leur redonne des bulles de protection, et la première ligne se lance à l’assaut de Carthage mais essuie aussitôt un deuxième barrage de cristaux qui transpercent les airs...

Pour couvrir les combattants de mêlée tenus en échec par leur terrible adversaire qu’ils ne parviennent même pas à approcher, les tireurs émergent des décors derrière lesquels ils étaient retranchés et mitraillent Carthage en lui envoyant tout ce qu’ils peuvent : des Champs de force, des Flèches-laser, des Supprayons, ...mais tous échouent contre les écrans de protection en cristal déployés par Hélène avec une facilité déconcertante puisqu’elle ne se contente pas de dresser quelques remparts de cristal devant elle pour tout bloquer à la fois : elle les fait apparaître momentanément un par un en s’appliquant à intercepter chaque projectile individuellement. Même les éventails de Yumi, la Tri-lame d’Hiroki, et la balle métallique de Christophe ricochent systématiquement contre les vitraux générés inlassablement par Carthage, en dépit de leurs trajectoires relativement imprévisibles.

– Mais comment elle arrive à faire ça !? s’exclame Johnny dont les rayons oculaires sont également déviés en permanence.

– Carthage est un programme, explique Howard. En plus d’améliorer grandement les pouvoirs de son hôte, ça lui confère des temps de réaction surhumains, et ça lui permet aussi de gérer un très grand nombre de tâches simultanées sans problème.


Les Lyoko-guerriers toujours en première ligne croient pouvoir en profiter pour rejoindre leur cible au corps-à-corps, à l’instar d’Ulrich et Théo en Supersprint, mais des Tentacristaux surgissent du sol et les obligent à battre en retraite.

Samantha parvient à se téléporter juste derrière Hélène mais un Tentacristal l’attrape à la gorge et la tire en arrière, avant que cet appendice soit tranché par la lame de la faux d’Alexandre qui vient d’apparaître à son tour dans le dos de leur ennemie et tente d’en profiter pour faucher celle-ci qui se protège instantanément avec un vitrail que Samantha tente de percer à grands coups de poing américain, jusqu’à ce qu’elle soit à nouveau immobilisée par un Tentacristal tandis qu’Alexandre préfère disparaître.

Les autres Lyoko-guerriers sont eux-mêmes aux prises avec les nombreux tentacules déployés devant eux, ce qui les empêche secourir leurs deux éclaireurs, et Carthage génère alors un long cristal pointu juste devant Samantha afin de l’achever, avant qu’un puissant rayon d’énergie blanche outrepasse toutes les défenses de Carthage pour la foudroyer en lui arrachant un cri de douleur.

Le dos endolori, Hélène se retourne et voit Xilune, élevée de quelques mètres dans les airs grâce à ses ailes, en train de charger un autre de ses rayons spéciaux capables d’affecter Carthage. Faisant d’elle sa priorité, Hélène lui envoie un déluge de longs cristaux pointus que l’entité virtuelle évite en virevoltant du mieux qu’elle peut, puis elle délivre son rayon d’énergie blanche mais son ennemie l’esquive en s’élevant à son tour dans les airs pour lancer d’autres cristaux qui auront de meilleures chances d’atteindre leur cible.

Voyant Xilune en difficulté tandis que Carthage reste hors d’atteinte des attaques des Lyoko-guerriers toujours malmenés par les Tentacristaux, Aelita prévient Jérémie :

– Je dois aller l’aider...


Le jeune génie comprend que son amoureuse a l’intention d’utiliser les terribles pouvoirs de Xana pour tenter d’abattre Carthage, et cette idée lui déplait fortement car il sait qu’un tel usage met en danger Aelita elle-même, mais Jérémie doit se rendre à l’évidence : Xilune n’est pas de taille à triompher de son adversaire. Elle a beau être un programme elle aussi, et posséder une version moins puissante des rayons de Xana destinés à briser Carthage, la jeune intelligence artificielle a développé une conscience bien trop humaine pour rivaliser avec des êtres synthétiques aussi puissants et implacables que Carthage ou Xana.

À contrecœur, Jérémie se contente de hocher la tête en signe d’approbation, laissant sa bien-aimée faire appel aux sombres pouvoirs de leur ancien ennemi dans l’espoir de vaincre leur nouvelle adversaire...

Aelita déploie donc ses ailes pour s’élever aux côtés de Xilune, puis elle se concentre pour rassembler l’énergie maléfique qui sommeille en elle, mais en dépit de tous ses efforts, aucun éclair rouge ne se manifeste cette fois-ci, et elle parvient seulement à générer ses Champs de force roses habituels...

Déconcertée, la jeune fille contemple ses mains en cherchant à comprendre pourquoi les pouvoirs de Xana ne fonctionnent plus, avant de relever les yeux vers son grand-père toujours occupé sur son interface : le Next World empêcherait-il le déploiement des pouvoirs spéciaux dont elle a hérité, tout comme il inhibe les capacités spéciales des informaticiens qui ne connaissent que Lyoko, privant notamment Émilie de sa Synergie, Hervé de son Sursaut temporel, et Jérémie de son Boost ?

– Attention !! lui crie ce dernier en la voyant désemparée mais surtout inattentive aux projectiles cristallins projetés par Carthage.


Aelita tente de se décaler aussitôt d’un battement d’ailes, mais trop tard : l’un des cristaux lui perfore l’épaule et elle chute, avant d’être rattrapée par son père.

Ayant assisté à cela, Xilune est subitement envahie par un sentiment qui la dépasse encore : la colère. Cette rage la fait repasser à l’offensive et elle intensifie ses rayons blancs destinés à rendre à Carthage la monnaie de sa pièce pour avoir blessé Aelita, si bien qu’Hélène commence à plier sous les chocs énergétiques qui transpercent ses défenses, et elle voit ses adversaires qui profitent de sa faiblesse pour éliminer ses Tentacristaux et pour générer des plateformes afin de monter progressivement jusqu’à elle...

– Allez ! s’exclame Ulrich à la tête de la courageuse troupe escaladant les décors synthétiques en tranchant les Tentacristaux qui y poussent comme de la mauvaise herbe. On y est presque !!


Carthage s’acharne à essayer d’abattre Xilune à cause de l’efficacité des pouvoirs dont celle-ci dispose contre elle, mais les rayons blancs qui l’atteignent coup sur coup l’empêchent de se battre correctement, et les Lyoko-guerriers déterminés à la vaincre se rapprochent d’elle en bondissant de plateforme en plateforme pour arriver à sa hauteur : William se jette sur elle le premier et il est aussitôt perforé par les cristaux qui la défendent, Ulrich saute sur leur cible tout de suite après, imité par Hiroki, malheureusement tous deux se heurtent à des remparts de cristal générés immédiatement, tandis que Théo et Julien sont balayés par des Tentacristaux alors qu’ils voulaient contourner leur adversaire, et celle-ci est enfin surprise par l’attaque « Coup de théâtre » de Jim qui apparait au-dessus d’elle dans le but de lui mettre un grand coup de pied, évité de justesse par Hélène qui abat son ancien coéquipier sur Matthias alors que celui-ci allait réussir à la frapper.

Un nouveau rayon blanc adressé par Xilune foudroie alors Carthage pour l’affaiblir, pendant que trois autres Lyoko-guerriers se hissent sur les plateformes près d’Hélène grâce à leurs différentes armes qui leur servent de grappins : Kamel et son arbalète à corde doit immédiatement sauter dans le vide pour éviter les cristaux que lui adresse son ennemie, Nicolas avec sa canne à pêche est aussitôt repoussé par un Tentacristal, Caroline et ses fouets ne parviennent pas à briser le vitrail généré devant elle, avant que le ballon pointu lancé par Christophe fasse voler en éclats le rempart de cristal, et c’est alors que Kamel, remonté grâce à un oiseau spectral généré par Marjorie, profite de la brèche ouverte dans les défenses de Carthage pour abattre son sabre sur elle.

– Ne me déçois pas... la menace alors la voix d’outre-tombe de son maître qui résonne dans toute l’arène.


La réaction de Carthage ne se fait pas attendre : les cristaux qui flottent dans son dos se déploient comme des pattes de mante religieuse pour la défendre avec férocité contre ses assaillants en les éjectant des plateformes aux alentours, puis Hélène déchaîne ses pouvoirs pour enfin se débarrasser de tous ses ennemis : de nouveaux Tentacristaux, extrêmement longs et nettement plus coriaces que les précédents, s’élèvent du sol pour abattre les plateformes et les défenses des Lyoko-guerriers où qu’ils se trouvent, capturant ceux-ci malgré leur résistance acharnée. En moins d’une minute, tous les combattants de Lyoko, y compris les plus récalcitrants, sont emprisonnés dans des cristaux, incapables d’en bouger.

Seule Xilune se tient encore dans les airs, gagnant de l’altitude en battant des ailes pour éviter les longs appendices translucides qui tentent de la capturer.

Mais alors qu’elle croyait que tous ses autres adversaires étaient neutralisés au sol, Hélène reçoit soudain un grand coup de lame qui s’enfonce dans son flanc : Alexandre a échappé aux Tentacristaux car il était resté invisible, pour ensuite se manifester de nouveau en bondissant sur les Tentacristaux eux-mêmes afin de prendre de la hauteur jusqu’à atteindre Carthage.

Malgré ses blessures, Hélène semble rester impassible et adresse à son agresseur une salve de pointes de cristal pour l’empêcher de s’échapper à nouveau en redevenant invisible, mais celui-ci n’a plus l’intention de disparaître : alors que son pouvoir d’invisibilité l’oblige à se mouvoir lentement sous peine de rompre l’illusion, Alexandre est en réalité extrêmement rapide et agile, ce qu’il démontre en sautant d’un Tentacristal à l’autre sans jamais tomber ou être attrapé.

Hélène se rappelle alors : Alexandre est un clone de Zander créé pour que le chef du Black Phenix dispose ultérieurement d’un corps jeune et en pleine forme, ce qui explique les impressionnantes performances du lycéen et la puissance de son avatar virtuel.

Carthage décide donc de concentrer ses attaques sur lui et d’espacer ses Tentacristaux afin d’empêcher Alexandre de s’en servir pour monter jusqu’à elle, mais Xilune génère alors de nouvelles plateformes pour assister son coéquipier en lui permettant de revenir à la charge, tout en continuant d’envoyer elle-même ses rayons blancs qui affaiblissent Hélène.

Lassé de voir Carthage tenue en échec par ses deux derniers opposants, Zander lui ordonne d’en finir :

– Commence donc par exécuter ceux que tu as déjà capturés, ainsi tu auras les mains libres pour t’occuper de ces deux derniers récalcitrants.


Alors qu’elle était déterminée à abattre son ennemie, Xilune se met à paniquer en la voyant tourner sa main vers les prisonniers coincés dans leurs cristaux :

– Non attendez !! Ne leur faites pas de mal !! Je vous en supplie !!


Carthage relève les yeux vers elle, presque étonnée par sa réaction, mais elle maintient son bras tendu vers les Lyoko-guerriers entravés, alors Xilune s’abandonne complètement à elle :

– Je me rends !! Je me rends !! ...S’il vous plait, ne les tuez pas...

– Mais qu’est-ce que tu fais !? s’énerve Alexandre en voyant sa coéquipière redescendre à hauteur des Tentacristaux pour se laisser capturer. À nous deux on pouvait la vaincre !!


Enveloppée à son tour dans un cristal, Xilune est très troublée par sa propre attitude en balbutiant des excuses :

– Je suis désolée, je... j’ai peut-être pris la mauvaise décision, mais je crois que je ne supporte pas l’idée qu’il leur soit fait du mal...


Les Lyoko-guerriers sont médusés par le comportement de leur camarade synthétique, mais en voyant qu’Alexandre continue de lutter contre les Tentacristaux tandis que Carthage menace toujours d’exécuter ses otages, Xilune implore son coéquipier :

– S’il te plait, arrête de te battre... Sinon elle va...

– JE ME FICHE DE CE QU’ELLE VA FAIRE !! l’interrompt Alexandre. Peu importe qu’elle exécute les uns ou les autres, si on se rend ils nous exécuterons tous !! Alors je vais tout faire pour gagner !! Je ne suis pas venu ici pour sauver qui que ce soit, mais pour exterminer mes ennemis !! Je vais tuer Carthage, et ensuite, ce sera au tour de Zander !!


Tandis que ses camarades sont impressionnés par les résolutions d’Alexandre, Jérémie voit bien que Xilune est déchirée par des sentiments humains qui entrent en contradiction avec sa raison, alors il s’efforce de lui faire comprendre qu’Alexandre n’a pas tort :

– Je sais ce que tu ressens... Tu voudrais sauver tout le monde à la fois, mais ce n’est malheureusement pas toujours possible, et parfois, il arrive un moment où le seul moyen de réussir à sauver au moins quelques personnes est d’accepter d’en sacrifier d’autres, car si on tarde trop à prendre cette décision cruciale, on prend le risque de tout perdre... C’est pour cela que nous devons détruire Carthage à tout prix, au risque que certains d’entre nous meurent dans la bataille... Si jamais nous échouons, tout sera perdu...

– « Delenda Carthago », murmure gravement Franz en employant la célèbre locution latine qui signifie : « Carthage doit être détruite ».

– Mais... Carthage, c’est aussi la maman de Sissi... leur rappelle Xilune.


Le génie à lunettes s’apprête à lui expliquer que certaines personnes sont malheureusement irrécupérables et que vouloir les épargner coûte que coûte représenterait un danger trop grand, mais Sissi prend la parole avant lui :

– Ma mère est morte ! déclare froidement la fille du proviseur avant d’encourager bruyamment Alexandre : VAS-Y ALEX ! DÉCOUPE-MOI CETTE POURRITURE !!!


Bien qu’ils soient persuadés de la légitimité de la cause pour laquelle ils se battent et du fait que Carthage doit être anéantie, les Lyoko-guerriers sont néanmoins choqués par la violence des propos tenus par Sissi à l’encontre de sa propre mère.

Même William n’avait jamais vu son amoureuse dans un tel état de rage :

– ...Tu es sûre que c’est ce que tu veux ? lui demande-t-il d’une voix blanche.

– QU’ELLE CRÈVE !! rugit Sissi hors d’elle. JE VEUX QU’ELLE CRÈVE !!!


Mais malgré la haine que la jeune fille voue à sa mère, et l’acharnement au combat dont fait preuve Alexandre, Carthage reste invincible. Tout comme Zander l’avait prédit, elle les a tous écrasés à elle seule. Et tout comme Franz le redoutait, Carthage n’aurait pu être vaincue que par Xana.

Pourtant, Alexandre ne lâche rien, tranchant inlassablement les Tentacristaux qui cherchent à l’abattre, rebondissant contre eux sans jamais faiblir, et grâce à son impressionnante dextérité, il parvient même à trouver une fraction de seconde pour changer sa faux en fusil de précision et tirer instantanément sur Carthage en pleine tête, la faisant vaciller sous le choc, mais seul son casque a été fissuré.

– OUI !!! jubile Sissi toujours enragée. DÉTRUIS-LA !!! PULVÉRISE-LA COMME ELLE LE MÉRITE !!!


Ces « encouragements » n’ont cependant pas l’effet escompté : en entendant Sissi déverser ainsi toute la haine qu’elle éprouve à l’égard de sa mère, Alexandre ne peut s’empêcher de se sentir légèrement mal à l’aise à son tour. Malgré sa froideur apparente et la détermination qu’il affiche pour vaincre ses ennemis sans se soucier du sort de ses camarades, le jeune clone de Zander ne peut pas oublier ses années à Kadic en leur compagnie. Il ne peut pas nier qu’il a pris plaisir à partager avec eux cette jeunesse insouciante à laquelle il n’était même pas censé goûter. Il aurait voulu que cette époque heureuse se poursuive indéfiniment, mais ça, c’était avant la guerre. Et cette guerre, il doit la gagner, puisqu’il est désormais le seul à pouvoir le faire. Alors il ne doit pas faiblir. Pas maintenant.

Seulement, Sissi ne cesse de vociférer :

– CONTINUE !!! TU VAS L’AVOIR !!! ÉTRIPE-LA !!!

– MAIS FERME-LA À LA FIN !!! finit par répliquer Alexandre tout en s’efforçant de couper les Tentacristaux qui repoussent autour de lui.

– JE ME TAIRAI QUAND ELLE SERA MORTE !!! s’époumone Sissi. QUAND IL NE RESTERA PLUS AUCUNE PARTICULE DE SON AVATAR NI DE SON CORPS !!! PLUS LA MOINDRE TRACE DE SON EXISTENCE !!!


Mais en reprenant son souffle à force de hurler, la fille de Carthage laisse transparaître des sanglots dans sa voix...

– ...TUE-LA !!! ...ALLEZ !!! TUE-LAAAA !!!!!


Au milieu de ses camarades qui restent sans voix, Xilune émet une interrogation car elle a besoin de comprendre les raisons du sentiment si intense qui anime Sissi :

– Pourquoi souhaites-tu sa mort à ce point ?

– Parce que... Parce que je ne veux plus jamais la revoir !!! répond Sissi d’une voix désormais tremblante, affaiblie par les sanglots qui lui nouent la gorge. ...Parce que je...


Elle s’interrompt avant de réaliser elle-même l’absurdité de sa colère :

– Parce que je ne veux pas... je ne veux surtout pas... devenir comme elle...


Voyant Sissi fondre en larme, ses amis comprennent enfin : toute l’admiration que la jeune fille avait pour sa mère qu’elle croyait décédée la poussait à marcher dans ses pas depuis toujours, en s’évertuant à être aussi belle et populaire qu’Hélène Lhorion l’avait été en son temps, mais ce désir de lui ressembler avait volé en éclats lorsque Sissi avait découvert que sa mère n’était pas morte et qu’elle les avait simplement abandonnés elle et son père, car elle était froide et insensible au malheur des autres, ne se préoccupant que de ses propres désirs. Et maintenant qu’Élisabeth Delmas déteste sa mère au point de vouloir qu’elle disparaisse parce qu’elle ne veut plus jamais lui ressembler, la jeune fille se rend compte qu’elle est exactement comme elle....


Et Alexandre l’a compris à son tour : lui qui reprochait à Xilune d’avoir choisi le camp des faibles alors qu’ils auraient pu triompher, lui qui s’acharne à éliminer tous ceux qui se dressent sur son passage, n’est-il pas justement en train de devenir comme l’abominable individu dont il est le clone ?

Dans un ultime sursaut de rage, le dernier Lyoko-guerrier sectionne les Tentacristaux devant lui pour mettre en joue Carthage avec son long fusil doré, mais il finit par renoncer en baissant son arme, se laissant capturer par son ennemie...



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Dernière édition par Nelbsia le Mer 21 Déc 2022 11:01; édité 7 fois
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