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[Fanfic] Chacun sa chimère [Terminée]

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 Auteur Message
Icer MessagePosté le: Mar 26 Oct 2021 18:24   Sujet du message: [Fanfic] Chacun sa chimère [Terminée] Répondre en citant  
Admnistr'Icer


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Avant-propos : Ce texte ne fait PAS partie d'un univers encore plus froid que le nôtre. Cliquez sur l’icône pour en savoir plus.

https://i.imgur.com/W7IYdTl.png


Spoiler


https://i.imgur.com/dnKjuX3.png


Pour accéder à un chapitre, il vous suffit de cliquer sur le logo correspondant :

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Icer MessagePosté le: Mar 26 Oct 2021 18:24   Sujet du message: Répondre en citant  
Admnistr'Icer


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J + 1

Il régnait dans le bureau du proviseur une ambiance glaciale, admirablement assortie aux vitres émaillées de givre en cette matinée d’hiver. Embusqué derrière ses lunettes, Jean-Pierre Delmas fixait un à un ses invités du jour sans plus penser à son pingouin, qui se serait pourtant épanoui par pareille météo. Les choses étaient graves.
- Bien. Je vous ai convoqués tous les six car vous êtes probablement les seuls élèves à même de savoir quoi que ce soit. Il est très important que vous me répondiez clairement si vous avez la moindre information. Je ne veux pas vous affoler mais il s’agit peut-être d’une question de vie ou de mort.
Odd Della Robbia n’essaya pas de plaisanter.
- Mais... des informations sur quoi, monsieur ?
Le proviseur les balaya une nouvelle fois du regard, s’arrêtant plus longuement sur certains, puis s’expliqua :
- Il s’agit de Laura Gauthier. Elle n’est pas venue en cours aujourd’hui, n’est pas présente à l’internat, et ses parents ont semblé le découvrir quand nous les avons appelés. De ce que m’a dit Jim, votre groupe est le seul qu’elle fréquentait un minimum. Est-ce que vous savez quelque chose ?
Il parut sur le point de vouloir poursuivre, mais choisit prudemment de se taire. Mieux valait ne pas braquer ou intimider les adolescents s’il voulait des réponses, aussi maigres soient-elles.
William Dunbar et Aelita Stones foudroyèrent Belpois du regard, au point que même lui ne pouvait passer à côté. L’intéressé rajusta ses lunettes, qui glissaient sur le pansement qui lui couvrait le nez, et fit mine de ne pas les voir. Jean-Pierre ne voulait pas l’oppresser, mais il avait envie d’en déduire que l’adolescent savait quelque chose.
- Vous savez, même à nous, Laura ne parlait pas beaucoup, argumenta prudemment Odd. Vous pensez quoi, qu’elle a fugué ? Qu’on l’a enlevée ?
- Nous ne savons pas, et ce n’est pas à l’établissement de faire des suppositions sur le sujet, tempéra le proviseur. C’est le travail de la police.
Le mot avait le don de peser dans l’atmosphère une fois qu’il avait été prononcé. La police. Les choses graves. Le spectre des rocambolesques histoires de séries américaines, peuplées de tueurs en série et de moments plus sordides. Des situations qu’on imaginait rarement transposées dans la vie réelle.
- Laura est une fille sérieuse, avança Yumi sur le même ton. Je ne vois pas trop pourquoi elle aurait fait une fugue...
- Oui, je trouve ça bizarre aussi, appuya Ulrich.
Delmas ne répondit pas tout de suite, continuant à interroger ses élèves du regard. Ceux qui avaient parlé n’étaient pas ceux qu’il aurait souhaité entendre. Il s’arrêta plus particulièrement sur William, qui fixait le sol sans décocher un mot, étant pourtant le plus habitué à se retrouver dans ce bureau, les jours précédents l’ayant encore prouvé.
- Dunbar, vous étiez assez proche de mademoiselle Gauthier, il me semble.
- Elle ne m’a rien dit non plus, répondit laconiquement le jeune homme.
Il paraissait ébranlé. Impossible de trop le pousser, c’était sûrement difficile pour lui aussi.
- Belpois, Stones, vous faites aussi partie des meilleurs élèves de la classe... avez-vous remarqué une baisse de régime chez elle ? Des résultats moins satisfaisants que prévu aux dernières interrogations ?
- Non monsieur.
Il attendit encore, mais aucune information ne lui fut livrée. Comprenant que sa démarche était vaine, il retint un soupir et permit aux adolescents de retourner en cours. Ils sortirent tous les six de son bureau, le laissant seul face aux tracas de cette disparition préoccupante.

https://i.imgur.com/eVgwitq.png


Il fallut quelques mètres dans le couloir avant que le silence ne soit rompu chez les Lyoko-guerriers.
- Très bien, je vais le dire, trancha subitement Ulrich. Est-ce qu’on a des signes d’activité du Supercalculateur ? De X.A.N.A ? De Tyron ?
- Je n’aime pas ça, marmonna Yumi.
- Eh, du calme, intervint Odd. Le Supercalculateur, on l’a éteint. X.A.N.A, pour le moment, il est hors-course non ? Et puis si c’était bien lui, pourquoi s’en prendre à Laura et pas à l’un d’entre nous ?
- Ne sombrons pas dans la paranoïa, abonda Jérémie, le regard fixé sur le bout du couloir. Ce genre d’événement peut arriver sans qu’il y ait un lien avec Lyoko.
- Tu ne comptes même pas vérifier ?
La remarque était venue d’Aelita. Le ton incisif ne laissait aucun doute sur sa réprobation. Jérémie tourna la tête vers elle, laissa passer quelques secondes, puis rétorqua :
- Réveillez-vous. X.A.N.A ne peut pas être l’excuse à tout ce qui se produit. Il est hors de question de rallumer le Supercalculateur pour ça. Je suis persuadé qu’il s’agit d’une initiative propre à Laura, c’est tout.
Sa tirade terminée, il se remit en marche vers les salles de cours.
- Comment tu peux dire ça aussi calmement, Jérémie ?
L’intéressé aurait peut-être daigné répondre, malheureusement, comme les collégiens n’avaient jamais cours, Milly et Tamiya surgirent de l’angle et les aperçurent immédiatement. Il ne leur en fallut pas plus pour dégainer micro, caméra et même une toute nouvelle micro-caméra que la rouquine semblait avoir récemment acquise pour procéder à quelques tests.
- Oh, on vous cherchait ! Vous avez un mot à dire aux Échos de Kadic sur la disparition de Laura Gauthier ?
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Zéphyr MessagePosté le: Ven 29 Oct 2021 18:16   Sujet du message: Répondre en citant  
Z'Administrateur


Inscrit le: 16 Mar 2013
Messages: 1110
Localisation: Au beau milieu d'une tempête.
Vous êtes bien placés pour connaître notre politique en matière de retours publics sur les textes donc fatalement, il n'y a que moi pour représenter le Pôle et vous juger, en approchant l'air de rien mon compteur des 1100. Mr. Green

Ce Prologue est très accrocheur (une enquête, du moins en apparence, ça me plaît), avec le meilleur de vos deux mondes : un scénario léché, une belle présentation (le logo est plutôt classe mais c'est bien une plaque d'égout, je ne rêve pas ?), une syntaxe propre, une ambiance correctement posée et un style... bon c'était surtout du dialogue, difficile de vraiment juger mais j'ai foi en la plume efficace d'Ikorih pour faire le travail minimum.
Le scénario de base est propice aux embrouilles au sein du groupe des Lyokô-guerriers. C'est quelque chose qui n'est pas si courant que ça en fanfiction, alors que ça fonctionne diablement bien avec un peu d'imagination. Jurisprudence Léana.

D'autant plus que, je place pour l'heure une pièce sur le fait que Laura ne doit pas être si loin que ça. L'Usine est une première piste envisageable, notamment au vu de votre logo, qui semble être ce que je suppose plus haut.

Bref, j'espère que ce texte se/nous trouplera bien !
_________________
http://i.imgur.com/Z94MNN5.png

« Jérémie avait fait un superbe travail. Ce dernier voyage sur Lyokô promettait d'être inoubliable. »
Un jour, peut-être.
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Ikorih MessagePosté le: Jeu 11 Nov 2021 09:23   Sujet du message: Répondre en citant  
M.A.N.T.A (Ikorih)


Inscrit le: 20 Oct 2012
Messages: 1529
Localisation: Sûrement quelque part.
Spoiler


https://i.imgur.com/BfvGGDI.png




J – 168

Il faisait sombre et il pleuvait à verse. Les bourrasques hurlantes menaçaient de fracasser les branches des marronniers de la cour, leurs feuilles rouillées par l’automne saisissaient l’occasion pour quitter le navire. Les gouttes tambourinaient aux fenêtres du deuxième étage du bâtiment de sciences, siphonnant l’attention des élèves de première. La pause de dix heures ne s’annonçait pas sous les meilleurs augures, mais il restait encore une vingtaine de minutes de cours. Peut-être qu’une éclaircie surviendrait ? Pour le moment, la seule lumière venait de l’éclairage électrique de la classe. Cela créait une drôle de démarcation avec l’obscurité qui régnait dehors.
Une frontière similaire existait au milieu de la table de la colonne de droite, au troisième rang. Côté rangée, on trouvait Yumi Ishiyama : rayonnante, attentive, buvant les paroles de Madame Hertz sans même se rendre compte de la tempête au dehors, tenant son cahier de sciences en ordre. Après tout, il était temps de profiter d’une vie normale et bien rangée, non ? Quelle meilleure occasion pour reprendre ses études en main ?
Côté fenêtre, il y avait William Dunbar, qui était d’une humeur plus similaire à l’orage. À vrai dire, il regrettait son placement qu’il pensait pourtant stratégique à peine un mois plus tôt. Lui aussi avait cru au retour de la vie normale. Il s’était dit que cette nouvelle année pouvait être l’occasion de finalement damer le pion à Ulrich, ou au moins de passer les cours de physique en bonne compagnie...
Mais non. La japonaise avait récemment officialisé sa relation avec son rival, et William héritait du rôle du sympathique voisin de table qui pouvait occasionnellement dépanner d’une paire de ciseaux. Il n’avait pas la tête à suivre les explications de la professeure sur l’interaction forte, et se doutait qu’il le regretterait plus tard. Le trou laissé dans sa scolarité par X.A.N.A était loin d’être réparé. Il avait atterri en filière scientifique un peu par défaut, désintéressé du reste et encouragé par ses parents et le corps enseignant, alors que ses résultats en maths avaient commencé à chuter de façon inquiétante dès son retour sur Terre. Comment un foutu spectre pouvait-il savoir résoudre des équations mais pas mener une conversation normale ?
Repenser à X.A.N.A n’arrangeait pas son humeur. Il aurait pourtant dû considérer que tout ça était derrière lui. Mais non, ça ne l’était pas. Il ne parvenait pas à s’en convaincre. Le Supercalculateur était éteint, X.A.N.A dormait dans un drôle d’entre-deux, et les autres parvenaient vraiment à s’en satisfaire ? Lui, non. Son compte à régler le tenaillait. Le danger était toujours là, alors pourquoi fallait-il que Yumi ait ce sourire niais sur le visage ?!
« Respire, William, respire... »
Non, décidément, tout ceci le dérangeait. Il copia distraitement le schéma du tableau sans nécessairement le comprendre, accéléra la cadence en réalisant que Madame Hertz commençait à l’effacer pour passer à la suite. Mais suite il n’y eut pas : la cloche la coupa dans son élan. Elle poussa un soupir en entendant ses élèves ranger leurs affaires avant même qu’elle se soit retournée, mais les laissa partir sans rien ajouter. Elle s’énerverait une autre fois pour leur manque de savoir-vivre.
Yumi fut parmi les premières à sortir, le regard rivé sur son portable. William retint une moue agacée, devinant bien ce qui pouvait la motiver, et lâcha sa trousse dans sa besace d’un geste contrarié. Cette journée s’annonçait aussi morose que la pluie qui battait encore les carreaux. Il n’était pas pressé d’être dehors. Peut-être qu’Odd pourrait raconter une blague ou deux, mais dans la pratique, il ne passait pas tant de temps que ça avec les Lyoko-guerriers. Ex-Lyoko-guerriers. Le souci, c’était qu’il n’avait pas tellement d’autre option, à part rester dignement seul.
Les arcades étaient subitement devenues très populaires. Elles étaient même noires de monde, contrairement au reste de la cour qui était davantage noir de pluie. Quelques rares outsiders avaient colonisé l’abri relatif des arbres et il fut tenté de faire de même pour s’épargner la surpopulation. Ceci étant, il pouvait aussi s’éclipser dans les couloirs pour son prochain cours…
L’option parvint à le convaincre. Ça lui éviterait de subir Ulrich et Yumi. Aussi discrètement qu’il était arrivé, il se faufila dans le bâtiment principal. Bien sûr, il n’était pas le seul à avoir eu l’idée : il croisa d’autres élèves dans les couloirs. L’une d’entre elle le regarda à peine avant de disparaître dans l’escalier, mais elle le laissa songeur.
Laura. Probablement l’un des problèmes les plus épineux qu’ils avaient rencontrés cette année. Il ne s’était jamais fait la réflexion, mais avant de fréquenter Jérémie pour le Supercalculateur, elle n’était probablement pas souvent accompagnée. La petite blonde faisait partie de ces électrons libres qui ne paraissaient pas souffrir de la solitude.
William repensa à leur improbable coopération qui avait tourné au cauchemar. Pourtant, elle partait d’une bonne intention. Il l’avait suivie de son plein gré. Et puis... les Lyoko-guerriers s’étaient débarrassés d’elle pour une erreur. Ça avait quelque chose de familier, maintenant qu’il s’en rendait compte. Une bévue, une xanatification, une sortie pointée. Bien entendu, cette règle ne valait pas pour les membres du groupe de base. Combien d’encouragements Jérémie avait-il reçu, le jour de l’anniversaire d’Aelita, alors qu’il enchaînait les catastrophes ?
Désormais debout près de l’entrée de la salle de français, William suivait du regard les gouttes sur le carreau. Allait-il finir comme Laura, tout seul ? Maintenant que X.A.N.A était « vaincu », combien de temps les autres se préoccuperaient-ils de lui ?

https://i.imgur.com/eVgwitq.png


J – 168

Officiellement, X.A.N.A était vaincu, enfin, bloqué dans une machine en sommeil dans l’attente d’être vaincu lors de sa réactivation pour être précis, et ce depuis quelques jours. Le bon élève en maths qu’était Jérémie n’avait d’ailleurs pas mis longtemps à se représenter les jours passés entre l’extinction du Supercalculateur... et son rallumage. 9 jours. Sous l’impulsion d’Aelita.
Il avait fallu 4 jours pour que sa belle se mette à le dévisager un peu trop du regard sans rien demander. 6 pour qu’elle commence à tapoter nerveusement avec sa main en classe comme si elle n’était pas satisfaite de quelque chose. Et les deux jours suivants... Belpois pouvait remercier le week-end familial prévu de longue date avec ses parents qui lui avait ôté la joie de la compagnie d’Aelita. Car au neuvième jour, le lundi, Stones venait lui demander s’ils pouvaient reprendre la recherche de sa mère. C’était aussi le moment où « Einstein » avait compris que, dans l’intervalle, elle avait tenté de mener ses recherches seule, depuis son ordinateur portable... sans succès logiquement.
Jérémie pouvait difficilement en vouloir à Aelita d’avoir comme objectif premier de retrouver sa mère. Après tout, son père mort quelques mois plus tôt, on ne pouvait pas lui reprocher de se raccrocher à sa seule famille connue. Et à dire vrai, celui qui avait lutté plusieurs années contre une intelligence artificielle élaborée sur un supercalculateur quantique pensait que cela allait être une formalité. Hélas. Ses propres tentatives depuis sa chambre n’avaient rien donné.
Ainsi, d’un commun accord, les deux intellos avaient décidé de rallumer la machinerie de l’Usine, une aide précieuse, alors que Tyron n’avait toujours donné aucun signe de vie, laissant supposer qu’il se débattait encore avec la merde dans laquelle la dernière visite des Lyoko-guerriers sur le Cortex l’avait plongé. Une situation relativement safe pour envisager d’utiliser la puissance de Lyoko sans risquer a priori une activation de tour de la part de X.A.N.A, ce qui signerait quand même son troisième retour. Mais pour le moment, cela n’avait pas suffi. Ce qui expliquait qu’ils soient encore coincés à l’Usine.
Il y avait quand même quelque chose de bizarre dans tout ça. Les Lyoko-guerriers savaient avec quasi-certitude que Tyron était en Suisse, certes un pays étranger mais d’une part, un petit pays et d’autre part, un pays dont le français était l’une des langues officielles. Il y avait quand même, sur le papier, plus difficile comme terrain de jeu. Pourtant... chou blanc donc. Le blondinet, le teint verdâtre en raison des murs de la même couleur du labo où il se trouvait actuellement avec Aelita, se disait justement qu’il était temps de passer à table, au sens métaphorique du terme :
- J’ai fini d’écumer tous les registres d’état civil des localités suisses grâce au Supercalculateur. C’est à n’y rien comprendre Aelita, ni ta mère, en tout cas sous son vrai nom, ni Tyron, en tout cas sous le nom qu’on lui connaît, n'apparaissent !
Stones, ordinateur portable sur les genoux, soupira, signe qu’elle n’était pas en position d’annoncer de meilleures nouvelles.
- Je ne comprends pas. Il s’est présenté à Kadic comme professeur, rappela la « belle-fille » de l’homme au centre de la discussion.
- Oui et puis le manège de Graven recoupe ça. Pour moi, il enseigne dans le supérieur, ou plus probable encore, il est à la tête d’une école, certainement privée.
- Mais Jérémie, comment un mec pareil peut-il disparaître d’Internet !?
Sa voix devenait aiguë. Elle commençait à perdre ses nerfs. C’était logique.
- Aelita. Tu as déjà essayé de retrouver ta mère par internet, et ça n’a rien donné. Je pense que Tyron mène...
Il hésita.
- ...une double vie. Son travail avec son supercalculateur, les ninjas... et donc ta mère qui est liée à ce projet, doivent être secrets, totalement déconnectés de l’estimé professeur, personnage public.
La fille à la crinière rose secoua pourtant la tête de refus.
- Non, je n’y crois pas. Il a donné Tyron comme nom au provo, et dans sa vidéo, ma mère révélait carrément son prénom, Lowel. Ce qui signifie que c’est Lowel Tyron son nom public. Sinon il aurait donné l’autre !
- Je sais bien, mais c’est précisément ce sur quoi j’ai basé mes recherches jusqu’ici. Un élément doit nous échapper. Mais je ne vois pas quoi. Et imagine qu’il ait aussi menti sur la Suisse au passage ?
Il s’attendait à une nouvelle protestation, mais la fille au contraire commençait à avoir les yeux brillants. Elle n’allait tout de même pas se mettre à pleurer ? Cette simple idée mettait Jérémie mal à l’aise, ainsi, il tenta de désamorcer la chose :
- Je vais lancer de nouvelles recherches pendant la nuit. Jusqu’ici, on s’est basé sur les noms mais pas les données personnelles comme les caractéristiques physiques. On va prendre les fourchettes qui collent à Tyron et Anthéa et on triera les résultats nous-mêmes. Ce sera un peu long mais...
- Super idée ! se réjouit Aelita en lui sautant au cou pour l’embrasser sur la joue.
Pas mal. Celui qui était moqué pour son absence de qualités diplomatiques il n’y avait pas si longtemps avait visiblement rattrapé son retard dans l’intervalle. Les deux tourtereaux prirent donc 45 minutes supplémentaires pour paramétrer ce nouveau scan. Puis, épuisés par l’heure tardive, ils quittèrent les lieux, jaillissant dans la nuit claire mais fraîche, la pluie de la journée ayant bien fait descendre la température.
Aelita lui donnait la main et était actuellement occupée à siffloter légèrement. Jérémie lui, ne parlait pas. Il était préoccupé. Cette idée de recherches via les données personnelles – il pouvait féliciter les Suisses d’avoir de belles archives informatiques, si Anthéa avait été au Ghana ou un autre pays du tiers-monde, cela n’aurait pas été la même musique – était certes un coup de génie, mais ce n’était pas non plus une recette miracle. Si cela échouait, il allait lui falloir un nouveau plan B. Sinon... le sourire discret mais bien réel actuellement perceptible sur le visage d’Aelita ne risquait pas de durer longtemps.

https://i.imgur.com/eVgwitq.png


J – 166

William était peut-être trop tendu. Ça ne lui était jamais arrivé de s’énerver sur la prof d’espagnol, mais enfin, si elle mettait les cours de soutien à des horaires plus décents, il n’en serait sûrement pas arrivé là. Une excuse à laquelle Monsieur Delmas serait sûrement peu réceptif...
Expulsé de cours pour les dernières vingt minutes avant la pause déjeuner, il était tenu d’aller se présenter chez Monsieur le proviseur, une expérience qui n’aurait certainement rien d’agréable et n’arrangerait pas la journée pourrie qu’il avait passée jusqu’ici. Son sac à l’épaule et son plus bel air maussade sur le visage, il arrivait en vue de la fameuse porte... pour constater qu’il n’était pas le premier à s’y être rendu. A priori, rien de révolutionnaire.
Oui mais voilà, qui se serait attendu à trouver Laura Gauthier devant la porte de Delmas ? À en juger par sa moue pincée, les choses ne se passaient pas comme elle l’entendait. Elle ne remarqua William que quand il fit part de sa curiosité :
- Laura ? Qu’est-ce que tu fais là ?
L’interpellée soupira, avant de s’expliquer :
- Des tracasseries administratives évidemment. Kadic s’est aperçu après coup qu’il manquait un élément à mon dossier d’inscription. Je suis là pour récupérer le duplicata signé de la main de Delmas au secrétariat... Mais Madame Weber n’était pas là quand j’ai jeté un œil. J’espère qu’elle reviendra d’ici midi, s’agaça-t-elle.
William haussa un sourcil, peu habitué à avoir une réponse que Laura ne possédait pas. Par contre, il dut en effet reconnaître que, pour être parfaitement exact et contrairement à son premier constat, Gauthier ne patientait en effet pas devant la porte du proviseur, mais plutôt devant celle juste à côté, de Madame Weber.
- Tu vas attendre longtemps : on est mercredi, c’est son jour de repos.
La jeune fille pâlit, peut-être d’agacement ou de honte d’être prise en défaut de la sorte. Elle marmonna entre ses dents :
- Quelle idiote, comment j’ai pu oublier ça ?
Elle ne distribuait pas les remerciements facilement. William fit comme si de rien n’était.
- Et toi, d’ailleurs, qu’est-ce qui t’amène ? poursuivit Laura pour détourner le sujet.
- Oh, euh... Je me suis pris le bec avec la prof d’espagnol, avoua-t-il avec un petit rire. Un truc bête, en plus, ce n’était pas très malin de ma part.
- Non, en effet. Enfin... au moins ça m’aura évité de poireauter là une demi-heure de plus, répondit Laura dans ce qui ressemblait presque à une maladroite tentative d’humour.
La blonde commença à s’éloigner, abandonnant William à son triste sort aux mains du proviseur. L’adolescent choisit cependant d’exploiter adroitement la brèche qui venait de s’ouvrir dans la muraille de glace habituelle de son interlocutrice. Autant assurer son avenir social hors du groupe des Lyoko-guerriers.
- On mange ensemble ce midi ? Enfin, si tu n’as rien de prévu, demanda-t-il en sachant pertinemment qu’elle était libre, vu son absence de fréquentations.
Laura le dévisagea pendant une seconde, un peu surprise par cette approche des plus directes. Après tout, William n’avait jamais été connu pour sa subtilité.
- Pourquoi pas, accepta-t-elle pourtant.
Ce fut donc à l’issue d’un remontage de bretelles dans les règles de l’art – le proviseur allant même jusqu'à lâcher le mot « voyou » à son endroit – que William se retrouva au self, plateau en main, à chercher la jeune fille du regard en espérant ne pas s’être fait poser un lapin. Mais non, elle était bien assise seule à une table dans un coin, évitée par le reste du monde.
Le brun coula un regard à la table bien remplie et très animée des Lyoko-guerriers. La simple perspective de manger face à Ulrich et Yumi lui fit froid dans le dos, et il se dépêcha de rejoindre Laura, qui avait attaqué ses haricots du bout de la fourchette. Elle lui parut encore songeuse, mais il lui était difficile d’imaginer ce qui pouvait trotter ainsi dans cet esprit si différent du sien.
- Les miracles existent, je n’ai pris aucune heure de colle ! lança-t-il en s’asseyant.
- Oh, j’imagine que Monsieur Delmas a réussi son niveau de Flipenguin avant de te recevoir, ironisa-t-elle.
- Son quoi ?
- Tu n’es pas au courant ? releva-t-elle. Le proviseur passe son temps libre sur une sorte de petit jeu débile à base de pingouins.
- Ce serait là le secret de la fameuse administration française ? plaisanta-t-il.
Laura esquissa un sourire, plus réceptive à son trait d’esprit qu’il ne l’aurait espéré. Il avait un peu craint de se faire aligner sur une notion de physique quelconque, mais ça n’en prenait pas le chemin. Rassuré par la tournure de la discussion, il s’accorda une pause le temps d’avancer dans le contenu de son assiette. La blonde jeta un coup d’œil à la table occupée par leurs anciens amis communs (bien qu’elle n’en ait aucun souvenir) et fit remarquer :
- Tu ne traînes plus avec la bande de Belpois ?
Le sujet était tout de suite moins léger. William prit son temps pour répondre, temporisant à l’aide de son steak.
- Non, plus tant que ça.
- Vous vous êtes disputés ?
- C’est beaucoup dire... Ils me saoulent un peu ces jours-ci, je me suis dit que c’était l’occasion de passer du temps avec d’autres personnes.
Il choisit prudemment de ne pas développer le fait qu’elle lui paraissait souvent seule et qu’il se reconnaissait là-dedans. Et, bien entendu, hors de question d’évoquer la série d’événements dont il était le seul des deux à se rappeler.
- Tu sais, tu peux le dire directement si t’as besoin d’aide en physique, soupira Laura. Tu serais pas le premier à me demander des explications. J’ai même un terminale qui est venu me voir l’autre jour, alors...
- Non, c’est pas ça, protesta William. Enfin, oui, je suis un manche en physique, mais ce n’est pas juste pour ça que j’avais envie de te parler. C’était un peu sur un coup de tête à la base, mais je te trouve sympa.
Ces explications un peu en vrac ne parurent pas totalement convaincre Laura. Peut-être était-elle en train d’analyser tout ça avec son grand esprit rationnel, en tout cas elle parut continuer à tolérer sa compagnie.
- Comment ça se fait que tu sois en S si tu es un manche en physique, d’ailleurs ? fit-elle remarquer.
- Euh...
William chassa de son esprit la période de sa réplique et tous les déboires dont il avait eu vent. Heureusement que ça s’était tassé bien avant l’arrivée de Laura...
- Un peu par élimination, l’économie et la philo c’était encore moins mon truc, avoua-t-il. Et puis mes parents trouvaient ça bien que je fasse S alors je suis allé dans leur sens.
- Ah, ça... abonda Laura avec un hochement de tête.
Il repensa à la seule fois où ils avaient eu vent du père de la jeune fille. Ça s’était assez mal terminé, mais grâce à ça il était conscient de la pression qui pouvait peser sur elle. Lui-même s’en tirait vraiment bien, tout compte fait.
Et cette conversation ressemblait enfin à quelque chose d’un peu personnel.

https://i.imgur.com/eVgwitq.png


J – 164

- Dites donc les supertronches, pour des cerveaux à la retraite, on ne vous voit pas beaucoup ces temps-ci !
Le propos, qui conjuguait habilement compliment et reproche, était signé Odd, alors que lui-même, Aelita et Jérémie – les deux visés par la réplique bien entendu – ainsi que Ulrich et Yumi – inséparables depuis peu – étaient réunis au réfectoire. Ledit propos était d’ailleurs suffisamment annonciateur de révélations croustillantes, pour que Stern et Ishiyama tournent le regard, majoritairement croisé entre eux jusque là.
Mais Jérémie n’était pas né du dernier système d’exploitation Windows (et heureusement d’ailleurs, puisque celui-ci était jugé par la majorité comme vraiment naze) : avec le niveau de difficulté pris par les recherches sur la mère d’Aelita, il en avait évidemment anticipé les conséquences concrètes dans la vie de tous les jours, même si ironiquement, il n’avait pas encore eu le temps de réellement redécouvrir la « routine ».
Il avait eu le temps en revanche de se demander si, confronté à ce type de questions, il devait la jouer honnête, pas trop, ou même pas du tout. Pour une raison inexplicable, la bande des Lyoko-guerriers avait tendance à considérer que le Supercalculateur, allumé, constituait une menace, ce qui n’était pas tout à fait vrai : la machine n'hébergeait d’une part plus X.A.N.A, et d’autre part, elle n’en était pas exactement à l’origine, c’était Franz Hopper qui l’avait créé dessus. Un nouveau danger n’allait pas éclore de lui-même... et le savant susmentionné était mort, ce qui était triste mais, toutes choses égales par ailleurs, diminuait fortement les probabilités qu’il utilise de nouveau ce Supercalculateur-là pour recréer un X.A.N.A bis.
Mais Belpois avait déjà suffisamment de soucis en tête pour ne pas s'embarrasser en plus des doutes et inquiétudes des autres s’ils apprenaient la vérité. Un deal passé d’un commun accord avec Aelita, pour qui la priorité numéro 1 était de retrouver une piste pour contacter sa mère. Aussi, les escapades à l’Usine étaient officiellement des escapades « en amoureux » en ville, ce qui suffisait à ne pas être suivi. Escapades qui pouvaient se terminer bien tard, comme la fois dernière, mais cela était excusé par toutes les années de lutte contre X.A.N.A qui avaient, aux yeux des trois autres, (trop) longtemps mis la relation entre les deux intellos entre parenthèses. De plus, la fermeture des grilles n’était rien pour ceux qui pouvaient continuer de profiter du passage des égouts... C'était certes un peu gros mais, pour les quelques jours de recherches prévisionnels – Jérémie espérait vraiment que cela n'irait pas au-delà – cela passerait. D'ailleurs, Aelita n'innova en rien en répondant à Della Robbia :
- Eh, Odd, tu pourrais nous accorder le droit de nous évader un peu avec Jérémie.
Jérémie avait souri en prêtant l'oreille à la réplique. Nul doute qu'Ulrich, Yumi et Odd interpréteraient cela comme une réaction mièvre. Il n'en était rien : la mimique de Belpois traduisait son amusement en constatant qu'Aelita était la première à le défendre, mais surtout quand ses propres intérêts étaient en jeu. C’était toujours ça.
- Bien sûr, bien sûr ! répondit le clown mauve en surjouant, comme souvent. Je sais ce que c’est.
- Ah bon ? réagit son camarade de chambre. Parce qu’aux dernières nouvelles, ça patine sérieusement avec Sam. Les roses devaient bien finir par faner...
- Oh ça va, je gère, c’est juste des complications mineures, assura le Don Juan. Tu sais bien qu’une fille amoureuse est rarement logique.
Le brun ne répondit pas, tournant à nouveau – cela relevait du réflexe pavlovien désormais – son regard vers la japonaise. Jérémie, qui pourtant n’avait jamais fait montre d’un grand intérêt pour les relations sociales, était surpris de constater qu’il anticipait – du moins l'espérait-il – parfaitement l’implicite qui devait se dérouler entre ses deux amis : Ulrich voulait sans doute faire comprendre à Yumi que elle, elle était différente, et que c’était pour cela qu’il l’avait choisie, un truc dans le genre. Tous les garçons faisaient ça. La plupart mentaient du coup, simple loi statistique élémentaire pour peu que la différence soit associée à la rareté. Ou alors, si chacun était si différent, comment pouvait-il y avoir des règles communes ?
Cette sérénité nouvelle et apparente dans les relations sociales de Belpois n'était en fait qu'une façon d'occuper temporairement son gros cerveau avec autre chose que son tout aussi gros problème du moment : le plan B dans la recherche d'Anthéa Hopper ou même de Lowel Tyron n'avait à nouveau rien donné. Un constat achevé hier soir lorsque, depuis l'ordinateur de la chambre de Jérémie, Aelita et lui-même avaient terminé de faire le tri dans les résultats des recherches menées au préalable depuis l'Usine.
L'heure tardive avait permis à Jérémie de jouer la montre en proposant à Aelita d'aller se coucher – séparément bien sûr, le règlement intérieur de Kadic avait été suffisamment violé pour la soirée, si l'on pouvait dire – parce que bien entendu, la nuit porterait conseil, qu'ils en reparleraient demain... c'est à dire aujourd'hui. Le fait que Stones ait répondu de la sorte à Odd semblait indiquer qu'elle y croyait encore. Sous-entendu, qu'elle attendait de lui un plan C lorsqu'ils auraient l'occasion d'aborder ce sujet. Mais de plan C, il n'en avait pas, à moins de considérer que Tyron avait en fait sciemment menti en parlant de la Suisse et qu'il se cachait en réalité dans un autre pays – la Belgique par exemple, moins classe, mais tout aussi proche, et ayant également le mérite de parler français. Du moins, un certain type de français...
Mais au-delà du fait que Jérémie ne croyait pas à cette théorie, cela ne ferait que repousser le problème. Non, la vraie solution, c'était qu'Aelita tourne la page définitivement. Alors oui, il savait que c'était dur. Oui, lui qui avait toujours eu ses deux parents, n'était pas le mieux placé pour lui dire de grandir, mais en attendant, c'était lui qui sacrifiait son temps dans le vide. Il l'avait déjà suffisamment fait, contre X.A.N.A, même si dans ce cas-là, c'était simplement le fait d'assumer ce qu'il avait lui-même provoqué. Et si Tyron finissait par trouver la solution au virus balancé dans son supercalculateur, la lutte virtuelle allait reprendre, raison de plus pour profiter du temps mort actuel. Jérémie avait bien besoin de repos, et il aurait aussi, en objectif secondaire non-négligeable, enfin voulu réellement faire avancer sa relation avec Aelita – qui était quand même à l'origine du début de la lutte susmentionnée, donc il fallait boucler la boucle. Mais les obsessions actuelles de la jeune fille pour sa mère l'en empêchaient totalement à ce stade. Bref, c'était la grosse impasse.
La journée de cours chargée permit toutefois à Jérémie de mettre entre parenthèses ce problème quelques heures, un état de fait facilité par la possibilité de s'asseoir à côté d’Ulrich au lieu d’Aelita dès la deuxième heure de cours. Odd, en effet, n’avait rien trouvé de mieux que de se faire expulser dès la première heure pour une tentative de drague en plein cours manquée sur Élodie – cocasse, mais révélateur pour celui qui venait de déclarer être encore sur le coup avec Sam – cumulée à une tentative de jeux de mots douteux lorsque Madame Hertz lui avait demandé ce qu’il faisait. C’était aussi l’occasion de profiter un peu de son pote brun, les temps de cours étant le dernier endroit où il n’était pas collé à Yumi en dehors des heures de couvre-feu du règlement intérieur.
Mais même une journée de cours dense – quatre heures le matin, quatre heures l’après-midi, une heure seulement de pause pour manger – avait ses limites et, au soir, Jérémie se retrouva en tête à tête avec Aelita au self. L’occasion pour lui de se souvenir que ladite journée dense était en fait celle du vendredi, que par conséquent, Ulrich avait pour habitude de faire le mur ce soir-là pour manger avec Yumi en ville et qu’Odd n’avait plus donné aucun signe de vie depuis son expulsion, y compris dans son secteur de prédilection, la cantine. Au regard lancé par Aelita à peine son plateau posé sur la table, il savait qu’il allait y avoir droit. Il n’était, cette fois, pas question de se dégonfler.
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TheresaMccoy MessagePosté le: Ven 12 Nov 2021 13:03   Sujet du message: Répondre en citant  
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Bonjour,

J'ai du mal à cliquer sur l'icone hors que j'ai vraiment envie de lire le permier chapitre, l'histoire est vraiment intéressant.
Je crois que j'ai un petit soucis avec la connexion.je vais essayer plus tard.
Sinon je vous remercie pour le partage. trop cool Smile Smile
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Icer MessagePosté le: Lun 22 Nov 2021 18:24   Sujet du message: Répondre en citant  
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J – 158

- Je maintiens qu’on aurait été mieux à la bibliothèque, souligna Laura d’un ton professoral en rajustant le pli de sa jupe.
- Tu parles, pour une fois qu’il fait beau !
William n’avait pas tort : le ciel était agréablement dégagé, ce qui n’avait pas toujours été le cas les jours précédents. Mais même avec un tel argument de poids, réussir à convaincre Laura de s’aventurer à l’extérieur relevait de l’exploit. Si elle n’était en rien hostile au charme de la nature, elle aimait avoir un cadre plus conventionnel pour travailler, même quand il s’agissait simplement de reprendre des notions de base.
- Beau, c’est un peu exagéré, corrigea-t-elle avec un regard méfiant pour le nuage gris qui dérivait dans un coin du ciel. Tu ne diras sans doute plus ça quand on se sera pris une averse.
Il avait prévu cette éventualité : ils étaient assis sous un arbre.
- La bibliothèque est blindée de monde à cette heure-ci, de toute façon, rappela William.
- C’est vrai, admit-elle.
Il n’avait pas été si difficile de trouver un argument auquel elle puisse être sensible : elle n’aimait ni le bruit ni les gens, deux choses qui allaient fréquemment ensemble. Aux pires moments de la journée, l’autorité toute relative de Jim ne suffisait plus à contenir le niveau sonore de la bibliothèque, tout spécialement quand Della Robbia entamait un tennis à l’aide d’une boule de papier.
Ici, peu de risque d’en arriver là, et c’était précisément pour ça que William avait suggéré de bouger. Au fond, il se fichait un peu de savoir dériver correctement une fonction ou de comprendre les dessous de la physique nucléaire. Il avait surtout envie d’avoir un moment seul avec Laura. Puisqu’ils avaient échangé à pas mal de reprises depuis l’épisode de la cantine, il avait conclu que la perspective de passer du temps avec lui ne la rebutait pas, ce qui était encourageant. Souffrait-elle plus de la solitude que ce qu’elle voulait bien montrer ? Il n’osait pas s’avancer jusque-là. Ce qui se passait dans l’esprit de la jeune fille était difficile à saisir, et pour le moment il n’en avait pas toutes les clés. Peut-être que ça changerait à l’avenir.
- Alors, qu’est-ce que tu voulais revoir ? s’enquit Laura qui ne perdait jamais le Nord.
- Ah, euh, attends...
Il s’acheta quelques précieuses secondes en partant à la recherche de son cahier de maths dans son sac, puis encore quelques autres en le feuilletant pour tomber sur la bonne page.
- Là, c’était cet exercice, j’ai pas bien compris comment j’aurais dû faire.
- Tu as l’énoncé ?
- Euh... attends.
Il était reparti pour une nouvelle fouille dans son sac. Elle soupira.
- William, il faut toujours commencer par recopier l’énoncé... C’est beaucoup plus simple quand tu veux reprendre l’exercice ensuite.
Peut-être était-ce son imagination, mais elle lui sembla plus amusée qu’exaspérée par cette erreur de débutant qu’il aurait sans doute pu arrêter de commettre maintenant qu’il était en première.
Une fois qu’elle eut sous les yeux les consignes et ses gribouillis confus, elle les examina pendant une fraction de seconde avant de pointer un index réprobateur sur une expression.
- Tu as dérivé un quotient sans utiliser la formule dédiée. Ton expression est fausse à partir de là.
Visiblement d’humeur magnanime, elle lui emprunta un stylo et inscrivit la fameuse formule dans une marge du cahier, allant même jusqu’à l’encadrer pour une visibilité optimale.
- Comme c’est la plus compliquée, les professeurs aiment certainement la ressortir, précisa-t-elle. Mieux vaut la connaître. Tu peux t’appuyer sur celle de la dérivée d’un produit, qui lui ressemble un peu dans l’esprit.
- Hum, sans doute, répondit prudemment William pour qui la similitude n’était pas évidente.
Il reprit malgré tout l’exercice avec cette nouvelle donnée en main, en prenant garde à ne pas s’embrouiller dans les termes désormais bien plus touffus de sa dérivation. Comme sa professeure du jour ne paraissait pas décidée à le stopper, il en conclut qu’il était sur la bonne voie et termina les simplifications avant de l’interroger du regard.
- Oui, ça m’a l’air bon, confirma-t-elle.
- Je m’attendais à ce que ce soit plus compliqué sur le fond, avoua-t-il.
- Pour arriver à calculer une dérivée, tu n’as pas trop besoin de t’interroger sur sa signification mathématique. Appliquer les formules du cours suffit et elles ne sont pas trop contraignantes. C’est juste une question de développement et de ne pas oublier de morceaux de l’expression.
Il ne s’étonna pas vraiment que Laura ne puisse s’empêcher d’analyser jusqu’à l’exercice lui-même, et esquissa un sourire. Sur certains points, elle était facile à... calculer.
- Ok bah j’en referai quelques-unes tout seul et je te rappellerai si j’ai des soucis, je vais pas te faire trop traîner. On regarde les polynômes ?
Elle l’invita à procéder d’un signe du menton. William tourna quelques pages, dut reprendre une fois encore son livre car l’énoncé n’était pas noté, et finit par être en mesure de lui exposer son problème.
- Là j’avais trouvé des racines à ce polynôme mais ça me semble bizarre vu l’expression, et puis Chloé disait qu’il était strictement positif alors je me suis dit que j’avais dû me planter quelque part...
- Montre.
Sans attendre de réponse de sa part, elle tira le cahier à elle et analysa le problème de son œil inquisiteur.
- Oui effectivement, ça c’est strictement positif... marmonna-t-elle. Ah, je sais, c’est encore un problème de formule, pour calculer le delta cette fois.
- Décidément, soupira William.
Il ne savait pas s’il devait se réjouir de ne pas être si stupide ou se désoler d’avoir une mémoire aussi douteuse. Son oncle lui avait toujours dit qu’un jour, il oublierait même comment nager.
- Je vais te la noter aussi, tant qu’à faire.
Laura était pleine d’assurance en parlant, pourtant le stylo s’arrêta à quelques millimètres du papier. La lycéenne arqua ses fins sourcils, en proie à un doute soudain que William n’osa pas interroger.
- C’est pas vrai, pesta-t-elle entre ses dents avant de replonger le nez dans le manuel. Pas moyen de m’en rappeler.
- Ça va, toi t’as jusqu’à l’année prochaine pour l’apprendre, risqua William. Les oublis ça arrive.
- Peut-être... mais ça m’arrive plus souvent que par le passé, répondit-elle sans se départir de sa mine contrariée.
Elle lui nota la fameuse formule avant de poursuivre :
- J’ai du mal à décrire ça, c’est comme si j’avais le truc sur le bout de la langue sans m’en rappeler. Et je suis quasiment sûre que ça ne m’arrivait pas l’an dernier. C’est un peu inquiétant, mais je n’ai pas encore osé googler les symptômes d’Alzheimer, conclut-elle avec une pointe d’humour.
Il en aurait eu froid dans le dos. Il se rappelait tout à fait de ce retour vers le passé si spécial lancé par Jérémie, supposé effacer seulement la partie de la mémoire de Laura en rapport avec la bande et le Supercalculateur...
- C’est peut-être le stress d’arriver au lycée, inventa William avant que le malaise ne devienne tangible. Tu en as parlé à tes parents ?
« Merde quel con, son père est un genre de dragon... » se rappela-t-il trop tard.
- Clairement pas, répondit-elle en riant un peu jaune. Mais tu as peut-être raison sur les causes, j’essaie de ne pas trop m’alarmer.
- Quelque part c’est rassurant pour les péons dans mon genre de voir que les génies aussi ont des trous de mémoire, lança-t-il avec un sourire.
Tout pour alléger la discussion. Cela parut fonctionner, puisqu’elle ne parvint pas à contenir une moue aussi flattée qu’amusée.
- Attention, péon, tu pourrais finir tes exercices de maths tout seul, répliqua-t-elle en se prenant au jeu.
- Tu as réfléchi aux conséquences que mon échec scolaire pourrait avoir ? demanda-t-il avec sérieux. Je veux dire, je pourrais redoubler, me retrouver dans ta classe et tu n’aurais plus moyen de t’épargner mes questions basses de plafond.
- Quelle horreur, évitons ça, approuva-t-elle sur le même ton.
- Eh, tu aurais pu faire mine de me détromper ! protesta William.
Il profita de l’ouverture pour lui adresser une petite tape réprobatrice sur l’épaule, transgression qui ne passa pas inaperçue. Laura fit de son mieux pour lui faire les gros yeux et l’inciter à se concentrer davantage, mais il aurait juré voir bouger la commissure de sa lèvre. Sans s’appesantir plus que nécessaire, il retourna à ce fameux exercice, qui lui paraissait somme toute moins rebutant que lorsqu’il était donné par Madame Meyer.

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J – 156

Bon, il s’était finalement dégonflé. Lors de son dernier tête-à-tête avec Aelita, Jérémie n’avait pas avoué ce qu’il pensait vraiment, parce qu’un accès de colère de la fille au beau milieu du self plein de monde ne lui semblait pas une excellente idée. Cela lui avait fait réaliser que le cadre avait son importance. Autant le tourner en sa faveur. Il fallait donc le préparer.
Ce fameux vendredi soir, il avait donc dit à Aelita qu’après l’échec de l’idée sur les données personnelles, il comptait sur une nouvelle idée assez « expérimentale » qu’il devait un peu fouiller durant le week-end avant de lui en dire davantage – pour ne pas la décevoir avait-il dit, mais quelle ironie quand même.
La semaine suivante, l’intellectuel devait admettre qu’il ne savait pas comment il avait fait, mais il ne s’était littéralement jamais retrouvé seul avec Aelita, y compris le vendredi soir, parce qu’Ulrich était cette fois présent. Comme Stones ne voulait visiblement pas s’abaisser à lui demander des nouvelles par SMS, le statu quo demeurait. Mais c’était précaire. Inconfortable. Insupportable.
Ainsi, Jérémie avait fait le choix de demander à son ami brun justement de venir le voir dans sa chambre dès le samedi matin, Odd dormant encore et, coup de chance, Yumi ayant un truc prévu avec Hiroki. Il lui avait alors expliqué ses difficultés à faire entendre raison à la jeune fille aux cheveux roses et qu’il préférait que son pote soit là lorsqu’il allait lui annoncer
« - Aucun souci Jérémie, les problèmes de couple, je sais ce que c’est.
- ... »

Belpois avait préféré ne pas réagir à cette énormité, un seul problème à la fois, c’était bien suffisant. De fait, dans l’après-midi, les deux garçons, toujours dans la chambre de Jérémie, convoquèrent Aelita Stones.
- Tiens salut Ulrich, qu’est-ce que tu fais là ? avait interrogé le bonbon rose en arrivant, refermant en même temps la porte.
- Il vient m’aider à gérer les conséquences de cette phrase : on ne retrouvera jamais ta mère, Aelita, annonça Jérémie.
D’un coup. Boum. Étonnant comment la présence de Stern avait permis à Jérémie de franchir le pas. Il avait d’ailleurs préféré balancer la révélation d’entrée avant d’éventuellement songer à la possibilité de se raviser. Efficace jusque-là.
- Comment...? Mais... ton idée de... ?
- Il n’y en a jamais eu, c’était pour gagner du temps d’ici à ce que je trouve le courage de te le dire.
- Attends, tu te fiches de moi !? houspilla Stones, un doigt vengeur pointé sur son (ex ?) amant.
- Non. Tu perds tout sens des réalités quand on parle de ta famille, reconnais-le. Ton attitude de ces derniers jours le prouve... Il a donc été difficile de te dire la vérité.
La fille ouvrit de grands yeux.
- Mais enfin, c’est donc comme ça que tu conçois notre relation Jérémie ? Quand on a un problème, il vaut toujours mieux en parler ! Je... euh Ulrich, tu devrais peut-être nous laisser, je vais aborder des choses assez personnelles.
- Il ne bouge pas, corrigea Belpois.
Jérémie était résolu. Aelita avait sincèrement l’air choquée par le procédé. Ulrich, lui, observait la scène, sûrement en se disant que finalement, les problèmes de couple, il ne savait pas du tout encore ce que c’était. Preuve en était par sa ridicule tentative d’intervention type casque bleu :
- Tu sais Aelita, on était d’accord. La priorité, c’était X.A.N.A. Je sais que c’est dur mais dans la vie, on n’a pas toujours ce que l’on veut.
La fille furieuse tourna son regard vers lui quelques secondes. Jérémie s’attendait à ce que son camarade se fasse allumer mais Aelita ne répondit rien. Lorsqu’elle dévisagea à nouveau le blondinet, ce n’était plus de la colère qu’il y avait dans ses yeux : c’était de la tristesse.
- Je voulais simplement... avoir une famille. Comme tout le monde.
Voix brisée. Yeux brillants. Larmes. Jérémie ne s’y attendait pas. Et pourtant, il aurait dû le voir venir : jouer les filles fragiles pour se faire aider, ce n’était pas la première fois qu’Aelita le faisait.
Il prêta attention à l’expression d’Ulrich. Allait-il marcher ? Sa japonaise n’était pas dans ce style-là, alors cette fois il pouvait pas faire genre qu’il maîtrisait le truc sur le bout des doigts. Même les yeux ronds d’Aelita, Yumi n’était pas la mieux placée pour les faire. C’était peut-être pour ça que l’ex-samouraï virtuel ne bougeait pas.
En tout cas, la fille Hopper venait de quitter la pièce.
- Elle va voir Odd, Jérémie... soupira Ulrich.
- Si ça peut l’aider à tourner la page, tant mieux. Tu sais, elle a vraiment été dure avec moi.
- Je comprends, mais...
Il ne pouvait visiblement continuer sa phrase. Ah bah, bravo le veau. Comme Jérémie le pensait, Ulrich était paumé face à la manœuvre, il hésitait. Si le brun n’était pas totalement fiable pour Jérémie, alors pas la peine de compter sur Odd, et pas davantage sur Yumi.
Mais ce n’était pas important pour l’instant. Belpois, d’une certaine façon, savourait. Il l’avait fait. Il avait réussi – avec un peu d’aide, certes – à être honnête envers Aelita. Il avait déminé le truc juste à temps avant de se laisser réellement emprisonner dans une spirale de mensonges, une situation très inconfortable qui l’aurait sans doute amené à regretter la période X.A.N.A. Comme quoi, se battre contre un ennemi mortel était une chose, mais se battre contre une amie, une amante même, pouvait finalement se révéler bien plus douloureux.
Toutefois, selon le garçon, ce n’était pas vraiment lui qui avait commencé. Il avait toujours voulu bien faire, en particulier avec Aelita : il l’avait quand même sortie d’un monde virtuel qui la retenait prisonnière ! Il avait ensuite sué pour essayer de lui ôter le lien qu’elle avait avec le Supercalculateur – bon ok même si finalement c’était pas exactement ce qu’il pensait et que c’était Franz Hopper qui avait réglé le problème. Il n’avait ensuite jamais abandonné lorsqu’il eut fallu gérer les conséquences de ce bordel, à savoir, un X.A.N.A dans le réseau mondial. Mais, toujours, Aelita avait été au centre du jeu. Amusant comment plus de deux ans de travail acharné pouvaient soudainement sembler bien fades juste parce que le vent avait tourné s’agissant de votre principale motivation...

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J – 149

La météo si orageuse qui avait obscurci Kadic ces derniers temps avait laissé place à quelques éclaircies. Des cieux si favorables un samedi avaient bien entendu conduit une bonne partie des élèves de l’internat à tenter de les rentabiliser au travers de diverses sorties. Bon nombre d’activités étaient envisageables : cinéma, terrasse, promenade dans un parc... Manu avait pour sa part réussi à mobiliser une partie des internes présents pour un foot, mais William avait été contraint de décliner l’invitation.
- J’ai vérifié et la patinoire était fermée de toute façon, fit valoir Laura d’un ton qui n’appelait aucune contestation.
- Comment ça, fermée ? C’est pas la saison, protesta-t-il, flairant une arnaque.
Une part de lui aurait donné cher pour voir la blonde en patins à glace, elle qui abhorrait les activités physiques et ne paraissait pas avoir un équilibre transcendant. Et puis, c’était la garantie de lui permettre de se rattraper à lui.
- Mouvement social, d’après leur site.
- Avoue que tu te payes ma tête et que tu n’avais juste pas envie d’y aller...
Elle se contenta d’un sourire malicieux et un brin supérieur, qui pouvait tout signifier. Soit elle s’amusait qu’il ne la croie pas, soit elle était fière de sa ruse.
- Le jardin des plantes est ouvert, lui, souligna-t-elle.
- Ça ira, grimaça-t-il. J’ai assez entendu Madame Hertz parler de plantes pour toute une vie.
Elle eut la courtoisie de ne pas faire remarquer qu’il n’en avait sûrement pas retenu grand-chose.
- Tu vois, juste prendre l’air c’est très bien, conclut-elle.
William devait bien reconnaître qu’au vu de leurs divergences d’intérêt, il aurait été compliqué de trouver une sortie qui leur convienne parfaitement à tous les deux. Ils vagabondaient donc dans les rues de Paris sans but précis en tête, se contentant de suivre les rues qui les inspiraient le plus tout en devisant sur une pléthore de sujets allant de la vie du lycée à leurs familles respectives en passant par quelques curiosités scientifiques ou l’histoire d’un jeu vidéo. Les deux derniers s’équilibraient remarquablement bien : il avait par exemple commencé à raconter les événements de Starcraft quand Laura l’avait arrêté sur un point technique qui l’avait complètement coincé.
Alors qu’ils passaient un pont, William égara son regard dans l’eau trouble de la Seine. Ça lui évoqua un autre pont. Les volutes verdâtres dessinaient des motifs parfaitement abstraits, dans lesquelles il crut reconnaître un instant un symbole familier. L’apparition disparut en une seconde, le laissant figé devant la rambarde, à se demander s’il avait rêvé, si son imaginait tournait à plein régime, ou si...
Il prit subitement conscience que Laura s’impatientait quelques pas plus loin et la rejoignit à la hâte. X.A.N.A était derrière eux et il devait s’en convaincre. Il devait se concentrer sur autre chose.
- Au fait, c’est quoi la vraie raison pour laquelle tu ne traînes plus avec Belpois ? demanda-t-elle alors qu’ils reprenaient leur chemin.
- Comment ça, la vraie raison ?
- Tu étais resté très vague l’autre jour, je me suis dit qu’il y avait autre chose.
Elle ne l’aidait pas beaucoup à tourner la page... comment lui expliquer que lui et les Lyoko-guerriers n’avaient finalement qu’une sorte d’alliance d’intérêt, qui avait récemment pris fin ? Il pouvait toujours rester évasif, mais ça impacterait la nouvelle relation qu’il était en train de nouer... Il laissa passer quelques secondes de réflexion puis demanda d’un air grave :
- Laura... Est-ce que tu peux garder un secret ?
Il connaissait déjà la réponse à cette question. Et à en juger par la façon dont elle était suspendue à ses lèvres, elle brûlait d’envie d’être mise au courant.
- En fait, Ulrich et Yumi me tapent sur les nerfs, confia-t-il avec un air complice.
- C’est tout ? J’aurais pu le deviner toute seule...
- J’ai répondu à ta question, tu en fais ce que tu veux, répliqua-t-il en haussant les épaules.
Malgré sa déception, Laura ne relâcha pas son attention de leur itinéraire et décida de les faire obliquer vers les quais de Seine. Cette fois, les spires du fleuve ne le troublèrent pas, ce qui avait de quoi le rassurer : ils étaient partis pour longer l’eau pendant un moment. Par chance, il y avait relativement peu de monde pour une telle journée ensoleillée. Ce n’était pas le top de l’intimité, mais on avait clairement vu pire.
- D’ailleurs, je trouve que tu parles beaucoup de la « bande de Belpois » justement. Tu fais une fixette sur eux ? fit-il remarquer d’un ton moqueur. Je ne pensais pas que mettre une raclée à Jérémie en maths t’aurait autant marquée...
- Simple question d’observation, tu avais l’air de passer tout ton temps avec et ce n’est plus le cas.
Elle avait balayé sa pique avec si peu d’effort que c’en devenait vexant, mais ça faisait son charme. À lui maintenant de trouver quelque chose d’intelligent à répondre, sinon...
- Tu ne crois pas que je gagne au change ?
- Si, bien sûr, abonda-t-elle avec sa fameuse moue contente d’elle.
William se rengorgea, satisfait d’avoir retourné la situation dans la direction qui l’arrangeait. C’était plus valorisant pour sa vie sociale de souligner le fait qu’il gagnait une nouvelle relation plutôt que d’admettre qu’il quittait un groupe de cinq personnes. Il n’était pas assez mauvais en mathématiques pour ignorer cela.
Quand le silence se fut installé plus que quelques secondes, les traits de Laura reprirent naturellement leur air pensif, comme si elle était absorbée dans une profonde réflexion qu’elle seule pouvait entièrement saisir. C’était peut-être vrai. En tout cas, il n’avait aucune idée de ce qui pouvait la travailler de la sorte.
- Quand je pense que si tu ne t’étais pas trompée dans les horaires de Nicole, on n’en serait pas là, fit remarquer William.
- Oh ça va, s’agaça-t-elle. Ça aurait pu arriver à n’importe qui.
- Bien sûr, mais es-tu n’importe qui ? glissa-t-il avec un clin d’œil.
La taquinerie la fit se renfrogner. Il éclata de rire et profita de l’occasion pour passer nonchalamment le bras autour de ses épaules.
- Tu sais, moi, je trouve pas que ce soit bien dommageable. Parfois il y a de petits hasards qui nous poussent dans une direction ou dans une autre, c’est comme ça.
« Parfois tu tombes amoureux et tu finis piégé dans les griffes d’un programme informatique pendant des mois... »
C’est en sentant le regard de Laura sur lui qu’il comprit qu’il avait l’air plus grave qu’il n’aurait voulu. Sa pensée parasite avait dû contaminer son expression. Il parvint tout de même à se rendre compte que la blonde n’avait pas fait mine de se défaire de son étreinte de personne intellectuellement dans la norme, ce qui était certainement bon signe.
En son for intérieur, il se fit la réflexion que s’il y avait une fille susceptible de le jeter dans les griffes d’un programme informatique, c’était techniquement elle. Rapport à son talent pour la création de virus...
Pourquoi fallait-il qu’il repense autant à X.A.N.A en plein milieu d’un rencard ?
- On va jusqu’au bout du quai ? s’enquit Laura avec un regard pour la localisation concernée.
- Sauf si tu es pressée de rentrer...
- Que veux-tu que j’aie d’autre à faire un samedi ?
- Je ne sais pas, bosser ? ironisa-t-il.
Elle leva les yeux au ciel et ils finirent les quelques mètres en silence. Il n’y avait plus vraiment de passants dans les parages, ils n’étaient cernés que par l’eau. Le cadre était aussi poétique que convenu. William se dit que c’était sans doute le moment ou jamais et se pencha pour embrasser Laura. Ce fut bref et furtif, plein de retenue, et elle ne se jeta pas à son cou dans la seconde qui suivit, pourtant elle lui sourit et se laissa aller dans ses bras.

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J – 146

On voit souvent l’amour comme une délivrance.
En effet, l’amour est le paravent bien utile pour dissimuler, ou du moins, faire oublier temporairement, l’inutilité de l’existence humaine. Car l’amour va au-delà, on l’aura compris, du concept bien plus pragmatique de reproduction.
L’amour est d’ailleurs souvent un axe fort, voire le centre d’une histoire, ce qui favorise la diffusion de la prétendue importance de ce concept au sein de la société, mais on remarque que cela est surtout vrai dans le monde occidental, preuve qu’il s’agit avant tout de raisons... commerciales.
Jérémie Belpois avait grandi dans le monde occidental. À ce titre, même son intelligence présumée ne l’avait pas protégé de ce concept nébuleux et il avait donc été jusqu’à mettre le monde en danger pour une meuf, ce qui d’un côté était révélateur d’une certaine emprise. Mais tout bon avocat sait qu’il y a toujours une forme d’emprise en amour, à défaut d’être inscrite dans le Code pénal – une revendication pourtant portée par les associations d’aides aux victimes de violences conjugales.
Imaginez donc ce que l’intellectuel avait pu ressentir lorsque il avait enfin réussi à se libérer des entraves morales qu’Aelita avait pernicieusement posées autour de lui, que ce soit volontaire ou non – la vérité étant en général entre les deux. Finalement, ce fut un immense soulagement, et un sentiment de liberté digne d’un ex-taulard pour meurtre. La psychologie avait quelque chose de fascinant... mais il s’en préoccuperait plus tard. Ses deux principaux ennemis (X.A.N.A et Aelita) vaincus, un cas de figure qui n’était pas arrivé simultanément depuis plusieurs années, il n’avait pas envie de muscler son cerveau ou de visser ses fesses sur son siège d’ordinateur, non il avait envie de profiter de la vie. Ce pourquoi, une grosse semaine après avoir simplement savouré sa propre existence, il lança soudain :
- Hey Ulrich, y a moyen de rejoindre ton club de karting ?
Stern failli avaler de travers – un risque, forcément, lorsque qu’il est l’heure du déjeuner et que l’on se trouve au self – car il ne s’attendait absolument pas à une demande pareille de la part de Jérémie.
- Euh ouais bien sûr, répondit finalement l’ex-samouraï après avoir repris contenance. Je crois pas que William ait prévu de venir à la prochaine séance donc y a moyen de te refiler exceptionnellement sa place à l'œil pour que tu essayes et si ça te plaît...
- Cool, génial ! fit Belpois en s’asseyant en face de lui. Pourquoi il est pas là William ?
- J’sais pas, il devait avoir mieux à faire, répondit Ulrich en haussant les épaules.
À côté de lui, Yumi ne pipait mot, et fixait Jérémie d’un œil noir corbeau (forcément). Les informations circulaient et sans surprise, la japonaise avait choisi son camp : Aelita. Son chéri semblait d’ailleurs nerveux à la simple idée qu’Ishiyama puisse lui en vouloir de discuter normalement avec le fautif. À l’occasion, il faudrait que Jérémie explique à Ulrich tout le bonheur que constituait le retour au célibat qu’il expérimentait actuellement, mais il serait certainement plus réceptif à la conversation sans Yumi dans les parages, par exemple au karting. À creuser à terme donc.
- Ce qui est déjà plus suspect, c’est l’absence d’Odd, analysa Jérémie pour penser à autre chose.
- Ouais, il rate rarement un repas depuis qu’on est à la retraite, confirma l’autre garçon. À mon avis, il est dans une magouille.
Au bout de quelques minutes supplémentaires de discussions badines, alors qu’elle n’avait toujours pas ouvert la bouche – sauf pour manger, en témoignait son plateau repas vide – Yumi quitta sans un mot la tablée, et de la même façon le réfectoire après avoir rangé la vaisselle. Sans surprise, après les quelques secondes de temps de réaction de bon aloi devant cette situation inattendue, Ulrich se leva à son tour.
- Désolé Jérémie, annonça-t-il simplement.
- C’est moi.
Il n’avait pas répondu ça simplement pour faire le beau, compte-tenu de son actuelle analyse des relations de couple, le blondinet était sincèrement désolé pour son ami. Il allait vraiment falloir qu’il lui vienne en aide...
Sa réflexion fut néanmoins interrompue par l’arrivée à la table de Della Robbia.
- Ah, te voilà enfin.
- Oui hum, navré, j’étais avec Aelita.
- Je vois.
C’était logique. Depuis la rupture, la jeune fille aux cheveux roses ne traînait plus au self, au mépris du respect scrupuleux, officiellement, du prix de la cantine par ses tuteurs légaux. Donc, officieusement, du montage financier mis en place par... Jérémie. Cette situation ne manquait pas d’ironie décidément.
- C’est bon t’inquiète pas, rassura Odd. Je suis pas Yumi.
- Heureusement, sourit Jérémie, effectivement soulagé. Ça t’évite d’avoir à sortir avec ton camarade de chambre.
- Ouais ouais je sais, c’est un peu devenu un légume mais c’est les débuts, ça lui passera, c’est toujours comme ça.
- Oh mais sur ce sujet, je respecte trop l’analyse d’un mec qui n’a justement jamais passé les débuts avec une fille, ricana l’intellectuel.
- T’es en forme aujourd’hui, souligna Della Robbia.
Jérémie prit le temps d’engloutir les deux tiers de son verre d’eau avant de lui répondre :
- Ouais. Mine de rien, ne plus avoir Aelita sur le dos fait un bien fou. Je sais pas ce qu’elle t’a raconté sur nous, mais je peux d’ores et déjà te dire que ce n’est sans doute pas la vérité.
- Eh bien justement, toi qui me taillais sur le fait que je suis rarement sorti longtemps avec une meuf. À l’inverse, tu ne pourras pas dire que je manque d’expérience dans les ruptures...
- En effet, admit Jérémie, l’invitant à poursuivre.
- Bien. Et je suis d’accord pour dire qu’en général, chacun a sa vérité sur le sujet. Oui ce que m’a dit Aelita n’est pas très glorieux sur toi et oui, à l’entendre, elle n’a rien fait de mal. Et si je te posais la question, j’aurais sans doute le sentiment inverse. En général, la vérité est quelque part au milieu, mais elle ne concerne que ceux qui ne veulent pas l’admettre.
- Hum, répondit simplement Belpois dans un premier temps.
Il devait reconnaître qu’il ne s’attendait pas à une analyse si profonde de la part du clown mauve. En théorie, il était d’accord avec lui. En pratique, sur le cas d’espèce qui était le sien, il avait beaucoup de mal à penser qu’il pouvait être aussi fautif qu’Aelita. Il faisait le maximum pour essayer d’être lucide et objectif sur la situation, mais paradoxalement, le problème fondamental d’Aelita n’était pas parti de lui ou d’eux, mais plutôt de sa famille, et surtout, de son absence de famille. Factuellement, il n’y pouvait rien, du moins pas au moment du clash – on pouvait, dans le passé, lui reprocher de ne pas avoir tapé la procédure pour ramener Franz Hopper suffisamment vite avant que William ne détruise le cœur de Lyoko. Mais si Aelita avait osé lui reprocher un truc pareil maintenant, elle aurait sans doute eu droit à quelque chose se rapprochant vaguement d’un « Oui bon bah merde hein !? ».
Dans tous les cas, mieux valait éviter de jouer les tatillons avec celui qui venait de se déclarer neutre en ayant uniquement la version d’Aelita. C’était un signe encourageant si jamais la princesse de Lyoko cherchait à retourner l’ensemble de la bande contre lui. Ce pourquoi il répondit finalement :
- Ouais. Le cœur a ses raisons que la raison ignore paraît-il.
La phrase était bateau. Elle ferait donc parfaitement l’affaire pour mener Odd de la sorte.
- Ce pourquoi j’essaye de privilégier le sexe, répondit, tout sourire, Della Robbia.
- Mais dis-moi, tu es toujours puceau aux dernières nouvelles non ?
La bouche d’Odd prit rapidement la forme d’un cul de poule. Il s’attendait certainement davantage à ce genre de réplique de la part d’Ulrich que de la part de Jérémie.
- J’y travaille ok ?
- Bien sûr. J’attends de voir le moment où tu seras suffisamment désespéré pour tenter le coup avec ta « cousine » désormais libre. Cela pourrait poser des problèmes éthiques.
- Et le pire, c’est que j’y ai déjà pensé, soupira Odd qui préférait visiblement en rire qu’en pleurer. Mais alors tu penses qu’entre vous, c’est fini fini ?
À nouveau, Jérémie se plongea dans un premier temps dans ses pensées. À vrai dire, il ne s’était pas encore techniquement posé cette question depuis la dispute. Nonobstant sa nouvelle philosophie de vie qu’il aurait voulue partagée par tous les mecs de la Terre et au premier chef duquel Ulrich, l’intellectuel n’aimait, par principe, pas livrer de réponse définitive sur un sujet à chaud. Et, en témoignait ce qu’Aelita avait dû balancer sur sa gueule à Odd, la fièvre, ici, n’était pas encore retombée. De plus, il n’avait pas encore envisagé la suite : si Aelita avait été la boussole de sa motivation ces dernières années, quelle pouvait être la nouvelle ?
Du coup, Jérémie ne répondit pas. Et Odd en déduisit certainement qu’envisager de taper dans sa « cousine » était encore un peu prématuré.
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Ikorih MessagePosté le: Jeu 02 Déc 2021 17:14   Sujet du message: Répondre en citant  
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J – 124

« Tout de même... avec Laura, difficile de correspondre au cliché du couple adolescent. »
La pensée qui s’était imposée dans son esprit fit sourire William tout seul. Il était vrai que la gestion de la blonde demandait quand même une certaine délicatesse au vu de son côté assez impassible de base. En fait, il ne fallait pas s’attendre à correspondre à un quelconque modèle avec Gauthier. Mais William, après le fiasco Yumi, n’avait plus vraiment eu ce genre de choses en tête depuis, et c’était peut-être pour cela que jusque-là, ça fonctionnait.
En effet, trois semaines étaient passées depuis le premier baiser avec Laura, et contre toute attente – y compris celle de William, il devait bien l’avouer – la fille n’avait signifié aucun regret. Mieux : cela se passait plutôt bien. Au-delà de l’aspect qui avait fondé leur amitié des débuts, à savoir, la relation un peu prof-élève qui était d’ailleurs restée, il fallait désormais ajouter les sourires en coin, les regards un peu plus prolongés qu’à l’ordinaire, voire les contacts physiques discrets mais appuyés quand l’occasion se présentait. Finalement, extérieurement, il était bien possible que personne ne soit au courant de l’existence de cette relation, Laura ne parlant en réalité à personne d’autre, et William ne voyait pas l’intérêt de s’en ouvrir au groupe des Lyoko-guerriers à qui il ne devait rien, mais qui, de ce qu’il avait compris de loin, avait suffisamment de choses à gérer entre le clash Jérémie/Aelita et le couple Ulrich/Yumi.
Bien sûr, en tant que mâle alpha, Dunbar ne pouvait s’empêcher de comparer son couple à celui de Stern, se gaussant devant l’air dépendant du brun envers la japonaise. On voyait tout de suite qui portait la culotte, alors que les jeux semblaient plus ouverts avant qu’ils ne se mettent ensemble. Par comparaison donc, le plus âgé trouvait sa relation plus équilibrée avec la belle blonde. C’était vrai qu’elle était belle...
Toujours était-il que, même si l’hiver venait, la flamme entre les deux ne diminuait pas. Ce jour-là, William retrouvait Laura à la bibliothèque, comme souvent les mercredi après-midi, pour réviser chacun dans leur coin bien que côte-à-côte. En même temps, ils n’étaient pas vraiment au même niveau... Parfois cependant, ils révisaient ensemble, notamment lorsque le garçon décrochait trop et qu’il avait besoin de l’aide de la fille. Un cas de figure qui, finalement, arrivait souvent et William se demandait si Laura allait se mettre à soupçonner qu’il fasse exprès de jouer les débiles pour lui parler plus que nécessaire, alors que la réalité était simplement qu’il était nul en cours. Mais cette fois-ci, c’était Laura qui ne semblait pas avoir la tête à travailler. Une surprise assurément. Une bonne surprise... ?
- Dis, on peut faire une pause dehors quelques minutes dehors pour parler ?
- Oui, bien sûr.
Ce fut sous le regard ébahi d’un tout jeune binoclard également habitué des lieux et qui n’avait jusqu’ici jamais vu Laura se lever avant la fermeture que les deux amants allèrent prendre l’air urbain pollué – mais paradoxalement quand même moins pollué que l’air intérieur objecteraient sûrement les spécialistes – dans la cour de récréation.
- Oui en fait, j’y pensais au point que ça me déconcentre donc j’ai préféré t’en parler tout de suite, annonça Laura avec ses formes bien à elle en le fixant, mais pas dans les yeux.
William se demandait ce qui allait encore lui tomber sur la gueule, mais ne répondit pas, l’incitant à poursuivre.
- Je sais que ce n’est pas ta tasse de thé de penser à eux mais je voulais quand même avoir ton avis pour savoir si je devais aller parler à Jérémie, demanda-t-elle.
- Lui parler pour quoi faire ?
- C’est là où c’est difficile à expliquer. Hum... comme tu le sais on est dans la même classe, on est en compétition pour être premier et... il... disons qu’il m’a fait une crasse que j’ai du mal à digérer. Ça s’est tassé mais on n’en a jamais parlé et il ne s’est jamais excusé, disons.
- Une crasse hein ?
William n’avait pas l’habitude de voir Laura chercher ses mots. C’en était presque suspect.
- Je préfère ne pas détailler tant que cette histoire n’est pas totalement derrière moi. C’est dans ce but que j’aimerais parler à Jérémie.
- Ah.
Dunbar pouvait comprendre. Après avoir longtemps été un satellite de la bande des Lyoko-guerriers, satellite à la trajectoire variable car s’éloignant ou se rapprochant à intervalles irréguliers du reste du groupe, disons le noyau dur. Certaines mises à plat avec Ulrich et Yumi, bien que tardives, avaient aidé à apaiser la situation à défaut de la normaliser. Alors...
- Bon ok, c’est vrai que j’ai tendance à penser que tu devrais le confronter dans ce cas, répondit-il finalement. Les non-dits, ce n’est jamais une bonne chose, je suis bien placé pour en parler, justement avec eux.
- Hum, je me doutais un peu que tu dirais ça. Mais alors, est-ce que ça veut dire que toi aussi tu as des choses à déminer avec eux ?
Le lycéen secoua la tête.
- Non, les échanges verbaux on les a eus. Mais aucun dialogue ne suffira à totalement effacer certains... événements.
- Lesquels ?
Il soupira. Le retour vers le passé spécial de Jérémie avait effacé la mémoire de Laura. Lyoko, X.A.N.A, sa période de capture... elle avait su, mais avait tout oublié. Au quotidien, il faisait bien attention à ne pas commettre de bévue alors même qu’il n’y a pas si longtemps encore, il était virtuel et se rendait sur le Cortex avec ce qui n’était à l’époque encore que sa future petite-amie en tant qu’opératrice.
- C’est compliqué. Je t’en parlerai plus tard, quand tu te sentiras toi-même de me parler de ton affaire avec Jérémie. On sera quittes comme ça, ajouta-t-il en lui tirant légèrement la langue.
- Touché. Dans ce cas, je vais suivre ton conseil et je vais aller lui parler.
- Très bien, approuva le ténébreux. Donc euh...
- Donc on peut retourner bosser, bien sûr ! compléta Gauthier en faisant mine de le taper avec son poing.
- On peut retourner bosser, bien sûr, répéta William tout sourire en lui ouvrant la porte de la bibliothèque.

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J – 122

- Mais Madame, je me disais... Quand on regarde des composés comme l’acide sulfurique, le soufre est hexavalent, ça ne devrait pas être possible au regard de la règle de l’octet.
Peut-être avait-il mal choisi le timing pour poser sa question. Le cours de physique terminait juste avant la pause déjeuner : Madame Hertz, comme tous les élèves qui évacuaient la salle à la hâte, était pressée de manger. Jérémie avait beau vouloir comprendre, il n’eut droit qu’à un sourire un peu mystérieux de son enseignante :
- Tu auras la réponse si tu continues un peu plus dans le supérieur, Jérémie. La règle de l’octet est plus une sorte de guide qu’un véritable règlement.
- Alors pourquoi les ions atomiques se forment de cette façon ? protesta-t-il. C’est bien une question de stabilité de la couche électronique, non ? Ils adoptent tous une configuration de gaz noble !
Le désir de savoir indéniable de son élève ne parut pas la convaincre de se lancer dans de telles explications. Elle lui recommanda de ne pas trop se compliquer la vie ou d’attendre quelques années de plus, car après tout il avait le temps de compléter ses connaissances et tout ceci était très hors programme.
Justement, oui, Jérémie avait le temps de compléter ses connaissances, maintenant qu’il n’avait plus à s’occuper du moindre programme.
Un peu déçu par ce revers intellectuel, il retourna ranger ses affaires et quitta la classe pour que Madame Hertz puisse la fermer (la classe, évidemment). Ce fut en sortant dans le couloir qu’il constata qu’il était attendu.
- Laura ? Qu’est-ce que tu fais là ?
Il regretta rapidement sa question somme toute stupide auquel elle répondit par un regard agacé. C’était assez simple à comprendre : il n’y avait plus qu’une personne à attendre à la sortie de la classe, si on faisait abstraction de Madame Hertz.
- J’ai une question à te poser, lâcha-t-elle.
Il ne sentit aucune émotion dans sa voix. Juste une détermination à toute épreuve qui avait de quoi l’inquiéter. Jérémie hocha la tête pour l’inviter à poursuivre. Personne ne l’attendait à la cantine, de toute façon.
- Est-ce que le nom de Lowel Tyron te dit quelque chose ?
Le cœur de l’adolescent accéléra au-delà de toute cadence raisonnable mais il aurait juré que le sang se retirait pourtant de ses joues. Ce n’était pas possible ! Elle ne pouvait pas se rappeler ! Il avait veillé personnellement à ce que sa mémoire soit effacée, à ce qu’elle ne puisse plus jamais avoir quoi que ce soit à faire avec le Supercalculateur...
« Respire Jérémie, c’est peut-être une coïncidence, c’est peut-être... »
C’était trop gros. Il y avait quelque chose qu’il ne saisissait pas derrière cette question, une éventualité qu’il n’avait pas prévue, qu’il...
Mince ! Il fallait répondre, sinon son silence parlerait pour lui !
- Euh... Non. Ça devrait ? mentit-il. C’est qui ?
- Un chercheur en physique quantique qui forme des jeunes talents, exposa-t-elle avec un sourire froid. J’aurais juré que tu en aurais entendu parler, c’est une discipline à laquelle tu t’intéresses beaucoup, non ?
- Oui bien sûr, mais je ne sais pas trop si j’aurais envie d’en faire mon métier plus tard, esquiva-t-il. Je ne me suis pas vraiment renseigné, il y a beaucoup de matières qui m’intéressent mais je ne peux pas tout continuer...
- Oh, je vois.
Laura n’avait pas changé d’expression. Jérémie ne la sentait pas très convaincue. La mention de la physique quantique était bien entendu un problème. Pour le moment, le Supercalculateur n’avait pas été évoqué explicitement, mais son ombre planait sur toute la discussion. Il devait savoir jusqu’où les connaissances de son interlocutrice s’étendaient. Il venait de clore le chapitre Lyoko une bonne fois pour toute avec Aelita, ce n’était pas pour le rouvrir avec la blonde quelques semaines plus tard !
- Ton choix a l’air bien plus arrêté que le mien, reprit-il avec tout son sens de la camaraderie. Tu t’es mise en relation avec lui pour après le bac, c’est ça ? Tu ne perds pas ton temps !
- Non, pas encore. Son laboratoire m’intéressait, oui, mais j’essaie de me renseigner un peu plus avant d’entamer la moindre démarche, d’où le fait que je vienne t’en parler. Mon orientation est une décision importante.
Cette fois, ce fut Jérémie qui sentit qu’on lui cachait quelque chose. Ça ne ressemblait pas à Laura de lui évoquer Tyron sans s’être copieusement documentée en amont. Elle en avait été capable pour Franz Hopper, après tout. Mais quel que soit le lien qui l’unissait au scientifique, elle ne paraissait pas encline à le lui dévoiler. Cette conversation ressemblait de plus en plus à une grande partie de poker où le premier qui craquerait et lâcherait quoi que ce soit perdrait. Bien sûr, il pouvait parfaitement se coucher et ne jamais savoir ce que Laura lui cachait en rompant l’échange ici. Mais... il ne voulait vraiment pas s’infliger un retour en force du Supercalculateur dans sa vie. Il devait s’assurer qu’elle ne constituait pas un danger. Et pour cela, il n’avait pas vraiment le choix : il fallait poursuivre la partie.
- Je trouve ça très mature de ta part, répondit-il avec la dose requise de flatterie. J’aurais beaucoup aimé pouvoir t’aider, après tout nous n’avons pas besoin d’être en compétition tout le temps...
- Je m’attendais à ce qu’il t’ait contacté, à vrai dire, poursuivit Laura. Nous savons tous les deux que tu es quelqu’un d’intelligent. Il aurait pu s’intéresser à toi. Je ne t’en voudrais pas, tu sais. Nous n’avons pas besoin d’être en compétition tout le temps.
Jérémie retint une grimace. Voilà qu’elle retournait son hameçon contre lui. Mais il ne lui donnerait rien. À part peut-être un morceau d’orgueil.
- Tu me surestimes un peu, protesta-t-il. Me faire contacter par un labo de recherche alors que je ne suis qu’en seconde ? Ce Tyron doit avoir une armée d’élèves de master qui tueraient pour approcher de ses ordinateurs quantiques, je ne vois pas pourquoi il viendrait me chercher moi.
Cet étalage de mauvaise foi ne parut pas la convaincre. Bien sûr que non. Plus la discussion s’allongeait, plus il comprenait qu’ils n’en resteraient pas là.
- Oui tu dois avoir raison, sourit Laura. Je me suis sans doute un peu emballée.
Il retint un froncement de sourcils. Elle avait l’air de lâcher l’affaire. Renonçait-elle donc à mettre le doigt sur ce qu’il lui cachait ? Mais lui n’avait pas encore eu son information !
- Tu veux qu’on mange ensemble ce midi pour en discuter ? proposa-t-il.
- Non désolée, j’ai d’autres obligations, déclina-t-elle sans se départir de son air satisfait. Une prochaine fois peut-être !
Elle s’esquiva dans le couloir, apparemment repue de renseignements pour aujourd’hui. Ce fut à ce moment-là que Jérémie réalisa que Laura n’avait jamais parlé d’ordinateurs, mais simplement de physique quantique.

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J – 115

William Dunbar, désormais en couple, refusait de finir comme Ulrich Stern – décidément bien utile pour servir de contre-modèle – c’est à dire collé 24/7 à sa meuf. De fait, alors que cela faisait à peine plus d’un mois qu’il sortait avec Laura, il s’autorisait malgré tout des activités sans elle, notamment – pour rester dans le cliché typiquement intra-masculin – du sport.
En cette fin d’après-midi déjà bien peu lumineuse vu que l’on approchait dangereusement du jour le plus court de l’année, l’adolescent s’était retrouvé avec quelques gars sur le terrain de football, de moins en moins utilisé depuis que Jim avait eu la bonne idée – du moins, bonne pour lui – de délocaliser certains cours d’EPS directement dans la cour bétonnée de l’établissement. Même le dernier cross avait eu lieu entre les bâtiments alors que Kadic disposait en théorie d’une piste de 400 mètres. Un véritable scandale qui n’avait visiblement fait ni chaud ni froid à Delmas, qui semblait de plus en plus courir après les événements au lieu de les anticiper posément comme il le faisait l’année dernière encore.
De sa classe et pour cette session sportive, Dunbar pouvait compter sur l'indéboulonnable Christophe M’Bala, qui s’inquiétait ces derniers temps des rumeurs évoquant le fait qu’il était vu essentiellement du côté de la cantine plus que du terrain – il fallait y ajouter ses nouvelles lunettes de vue qui, forcément, avaient un impact sur sa personnalité médiatique. Autre sportif notoire de leur classe, Karim, plutôt fan de karaté mais n’hésitant pas à s’entretenir de différentes façons pour augmenter ses chances de surpasser Ulrich dans leur discipline commune. En gardien, c’était également un élève de première qui faisait le job : Rémi. Le poste était en fait une condition sine qua non à son intégration, puisque personne ne voulait de lui dans son équipe de champ.
Plus surprenant, les lycéens accueillaient un élève plus jeune pour avoir le compte et pouvoir faire un deux contre deux sur demi-terrain : Hiroki Ishiyama. Depuis que ce dernier était entré en quatrième, il avait littéralement disparu des radars. La rumeur évoquait une dépression consécutive à un râteau avec Milly, elle-même devenue particulièrement discrète dans la jungle urbaine de Kadic décidément en plein bouleversement cette année. De ce fait, outre ses obligations scolaires, le frère de Yumi s’isolait socialement à la première occasion. Gênée par cette déchéance sociale, son aînée en parlait d’ailleurs de moins en moins, faisant comme s’il n’existait pas... C’était Christophe qui, surprenant le japonais en train de tenter de se planquer dans le cagibi de la cantine pourtant interdit d’accès par Jim – comme quoi, c’était vrai que M’Bala était souvent au réfectoire – avait compris qu’il n’allait pas bien et lui avait proposé de se joindre à eux pour reprendre un semblant de vie sociale. Appuyé dans un second temps par William qui s’était vendu comme le meilleur ami de sa sœur – un mensonge pourtant encore plus énorme que la fois où il avait déclaré qu’il ne savait pas nager – le collégien avait fini par se laisser convaincre en haussant les épaules.
Comme pour lui faire payer cet odieux mensonge, Dieu (ou le karma) adressa un message à William via un dégagement particulièrement hasardeux de Rémi qui manquait singulièrement de hauteur et, en conséquence, dont la trajectoire vint percuter sa caboche à une vitesse non-négligeable. Sonné, Dunbar préféra s'asseoir sur le bas-côté quelques minutes, profitant du fait que Kévin, un autre élève de leur classe – en retard comme à son habitude depuis qu’il avait réussi à serrer Héloïse – venait de les rejoindre. L’occasion pour l’ancien X.A.N.Aguerrier de laisser vagabonder sa pensée... qui se fixa bien vite sur Laura.
Le lycéen avait compris depuis un moment que l’amour échappait à toute rationalité. Son cas personnel avait été traité lorsqu’il avait été poliment éjecté de son ancien bahut pour avoir collé des affiches partout, par amour donc. Il avait néanmoins compris peu de temps après que cela s’appliquait aux autres lorsque Stern avait chié une belle bouse sur ses conseils pour aller parler à Yumi, alors qu’il avait déjà à l’époque un boulevard. Il avait préféré perdre un an et demi de plus.
Du coup, c’était vrai, il ne s’était pas forcément attendu à ce que Laura suive sa recommandation d’aller parler à Jérémie. Non pas qu’il voyait cette problématique comme une fille n’osant pas aborder un garçon – il ne manquerait plus qu’il se mette à être jaloux d’un mec comme Jérémie ! – mais comme le conseil venait de lui, il s’était dit qu’elle avait simplement pu jouer la carte de l’écoute polie.
Pourtant, en y repensant, le garçon avait constaté dès la semaine suivante que sa belle semblait moins préoccupée. C’était finalement plutôt une bonne nouvelle. Après ces quelques semaines de (crash) test, l’adolescent « rebelle » était en passe de se ranger. Non pas qu’il devait tout à Laura mais la blonde était quand même un élément intéressant dans sa démarche de réinsertion post-capture de X.A.N.A. Bon, avant elle, y avait eu les Lyoko-guerriers mais avec eux, il y avait constamment eu cette alternance de chaud et de froid peu propice à la stabilisation d’une situation. Entre l'ambiguïté de Yumi, les humeurs d’Ulrich... et bien sûr les conneries d’Odd, pas étonnant que Dunbar ait voulu faire son marché à l’extérieur. Et donc, Laura. Laura taciturne, Laura solitaire, et puis surtout, Laura un peu prank par la bande des Lyoko-guerriers. Un portrait pas si éloigné de William finalement, même si le style était différent. Mais dans les clichés, pour qu’une union soit féconde, il fallait une savante dose de points communs et de différences. Entre ce qui était gris chez les deux, et ce qui était blanc d’un côté, noir de l’autre. Il pouvait bien avoir trouvé cet équilibre avec celle qui était si différente de lui à l’extérieur, mais si ressemblante à l’intérieur. Elle-même semblant désormais avoir réglé le dernier point de détail avec Jérémie, les deux tourtereaux pouvaient sereinement s’arracher à la gravité du noyau dur des Lyoko-guerriers pour devenir les satellites... de leur propre histoire.
Il sourit dans le vide puis se releva, rasséréné par les quelques minutes passées seul avec ses pensées, retournant sur le terrain avec une énergie nouvelle.

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J – 110

La bibliothèque de Kadic devenait particulièrement déserte à partir de cinq heures de l’après-midi : l’essentiel de la population étudiante n’avait pas la foi de se plonger dans ses études jusque si tard. En fait, le documentaliste avait déjà envisagé à plusieurs reprises de demander à avancer l’heure de la fermeture des lieux, mais ce projet était contrecarré par deux grains de sable qui s’acharnaient à rester : deux grains de sable blonds.
Si Jérémie avait été plutôt surpris de croiser occasionnellement William en compagnie de Laura en ces lieux, ce n’était pas le cas aujourd’hui. Le brun ténébreux devait avoir d’autres occupations, à moins que ses capacités de concentration n’aient lâché. Tout en faisant mine d’étudier un traité de chimie pour trouver la réponse à sa question de l’autre jour, il réfléchissait à une question plus pressante : comment regagner le terrain qu’il avait cédé à la blonde lors de leur conversation ? Il devait absolument réussir à la faire parler de Tyron s’il voulait comprendre ce qu’elle comptait vraiment trafiquer avec lui et comment ils étaient entrés en contact.
Il se leva de sa chaise pour venir s’asseoir à côté de Laura. Il était temps d’effectuer une entrée en matière peu subtile.
- Au fait j’ai regardé un peu au sujet de ton Lowel Tyron, lança Jérémie. Mais je n’ai rien trouvé.
Elle posa un long regard sur lui. Ce n’était pas un mensonge : il avait bien en tête ses interminables soirées de recherches avec Aelita, et rien n’en était jamais ressorti. Laura n’était même pas dotée d’un supercalculateur quantique, donc elle ne pouvait certainement pas avoir fait mieux. Sauf si, bien sûr, un détail échappait à Jérémie. Il ne tenait qu’à lui de mettre le doigt dessus.
- Ah bon ? Ça m’étonne, répondit-elle, parfaitement impassible.
- Pourquoi ? On peut être doué en maths sans savoir taper une recherche Google, fit valoir Jérémie.
Il laissa échapper un rire qui se voulait détendu mais qui sonnait nerveux. À ce petit jeu, Laura s’était jusque-là montrée meilleure que lui. Il avait vraiment intérêt à s’améliorer s’il ne voulait pas se faire complètement distancer. Elle n’eut pas l’air d’être très dupe de son excuse. Pourtant, il eut de la chance : l’orgueil de la jeune fille vint jouer contre elle... à moins qu’elle ne soit déjà convaincue qu’il avait un lien quelconque avec Tyron ? Dans tous les cas, elle dégaina des recoins de sa pochette une petite carte de visite, affublée de coordonnées potentiellement factices. Le sang de Jérémie se glaça dans ses veines. Elle était donc bien rentrée en contact avec lui. Assez directement pour qu’il lui donne ça. Certes, leur ennemi juré était arrivé jusqu’à Kadic, mais il n’avait pas semblé s’intéresser à qui que ce soit d’autre qu’Aelita...
Son cerveau commençait à tourner à plein régime mais ce n’était pas le moment ! Il devait continuer à donner le change dans cette situation des plus complexes, sinon il était cuit.
- Woah, comment t’as eu ça ? s’enthousiasma-t-il avec toute la naïveté qu’il était capable d’afficher.
Laura n’était pas aussi impressionnable que le psychologue scolaire, hélas. Elle se contenta d’un petit sourire satisfait.
- Oh, j’ai fait un saut à un congrès sur le sujet. Mon père a des relations.
Il ne sut pas quoi faire de cette information. Tyron pouvait-il se rendre à ce type d’événement, lui qui était si difficile à trouver en temps normal ? Ou bien était-ce une adroite excuse pour le détourner de l’essentiel ?
- Vraiment ? Je n’en ai jamais fait, reconnut Jérémie. C’était intéressant ? Tu as réussi à tout comprendre ?
- Oui les conférences étaient assez claires, même à notre niveau.
- Comment tu pouvais te dire que Tyron m’aurait contacté ? attaqua subitement Jérémie, qui ne perdait pas de vue ses objectifs. Tu m’as demandé ça comme si c’était évident.
Elle devait être au courant d’une quelconque connexion entre lui et le scientifique, il n’y avait pas d’autre solution. Quant à savoir laquelle, pour le moment... Il était de plus en plus certain qu’elle lui avait menti : elle avait contacté Tyron... mais non, ça ne pouvait pas être lui qui avait évoqué Jérémie, il ne pouvait pas se rappeler de lui avec le retour vers le passé...
« Sauf si le retour vers le passé a dysfonctionné d’une manière ou d’une autre... »
Cette perspective était terrifiante.
- Eh bien comme je te le disais, il recrute des jeunes talents et tu corresponds parfaitement au profil, il a très bien pu entendre parler de toi d’une façon ou d’une autre. Rien de plus.
L’emploi du présent de l’indicatif, peut-être accidentel, fit tiquer Jérémie. Ce n’était pas un temps qu’on employait volontiers en formulant une hypothèse. Elle était donc bien sûre de ce qu’elle suggérait. Cette conversation devenait de plus en plus captivante et il eut la sensation que ni lui ni Laura n’avait envie de l’interrompre.
- Si je dois vraiment coller à cette image de jeune talent, il faudra peut-être que je commence à m’intéresser à ces conférences dont tu parles, ironisa Jérémie. Tu me feras signe pour la prochaine ? Enfin, si c’est faisable bien sûr...
Elle parut réfléchir sérieusement à sa requête et esquissa un sourire qui pour une fois paraissait dénué de tout calcul.
- Pourquoi pas, je te tiendrai au courant s’il y en a une qui se présente. Enfin, si tu me racontes de quoi tu parlais avec Madame Hertz l’autre jour, répliqua-t-elle avec son habituel regard curieux.
Ils s’éloignaient un peu de leur conversation initiale mais cela avait le mérite de permettre de relâcher un peu la pression. Bien sûr, ils gardaient l’un comme l’autre en vue leurs objectifs, mais il suffisait parfois de reprendre un peu de distance pour mieux déstabiliser l’adversaire. C’était peut-être ce que Laura cherchait à faire.
- Presque rien à voir avec la physique quantique pour cette fois, je l’interrogeais sur les exceptions à la règle de l’octet, avoua-t-il. J’ai du mal à comprendre comment elles sont possibles.
- En fait, la règle de l’octet n’est vraiment valable que pour la deuxième ligne du tableau périodique, exposa la blonde sans se démonter. Sur ces atomes, l’énergie nécessaire pour accumuler des électrons dans l’orbitale supérieure est trop élevée et ça rend donc la chose impossible. Sur le soufre, par exemple, ce n’est plus un problème parce que les orbitales sont plus proches. On le retrouve donc toujours avec six électrons autour de lui, mais cela peut se faire soit avec deux liaisons et deux doublets, comme l’oxygène, soit en formant six liaisons.
Jérémie prit le temps de digérer ces informations. Il n’était pas très familier avec la notion d’orbitale moléculaire, qui intervenait généralement à partir de la deuxième année dans le supérieur scientifique. Il s’y était intéressé dans le cadre de ses recherches sur la physique quantique, mais ça ne lui avait pas paru si instinctif. Peut-être était-il définitivement mieux taillé pour l’informatique que pour les phénomènes qui se cachaient au cœur de l’ordinateur...
- Pareil pour l’iode je suppose ? J’ai entendu dire qu’il pouvait former sept liaisons...
- Oui c’est le même système. Tu savais qu’on avait réussi à créer des liaisons chimiques avec le xénon d’ailleurs ?
- Mais... c’est un gaz noble, objecta Jérémie. Il ne fait pas de liaisons.
- Son nuage électronique est suffisamment grand pour être déformable, souligna-t-elle avec son petit sourire supérieur. On peut arriver à le faire interagir avec des composés très électronégatifs, comme...
- Le fluor, conclut-il pour ne pas être totalement à la ramasse.
- Et pour reboucler avec le sujet, le difluorure de xénon est une molécule hypervalente.
- Forcément, si on se met à rajouter des électrons autour du xénon, il ne risque pas de respecter longtemps la règle de l’octet...
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Icer MessagePosté le: Mer 15 Déc 2021 12:52   Sujet du message: Répondre en citant  
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J – 92

William Dunbar aurait eu peu de raisons de se lever tôt un dimanche matin, tout particulièrement la veille de la rentrée scolaire. Après tout il faisait froid, le givre grignotait encore les bordures de fenêtre, une mince pellicule de neige recouvrait tout le décor et la majorité des internes ne rentrerait à Kadic que dans la soirée. Pourtant il était sur le pont, métaphoriquement parlant, en train d’enfiler son manteau et ses chaussures pour affronter l’extérieur.
- Saperlotte Dunbar, qu’est-ce que tu fiches debout à neuf heures ? Ok l’avenir appartient à ceux qui se lèvent trop mais va pas risquer un claquage non plus !
À l’instar des motards manquant de confiance en eux, Jim Moralès s’entendait généralement avant de se voir. Le maître d’internat aux multiples casquettes n’était manifestement esquivable en aucune circonstance, même aujourd’hui ou à cette heure. Heureusement, William s’était levé du bon pied et répondit avec aisance :
- Pas de panique m’sieur, ça n’a rien d’une habitude. On fait quoi demain en cours ?
- Ravi que tu demandes ! J’ai décidé de créer un sport ambitieux en reprenant les bases de l’accrobranche combinées à des éléments de handball, à mon avis c’est une discipline qui a de l’avenir mais il faut encore que j’aille préparer le terrain et que j’obtienne l’autorisation du proviseur, enfin ça ne devrait pas être trop compliqué et...
Profitant du monologue de l’adulte en charge, William s’éclipsa par les escaliers. Quelques volées de marches plus tard, il poussait la porte de l’internat et inspirait l’air frais du dehors, air frais qui le convainquit de remonter son écharpe sur son nez. La cour du lycée prenait une toute autre allure, dépouillée des élèves. Il ne neigeait pas beaucoup, pourtant les traces de pas se faisaient rares. Peut-être que si la couche grossissait davantage, les collégiens se lanceraient dans une bataille de boules de neige, demain. Avait-il passé l’âge ? Officiellement oui, mais une part de lui-même regrettait ce temps plus insouciant. Après tout, il s’était déjà fait remarquer dans son premier collège avec quelques tirs audacieux...
Le souvenir lui occupa l’esprit pendant une bonne partie de la traversée du parc. Il ne s’approcha pas excessivement des grilles, restant plus du côté des arbres, et patienta quelques minutes avec l'œil rivé sur son téléphone portable. Finalement, une voiture sombre aux vitres opaques s’arrêta devant l’entrée de l’internat, laissant descendre une adolescente blonde dignement drapée dans un manteau d’hiver noir. Elle récupéra sa valise dans le coffre et salua d’un signe de tête le chauffeur, peut-être son père. William ne voyait pas, de là où il était. Laura franchit l’entrée du parc sans se retourner, le véhicule repartit. Il fallait croire que les au-revoir n’étaient pas leur spécialité.
Elle parvint assez rapidement à sa hauteur, lui adressant un de ses rares sourires chaleureux. Ils se retrouvèrent comme ils s’étaient quittés, échangeant un baiser et une longue étreinte qui réchauffa le cœur de William plus efficacement que n’importe quoi d’autre.
- Passé de bonnes vacances ? s’enquit-il alors qu’ils se séparaient.
- Assez chargées, mais oui. Et toi, comment ça se fait que tu sois déjà rentré à Kadic ?
- J’ai été fatigué plus vite que prévu de ma famille, avoua l’ancien Lyoko-guerrier. On a encore reparlé de ma baisse de régime scolaire de l’an dernier, ça m’a gonflé.
Il n’avait pas menti, bien sûr, mais ce n’était qu’une partie de la vérité. En soi, se voir rappeler la catastrophe de son année de seconde n’était jamais agréable, évidemment, mais ses résultats n’étaient pas le problème. La conversation avait ravivé le souvenir épineux de X.A.N.A, qui ne lui était pourtant plus revenu en tête depuis un moment. Laura et les changements de priorité qui en avaient résulté avaient évidemment contribué à cette dynamique... mais les faits, hélas, n’avaient pas suivi le mouvement. Il aurait beau faire mine de l’oublier, le programme n’était pas mort. Le risque qu’il revienne n’était pas nul, loin de là, avec ce danger public de Tyron...
- Ah, je vois ça, commenta Laura avec un sourire.
Son expression devait avoir parlé pour lui. Il fit de son mieux pour l’effacer de ses traits, mais ce ne fut pas tout à fait suffisant.
- Parle-moi encore des membres de ta famille que tu n’aimes pas, ça défoulera, poursuivit-elle, un vague air complice sur le visage.
- Non ça ira, je crois t’avoir assez détaillé le sujet pendant les fêtes, répliqua-t-il sur le même ton.
L’allusion à peine voilée à leurs multiples échanges par textos les amusa tous les deux. Il offrit de décharger sa belle de sa valise, proposition qu’elle accepta davantage pour lui faire plaisir que par nécessité, et ils amorcèrent la traversée du parc marqué par l’hiver. Leur couple continuait d’évoluer selon ses espérances, les vacances scolaires n’ayant rien entaché de leur proximité. Il devait oublier le Supercalculateur et tout ce qui allait avec : son futur restait à écrire. Au moins avait-il la conviction apaisante que la blonde en ferait partie.

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J – 86

- Cela fera 7 euros 50 s’il vous plaît.
- Pour un thé glacé taille moyenne ? s’indigna Jérémie. J’aurais tout aussi bien pu aller chez Starbucks.
- Eh, ne faites pas la morale à quelqu’un qui s’appelle Moralès, lui répondit la femme acariâtre.
Jérémie soupira, allongea la thune, récupéra son breuvage dont le prix au litre devait correspondre à du Super sans plomb avec les taxes, et alla s'asseoir dans une table au fond de l’établissement, le genre qui ne permettait pas d’être vu depuis la rue.
En temps normal, l’intellectuel discret et affable n’aurait pas réagi comme ça en public, que son indignation soit légitime ou pas, mais il était tendu en ce moment. Il s'efforça d’oublier cette séquence en y voyant le karma : il avait choisi ce café de Montrouge, une commune située pas très loin de Sceaux parce que le nom, Chez Morales lui rappelait son bon vieux prof de sport. Finalement touriste sans même changer de département, il constatait avec ironie que se nommer Montrouge ne signifiait pas que les prix pratiqués étaient ceux des communistes.
Il fut tiré de ses pensées par l’arrivée de Laura Gauthier. Elle avait commandé un truc tout aussi cher, mais les origines sociales de son père étaient un matelas amortisseur plus efficace pour elle, fatalement, alors que Jérémie devait se contenter des largesses de Michel, sous-directeur à la Banque postale. Belpois cessa momentanément de faire son analyste social blasé – une habitude prise depuis sa rupture avec Aelita – pour embrasser la blonde qui lui tendait ses lèvres, timidement certes, mais de façon trop appuyée pour que cela soit considéré en sport comme une faute involontaire.
- Ah, je constate que j’étais attendue, commenta Laura à l’issue de la séquence d’une dizaine de secondes, s’asseyant en face de lui.
- Les baisers sont bons pour le stress, répondit Jérémie, cartésien même quand ce n’était pas forcément le meilleur moment.
- Si la situation te dérange à ce point...
- Non non. Simple principe de précaution, répondit-il avec un clin d'œil. Mais tu sais bien qu’en général, le gaz noble ne fait pas de liaisons.
- Très juste, sourit-elle.
L’intellectuelle se détendit elle-même. Belpois se doutait que les jeux de mots de ce niveau-là ne devaient pas être fréquents chez les garçons de son âge, et que cela devait sûrement plaire à Laura.
Il avait eu du mal à voir venir l’histoire entre eux, et ce d’autant plus que c’était la fille qui l’avait embrassé la première, à peine une semaine après le début de leurs échanges, juste avant les vacances. Elle n’avait d’ailleurs rien expliqué, ils avaient quitté la classe ensemble à l’issue de leur dernier cours puis, alors que personne n’était en vue, l’avait embrassé rapidement sans mot dire avant de lui souhaiter un joyeux Noël et de partir en vacances. Autant dire que le cerveau de celui qui avait lutté contre X.A.N.A était resté quinze jours en fusion durant la suspension scolaire.
Parce qu’il savait. Enfin, tout Kadic savait. Laura était en couple avec William. Depuis courant novembre selon les dernières estimations officielles des Échos de Kadic. Du coup, même celui qui était devenu relativement cynique après le merdier de la déflagration rose nommée Aelita n’avait pas vu venir le truc. Bien sûr, cela ne lui avait pas déplu, ce qui expliquait qu’il retrouve Laura aujourd’hui, pour la première fois de la nouvelle année. Fallait-il pour autant aborder le sujet Dunbar ? Jérémie était d’autant moins pressé que le feeling qu’il avait ressenti dans les ultimes échanges de l’année dernière était de nouveau là, alors qu’ils parlaient de choses aussi banales que de se raconter leurs vacances – Jérémie extrapolant un peu les siennes pour faire genre.
En fait, depuis qu’il n’avait plus les reproches insidieux d’Aelita à longueur de temps, l’ex-opérateur de Lyoko avait pris davantage confiance en lui, et c’était cette même confiance qui l’amenait à être relativement sûr de lui par rapport à la situation : Laura le voulait lui, parce qu’il était intelligent, parce qu’il était cultivé, et parce qu’il allait aller loin. Dunbar avait certainement été un lot de consolation malheureux qui avait bénéficié d’un timing légèrement plus favorable. Il devinait aussi qu’il n’était sûrement pas facile de quitter le néo émo, désormais passionné de poésie aux dires de Yumi – à l’époque où la japonaise lui adressait encore la parole – qui peut-être allait menacer de se suicider si elle le quittait. Allons bon, il redevenait cynique. Mais en vrai, cela semblait se tenir. Il avait donc décidé de laisser les choses se faire pour l’instant et de laisser couler. Malgré tout, pour éviter de compliquer la tâche y compris à Laura, il s’était voulu prudent pour ce moment intime en prenant bien soin de choisir un lieu où il y avait peu de chances de croiser un kadicien. Car si Jérémie se savait plus intelligent que William, cette même intelligence le poussait à admettre qu’il était moins musclé sur tous les autres endroits du corps, en dehors du cerveau.
- Eh, tu suis toujours ? s’enquit Laura qui avait visiblement constaté son air momentanément absent en lui racontant comment elle avait aidé la police locale à résoudre une affaire de disparition alors qu’elle était en vacances en Normandie avec son père.
- Bien sûr, en même temps, Agatha Christie a fait le même coup quand elle a appris que son mari la trompait. C’est tellement ressemblant que c’en est presque un hommage, comme si je me mettais à voler la tête d’une statue.
- Kowabunga... répondit simplement la fille en le regardant fixement.
Impressionnant. Même lorsque l’on sortait du domaine strictement scientifique, Laura avait une culture certaine, y compris populaire. C’était certainement pour cette raison que cela fonctionnait aussi bien entre eux.
Mais toute lumière a par ricochet sa part d’ombre. Et Jérémie restait préoccupé. Non pas par William comme dit. Plutôt par le fait qu’il savait que, plus il allait abaisser sa garde face à Laura, plus il allait s’en vouloir de ce qui s’était passé avant, c’est à dire, des événements ayant conduit à effacer une partie de la mémoire de Gauthier, et de fait, d’une partie de sa vie. Bien évidemment, Jérémie n’avait pas pu anticiper un scénario pareil sur le moment.
Or, il avait très envie d’abaisser sa garde avec Laura.

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J – 19

Le second trimestre était déjà bien avancé et William n’avait pas jusqu’à présent récolté les notes qu’il espérait. Il fallait dire que ses ambitions étaient plutôt hautes : après les mois de cours de seconde manqués pour cause de capture – et avec la réplique lui ayant laissé un joli 9 de moyenne générale, avec toutefois 18 en maths et 19 en E.P.S, pas forcément une aide – une reprise en main était nécessaire. Le ténébreux, qui avait commencé par largement améliorer ses notes en français au premier trimestre de la nouvelle année scolaire en prévision du baccalauréat anticipé, avait désormais de solides ambitions dans les matières scientifiques, épaulé en plus par Laura à l’occasion. Selon ses calculs, il était actuellement aux alentours du 12,8 de moyenne, son premier trimestre ayant atteint l’objectif de dépasser les 12 points sur 20 (il avait eu 12,4). Or il visait 14 avant la fin de l’année, avec donc, un palier intermédiaire à 13 pour ce trimestre. C’était encore jouable, mais il allait falloir redoubler d’efforts, notamment pour compenser le fait qu’il restait une vraie merde en LV2, donc, en espagnol.
À plus court terme, alors qu’il était tranquillement attablé au self après la matinée de cours du mercredi, William manqua de perdre son latin en constatant que Ulrich Stern et Odd Della Robbia venaient de s’asseoir à sa table, face à lui, le brun étant celui placé en biais par rapport à Dunbar qui avait l’habitude d’occuper un bout de table prévue pour six personnes.
- Salut William ! commença l’excentrique violet tandis que l’ex-samouraï virtuel lui adressait un bref signe de tête.
Le nommé manqua d’halluciner en voyant ensuite Aelita et Yumi se placer face à face à l’opposée, les filles ne lui adressant même pas un regard. Celui qui n’était plus esseulé n’était pas non plus débile ; par ce geste, les Lyoko-guerriers sécurisaient de fait le secteur, car dans les lois implicites en vigueur chez les jeunes, il n’était pas envisageable qu’un type ose s’insérer dans l’unique place restante, entre Yumi et William, là où un groupe de trois aurait pu le faire en diagonale si uniquement Ulrich et Odd s’étaient ajoutés face à Dunbar, créant deux pôles égaux. À moins que Jérémie ne soit également prévu dans le lot ? En tout cas, William n’attendait pas Laura, qu’il savait occupée cet après-midi, et qui mangeait par conséquent en ville. Mais après un rapide coup d’œil dans les environs, l’abordé ne vit pas la tête pensante du groupe des Lyoko-guerriers, et il commençait à se demander si cette mise en scène était réellement pour évoquer un sujet en rapport avec le Supercalculateur, ce qui avait été sa pensée première. C’était en tout cas forcément quelque chose de grave, vu que c’était la première fois depuis qu’ils étaient ensemble que William voyait Ulrich et Yumi ne pas se mettre assis côte à côte.
- Yo. Qu’est-ce qui me vaut le plaisir ? demanda de fait l’ex-X.A.N.Aguerrier, qui n’avait plus échangé avec aucun d’entre eux depuis un moment suffisamment long pour ne pas réussir à le dater.
- Comment ça va ? poursuivit Della Robbia.
- Très bien. Par contre, épargnons-nous les politesses d’usage, je pense qu’on a traversé des choses suffisamment graves pour ne plus avoir à s'embarrasser de ce genre de choses.
- Tu sais pourquoi on est là ? interrogea alors Stern, inaugurant ainsi sa première prise de parole.
- Je vais tenter ma chance : Tyron a trouvé une solution pour l’anti-virus, et il faut reprendre la lutte ?
Les sourires crispés des deux garçons lui faisant face étaient autant le signe d’une potentielle bonne réponse que d’une erreur. Le regard venimeux que lui adressa Aelita en l’entendant prononcer ces mots était cependant plus suspect. Preuve que les bribes de conversation que la fille aux cheveux roses tenait avec son amie asiatique n’étaient qu’une diversion et que les ex-Lyoko-guerrières étaient certainement à l’écoute de l’échange entre les garçons.
- Ça aurait pu, avoua le petit.
- Ce n’est pas vraiment ça, ajouta toutefois le grand.
- Il parait que tu sors avec Laura... compléta son camarade de chambre.
William Dunbar haussa un sourcil, agacé. Parler de Laura avec Della Robbia ou Stern ne le dérangeait pas fondamentalement malgré leur relatif éloignement depuis le statu quo provoqué par l’ultime mission sur le Cortex. Mais le contexte présent, avec quatre de ses anciens « amis » débarquant en force à sa table lui mettait une sorte de pression invisible qui ne lui plaisait pas. Ce pourquoi il répondit, d’un ton sec et ferme :
- Cela ne vous regarde pas, les gars.
Les deux secondes s’échangèrent un bref regard avant que Stern ne poursuive :
- Tu as raison sur le principe. J’avoue que quand je l’ai appris, je n’ai pas fondamentalement cherché à en savoir plus, j’étais juste content pour toi même si ça m’a fait un peu bizarre compte tenu de notre histoire commune avec Laura.
- Ok, ça je peux comprendre, admit l’élève de première qui n’avait pas envie de revivre des moments de tension avec Ulrich qu’au fond, il appréciait bien. Mais cette histoire-là est terminée, enfin, plus exactement, elle est sur pause depuis déjà plusieurs mois, et on ne sait pas quand elle reprendra, en admettant bien sûr qu’elle reprenne un jour.
- En fait, ce n’est pas exactement ça. Si ça peut te rassurer, on a rien de neuf du côté de Tyron et de X.A.N.A. Mais... comment dire...
Il hésitait. Il cherchait ses mots. William avait rarement vu Ulrich comme ça, du moins avec lui, où la règle tacite entre deux mâles alpha rivaux était d’avoir l’air sûr de soi en toutes circonstances face à l’autre. Comme il n’ajoutait rien, c’est son camarade qui prit le relais :
- Il y a des règles entre potes William, et t’es mon pote, même si on ne se parle pas souvent, expliqua Della Robbia. Ulrich aussi, même s’il ne l’avouera jamais, il te considère comme son pote. C’est donc notre responsabilité de te mettre au courant.
- Mais au courant de quoi !?
- Admettons que tu sortes quand même avec Laura même si tu ne veux rien dire. Nous pensons que Laura sort également avec Jérémie.
Heureusement, Dunbar n’était ni en train de boire, ni en train d’avaler au moment d’enregistrer auditivement cette phrase. Il ne l’avait pas vue venir, et fit un bref bruit de bouche traduisant à la fois sa surprise et son incompréhension.
- Pitié Odd, dis-moi que tu plaisantes... soupira-t-il, sur un ton blasé, preuve d’une certaine ironie dans le propos.
- J’ai pas dit que ça serait facile à entendre, poursuivit Odd. Il n’empêche, comme je me doutais que t’avais pas l’info, c’était important de te la partager. Après, c’est à toi d’en faire ce que tu veux.
Si William n’y croyait pas, il n’était pas non plus un bisounours. De fait :
- On va donc mettre les choses au clair tout de suite : elle sort d’où ?
Stern pointa brièvement du pouce Yumi et Aelita.
- C’est les filles. Aelita était méfiante parce qu’elle voyait Jérémie avoir une attitude étrange envers Laura depuis quelques temps, il s’était même remis à lui adresser la parole en classe alors qu’après sa trahison, on se l’interdisait. Ça a éveillé ses soupçons, et alors que Jérémie venait de nous donner une excuse bidon pour esquiver une partie de baby-foot avec nous, elle l’a suivi et l’a vu retrouver Laura en ville.
Dunbar jeta un nouveau coup d'œil à Stones, qui pour la première fois, daigna croiser son regard durant quelques secondes : il était consumé par la haine. William, comme l’ensemble de l’établissement sans doute, avait eu vent des remous dans le couple Jérémie/Aelita quelques mois auparavant, couple jamais vraiment officialisé mais connu de tous de facto. Les Échos de Kadic, qu’il avait jusqu’ici toujours considéré comme tenu par des fouilles-merdes – sa haine envers les deux naines qui le tenaient s’étant amplifiée lors de l’enquête sur « le frère jumeau » – lui avaient pourtant appris une information clé : c’était Jérémie qui avait, selon leurs sources, largué Aelita, et non l’inverse. Il n’avait même pas eu besoin de le lire, les simples bruits de couloir captés à la volée au moment de la sortie du numéro en faisant mention avaient suffi.
Mais du coup, il savait aussi que la fille aux cheveux roses était la plus susceptible de se sentir blessée, voire trahie. Le lycéen, qui avait dû un temps se coltiner les humeurs de Yumi, connaissait les risques qu’il y avait à croire une telle source. D’ailleurs, cela pouvait même être un plan bien pensé de sa part, parce qu’avec les différences de classe, Dunbar n’avait pas la latitude pour apprécier ce qui pouvait éventuellement se passer entre Laura et Jérémie à ce moment-là. William, connaissance du groupe des Lyoko-guerriers mais sans être réellement un proche, était donc la cible parfaite pour un éventuel plan d’Aelita visant à foutre la merde et in fine, comme c’était souvent le cas des filles blessées et trahies, au mieux à se venger, au pire à attirer l’attention.
- Ah oui et c’était quand ça ? réagit alors Dunbar.
- Euh... il y a une semaine, le mardi en fin de journée, lui répondit Ulrich après réflexion.
- Et pourquoi avoir attendu tout ce temps pour me le dire ?
- Parce qu’on a attendu d’avoir un exemple en temps réel pour que tu ne penses pas que l’on se moque de toi, expliqua Della Robbia. Or aujourd’hui, comme tu peux le constater dans ce self, Jérémie et Laura sont absents.
Certes. Comme dit, Laura avait évoqué une demi-journée à l’extérieur, sans réellement préciser pourquoi, mais c’était là l’attitude habituelle entre eux, ils étaient très respectueux de la vie privée de l’autre. Effectivement, Jérémie n’était pas là, mais contrairement à Odd, il n’avait jamais été connu pour accorder une importance religieuse au moment de la pause déjeuner, au plus grand bénéfice du nabot violet d’ailleurs. En clair, pas question de remettre en doute la plus belle chose qui lui était arrivée cette année à cause des Lyoko-guerriers avec qui sa relation avait toujours été globalement mi-figue, mi-raisin.
- Ouais ok je vois le genre, annonça l’ex-X.A.N.Aguerrier. Ayant pris note, je pense que vous pouvez vous barrer, je vois justement une table libre à l’autre bout de la pièce, c’est votre chance.
- Tu nous crois pas c’est ça ? s’enquit Ulrich.
- Mais si, mais si. Ayant à encaisser le choc, j’ai besoin de me retrouver seul.
Le ton, à nouveau, ne laissait guère place au doute : en réalité, il n’y croyait pas, et les envoyait chier proprement. Les filles ayant initié le mouvement de départ, Odd et Ulrich s'alignèrent, ce dernier ne pouvant retenir un soupir désolé avant de quitter sa place.
Tandis que Rémi profitait de cet appel d’air soudain à la table de William pour se placer là où se trouvait juste auparavant Aelita, saluant son camarade de classe d’un bref signe de tête, ce dernier venait de réaliser quelque chose : la semaine dernière, le mardi en fin de journée, Laura n’était pas disponible et n’avait pas précisé la nature de cet empêchement.

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J – 18

« Tu es un menteur, Jérémie Belpois. »
Il s’était dit cette phrase en silence ce matin, le regard rivé dans son propre reflet. Elle n’avait cessé de le travailler depuis. Alors, après une longue journée de réflexion (littéralement : la nuit tombait), il avait donné rendez-vous à la blonde dans le parc, au mépris du couvre-feu. Personne n’imaginerait Jérémie Belpois ou Laura Gauthier faire le mur, il suffisait d’éviter Jim, ce qui était vraiment un jeu d’enfant.
Il avait été témoin de petites absences chez elle. Pas grand-chose, juste des oublis mineurs, des choses évidentes qu’elle aurait dû savoir. Il avait amené le sujet, elle s’en était vite détournée, mais il avait compris que ça semblait être récent. À partir de là, il avait commencé à douter : son retour vers le passé miraculeux... avait-il vraiment été si miraculeux que ça ? Rien ne permettait d’en être certain, mais cette crainte le tenaillait. Peut-être était-il responsable de ce qui handicapait désormais la jeune fille.
Il fut tiré de ses pensées par l’arrivée de cette dernière. Elle paraissait moins sûre d’elle qu’à l’accoutumée, probablement à cause du cadre inhabituel. C’était moins neuf pour lui : X.A.N.A lui avait appris à se lever en plein nuit à des heures indécentes et à fuir l’autorité du gardien de dortoir avec à peine un manteau sur le dos.
- Je ne te voyais pas enfreindre le règlement pour un simple rendez-vous, nota Laura en l’embrassant sur la joue. Ça ne pouvait pas attendre demain ?
Jérémie avait un historique dans la procrastination. Il se rappelait du temps qu’il lui avait fallu pour parler de sa mère à Aelita et il ne tenait pas à reproduire cette erreur. Sans compter les chances qu’il se dégonfle.
- Désolé, j’espère que je ne te fais pas perdre trop de sommeil profond, répondit-il avec un brin de nervosité.
« Par où commencer ? »
- Mais c’était important et j’avais vraiment besoin que personne ne nous écoute, poursuivit-il en l’invitant à le suivre plus profondément dans les bois.
« Bon sang ça va faire glauque... »
Il faisait sombre. Elle avait glissé sa main dans la sienne, il se sentit presser légèrement ses doigts pour se donner le courage de se lancer. Il lui devait bien ça. Et il savait comment capter toute son attention.
- Je connais Lowel Tyron.
Silence religieux. Même le vent dans les feuilles s’était arrêté. Puis il débita son histoire, depuis le début, sans même savoir pourquoi il remontait aussi loin. Une pointe de nostalgie le lança à l’évocation de ce temps simple et évident où sa relation avec Aelita n’était qu’une merveilleuse découverte mutuelle. Il parla de X.A.N.A, de ses longues insomnies de programmation, de William, aussi. Elle écouta religieusement cette partie, un point qu’il nota sans trop savoir quoi en penser. Après tout, ils étaient (avaient été ?) proches. Peut-être compatissait-elle. Lire le cours de ses pensées restait mission impossible.
Elle l’écouta plus encore quand il parla de Tyron, d’elle, de ce virus qu’elle l’avait aidé à créer et de la situation actuelle, cet étrange statu quo gelé où les ordinateurs quantiques restaient éteints... pour combien de temps ?
- Ça paraît fou, murmura-t-elle. Que tout ça se joue à quelques mètres de l’école... que personne ne se soit rendu compte de rien... que j’aie tout oublié.
- Je comprendrais que tu ne me croies pas.
Elle avait lâché sa main, il ne s’en était pas rendu compte tout de suite. Elle le dévisagea longuement, déployant tout son tranchant intellect face à ses déclarations.
- Oh, si, je suis disposée à te croire, répondit-elle d’un ton indéchiffrable. Ça explique des choses. Mais il va peut-être me falloir du plus concret.
Son regard le transperça. Il savait ce qu’elle voulait. La seule preuve tangible, c’était le Supercalculateur. Une part de lui douta, se rappela du renvoi de Laura, de toute la réaction du groupe s’ils venaient à apprendre qu’il l’avait à nouveau entraînée dans le secret. Il allait s’engager dans un jeu très dangereux.
Non, il avait déjà les pieds dedans depuis plus longtemps que ça. Laura fendit son masque de scientifique impitoyable pour lui adresser un sourire. Et Jérémie hocha lentement la tête.
- C’est aussi pour ça que je t’ai donné rendez-vous ici, avoua-t-il.
Ses yeux dérivèrent vers l’accès aux égouts, comme attirés par un aimant.
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Ikorih MessagePosté le: Sam 01 Jan 2022 13:47   Sujet du message: Répondre en citant  
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J – 14

William Dunbar s’était dirigé vers le parc de Sceaux, un livre de poésie à la main. Il n’était pas capable de dire duquel il s’agissait sans prendre le temps de pencher les yeux dessus, car l’essentiel était ailleurs... En fait, il empruntait avec un peu de décalage le même itinéraire que Laura Gauthier. Une chose plutôt logique, puisqu’il la suivait discrètement.
Après l’abordage scabreux des autres ex-Lyoko-guerriers en fin de semaine dernière, l’adolescent avait eu l’occasion de passer un moment avec Laura samedi après-midi, profitant d’un redoux bienvenu qui, peut-être, commençait déjà à annoncer le printemps. Ils étaient allés au cinéma, séquence un peu cliché mais après tout, c’était souvent dans les vieux pots qu’on faisait les meilleures soupes. Mais il avait senti que la belle blonde était ailleurs, sans qu’elle ne dévoile rien. Le what if du garçon ne pouvait se faire que plus prégnant : et si Odd et Ulrich ne s’étaient pas foutus de sa gueule ? Et si Laura jouait double jeu ? Et si, et si...
Du coup, il s’était dit que le mieux était finalement d’adopter une tactique basique dont Aelita était apparemment déjà coutumière : la filature. Ce plan, disons ce plan A, était bien sûr, comme tout bon film, accompagné d’un plan B, d’où la présence du livre – ah, il avait pris du Ronsard, il avait vraiment été peu regardant. C’était lundi, et Laura lui avait dit qu’elle avait quelque chose à faire à l’extérieur sans lui préciser quoi. Alors il avait décidé d’avoir le cœur net sur cette histoire de Jérémie.
Sa copine avait longuement marché, faisant le tour du Grand Canal avant de se poser contre un arbre, sans même s'asseoir, à proximité du bassin de l’Octogone. La luminosité en baisse rapide et la nécessité pour William de ne pas s’approcher de trop près pour éviter de se faire gauler empêchait le lycéen d’en être certain, mais la fille avait l’air très préoccupée. En tout cas, il n’y avait pas trace d’un autre garçon, c’était déjà ça. Elle n’attendait personne, son itinéraire était plutôt celui d’une personne souhaitant rester seule, et ayant besoin d’air.
Il décida de la laisser là, se rapprochant lui-même d’un banc en retournant du côté du Kiosque du Château ; il avait de fait lui-même un peu trottiné, mais avait surtout besoin de se poser pour réfléchir et essayer de comprendre, essayer de la comprendre. En admettant que sa théorie soit la bonne, à savoir, que Laura avait des soucis, pourquoi ne lui disait-elle rien ? Certes, depuis le temps, le principe de leur couple sur le respect du jardin secret avait été une règle tacite plutôt solide, qui permettait d’ailleurs côté William de ne rien avoir à déballer sur son passé de X.A.N.Aguerrier, entre autres, ainsi que sur certains comportements débiles qu’il avait pu avoir pour draguer de précédentes filles, dont Yumi. Mais, s’il avait vraiment eu un objet de préoccupation tel que ce dernier le poussait à se mettre à marcher au parc un lundi soir en hiver, alors il en aurait certainement parlé à Laura. Sauf bien sûr si cela concernait le secret. Mais Laura, intégrée puis expulsée de la bande des Lyoko-guerriers, ne pouvait pas avoir ce type d’excuse... Définitivement, il ne comprenait pas ce qu’il se passait. Avait-il fait une erreur avec elle ? Sans qu’il y ait besoin de sortir un Jérémie du chapeau, regrettait-elle finalement leur relation ? Pire, est-ce qu...
- Hey. Tu fais quoi ?
William, fesses vissées sur un banc, tête basse et repliée entre les épaules, n’avait pas besoin de relever le regard pour comprendre que Laura venait de l’aborder. C’était le moment pour le plan B d’entrer en action.
- Tiens, Laura, ça va ? Comme tu le vois, je lis un recueil de poésie.
Elle pencha la tête.
- Hm, Les Hymnes, je pensais que ce n’était pas ton style.
Merde, elle aussi elle s’en était rendue compte alors. Il fallait allumer un contre-feu.
- C’est vrai, mais il faut aussi savoir étudier l’ennemi pour progresser.
La réponse trahissait peut-être un peu trop l’état d’esprit du jeune homme. Mais Laura avait vraisemblablement ses propres préoccupations, et elle ne releva pas. D’ailleurs, elle n’ajouta rien, alors c’est le garçon qui se sentit obligé de relancer :
- Du coup, tout baigne ?
Elle s’assit à côté de lui sur le banc avant de répondre, prenant apparemment soigneusement garde à ne pas toucher sa main droite avec la sienne, celle de l’autre droite bien sûr, donc la gauche.
- Oui ça va. Désolée pour ce soir, j’avais besoin d’être seule. Je m’interroge beaucoup en ce moment.
Dunbar, qui se targuait d’avoir l’expérience du milieu féminin, vit immédiatement venir le danger :
- Tu t’interroges... sur nous ?
Elle tourna la tête, louchant presque sur lui.
- Des choses autrement plus importantes, commenta-t-elle.
C’était aigre-doux. D’un côté rassurant, de l’autre pas du tout. Dunbar, qui désormais ne se targuerait plus jamais d’avoir de l’expérience du milieu féminin, préféra jouer la prudence :
- D’ac j’ai saisi. Je vais rentrer à Kadic, grâce à moi tu as un banc pour toi toute seule, afin de pouvoir continuer à... réfléchir.
Il se sentit empêché physiquement de mener à bien cette retraite stratégique – une fuite aurait dit Odd s’il avait été là. Cette fois, la main de la fille touchait bien la sienne, plutôt bien même puisqu’elle s’en servait pour le retenir.
- Un instant. Depuis qu’on se parle, y-a-t’il des sujets que tu as envie d’évoquer avec moi que tu n’as pas encore eu le temps d’aborder ?
Son expression indéchiffrable, habituelle, n’aidait pas à anticiper la bonne réponse. Ainsi, William préféra être honnête et prendre le temps de sincèrement y réfléchir. Mais il ne voyait pas quoi. Certes, il n’avait pas parlé à Laura de tout ce qui s’était passé avec Lyoko mais c’était parfaitement normal, car d’une part elle ne se souvenait de rien et d’autre part, William voulait justement profiter de cette relation hors Lyoko-groupe pour être certain que jamais ce genre de sujet ne serait abordé.
- Non Laura, je ne vois pas, conclut-il après quelques secondes.
- D’accord, accusa-t-elle en lui lâchant la main. À plus tard.
L’étrangeté de l’attitude de Laura ce soir-là n’avait laissé qu’une seule certitude à William une fois revenu au bahut, de plus en plus évidente à mesure qu’il y repensait : il n’avait pas répondu correctement à la question.

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J – 5

Ils ne s’étaient plus parlés depuis ce soir-là. Celui où Jérémie avait rompu le scellé de cire du secret, ouvert la boîte de Pandore, déterré tous les démons qu’ils s’étaient efforcés de laisser derrière eux. Lui le premier. Plus il y repensait, plus il se disait que ce n’était pas logique. Il s’était arraché à Aelita précisément parce qu’elle refusait de s’arracher à ce morceau de leur vie. Alors pourquoi s’était-il senti subitement coupable vis-à-vis de Laura ? Pourquoi avait-il tout déballé à ce monstre de curiosité ?
Et ils ne s’étaient plus parlés depuis ce soir-là. Des coups d’œil en classe, un bonjour dans le couloir, rien qui aie vraiment de valeur. Assis sur son lit, il ne lisait pas le livre que sa veilleuse éclairait. Les lignes coulaient sous ses yeux, insaisissables. Son esprit, lui, était ailleurs. Il repensait aux échanges qu’il avait eus avec Laura, avant les vacances. Elle était venue le trouver pour des informations sur Tyron. C’était ça, le nœud du problème. Il lui avait donné exactement ce qu’elle voulait, était-ce si surprenant qu’elle se désintéresse de lui ?
Son téléphone, posé sur la table de chevet, afficha un message. C’était rare, maintenant que les alertes X.A.N.A étaient terminées. En fait, ces temps-ci, il n’échangeait vraiment qu’avec...
C’était Laura.
« Je peux passer te voir ? »
Plus rien n’allait dans l’ordre du monde depuis ce rendez-vous nocturne. En tout cas, dans l’ordre du monde de Kadic. Car pour ce qui était du rôle de la nuit dans la vie de Jérémie Belpois... Elle avait largement fait sa part. Ce qui l’inquiétait, d’ailleurs, c’était qu’elle commençait à reprendre cet ancien rôle. D’abord une sortie à l’Usine au mépris du couvre-feu, maintenant une réunion clandestine dans sa chambre... Tout ceci n’était que trop familier, et quelque chose en Jérémie montrait les crocs face à ce retour vers le passé.
Mais il avait accepté quand même. Cinq minutes plus tard, Laura toquait discrètement à la porte avant de se faufiler dans la pièce. Il n’y eut pas d’embrassade, aucun des gestes qu’on aurait pu attendre de deux adolescents seuls dans la même chambre. Le regard de la jeune fille brillait, mais uniquement de cet enthousiasme intellectuel qui la caractérisait tellement.
- J’ai beaucoup pensé à ce que tu m’as dit l’autre soir, commença-t-elle. C’est... c’est dingue. J’ai encore du mal à réaliser, j’ai eu besoin de temps pour faire le tri, désolée de ne pas être revenue vers toi plus tôt.
Elle enchaînait les mots avec le débit d’une mitraillette, témoignage de son intense intérêt pour ce que Jérémie lui avait montré. Son intelligence rayonnait à travers elle, la rendant plus belle encore aux yeux du blondinet.
- Ce n’est rien, sourit-il. Content que ça te plaise.
Laura inspira pour essayer de se calmer, puis reprit sur un ton plus calme :
- Je pense que c’est faisable.
- Faisable ? De quoi ? questionna le génie, subitement perdu.
- Détruire X.A.N.A, bien sûr ! On ne peut pas laisser la situation en plan comme ça, Tyron va forcément finir par rallumer son Supercalculateur et il pourra de nouveau infecter le réseau. À nous deux, on peut facilement l’en empêcher.
Le visage de Jérémie se ferma. Alors il n’avait pas rêvé : expulsé par la porte, le fantôme de Lyoko revenait dans sa vie par la fenêtre. S’était-il vraiment séparé d’Aelita pour en arriver là aussi rapidement ?
- Laura, je...
- Ça résoudrait tout ! Le monde serait sauvé, tu pourrais vivre sans avoir à craindre le retour de X.A.N.A, et William pourrait aussi tourner la page pour de bon ! Vous ne vous rendez pas compte de la part que ce truc a pris dans vos vies, il faut que ça s’arrête définitivement, insista-t-elle, le regard planté dans le sien.
Jérémie se renfrogna encore, moins réceptif à sa voix qu’il ne l’avait été.
- Exactement, il faut que ça s’arrête. C’est à peu près ce que j’ai dit à Aelita, quand elle a continué à vouloir chercher une mère de qui on n’avait aucune trace.
- Réfléchis, ça n’a rien à voir, protesta-t-elle. On a les armes et les compétences pour détruire X.A.N.A, ce n’est pas comme si on poursuivait une chimère.
- J’ai passé des mois et des mois à me battre contre X.A.N.A, Laura, coupa-t-il froidement. Des mois vains. Je ne veux pas doubler la mise. Tu ne peux pas juste débarquer et penser que tout va se régler en claquant des doigts, ce n’est pas si simple.
C’était pourtant ce qu’elle avait cru en découvrant le Supercalculateur la première fois. Pouvait-il s’attendre à ce qu’elle réagisse différemment la deuxième ? Sans doute pas. Sans doute avait-il été... imprudent.
- Parce que tu penses que tout va se régler en ne claquant pas des doigts, c’est ça ? ironisa-t-elle sèchement. Combien de temps tu t’imagines pouvoir dormir tranquille avant de commencer à questionner la moindre défaillance, le moindre bug, en t’imaginant l’ombre de X.A.N.A partout ? Tu le sais, il finira par faire du mal à d’autres personnes. Peut-être qu’il y aura des morts, ou un nouveau William, pourquoi pas ? Pourquoi tu te satisfais de laisser la situation en l’état alors que tu sais parfaitement que c’est instable ?
- C’est l’état le plus stable dans lequel elle ait été depuis des années, répliqua Jérémie en croisant les bras. C’est largement suffisant pour moi. Je te le dis, j’ai fait ma part et je ne veux plus en entendre parler.
- Pourtant, c’est toi qui m’as tout raconté.
Jérémie pinça les lèvres, frustré de la contradiction qu’elle trouvait à sa logique. Il n’avait pas de moyen de combler cette faille. Parler du Supercalculateur à Laura avait été une erreur, il n’en revenait pas de l’avoir commise. Le spectre d’Aelita revenait planer à ses côtés, plein de reproches et d’attentes déçues.
Il refusait de vivre ça une seconde fois.
- Je l’ai fait parce que ça me semblait mal de continuer à te cacher la vérité, oui. Je l’ai fait parce que ça a été un morceau de ta vie aussi, bien que bref. Je l’ai fait pour toi. Maintenant, je voudrais que tu respectes ma décision de fermer ce chapitre de ma vie. Mon futur, il est devant moi, conclut-il en la fixant.
Elle lui rendit son regard. Il eut l’impression qu’elle l’étudiait comme elle l’aurait fait pour une bête curieuse, un élément de l’univers qui échappait à son entendement. Ça ne dura qu’une fraction de seconde avant qu’elle ne recompose son sourire le plus classique et conclue :
- J’espère que tu changeras d’avis, mais je ne vais pas te déranger plus longtemps. Bonne nuit, Jérémie.
Elle repartit en lui laissant le drôle de sentiment d’un échec, alors qu’il avait pourtant tenu fermement la position qu’il s’était fixée. Qu’avait-il raté ?

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J – 3

Depuis que William avait croisé « fortuitement » Laura dans le parc il y avait quelques jours, il n’avait pas osé lui réadresser la parole, se disant que lorsqu’elle serait prête à s’expliquer, elle le ferait. Oui mais voilà, il avait surtout croisé Laura fortuitement – pour de vrai cette fois, promis – 48 heures plus tôt en rentrant de quelques passes de basket avec des mecs de sa classe. Enfin, croisée, il l’avait surtout aperçue de loin dans le couloir des garçons, en train de se rendre dans la chambre de... Jérémie. Il commençait même à se demander si la séquence n’avait pas été savamment calculée pour qu’il s’en aperçoive, espérant vivement en son for intérieur que, comme lui, la blonde ne s’apprêtait pas à faire quelques passes avec des garçons, un en particulier.
Mais il ne se sentait pas de faire parler Laura dans la situation actuelle. Discrète sans pour autant être fuyante et sûre d’elle-même sans pour autant être arrogante, elle allait être difficile à travailler, d’autant que Dunbar ne voyait pas en quoi une conversation musclée avec celle qu’il continuait de considérer comme sa petite amie allait arranger les choses. La scène qu’il venait d’observer avait toutefois l’avantage de lui offrir un plan B sur un plateau d’argent : Jérémie Belpois. Fuyant sans être discret, et parfois arrogant sans être sûr de lui, il constituait le maillon faible idéal de cette mascarade pour cette fameuse conversation musclée d’autant plus avantageuse pour l’aîné que le cadet n’avait jamais été connu pour travailler autre chose que son cerveau sur le plan physique.
Ce pourquoi, dès le lendemain, alors que la semaine touchait à sa fin, il décida d’aller s’expliquer avec le blondinet. Le contexte était idéal : l’une des dernières informations en sa possession sur Laura, c’était que celle-ci devait s'éclipser dès la fin des cours de ce vendredi pour filer en week-end chez son père. Il savait donc qu’elle ne risquait pas d’assister à la confrontation, et donc de la compromettre, pour d’évidentes raisons. Il était de surcroît plus facile d’intercepter l’oiseau depuis qu’il n’était plus collé à Aelita. Comme il s’en doutait, Ulrich avait vite quitté le groupe à la sortie de classe, certainement dans le but de retrouver Yumi... il s’avéra de surcroît que Della Robbia était du côté Aelita aujourd’hui – William se demandait si le Don Juan voulait profiter de la situation pour ajouter sa fausse cousine au tableau de chasse...
Belpois donc, élément isolé rapidement remonté vers les dortoirs, entendit bientôt toquer à la porte de sa chambre. Il ne pouvait soupçonner son visiteur.
- Entrez.
Dunbar ne se fit pas prier.
- Yo.
Constatant sans doute que la voix n’était pas l’une de celles qui venaient habituellement lui rendre visite, l’intellectuel se retourna.
- Tiens, William, kess tu veux ?
- Eh bien, je pense qu’on a deux-trois petites choses à éclaircir tous les deux.
- Ton look ?
Il faisait le malin. William ne l’avait pas toujours connu comme ça. Dans le fond, cela l’énervait encore plus.
- Ta gueule. Ta réponse montre que tu sais très bien pourquoi je suis là.
- Comme si gérer Laura n’était pas déjà compliqué... soupira le binoclard.
Ce type de sous-entendu était insupportable pour William qui glissait progressivement de l’idée de s’expliquer verbalement à celle de s’expliquer physiquement. Dans un éclair de lucidité, il articula néanmoins :
- Qu... qu’est-ce que tu as dit sur Laura ?
Cette fois, la réponse de l’intellectuel, qui s’était relevé de sa chaise de bureau, ne fusa pas du tac au tac, comme les précédentes. Il soutint brièvement le regard de William avant de se remettre à utiliser ses cordes vocales :
- Eh bien, qu’elle était compliquée à gérer. Mais tu sais, c’est souvent comme ça les relations entre deux personnes intelligentes et cultivées.
Cette fois, la provocation était franche, sincère, directe, et non cachée derrière le paravent de l'ambiguïté. Bien entendu, le plus âgé ne pouvait que tomber dedans : d’un naturel émotif depuis son retour de période X.A.N.Aguerrier, Dunbar était depuis plusieurs jours bien inquiet et stressé par le comportement de Laura, qui rejaillissait déjà sur son sommeil, moins linéaire et donc, reposant. L’attitude de Jérémie avait fini de le pousser à bout et c’est pourquoi William décida en retour de le pousser au bout de la pièce, de façon à coincer les fesses de Jérémie contre le plan de travail, le reste de l’espace lui étant interdit par la présence physique toute proche de Dunbar.
- Tu oserais répéter ça ?
- Odd !! hurla soudain le blondinet, comprenant que la situation allait mal tourner pour lui.
L’appel sonore ne dura pas longtemps, puisque William, comprenant ses intentions, lui colla une bonne baffe pour le faire taire. Jérémie ne bascula pas, ce qui n’était pas un problème pour son agresseur qui put ainsi continuer de s’occuper de lui, la suite du menu consistant à lui servir un coup de genou dans l’estomac, avant d’attraper sa tête baissée par l’action précédente et de le projeter contre son armoire. Dans un grand vacarme, l’une des boîtes en carton rangées au-dessus du meuble fut projetée en avant et tomba sur le dos de Belpois. Celui-ci gémissait désormais au sol. Il ne se relevait pas.
- Ne t’approche plus de Laura, fit Dunbar en lui donnant un dernier coup de pied dans le flanc pour le principe autant que le style en repassant dans le sens inverse pour se diriger vers la sortie.
La porte étant toujours ouverte, le lycéen vit un des élèves de sa classe, Rémi, jeter un coup d'œil pour savoir ce qu’il se passait, certainement attiré par le bruit. En voyant la scène, l’adolescent eut un hoquet de frayeur et se dépêcha de prendre la tangente dans le sens inverse.
- Elle... elle ne t’appartient pas, fit Jérémie.
William se retourna. Belpois était toujours au sol, face contre terre. Et il osait pourtant continuer à répliquer !? Attrapant l’oiseau par le col de sa chemise, il le redressa de façon violente avant de le plaquer à nouveau contre l’armoire – décidément bien pratique – et de changer ensuite de point d’accroche, afin de le maintenir à quelques centimètres au-dessus du sol.
- J’ai dû mal entendre... commenta William.
Belpois ne répondait pas. Dans cette position, il essayait déjà juste de respirer normalement. Du moins était-ce ce que pensait William, avant que Jérémie, avec une vivacité insoupçonnable, n’utilise soudain son bras gauche pour coller un poing dans le bide de son adversaire qui était à portée, ce qui lui fit lâcher sa proie. Pas longtemps. Alors que Jérémie essayait déjà de s’enfuir vers la porte, William le rattrapa, à nouveau par derrière et par le col de la chemise – décidément bien pratique également – pour le projeter une nouvelle fois en direction du bureau. En l’espèce, Jérémie se rattrapa au dossier de la chaise.
- Putain !
Odd venait de débarquer, même s’il était dos à l’entrée, Dunbar l’avait évidemment reconnu à la voix... En voyant la différence d’état entre Jérémie et William, il comprit rapidement qui était en train de massacrer qui.
- William, arrête ça t’es con !
- Ça ne regarde que lui et moi, informa l’agresseur sans se retourner.
- Je ne te laisserai pas démolir mon pote !
- Hum, je suis pas sûr que tu puisses y faire grand-chose, ricana le ténébreux.
Il n’avait pas fondamentalement tort. Della Robbia n’avait visiblement toujours pas commencé sa puberté, pire, il donnait presque l’impression d’avoir perdu des centimètres ces derniers mois, ce qui était quand même un comble.
- Ça va t’apporter quoi de le démonter, concrètement ?
- Dans l’immédiat, ça défoule...
Jérémie n’osait apparemment plus bouger. Sa chemise, qui avait craqué à force d’être malmenée, était fichue, et il avait pris un sacré choc sur la tête qui l’amènerait certainement à avoir une jolie bosse dans peu de temps. La claque initiale lui avait aussi fendu une lèvre. Pourtant, William n’arrivait pas à voir de peur dans ses yeux. Il était éteint, mais pas désespéré. Pourquoi ? Pourquoi !?
- DUNBAR ! hurla alors la voix de Jim alors que l’appelé se dirigeait de nouveau vers Jérémie dans l’idée d’effacer le petit sourire qui venait d’apparaître sur son visage – il comprenait pourquoi maintenant.
Le surveillant en chef – faute d’autres surveillants plus que pour ses compétences de chef – déboula dans la chambre, examina rapidement Jérémie qui lui expliqua que Dunbar était venu l’agresser. William réalisa soudain qu’il était cuit : outre le fait qu’ils soient dans la chambre de Belpois, facteur favorable à ce dernier, lui n’avait pas une égratignure, alors que, pour le coup, il avait plutôt bien démoli le portrait à Jérémie. Le contexte était bien différent par rapport à la bonne vieille époque des chamailleries avec Ulrich. De fait, et après s’être assuré que Jérémie allait (à peu près) bien, Jim ordonna au rebelle de le suivre immédiatement chez le proviseur qui par chance – ça dépendait du point de vue – n’était pas encore parti en week-end.
William ne faisait pas le fier en commençant à le suivre dans le couloir, laissant Odd s’occuper plus longuement de Jérémie ; la rage immédiate retombée, il savait qu’il n’avait rien fait avancer en s’en prenant ainsi à l’intellectuel. Il n’avait, bien entendu, aucune réponse en plus sur Laura, car Belpois aurait été capable de le provoquer juste pour le plaisir – un plaisir douloureux, avait-il des déviances inavouables ? – et du coup, la séquence ne voulait en rien dire que Laura était en train de vivre une idylle avec lui.
Plus largement, quel sens donner à toute cette histoire ? William n’en voyait aucun. Laura et lui s’étaient rapprochés de façon plutôt logique et sur un passif clair : les deux âmes en peine brisées par leurs aventures avec les Lyoko-guerriers, rejetées, en partie trahies, et même si Gauthier n’en avait pas de souvenir, cela suffisait.
À partir de là, pourquoi Laura avait-elle voulu prendre un chemin divergent si rapidement ? Même en incluant Jérémie dans l’équation, avec la suppression des souvenirs de la période Lyoko-guerrière à mi-temps de Gauthier, il ne restait que la rivalité en classe, ce n’était pas logique. Bien sûr, William n’avait pas manqué de remarquer que le courant passait bien entre eux deux lorsqu’il avait fallu travailler sur un antivirus à l’époque, et c’était d’ailleurs ce qui irritait déjà profondément Aelita et... oh non.
William venait de réaliser. Aelita n’était plus là. Enfin si, elle était toujours là, mais Jérémie et elle s’étaient disputés, et depuis c’était la guerre froide. Une guerre que Belpois ne semblait pas mal vivre, bien au contraire. Avait-il profité de l’occasion pour retourner auprès de Laura, voire lui avouer ce qui s’était passé et, d’une façon qui échappait à Dunbar, réussi à obtenir le pardon de la belle blonde ? Non, ça semblait trop gros, et pourtant... pourtant on en était là.
Finalement, il avait bien fait d’exploser la gueule à Jérémie, car c’était visiblement la seule chose qui semblait encore demeurer de son ressort dans ce sac de nœuds.

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J – 3

- Désolé, j’ai pas pu faire grand-chose... s’excusa Odd. Heureusement que Jim est arrivé grâce à Rémi.
- Je t’avais surtout appelé pour attirer l’attention sur la scène, commenta l’autre blondinet en vérifiant que ses lunettes n’étaient pas tordues. Merci quand même d’être venu.
- Dis, euh... Comment ça se fait que tu lui aies piqué sa meuf ?
La curiosité de Della Robbia l’emportait régulièrement sur sa décence et son tact. C’était bien pour cela qu’il arrivait à se permettre de poser cette question après la scène qui venait d’avoir lieu. Jérémie le gratifia d’un regard désabusé. Il se croyait vraiment tout permis. Lui et Laura se ressemblaient tellement, il était naturel qu’elle soit plus à l’aise avec lui. Ce n’était pas une question de vol et d’ailleurs, Jérémie n’était même pas à l’origine de cette évolution.
- Je ne l’ai pas « piquée », c’est elle qui m’est tombée dans les bras, corrigea-t-il d’un ton professoral.
- Toi, Einstein, les meufs te tombent dans les bras ? se permit d’ironiser son camarade. Quoique... ouais, c’est Laura, c’est vrai. M’enfin quand même.
- Si tu as quelque chose à me reprocher, Odd, fais-le clairement, répliqua Jérémie avec l’impact d’une lame de fond.
- On est potes Jérémie, j’approuverai jamais que tu te fasses péter la gueule, éluda l’excentrique. Bref, tu veux que je t’emmène à l’infirmerie ? T’as sans doute besoin de mettre de la glace sur... euh... tout ça.
Même l’intelligence sociale engourdie de Belpois parvint à sentir qu’il s’agissait d’une tentative de s’extraire de la discussion. Les considérations éthiques mises en jeu dépassaient manifestement Odd et il s’effaçait derrière le flou des politesses pour ne pas trop le montrer. Il était temps de le libérer de ce fardeau.
- Non, ça ira. Laisse-moi, s’il te plaît.
Odd l’examina quelques secondes, en proie à un doute dont il était difficile de saisir l’origine.
- T’es sûr ? Écoute, je me sens un peu coupable vu que... enfin laisse tomber, coupa-t-il précipitamment avant de se diriger vers la porte.
- Vu que quoi ? releva Jérémie, qui flairait un des accès de lâcheté coutumiers d’Odd.
Son ami pianota nerveusement sur la poignée mais avoua :
- C’est moi qui ai dit à William que tu traînais avec sa copine.
- Dehors, ordonna simplement l’intellectuel, la voix empreinte d’une colère froide.
Jérémie s’était donc retrouvé seul. Il pressait un mouchoir contre ses narines, étrangement calme et silencieux au milieu du chaos qu’était devenu sa chambre. Il aurait dû aller à l’infirmerie, ou plutôt s’y traîner en clopinant, mais il restait assis sur son lit sans bouger, comme s’il avait besoin de traiter le surplus d’informations sensorielles et émotionnelles qu’il avait reçu.
Puis il sortit son téléphone portable et composa un SMS à Laura. Il n’aurait su dire si c’était pour discréditer définitivement son rival ou pour obtenir du réconfort. Aucune réponse ne vint et il passa les minutes suivantes à s’interroger. Avait-il froissé la jeune fille, le soir où il avait refusé de reprendre la lutte contre X.A.N.A ? À ce point ?
Peut-être était-elle déjà repartie avec son père.
La porte s’ouvrit, et elle fut là, sur le seuil. Il la regarda comme s’il n’était pas encore pleinement convaincu de son existence. Elle le fixa lui, puis les lieux, puis lui à nouveau et son état déplorable. Elle parut réfléchir longtemps, sans ouvrir la bouche. Se sentait-elle responsable de ce qui lui était arrivé ? Après tout, c’était le double jeu qu’elle avait mené qui avait abouti à ce résultat...
- Non, tu ne rêves pas, lança Jérémie d’un air incisif.
Il en avait subitement eu assez d’attendre qu’elle parle. Cette bouffée d’agacement le surprit lui-même et il s’efforça de se reprendre. S’être fait refaire le portrait n’était pas une raison pour se mettre à penser avec ses émotions.
- Je ne pensais pas que ça en arriverait là, avoua-t-elle sans soutenir son regard.
- C’était pourtant à prévoir, avec quelqu’un comme William.
Cette phrase voulait tout dire. Le côté instable du personnage, sa façon de prendre les choses trop à cœur et de manquer du recul intellectuel nécessaire... Et Jérémie fut piqué au vif en lisant une once de réprobation dans les yeux de Laura.
- Quoi ? demanda-t-il en la fixant. Il vient de me tabasser, je peux bien me permettre d’être un peu sec à son sujet, non ?
La crainte survint à ce moment. Était-il envisageable qu’il se soit fourvoyé ? Que Laura lui ait préféré William tout ce temps et qu’elle abatte ses cartes après avoir tiré de lui toutes les informations qu’elle cherchait ? Pouvait-il être si bête et si manipulable ? Cette perspective l'écœurait. Il valait mieux que...
- Je ne cautionne pas ce qu’il t’a fait, clarifia-t-elle avec davantage d’aplomb. Et j’ai conscience que vous avez très peu en commun. Mais je n’apprécie pas que tu parles de lui de cette façon.
Jérémie ne sut que faire de cette information. Elle venait confirmer une partie de ses doutes, mais une partie seulement. Pourquoi les mettait-elle sur un plan d’égalité ? Elle l’avait bien dit, lui et William n’avaient rien à voir, pourtant elle semblait les traiter d’une façon similaire.
- Il m’a frappé et tu me demandes de parler de lui avec respect ? souligna Belpois avec une moue contrariée. Je veux bien avoir l’habitude du harcèlement scolaire en tant qu’intello à lunettes, mais tu ne crois pas que tu exagères un peu ?
- On n’a pas toujours ce qu’on veut Jérémie.
Elle avait dit ça d’une voix très calme, très détachée. Les pièces du puzzle tentèrent de s’assembler dans la tête de l’adolescent. Il avait raté quelque chose, cette conviction revenait s’imposer à lui. Il était passé à côté d’un détail primordial. Mais ses craintes revinrent à la charge, débordant le semblant de rationalité qu’il s’efforçait de bâtir dans cette conversation, et il attaqua :
- La vérité sur Tyron, ce n’est pas ce que espérais en venant me parler, ce jour-là ? Tu n’étais pas venue pour me tirer les vers du nez ?
- Si. Je vois déjà comment tu vas poursuivre, alors épargnons-nous du temps : mes attentes évoluent. Elles n’ont eu de cesse d’évoluer. Je ne sais pas si tu n’as pas su le voir ou si tu as choisi de l’ignorer, peu importe finalement.
Pour une raison qui lui échappait, ça ressemblait à une phrase de rupture. Il ne savait pourtant pas par quel bout prendre le problème. Tyron, l’ombre de X.A.N.A, les ambitions de Laura ? Voilà qui lui rappelait une période des plus désagréables.
- Alors maintenant que tu as eu tout ça tu retournes dans les bras de William ? siffla-t-il amèrement.
- Je rentre chez mon père, corrigea-t-elle avec un sourire énigmatique.
En dépit de l’expression farouche sur le visage de son interlocuteur, elle s’approcha pour effleurer sa joue tuméfiée.
- Bon rétablissement, Jérémie.
Et elle mit un terme à cette discussion aux signaux contradictoires en s’éclipsant par la porte, le laissant aux prises avec un ressenti complexe et beaucoup d’interrogations.
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Icer MessagePosté le: Mer 12 Jan 2022 07:55   Sujet du message: Répondre en citant  
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Spoiler


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Jour J

Laura savait qu’on allait la rechercher. Que sa famille allait s’inquiéter – peut-être même que ses parents allaient être obligés de se reparler, ce qui serait une première pour cette décennie – et que le proviseur Delmas, d’un naturel excité, allait certainement en faire des caisses pour que la réputation de l’établissement n’en souffre pas. Le jeu habituel des adultes au rôle sociétal bien établi. Elle n’en avait cure.
Par ailleurs, elle allait bien, et n’était nullement en danger. Elle était suffisamment grande pour prendre le bus, le TGV puis le métro toute seule quand même ! Alors que la petite rame à l’intérieur jaune canari – un choix de couleur discutable – fonçait dans le tunnel souterrain qui lui était dédié, la blonde pouvait se plonger dans ses pensées.
Un tel ragequit de Kadic n’était pas prévu. Jusque là, l’avenir de l’héritière Gauthier semblait tout tracé : lycée privé puis grande école parisienne, avant de se vendre au plus offrant, sans doute les États-Unis, pour partir travailler à l’étranger. Mais justement, elle en avait eu assez de cette linéarité. Elle avait toujours été dans un environnement surprotégé lui ayant fait croire qu’elle ne pouvait pas avoir son destin en main. C’était faux. Et elle l’avait compris ces derniers mois en sortant avec William puis Jérémie, parfois les deux en même temps d’ailleurs, pendant une période de transition qui s’était révélée plus longue que prévu. Ou, dit différemment, qui ne s’était pas passée comme prévu. Et c’était précisément à ce moment-là que Laura avait réalisé que son cocon l’avait empêchée de voir ce que c’était réellement que la vie. La vraie vie. Avec des incertitudes. Avec des choix à faire. Avec des conséquences à assumer.
Et elle avait commencé plutôt fort, se retrouvant dans une situation compliquée, comme pour lui faire payer ses lacunes sociales et lui faire tout rattraper d’un coup : si elle avait commencé une idylle avec William, dont elle avait apprécié de prime abord le côté sensible derrière l’image du bad boy, elle s’était rendue compte en commençant à échanger avec Jérémie que l’osmose intellectuelle qu’elle pouvait reconnaître entre les deux têtes blondes l’attirait en fait davantage. Mais comment dès lors le faire comprendre à William, dont les nerfs étaient à fleur de peau ? En plus, il fallait quand même avouer que Jérémie était devenu un peu trop cynique depuis qu’il avait envoyé chier Aelita, et dans un sens, William était plus reposant socialement... Elle n’avait pas eu le temps de résoudre cette difficile équation – la première qui lui résistait depuis qu’elle étudiait les équations – que Belpois lui avait alors avoué ce qui s’était passé au début de l’année, avec Lyoko, avec X.A.N.A, avec elle.
Ainsi, sans s’en souvenir, elle avait déjà commencé à sortir du sentier balisé, et nul doute qu’elle avait dû énormément s’amuser à l’époque, mais cinq adolescents avaient estimé légitime de la priver de ses souvenirs, sur la base d’un argumentaire douteux. Qu’ils aillent se faire foutre. Qu’ils aillent tous se faire foutre.
Elle conservait néanmoins une affection réelle pour William et Jérémie, qui, malgré eux, l’avaient aidée à prendre goût à une vie plus imprévisible et moins rangée. Mais en voyant que cela avait tourné au combat de coqs pour elle, une solution plus radicale s’était imposée à elle : ne pas choisir. Partir. Mais en tirant bien entendu les leçons de cette expérience : elle était libre. Ses parents ne pourraient plus la contrôler.

« Prochaine station : faculté de pharmacie. Estacion veneta, facultat de farmacia. »


Ah, elle était arrivée à destination. Quittant la rame et empruntant l'escalator, observant en tournant la tête d’étranges boules colorées disposées sur le mur blanc symbolisant l’espace séparant les voyageurs sortant de la station de ceux y entrant, elle passa les portiques avant de regagner l’air libre, qui restait frais, mais soutenable avec la lumière du Soleil. Sur sa gauche, elle observait l’entrée de ce qui s’apparentait à une cité universitaire. Sur la droite, côté rue, une voiture noire aux vitres teintées était garée en double file sur l’arrêt de bus. Un homme en costume était debout sur le trottoir et la regardait fixement ; elle savait que c’était pour elle, alors elle vint à sa rencontre. Sans un mot, l’homme lui ouvrit la porte arrière, l’invitant à rentrer. Elle s'exécuta.
- Ah, bonjour Mademoiselle Gauthier, je suis ravi de vous rencontrer enfin en chair et en os, susurra Lowel Tyron qui occupait l’autre place arrière, en lui serrant la main. Vous avez fait bon voyage ?
- Bonjour, oui je vous remercie, et surtout, merci de m’avoir acceptée au sein de votre projet.
- C’est tout naturel, répondit tout sourire l’homme en faisant signe au chauffeur qui l’observait par le rétroviseur qu’ils pouvaient y aller. Vous allez voir, vous allez vous plaire ici, c’est l’un des plus grands campus d’Europe. Un avantage pour se fondre dans la masse et ne pas attirer l’attention sur nos activités, bien entendu.
- Je comprends. J’ai hâte de commencer, confirma la prodige.
Elle pouvait. Si Tyron était aussi aimable avec elle, c’était parce que lui-même avait compris qu’elle était la clé pour résoudre ses problèmes. Ici, elle serait reconnue à sa juste valeur.
Et pour cause : l’organisation de Tyron avait dû mettre hors service son supercalculateur expérimental, le joyau de ses recherches, pour le sauver du virus que Jérémie et les Lyoko-guerriers avaient balancé dans l’espoir d’anéantir X.A.N.A. Dès lors, il n’était pas possible pour le savant de rallumer sa machine sans la mettre en péril avant d’avoir trouvé une solution préventive, un antivirus à activer dans l’instant. Mais, malgré les mois écoulés, ses équipes patinaient.
Sauf que... depuis que Laura avait été remise au parfum de la vérité par Belpois à défaut d’avoir retrouvé ses souvenirs, elle savait aussi qu’elle était la coauteure malgré elle de ce virus. Il n’avait dès lors pas été très difficile de convaincre Tyron de revenir sur sa décision – à savoir, l’envoyer chier lors de leur premier entretien en visioconférence – en reprenant langue avec lui. Qui de mieux que l’auteur d’un programme pour trouver sa faille, et donc sa parade ?
La décision de Laura n’avait pas juste été un coup de tête. Au-delà de l’avantage de l’extraire définitivement de son noyau de vie tout tracé – elle savait pouvoir compter sur la discrétion de Tyron, ayant bien compris que ses activités étaient à la limite de la légalité – elle voyait aussi, par son geste, une façon de résoudre à distance les problèmes de Jérémie et William. Car si elle allait trouver l’antivirus, l’important n’était pas de sauver le monde virtuel de Tyron. Elle allait ensuite faire en sorte de détruire elle-même X.A.N.A, toujours pris au piège dans la machine.
Tant que le programme multi-agent était en vie, Jérémie continuerait de se sentir coupable d’avoir été à l’origine de l’acte lui ayant permis à terme de s’échapper dans le réseau mondial. Elle l’avait bien compris en échangeant avec lui lorsqu’il lui avait tout avoué.
Tant que le programme multi-agent était en vie, William continuerait de se sentir coupable d’avoir été sous son contrôle pendant des mois, et de regretter de n’avoir pas l’impression d’avoir été vengé, le virus n’étant techniquement pas mort. Elle n’avait même pas eu besoin d’en parler directement avec lui – William ne savait pas que Laura... savait – pour le comprendre.
Et puis, accessoirement, détruire X.A.N.A, voilà un défi à la hauteur de son génie. En venir à bout ferait le plus grand bien à son ego, elle le savait. Bien plus que réussir n’importe quelles études supérieures.
- Mais j’y pense, vous n’aviez pas de bagage à part votre sac à main ? s’enquit soudain Tyron.
Laura lui fit un signe de tête négatif. Des chaînes de son ancienne vie, elle n’avait nul besoin. Pour elle, l’heure était venue de recommencer une nouvelle aventure. Près de 1 000 mineurs disparaissaient en France chaque année, sans que ce mystère ne soit élucidé.
Oui, Laura savait qu’on allait la rechercher. Mais elle savait aussi qu’avec Tyron, on ne la retrouverait sans doute jamais. Et cette idée ne la rendait que plus heureuse.
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Zéphyr MessagePosté le: Mer 26 Jan 2022 19:29   Sujet du message: Répondre en citant  
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Puisqu’il n’y a que moi, c’est l’heure du bilan.


Lorsqu’on a mis en place les catégories des Perles du Net, un des objectifs était d’inciter les plumes à s’aventurer sur des sujets/personnages peu abordés. À faire preuve d’originalité quoi ! Cela a fait mouche chez certains, mais finalement on peut considérer que c’est un demi-succès puisque, bientôt 7 années plus tard, voilà que vous devez vous y coller pour que les deux catégories vides qui ne sont pas des épisodes aient un représentant (même si un autre type de Perle prend le créneau).
Il faut dire que les deux couples potentiels de Laura ne sont pas des plus inspirants, encore plus dans le contexte scénaristique de CLE et encore encore plus pris individuellement. C’est pour cela que concentrer le traitement des deux couples dans un seul texte, en simultané, fonctionne totalement pour moi. Finalement, ce concours de circonstance avec ces deux catégories vides aura permis d’insuffler une vraie originalité à ce projet.

Parce que c’est là le réel point d’intérêt de ce texte : ce double-jeu amoureux de Laura prend le contre-pied de ce qu’on pourrait s’attendre d’un texte « Romance », tout en gardant une partie de son essence, à savoir les embrouilles et le drama. Aussi, il y a éloignement du cliché des récits du genre, où le personnage adolescent hésite pendant des longs chapitres (quand ce ne sont pas des tomes !) entre deux prétendants, pour tourner en rond sur des banalités et des redites interminables. Le récit va à l’essentiel, avec quelques détails en prime. C’est très plaisant à ce niveau.
Aussi, le dilemme qui se joue pour Laura est plus terre-à-terre que dramatique : elle se met en couple avec William qui se rapproche d’elle, faute d’autre option, mais sans pour autant le déprécier, mais se retrouve coincée lorsque Jérémie, beaucoup plus à son goût, devient disponible et se rapproche à son tour de sa personne… menant à cette situation de double-couple. En fait, le nœud du problème n’est pas tant dans le choix du garçon que dans l’incapacité sociale de la protagoniste de régler cette situation à terme intenable.

Paradoxalement, Laura, personnage présenté comme peu attentif à ce que peuvent éprouver les gens ni à s’encombrer de sentiments, finit par être bloquée vis-à-vis de William justement à cause de ce genre de considération.

Nan franchement, là-dessus c’est très bien joué.


Spoiler


Ok, ok, j’allais y arriver. Pas besoin d’en venir aux mains.

Sur le plan littéraire pur, le texte me déçoit un peu : certains courts passages sont relevés par le style aiguisé d’Ikorih et d’autres par l’humour d’Icer, mais globalement, on sent que la fanfiction se contente de dérouler son scénario et ses idées. Il n’y a pas de passage qui m’ait plus marqué qu’un autre ou de séquence qui me soit apparue « énorme » (à part peut-être la révélation de la bigamie de Laura, mais c’est plus l’événement que la séquence qui est notable).




Mais dis-moi Zéphyr, pourquoi c’est important le style ? (Et pourquoi tu nous les brises avec ça ?)


Le meilleur scénario ne sert à rien s’il est mal raconté, c’est – je pense – la base. Cela dit, ici ce n’est pas la narration qui m’ennuie (elle est même sympathique, avec ce système de compte-à-rebours qui crée une attente).

Il est impossible d’apprécier une œuvre littéraire sur chacun de ses mots, chacune de ses lignes, chacun de ses passages. Il y a nécessairement des moments où le lecteur va se sentir plus impliqué et immergé que d’autres. Le style participe à rendre marquants ces moments, à créer l’attachement et l’implication du lecteur dans ce qu’il a sous les yeux, voire d’y retourner plus tard. Dans le pire des cas, il rend à minima les passages moins prenants agréables à lire. À nouveau, mon problème ne se situe pas dans ce dernier aspect : vu que le texte va à l’essentiel, il y a une fluidité et un enchaînement logique, sans être trop précipité.
Non, ce qui me gêne est qu’il n’y a pas cette/ces séquence(s), ou ce(s) moment(s), que je cherche toujours à avoir quand je m’attaque à une œuvre de fiction : celui/ceux où on se rend compte qu’on est à fond dans ce qu’on lit/voit/entend, et qu’on voudrait prolonger, nous faisant logiquement lire frénétiquement la suite pour retrouver, peut-être la sensation (je caricature, ce n’est pas forcément une telle montagne russe). En des termes plus simples : une ou plusieurs séquences adorées, un moment frisson, une claque (pas la même que celle de Magali), un « Waouh », ce que vous voulez.

Cela ne fait pas beaucoup de temps que j’ai bouclé la lecture attentive et assidue de la Chimère, et si je peux restituer sans peine le début de l’histoire, son fil, ses idées et sa conclusion, je suis en revanche bien plus en peine pour restituer les séquences, à l’échelle individuelle ou par tranche de chapitres.
J’ai conscience que sur un format aussi court, avec une thématique qui ne vous est ni chère, ni habituelle, cela soit plus compliqué de générer ce type de « pics narratifs ». Vu le style général du texte, il est évident que ce n’était pas dans vos intentions, mais quitte à faire, autant y aller à fond, non ? En fait, j’ai l’impression que vous ne vous êtes pas donnés à 100% de vos capacités. Pour un texte de circonstance, le résultat reste vraiment bon, mais pas forcément à votre niveau potentiel.

Ce que j'ai dit n'est pas forcément clair, mais ne vous en faites pas, ça viendra.


J’ai déjà dit plusieurs fois que le texte, dans son style et son histoire, allaient à l’essentiel, mais en ne traitant que la partie « Avantages ». On passe à « Inconvénients » ? Mr. Green

De cet autre côté de la balance, il y a le fait que, sur certains points, vous vous contentiez d’un minimum syndical. Ici en l’occurrence, l’aspect amoureux pur est vraiment raccourci au strict nécessaire scénaristique.
Typiquement, la mise en couple d’Ulrich et Yumi, vu comment ça a été traité dans CLE, ne me paraît pas très convaincante (même Ellana, experte certifiée, s’est sentie obligée de remanier l’épisode 14 pour rendre ça plus crédible !). Si le rapprochement, puis la mise en couple de William et Laura est plutôt naturelle malgré les césures causées par les ellipses (toutes les mêmes), la relation avec Jérémie passe moins bien. Évidemment, l’idée initiale était de générer un twist autour de tout ça, mais les quelques séquences entre les deux m’ont moins fait sentir qu’ils entretenaient une relation pas qu’intellectuelle, comparativement à William.

Il faut aussi dire que-


Spoiler


Bon sang mais bouclez-là et laissez-moi boucler ce commentaire sur un maximum d’aspects. :’(
(J'avais pourtant prévu que ce serait plus Claire, aie aie aie.)

Je disais donc : ce défaut-là du texte m’a moins gêné dans la mesure où le traitement de la question romantique se fait par le prisme social et non sentimental (même si le personnage de William fait de la place à ce dernier biais). Votre objectif n’était clairement pas d’aller dans le détail relationnel et sentimental, cela me semblait assez tacite dans la présentation initiale de la fanfiction (puis bon, on vous connaît à force, surtout Icer).
Toujours est-il que cette approche des couples, plus distanciée et « raisonnable », surtout appliqué à un angle amoureux (hé oui, pas de triangle vu que William & Jérémie ne… sauf hors-champ éventuellement), est cool !

Dans un autre ordre d’idée, il est aussi intéressant de s’attarder sur l’évolution des 3 protagonistes principaux, au-delà de l’aspect amoureux :

  • William revient en quelque sorte à son stade initial de personnalité satellite par rapport au groupe des Lyokô-guerriers. Il fait sa vie de son côté, en se confrontant à une réalité qu’on affronte en général dans la période lycée : les potes ou connaissances sympathiques (les autres Lyokô-guerriers) ne constituent pas des amis (Odd confirme ce statut, au passage). S’accrocher n’est pas la bonne solution, il faut se débrouiller pour aller de l’avant.
    Pour le reste, l’aspect « revanche sur X.A.N.A » brièvement soulevé me convainc moins, ça faisait un peu remplissage superficiel.

  • Jérémie est celui qui change le plus brutalement, un peu trop peut-être en post-explosion auprès d’Aelita ? Cela étant, c’est quelque chose qui est présenté comme étant en lui depuis un bail, et puis, dans le pire des cas, vu qu’il reste plus jeune que ses camarades, on peut tabler sur une crise d’adolescence tardive. Cela ferait sens : en rompant avec Aelita, Jérémie n’a plus besoin de se forcer à faire des choses ou à se donner bonne image/conscience : il peut donc se créer une personnalité de toute pièce. Cette espèce d’arrogance et cette verve particulière qu’il développe me semble aller dans ce sens (il se donne un style quoi, un peu comme ce mec dans le groupe d’amis qui dit tout le temps des vacheries aux gens).
    Son personnage constitue également de transcrire une certaine incitation à la haine
    envers Aelita. Je suis très déçu de vous, ce n’est pas moi qui ferais ce genre de chose.

  • Quant à la principale concernée, Laura, plus que son parcours, c’est sa destination (qui donne au parcours sa valeur) qui est intéressante.
    Son choix final, face à la gestion des garçons et à la révélation de Jérémie, est… elle-même finalement. Elle en revient aux fondements de son personnage, après avoir expérimenté quelque chose de nouveau (les mecs). Là-dessus, je trouve le travail global très réussi. D’un certain point de vue, c’est moderne, presque progressiste (Icer, si tu es sous influence, envoie-moi le code habituel).

Les autres Lyokô-guerriers ont un rôle plus fonctionnel et figuratif, mais des choses peuvent être dites :

  • Ulrich/Yumi, finalement, ont cet intérêt d’une mise en perspective de leur relation amoureuse et du regard des autres sur celle-ci. Vu qu’ils sont montrés sous un jour fusionnel et fleurs des premiers jours, cela permet de s’interroger sur ce qu’il se cache derrière cette façade, en particulier lorsqu’on voit ce qu’il se passe en coulisse avec Jérémie & Laura.

  • Aelita, a une personnalité somme toute respectée… pour du CLE. On pourrait dire que son personnage aurait mérité un mot de la fin, mais finalement son rôle, outre les ficelles scénaristiques facilitées qu’elle offre, permet aussi une mise en perspective avec Laura, à la toute fin. Là où Stones « s’entête » vis-à-vis de Jérémie, Laura prend directement le large et largue toutes les amarres. En surface, ça donne l’image d’une opposition entre empathie et égoïsme, mais si on creuse plus profondément : est-ce que cette obstination d’Aelita ne serait pas motivée par des raisons purement personnelles (le besoin de ramener Jérémie à sa raison, se complaire dans son statut), là où les intentions de Gauthier possèdent des objectifs secondaires liés aux Lyokô-guerriers (même si la base reste pour sa pomme, hein) ; le tout par rapport au long terme ? On ne le saura pas vraiment, puisque le cas de la Gardienne de Lyokô n’est jamais vraiment abordé de son point de vue (et qu’il ne m’a pas semblé décelé de sous-entendu).

  • Odd : « L’important, c’est de participer ». Plus sérieusement, heureusement qu’il s’agit du Odd de CLE (celui qui s’est refait une virginité amoureuse), sans quoi je l’aurais trouvé trop discret sur ces questions…

Enfin, pour finir sur le scénario, c’est plutôt habile d’en avoir profité pour donner une conclusion-bis à CLE. Au demeurant, cela donne un ensemble plutôt satisfaisant (et toujours original), puisque le problème scénaristique de la série (Tyron & X.A.N.A) se règle grâce aux embrouilles amoureuses de cette fanfiction. J’adhère assez à cette approche et me demande ce que ça pourrait donner si des auteurs plus spécialisés que vous sur ce genre de thématique (exemple au hasard : Léana) s’en inspiraient…


Bon boulot en tout cas. Le sujet n’était pas des plus porteurs, scénaristiquement parlant du moins. L’astuce dont vous avez fait preuve pour cette histoire est à souligner une dernière fois ! L’union fait définitivement la force !


Spoiler

_________________
http://i.imgur.com/Z94MNN5.png

« Jérémie avait fait un superbe travail. Ce dernier voyage sur Lyokô promettait d'être inoubliable. »
Un jour, peut-être.
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