Il entra dans la chambre, en faisant bien attention à ne pas faire le moindre bruit. La pièce était plongée dans le noir, ne laissant entrer que la lumière de la lune par la fenêtre entrouverte.

À l’opposé de cette fenêtre, son lit. Toujours silencieux, il s’en approcha doucement, et s’assit doucement à ses côtés, prenant garde à ne pas la réveiller. Et il observa le visage de sa fille, bercé par les doux rayons de l’astre lunaire.

Il observa son sourire tendre, montrant qu’elle devait passer une nuit paisible, ses traits détendus, tout le contraire des siens, et ses cheveux roses, qu’il aimait tant. Ses bras enserraient contre elle Mr Pück, son lutin en peluche, duquel elle ne se séparait jamais. Tout en elle semblait être le parfait exemple du bonheur.

Et tout en l’observant, Franz Hopper se demandait combien de temps ce bonheur allait encore durer.

Il n’était pas dupe. Ils ne l’avaient pas pardonné, et enlever sa femme n’était pas suffisant. Ils viendraient le chercher, lui, et emporterait sa fille avec eux aussi. À moins qu’il ne les en empêche.

Mais, comment ?

Il avait miraculeusement pu leur échapper toutes ces années, en changeant son identité et son domicile, ainsi que ses activités. Lui et sa fille avaient changé de vie. Du tout au tout. Et elle s’en était remise. Mais pas lui.

Le corps frêle de l’adolescente trembla doucement, ayant soudain froid. Après avoir recouvert ses épaules de façon à ce que tout son corps soit sous la couverture, il se dirigea vers la fenêtre, et jeta un coup d’œil au-dehors.

Est-ce que ce monde était vraiment sûr pour eux ?

Non. Non, surement pas.

Et c’est bien pour cela qu’il comptait le quitter. Mais pas seul. Elle, sa fille, son dernier amour, l’accompagnerait, dans ce monde sans danger, sans ennemi, qu’il était encore en train de créer. Il devait encore changer quelques paramètres, mais avec l’aide des Retours vers le Passé, du casque neuronal et de son fidèle Xana, tout serait bientôt prêt pour leur grand départ.

Il referma doucement la fenêtre, et se dirigea à nouveau vers elle. Doucement, il se pencha jusqu’à son visage, et caressa ses cheveux, après y avoir déposé un baiser tendre.

- Ne t’inquiète pas, Aelita. Lui susurra-t-il. Je ne laisserais jamais personne te faire du mal. Je te le promets.

Toujours endormie, sa fille sourit. Lui aussi. Non, il ne laisserait jamais rien de mal lui arriver, pas comme à sa mère, qu’il n’avait pas su protéger.
Ragaillardi, Il quitta alors la salle, aussi vite qu’il y était entré, et sans faire de bruit. Tout en silence.

Tout irait bien pour eux, il le savait. Tant qu’ils étaient ensemble.

Tout irait bien.

- Ça n’a pas l’air particulièrement agressif.

L’elfe fit quelques pas de plus en avant, sans pour autant sortir de la cachette que lui offrait un groupe d’arbres.

Cela lui permit d’observer de plus près la créature étrange qui se trouvait en face d’elle. C’était bien la première fois qu’elle et ses amis voyaient ce genre de bestioles.

- Tu veux que je m’approche pour jeter un œil ?
- Surtout pas !
- C’est peut-être inoffensif.
- Je préfère ne pas courir de risque. Il apparait comme un monstre de Xana sur mon écran, et tant que je n’ai pas trouvé la Clé de la Matérialisation, on ne peut pas risquer que tu te fasses toucher.

La jeune fille acquiesça. Il est vrai que l’animal, qui passait son temps à tourner en rond dans une clairière, comme désorienté (à moins qu’il ne cherche quelque chose ?) portait bien le Signe de Xana…

- Aelita ? Reste cachée, je t’envoie les autres. Ils verront bien ce que c’est.
- Je les attends.

Et alors qu’elle entendait quelques échanges venir de l’autre monde, Jérémie envoyant des directives à ses compagnons, l’enfant continua à détailler la créature, se demandant ce que Xana pouvait bien préparer.

Aelita et ses amis n’avaient pour le moment croisé que trois types de monstres : les Blocks, les Kankrelats et les Krabes (tous baptisés par l’esprit si imaginatif du guerrier homme-chat). Cela ne faisait en réalité qu’une semaine que Jérémie avait allumé le SuperCalculateur et découvert Lyokô, et tous soupçonnaient qu’ils leur restaient encore beaucoup à connaître de ce monde numérique. Et même si c’était la première fois qu’ils le croisaient, rien ne leur disait qu’il ne s’agissait pas là d’un autre ennemi crée par le virus.

Même si il fallait avouer que son apparence était pour le moins… singulière.

La créature avait une forme circulaire, et était de couleur noire. Elle possédait plusieurs Œil de Xana, répartis sur son corps le long d’une ligne invisible qui en faisait tout le tour. Mais contrairement aux autres, ces Yeux ne semblaient pas être des viseurs.

À l’inverse des autres monstres encore, celui-ci (si monstre il s’agissait) ne possédait pas de pattes, mais se contentait de rouler. En réalité, cela ressemblait à une simple boule, comme une immense boule de bowling, sans les trous. D’où le doute d’Aelita, qui se demandait si cela pouvait réellement se montrer offensif. Peut-être ne s’agissait-il que d’un vigilant ? Sans doute se contentait-il d’arpenter les territoires pour surveiller que les Lyokô-Guerriers ne faisaient rien de nocif.

Ajoutons à tout cela qu’aucune tour n’était activée, et vous comprendrez pourquoi la jeune elfe ne se montrait pas plus inquiète que cela.

Son observation fut interrompue lorsqu’un bruit très distinct, qu’elle avait appris à identifier comme étant celui d’une matérialisation, se fit entendre plusieurs dizaines de mètres derrière elle. Quelques secondes plus tard, et elle se trouvait en compagnie d’un samouraï, une geisha et un homme-chat.

- Salut, Princesse ! la salua d’ailleurs sans attendre celui-ci.
- Salut.
- Alors, comme ça Xana nous a envoyé une nouvelle bêbête ?
- Il semblerait, oui.
- Montre-la nous. Intervint Ulrich, qui aimait le travail bien fait.

Elle s’exécuta d’ailleurs sans attendre. Dissimulés derrière les nombreux arbres qui peuplaient le Territoire de la Forêt, tous observèrent l’animal inconnu.

- C’est vraiment une drôle de bestiole. Fit Yumi.
- Mais pourquoi est-ce que Xana nous envoie des boules de billard ? Dit Odd.
- Et sans tour activée, en plus. Précisa Aelita.
- Je ne suis pas sûr de vouloir le savoir. Odd, Yumi, venez, on va allez voir ça de plus près.

Tout deux obéirent, laissant Aelita à l’abri, et suivirent de près le samouraï. Dès qu’ils eurent quitté leur cachette, le monstre se retourna vers eux, leur montrant cependant un profile semblable au premier.

- Euh, Jérémie, je crois qu’il nous as vus.
- Ce qui est difficile à dire, étant donné que cette chose n’a pas de visage.
- Bien. Soyez prudents.
- T’inquiète Einstein ! On n’a pas l’air de vraiment l’intéresser.

La créature resta stoïque, ne roulant que de quelques centimètres vers la gauche ou la droite de temps en temps, semblant indécis, alors que les Lyokô-Guerriers se rapprochaient lentement mais sûrement de lui, évitant tout geste brusque qui puisse l’amener à attaquer.

Ils n’étaient plus qu’à quelques mètres de lui lorsqu’ils s’arrêtèrent, et rien d’inquiétant n’était arrivé.

- Je le trouve vraiment très pacifique, pour un monstre. Nota la japonaise.
- Ne t’y fait pas, Yumi. Il prépare peut-être quelque chose.
- Mais non, Ulrich ! C’est évident qu’il ne veut rien nous faire, sinon il l’aurait déjà fait. J’vais te le prouver, tiens.
- Odd, attend…

Sans écouter les conseils de ses compagnons, l’italien s’avança un peu plus de la créature, un sourire fier trônant à ses lèvres. Malgré tout, le monstre n’eut aucune réaction.

Devant tant de docilité, Aelita sortit de son abri, voulant elle aussi voir de plus près leur nouveau visiteur. Elle alla imprudemment jusqu’à se laisser voir.

D’un très léger, voir imperceptible mouvement en avant, le monstre l’aperçut, alors que Odd continuait sa marche.

Et tout changea.

- Jérémie… Je, c’est bizarre, mais… il s’est ouvert.
- Odd, fait gaffe !

Jérémie se pencha vers son écran, préoccupé par l’inquiétude dans la voix de la geisha et de l’allemand. Odd lui-même s’arrêta, perplexe.

En effet, le corps de la boule, ou plutôt, ce qui semblait être sa carapace, s’était ouvert vers le milieu, laissant voir ce qui se trouvait en lui : des parois rouges, ainsi que des membres gris métalliques, sur lequel se trouvaient deux autres Signes de Xana. L’un deux faisait face à Odd, l’autre, se trouvait de l’autre côté.

Et c’est alors que Jérémie venait de comprendre que, sans préavis, le signe de Xana se gorgea d’une lumière rouge, signe évident d’un viseur sur le point de tirer.

- Attention les gars, il va tirer !
- Odd !
- Bouclier !

L’avertissement de Jérémie fut donné juste à temps : Odd activa sans tarder son bouclier, alors que des deux Signes de Xana surgissaient un magnifique rayon rouge semi-circulaire, projeté vers eux à une grande vitesse. Le rayon percuta violement le bouclier d’Odd dans sa course, comme il fallait se l’espérer.

Et il lui fallut un peu moins d’une demi-seconde pour en venir à bout et, avec ça, dévirtualiser Odd.

- Odd, non !

Les trois restants se jetèrent chacun d’un côté, pour éviter le rayon destructeur qui continuait sa course, après avoir si facilement éliminé leur compagnon. Et quand tous se relevèrent, Yumi fut la première à faire connaître sa stupeur.

- C’est pas possible… Il avait tout ses points de vie… Ça l’a dévirtualisé en un seul coup !
- Et ça a détruit son bouclier !
- Mais c’est horrible !
- Pas le temps de rester là, les gars !

Ce fut de nouveau la mise en garde de Jérémie qui les fit réagir. Le monstre s’était en effet avancé et, tout en chargeant à nouveau son viseur, se dirigeait non seulement vers eux, mais surtout, vers Aelita.

- Ah !
- Ulrich, vite ! Essaye de faire diversion, pendant que les filles filent se cacher ! Yumi, il y a une Tour sûre à l’Ouest de ta position, conduis-y Aelita sans attendre !
- Compris !

Aussitôt, ce fut la débandade : Yumi se retourna et courut vers son amie, dont elle attrapa le bras et la tira en direction de la Tour indiquée sans attendre sa réaction. Le bruit d’un tir dans leur dos attira leur attention, mais un rapide coup d’œil leur permis de voir qu’Ulrich était toujours présent.

Aelita put atteindre la tour ce jour-là, et éviter une dévirtualisation qui aurait mis fin à ses jours, comme elle eut la chance de le faire de nombreuses fois par la suite. Ce ne fut pas sa dernière rencontre avec ce monstre, par la suite baptisé « Mégatank », qui devint l’un des joujoux favoris de Xana.

Cet incident lui permis au moins de comprendre qu’elle ne pouvait se fier de rien de ce qu’elle trouverait sur Lyokô, tout aussi innocent puisse-t-il paraître (elle aurait déjà dû le savoir, après sa première rencontre avec les Kankrelats, les premiers monstres à lui avoir souhaité un bon réveil sur Lyokô).

En tout cas, aucun d’entre eux n’étaient prêts de l’oublier.