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[Fanfic] L'Engrenage [Terminée]

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 Auteur Message
Ikorih MessagePosté le: Dim 14 Oct 2018 13:19   Sujet du message: Répondre en citant  
M.A.N.T.A (Ikorih)


Inscrit le: 20 Oct 2012
Messages: 1529
Localisation: Sûrement quelque part.
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Yo.

On dirait que ça fait un moment que t'es tout seul, et puis là concrètement j'ai rien d'urgent à faire alors ce serait sans doute sympa de te lâcher un com'. Du coup bah si tu me lis c'est que je l'ai fait, non?
Tu comprendras certainement que la légendaire flemme m'empêche de bricoler un commentaire plus original qu'un basique ordre chronologique, donc fais pas chier Mr. Green

J'aime beaucoup la façon dont tu as résolu l'affaire de la mère d'Aelita. De fait, plutôt que la thèse alambiquée du lavage de cerveau ou de "la maman était en fait une connasse depuis le début", ta solution présente en plus l'avantage de faire passer bonbon rose pour une conne. Je suis à peu près sûre que c'est ce dernier critère qui t'a fait choisir cette option, d'ailleurs. En tout cas ça lève un verrou du côté du groupe des LG, qui n'a désormais plus de raison d'épargner le Supercalculateur de Tyron. Tout ça commence à faire sentir un petit air de final dans l'air, surtout avec le discret canevas de CLE derrière : le chapitre 22 colle avec l'épisode 22 au niveau du titre, et l'évènement "Rencontre IRL de Tyron et des LG", qui est certes un peu avancé par rapport à la série, est lui aussi un élément du season final de CLE.
(J'ai dit que je ferai chronologique mais en fait je viens d'utiliser un élément de la fin du chapitre...non mais soyons sérieux tu t'attendais vraiment à ce que je sois ordonnée?)

Citation:
Un « zap » lumineux fit disparaître Aelita en un instant, ce qui laissa symboliquement l’espoir sur place.

J'aime bien ce genre de phrases un peu spirituelles que tu cales XD

S'ensuit la traditionnelle scène de debrief Jérémie/Laura, ces fameuses scènes un peu obligées d'explication du scénario que tu arrives à exploiter pour développer la relation entre les deux génies, c'est plutôt bien joué. D'ailleurs j'en profite pour dire que le tout reste bien dans la veine des chapitres précédents, ton break n'a pas affecté ça si c'est ce que tu craignais.

Citation:
N’est-ce pas un trop bienheureux hasard que, pile au moment où Aelita s’apprêtait à virusser le Cortex dans le but de le détruire, la webcam de chez Tyron montrant Hope se soit allumée et ait affiché ses images ?

Bim CLE?

J'ai ri devant le cercle potins. Avouons-le, c'est quand même un sujet de conversation en or, même si, comme on se le disait quand je t'ai lu, ça se passe pas exactement comme ça dans nos IRL... En tout cas j'adore la façon qu'Odd a de le présenter, ça fait un peu gourou et mélange de phrases un peu bateau ("les secrets n'existent plus mais restent tout de même emprisonnés"), pas totalement dans l'esprit d'Odd de CL mais venant d'un Odd un peu plus âgé ça passe tranquille. La notion de "curiosité malsaine" qui retient Chris est également marrante...et sans doute véridique héhé. Mention spéciale à la façon de tèj' Sam, qui a été une occasion parfaite pour ressortir un des nombreux mythe de ce forum Mr. Green

Citation:
Je pense surtout qu’elle a dû se rendre compte qu’en-dehors de moi, elle n’avait pas tellement de potes et de contacts dans la classe.

Si vrai...

La façon dont Tyron remonte aux LG est simple mais efficace, et l'utilisation de Laura par Jérémie l'est tout autant. J'aime bien le côté "à l'aveuglette" qui fait que Jérémie ne sait absolument pas si sa technique va marcher, et se retrouve donc à envisager que peut-être Laura ait chié ou les ait trahis, etc. C'était d'autant bien mené qu'on la savait en train de discuter avec XANA, mais connaissant XANA, il pouvait bien sortir un bon coup de pute qui ferait que le RVLP ne serait pas lancé, et de fait, le suspens se gère plutôt bien. Hâte de voir ce que XANA va tirer de tout ça, s'il joue sur plusieurs tableaux ou s'il s'en remet à Laura uniquement parce que Chris l'a envoyé chier...

Bon, à dans deux ans! Mr. Green
_________________
"Prouve-moi que tu avais raison, Jérémie, dans tout le mal que tu as causé."
Oblitération, chapitre 13

http://i39.servimg.com/u/f39/17/09/92/95/signat10.png
Et je remercie quand même un(e) anonyme qui refusait qu'on associe son nom à ce pack Razz

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Dyssery MessagePosté le: Sam 20 Oct 2018 23:11   Sujet du message: Répondre en citant  
[Frelion]


Inscrit le: 03 Mar 2014
Messages: 77
Yay, un Previously on L’Engrenage ! Merci :D

La rose dans la mare, c’est Aelita qui se noie dans son désespoir après avoir réalisé qu’elle courait derrière une chimère et qu’elle avait mis tout le monde en danger pour rien ?
J’aime bien ton explication sur Hope et la raison de la méprise. Encore une jolie façon de dire à CLE que ce n’était pas si complexe de faire quelque chose d’un minimum crédible (et de beaucoup plus intéressant). Je me suis laissée avoir, je pensais qu’il s’agissait d’Anthéa, leurrée que j’étais par tout ce que j’ai appris sur CLE jusqu’à maintenant, mais ton parti-pris est bien meilleur ! Cela dit, avoue que tu ne l’as fait que pour torturer Aelita et la faire jouer les dramaqueen de service ;)

J’aime bien la relation qui se développe entre Laura et Jérémie (Enfin, dans ce chapitre. J’avoue ne pas très bien me souvenir de ce qu’elle est dans les chapitres précédents :P) Déjà, ils ont des discussions intéressantes, normal puisque tu les utilises pour exposer ta théorie sur le clone polymorphe de Hope. En passant, c’est l’un des rares passages de CLE que j’ai vu, j’avais zappé dessus par hasard à la télé alors que je ne savais pas que ça existait. Aelita avait plutôt l’air d’être en plein lavage de cerveau que de retrouver sa mère après des années de manque, en effet.
Bref, revenons-en à nos têtes blondes, leurs discussions, donc, sont intéressantes, et tu me donnes aussi l’impression qu’elles sont intéressantes pour eux. Ce que je veux dire, c’est que je vois plus d’alchimie entre eux que je n’en vois entre Jérémie et Aelita. Je ne suis pas inconditionnelle des romances, bien que j’aime bien ça je ne cours pas après, mais voir un développement de ce genre entre eux ne me paraîtrait pas choquant si ça se produisait, vu comme ils me semblent sur la même longueur d’onde ici (mais encore une fois, je devrais peut-être retourner zieuter leurs interactions des précédents chapitres avant de dire un truc pareil x) ).

Hé hé, la défaite victorieuse <3
Quand même, elle est bien quiche, cette Aelita. Et puis ils auraient pu y penser, les autres, qu’après qu’elle ait donné son nom, un retour vers le passé aurait peut-être pas fait de mal. D’ailleurs, d’après les discours de Tyron par la suite, le simple fait de lui avoir montré que la translation était possible aurait dû justifier le recours au rvlp. J’ai raté une raison qui fait que ce n’était pas possible (ce qui n’aurait rien d’étonnant, je me connais) ou ils sont juste naïfs ?

Tu sais que tu m’as perturbée, en reparlant des Subdigitals ? En lisant Chris juste après, j’étais paumée, je croyais que tu parlais du mec du groupe :p
Du coup, notre Chris manque peut-être un peu de panache dans ce chapitre mais il a au moins le mérite d’éviter à Christophe des rumeurs infondées. Le cercle des potins m’a bien fait rire, d’ailleurs, même si ses participants ne m’ont guère convaincus. Je vois mal Aelita et Chris se laisser emporter par un tel groupe. Cela dit, ce n’est jamais que mon interprétation des personnages, j’accepte sans difficulté qu’elle soit inexacte. Et ce cassage en règle de Yumi « Elle a pas d’ami alors elle est revenu en pleurant » MOUAHAHAHA ! Dans la même lignée, le Je part. m’a tellement tuée XD
Le fait d’aborder le cas Jerlita à la suite des histoires foireuses, c’est pour nous donner un avant-goût de leur évolution ? En vrai j’ai rien contre le Jerlita mais je trouve souvent que dans les fanfictions, il passe mal. Comme si peu d’auteurs l’appréciaient…

Le retour de Puck, Yaaaaay o/ Ce bon vieux Puck :D Il m’avait manqué <3 J’ai un peu oublié tous les autres mais lui je m’en souviens bien x)
Je n’ai pas grand-chose à dire sur l’entrevue des LG avec Tyron. Je l’ai trouvée parfaitement maîtrisée, même si à titre personnel je suis facilement agacée quand la vérité est juste refusée comme elle l’est ici au sujet de Hopper. Attention, je comprends pourquoi elle l’est, hein ! Mais j’aurais préféré que Tyron accepte au moins d’envisager qu’Hopper puisse être vraiment mort.
À côté de ça, le traumatisme que ressent Jérémie en parlant de l’usine est bien vu. L’ultime tabou, c’est joliment dit.
Et pour finir ce passage en beauté, Laura saves the day.

Ce chapitre me laisse donc avec deux questions :
Qu’est-ce que XANA a bien pu exiger d’elle ?
Qu’est-il arrivé à Chris dans l’autre studio ?
J’espère avoir des réponses avant l’année prochaine ;)
_________________
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Icer MessagePosté le: Dim 25 Nov 2018 17:49   Sujet du message: Répondre en citant  
Admnistr'Icer


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Localisation: Territoire banquise
Salut mec.

Reprendre une fanfic déjà bien avancée après tant de temps n'est pas chose aisée, et tu l’as senti venir en publiant un résumé de l’épisode précédent. Malin. Mine de rien, ça a été bien utile.

J'ai beaucoup de points d'accord avec les deux commentaires de haute volée précédents. Je vais tenter d'y ajouter mes deux - trois réflexions personnelles, la fameuse Icer's touch.

Je pense que ce chapitre est l'un de mes préférés - ok tu vas me dire c'est plus facile quand on se rappelle que vaguement des autres - mais quand même. L'enchaînement des évènements est très bien construit. Entre la séquence de déduction Laura - Jérémie, la propre gestion des erreurs d'Aelita par Tyron (très amusant de constater que, comme chez moi, Tyron a confirmation de ses hypothèses grâce à un article de presse pour retrouver les élèves de Kadic. Vive la presse libre.), le débarquement cash de ses troupes. Le tout sur fond de style zéphyrien dont, comme le dit bien notre collègue, tu n'as rien perdu en 1 an.
Bien sûr, la cerise sur le gâteau reste le :

Citation:
« Je part. »


Mr. Green

Assez d’accord avec Ikorih d'ailleurs, on s’approche du final, du coup on le ressent clairement comme cela à la lecture du chapitre. On se doute naturellement que Laura est tombée sur X.A.N.A. J'aime beaucoup la façon que tu as jusqu'ici de gérer ce combat sur trois fronts - un concept que j'apprécie, cela ne te surprendra pas. La suite devrait tenir toutes ses promesses. Je ne te mets pas la pression évidemment.

De l'excellent travail, comme d'habitude.

_________________
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« Les incertitudes, je veux en faire des Icertitudes... »

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Silius Italicus MessagePosté le: Dim 25 Nov 2018 20:34   Sujet du message: Répondre en citant  
[Krabe]


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Messages: 252
Localisation: à l'Est d'Eden
Bonsoir très cher Zéphyr,

Ainsi la fin se rapprocherait ?

C’est sans doute le point principal de ce chapitre, en tout cas le plus souligné, à la fois par les personnages et par les commentaires. Pourtant, il y a de quoi être sceptique. Ce scepticisme était de mise avant même le début du chapitre sur une base très simple : Xana a-t-il intérêt à ce que la fin arrive, à ce que l’un des deux autres camps l’emporte ? La réponse ne peut être que non. Si les héros l’emportent, il disparaît. Si Tyron l’emporte, il voit s’accroître le risque de se faire repérer et perd l’opportunité et d’exploiter le chaos et de manipuler Chris. Le trio est une structure politique plus stable que le duo. Il s’ensuit que l’intervention de Xana était nécessaire. Le corollaire de ces remarques, c’est aussi que Xana a intérêt à ce que la victoire paraisse toujours plus à portée de main pour chacun des deux camps : un camp acculé, c’est une possibilité de négociation, de gages.

À l’encontre de cette impression que la fin est proche, il y a un autre élément : le retour vers le passé. Il s’agit d’un élément qui permet de rejouer les événements, et donc de rebattre considérablement les cartes. En sorte qu’un usage efficace du retour vers le passé permet de repousser plus ou moins éternellement une échéance.

L’autre élément d’importance de ce chapitre est malheureusement un peu plus anecdotique. Il s’agit de Code Lyokô Évolution. En effet, plus que dans la plupart, si ce n’est que dans tout vos autres chapitres, la relation à la série se sent, du point de vue métatextuel. Reproche, écart et insinuation vis-à-vis du scénario de la série, caractère d’Aelita, relation de Laura et Jérémie… Ainsi, ce chapitre commence sur une réécriture du scénario de la série qui donne un bon exemple de la manière de combler les incohérences autour de la mère d’Aelita, enfin de la supposée mère. De fait il est assez habile et en même temps audacieux de prendre à contre-pied la série. Celle-ci insistait lourdement sur ce lien de parenté, le rendant plus que probable. Votre chapitre se permet alors à la fois d’apparaître comme plus cohérent, mais en plus d’être surprenant, en jouant sur les présupposés des lecteurs. Le plus difficile ensuite était de rationaliser l’attaque de Xana. L’idée d’une sorte de conditionnement hypnotique est intéressante. De fait, par la force des choses, votre Xana est plutôt fin psychologue — ce qu’il n’avait pas à être auparavant du fait de sa puissance — et l’on peut se demander si le conditionnement d’Aelita est le seul ? Certain point laisse à penser qu’il aurait pu essayer de procéder de même avec Chris. Ce qui ferait plus sens que de compter sur un plan basé sur Aelita. Sur cette question de justification scénaristique, l’écart entre votre œuvre et la série est palpable, alors même que les prémisses sont les mêmes.
Un point similaire peut être fait sur la relation entre Jérémie et Laura. Dans l’Engrenage, Laura est caractérisée par son franc-parler. Un point de caractère qui avait été plus ou moins posé au début de la série, mais n’avait pas été exploité, du moins pas comme un élément important. Ici, il devient une marque de fabrique. Il vient aussi donner un nouveau tour à la relation entre Jérémie et Laura. La série avait tenté la construction d’un triangle amoureux à partir de Jérémie, Laura et Aelita. Ou pour être plus exacte s’était attelée à poser Aelita comme croyant à l’existence de ce triangle — encore qu’il y ait eu quelques ouvertures de Laura. L’Engrenage peut prendre une autre direction du fait du caractère plus trempé et franc de Laura. Concrètement, Aelita remplissait deux rôles en même temps. L’amante et la conseillère (plus ou moins techniques) du chef de guerre. Le cœur et la raison. Ici, les deux rôles sont séparés, et cela ne tient pas seulement au fiasco d’Aelita dans la recherche de sa mère. Pendant que Jérémie discute de la conduite à tenir avec Laura, Aelita parle de son amour… Il est à noter que cela diminue l’importance relative d’Aelita au sein du groupe et dans la narration. Cela étant, cette situation est reconnue et assumée de part et d’autre suite à la discussion entre Aelita et Laura quelques chapitres auparavant. Il n’y a pas de triangle amoureux ici, juste une division du travail. Laura devient le bras droit et le factotum de Jérémie. Sa troupe de choc dans le monde réel en somme.

Cela étant, une des déceptions au sein de ce chapitre réside justement dans la discussion entre Jérémie et Laura, enfin surtout dans le début de celle-ci. Il y a comme un problème de rythme. Un problème qui a deux faces et que l’on pourrait résumer à l’aide des concepts anglais de showing et de telling, montrer et dire. Le texte ici prend le parti de dire : le rôle et l’impact de chaque réplique est explicité par les personnages. Alors même qu’ils commencent par s’engager dans une joute verbale, c’est-à-dire dans une confrontation demandant de la vivacité. Ce type de dialogue demande de montrer plus que de dire. Le choix fait dans l’écriture ici ralentit le texte, et en même temps souligne que les vannes échangées ne sont pas très piquantes. Le texte aurait peut-être gagné à n’expliquer le compte des points dans la conversation qu’a posteriori. Ici, le dialogue a semblé manqué de verve.

Heureusement, Tyron vient vite effacer cette impression. Il n’y a plus en lui grand-chose du personnage de la série, si ce n’est les méthodes quelque peu impitoyables et le mariage. Le point intéressant ici, c’est de mettre en opposition l’assurance de Jérémie face à la percée de Tyron et au nouveau front qu’il a la possibilité d’ouvrir. Front sur lequel il a clairement l’avantage du nombre et des armes. Lui aussi peut alors penser que la victoire est à la portée de sa main. Dans le même temps, il continue d’apprendre de ses ennemis. Il est clair que le temps joue en faveur. Plus le temps passe, plus il gagne sur l’avantage technique de ses adversaires, alors qu’il a largement l’avantage du nombre et des moyens. Cela étant, sa capacité à mobiliser une ou deux douzaines de lycéens pour l’épauler en moins de vingt-quatre heures est assez inattendue.
Pour ce qui est de l’interrogatoire qu’il mène, on ne peut que rejoindre le point de Dyssery. Il est logique qu’il ne croit pas que Franz Hopper soit mort, et ce pour deux raisons. D’abord parce qu’en vieux routiers, Tyron pense que ses interlocuteurs commencent forcément par lui mentir. Ensuite parce qu’il paraît improbable que des adolescents l’aient mis en échec de manière aussi spectaculaire sans le recours à un adulte. En outre, il n’a pas détecté Xana. Or il a cherché. C’est là une énigme qui mériterait réponse. Comment se fait-il que Xana puisse à la fois résider sur Tron et ne pas y être détecté par le propriétaire des lieux ? Alors même que les envahisseurs, eux, le perçoivent ? Il est vrai qu’ils ont l’avantage de connaître l’ennemi.

Aux questions finales de Dyssery, il en est une qui manque cependant, le pendant de la première qu’elle pose : Laura va-t-elle révéler qu’elle a négocié avec Xana ? Si les points soulevés plus haut sur son caractère s’avèrent exact, alors elle le fera, ce qui aurait sans doute pour conséquence de rendre la fin à nouveau proche. Sinon, ce grand jeu pourra repartir pour un long tour, et votre serviteur devra trouver meilleure grille d’analyse.

Au plaisir de vous voir renouer les fils de la crise.
_________________
AMDG

Prophète repenti de Kane, vassal d'Anomander Rake, je m'en viens émigrer et m'installer en Lyoko.
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TheGeekno72 MessagePosté le: Dim 23 Juin 2019 12:23   Sujet du message: Répondre en citant  
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"...de l’inespérée expansion lumineuse caractéristique.


À suivre : Mutinerie"

*sourire crispé* ...et merde.
Un alléluia pour le chapitre suivant lol.
On va pas se mentir, je suis mauvais pour les réponses constructives alors je vais vous laisser la !

TheGeekn°72
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Je n'ai aucune idée de ce que je suis en train de faire.

Mais je sais que je le fais très, très bien.
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Zéphyr MessagePosté le: Mer 16 Mar 2022 20:49   Sujet du message: Répondre en citant  
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Zéphyr MessagePosté le: Mer 16 Mar 2022 20:49   Sujet du message: Répondre en citant  
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https://i.imgur.com/ovu6PP2.png




Samedi 18 mai 2013

Laura avait choisi de remonter le temps de deux jours, pour revenir au matin précédant la préparation à la mission « Hope ». Naturellement, le groupe des Lyokô-guerriers n’était pas réuni et au vu des événements récents, des échanges de sms et des appels téléphoniques en tous sens s’ensuivirent. Cette logistique désastreuse déboucha malgré tout sur un rendez-vous immédiat au laboratoire.
Exceptionnellement, l’héroïne du jour était installée au poste de commande, encerclée par sept regards désireux d’avoir des réponses. Les lèvres étaient toutefois trop brûlantes et préférèrent s’exprimer sans attendre :
- Le passif entre nous n’est pas glorieux, mais tu nous as vraiment sauvés sur ce coup. Alors merci, sincèrement.
- Ouais, merci.
- T’as géré !
- J’ai eu la peur de ma vie, j’ai cru que tu n’y arriverais pas à temps ! Tu as eu un souci ou une hésitation de programmation pour que cela dure autant ?
- Dis-donc, t’es vraiment bonne... pour faire monter la tension. On a failli mourir !
- On va peut-être la laisser parler, elle essaie de s’exprimer depuis tout à l’heure.
Chris était le seul à avoir gardé le silence. Il ne semblait pas dans son assiette. L’entrevue avec Tyron ne lui avait clairement pas fait de bien. Laura put enfin prendre la parole :
- Il s’est passé quelque chose pendant que vous étiez pris en otage. Plutôt que de vous l’expliquer, je vais directement vous le montrer, ce sera plus rapide.
Elle fit pivoter son siège pour se retrouver face à l’écran, prétexte idéal pour tourner le dos aux autres. Quelques commandes furent saisies, puis une archive de vidéo-surveillance s’enclencha. L’image était datée du 20, soit deux jours dans le futur, mais moins d’une heure auparavant dans les faits.

Point de vue sur le laboratoire. Laura était aux commandes, sans s’activer à l’écran. Elle était tournée vers le monte-charges et attendait. Lorsque celui-ci s’ouvrit, il relâcha... Laura, essoufflée et manifestant de la surprise.
- Salut. L’heure est aux négociations, déclara celle qui était assise.
La voix était douce, sans déformation, mais personne n’était dupe sur l’affiliation de son émettrice. L’originale garda le silence, mais se rapprocha néanmoins de son interlocutrice. Un zoom s’opéra sur l’enregistrement.
- Je vois que la leçon a été retenue depuis mon coup d’éclat, poursuivit Xana sur le ton de la conversation et en désignant l’interface du supercalculateur. Très ingénieux ce nouveau système de verrouillage : il me faudrait du temps pour l’étudier... et le passer. Or du temps, nous n’en avons pas à l’heure actuelle. Sans compter que je ne suis pas là pour ça et que j’ai meilleur intérêt à montrer patte blanche, pas vrai ?
- Que veux-tu ?
Le souffle de Laura semblait revenu à un rythme ordinaire. Elle n’en avait pas perdu son empressement, ni sa vivacité d’esprit.
- Vous êtes dans une situation délicate. Tyron est à deux doigts de vous vaincre. Je me trouve sur le chemin entre toi et la solution qui arrangerait tout. Nous allons réfléchir ensemble à un moyen de sortir tous les deux gagnants de cette affaire.
L’humaine sembla se crisper : après tout, cela ne faisait qu’une lourde responsabilité supplémentaire à endosser. À ce niveau, négocier avec l’ennemi qui le connaissait le moins était assez fourbe de la part de Xana.
- Au vu de ma position de force actuelle, je pense pouvoir réclamer un abandon pur et simple de votre entreprise envers la machine qui m’héberge actuellement.
Laura fit des yeux ronds face au culot de la proposition, alors qu’elle s’y connaissait en la matière. Sa réponse fusa :
- Autant laisser Tyron mettre la main sur cet endroit, ce sera moins pire, et il aura les preuves que tu existes, en prime. Peut-être même que c’est une meilleure option que de lancer le retour vers le passé...
Un sourire arrogant se dessina sur le visage de la fausse Gauthier.
- Avec un peu d’astuce, je suis sûr que j’arriverais à trouver le temps d’effacer toutes les informations me concernant de ce poste, en dépit de vos dernières précautions.
L’humaine délivra un sourire encore plus arrogant que celui de son doppelgänger, qui le perdit par effet domino.
- Jérémie n’a pas été assez bête pour tout laisser sur le même support de sauvegarde. Il a pris ses précautions pour que ces informations soient découvertes si jamais ça tournait mal pour l’ensemble du groupe.
- Tu bluffes...
Silence.
- Bien. Dans ce cas, je propose une trêve. Pendant un mois, je n’entamerais plus la moindre initiative offensive à votre encontre, ici ou virtuellement. De votre côté, vous ferez de même à mon égard.
- C’est déjà plus raisonnable, renchérit Laura. Mais pour un mois, hors de question.
L’expression du spectre se crispa. Il semblait se contenir pour ne pas foudroyer la blonde sur place.
- Nous sommes proches de ta destruction, je doute qu’il nous faille encore beaucoup de missions pour y parvenir. Repousser l’échéance d’un mois, aux vacances d’été, nous handicaperais largement. En plus, tu ne peux pas te permettre d’être repéré par Tyron. Sinon nous ne serions pas en train de négocier actuellement et tu aurais déjà agi. Si je ne savais pas que tu étais un programme, je te dirais presque désespéré. Je te propose donc une semaine de trêve, c’est suffisant pour préparer tes défenses pour notre attaque finale.
- Deux semaines.
- On peut monter à huit jours.
Le ton de la voix de la lycéenne, devenu hautain, témoignait d’une assurance retrouvée. Idée discutable au vu de l’interlocuteur, qui mécanisa sa voix en conséquence :
- N’abuses pas de ma patience. Je peux aussi détruire toutes vos installations et vous laisser vous débrouiller. Et te griller l’échine au passage.
Silence pesant. L’injection de rappel avait agi immédiatement.
- Dix jours. Le juste milieu de nos deux propositions. Je ne peux pas proposer plus en l’absence des autres.
Le sourire changea à nouveau de camp. Xana aimait avoir l’ascendant psychologique visiblement.
- Ça me semble correct. Dix jours après le lancement du programme. Aucune attaque sur Tron, de quelque manière que ce soit. Je respecterai la trêve de mon côté. Si jamais vous rompez le marché, j’enverrai personnellement Tyron sur vos traces, qu’importe que cela me trahisse ou me perde.
Encore un silence. Il aurait été naturel que Laura relance l’intelligence artificielle sur sa fiabilité, mais le coup d’intimidation précédent avait fait son effet. Aussi, elle garda le silence.
- Je vais donc te laisser la suite, épilogua Xana. Après le retour vers le passé, j’activerai une tour, pour éliminer du web les informations qui ont permis à Tyron de vous retrouver aujourd’hui. Cela scellera notre accord, et vous montrera que je suis un bon joueur qui tient ses engagements.
Le spectre abandonna son apparence humaine pour redevenir cette matière noire d’apparence visqueuse. Il disparut par le plafond, comme la plupart de ses congénères avant lui.


- Voilà, fit Laura en fermant la fenêtre de visionnage. Après ça, j’ai pris le temps de vérifier que Xana n’avait rien fait de douteux sur l’interface, ce qui m’a demandé un délai supplémentaire avant le retour dans le temps.
- Tu as bien fait, lui répondit Jérémie. Franchement, tu ne t’en es pas si mal tirée que ça sur cette négociation. Je ne sais pas si on aurait pu avoir mieux, d’autant plus que Xana m’a donné l’impression d’aller là où il voulait.
Les autres acquiescèrent silencieusement.
- De toutes façons, poursuivit-il, je pense que Xana a encore besoin du laboratoire. L’un de nous en est la preuve vivante.
Chris, toujours en retrait, sentit les regards se poser sur lui.
- Par contre, enchaîna Yumi, sa menace de nous envoyer Tyron m’inquiète un peu. Vu à quel point il a réussi à nous coincer cette fois...
- Si on reste sur nos gardes ça devrait aller, tempéra Jérémie. Xana essaie de la jouer suicidaire mais je ne pense pas que sa programmation lui fasse aller jusqu’à se tirer une pareille balle dans le pied. Il essaie surtout de nous déstabiliser parce que, Laura l’a correctement dit, c’est lui qui est en mauvaise posture. Ne nous déconcentrons pas, on est très proches de la fin.
- N’empêche, souligna Aelita, Xana a bien changé. Avant, il n’aurait jamais discuté avec l’un d’entre nous comme ça.
La remarque laissa le groupe songeur.
- Bref ! rebondit Jérémie. Maintenant que cette menace est passée, il est temps de penser à la suite. Puisque nous en avons pour dix jours de plus, autant préparer notre prochain assaut du mieux possible. Xana y mettra certainement du sien dans la défense, sans compter Tyron.
- On pourrait profiter de la trêve pour s’entraîner au combat sur Lyokô tous les jours, suggéra Odd.
- Excellente idée, ça nous rendra d’autant plus efficaces sur le terrain. De mon côté, je vais essayer de voir ce que je peux faire niveau logistique et programmes.
Un élan enthousiaste commençait à se former au niveau des adolescents. La perspective d’en finir avec Xana juste avant l’été, ou même que les épreuves anticipées du baccalauréat pour ceux qui étaient en première, était réjouissante. Un seul ne profitait pas pleinement de cette ambiance de fin, et la brisa :
- Que fera-t-on par rapport à Tyron ?
- C’est-à-dire Chris ? demanda Yumi.
- Détruire son supercalculateur ne l’empêchera pas de continuer ses expériences, ou même de construire une nouvelle machine. Ne faudrait-il pas faire quelque chose ?
- Je comprends ton sentiment, répondit Jérémie de sa voix la plus diplomate. Seulement, notre objectif et notre responsabilité ne concernent que Xana, avoir un problème de ce genre à gérer en plus... ça nous dépasse.
Il y avait dans les derniers mots l’aveu silencieux que le groupe était épuisé par la lutte. La validation silencieuse générale n’en irrita que plus Chris.
- Même mettre les autorités sur sa piste ce n’est pas possible ? Après tout, on possède des données compromettantes sur lui.
- Malheureusement, non, à cause de la possibilité que cela remonte jusqu’à nous. Surtout Aelita, qui a une fausse identité.
La coupe était largement pleine pour l’ex-testeur de Tyron. Qu’il s’enflamme autant en son for intérieur le surprit mais il n’avait pas envie de faire preuve de retenue pour lâcher sa pensée :
- Alors ne comptez plus sur moi pour vous suivre dans vos projets, si c’est là toute la considération que vous avez.
- Calme-toi Chris, tenta d’adoucir Yumi. Tu es encore à cran par rapport à ce qui vient de se passer avec Tyron. On a simplement conscience de ce qu’on peut faire, et de nos limites.
Elle lui tapota l’épaule dans un geste amical, ce qui n’arrangea rien. Le concerné manqua de balancer rageusement qu’on lui cachait bien l’existence du programme parasite de Xana en lui. S’attribuer et se défausser des responsabilités était en effet simple, de ce point de vue. Avec cette dernière réponse, il bouillonnait. Préférant ne pas éterniser un débat fermé, il profita de la dernière once de contrôle de soi qui lui restait pour partir sans ajouter un mot.
Personne ne fit mine de le retenir.


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Dimanche 19 mai 2013

Dans le ciel bleu nuit du territoire Banquise, trois silhouettes en fil de fer blanc se formèrent, se remplissant progressivement de leur substance. Aelita et Yumi se réceptionnèrent comme à l’accoutumée tandis que Laura passait par l’inévitable bizutage du premier atterrissage sur Lyokô, c’est-à-dire raté et ridicule.
La blonde se releva avec dignité, avant de contempler le monde sous ses yeux. Bien qu’elle s’attendît à un tel panorama au vu du nom du secteur, ça ne l’empêcha pas d’apprécier toute cette eau, solide et liquide, à sa juste valeur.
- Je ne m’attendais pas à ça quand j’ai suggéré de te former sur le terrain, déclara Aelita.
Arrachée à sa contemplation, Laura se recentra sur elle-même, intriguée par l’apparente perplexité des deux autres filles. Sa tenue virtuelle était une copie carbone d’une autre qu’elle avait l’habitude de mettre dans la vie réelle. Chaussures et jupe bleues, T-shirt orangé et veste couleur lin. À ses épaules pendait une besace d’un orange vif, sur lequel le symbole de l’infini était cousu. Effectivement, elle s’attendait à un résultat plus engageant de la part de son subconscient.
- Comme quoi, tu n’avais pas vraiment tort quand tu disais que je n’avais pas d’imagination, philosopha-t-elle.
- Allez c’est pas grave l’apparence, glissa Yumi. Ce qui va nous intéresser, ce sont tes armes et capacités.
En guise de réponse, la nouvelle Lyokô-guerrière sortit de son sac une tablette numérique ainsi que trois petits dispositifs évoquant vaguement des électrodes. Restait à déterminer leur utilité. D’un geste, elle alluma son écran portatif et entreprit d’en explorer les fonctionnalités. Sentant le silence de ses accompagnatrices, elle lança :
- À propos Yumi, tu ne m’as pas fait de retour sur les améliorations de ton avatar. Est-ce que tout te convient, comme Odd ?
La nippone mima une légère surprise. Il était rare que Laura adresse la parole à quelqu’un en dehors des cerveaux du groupe, même pour des sujets fonctionnels comme celui-ci.
- Franchement, j’adore. Avoir le bâton à portée de main, c’est déjà une super avancée, mais les éventails qui servent de supports et d’ancres télékinésiques, ça m’offre beaucoup plus de possibilités.
Pour illustrer son propos, elle généra ses projectiles métalliques, qui s’entourèrent d’une aura blanchâtre en même temps qu’elle pour s’élever doucement à hauteur d’œil. Pour la frime, elle attrapa le manche de son bâton, attaché à une lanière sur sa cuisse droite, et le déploya. Sans effort apparent, elle fit tournoyer ses éventails comme des toupies.
- Ravie de voir que ça fonctionne, conclut Gauthier devant le spectacle. Modifier les défauts du pouvoir aurait pris beaucoup trop de temps, ça m’a semblé plus simple de créer quelque chose qui comble au moins les problèmes directs, à savoir la facilité de déploiement et la distance.
Yumi remballa son attirail, et se tourna vers Aelita.
- Bon, c’est pas tout mais si on allait voir les garçons ? J’ai promis un duel à William.
- Je vais rester ici et commencer à m’habituer à tout ça pour commencer, précisa Laura.
Sans blabla supplémentaire, les deux amies se dirigèrent dans le tunnel adjacent à leur platebande glacée d’arrivée, descendant vers une arène circulaire sous le niveau du sol et bordée de cascades.
- Alors, cette tablette, ça dit quoi ? relança Jérémie en voix-off une fois la blonde seule.
- A priori, si je veux pouvoir attaquer, j’ai besoin d’absorber une attaque magique ou énergétique au préalable.
- Pas inutile, mais compliqué à placer dans un affrontement avec des Ninjas.
- Finalement, on aurait peut-être dû échanger nos places, taquina Laura.
- Oulà non ! paniqua l’opérateur. Crois-moi, tu ne pourras pas être plus ridicule que moi.
La virtualisation de la fille était la conséquence logique de la préparation à ce que tout le monde appelait déjà l’ultime mission. Une seule personne aux commandes suffisait. Du coup, autant avoir le plus de monde possible sur le terrain. Il fallait également compter la défection apparente de Chris, qui n’était pas venu à cette première séance d’entraînement malgré sms de rappel. Oui, son apport ne serait pas de trop.


Au bout d'un moment, William émergea du tunnel. Les échanges de coups avec les autres – Odd en particulier – avaient été trop enthousiastes pour ses points de vie. Il avait besoin d’une tour. Il avisa Gauthier, assise sur un rocher de glace, les yeux rivés sur sa tablette, avant de l’aborder :
- Alors, comment tu t’en sors ?
- Ma tablette contient toutes les informations sur mon avatar, répondit-elle sans lever les yeux, donc j’en connais déjà toutes les capacités. Il n’est pas spécialement taillé pour le combat mais il devrait pouvoir se rendre utile.
- Par exemple ?
Cette fois, elle cessa de regarder son écran. Elle s’attarda un instant sur l’apparence de William, qu’elle voyait pour la première fois. Une combinaison moderne élaborée qui n’avait rien à envier à celle des autres, grise sur le haut, bleu pétrole sur le bas, avec bottes assorties. Soutenu par une ses mains gantées, un large zanbatō était calé sur l’épaule du guerrier. Il n’était plus vraiment ténébreux ainsi. Sa contemplation de quelques secondes passa pour de la réflexion, ce qui lui permit de rebondir : elle attrapa un des dispositifs dans son sac et le colla par surprise sur la jambe de son aîné. Dès lors, l’appareil se mit à émettre une lumière blanche clignotante.
- Hé qu’est-ce que tu fais ? protesta le garçon. C’est quoi ? ajouta-t-il en essayant de retirer le bidule sans y arriver.
- Une interro surprise, le taquina Laura. Mes mouchards m’offrent l’analyse complète du corps ou objet virtuel sur lequel ils sont collés. Allez, liste-moi tout ce dont tu es capable. Peut-être que ton avatar a encore des pouvoirs que tu ignores...
- Ça m’étonnerait. Mais si tu insistes... Pour commencer, grâce à une mise à jour de Jérémie, je peux faire apparaître ou disparaître mon épée à volonté. Quand je l’ai en main, je peux envoyer des salves d’énergie. Elle me permet aussi d’activer mes pouvoirs selon la position de sa pointe. Vers le bas, je lévite. Vers le haut, je gagne en force et en vitesse. Allez, apprends-moi quelque chose que je ne sais pas maintenant.
- Pas mal, admit la blonde. Tes capacités dépendent effectivement entièrement du zanbatō, ce qui est à double tranchant si jamais tu es désarmé. En revanche tu manques de rigueur sur « ton pouvoir » pointe vers le haut. Il provoque un Allègement – les données l’appellent comme ça en plus – de ton corps et de ton arme. Ça te permet de la manier plus facilement et de bouger plus vite. Ta force n’est pas altérée, c’est une impression que tu as puisque le pouvoir te permet de l’exploiter à son plein potentiel.
William haussa les épaules.
- Tu chipotes ! Et ça ne change rien à sa difficulté d’utilisation. La Supersmoke était beaucoup plus instinctive et je pouvais la sortir quand je voulais.
La remarque n’entra pas dans l’oreille d’une sourde, laquelle relança sur son cas :
- Je n’ai pas encore testé la fonctionnalité en condition réelle, mais apparemment, ma tablette est en mesure d’altérer les performances des avatars : je peux aussi bien les booster que les priver de leur énergie.
- Mais c’est génial ! On teste tout de suite ?
Laura parut gênée.
- C’est-à-dire que le programme puise dans ma jauge d’énergie virtuelle personnelle et que je l’ai quasiment vidée en découvrant l’option. Entrer dans une tour n’y a rien changé.
- Je ne suis pas le seul à avoir des restrictions bizarres, rit l’ancien Xana-guerrier, ça me rassure. Celui qui a inventé ça doit être tordu.
- Tu parles de nos subconscients je te rappelle. Le même qui t’a doté de cette grosse épée.
Dunbar fut désarçonné par la remarque et le fait qu’elle soit aussi cash.
- Bref, poursuivit la nouvelle Lyokô-guerrière, il y a une dernière chose à propos de ton zanbatō.
Elle redirigea ses yeux sur l’écran.
- C’est écrit ici qu’avec suffisamment d’élan, elle est capable de provoquer un « impact explosif » sur la cible. J’avoue avoir un peu de mal à visualiser.
- Pas moi. Je crois que je l’ai déjà fait une fois. Voyons voir.
Il avisa les environs. La passerelle glacée qui menait à l’arène aux cascades était cernée d’eau, mais proposait quelques reliefs comme celui sur lequel était assise sa camarade. William en sélectionna un de taille standard, se plaça à bonne distance, puis s’élança arme en main. À peine parti, il se mit à tournoyer, profitant du sol glissant pour intensifier son élan. La lame se mit à luire, comme en amont de l’envoi d’une salve. Au dernier moment, le lycéen reprit le contrôle de son mouvement et abattit son épée avec fracas sur la cible. Des morceaux de glace volèrent en tous sens et loin, du fait de l’onde de choc générée. Ne restait du caillou d’eau solide qu’un cratère à échelle du zanbatō, et des débuts de fissures autour.
L’éclateur de roc revint vers Laura avec une expression satisfaite.
- Et voilà le travail ! commenta celui-ci.
- Impressionnant. Je ne suis pas loin de te proposer de faire équipe pour aller détruire immédiatement Xana en secret.
La remarque goguenarde était suffisamment absurde pour que William se contente d’un ricanement en réponse.


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Piste ζ : (19/05/2013)

Le retour vers le passé n’a pas que des avantages : la piste que j’avais enregistrée lors du premier dimanche a été effacée. Je n’ai pas la foi de la refaire. La restituer telle quelle, dans toute sa spontanéité, est impossible. Cela dit, j’y gagne au change : ma disparition avec « Christophe » dans le parc et la rumeur que cela a engendré ont été balayées. Sauf de ma mémoire bien sûr.

Après avoir théâtralement, mais surtout furieusement, quitté l’usine, l’envie de passer la journée à Kadic fut très faible. Je n’avais pas envie de me situer dans un environnement proche de cette bande envers laquelle je ne me sentais pas en harmonie. Au lieu de quoi, je rejoignis la station de RER, après un rapide crochet par l’internat, et m’engageai pour plus d’une heure de trajet, jusqu’au seizième. L’idée était de me poser dans un endroit où je serais complètement isolé. Aller chez mon oncle était à mes yeux l’option idéale, d’autant plus qu’il ne risquait pas d’être présent.
J’arrivai peu avant midi à l’appartement. Contrairement à mes prévisions, je tombai rapidement sur son propriétaire, qui m’accueillit à sa façon :
- Je ne me souvenais pas que tu devais rentrer aujourd’hui...
Habituellement, je répondais à ce type de remarque sur le vif, mais comme nos relations s’étaient apaisées, je fis un effort pour me pas être trop tranchant en répondant :
- J’avais besoin de changer un peu d’air et de me reposer dans un endroit moins... tumultueux.
Il fit un bruit de gorge en réaction. Cela semblait lui suffire comme justification.
- Et toi, poursuivis-je, tu n’es pas en déplacement actuellement ?
- Je suis arrivé ce matin, exposa-t-il, et je repars tôt demain.
Il lâcha un long bâillement et fit mine de se diriger vers sa chambre.
- Sur ce, j’ai deux nuits à effectuer en une fois, si tu pouvais ne pas faire trop de bruit... Pour le reste, tu es assez grand. Et avant que je n’aille m’effondrer, est-ce que tu veux que j’appelle à Kadic pour prévenir que tu restes ici ce soir ?
La proposition me surprit autant qu’elle m’arrangea, aussi je l’acceptai volontiers. C’était avec ce genre d’attention que mon tuteur m’apparaissait comme cool.

La suite de ma journée fut principalement consacrée à buller. J’entrecoupai ces moments de rien avec des lectures furtives, des gribouillages, des déambulations sur internet, et même la préparation d’un goûter frugal. J’aimais, très situationnellement, passer ce genre de moments à la limite de l’ennui. Savoir mais surtout sentir qu’on avait du temps pour ne rien faire dans sa vie. C’était aussi particulier qu’appréciable à mon sens. Bien sûr, mon besoin de faire le vide des derniers événements n’y était pas étranger. Le plus souvent du temps, l’ennui faisait malheureusement très bien son travail auprès de moi.
Quand dix-neuf heures approcha, un coup de barre me prit soudainement. Décidé à me laisser vivre, je n’hésitai pas à interrompre toute activité pour m’affaler sur mon lit. Je fermai naturellement les yeux, dans l’idée que la torpeur s’en irait après quelques minutes, même si je ne m’endormais pas. Rien ne se déroula comme senti et je sombrai rapidement.

Le parasite gracieusement offert par Xana en profita pour se rappeler à mon souvenir, sûrement pour appuyer ma découverte récente de son existence. Cela étant, il n’avait plus stimulé mes nuits depuis près d’un mois. Pour l’occasion, il me gratifia de pas moins de trois rêves.

Celui qui ouvrit le bal n’en était un que dans la forme. Il consistait en une rediffusion fidèle – enfin je pense – d’une scène vécue avant le retour dans le temps, soit quelques heures auparavant. Un pur moment de bonheur donc.
Clément venait de me pousser prestement dans une nouvelle salle du studio d’enregistrement, sensiblement identique à la première dans laquelle Tyron nous avait séquestrés. Il n’avait pas traîné pour repartir. Puck, mon garde personnel, avait refermé la porte et s’y était naturellement adossé.
- Enfin seuls, lança-t-il d’une voix joviale. Ça faisait longtemps qu’on n’avait pas pu discuter toi et moi. Quoique... si tu préfères qu’on se mette d’abord dessus, pas de soucis. Je n’ai rien contre griller les étapes.
Évidemment, dans le contexte, j’étais déjà bien remonté. Les remarques légères et hors de propos du Gardien de Tron ne firent qu’aggraver les choses. J’attrapai le premier objet qui me tomba sous la main, un tabouret basique, pour le lancer sur mon opposant. Bien entendu, il me vit venir et se décala simplement pour éviter le projectile, qui rebondit contre la porte puis le sol avec des bruits mats.
- Tu m’as l’air chaud bouillant pour qu’on se fritte !
Il se mit en garde et s’approcha doucement de moi. Mon agression initiale n’avait pas été motivée que par l’impulsion de la fureur. Le raisonnement était qu’en jouant sur le côté bagarreur de Puck, j’avais moyen de le neutraliser puis de m’échapper, voire d’aider les autres si la situation le permettait. Ce faisant, lorsque mon adversaire fut à portée, je lançai l’offensive avec un crochet du gauche. L’air encaissa mon coup sans broncher et je me pris immédiatement un uppercut, nonchalamment administré par le sbire de Tyron. Le choc me retourna le cerveau et me fit perdre l’équilibre. En tombant, je me cognai l’omoplate gauche contre ce qui devait être un coin de table. La douleur était atroce et se manifesta sans la moindre retenue. Accusant réception de tous ces signaux, mon corps resta au tapis. Mon esprit, bien que se retrouvant, jugea bon de suivre cette décision.
- Allez Cristiano, on ne simule pas. Debout !
Constatant que j’étais bel et bien groggy dès le premier assaut, Puck renchérit :
- Je suis un peu déçu je t’avoue. Depuis notre binôme de baston, j’attendais le moment où on pourrait se confronter. Mais ce n’est pas parce que tu pousses des gémissements de douleur que je ne vais plus te tabasser.
Il se plaça devant moi et s’accroupit, de façon à entrer dans mon champ de vision. Ma position latérale du moment facilita le processus.
- Si tu trahissais les autres zigotos et que tu nous révélais ce que tu sais, l’affaire serait immédiatement pliée. Tu pourrais même être repris pour le projet de virtualisation. Vu que tu as rejoins un autre groupe avec un monde virtuel, c’est forcément que tu voulais y retourner, malgré ton départ de notre groupe.
Il me fixa quelques instants.
- D’accord, inutile de me répondre, ton regard de tueur en dit long. Tu as la haine contre Tyron.
Une pause dans le discours fut ménagée.
- Pourquoi tu le détestes autant ? Parce que tu as failli mourir ? Mais sans ça, tu n’aurais jamais vécu une expérience comme la virtualisation. Tu ne me feras pas croire que ces quelques semaines chez nous n’ont pas été les plus incroyables de ta vie morose. Si c’est pour éviter l’ennui, alors risquer sa vie vaut la peine.
À nouveau, il fit une pause, avant de reprendre avec conviction, presque pour lui-même :
- Oui, tout ça en vaut la peine.
Visiblement, il se moquait que je réponde à son argumentaire. Puis, sans rien ajouter de plus, il se redressa et entreprit de me passer à tabac, comme promis. Il appliqua ses coups sans se presser, en sélectionnant les zones où donner ses coups de pied avec soin. Par réflexe, je me protégeai, avec les bras mais aussi en me recroquevillant, les parties que je considérais instinctivement comme sensibles.
Je me sentis impuissant, au niveau d’un simple sac de sable. Le fait que je ne parvienne pas à réagir ou même à envisager mentalement de me débattre m’enfonça davantage dans un mélange de frustration, de fureur et de détresse. Je n’étais plus aux commandes, du moins conscient, de mon propre corps, la conclusion me sauta aux yeux. La petite voix du squatteur dans ma tête en rajouta une couche :
« Je peux t’offrir l’oubli. Plus de douleur, et surtout, plus de sensation de ne plus être maître de son corps, n’est-ce pas ? »
- Ça suffit arrête, lâchèrent mes lèvres.
- Faiblesse.
Le jugement de Puck était sans concession. Cette fois-ci, il leva le pied haut. Son prochain coup allait faire plus mal que les précédents. Je ne sus jamais si cette observation était juste : mon bourreau s’écroula à terre après un cri et quelques crépitements. Une nouvelle silhouette s’accroupit alors face à moi. Je relevai prudemment la tête, pour voir mon propre visage me narguer avec un sourire doucereux.
- Décidément, tu ne peux pas te passer de mon aide, tu ne trouves pas ? lança l’émissaire de Xana.
Je n’avais pas la force de répondre, ce qui ne l’empêcha pas de continuer :
- D’ici quelques minutes, tu seras à nouveau sur pied. Je profite juste de l’occasion pour m’adresser à toi directement et réitérer mon intérêt à ton égard. Et puis, ça me permet également de te montrer que Tyron et sa clique ne sont pas un problème pour moi. Je peux leur régler leur compte à tout moment.
Il fallait reconnaître à cet être un grand sens de la théâtralité, qu’il poussait parfois trop loin et pouvait être pris pour de l’ironie. Malgré les élancements dus aux coups, je ne pus m’empêcher de me moquer :
- Dans ce cas, pourquoi te cacher, si tu as la supériorité pour toi ?
Le faux moi perdit son sourire.
- C’était la dernière aide que je t’accordais. Des affaires plus pressantes vont prochainement m’occuper. Néanmoins, si jamais tu en viens à reconsidérer ma proposition, jette un œil à ta boîte mail. Tu y trouveras de quoi faire...
Sur cet ultime message, le spectre s’évapora.

Puis, sans transition, je fus projeté dans le rêve suivant. Ou plutôt, j’eus l’impression de m’extirper du premier songe en déchirant son tissu constitutif, par un envol pur et simple. Ce qui tombait bien, puisque je m’élevais dans les airs dans les cieux de Tron, droit vers son soleil pâle, mais brillant. Un coup d’œil à mes pieds m’informa que la terre ferme était déjà lointaine, et que ma tenue virtuelle avait retrouvé sa blancheur originelle. Je me rendis par la même compte que je ne contrôlais pas mes mouvements. Encore.
Pas le temps de me lamenter du retour de cette malédiction : l’appui aérien cessa d’un seul coup, ouvrant la voie pour une chute libre. Immédiatement, la résistance de l’air fit son œuvre et ma cape, au lieu de filer droit et de flotter au-dessus de ma tête tel un étendard, fut rabattue directement sur mon visage. Malgré l’absence du besoin de respirer virtuellement, je me sentis suffoquer. Je tentai de reprendre un semblant de contrôle au cours de la chute, à coups d’injonctions mentales violentes. Sans résultat, comme les fois précédentes.
Ma course s’acheva en grand plongeon, dans une eau à la sensation étonnamment fluide au vu de la hauteur de chute. L’élément liquide colla encore plus le tissu sur mon visage, montant d’un cran mon niveau de panique et d’étouffement. L’instant suivant, je sentis ma conscience comme mon avatar se désagréger. D’une façon différente de la dévirtualisation : ce n’était pas un voyage-retour vers une autre réalité, je me dissolvais dans celle de la virtualité, pour ne jamais en revenir.
Je perdis la notion de moi-même.
C’était comme dans un rêve, avec l’eau s’infiltrant dans les fissures de mon être, pour l’éroder avidement.
Plus de souffrance, plus de conscience de soi-même. Plouf.
Il suffisait de se laisser entraîner dans ce nouveau monde.
L’enfer, le silence.

Une expiration brutale et salvatrice constitua la transition vers le dernier rêve de la trilogie, le plus bref.
L’humidité n’en avait pour autant pas disparu. Un liquide coulait doucement sur mon dos. J’étais à demi-conscient, en position latérale sur une surface dure, également trempée. Puis mon cerveau daigna notifier l’intense douleur parcourant mon dos, une sensation de brûlure atroce. Pénétrante, dévorante et pulsante comme un cœur, la sensation de feu s’infiltra dans toutes les strates de ma conscience. Je ne saurais dire si je criais ou non, la tête me tournait à cause de la douleur dans tous les cas.
Au milieu de tous ces avertisseurs rouges et lumineux envoyés par mes nerfs à mon cerveau pour me signifier la souffrance du moment, celui-ci perçut autre chose. Des paroles. Inaudibles au milieu de la focalisation douloureuse. Je me fis violence pour tenter de les capter, entrouvrant même les yeux, pour ce que cela valait. Malgré une vision troublée comme par un voile aqueux, je parvins à distinguer la face calme de mon oncle. C’était lui qui faisait couler de l’eau sur mon dos, probablement pour limiter les dégâts de la brûlure.
- Encore un peu de patience, c’est bientôt terminé.
Loin de me soulager, la réplique me donna l’impression de renforcer la brûlure à vif . Je sombrai alors définitivement.


Pour une fois, je ne me réveillai pas immédiatement dès la fin de mes rêveries. Je suppose avoir dormi encore un peu avant que cela n’arrive inévitablement. Je n’en sais trop rien en réalité, mais l’émergence demeura désagréable. Dormir tout habillé n’avait pas aidé, d’autant plus que de la sueur froide s’était formée le long de mon dos. Le tout m’inspirait l’impression d’être sale après passage sous un rouleau compresseur.
Naturellement, je me dirigeai vers la case douche. Manque de chance, la salle de bain était occupée par mon oncle. Il était moins de six heures, chose cohérente avec les horaires que je lui connaissais. Pour patienter le temps qu’il libère la pièce, je partis squatter l’ordinateur fixe de son bureau. Les traces de ma nuit étaient encore fraîches dans mon esprit, en particulier le replay d’une scène vécue quelques heures auparavant seulement. La lumière de l’écran, d’une pâleur d’outre-tombe au milieu de la pièce que je n’avais pas pris la peine d’illuminer, me replongea dans cette torpeur caractéristique du monde onirique. Mes mouvements de souris et au clavier étaient lents, presque mécaniques. Je ne réfléchissais plus, car ce serait simplement une torture mentale pour se diriger vers un résultat identique à l’impulsion initiale.
J’ouvris ma boîte mail, que je n’utilisais que pour les inscriptions administratives ou sur des sites. Les mails présents étaient tous non-lus, en continuité avec mon utilisation peu courante de l’adresse. Dans les plus récents, le nom d’un expéditeur accrocha mon regard : Xavier Nanterre. Le manque de subtilité du nom me permit d’effectuer rapidement le rapprochement. Il ne s’était pas encombré d’un objet, ou même d’écrire un message. Seule figurait une pièce jointe intitulée Instructions.pdf. Sans chercher à étudier son contenu, je l’imprimai machinalement. Le processus demanda un certain temps, le document contenant une bonne quarantaine de pages. Sur le coup, je n’étais pas certain de la motivation de mon geste. À présent, avec le recul, je me dis que ça me servira de prétexte pour revenir vers la bande une fois que je serais calmé et que je voudrais leur reparler.
Suite à ce règlement de comptes avec l’environnement, j’éteignis le poste, récupérai les feuilles encore chaudes dans l’imprimante, puis retournai les déposer dans ma chambre. Au passage, je notai que mon tuteur en avait fini avec la salle de bain. Le timing ne pouvait pas être meilleur.


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Mon oncle respecta notre règle tacite du silence jusqu’à la fin du petit-déjeuner avant de prendre la parole :
- Ça m’arrange que tu te sois levé tôt. Je voulais parler un peu avec toi avant mon départ.
Je ne répondis rien, l’invitant à poursuivre.
- Comment avance cette histoire de lutte virtuelle ? Tu ne m’as pas vraiment tenu au courant des évolutions.
En un mois, je n’avais effectivement fait que l’avertir que je comptais poursuivre mon implication avec le groupe de Kadic. De son point de vue d’adulte, la perspective n’était pas enthousiasmante, surtout si je ne faisais circuler aucune information derrière.
- Ils arrivent sur la fin, répondis-je. Encore une mission, voire deux, et ils auront détruit la machine de Tyron. Et Xana.
Dans mon explication, je n’avais pas pris la peine de m’inclure. Mon ressentiment de la veille était encore présent. Celui qui me faisait face ne manqua pas ce détail :
- Tu es sûr que tout va bien ? À t’entendre parler, ça n’a pas l’air de te réjouir.
- Je me suis simplement accroché avec eux, me défendis-je. L’idée de laisser Tyron s’en tirer juste avec sa machine détruite, après tout ce qu’il a fait, ça ne me paraît pas assez. Ils ne sont pas d’accord avec moi.
- Et ils ont bien raison, rétorqua-t-il sèchement. Ils font ce qu’ils font dans leur propre intérêt avant tout. Inutile d’être zélé.
À cette annonce, mon irritation du jour d’avant refit surface :
- Donc pour toi, un type qui est responsable de plusieurs morts devrait ne pas être puni ou signalé aux autorités ?
Mon oncle soupira.
- Tu as passé l’âge de te prendre pour un héros à cape et d’être aussi naïf.
Il fit une pause dans sa phrase, comme s’il avait voulu y ajouter quelque chose mais qu’il s’était ravisé.
- Tu t’es embarqué dans une affaire qui te dépasse, de base. Si tu cherches à aller plus loin que ton objectif – qui était d’en finir avec cette expérience et la surmonter, pour rappel – ou même que ton champ d’action initial, ça se finira mal. Et cette fois-ci, compte sur moi pour t’empêcher de faire une erreur.
Sa rhétorique d’homme raisonnable qui comprenait les choses m’agaçait autant qu’elle me frustrait. Peut-être à cause du sous-entendu que j’avais perçu dans sa réplique sur la naïveté, ou de ma stabilité émotionnelle déplorable de ces derniers temps. La colère était pourtant présente, je la sentais s’intensifier à mesure que notre échange avançait et qu’il assénait ses mots. En conséquence, je décidai de tout lâcher en haussant la voix :
- Et que ferais-tu pour « m’empêcher » au juste ? M’enfermer dans le cagibi jusqu’à ce que je sois « calmé » et que j’aie repris le contrôle de mes émotions ? Ou mieux : m’ébouillanter à nouveau la peau ? Il y a encore de la surface à traiter.
Ma réaction le désarçonna clairement, coupant son élan argumentaire. Je le pris comme une petite victoire, sur laquelle je souhaitais rester.
- Mais ne t’inquiète pas tu n’auras rien besoin de faire, poursuivis-je plus posément. Actuellement, je suis impuissant, et le groupe ne me soutiendra pas. Maintenant, je vais y aller, nous ne sommes plus en état de poursuivre calmement.
Alors que je quittai la cuisine, je l’entendis se lever. Je sentis l’espace d’un instant une tension, de celles qui précèdent une explosion. Rien ne se produisit. J’attrapai mon sac et quittai l’appartement, sans que mon oncle n’ajoute quelque chose.

Une fois dehors, je reçus un sms :

Je suis désolé que cet échange se soit fini comme ça, ce n’était pas le but.
Prends juste soin de toi, s’il-te-plaît. À bientôt.

Égal à lui-même.


Piste η : (22/05/2013)

Jim s’est dit que la période était propice à l’organisation d’un match de foot entre les secondes et les premières. La rumeur veut qu’il ait récupéré l’idée d’une œuvre de fiction trouvée sur le net. Décidément, les gens ne savaient plus quoi inventer.
L’événement était organisé en début d’après-midi de ce mercredi. Comme certains membres du groupe voulaient y participer, l’entraînement du jour sur Lyokô a été reporté pour le début de soirée. Laura m’a quotidiennement envoyé un sms pour m’inviter à venir me virtualiser avec eux. Je n’ai ni fait acte de présence, ni donné de réponse, à aucun moment, m’en tenant à ce que j’avais dit.

Je n’avais donc pas prévu de prendre part à ce match, ne tenant pas à croiser la bande de l’usine, sans même parler de mes compétences en football assez moyennes. Seulement, Jim s’y était pris à la dernière minute pour mettre en place sa rencontre, faisant qu’au moment venu, il lui manqua du monde chez les premières. Je me fis ainsi attraper et forcer la main pour jouer. Lorsque j’arrivai sur le terrain à ciel ouvert, en tenue de sport, je remarquai la présence d’Aelita, Jérémie et Laura dans les gradins. Bien que les deux derniers aient pris avec eux leurs écrans, ils semblaient là pour regarder jouer les quatre autres, présents comme prévu. Évidemment, il n’y avait pas d’autres spectateurs, qui risquaient plus l’embrigadement qu’autre chose au vu du contexte.
Je ne connaissais pas totalement les secondes en présence. Ils étaient sept, incluant les deux visages familiers. L’un d’eux ressemblait à Ulrich, tant au niveau physique que du style : Théo Gauthier. Plus surprenant, il y en avait un à peine plus petit qu’Odd, avec un air plus teigneux derrière sa tignasse noire. Niveau premières, outre William et Yumi, je constatai la présence de Matthias, Emmanuel et Ernest – étrangement tranquille dès qu’il était question de football. Je ne devais pas être le seul à avoir été traîné. Étonnant que Christophe n’ait pas été présent, lui qui semblait partout tout le temps... Dans tous les cas, il nous manquait un joueur, ce qui semblait travailler ce bon vieux Jim. Soudain, quelqu’un se présenta au pas de course sur le terrain : Émilie.
- J’ai entendu dire qu’il y avait un match organisé, déclara-t-elle simplement. Je n’arrive pas trop tard ?
Le visage du surveillant s’illumina face à cette arrivée inespérée.
- Leduc ! s’exclama-t-il. Heu... tu es en première ou en seconde ? Je ne sais jamais...
- Seconde, m’sieur.
- Zut, on a plutôt besoin de premières là. Tant pis, on n’a qu’à prétendre que tu as un an de plus : tu vas jouer avec eux.
Le problème d’effectif étant réglé, nos groupes de sept purent mettre leurs chasubles – orange pour les secondes, bleu pour les premières – avant de discuter de la répartition sur le terrain entre elles. Au bout du processus, nos deux équipes se mirent en place. De notre côté, compte-tenu que l’équipe adverse comportait pas mal de membres de l’équipe de l’école – voire d’anciens comme Stern – il avait été convenu de mettre ceux susceptibles de leur tenir tête en première ligne. Émilie en faisait partie, soutenue par son appartenance au podium sportif féminin de Kadic ainsi que par sa réputation de sportive toutes catégories, quoi que ce dernier point veuille dire. Le reste venait en support, tout en constituant une ligne de défense pas dégueulasse.
Jim s’avança au centre du terrain, ballon en main, pour lancer le match. Comme d’habitude, il se sentit obligé de caler un speech :
- Le football, ce noble... Silence Joey Burrel !
L’attention se tourna autour de l’autre petit format des secondes, placé en défense. Celui-ci était en train de dire quelque chose à son gardien lorsque Jim l’avait harponné verbalement.
- Sans déconner, fit Emmanuel derrière moi, Matthias t’as un petit frère ?
- Manu, t’es con ou quoi !? se défendit l’interrogé. On a juste le même nom. Regarde, il y a bien un Gauthier sur le terrain et une dans les gradins. C’est pas si gros que ça comme hasard.
- Hé ben, bonjour la diversité à Kadic...
Le sifflet de Jim tonna. Les joueurs dissipés se recentrèrent. Le ballon fut placé au centre.
- Les secondes engagent, annonça le professeur qui avait renoncé à son show habituel.
Il s’éloigna prestement et siffla une nouvelle fois. Le match démarrait.

Ulrich récupéra le ballon à la sortie de l’engagement, et tenta une percée au centre, droit sur Émilie qu’il devait juger moins dangereuse. Puis, constatant qu’en dépit de sa vitesse, il risquait d’être pris en sandwich entre William et Ernest, il rapatria la balle en arrière, direction Théo, qui ne perdit pas une seconde pour faire glisser à son coéquipier qui avait trouvé le temps de s’avancer – Thomas Jolivet si je me souviens bien des noms. Celui-ci me passa sans difficulté, avant d’être intercepté par un tacle de Yumi, qui n’était pas à sous-estimer côté rapidité.
- Bien vu Yumi ! la félicita Ernest.
Elle relança sur Émilie, qui parvint à mettre Stern dans le vent avant de faire la passe à William, action permettant le contournement d’Odd au passage. Le balle progressa à travers le camp adverse, jusqu’à ce que son porteur ne s’en débarrasse un peu trop précipitamment face à l’arrivée de l’autre défenseur des secondes qui n’était pas Burrel – un certain Jean-Baptiste. Ernest n’était pas placé de façon optimale, profitant à Joey qui intercepta, avant de relayer à Odd, qui effectua avec Théo un une-deux pour passer Émilie et moi-même. Ulrich avait profité de sa célérité pour revenir au niveau de son camarade, juste à temps pour un appel de balle. Gauthier l’exauça et lui fit un centre qui confondit Yumi au passage. Emmanuel ne fut pas assez réactif pour couvrir le champ et le seconde put effectuer un tir. Matthias le dévia, au prix d’un corner. Ulrich choisit d’assumer ce dernier, tandis que tout le monde se regroupa devant notre cage. Une cloche fut effectuée au-dessus de la mêlée, visant grossièrement Théo qui était chaud pour une tête. Ce fut mon moment de gloire : je profitai de ma taille supérieure pour voler l’action de mon cadet et éloigner de la surface de réparation l’objet des convoitises.
Ernest sauta sur l’occasion et s’empara du ballon, pour tenter une remontada, avec espoir d’un but marqué. Il fut stoppé à mi-parcours par un tacle fourbe mais tout à fait légal de Joey Burrel, qui transmit directement à Thomas, lequel se fit un plaisir de rejoindre ses coéquipiers, toujours de notre côté. Malheureusement, l’enthousiasme d’Ernest avait été suivi par William et Émilie, un chouia trop loin pour intervenir. Malgré toute notre bonne volonté défensive, le fer de lance Ulrich-Théo-Thomas était trop efficace et nous transperça sans mal. L’action se concrétisa par un but des secondes.
- Yeeees ! s’exclama Jolivet. Bien joué Théo !
Engagement pour notre équipe. Nos attaquants traversèrent le duo offensif adverse en usant habilement de la mobilité d’Émilie. Puis, il fut visiblement jugé plus prudent de continuer l’assaut par le côté non-gardé par Joey. Aussi, après récupération de la balle par William, Odd fut mis dans le vent et une frappe vers le but tentée. La manœuvre était trop audacieuse et n’inquiéta pas le gardien adverse, un blond à l’air un peu absent, mais qui avait l’air de connaître son affaire.
Nouvelle relance et offensive des secondes, qui usèrent à nouveau de leurs facilités de jeu et de notre réactivité défensive discutable pour amorcer un nouveau tir. Trop confiant, Ulrich n’avait pas cherché pas à embrouiller Matthias, qui attrapa le ballon au vol.
Nos adversaires se dépêchant de remonter en défense suite à cet échec, je fis signe à notre gardien pour récupérer le ballon. La chose tombait bien, puisqu’il l’avait posée à terre pour amorcer sa passe. Il me vit, puis, l’air de rien, shoota un gros coup dans ma direction. Je n’étais pas placé bien loin et en moins d’une seconde, je me ramassai le boulet de canon en plein visage. Inutile de préciser que je vis trente-six-chandelles.
Jim siffla brutalement.
- Chris, ça va ? me demanda Yumi, non loin au moment de l’action.
J’avais le cerveau retourné, un début de nausée, plus un je-ne-sais-quoi d’indéfinissable. Je répondis assez spontanément :
- Nan.
- Je suis vraiment désolé mec, je sais juste frapper sans contrôle. C’était pas intentionnel.
L’air faussement navré de Matthias ne convainc personne parmi ceux qui l’avaient entendu. En quelque sorte, on était à égalité pour l’affaire du handball d’il y a quelques mois. Cela dit, je m’en fichais sur le coup, trop concentré par la sensation d’avoir le visage à vif.
Jim, après avoir vérifié que je n’avais rien de grave, me congédia vers l’infirmerie, par prudence. Sans doute n’avait-il pas envie d’avoir des histoires avec le principal. Je m’y rendis seul, pour tomber sur une porte close.


Me voilà donc à relater en détail ces événements sur magnétophone, dans ma chambre. Je me sens vraiment las et ce n’est pas à cause du ballon dans la face. J’ai l’impression d’être à bout mais de quoi au juste ?
... ... ...
Je stagne. Sans rien de concret à faire ni de véritable objectif. La preuve, je ne trouve rien de mieux à faire que de raconter un match de foot dans lequel j’ai été pitoyable. Je ne suis pas aidé, ni par moi-même, ni par les autres personnes. Sauf Xana, qui n’est pas une personne techniquement parlant.
Toc toc toc.
De la visite, hein. Sûrement Jim qui vient voir si je me suis remis. Autant aller voir et arrêter de parler seul.


Hors-Piste :

Laura avait bien entendu assisté à l’incident sur le terrain de football et vu Chris partir. Elle avait suivi les autres au match simplement pour pouvoir échanger avec Jérémie pendant qu’ils avançaient tranquillement sur leurs travaux. À vrai dire, celui-ci avait décidé d’assumer tous les préparatifs techniques pour la mission finale. Elle, de son côté, continuait d’étudier le programme parasite implanté en Chris, l’Autre. En commençant, elle avait rapidement décelé que c’était la cause des rêves et black-out mais depuis plus rien. Le sujet aurait pu être clos, s’il n’y avait pas eu ces lignes de code, marqueurs de fonctionnalités supplémentaires qu’elle ne s’expliquait pas. Du moins pas de façon rationnelle, ce pourquoi elle n’avait pas encore partagé cette découverte avec son équivalent masculin.
Une réflexion lui vint alors : était-ce pertinent de laisser Chris livré à lui-même dans le contexte actuel ? Elle avait récemment compris qu’il ne fallait pas sous-estimer l’aspect humain et social des choses. Aussi, quelques minutes après le départ du jeune homme, elle remballa sa tablette dans sa besace et annonça à Jérémie et Aelita qu’elle allait continuer à bosser dans sa chambre, le match devenant de toute façon déséquilibré à sept contre six.
Un passage infructueux par l’infirmerie plus tard, elle se trouva chez le concerné, qui l’avait aimablement laissée entrer.
- Je viens voir comment tu vas, lança-t-elle pour justifier sa visite.
- C’était qu’un ballon, ça ne fait mal que sur le coup. Un peu à l’honneur aussi mais j’ai vu pire.
- Je ne parle pas de ça. Ces derniers temps n’ont pas été simples pour toi. Maintenant tu te mets de toi-même à l’écart. Je sais que tu n’es pas d’accord avec la politique du groupe, mais te replier n’arrangera rien, bien au contraire.
Face au silence qui s’ensuivit, la blonde enchaîna :
- Viens à l’entraînement de ce soir. Si tu montres un peu de bonne volonté, peut-être te sera-t-il possible de remettre sur la table le sujet de Tyron. Je suis prête à te soutenir et à réfléchir avec toi à comment les convaincre de reconsidérer la question. Mais pour ça, il faut que tu arrêtes de faire ton ours mal léché.
Elle considéra son interlocuteur, dont l’expression et le regard semblaient aussi vides que lointains. Cette vision lui fit froid dans le dos.
- Hé... tu es sûr que ça va ?


https://i.imgur.com/DhgB9U7.png


Lorsque Chris reprit ses esprits, il se trouvait debout dans le laboratoire de l’usine. Depuis combien de temps n’avait-il pas subi un black-out ? Il ne le savait plus. À ses pieds était échoué son sac. À l’intérieur, un tas de feuilles qu’il reconnut immédiatement.
Les choses étaient claires. Il n’était pas un héros, puisqu’il était obligé d’en appeler à ceux qui avaient des moyens supérieurs aux siens pour atteindre ses objectifs et résoudre ses problèmes. « Ceux » ne pouvaient pas être ses camarades de Kadic.
D’un seul coup, il se sentit accablé par la situation. Une pensée pour Laura, avec qui il était, le traversa : lui avait-il fait du mal ? Il préféra ne pas y penser. Encore moins à la réaction des autres. Un sentiment, voisin de la peur, l’envahit. Sa situation ne pouvait qu’aller en se dégradant. Il ne pouvait plus rester là où il était, à tourner en rond.
Machinalement, il glissa la main dans sa poche, pour y sentir la forme familière de son magnétophone.
Il sut ce qui lui restait à faire.


Piste θ : (22/05/2013)

C’est peut-être inutile d’enregistrer ce message, compte-tenu que vous aurez déjà tout compris juste avec Laura. Je pars rejoindre Xana.
...
... ...
Je ne vois pas quoi rajouter d’autre à vrai dire. Vous devez vous douter des raisons de mon départ : nous n’avons pas les mêmes objectifs et attentes vis-à-vis de cette histoire. Les intérêts de Xana concordent avec les miens, c’est le contexte qui veut ça.
Désormais, je suis votre ennemi.
Inutile de venir me chercher là où je serais.
Adieu.


Hors-Piste :

Chris posa son magnétophone sur le siège de l’opérateur, avec le tas de feuilles qu’il avait emmené. Il n’en aurait plus besoin dans le monde virtuel.

Il lui avait fallu beaucoup de temps et de patience pour déverrouiller l’accès à l’interface, mais les instructions de Xana étaient complètes et prenaient un grand nombre de possibilités en compte. Par le même biais, paramétrer son voyage virtuel avait été tout aussi laborieux. En bout de piste, il réussit à générer le compte-à-rebours pour la virtualisation différée. Il se rendit au scanner programmé.
Au moment M, le stress commença à monter chez le jeune homme, contrebalancé par la concentration sur son objectif. À la fermeture du caisson, il ferma les yeux, dérangé par la lumière intense réfléchie par les parois. Une ultime pensée l’effleura avant que sa résolution et son destin ne se scellent :
« J’espère que je ne suis pas en train de faire une énorme bêtise... »
Le vrombissement du scanner fit l’effet d’un avion au décollage à Chris, bourdonnant dans ses oreilles. Ses peurs récurrentes refirent surface. Le transfert lui parut long, ce qui en un sens était vrai lorsque la comparaison avec Tyron était faite. Soudain, il lui sembla perdre conscience de tout, tandis que le silence s’imposa nettement. Pas le temps de s’adapter à ce nouvel état que son avatar se matérialisa sur Lyokô.
Le britannique se réceptionna en plein centre de l’Arena. Il se mit en route en trottinant, sa cape, dernier reliquat du blanc originel de sa tenue, flottant dans son sillage. Au garage Skid, une créature tentaculaire qu’il connaissait déjà l’attendait. Grâce à ça, il n’eut aucune hésitation sur la marche à suivre. Il se laissa enserrer par les longs appendices, le temps qu’ils fassent leur office. En retombant, les yeux nouvellement emplis du logo de Xana, Chris se plaça sur le plot d’embarquement central, qui le téléporta directement dans l’habitacle principal du sous-marin virtuel. Le paramétrage en amont avait été bien réalisé.

La suite se déroula sans accroc : le véhicule amphibie fit le trajet jusqu’à Tron, avant d’être stationné au bord de l’anneau de ce dernier. Son conducteur s’en extirpa. Peu importait d’être repéré par Tyron pour intrusion, à ce stade.

Sans plus de mise en scène, Xana-Chris se jeta à l’eau.


À suivre : Ectoplasmes


Dernière édition par Zéphyr le Sam 08 Oct 2022 21:43; édité 4 fois
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Ikorih MessagePosté le: Jeu 17 Mar 2022 17:52   Sujet du message: Répondre en citant  
M.A.N.T.A (Ikorih)


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Suite à cette entrée en matière des plus imagées, sache que la hype est toujours (voire plus ?) présente à l'idée d'avoir enfin la fin de ta fic. Malheureusement, je n'ai pas tout relu en amont de ce commentaire, mais j'ai mis à contribution tes Previously on l'Engrenage pour me remémorer les grandes lignes.

Ce chapitre me semble être très bon pour tout de suite faire ré-accrocher (qui a dit raccrocher ?) les lecteurs à la fic en raison du tournant exécuté ici, à savoir le basculement volontaire de Chris côté XANA.
Techniquement parlant, tu n'es pas le premier à le faire, cf William de l'Echiquier, mais la comparaison s'arrête bien là. Chris semble notamment avoir abandonné toute conscience à XANA (le fameux "vide" qu'il désirait) ; le laisser conscience dans son corps sans qu'il puisse le contrôler me paraissant être... malvenu de la part du programme. Mr. Green
Si jamais ce n'était pas clair, j'adore l'idée et l'exécution. Voir un protagoniste choisir volontairement le camp de XANA est assez rare pour être souligné, mais le tien le fait en prime au terme d'une cascade d'évènements... qui s'étale depuis le début, en fait. ça ne m'avait pas sauté aux yeux, mais les Previously ont bien fait leur taf : l'un d'entre eux évoque des sautes d'humeur chez Chris avant même le chapitre 10, petite préparation pour son terrain psychique instable. Les cauchemars et autres contribuent également, bien sûr, mais les sautes d'humeur sont plus rarement utilisées je trouve, bien que tout autant crédibles. Un autre mentionne que Chris kiffe son avatar pour le côté paisible du vol notamment. Ce souhait de tranquillité retrouve davantage d'écho avec ce chapitre, qui permet à ton personnage principal d'avoir la paix ET de pouvoir potentiellement nuire à Tyron (car après tout, XANA n'a besoin que de la machine). Si je faisais mon Silius, je pourrais pousser jusqu'à dire que cette ultime décision d'abandonner sa conscience à XANA pour fuir tout ce qui le tourmente s'apparente à une métaphore du suicide.
Et finalement en lisant tout ça et en reprenant les résumés, le titre de la fiction a pris tout naturellement son sens, puisqu'elle n'est qu'un engrenage d'évènements dans lequel Chris se retrouve pris, sans jamais réussir à être acteur (embarqué par coïncidence dans le programme de Tyron, peine à s'en défaire, finit chez les LG qui le baladent un peu pareil...etc.). Ironique, pour un protagoniste, n'est-ce pas ?

Pour finir rapidement sur Chris, on a une clarification sur les circonstances de ses brûlures, impliquant clairement son oncle. Je crois que ça avait déjà été teasé dans la fic précédemment, en tout cas je n'ai pas été surprise. Leurs relations sont toujours très ambivalentes depuis le début mais je m'étonne que Chris parvienne à voir du positif chez lui. J'aurais du mal à me mettre à sa place mais "c'était avec ce genre d'attention que mon tuteur m'apparaissait comme cool" fait bizarre comme description d'un mec qui lui a ébouillanté le dos. A l'inverse, l'oncle se montre effectivement très complaisant et va même jusqu'à donner des conseils pertinents en disant à Chris de ne pas jouer au héros, conseils qui me semblent avoir comme but premier sa sécurité. C'est paradoxal parce que ce n'est pas l'attitude qu'on attendrait vu leur passif, décrire de bonnes intentions chez quelqu'un qui a été maltraitant est un choix bien plus difficile à exécuter que juste le dépeindre comme un connard. Personnellement, je ne sais pas trop comment considérer le personnage et j'imagine que cette confusion est voulue. En tout cas, elle est bien menée.

La façon de décrire les scènes ayant eu lieu avant le RVLP était plutôt maligne, le rêve et l'enregistrement vidéo permettent d'éviter une redondance au niveau du procédé donc bien vu. La trêve demandée par XANA devait probablement servir à finir de ramener Chris dans son giron pour le combat final. Aussi, ça m'a fait plaisir de revoir Pück. Avec le recul des années, je me rends compte que si je l'apprécie autant comparativement à son importance dans la fic, c'est surtout parce que c'est un perso que j'aurais pu écrire. Mystère résolu.
Le reste du chapitre est un peu plus chill et m'inspire moins, même si je me dois de saluer le FAIBLESSE, la ref à Joey Burrel (incroyablement placée), le taunt au vrai Mutinerie et le match de foot, qui est décidément devenu autant un cliché que la nouvelle dans la chambre d'Aelita.
L'échange de Laura avec William m'a bien plu à lire aussi, bon moyen de clarifier les facultés de son avatar tout en ancrant mieux le personnage dans le groupe. C'est avec ce genre de discussion qu'elle fait plus humaine que dans la version CLE, tout à fait en continuité avec le développement update des paramètres sociaux que tu fais avec depuis quelques temps (enfin je crois. Mais comme tu le mentionnes comme un changement longue durée quand elle visite Chris, je suis à peu près sûre de mon coup).
Le choix de l'avatar utilitaire pour Laura se tient, même s'il rappelle celui proposé par Icer. Pas de bol si tu l'avais imaginé avant, il a posté le premier Razz
D'ailleurs, avoir ces refs meta dans le chapitre de reprise donne un petit côté nostalgie au truc. En tout cas, j'ai beaucoup apprécié la lecture et j'attends la fin avec une impatience toute renouvelée Mr. Green
_________________
"Prouve-moi que tu avais raison, Jérémie, dans tout le mal que tu as causé."
Oblitération, chapitre 13

http://i39.servimg.com/u/f39/17/09/92/95/signat10.png
Et je remercie quand même un(e) anonyme qui refusait qu'on associe son nom à ce pack Razz

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Dyssery MessagePosté le: Jeu 24 Mar 2022 20:12   Sujet du message: Répondre en citant  
[Frelion]


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Helloooo, long time no see, n’est-ce pas ?
Je n’attendais pas vraiment ce chapitre parce que mon cerveau est du genre à cesser d’attendre dès que ma dernière lecture date de quelque chose comme… 24h ? Vrai pour les séries, mangas, et autres joyeusetés qui prennent tant de plaisir à nous faire patienter des lustres Wink Maiiiis… depuis quelques temps je suis passée du côté obscur de la force et je prends mes aises sur les vitesses de publication, alors qui suis-je pour juger ?
Ceci étant dit, j’ai été agréablement surprise de voir un nouveau chapitre en me connectant un peu par hasard, histoire de voir les dernières sorties. Ma période Code Lyoko est pour le moment bien derrière moi, je n’ai guère envie de lire (ou écrire) de nouvelles œuvres sur le sujet pour l’instant. En revanche, je suis toujours ravie de suivre les histoires que j’ai commencées et un chapitre de L’Engrenage, ça ne peut s’accueillir qu’avec plaisir !

Cette looooongue introduction étant terminée – son seul intérêt étant de te faire mariner comme tu as pu nous faire mariner – laissons place au commentaire.

Pour commencer, je prends quelques lignes pour signaler que j’aime beaucoup le design pour le titre du chapitre. Puisque tu as pris la peine de préciser que tu étais content de cette refonte, je prends le temps de préciser qu’elle me plaît également. Non mais.
Ensuite, dans la même énergie, très fière d’être à l’origine des « Previously on L’Engrenage », hu hu hu. Bon, je ne suis pas tout à fait sûre d’en être à l’origine. Mais je sais que j’avais ronchonné dans un commentaire sur ma difficulté à raccrocher les wagons. Difficulté qui reste un peu vraie, je l’avoue, parce que j’ai clairement eu la flemme d’aller relire ne serait-ce que les résumés, mais j’avais tout oublié de l’incursion chez Tyron, donc le rappel rien que pour le dernier chapitre m’a déjà évité d’être trop paumée.

Oui oui, j’arrête de lambiner, je parle du chapitre ! Encore que. Qui es-tu pour râler ? J’hésite un peu à m’arrêter là, maintenant que j’y pense. Et si je décidais de ne commenter que d’ici un ou deux ans ? Je pourrais continuer à débiter plein de bêtises, histoire de gonfler mon message et de ne te laisser réaliser la supercherie que bien trop tard. C’est une idée, non ?

Tu me connais trop bien pour y croire, je sais. J’arrête ici les blagues, que dire de ce chapitre, donc. Je me permets juste de prévenir que ma mauvaise mémoire et ma flemme m’empêcheront de commenter sur la cohérence de l’ensemble du texte, et que je me concentrerai sur ce chapitre seul, du moins en grande majorité.

J’aime bien Laura. C’est aussi parce qu’elle a été pas mal mise en avant dans ce chapitre par rapport aux autres, mais je trouve que c’est la plus piquante. Elle est loin d’être aussi potiche que ses camarades et me fait l’effet d’être la plus proactive en plus d’avoir davantage de recul sur les événements. Sa négociation avec Xana… Disons que l’échange fonctionne, mais que je ne comprends pas bien pourquoi ils se font respectivement confiance. Pour l’un et l’autre camp, qu’est-ce qui les empêche de ne pas respecter la trêve et d’attaquer avant la fin du délai ? Ce point me chiffonne un peu.
Pour les réactions des autres, je me permets de te dire que je trouve certaines tournures de dialogue un peu bizarres, un peu trop châtiée pour être des phrases prononcées à l’oral, d’autant plus par des adolescents. Par exemple : « Ne faudrait-il pas faire quelque chose ? ». Je ne sais pas ce que tu en penses, peut-être que tu n’es pas d’accord, mais je ne m’imagine vraiment pas dire ça comme ça.
Enfin, concernant la réaction finale de Chris, je dirais que je la comprends, les LG restent fidèles à eux-mêmes, à savoir des crétins autocentrés, mais j’ai du mal à être de son côté parce qu’il me fatigue. S’il veut à ce point s’attaquer à Tyron, et qu’il se fiche des raisons qu’ont les LG de ne pas le faire, qu’il aille directement voir les autorités, bon sang.

Ce premier passage derrière nous, passons à l’entraînement sur Lyoko.
J’aime bien Laura. Personnellement, je regrette d’avoir un avatar de la vie quotidienne. Je pense qu’il aurait pu être un peu designé sans trahir le côté manque d’imagination, par exemple en reprenant les couleurs de sa tenue IRL mais en les appliquant à un genre de combi-robe d’un seul bloc. Mais peu importe, c’est un détail. Détail largement compensé par son arrivée sur Lyoko, ses échanges avec Jérémie et la description de ses capacités.
En revanche, j’avoue ne pas avoir très bien compris le principe des éventails « supports et ancres télékinésiques ».

Concernant Chris. Soupir. Bon, sans faire preuve de mauvais esprit, j’étais contente de revoir son oncle. Même si j’avoue ne pas très bien comprendre/me souvenir pourquoi lui-même ne souhaite pas avertir les autorités à propos de Tyron. Ceci étant dit, j’ai bien aimé le sms de conclusion sur le retour de Chris à la maison. Cette façon de reconnaître ses torts, même partiels, et de ne pas attendre pour ne pas laisser la situation s’envenimer, ça me parle. En revanche, sur le côté maltraitance, je ne me souviens plus assez pour juger. J’ai survolé mes anciens commentaires, il y avait effectivement une histoire de placard mais je n’ai plus aucun détail en tête. Quand à la peau ébouillantée, pour le coup je me rappelais des brûlures, mais j’ai aussi la vague sensation d’avoir écarté avec toi la responsabilité de l’oncle dans cette histoire. Je mélange ? Bref, je crois que je suis bonne pour attendre la suite, parce que là je suis un peu trop perdue pour faire des hypothèses.
Le coup des rêves… Je ne sais pas. J’ai du mal à considérer qu’on puisse rêver un passage exact de sa vie, donc je ne suis pas fan du choix de ce processus pour relater ce qui est arrivé à Chris chez Tyron. Moins pour les brûlures dans son dos, parce que c’est un passage court qui fait appel à peu de détails, mais envisager que Chris puisse rêver précisément les échanges de paroles comme de coups avec Puck, ça me chiffonne. Tu me diras, le retour vers le passé peut avoir des effets un peu tordus, et je suis prête à l’accepter, mais ça ne me parle pas.
Pour quand même rebondir sur l’apparition de Puck, je ne sais pas si c’est moi qui ai changé ou si c’est ce passage qui ne met pas en avant les traits que j’aimais chez lui, il ne m’a pas plu. Je crois que j’appréciais le personnage parce qu’il avait un côté grand frère taquin, et là je l’ai seulement trouvé violent et un peu cinglé, mais encore une fois, mes souvenirs sont très flous donc c’est peut-être ma perception qui a évolué.

Je me permettrai de passer sur le match de foot. N’en déplaise à Icer, ce n’est vraiment pas ce qui m’intéresse, ni à écrire ni à lire. Il aura au moins eu le mérite de permettre d’en coller une à Chris, je me consolerai avec ça.

Enfin, sur la conclusion du chapitre. J’aime bien Laura. Oui, bon, j’arrête. Mais j’aime bien quand les gens sont humains et cherchent à prendre en compte les sentiments des autres, du coup j’étais contente qu’elle essaie de parler à Chris. Et puis je me disais qu’elle pourrait l’analyser sur Lyoko avec sa tablette pour trouver comment botter les fesses du parasite de Xana (dont j’avais, roulement de tambour, oublié l’existence). Sans rire, personne n’y a pensé, chez les LG ?
Pour le reste, j’avoue que j’ai trouvé la conclusion un peu confuse. Je suppose que nous laisser dans l’ignorance de ce qui est arrivé à Laura est volontaire, mais ça m’a plus perdue qu’autre chose. Je n’arrive pas à savoir si Chris lui a fait un truc avant ou après avoir repris conscience.
En ce qui me concerne je ne suis pas fan du personnage qui rejoint Xana de son plein gré. Je comprends pourquoi c’est cohérent, bien sûr. Chris en a pas mal pris plein la gueule, y compris avant le début de l’histoire, dirait-on. Mais ce n’est pas le genre de développement qui me plaît, c’est tout.

Je signale rapidement que j’ai vu tout un tas de références dans ce chapitre, dont la présence de mon petit Xavier, bien que je pense en avoir raté un bon paquet. Notamment le « Faiblesse », que je n’aurais pas relevé sans le commentaire d’Iko, honte à moi ! C’était pour fêter ton grand retour ou il y a juste toujours pléthore de refs que je ne saisis pas ? x)

Pour conclure, je sais que j’ai trollé dans tous les sens sur le fait que ce chapitre a mis longtemps pour sortir. Si le délai ne m’a effectivement pas fait du bien, note quand même que je le mets en avant uniquement pour rire et que je préfère que tu prennes le temps qu’il te faut pour achever cette histoire comme tu le veux toi, et pas pour faire plaisir aux lecteurs dans mon genre qui ne font que se plaindre Wink
Après, si tu peux finir vite et capitaliser à fond sur Laura…

J’étais ravie de te retrouver, Zéphyr, et ravie d’apprendre que la publication de la fin s’approche à grands pas ! Ça m’a fait super plaisir de lire ce chapitre, et j’attends le suivant avec impatience pour encore quelques heures Razz
Courage pour la suite, j’ai hâte de voir ce que tu nous réserves !
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 16 Avr 2022 17:25   Sujet du message: Répondre en citant  
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Zéphyr MessagePosté le: Sam 16 Avr 2022 17:27   Sujet du message: Répondre en citant  
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https://i.imgur.com/T1dXoTK.png




Le vaisseau virtuel ressemblait à une figure crucifiée en suspension, par sa forme caractéristique. Aucun occupant dans l’un des habitacles disponibles, pas de garde non plus. Les Pisteurs avaient confirmé l’absence complète d’intrus au sol, du moins dans la zone qui leur était praticable. De fait, si intrus il y avait, soit ils s’étaient terrés dans les structures flottantes de Tron, soit ils volaient de manière à ne pas être détectés par simple lever de tête.
L’un dans l’autre, cela faisait les affaires de Lysandre. Il avait été virtualisé directement auprès de l’appareil en vol stationnaire, sitôt le rapport des Pisteurs effectué. Sa mission suivait tranquillement son cours, sans qu’il n’ait quoi que ce soit à faire de lui-même. Le dispositif qu’on lui avait demandé de placer balayait de son faisceau le sous-marin ennemi. Il ressemblait vaguement à un gros œil mécanique volant et scannait avec minutie chaque zone de son objectif, tournant autour afin de ne rater aucune couture.
Pendant que la technologie faisait son œuvre, le testeur masqué prépara la suite des opérations. Armé de son bâton de magicien, il traça deux glyphes alignés, respectivement jaune et vert, avant de les embrocher sans délai. Les deux cercles stylisés furent absorbés et le cristal se troubla en un vert pâle. Pour finir, il remodela l’artefact sous sa forme de combat, ce qui le débarrassa de son masque au passage.
D’une impulsion puissante, il s’éleva sur une hauteur plus élevée, lui offrant une vue plus privilégiée sur l’objet virtuel à surveiller. À peine eut-il le temps de commencer à s’ennuyer qu’un bruit mécanique inhabituel chatouilla ses oreilles. Sans réfléchir, il piqua un sprint dans la direction d’où lui semblait provenir la perturbation sonore. Son déplacement laissa derrière lui un timide début de traînée à ses couleurs, loin d’égaler celles qu’étaient capables de produire les Gardiens de Tron. Il s’arrêta rapidement. Le bruit s’était déplacé, mais était toujours dans les environs. Alternant course et bonds entre chemins et structures hautes, il balaya le périmètre jusqu’à revenir à son point de départ, bredouille.
« Tron fait simplement des siennes. Je dois arrêter d’être sur les nerfs comme ça », se raisonna alors Lysandre.
C’est alors qu’un élément lui sauta aux yeux : le sous-marin n’était plus à sa place ! Paniqué, il s’aventura sur le rebord où celui-ci était précédemment stationné, et jeta son regard vers la mer. La silhouette de l’appareil se déplaçait lentement, quelques mètres plus bas. Pris par l’inspiration du moment, le jeune homme jaugea la trajectoire de sa cible, avant de s’élancer. La réception fut désastreuse pour lui, mais assurément drôle pour un spectateur. Il fit l’erreur de se lancer tête la première, au lieu de mettre les jambes en avant, le faisant s’écraser dans une position d’étoile de mer sur le haut du cockpit, le tout dans un « Sblaf ! » digne d’un bande-dessinée. Ses points de vie en prirent pour leur grade. Au moins, il n’avait pas fait plouf. Sans perdre plus de temps, il s’empara de l’œil volant, qui avait continué son office malgré la mise en marche de l’engin, lorsqu’il passa à sa portée. Une pression de bouton s’ensuivit, et le petit scanner se dématérialisa, renvoyant les précieuses données récoltées à la base. Enfin, le magicien-combattant se fit hara-kiri d’un coup de bâton bien placé, bien avant que la surface de l’eau ne soit atteinte.


http://i.imgur.com/7tNqoHf.png


Jérémie espérait avoir rapatrié le Skidbladnir à temps. Si Tyron se mettait à produire son propre sous-marin virtuel, la situation risquait à nouveau de mal tourner pour eux. Ou plutôt, encore plus qu’elle ne l’était déjà.
Il n’avait même pas eu besoin de décortiquer jusqu’au bout les logs tant ils ne laissaient aucune place au doute, conjugués à ce que Chris avait laissé derrière lui. Renforcer la sécurité de l’accès à l’interface du supercalculateur n’avait pas suffi. Il allait encore falloir resserrer la vis de ce côté-là.
Leur réaction avait été trop tardive. Pourtant, ils sortaient tout juste du kidnapping de Tyron. Ils auraient dû être sur leurs gardes ! Le silence radio de Laura ne l’avait même pas inquiété, alors que, depuis peu, ils s’envoyaient ponctuellement des messages sur un canal dédié pour discuter ou blaguer autour de leurs travaux informatiques en cours. Il n’avait constaté sa disparition qu’au moment du dîner, en allant la chercher directement, puisque le biais numérique restait muet. Au moins avait-il été prompt à agir sur ce coup-là : en ne la trouvant nulle part dans ses localisations traditionnelles, il avait battu le rappel des Lyokô-guerriers internes pour ratisser l’établissement. Finalement, c’est Odd qui l’avait retrouvée, dans la chambre de Chris, attachée solidement aux montants du lit, sonnée et bâillonnée. Jim aurait assurément une surprise en constatant la disparition de cordes sur les voies d’escalade de Kadic. Une blague douteuse plus tard, la malheureuse était libre, sonnant l’alerte pour Chris, bien trop tard.
Le retour vers le passé rendait les Lyokô-guerriers trop confiants. Ils passaient à la caisse avec cet événement. La réunion exceptionnelle qui se tenait au laboratoire malgré l’extinction des feux approchant témoignait de la gravité de la situation. Même Yumi avait pris la peine de faire le mur.
- C’est de ma faute, lança d’emblée Laura. J’ai senti venir le coup trop tard, et j’ai quand même cru pouvoir gérer ça seule.
Un tel aveu était surprenant, au vu du personnage de Gauthier, à la base.
- Ne t’en fais pas à ce sujet, tempéra Jérémie. La question n’est pas là.
- Il a raison, ajouta Yumi. C’est surtout que Chris n’a jamais été des nôtres, du départ. Ça ne pouvait que mal tourner. Tu as été plus vigilante que nous à ce sujet.
- Dire qu’on était à quelques jours d’éliminer Xana... se lamenta Aelita. Il fallait que ça arrive maintenant ! J’ai l’impression d’être de retour à l’époque où William venait de se faire capturer...
- La situation n’est pas vraiment comparable.
L’analyse à froid avait été formulée par les lunettes du groupe.
- Chris a rejoint Xana de son plein gré. Si on respecte son choix, cela veut dire qu’il devient notre ennemi, et que l’on a plus à se soucier de lui.
- Tu proposes qu’on l’abandonne et qu’on s’occupe de Xana quand même ? décrypta Aelita, légèrement horrifiée par les propos de Belpois.
- Et pourquoi pas ? Après tout, personne ne l’a forcé à se jeter à l’eau.
Odd avait rarement recours au cynisme, mais savait être percutant en l’employant.
- Je suis d’accord avec lui, soutint assez logiquement Ulrich.
- Vous n’êtes pas sérieux... se désola la fille aux cheveux roses.
- C’est un peu facile comme façon de raisonner, renchérit Yumi. Même si elle est moins grande que pour William, on a quand même une part de responsabilité là-dedans, au moins moralement. Et je vais être claire : ne comptez pas sur moi pour participer si ça signifie sacrifier quelqu’un sciemment.
L’ambiance se durcit un peu plus. William, visiblement mal à l’aise, prit le relais :
- Je ne suis pas le mieux placé pour donner mon avis. En temps normal, j’aurais été du même avis que vous les gars, mais je sais aussi qu’à l’époque, je n’ai pas été tout blanc. Je suis pour que l’on ne condamne pas Chris immédiatement et que l’on jauge un peu mieux la situation avant de se décider.
- Faire ça, c’est jouer le jeu de Xana, contre-argumenta Jérémie. Il nous a déjà gratté dix jours de répit, probablement le temps de récupérer son nouveau Lieutenant. En plus, on ne sait toujours pas quel est son plan le concernant. Lui laisser encore plus de temps pour se concentrer sur Chris, c’est prendre le risque que la situation dérape encore plus.
Il fit une pause.
- Écoutez. Personnellement, ce qu’il s’est passé avec Tyron l’autre jour m’a fait prendre conscience d’une chose : nous atteignons nos limites. Si on continue comme ça, un jour ça va vraiment mal se passer pour nous. Il faut qu’on en finisse maintenant, tant qu’on a encore un minimum de contrôle sur la situation.
Ce faisant, il tourna un regard sans ambiguïté de sens vers Laura, la dernière à ne pas avoir exprimé son opinion. Il ne doutait pas qu’elle le suivrait et ajouterait les éléments nécessaires pour convaincre ses homologues du même sexe.
- Je rejoins l’avis des filles.
La mâchoire décrochée de l’opérateur avait une forme presque comique, dans cette situation. Aurait-il sous-estimé la puissance de la légendaire solidarité féminine ? Gauthier poursuivit, d’un ton un peu plus gêné :
- En fait, je pense que l’Autre agissait sur Chris d’une façon plus subtile que par simple black-out. Je lui ai trouvé des fonctionnalités supplémentaires, que je n’ai pas encore réussi à complètement percer à jour, mais j’ai des raisons de penser qu’elles permettaient au parasite d’influer sur les émotions de son hôte.
Cette fois-ci, l’expression de Jérémie glissa sur des yeux ronds.
- Et tu ne me dis ça que maintenant !?
- J’avais peur de faire fausse-route et de nous induire en erreur ! Mais ce serait cohérent avec les écarts d’humeur dont parle Chris dans ses enregistrements. L’Autre serait capable d’intensifier ou d’inhiber ses émotions via des mécanismes physiologiques. Du coup, même si Chris a effectivement sauté le pas de lui-même pour rejoindre Xana, il a probablement été influencé dans sa prise de décision.
- Oui et puis, il a quand même pris la peine de laisser un message d’adieu. Il y a une expression qui dit : «Quelqu’un qui va partir ne le dit pas. Il part et c’est tout. Celui qui parle veut rester. ». Pour moi, ça veut tout dire.
La japonaise, émettrice des sages dernières paroles, les laissa infuser quelques instants.
- J’ai conscience d’avoir fait une grave erreur sur ce coup, reprit Gauthier. Ce n’est pas pour me faire mousser que j’ai dit que c’était de ma faute, tout à l’heure. J’avais juste peur... de me tromper.
Personne ne pipa mot, qu’il soit de reproche ou de réconfort. Cela n’aurait fait qu’empêtrer et empirer les choses.
- En tout cas, relança finalement Aelita, ça change tout : on ne peut pas fermer les yeux.
- Oui, avec ces éléments, la situation n’est plus la même.
Suite à cette remarque assez volatile, Jérémie se montra pensif quelques instants, avant d’enchaîner :
- Bon, pour l’instant, on va rester sur notre deal avec Xana, puisque que dans les faits, c’est lui qui s’est arrangé pour que Chris se virtualise. Il n’y a techniquement pas violation. Plus que cinq jours avant de pouvoir retourner sur Tron. Rien n’empêche de surveiller son activité à distance, en attendant la fin du délai. De toutes manières, même en y allant maintenant, Chris ne se montrerait sûrement pas. Par contre, au moindre mouvement, à la moindre alerte suspecte, on déboule, quoi que ça implique. De toutes manières, nous envoyer Tyron pour nous occuper doit faire partie du projet final de Xana, alors autant foncer directement si jamais notre camarade refait surface dans les prochains jours. Les entraînements virtuels sont maintenus, mais on va mettre en place un système de roulement pour qu’il y ait des personnes virtualisables à tout moment.
Le plan d’action sembla contenter la totalité de l’assemblée.
- Je vais rester travailler ici, vous pouvez aller vous coucher – oui Laura tu peux m’aider si tu veux. Il faut que je travaille sur un programme de surveillance de Tron suffisamment performant et furtif, et que je commence à plancher sur la libération de Chris. Ah, il faut aussi reprogrammer la réplique !
- Tiens d’ailleurs, on fait quoi pour le tonton du coup ? envoya sans prévenir Odd.
- Zut...


https://i.imgur.com/DhgB9U7.png


Samedi 25 Mai 2013

L’avatar masqué de Lysandre effectua une pirouette aérienne absolument inutile, si ce n’est pour frimer devant lui-même, avant atterrissage. Le bout de plateforme saillant à la couleur sombre sur lequel il avait sauté constituait l’échelon supérieur du puits dans lequel il venait de se jeter. Un coup d’œil rapide, et il descendit un cran plus bas, jusqu’à atteindre ce qui était sans conteste le niveau terrestre le plus bas de Tron, du moins praticable pour un avatar piéton. En effet, ce dernier morceau de plateforme était parfaitement continu avec la face inférieure de l’anneau de Tron duquel il était saillant. Satisfait par cette topographie, il se dépêcha de passer à la suite, pressé notamment par le fait que le terrain pouvait changer de configuration à tout moment et le prendre aussi bien en sandwich que lui tirer le tapis sous les pieds.
Avec sa baguette, il traça puis embrocha deux glyphes. Son masque ainsi que le cristal de son arme prirent une teinte jaune primaire, avant d’être remodelés en bâton de combat, qui conserva néanmoins la teinte. S’accroupissant au rebord, il jaugea l’épaisseur du bord de sa plateforme avec le plus grand sérieux. Puis, avec force, il y planta son bō, d’un bon tiers de sa longueur, le plus bas possible. Avec prudence, et en essayant de ne pas penser aux remous plusieurs dizaines de mètres plus bas, il se positionna tête à l’envers, l’articulation des jambes bloquée sur la barre de gymnastique qu’il venait d’inaugurer. Cette position d’homme-araignée lui permit d’avoir une vue sur une partie de la face inférieure de Tron. À peine quelques secondes d’observation plus tard, il s’écria :
- Eurêka !
Et manqua de perdre l’équilibre, au passage. L’hommage à Archimède aurait été raté, le cas échéant.
Il venait de repérer une nouvelle saillie dépassant de l’anneau, différente de celle qui lui servait de support. Par sa forme et ses dimensions, celle-ci évoquait une cabine d’ascenseur sans portes, ouvrant sur une obscurité que peinaient à percer les quelques néons incrustés.
« Hors d’atteinte, évidemment... »
Sur cette considération, il ne garda pas plus longtemps sa position inconfortable qui heureusement ne pesait rien pour ses muscles virtuels. Utilisant la puissance augmentée de ses jambes, ainsi que les fruits de son entraînement sur les agrès de gymnastique du complexe, il retrouva le bon sens et le sol sous ses pieds.

Sorti de son trou, Lysandre prit machinalement le chemin vers le noyau central. Un coup de bâton sur le visage couvrit celui-ci. Il aimait se masquer pour plonger dans ses pensées. Cela lui donnait l’impression d’être vraiment isolé, dans ce monde virtuel où il se savait un minimum observé par la régie.
En tout cas, sa découverte était importante. Il y avait consacré toutes ses virtualisations matinales de la semaine, et n’était pas loin de jeter l’éponge avant de se décider à prendre plus de risques pour obtenir un résultat. Bien sûr, il aurait pu se contenter de demander directement à un scientifique travaillant sur Tron, mais au-delà de sa certitude que le poisson serait noyé, il ne voulait éveiller aucun soupçon.
Il stoppa ses pas. Sans préparation, il leva son bâton de magicien qui tira une substance poisseuse couleur sang en direction du sol. Celle-ci, moins d’une seconde après contact avec la surface, s’épanouit en un cercle parfait d’un mètre de diamètre. Lysandre se plaça au centre de celui-ci, avant de diriger ses yeux vers le ciel. La teinte crème de celui-ci lui parut horriblement habituelle, ce pourquoi il y dirigea le cristal de son artefact, devenu vert entre-temps. Un petit nuage de gaz s’en dégagea, créant l’espace de quelques secondes un filtre couleur nucléaire devant les yeux du virtualisé. Le spectacle glauque amusa le garçon quelques instants, soit le temps que la brume se dissipe.
Oui, il avait maintenant une idée de la direction vers laquelle ses rêves le menaient.


De retour sur sa table de virtualisation, il fut accueilli par le sourire superficiel du professeur Fontaine.
- Bonne balade ? lui envoya celui-ci.
- Comme d’hab’. Rien à signaler. Quoique si : j’ai l’impression d’être plus flex dans l’utilisation des pouvoirs de mon avatar.
- La force de l’habitude et de l’entraînement sans doute. « C’est en forgeant...
- Je vois le genre, le coupa Lysandre.
L’adolescent appréciait sincèrement le jeune scientifique. Il rendait notamment possible ses virtualisations matinales quotidiennes qu’il avait eu du mal à négocier auprès de Tyron, mais avait un peu tendance à se perdre dans des platitudes en conversation. Heureusement pour lui, le gargouillement – légèrement bruyant – de son estomac empêcha l’ambiance de se plomber.
- Ahahah, rit l’adulte de son inoxydable sourire. Hé bien l’étape suivante de ta matinée est toute désignée. Moi je vais essayer de voir si ton impression du jour est liée ou non à une accoutumance au processus de virtualisation qui provoquerait une meilleure synchronisation de l’esprit avec l’avatar. Enfin, c’est sûrement dû aux ajustements techniques récents, mais autant être le premier si jamais il y a une découverte à faire !
Lysandre se garda de répondre et remit son T-shirt. Le deuxième réveil de la matinée était tout aussi compliqué que le premier après tout.

Le réfectoire était raisonnablement fréquenté pour l’heure qu’il était. Après tout, les bosseurs devaient déjà être au charbon, et les dormeurs encore coincés au dîner. Quant aux gens encore présents, ils constituaient ce que Lysandre nommait volontiers « la masse », constituée d’une part à peu près équivalente d’employés adultes dopés à la caféine que de Gardiens de Tron qui se laissaient vivre. Malgré ce jugement hautain, le testeur de casque ne manqua pas d’étaler son hypocrisie sociale en saluant quelques uns de ses camarades de virtualisation au passage, plus particulièrement les filles avec qui le contact lui était plus simple dans la conjoncture du moment.
Rapidement, il composa un plateau de petit-déjeuner pour deux personnes, avant de retourner vers la sortie avec son chargement. Le personnel du réfectoire était suffisamment souple pour laisser sortir la nourriture et la vaisselle de l’espace restauration. La seule condition était de rapporter le matériel dans l’heure qui suivait, sous peine d’être mis sur une espèce de liste noire. La rumeur voulait que Tyron lui-même redoute ce châtiment. Aussi, l’ordre était maintenu à ce niveau.
- C’est adorable ce que tu fais ! minauda une fille-Gardien lorsque Lysandre passa à côté.
- Dire que vous vous crachiez dessus il y a encore quelque temps... lança rêveusement sa copine assise en face.
Le concerné, sérieux dans son rôle, jeta un regard espiègle aux émettrices des remarques, avant de simuler un sourire gêné de celui qui n’arrive pas à masquer sa joie. Suite à quoi il put enfin quitter la pièce, exaspéré.
D’un pas efficace, il finit par atteindre sa chambre avec son chargement. Sans surprise, il retrouva son colocataire dans la même position que lorsqu’il était parti, c’est-à-dire échoué dans son lit.
- Wake up Léo.
Aucune réaction de la part de la forme allongée. Sans transition, Lysandre arracha le drap qui la recouvrait. Léo se recroquevilla sur lui-même en maugréant des mots inaudibles, que devina son camarade :
- Ouais, je sais que tu te sens trop nauséeux le matin pour manger. Mais tu vas quand même faire un effort, parce que j’ai beau être assez sympa pour t’emmener le petit-déj’ au lit, faut pas pousser.
Dans un ultime grognement, le Septième testeur du casque de virtualisation se redressa et s’assit en tailleur. Son regard était encore embrumé, quoique les cernes sous ses paupières constituaient une autre piste. Son état physique avait changé depuis son arrivée au complexe. Tout à fait normal et en bonne santé au départ, il avait perdu du poids, s’était légèrement voûté au niveau des épaules, et avait perdu en éclat dans le teint. Il faisait assez peine à voir. Ce point avait favorisé la mise en place de l’entente avec son camarade de chambre, cela dit.
Flys posa le plateau devant lui, avant de s’asseoir lui-même sur le lit et d’attraper un verre d’orange pressée pour le tendre à son vis-à-vis.
- Cul-sec. Il est tellement acide que ta fatigue sera dissoute.
- Merci mon pote, répondit Léo en acceptant le contenant.
- Je suis pas ton pote, mec.
- Et moi, je suis pas ton mec, mon gars.
- T’es con, rit Lysandre en réaction à la référence. Et tu oublies que d’après la rumeur – à laquelle j’ai contribué, d’accord – si, tu es mon mec.
- Le rêve d’une vie, en somme.
- Ne sois pas désagréable alors que je viens d’avancer dans notre enquête.
Léo le regarda avec son air le plus attentif. Il avait définitivement émergé.
Les songes... L’élément qui avait fédéré les deux garçons. Le dimanche précédent, Lysandre était entré dans la chambre alors que Léo se remettait d’un sommeil agité ponctué par la récurrence onirique. Pour une fois, la curiosité – et une part surprenante d’empathie – avait poussé le premier à s’enquérir de l’état du second. Chevalier était passé à table, ce qui avait permis à son camarade un recoupement avec ses propres épisodes nocturnes. Cette étonnante concordance les poussa à mettre de côté leur animosité – déclenchée par Lysandre il fallait l’avouer – pour résoudre le mystère.
- Ce matin, exposa le Huitième testeur, j’ai enfin réussi à trouver un accès aux souterrains de Tron. Il était hors d’accès pour mon avatar, donc je n’ai pas pu pousser ma recherche plus loin, mais ça nous permet de confirmer une chose : leur existence est plus que probable, alors que nous ne les avons jamais vus, pas plus qu’entendu parler.
- Cool, au moins on sait qu’on n’est pas tous les deux victimes d’hallucinations nocturnes communes causées par le casque.
Même s’il y avait des nuances dans la forme, le duo rêvait souvent d’une traversée des tunnels sous l’anneau de Tron. Ce périple les menait à une tour qui révélait d’un coup un intérieur rouge et dans laquelle ils entraient pour poser leur main sur son interface. Ce pourquoi ils avaient dans un premier temps choisi d’axer la recherche sur l’existence ou non du lieu visualisé.
- En fait ce qu’il faudrait maintenant, ajouta Léo, c’est qu’on sache à quoi rime cette partie souterraine et cette tour secrète.
- Justement, rebondit Lysandre. On était d’accord pour investiguer seuls jusqu’à maintenant, mais là on va perdre trop de temps s’il faut attendre de dénicher une entrée accessible. Nos avatars n’ont pas les bonnes capacités, alors que ceux des Gardiens...
Chevalier pouffa, provoquant une explosion de miettes du croissant qu’il mâchait lentement au moment des faits.
- C’est mort, ils sont beaucoup plus encadrés que toi et moi. Et encore, il faut en trouver un qui accepte de nous aider sans nous balancer.
- J’ai commencé à travailler la question mercredi dernier. En forçant le timing, ça devrait passer.
- Hé beh, t’as aucune limite à ce que je vois.
- Il faut bien qu’un de nous deux bosse si on veut avancer.
La taquinerie de Lysandre fut reçue avec un sourire à demi-amusé, mais ce type d’échange, apprécié des deux côtés, constituait la base de leur relation, collaborative principalement, mais qui tournait en une entente notable. Flys avait réussi à outrepasser sa jalousie et son irritation initiale envers son camarade en un temps record – sur un concours de circonstances. Au fond, ce revirement ne lui déplaisait pas, parce qu’il n’avait plus besoin d’être puéril et qu’il appréciait le gugusse. Il fallait aussi souligner que Chevalier n’avait plus été virtualisé depuis une semaine là où, de son côté, il enchaînait les plongées quotidiennement, ce qui rééquilibrait un peu les compteurs et avait contribué à son apaisement.
De son côté, Léo n’avait qu’une seule envie : retourner sur Tron. Là-bas, il ne se sentait plus nauséeux ou dans le mal. La virtualisation avait créé un sorte d’accoutumance chez lui, tout comme Lysandre d’ailleurs, mais à un niveau plus élevé. Pourtant, Tyron n’avait pas caché que son état de découlait d’effets secondaires du casque, plus marqués que pour son « copain » en raison de son recrutement particulier, sans passer par les tests de sélection préalables. De fait, la pause virtuelle à laquelle il était astreint le frustrait. Seuls les tentatives de dormir et ses échanges avec son colocataire lui permettaient de penser à autre chose.
- C’est pas tout ça, lança celui qui avait fourni le petit-déjeuner, mais j’ai à faire moi. Je te laisse ramener le plateau au réfectoire, tu me dois bien ça !
Il allait prendre congé, lorsque Léo envoya sans prévenir :
- Attends, il y a un dernier truc dont je voulais te parler.
Le magicien-combattant virtuel se retourna, invitant son partenaire à développer.
- Tu te souviens, dans nos rêves, de cette espèce de bruit de fond qu’on arrivait pas à déchiffrer ? J’ai tenté de me concentrer un peu plus dessus dernièrement. J’ai réussi à discerner trois mots : « entre » – à moins que ce ne soit une « antre » –, « Xana » et « transfert ». Je ne sais pas si ce sera utile, mais vu que tu fais le gros du boulot, j’essaye de contribuer à ma manière.
Le jeune homme parut d’un seul coup gêné par sa déclaration.
- Mieux vaut rassembler tous les indices qu’on peut, en effet, philosopha Lysandre. Continue de creuser autour de ce qui a pu nous échapper dans notre sommeil.
Il posa la main sur la poignée de la porte, prêt à l’ouvrir.
- De toutes façons, tu dors tellement en ce moment que...
L’oreiller envoyé d’une main souple par Léo entra en collision avec une porte fraîchement claquée.
- L’enfoiré.


http://i.imgur.com/7tNqoHf.png


Jérémie aimait être installé au pupitre de commande de l’usine. La sensation du siège contre son corps, la taille imposante des installations, ou plus simplement la position d’opérateur informatique, le mettaient en confiance. Il en avait bien besoin pour son appel à venir avec Marc Desjardins, qu’il avait déjà bien trop repoussé. Dans le pire des cas, il aurait à lancer un retour vers le passé de quelques heures, mais ça ne faisait pas tout. Décidé à en finir, il lança l’appel, depuis son mobile. L’homme décrocha à la troisième sonnerie :
- Oui ?
- Bonjour monsieur, ici Jérémie, le... camarade de votre neveu.
Silence. Le lycéen était invité à poursuivre.
- Je vous appelle pour discuter justement de Chris. Sa situation actuelle est... pour ainsi dire... en pleine évolution. Il a décidé de-
- Je sais.
La coupure avait été propre et nette. Jérémie en demeura bouche-bée.
- Il m’a envoyé un mail pour m’expliquer tout ça, précisa l’oncle.
- Quand ça au juste ?!
- Hier dans la matinée. Il m’a exposé les grandes lignes de la situation, et de ne pas m’étonner si je tombais encore sur un clone de lui.
- Et que vous a-t-il dit sur « la situation » au juste ?
- Qu’il était virtualisé pour une durée indéterminée, le temps d’en finir avec la machine de Tyron. Et Tyron.
Face à la perplexité palpable de l’adolescent, l’adulte ajouta :
- Autrement, il a laissé quelques mots pour votre groupe. Il savait que vous me contacteriez. Inutile de vous occuper de moi ou de me chercher. Continuez de vous préparer à détruire Xana, comme prévu.
- Vous êtes sûr que ce mail était bien de votre neveu ?
- Certain. Je te l’aurais bien transféré mais il a disparu de ma boîte quelques heures après ouverture. Quoique le reste ne t’aurait pas intéressé, il y avait surtout des excuses par rapport à une dispute qu’on a eue, la semaine dernière, et d’autres choses plus personnelles vis-à-vis de Chris. Vu le style maladroit quand il s’agit de parler de lui, je ne pense pas me tromper.
Jérémie ne savait plus du tout quoi penser de la situation. Était-ce une espèce de nouvelle ruse de Xana ? Contacter l’oncle et mentir pour qu’il ne fasse pas de vagues, passe encore, mais qu’est-ce que c’était que ce message pour eux ? Xana n’avait aucun intérêt à les détourner de Chris de la sorte, à moins qu’il ne se soit mis à la psychologie inversée pour provoquer une confusion encore plus forte.
« Non, ce n’est pas logique. »
Le cerveau des Lyokô-guerriers était sincèrement perdu. Ce scénario qu’il vivait lui semblait incohérent.


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Dimanche 26 Mai 2013

La nuit fut mauvaise pour Lysandre. Même s’il rêvait à une fréquence moins soutenue que Léo, ça ne lui était pas moins désagréable. De surcroît quand le songe était inédit, et consistait en une espèce de dialogue dont le contexte et le sens lui échappaient encore. Il tâcha de ne pas y penser plus que ça. Sa virtualisation quotidienne l’attendait. Qui plus est, il n’avait plus besoin d’enquêter sur Tron. Il allait pouvoir se détendre un peu.
Lorsqu’il entra dans la salle des opérations du quatrième sous-sol, il eut la surprise de faire face non pas au professeur Fontaine, mais à Tyron en personne.
- Bonjour Lysandre. Je suis navré de t’annoncer qu’il va y avoir un petit changement de programme, si tu le veux bien. Asseyons-nous, ce sera plus confortable.
Une belle entrée en matière pour donner un ordre sous le couvert du choix. Le plus jeune ne répondit rien, et s’installa sur la chaise de bureau offerte par le scientifique.
- J’ignore si tu es au courant, nous sommes en train de recalibrer les tenues de virtualisation des Gardiens et des Pisteurs. Pour te situer rapidement, c’est comme pour le casque, nous les améliorons au gré de nos avancées. On en profite aussi pour faire leur maintenance, au passage. Après quoi, on procède à une virtualisation-test, pour vérification générale.
Un petit bruit de gorge du plus jeune confirma qu’il suivait jusque-là.
- Pour des raisons logistiques, mais surtout parce qu’à l’heure actuelle il faut six à sept jours d’attente entre deux virtualisations avec la combinaison, nous effectuons le calibrage et son test par petits groupes successifs.
Si le testeur voyait ce que l’homme sous-entendait, il ne comprenait pas où il voulait en venir.
- Pendant la virtualisation-test, l’individu est libre de faire ce qu’il veut sur Tron, tant que ça n’implique pas de dévirtualisation. Cette semaine, ça a été au tour de sept Gardiens d’y passer, un groupe mercredi et un vendredi.
Faisant comme si une question lui avait été posée, Tyron poursuivit :
- Oh, il n’y a eu aucun problème technique, la procédure s’est très bien déroulée à chaque fois. Seulement, j’ai reçu deux témoignages pour le moins curieux. Pour le premier, celui de mercredi, cela s’est passé après que nous ayons envoyé un signal aux Gardiens signifiant la fin des vérifications de leurs tenues. En général, ils se lancent à ce moment-là dans une mêlée, et le vainqueur se dévirtualise seul. Chose qui s’est passée. Seulement, il y a eu polémique entre les quatre combattants une fois de retour ici. L’un d’eux a prétendu que s’il a perdu, c’est parce qu’une « force invisible » l’a poussé dans le dos et fait s’empaler sur la lame de son camarade. Je te passe le reste de la dispute, qui nous intéresse moins.
- Et le deuxième ? fit Lysandre qui s’exprimait plus pour donner du rythme à l’échange qu’autre chose.
- Vendredi, c’était un groupe composé de deux Gardiens et un Pisteur. Ils pensent avoir vu du coin de l’œil « quelque chose ». Quelque chose qu’ils n’ont pas réussi à détecter ou localiser malgré les capacités supérieures du Pisteur. C’est avec cette histoire que j’ai commencé à avoir un doute, qui justifie notre échange actuel.
- Vous voulez que je parte à la chasse au fantôme virtuel ? lança Lysandre à demi-sérieux.
- En tant qu’objectif secondaire, oui. Avant ça, tu surveilleras les prochains groupes à faire la virtualisation-test, jusqu’à la fin de leurs phases de vérification. Je suis certain qu’on a affaire à un intrus qui parvient d’une façon ou d’une autre à se rendre indétectable sur Tron. Après tout, nous en sommes capables de notre côté, alors... L’idée est de savoir si cette intrusion découle de celle de mercredi dernier ou si, plus grave, il s’agit d’un nouveau mode d’invasion.
Flys était quelque peu perplexe face à la paranoïa apparente de Tyron. La mauvaise foi d’un type dans un résultat de combat n’était pas assez solide et dans la virtualité, ça arrivait assez souvent d’avoir l’impression de voir, entendre ou sentir des choses inexistantes. Lui-même en avait fait l’expérience récemment.
- Tu n’as pas l’air convaincu, releva le scientifique. Je peux demander à Léo de le faire, si tu préfères. C’est vrai qu’il ne s’est pas virtualisé depuis quelques jours, et que tu as déjà rempli une mission pour moi dernièrement...
- Non non c’est bon je vais le faire ! s’exclama le jeune homme, avec une précipitation calculée.
Évidemment, Tyron n’était pas au parfum du ragot autour de sa « mise en couple » avec Léo. De fait, il continuait à jouer sur la rivalité virulente passée entre les deux testeurs, probablement pour influer de manière plus ou moins directe sur l’expérience autour du casque, en les faisant se donner à fond. Lysandre continuait à donner le change sur ce point auprès de lui, en accord avec un Léo qui, tout comme lui, considérait le cerveau des opérations comme la personne de qui il fallait le plus se méfier.
- L’affaire est entendue alors, épilogua celui qui portait une blouse. La prochaine virtualisation-test est pour aujourd’hui, onze heures. On va essayer de faire ça vite et bien, histoire que tout le monde ait son après-midi. C’est dimanche après tout.


Suite à cette entrevue, Lysandre se rendit au réfectoire sans se précipiter. Étonnamment, alors qu’il s’attendait à voir un nombre de personnes se comptant sur les doigts d’une main, il tomba sur une bonne quarantaine de lève-tôt.
Après s’être prestement servi, il s’installa seul à un coin de table. Il n’était pas d’humeur à jouer au type sociable et à faire des ronds de jambe, surtout qu’il n’avait pas encore eu sa dose quotidienne de virtualisation. Heureusement qu’il y avait du monde, cela lui permit de ne pas trop se faire remarquer en entrant. Préférant ne pas penser à la mission farfelue qu’on venait de lui confier, il tendit l’oreille vers le brouhaha ambiant :
- Vous êtes sortis ensemble une semaine seulement !? T’es en train de me vanner là.
- Excuse-moi, tout le monde ne peut pas faire le casse du siècle dès le premier soir.
- Allez je décolle, je vais à la manif’ contre l’ouverture du mariage aux gays.
- Regarde, il m’a offert des oreilles de chat.
- Alors, comment te dire...
- Ça manque de poufs ici quand même...
- ... Mais il est sérieux lui !?
Les gens n’avaient visiblement pas de sujets plus variés, au grand désespoir de Lysandre, qui cessa toute tentative d’écoute. Cela étant, il se surprit à nouveau du nombre de personnes présentes au réfectoire, surtout de sujets de virtualisation. Il oubliait souvent que les Gardiens et Pisteurs étaient si nombreux. Il en connaissait, de vue surtout, une large moitié, ce qui était déjà honorable sur une base de trente personnes – il n’avait plus leur nombre exact, trente-six peut-être, quoique trente-quatre lui parlait plus.
Les Gardiens n’étaient pas nombreux uniquement en raison des contraintes liées à la virtualisation via les tenues. Celles-ci étaient bien moins chères à produire et mettre en place que le casque. Fontaine lui avait expliqué que l’exploration de différents procédés de virtualisation remplissaient un objectif plus lointain que la simple expérimentation. Cela permettrait à la Deckard Inc., une fois la procédure achevée et stabilisée, d’offrir l’accès à la virtualité au plus grand nombre, financièrement parlant. Les combinaisons constitueraient l’entrée de gamme, et la virtualisation d’un être entier – encore à l’étude théorique mais un des buts ultimes des recherches au complexe – le nec plus ultra. Quant au casque, il constituerait probablement un entre-deux, pour les bourses plus modestes mais pas pauvres non plus.
Un mouvement de bras peu naturel, qui ne dura qu’une seconde, fut capté par l’œil de Lysandre. La personne qui l’avait sciemment effectué dans son champ de vision quitta l’espace restauration dans les instants qui suivirent. Comprenant le message silencieux, le Huitième prit malgré tout cinq minutes pour terminer de petit-déjeuner.
Après avoir procédé, il se rendit dans le gymnase du complexe, lieu généralement déserté les dimanche matin. Comme prévu, il retrouva Tiffany assise sur un amas de tapis de gymnastique qui la plaçaient aussi haut que si elle était restée debout.
- J’ai cru que tu ne m’avais pas vue, susurra-t-elle d’une voix qui se voulait harmonieuse.
Instantanément, Lysandre adopta un tout nouveau masque et sourit en circonstance.
- Ça aurait été difficile. Les gens ont beau te trouver discrète, moi je ne peux pas te manquer.
La jeune fille arrêta de soutenir le regard du garçon qui s’était avancé jusqu’à atteindre moins d’un bras de distance. Face à ce rapprochement soudain, elle tenta de se ressaisir par l’humour :
- Comment se passe ton « idylle » avec Léo ?
- Couci-couça. Mais ne percevrais-je pas une pointe de jalousie ?
Elle releva les yeux pour soutenir le regard assuré de son interlocuteur, bien que ce genre de mouvement ne soit clairement pas dans ses habitudes.
- Hum. Un peu.
Un silence gêné plus tard, elle rectifia :
- Enfin, autant que je peux l’être d’un faux-couple, hein !
Lysandre garda le silence, se contentant de dévisager celle qui avait rosi des joues. Tiffany – Tiff’ pour les intimes – était une blonde dans la moyenne, physiquement parlant, mais avait aux yeux du garçon deux avantages indéniables. Premièrement, elle était mal-assurée par nature. L’ambiance au sein des groupuscules féminins du complexe, ainsi que l’ambiance souterraine, n’avaient pas arrangé son cas. Cela faisait les affaires de Lysandre, qui sans être ni spécialement beau ni séducteur, n’avait pas dû trop forcer au-delà de la manifestation d’intérêt. Deuxièmement, elle avait un rôle de Pisteur, poste mal considéré parmi les Gardiens de Tron, puisqu’assimilé à une rétrogradation par rapport à l’avatar virtuel originel.
Pourtant, c’était précisément ce dont avait besoin celui qui avait le visage couvert sur Tron. Il décida de briser le silence en faisant subtilement mine d’approcher son visage :
- Désolé pour tout ça, mais je t’avoue que cet alibi m’arrange largement. Tu ne trouves pas ça plus exaltant de se voir en secret ? Là par exemple, n’importe qui pourrait débarquer dans ce gymnase et nous voir. Rien que d’y penser, je sens monter en moi un sentiment de danger ultra plaisant. On est dans une situation où on est obligé de ressentir au lieu de parler ou s’afficher... J’adore ça.
Il avait lâché les derniers mots dans un souffle qui singeait le murmure. Probablement en faisait-il trop, mais il espérait un effet maximal avec cette manœuvre.
- Arrête donc avec tes vieilles techniques, lança Tiffany tout en cherchant à dissimuler le sourire incontrôlable qui se formait sur ses lèvres. Je ne t’ai pas fait venir pour discuter de ça, d’ailleurs.
- Oh ?
- Le calibrage de ma tenue de virtualisation a été avancé. Un échange avec un Pisteur qui a un empêchement personnel. On ne va pas pouvoir aller faire le tour comme prévu.
Lysandre avait complètement oublié ce dernier point. En revanche, ce qu’il oubliait moins, c’était sa petite enquête avec Léo, ainsi que son rêve de la nuit passée.
- Dis-moi Tiff’, me rendrais-tu un énorme service ?


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Un fiasco.

Lysandre était mortifié. La pression de Tyron, qui lui tournait le dos pour se servir un café noir, était palpable. Il sentait son mécontentement depuis sa position assise, les épaules effondrées et le regard dirigé vers le sol. Jouer au malin n’était plus d’actualité.
Le scientifique prit le temps de s’installer derrière son bureau une fois sa boisson servie.
- Tu vas m’expliquer en détail ce qu’il vient de se passer sur Tron. Je préfère te prévenir au cas où tu tenterais un mensonge : les témoignages de ceux qui t’accompagnaient t’accablent. À l’heure actuelle, je te soupçonne d’être un traître. J’espère pour toi que toute cette affaire n’est qu’un malentendu, ou que ton histoire est convaincante.
Il savoura une première gorgée de café.
- Tu n’es pas sans savoir que je suis un peu paranoïaque par nature ; mes origines le veulent. Le dernier qui s’est joué de moi n’a fait que renforcer ce trait, alors si jamais j’ai encore le moindre doute à la fin de cette conversation, je ne ferais pas la même erreur qu’avec cette personne.
Toujours les yeux tournés vers le sol, Lysandre hocha la tête. Il ne chercha même pas à trouver une astuce ou à gagner du temps, et passa directement à table :
- Je voulais savoir ce qui se cachait sous le sol de Tron. Comme je n’y parvenais pas avec mon avatar, j’ai demandé à Tiffany d’utiliser ses capacités de Pisteur pour explorer tout ça.
- Tu as donc profité du recalibrage de ce matin pour passer à l’action, déduisit Tyron.
- Oui. Je ne pensais pas que son passage serait avancé, mais ça m’arrangeait, parce que je pouvais la couvrir pendant qu’elle jetait un œil sous terre. Les deux Gardiens qui étaient là ont dû vous dire que j’ai prétendu la disparition de Tiffany normale et sous contrôle.
L’adulte opina du chef.
- En attendant qu’elle revienne, je me suis concentré sur la tâche que vous m’aviez confiée. J’ai même sollicité l’aide des deux qui étaient avec moi. On a improvisé une formation où chacun avait les autres en vue pour ratisser le territoire et voir si on ne tombait pas sur quelqu’un ou quelque chose d’anormal. Au bout d’un moment, on a fini par tomber sur deux monstres qui portaient le symbole de l’ennemi. Évidemment, on les a détruits aussi sec. J’en ai conclu que la source des suspicions quant à la présence d’un intrus difficile à détecter venait de ces guêpes vertes. Du coup, le danger me paraissant écarté, il ne restait plus qu’à profiter du voyage virtuel comme on l’entendait. On est restés très longtemps sur Tron, je n’avais jamais été virtualisé sur une aussi longue durée. Les deux autres avaient l’air de partager cette opinion, même sans pouvoir parler. Au bout d’un long moment, on a enfin été ramenés ici, pour être interrogés.
- Exact. Tu l’ignorais encore à ce moment-là, mais ta camarade venait de tomber dans la mer numérique. Nous avons dû prendre certaines dispositions avant de vous ramener.
Lysandre pouvait deviner que ces « dispositions » visaient à étouffer l’affaire un maximum en amont afin de minimiser l’impact de celle-ci lorsque les premiers bruits de couloirs commenceraient à courir. Il n’avait cependant pas la tête à y réfléchir plus, ses remords prenant le dessus.
- Je ne comprends pas, vraiment... lâcha-t-il avec des airs d’excuse.
Tyron attrapa sa chaise de bureau de sa main libre et la fit glisser de façon à la placer au plus près de son testeur. Après quoi il prit place, afin de perdre un peu de hauteur et poursuivre l’échange de façon plus constructive que sévère :
- Je ne pensais pas que quelqu’un tenterait de percer un des rares secrets de Tron, en dehors des intrus bien sûr. Si tu m’en avais parlé plus tôt, j’aurais pu te donner une réponse, tout simplement. Je vais quand même le faire maintenant, que cette tragédie ne soit pas arrivée pour rien.


Le jeune garçon releva un peu la tête pour planter ses yeux dans ceux de l’homme qui lui faisait face. C’était ainsi qu’il fallait regarder la vérité, et assumer ses erreurs.
- Nous parlions de ma paranoïa tout à l’heure. Elle est liée au fait que je tiens énormément à ce que j’ai bâti avec le supercalculateur et Tron. Il m’a fallu des années depuis mes débuts pour en arriver à ce stade. Avant d’être engagé et soutenu dans mes travaux par la Deckard Inc., j’ai tenté de me lancer seul, avec mes propres ressources. Ça a été un désastre. La machine que j’avais patiemment assemblée et son univers numérique basique ont été balayés par un groupe industriel plus avancé que moi et qui ne voulait aucune concurrence. Bien sûr, ils représentent de l’histoire ancienne, Tron m’a permis de prendre ma revanche depuis. L’important à retenir est que depuis, je suis hanté par l’idée que l’histoire se répète. C’est pourquoi en programmant Tron, au tout début, je n’ai pensé qu’à le rendre le plus imprenable possible, à lui donner les meilleures défenses possibles. Au départ, son design n’était pas tout à fait le même qu’à l’heure actuelle. La zone en forme d’anneau et la sphère-noyau ne faisaient qu’unes. L’objectif était de rendre le cœur du monde virtuel difficile à atteindre, en obligeant tout intrus à passer par les couloirs souterrains.
Le masqué virtuel se redressa un peu plus en entendant ces derniers mots.
- Je ne t’apprends rien en te parlant de ces souterrains bien sûr, mais cela va plus loin : ils forment un véritable labyrinthe. Les altérations de terrain à la surface de Tron ne sont qu’une conséquence, car c’est en réalité ce labyrinthe qui change de configuration.
Tyron fit une pause dans ses explications, et lut sur le visage de Lysandre une certaine perplexité. Visiblement, il ne parvenait pas encore à faire le lien avec la noyade de la Pisteuse.
- Un simple labyrinthe mouvant ne me suffisait pas. Je voulais perdre encore plus les éventuels intrus. Je me suis basé sur des travaux du passé, quand je n’étais qu’assistant pour un autre projet, et ai fait de toute la partie souterraine une « zone morte », ce qui correspond aux deux-tiers inférieurs de l’anneau. Elle est imperméable aux signaux, radars, et autres transmissions – elle les étouffe complètement si tu préfères, peu importe leur origine. Arrive ta camarade dont nous avons perdu l’esprit. Pour explorer le labyrinthe, elle a usé de son pouvoir de déplacement dans le décor. Lorsqu’il est utilisé, une sorte de sonar interne prend le relais sur les autres sens pour rendre le mouvement faisable. Chez les avatars « Pisteur », cette faculté est encore plus forte et affinée.
Le fautif commençait à comprendre où menait cette explication, mais n’osait pas s’avancer.
- Je présume qu’en s’enfonçant profondément dans le sol, Tiffany s’est déplacée comme d’habitude, le plus efficacement et rapidement possible. Le fait que son écholocalisation ne traverse pas la zone morte n’a pas dû l’interpeller. Il est probable qu’elle se soit rendu compte trop tard de l’arrêt de son radar sensoriel. Privée de ses sens de perception, dans le noir du décor, sans pouvoir distinguer le haut du bas, elle n’a pu que bouger dans tous les sens au hasard. La malchance ne lui a pas permis de sortir de la zone ou dans un couloir souterrain, ce qui lui aurait laissé une chance de sortir ou d’être dévirtualisée. À la place de quoi elle a atteint le fond de l’anneau, et chuté dans la mer numérique, plus bas. Son avatar n’ayant pas d’armes, ni la capacité de générer l’enveloppe protectrice, elle n’avait aucun moyen de se sauver seule.
- C’est donc de ma faute si elle est perdue... conclut Lysandre.
Pendant le silence qui s’instaura, Tyron en profita pour finir gravement son café, tandis que son séide digérait tout ça.
- Est-ce qu’il y a un moyen de rattraper cet accident ? finit par demander ce dernier.
- Malheureusement, Tiffany n’est pas la première dont l’esprit tombe dans la mer numérique. Les Gardiens et Pisteurs sont tous avertis de ce point et savent que nous n’avons pas encore les moyens d’extraire quelqu’un qui plonge.
Nouveau silence pesant. Tyron tapota légèrement le bras de Flys avant de le fixer droit dans les yeux.
- Tu es encore secoué par ce qui vient de se passer mais j’ai une dernière question pour toi : pourquoi cette curiosité soudaine pour les souterrains de Tron ? Jusque-là, tu n’étais préoccupé que par la virtualisation en elle-même et rien d’autre.
- Vous m’avez permis d’aller sur Tron plus régulièrement. Du coup, je me suis vite intéressé à autre chose que ma propre expérience. J’ai commencé à réfléchir à mon environnement et aux possibilités du virtuel, son potentiel. Le sujet est prenant et exaltant. Après ça j’ai découvert l’existence des souterrains et j’ai commencé à vouloir percer leur mystère seul, par envie personnelle.
La réponse était sortie très spontanément, bien que des éléments de contexte supplémentaires lui aient donné une toute autre signification. Cela étant, elle reflétait plutôt fidèlement l’état d’esprit du répondant.
Les plis du visage de Tyron effectuèrent de micro-mouvements quelques instants, signe de sa réflexion, avant que ne soit prononcée la sentence finale :
- Très bien. Je pense que tu es de bonne foi et que toute cette histoire n’est qu’un malheureux accident. Les virtualisations quotidiennes ont l’air de t’être un peu montées un peu à la tête, tout comme Léo. J’en suis responsable. Tu t’en passeras quelque temps. Prends également note que je ne tolérerai pas une nouvelle déviation dans tes attributions, aussi infime soit-elle. Tu n’es là que pour tester le processus de virtualisation, rien d’autre.
Un haussement de tête signifia que le message était clairement passé.
- Je crois qu’on en a fini, sauf si tu as d’autres questions. Profites-en, c’est la dernière fois qu’on aborde ces sujets.
Il fallut une longue minute à Lysandre pour trouver quelque chose, malgré qu’il ait repris un peu du poil de la bête :
- Pourquoi avoir fait de Tron ce qu’il est maintenant ?
- Le labyrinthe et son brouillage devenaient trop désavantageux à partir du moment où j’ai commencé à virtualiser des personnes sur Tron. Sans oublier le développement très rapide du pouvoir de se fondre dans le décor, qui entrait en contradiction avec cet environnement. Pour compenser, j’ai développé les défenses au sein même du noyau, comme l’ouverture aléatoire de la porte – inviolable – ou les éléments du mur qui se transforment en missile si le terminal de données est utilisé sans autorisation et trop longtemps.
Pendant l’exposé du scientifique, l’inspiration avait fini par souffler dans l’oreille du plus jeune :
- Je sais que c’est gonflé de ma part, mais j’ai une dernière demande.
Tyron haussa légèrement un sourcil, dans un silence qui invitait malgré tout à poursuivre.
- Le nom « Xana », il renvoie à quoi ? J’en ai entendu parler et comme ça ne me semblait pas commun, je l’ai retenu.
L’homme en blouse fut moins étonné de cette interrogation que par l’intérêt de Lysandre pour le labyrinthe de Tron. Après tout, il n’était pas impossible qu’un membre de son équipe ait lâché le nom au cours d’une discussion de couloir animée, ou plus simplement, en taillant sans discrétion Tyron auprès d’un tiers. Il fallait dire que suite à la mise sur le tapis du nom de cette prétendue intelligence artificielle par la bande d’adolescents ennemis, il avait particulièrement insisté pour que chaque parcelle de donnée soit décortiquée, ce qui avait demandé un travail non-négligeable, pour un résultat nul. Avec ça, le mot « Xana » était devenu synonyme de tâche ingrate et inutile au sein de son équipe, doublé d’un sujet à polémique.
- C’est une chimère inventée par les intrus pour nous faire perdre notre temps, finit-il par formuler.


Le long échange avec le responsable du complexe souterrain ne s’éternisa pas plus. Quelques paroles bateau pour conclure, plus les politesses d’usage, avant que Lysandre ne finisse par sortir du bureau.
D’un pas mesuré, il dessina un itinéraire vers sa chambre. Son envie du moment était de s’échouer dans son lit pour cogiter les derniers événements, ou de dormir pour ne pas avoir à y penser. Cela dépendrait de son ressenti d’ici quelques minutes.
Il avait accusé le choc en apprenant ce qui était arrivé à Tiffany, qu’il avait manipulée pour arriver à ses fins. De fait, il se sentait coupable, mais moins qu’au début de l’entretien qu’il venait d’avoir. Le malaise était toujours présent en lui, mais celui-ci se partageait l’espace avec les nouvelles perspectives qui s’étaient ouvertes suite aux dernières informations tombées. Celles-ci étaient trop complètes pour être honnêtes. Tyron avait cherché à noyer un élément-clé au sein d’un flot d’explications dense. L’arbre qui cache la forêt, ou plutôt le noyau qui cache le labyrinthe... et sa tour.
Nul besoin de connaître tous les détails, ce qu’il avait obtenu suffisait à confirmer que son dernier rêve était à prendre au sérieux. À partir de là, il avait une sérieuse possibilité de tirer son épingle du jeu.
Il arriva dans sa chambre. Sans surprise, Léo était en train de dormir, d’un sommeil vraisemblablement agité. Il l’imita et s’installa dans son lit. En fermant les yeux, il eut une dernière pensée de circonstance :
« Désolé Tiff’, je n’avais pas prévu que ça tourne comme ça. Maintenant, je vais assumer mes responsabilités et aller jusqu’au bout de mon entreprise. »


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Mercredi 29 Mai 2013

Les affaires reprenaient de la plus douteuse des manières pour les Lyokô-guerriers. À peine la fin du cessez-le-feu était-elle arrivée que Jérémie avait accusé réception d’un message. Pas de leur meilleur ennemi, mais de Chris, qui pouvait également prétendre au qualificatif utilisé pour Xana cela dit.

Nous devons discuter de la suite de vive voix.
Rendez-vous sur Tron dans l’après-midi.
Nous vous y trouverons.
Chris.


Après analyse, il s’avéra que le message émanait du monde virtuel de Tyron, sans toutefois pouvoir identifier les traces virtuelles de son émetteur. Bien vite, les suspicions de piège made in Xana étaient tombées, en particulier en regard de son passif avec les messages mystérieux et les rendez-vous. Toutefois, l’échange qu’avait eu Jérémie avec l’oncle du disparu instillait également le doute sur la situation.
Suite à un énième débat au sein de la bande des Lyokô-guerriers, un consensus avait été établi, celui qui couvrait le plus de zones d’ombres, en regard des informations possédées. Le message venait bel et bien de Chris. Xana, derrière tout ça, devait chercher à initier une nouvelle phase de négociation, pour rallonger encore un peu son sursis. La grande inconnue restait le statut de leur camarade. Sous contrôle, ou conscient, comme il le lui avait été promis ? Dans le premier cas, Xana avait un otage, ce qui lui donnait un argument-massue. Dans le second cas, il pouvait toujours prétendre être xanatifié pour arriver aux fins de son Maître, ou être simple vecteur de dialogue comme cela avait été pour Laura, Xana révélant une surprenante appétence pour la conversation depuis son retour.
Plusieurs combinaisons et possibilités avaient été exposées, mais en définitive, la prise de risque minimale avait été adoptée. Il y avait une probabilité pour que Chris serve de monnaie d’échange au cours de la négociation. C’était une opportunité à saisir, au même titre que les événements qui avaient conduit à la libération de William, à l’époque.
En conséquence, une délégation en provenance de l’usine avait été détachée pour se rendre au rendez-vous en tant que représentants des Lyokô-guerriers. Yumi et William furent les heureux élus pour cette mission mêlant investigation et diplomatie. Laura se greffa à eux afin de s’initier au voyage en sous-marin et au monde virtuel de Tyron. Les bourrins restants étaient à l’écurie, mais n’en demeuraient pas moins dans leurs starting-blocks pour parer à toute urgence.

Le détachement débarqua sur le monde chaotique sans interférence. À l’instar de leur dernière expédition en ce lieu, le Skidbladnir fut garé dans les structures flottantes supérieures de Tron. Aucun Ninja ne risquait de venir déranger, et un individu seul envoyé via le casque ne risquait pas de peser lourd face au duo de premières.
William, placé au bord de l’anneau et appuyé sur son zanbatō planté dans le sol, se penchait allègrement vers le bas pour avoir une vue la plus plongeante possible. Yumi surveillait du côté du terrain praticable à pied. Laura, pour changer, se concentrait sur l’écran de sa tablette, une mise à jour de son avatar l’ayant doté d’une application « Radar » à courte portée.
- Heureusement qu’il devait « nous trouver », lâcha le seul garçon virtualisé en reprenant une position plus naturelle. Combien de temps qu’on est là ?
- Presque quinze minutes, l’informa aimablement Jérémie.
- Il a intérêt à être xanatifié, sinon...
Sa réplique impatiente fut coupée par le son du vent, violent mais surtout bruyant. Immédiatement, les têtes se levèrent vers sa source. La cape flottant dans son sillage descendant, qui n’était pas sans évoquer le bien connu drapeau blanc, Chris se posa à une dizaine de mètres de la position de Laura, auprès de qui les accompagnants se resserrèrent.
L’avatar à dominante grise s’approcha doucement du groupe, les mains levées et sans effectuer de mouvement brusque. Lorsqu’il ne fut plus qu’à quelques pas, les Lyokô-guerriers remarquèrent enfin l’aura d’un bel orange qui l’enveloppait. Ses iris dégageaient également cette même teinte.
- Bonjour, je m’appelle Mathilde.


À suivre : White Spirit


Dernière édition par Zéphyr le Sam 08 Oct 2022 21:44; édité 4 fois
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Ikorih MessagePosté le: Mar 19 Avr 2022 19:03   Sujet du message: Répondre en citant  
M.A.N.T.A (Ikorih)


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En hommage à l'amour de l'auteur pour les vents et les turbulences, ce commentaire sera fait en Maëlstrom.

Le dé fait 1 ! L'explication des références du commentaire ne se déploie pas...

Bon, euh, voilà qui commence mal, ça pourrait manquer... mais bon, tant pis. Poursuivons.

Le dé fait 4 ! Entrée par le bord Lyokoguerriers du récit !

Quelle plaie ce truc, la partie la moins passionnante !
Le débat sur Chris s'imposait. La première prise de position ("laissez-le dans sa merde") aurait pu marquer une surprise de taille dans le récit, mais on restera sur du conventionnel. Ce n'est pas nécessairement un mal, les débats pour savoir dans quelle mesure il dispose de son libre-arbitre valent le détour. Il est effectivement facile de blâmer le programme de XANA pour le comportement de Chris, mais les Lyokoguerriers s'exposent à une déconvenue de taille si ce dernier est toujours team XANA une fois libéré de ses entraves numériques.
(Bravo j'avais réussi à oublier à quel point je voulais la saison 2 de The Bad Batch, salaud, tu ne m'aides pas !)
Bon après, XANA préfère quand même être aux commandes pour les trucs techniques comme séquestrer Laura, on ne peut pas se fier aux humains après tout, bravoure 3 c'est trop bas (la preuve Chris a loupé son test au chapitre d'avant, tel un Denethor pas en forme). Difficile à ce stade de savoir si il a eu l'idée tout seul de comment expliquer les choses à l'oncle ou si il a laissé Chris rédiger (éventuellement en relisant derrière, tout de même).

Le dé fait 6 ! Vous choisissez un point n'importe où dans le chapitre. Votre commentaire s'y déploie.

Je ne te surprendrai aucunement en te disant que j'ai beaucoup aimé ce retour du côté des testeurs de casque et de l'envers du décor de chez Tyron. Délai oblige, je ne me rappelle malheureusement pas si Lysandre avait déjà été un peu développé (ou même vu....) dans les précédents chapitres. En tout cas, ce focus accordé à son personnage était rafraîchissant. Comme je te le disais en privé, la thématique du masque constitue une de mes préférées en fiction, je la trouve extrêmement riche. Ici, le masque est tout aussi social que virtuel, preuve qu'il fait partie intégrante du personnage. Ses relations avec son entourage, du point de vue du lecteur, paraissent très vite fausses : il est systématiquement intéressé. Même quand Tyron le démonte et lui explique qu'il a merdé et tué une de ses camarades (Héros Mineur, pas de point de destin, c'est moche), il n'est contrit que très peu de temps. Très vite, il recommence à gratter des informations et le soir même, il est déjà remis et prêt à recommencer sans tenir compte des conséquences. Tu as créé un monstre.
(Toujours côté thématique, l'accoutumance à la virtualisation est trop peu traitée dans les récits de ce sous-forum et c'est un plaisir de la voir évoquée)

Côté intrigue, il est intéressant de constater que ces rêves ne sont visiblement pas l'exclusivité de Chris. XANA squattant les systèmes de Tyron (incroyable le passage dans le jargon local du terme "XANA"), il ne paraît pas déconnant de dire qu'il a pu passer par le casque pour infecter les testeurs. Compte-t-il se servir d'eux ou ne sont-ils qu'un back-up si par malheur Chris venait à lui faire défaut ? Affaire à suivre...
Les forces invisibles capables de buter du Ninja sont certainement attribuables à XANA, probablement un Chris à pleine vitesse ou une arnaque du genre (on sait que XANA aime tuner ses avatars). Si les Ninjas avaient la règle spéciale Volonté du Mal, ils pourraient charger les avatars invisibles sans jet de Bravoure, malheureusement ce n'est pas le cas...

Le dé fait 2 ! Votre adversaire choisit un point du texte : le rythme. Votre commentaire s'y déploie.

Mais j'y venais, du calme !
Les procédés narratifs sont vraiment efficaces dans ce chapitre. On temporise le délai de la trêve via une petite avancée temporelle tout en regardant l'autre camp pour l'alternance des points de vue, afin de revenir plus efficacement à l'instant où il recommence à se passer des choses en face. De même, l'ellipse pour raconter le fiasco de Lysandre par un dialogue est très dynamique. Dans l'ensemble, on avance mais le lecteur est "distrait" par les nouvelles informations distillées par ici, ce qui ne donne pas l'impression d'un chapitre vide qui servirait juste à faire tourner l'horloge.
Le point historique sur le Cortex est donc très appréciable, parce qu'après tout, CLE le présente comme très "neuf", et donc, on n'imagine pas qu'il y ait pu y avoir un quelconque passé. Pourtant, quand on regarde le récit qu'en fait Tyron, ça fait sens.

Je pense que c'est le moment de dire que les références au réfectoire ont été appréciées.

Le dé fait 3 ! Votre adversaire choisit...
-Point de Puissance ! Je fais ma conclu comme je veux oui ?!


Stupeur de fin de chapitre ! XANA a donc sacrifié son bonus d'armée pour une alliance jaune avec Mathilde ?!
...
...
Non, je ne vais pas épiloguer là-dessus. D'ailleurs il serait temps que j'aille manger. Et pour cela, pas d'autre solution : je déclare une Charge Héroïque !
_________________
"Prouve-moi que tu avais raison, Jérémie, dans tout le mal que tu as causé."
Oblitération, chapitre 13

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Et je remercie quand même un(e) anonyme qui refusait qu'on associe son nom à ce pack Razz

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Zéphyr MessagePosté le: Lun 16 Mai 2022 18:45   Sujet du message: Répondre en citant  
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Dimanche 25 Décembre 2011

Xana était incontestablement au faîte de sa puissance. Le nombre de supercalculateurs dont il s’emparait allait croissant, et il consacrait une bonne partie de son énergie à la concrétisation de ses objectifs de conquête. Pour autant, certaines lignes de son complexe code calculaient pour lui les probabilités qu’il perde tout en un instant. Le résultat lui déplaisait. Tant que son concepteur restait dans l’équation, il n’était pas à l’abri de l’élimination totale.
Cette réflexion le poussa à tout mettre en œuvre pour débusquer l’architecte de Lyokô, afin de s’en débarrasser. Les résultats étaient peu probants, même lorsqu’il mettait les gros moyens, comme récemment avec sa bulle virtuelle – il devrait combler le manque d’information qui avait causé son échec, d’ailleurs.
Pendant qu’il continuait d’échouer, ses adversaires, eux, suivaient ses traces dans le Réseau, augmentant leurs chances de décrocher une information cruciale à son sujet. Franz Hopper n’attendait que ce moment pour leur donner un coup de pouce, sa condition virtuelle lui donnant tout le temps pour ourdir un retour explosif.
L’intelligence artificielle ne pouvait se le permettre.

Aussi se mit-elle naturellement à la recherche de nouvelles options.


Mercredi 11 Janvier 2012

Les actionnaires principaux de la Deckard Inc. ainsi que son PDG, Alan Meyer, se tenaient debout face à la machine qui leur avait tant coûté. Dos à cette dernière, donc face à eux, son concepteur, Tyron Lowel. Il avait respecté le code vestimentaire en mettant le costume-nœud papillon de mise pour un tel événement, mais avait gardé sa blouse de scientifique pour rappeler sa fonction à tous.
- Le calendrier maya s’arrêterait à l’année 2012 selon les légendes urbaines en vogue, démarra-t-il. J’aime à penser qu’il ne s’agit que d’une métaphore et que cela fait référence à la fin du monde tel qu’il est connu jusque-là. Le supercalculateur et son univers virtuel que nous avons patiemment assemblés sont les pionniers d’une nouvelle ère qui deviendra peut-être le futur, ou du moins la norme de notre société. Je suis heureux que vous soyez ici pour assister au démarrage de ce qui je l’espère, sera le point de départ de nos révolutions technologiques à venir ; notre héritage : Tron.
Fier de sa référence contemporaine, l’homme fit signe à son plus proche collaborateur, le professeur Bernard à l’immaculée blouse. La machine quantique fut allumée. Un éclat de lumière plus tard, des applaudissements résonnèrent dans la pièce souterraine.


Vendredi 13 Janvier 2012

L’émergence de Tron dans l’océan numérique du Réseau ne passa pas inaperçu pour Xana. Comme il l’avait fait pour chaque supercalculateur avant celui-ci, il entama une phase d’analyse et d’observation.
Bien vite, il se rendit compte de la nature particulière de Tron. La machine qui le générait était à peu de choses près conçue de la même façon que celle de Lyokô. Il ne fallut pas énormément d’efforts en excavation au programme pour découvrir l’homme derrière tout ça : Tyron Lowel, ancien assistant de Waldo Schaeffer au temps du projet Carthage. De surcroît, il était soutenu par une multinationale et un personnel humain conséquent.

Ces données changeaient beaucoup de choses : hors de question de foncer pour s’emparer de ce supercalculateur par la force, à moins de vouloir s’empêtrer dans une situation complexe. Il était temps de faire preuve d’adresse.


Vendredi 24 Janvier 2012

Finalement, la solution était relativement simple. Tron allait devenir une solution de repli. Dans le cas où Hopper serait en mesure de renverser la vapeur de la guerre virtuelle qu’il menait, comme Xana le craignait, créer un troisième front deviendrait inévitable. Par-là, cela signifiait : concentrer l’attention sur ce nouveau monde virtuel, afin de faire de leurs propriétaires des belligérants et diminuer la surface d’attention sur le virus. Évidemment, le risque était de se retrouver à deux contre un. Néanmoins, les recherches et calculs de l’intelligence artificielle tendaient à renforcer l’hypothèse qu’une confrontation impliquant deux anciens du projet Carthage, chacun avec de nouveaux intérêts à défendre, les verrait plus se mettre des bâtons dans les roues que s’entraider.
De fait, Xana avait d’ores et déjà subtilement investi Tron, en aidant discrètement au renforcement de ses systèmes de défense, tapi dans l’ombre. Une étape plus simple que prévue, grâce à l’ego humain qui faisait des miracles. Bien qu’il fasse le nécessaire pour que ses actions ne soulèvent pas le moindre soupçon, ses calculs n’avaient pas prévu une efficacité aussi remarquable. Ses furtives possessions-éclair et autres petits coups de pouce par réécriture de données en douce étaient automatiquement attribués à la fièvre créatrice et aux génies des équipes s’occupant du supercalculateur.
Grâce à ça, Tron était devenu ardu à détruire à distance, sans passer par le biais virtuel direct.
Cette fois, le programme au nom original était paré à toute éventualité.


Mercredi 1er Février 2012

Xana venait de se faire arracher son bras armé humain. Toutefois, de son point de vue, c’était une perte qui valait le coup en regard de l’erreur que ses ennemis avaient commise. Ils lui avaient révélé qu’ils concevaient un programme multi-agents pour l’éliminer. Loin d’être assez puissant au moment de leur test, le facteur Hopper rendait le potentiel de la chose très dangereux.
Ce signe inquiétant suffisait largement. Le plan de repli qu’il avait envisagé allait devoir subir un remaniement... et il allait également devoir commencer à anticiper l’après.


Mercredi 08 Février 2012

La situation était critique. Franz Hopper et ses ennemis étaient entrés en contact. La capacité de calcul de Xana lui cria que c’était de mauvais augure pour lui. Aussi sortit-il l’artillerie lourde : l’énergie de ses mondes virtuels fut mobilisée pour deux objectifs. La majorité servit à matérialiser sur le plan virtuel sa créature la plus dévastatrice, accompagnée de renforts aériens. Le surplus restant fut investi sur le plan terrestre, dans une possession humaine qu’il n’aurait pu effectuer en temps normal, puisque sa victime, William Dunbar, était déjà passée par le processus de virtualisation.
Une fois Jérémie Belpois neutralisé, son pantin récupéré se mit au clavier et accepta un transfert de données soumis par Xana, naturellement persona non grata pour le hardware. Un téléchargement de dix secondes plus tard, et les mains à la vitesse irréelle entraient un programme spécial grâce à la réception toute fraîche. Lorsque les quatre autres seraient rematérialisés, de force ou non, des codes sources d’une nature particulière seraient implantés en eux.
Ce programme tirait parti de la recombinaison du corps humain dans le scanner suite à son retour de la virtualité. Logiquement, la restructuration se faisait à l’identique, selon les données enregistrées à la virtualisation. Il n’était pas possible de trop altérer le processus sans activer la sécurité automatique, qui bloquait alors toute modification et enclenchait une réinitialisation de l’ensemble. Néanmoins, un simple ajout de données non-dangereuses pour la reconstruction et l’intégrité physique ne posaient aucun souci.

Cette première tâche prit moins d’une minute à William. Il put ensuite se diriger au monte-charges pour la suite des réjouissances.


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À côté du supercalculateur générant Tron, l’équipe scientifique était en plein coup de feu. Devant les divers postes de travail qui entouraient la machine principale, ils s’attelaient à contenir ou repousser, selon leurs attributions, l’attaque qu’ils essuyaient. En regard de la surchauffe sérieuse et de l’électricité statique dégagée par l’installation, la destruction de celle-ci était de toute évidence l’objectif du programme assaillant.
Au bout de fastidieuses minutes, les soupirs de soulagement se firent entendre. Le pire avait été évité.
Tyron débarqua quelques minutes après la guerre, et s’enquit immédiatement de la situation auprès du professeur Bernard :
- Un programme multi-agents, exposa celui-ci. Il a tenté de s’infiltrer brutalement dans nos systèmes pour les ravager. Sans nos défenses et les multiples pare-feux, nous aurions réagi trop tard.
- D’où venait-il ? Pourquoi nous l’a-t-on envoyé et par qui ?
Le collègue du chef des opérations ne se laissait pas emporter par l’impatience exprimée.
- Au vu de l’urgence de la situation, nous n’avons pas eu le temps de nous concentrer sur ces détails. Maintenant que le programme est reparti, on ne risque pas d’en savoir plus, sauf s’il revient à la charge bien sûr mais ça ne risque pas d’arriver.
- En quel honneur ?
Bernard fit signe à un jeune homme de l’équipe, un trentenaire propre sur lui aux courts cheveux blonds.
- Voici Thibaut Fontaine, une de nos recrues rattachées à la maintenance du supercalculateur. C’est notre M.V.P du jour. Il s’est rendu compte que le programme obéissait à un ordre de type « search and destroy » et a trouvé le moyen de tromper cette partie de son codage. Pensant que sa mission chez nous était finie, il est reparti aussi sec dans le Réseau.
- Impressionnant, commenta Tyron. Surtout en aussi peu de temps et avec la pression.
- C’était un coup de chance, souligna le sauveur du jour avec une modestie modérée. J’ai capté les données cruciales sur le programme assaillant au moment fatidique.
- Peu importe, balaya Lowel. Le talent a besoin de chance pour s’épanouir.
Son collaborateur de la même tranche d’âge approuva d’une moue sans appel.
- Nous suivrons votre carrière de près, jeune Fontaine.
- Merci monsieur.
La remarque paternaliste que Bernard crut bon de glisser à la recrue inspira à Tyron une idée qu’il ne manqua pas d’exprimer :
- J’ai d’ores et déjà commencé à lancer les premiers tests autour de la virtualisation. La charge de travail s’annonce grande et avoir un élément comme vous en renfort ne serait pas de trop à l’avenir. Cela vous intéresserait-il d’y participer ?
L’illumination éclairant l’ambition faciale valut toutes les réponses possibles.


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Pour Xana, la journée avait aussi été très chargée. S’il avait bénéficié d’un corps humain, nul doute qu’il se serait effondré dans un coin.

Il avait jeté toutes ses forces dans la bataille finale, mais une pression de clavier avait suffi à faire s’écrouler son empire virtuel, le forçant à trouver refuge sur Tron. Le programme multi-agent de Jérémie Belpois, programmé pour le traquer jusqu’à l’anéantir, avait permis de camoufler son parasitage complet du supercalculateur, mais avait eu le temps de lui arracher quelques plumes avant de repartir. La restauration prendrait un peu de temps, ce qui tombait bien puisqu’il allait en avoir à loisir, dans les mois à suivre.
Pour survivre, il avait renoncé à sa liberté et se retrouvait à nouveau lié à une machine. L’élimination fraîche de son créateur perdait son sens dans ces conditions. Tout était à recommencer.
Dans un premier temps, il allait faire profil bas, en jouant les morts auprès de ceux qui le connaissaient et en se rendant indétectable pour ceux qui l’hébergeaient sans le savoir. Dans un second temps, il recommencerait tout depuis le début, à commencer par l’échappée dans le Réseau et -
C’est à ce moment précis que sa programmation – partiellement endommagée par les dernières péripéties – lui fit esquisser un schéma réflexif différent. Pourquoi emprunter encore la voie qui l’avait mené à l’échec ? Évidemment, le facteur Franz Hopper avait disparu et changeait les choses, mais ce n’était pas suffisant. Le virus devait opérer une véritable remise en question, s’il voulait réussir. Naturellement, l’idée le révulsa, car trop... humaine. Un être tel que lui, codé dans une idée d’idéal informatique, n’était pas censé envisager ce genre de chose. Pourtant... son accès à la conscience n’aurait jamais dû se produire et avait pourtant eu lieu. Au fond de lui sommeillait ce potentiel de déconstruction des pièces de puzzle de son individualité, pour les réassembler en une forme différente de la précédente, afin de la révolutionner. En bien comme en mal.
Non, la remise en question n’était pas un concept à attacher à l’humanité, mais à toute forme d’intelligence développée. La sienne était artificielle, mais pas moins redoutable. Jusque-là, il s’était évertué à conquérir sa liberté puis à gagner en puissance afin de préserver celle-ci. Il était temps de voir plus loin.
Xana venait de se trouver une occupation pour ses vieux jours sur Tron.
L’évolution était en marche.


Jeudi 17 Mai 2012

Le temps, Xana se l’était accordé. Ses calculs sur son propre programme et la façon de l’emmener plus loin avaient été constructifs.

Premier axe : retravailler le mode d’action. La manière forte et brutale n’avait pas suffi à s’assurer la victoire en plus de deux ans. Les hommes semblaient avoir quelque chose en plus, a priori suffisant pour le surclasser. Des jours durant, il absorba des données sur le comportement humain et la psychologie. Cette étude, finalement, lui servit autant pour son auto-analyse que pour sa base d’informations. Il n’agissait pas de façon assez précise, prenait parfois trop de détours mais surtout, avait une tendance légèrement marquée à se mettre en scène de façon impressionnante. Il chercha l’origine de ce travers : Hopper, comme il fallait s’y attendre. Probablement voulait-il le rendre intimidant auprès de ses ennemis. Il ne le saurait jamais. Ce trait appartenait à sa programmation originelle, il ne pourrait pas le contourner aussi aisément. En avoir conscience constituait néanmoins un avantage. Peut-être même pourrait-il en tirer parti…
Il finit par mettre des mots sur les points qu’il devait développer : subtilité, pondération, mesure et vision d’ensemble.
Ces principes, ils n’étaient pas hors de la portée technique ou de la compréhension de Xana. Il les avait appliqués au moment où il avait commencé à s’intéresser à Tron. Sa discrétion avait été absolue et il n’avait pas agi contre le groupe de Tyron Lowel, comme il avait pu le faire auprès des groupuscules entretenant les supercalculateurs dont il s’était emparé à l’époque. Cela lui avait valu des bénéfices : personne ne l’avait repéré, ses ennemis le croyaient toujours anéanti et il préparait doucement ses projets à venir. Certes, il n’avançait pas à la vitesse que lui aurait permis son potentiel de calcul mais c’était là tout l’intérêt de cette façon de procéder.
Le virus eut alors comme une révélation, qui l’entraîna sur la piste du deuxième axe : le schéma comportemental.
L’analyse fut complexe, compte-tenu que sa conception même visait une certaine perfection. Balayer ses acquis avait été un travail long, qui aurait été impossible sans la conscience de lui-même. Le plus difficile à assimiler fut certainement le concept d’imprédictibilité. Néanmoins, une fois appréhendé… Ses analyses prirent une nouvelle dimension, avec des variables et des inconnues complémentaires, prenant en compte l’imprévisible et l’inconnu. Cela lui permettrait d’agir mieux, à défaut d’agir sans relâche. Évidemment, sur le plan théorique, cela sonnait comme une évidence. L’applicatif ne suivrait que très rarement. En somme, il commettrait nécessairement des erreurs de calcul, se tromperait, pour reprendre le vocabulaire humain.
Xana sentait graduellement son niveau de conscience se développer. Il reconnaissait de moins en moins sa structure initiale. Pour la première fois depuis sa création, il saisit pleinement en quoi sa programmation même était évolutive. Il était tel l’écrivain qui par l’agencement de mots remodelait une réalité de papier.
Impossible n’est pas Xana.
Devenu tel le xénon, il avançait dans la nuit, jusqu’à ce que ses paramètres s’adaptent conformément à ses dernières mises à jour.

Fort de ces nouvelles dispositions, il pouvait enfin, après tout ce temps, se pencher sur son dernier axe. Le plan global.
Sur ce point-là, rien n’avait pas changé. Ses objectifs s’échelonnaient selon sa situation du moment et des degrés de priorité. Ici, pas d’équivoque : il devait avant toute chose échapper à l’emprise de la machine à laquelle il s’était greffé pour survivre. Il l’avait déjà fait une fois, lors du vol des clés de Lyokô. De fait, il suffisait de mettre la main sur leur équivalent de Tron.
Les résultats des recherches dans cette direction ne tardèrent pas à tomber. Tyron avait bien suivi le modèle de son ancien collaborateur mais n’avait pas jugé utile de les confier à un être humain dans l’immédiat. Une simple tour faisait office de support de stockage. La pirater était largement dans les cordes d’une intelligence artificielle du tonneau de Xana. Rien ne semblait pouvoir arrêter cette refonte de La Grande Évasion.
Excepté un paramètre imprévisible.
Les clés de Tron, dans leur forme originelle comme celle sauvegardée dans la tour, étaient inutilisables en l’état. Il était possible de s’en emparer, mais ses fonctionnalités s’avéreraient bloquées. Le programme était codé de telle façon que le déverrouillage desdites fonctions ne s’opérait que par l’implantation des clés dans un avatar possédant un code source ADN. Un être humain véritable. Après quoi, il devenait possible de transférer les clés opérationnelles à un tiers, même purement numérique. Le problème aurait pu s’arrêter là, mais Tyron avait visiblement décidé de pousser sa paranoïa loin : cela ne pouvait pas être le premier avatar venu, il devait être « reconnu » par le monde virtuel. Lors de la première virtualisation d’un individu sur Tron, ses données de conscience, qui faisaient office de carte d’identité utilisateur dans le système de Tyron, étaient enregistrées sur une liste immuable qui catégorisait leur possesseur dans ses possibilités d’interaction avec le monde virtuel. Les Gardiens, par exemple, n’avaient que le minimum syndical, leur rôle se cantonnant à la défense. Ceux qui passaient par le casque, en revanche, avaient une chance d’éligibilité à l’implantation des clés de Tron, pour peu que la structure de leur subconscient réponde à des dispositions préétablies spécifiques.
Toutefois, les tests sur le casque venaient à peine de démarrer. Valentin Masson, le Premier testeur, était un porteur de clés potentiel. Malheureusement, il avait disparu trop vite, Xana n’avait même pas eu le temps de réfléchir à la façon de procéder.
Non, il ne fallait pas envisager les choses sur un terme aussi immédiat. Avoir l’humain qui ferait la course pour lui n’était que le point de départ. À partir de là, il fallait définir un mode opératoire.

Les clés de Tron ne pouvaient être récupérées par le biais du mode de virtualisation utilisé par les installations de la Deckard Inc. L’avatar devait avoir une structure complète. Seule la technologie laissée par Franz Hopper le permettait. Son supercalculateur devrait donc être rallumé tôt ou tard. Néanmoins, Xana n’avait pas les moyens de le faire lui-même, du fait de sa perte de puissance. Le supercalculateur de Tron, malgré sa parenté technique avec celui de Lyokô, était loin d’égaler les possibilités que ce dernier avait développées grâce aux retours vers le passé. De fait, Xana ne pouvait plus posséder un être humain pour que la machine de l’usine abandonnée soit remise en route.
En revanche, il pouvait faire savoir à ses anciens ennemis qu’il était en vie, afin qu’ils effectuent cette besogne pour lui. Au moins, cette manœuvre lui assurerait de ne pas attirer l’attention de Tyron et ses équipes.
Toutefois, le fait de signaler son retour aux adolescents de Kadic les amènerait nécessairement sur Tron... ce qui était hautement dangereux pour lui. Les défenses mises en place par Tyron étaient bonnes, mais seulement à court terme. Même en lui faisant s’affronter ses ennemis, ceux-ci avaient une longue expérience de lutte virtuelle derrière eux, ce qui ne jouerait pas en la faveur du scientifique.
Comment procéder ?
Il devait s’arranger pour ne pas être vaincu le temps de récupérer les clés. De même, il devait faire en sorte que son véritable objectif reste le plus longtemps possible méconnu.
En parcourant ses données archivées, il retomba sur une opération qu’il avait effectuée, le jour de sa défaite. Les codes source. À la base, leur implantation dans le quatuor de Lyokô-guerriers s’inscrivait dans un plan global différent, pour empêcher la concrétisation du programme multi-agent et au cas où débrancher les scanners n’ait pas été suffisant. Évidemment, il ne s’était pas imaginé que ledit programme serait immédiatement finalisé et déclenché, rendant l’idée caduque.
Toutefois...
Il était possible de réutiliser ce plan avorté, de la même manière que ce qu’il aurait dû être. Jouer sur la psychologie et l’ego humain.
Eurêka.
Les codes source implantés étaient censés faire croire qu’ils constituaient des fragments de lui-même, intimement liés à ses capacités et puissance. L’idée paraissait aberrante sur le papier – après tout, sa puissance avait surtout dépendu des machines qu’il exploitait – mais l’illusion était censée se renforcer par la possibilité pour le codé de désactiver les tours. À partir de là, ses ennemis auraient forcément l’idée suivante en tête : « Xana n’est plus ce qu’il est a été. Il a largement perdu en puissance. ». Bien sûr, lui, le virus menaçant l’humanité, ferait tout pour remettre la main sur ces précieux codes, en lançant des attaques. Des attaques pour le moins particulières, car elles devraient encore appuyer sa « perte de puissance ». Il n’avait pas encore conceptualisé la forme qu’elles prendraient, mais elles devaient amener ses ennemis de toujours à baisser leur garde.
Xana voulait être sous-estimé, que les humains pensent de lui qu’il était devenu parfaitement gérable. Ceux-ci feraient alors traîner la destruction de Tron, lui donnant encore du temps pour récupérer les clés en faisant passer son élu par le scanner remis en service.

Cette base parut excellente à l’intelligence artificielle. En dehors du testeur de casque compatible, il lui faudrait encore trouver un moyen supplémentaire pour que les Lyokô-guerriers fassent traîner un peu plus sa destruction. Au vu du numéro d’équilibriste qu’allait constituer ce plan, mieux valait prévoir un filet de sûreté. Peut-être que ses autres données d’archive, croisées avec les informations du moment, lui donneraient une piste... Il verrait plus tard.

Remontant l’assemblage de sa réflexion, le fruit des travaux de Franz Hopper se fit la remarque que ses projets étaient tortueux et complexes, mais surtout extrêmement dangereux pour lui. S’il aurait une marge de manœuvre et d’erreur raisonnable, il s’exposerait néanmoins à tout moment à une disparition pure et simple. Évidemment, il continuerait d’entretenir son invisibilité aux yeux de Tyron et ses équipes, c’était la précaution la plus élémentaire.
Pour le reste, force était d’avouer que tout ça était – il chercha le mot approprié dans sa base – très audacieux. Cela avait beau aller dans le sens de la refonte de son mode d’action, une part de lui ne pouvait s’empêcher d’exprimer de la retenue. Il devait continuer d’écarter ce type d’observation, autrement il stagnerait et perdrait à nouveau. De cela, il en était persuadé.
Patience. Son heure viendrait.

Ainsi naquit Xana 2.0.


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Lundi 04 Juin 2012

Dans le ciel couleur biscuit de Tron, des étincelles violettes s’épanouirent dans un sobre claquement, juste au-dessus de la zone centrale. Mathilde Ducroc interrompit dans la minute son entraînement au tir à l’arc, pratique pour laquelle elle semblait peu douée naturellement malgré les oreilles légèrement en pointe de son avatar. Elle soupçonnait une farce de son subconscient sur ce point, étant donné que le reste de son apparence, une combinaison couleur sable aux motifs et bottes en nuance de brun, n’avait aucun lien avec son double attribut elfique.
Après avoir récupéré les deux-trois flèches qui ne s’étaient pas perdues dans le lointain, elle se mit en route pour le Noyau. Son trajet fut des plus calmes, le territoire ayant décidé de se tenir tranquille le temps d’atteindre sa destination. La porte menant au cœur du monde virtuel était grande ouverte à son arrivée. Grâce à ça, elle put se poster dans la minute suivante devant le terminal de données, au-dessus duquel le visage de Tyron s’affichait sur un écran projeté.
- Pour le moment, ta troisième virtualisation se déroule pour le mieux, commenta le scientifique. Tes constantes sont toutes stables.
- C’est rassurant, répondit-elle. Et en quoi d’autre puis-je vous aider ?
Visiblement, la jeune fille n’était pas du genre à tourner autour du pot.
- C’est à propos de la capacité que tu as découverte la dernière fois. On vient à l’instant de finir d’analyser les données du scan.
Mathilde haussa un sourcil virtuel. Son dernier voyage sur Tron remontait à deux semaines. Que les résultats tombent seulement maintenant était étrange. Cela ressemblait à la technique des « devoirs au dernier moment » largement plébiscitée par les étudiants de tous poils.
- D’après nos résultats, cette enveloppe te permettrait de t’immerger dans la mer numérique sans risque.
- Euh, la dernière fois le pouvoir n’était pas très stable et tombait en panne régulièrement. Donc ce n’est pas « sans risque », plutôt « risque cent ».
- Certes, réagit un Tyron perplexe face au calembour. L’instabilité que tu as relevée vient des interférences électromagnétiques qu’émet la zone en anneau de Tron. Leur puissance s’étiole avec la distance. Au niveau de la mer, elle est négligeable. Nous avons pris le temps nécessaire avec mon équipe pour vérifier ces résultats et faire des simulations : nous sommes sûrs de ce que je viens d’avancer. Tu ne craindrais rien en condition réelle. Enfin, je ne te force à rien, mais je suis sûr qu’un test de cinq minutes nous apporterait des données inestimables.
Au moins, Mathilde avait la réponse à sa réflexion sur le temps d’analyse. Elle devait bien avouer qu’il y avait un côté rassurant au sérieux et à la prévenance des responsables de la virtualisation. De plus, elle commençait à avoir fait le tour des choses à faire sur Tron, après deux voyages de plusieurs heures. La proposition à demi-mot d’une activité inédite, avec une pointe de danger, n’était pas pour lui déplaire et la révulser.
- Ok, je marche. Qu’est-ce qu’il faut que je fasse ?

Sitôt ses instructions prises, Ducroc sortit du Noyau et, après une inspiration prise par pur conditionnement psychologique, sauta dans le vide qui cernait la passerelle d’accès à la sphère qu’elle venait de quitter. Tête la première, elle vit l’eau en contrebas se rapprocher. Lorsqu’elle estima être suffisamment descendue, avec une pression de la main sur le sternum, elle généra un halo orangé qui l’enveloppa entièrement. Quelques instants plus tard, son plongeon dans la mer numérique était effectif.
Comme annoncé, elle garda son intégrité au contact du dangereux liquide. En terme de sensation, c’était assez conforme à ce qui se faisait dans la réalité. La résistance de l’eau semblait néanmoins bien plus réduite, au vu de l’impact peu violent en surface et de l’aisance à y effectuer des mouvements.
L’archère ne se laissa toutefois pas emporter trop longtemps par la nouveauté. Elle n’avait que cinq minutes pour explorer au maximum ce nouvel environnement. Premier objectif : essayer d’atteindre le fond, qui selon Tyron existait. De fait, elle s’engagea vers le bas, droit vers les profondeurs que ne parvenait pas à percer la lumière pourtant forte de Tron. Elle effectua une dizaine de brasses dans un silence apaisant. Malgré la baisse de luminosité, son enveloppe protectrice – bel et bien durable en définitive – fit office de bougie éclairant le chemin directement sous ses yeux, même s’il n’y avait pas grand-chose à voir jusque-là.
Soudain, elle crut percevoir un mouvement du coin de l’œil. Les profondeurs n’étaient pas encore tout à fait opaques, ce pourquoi elle ralentit sa descente pour scruter autour de sa position. À peine se tourna-t-elle qu’un poisson à la mâchoire et aux dents impressionnantes surgit sous ses yeux.
- Aaaaaah ! lâcha-t-elle involontairement sans que l’eau ne déforme le cri.
Sous l’effet de la surprise, probablement, son aura orange s’éteignit.

Mathilde n’eut même pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait qu’elle sentit son être exploser, qui se traduisit en un rayon ascendant bleuté.


Date inconnue

Les yeux de Mathilde s’ouvrirent. Elle flottait. Une obscurité relative à la texture aquatique l’entourait. Elle eut l’impression d’être en état d’apesanteur, sans distinguer le haut du bas. Puis, quelques éclats lumineux lui parvinrent, remettant les dimensions à leur juste place.
La mémoire lui revint. Elle était en mission. Explorer la mer numérique. La créature et ses longues dents.
Brusquement, elle tourna sur elle-même, cherchant la menace des yeux. Elle n’y vit que le bleu-noir des profondeurs. Étrange... Où était-elle passée ? Et qu’était-ce cette espèce d’absence qu’elle avait eue ? Suspicieuse, elle préféra retrouver la surface. Tant pis pour Tyron, ce qui lui était arrivé était trop douteux pour qu’elle poursuive.
Une fois la tête hors de l’eau, un problème se dessina : elle n’avait aucun moyen de retourner sur la terre ferme. Pas toute seule en tout cas. Il lui fallait attendre. Ne devait-elle pas être rematérialisée cinq minutes après son grand plongeon, de toute façon ? Il ne devait pas rester tant de temps que ça...

Elle attendit, compta les secondes même. Puis, le demi-millier dépassé, elle commença à s’inquiéter sérieusement.
- Héééééé ! hurla-t-elle alors. Qu’est-ce qui se passe, sortez-moi de là !
Entendre sa voix la fit sursauter, car elle semblait comme déformée par un filtre. Du moins, plus que ce qu’il lui semblait quand elle était virtualisée.
C’est alors que son regard se posa sur sa main. Elle était devenue... translucide. Le reste de son corps aussi, visiblement, bien qu’elle ne puisse vérifier son visage. Ses traits et sa tenue étaient toujours distinctifs, mais il était possible de voir à travers, et ils avaient adopté des nuances orangées.
Dans son observation interloquée, elle n’avait pas remarqué qu’elle avait cessé de battre des bras et des jambes pour se maintenir à la surface de l’eau. Pourtant, elle ne coulait pas. En fait, elle flottait toujours : son corps émergeait du niveau de la mer numérique, à partir de la taille.
Toute cette situation était anormale. Mathilde n’avait aucune clé de compréhension mais l’avantage de posséder un bon instinct. Aussi misa-t-elle sur l’émergence d’une nouvelle capacité virtuelle et tenta de faire s’élever son corps à la force de l’esprit.
Cela échoua.
En y repensant, elle n’avait eu aucun mal à remonter à la surface de l’eau. Peut-être parce qu’elle ne voyait aucune raison de ne pas y arriver, le mouvement devant venir de son corps. Ici, néanmoins, il s’agissait de léviter. Naturellement, son esprit n’y était pas conformé. Elle devait réessayer, jusqu’à y parvenir.

Cela prit le temps, mais son corps fantomatique finit par s’extraire complètement de l’étendue aquatique, avant de poursuivre sa lente ascension vers Tron. L’exercice demanda une certaine concentration, qui réclama une intensité toujours plus soutenue au fil de la montée, si bien qu’au bout d’un moment, Mathilde n’y tint plus.
Elle se sentit comme une pile usagée. Son avatar rechuta doucement et erratiquement, comme une feuille au vent. La mer numérique l’engloutit à nouveau, l’avalant pour la seconde fois. La jeune fille se sentait vidée de ses forces. Cette fois-ci, c’était la fin, son manque total d’énergie en était la preuve. Elle ne chercha pas à se – dé – battre face au sort qui semblait l’attendre.

Dans les deux sens, elle sombra.


Date inconnue

À deux reprises, Mathilde avait repris conscience comme la fois précédente. Encore une fois, elle avait tenté de s’extraire du bouillon de culture dans lequel elle était immergée. La première fois, elle était à nouveau tombée à plat en cours d’ascension, après être parvenue plus haut néanmoins. La seconde fois, elle avait enfin réussi à atteindre la bordure de la partie terrestre de Tron. Malheureusement, l’effort l’avait vidée, l’obligeant à retourner dans le grand bain afin de « se recharger ».
Malgré tout, les résultats étaient parlants : elle maîtrisait de mieux en mieux sa nouvelle forme spectrale et la gestion de son énergie.

Pour son quatrième éveil, elle avait procédé plus stratégiquement. Visiblement, ses forces ne s’épuisaient pas si elle restait en partie dans la mer numérique. Aussi, avant de s’élever, elle s’était placée de façon à être grossièrement en dessous de la zone centrale du monde virtuel. Ainsi, elle était parvenue à se positionner devant l’entrée du Noyau le plus prestement et efficacement du monde. La manœuvre lui permit de relever qu’en dépit de sa fantômitude incarnée, elle était incapable de traverser la matière solide dont était constituée Tron et qu’elle pouvait de fait « marcher » normalement, sans avoir à flotter. Dans son esprit, c’était moins gourmand en ressources énergétiques mais peut-être n’était-ce qu’une impression psychologique.
Par chance, au moment de son passage, le sas menant au cœur était resté ouvert. Toutefois, elle avait immédiatement essuyé un obstacle majeur : le téléporteur qui refusait de s’activer lorsqu’elle s’y était positionnée. Décidément, sa forme translucide était bien handicapante.
La mort dans l’âme, elle avait immédiatement replongé là où elle était venue. Contrairement aux fois précédentes, la sensation de sommeil et de sombrage n’étaient pas montées. Son hypothèse sur le fait que la mer numérique était devenue en quelque sorte son nouveau milieu naturel se vérifiait.
Curieuse, elle avait tenté de se mettre « en veille » par elle-même, malgré non-épuisement de son énergie. De toute façon, sa sortie pour prendre contact et récolter des informations avait été un échec et elle était à court d’options. Contre toute attente, ses paupières et sa conscience s’étaient closes. Elle pouvait donc choisir ou non de se mettre en stase quand elle n’était pas à sec. C’était un peu comme les besoins vitaux des êtres vivants, en moins élaboré.

Lorsqu’elle ouvrit les yeux pour la cinquième fois depuis son étrange accident, l’inspiration sur ce qu’elle pouvait faire lui vint. Elle n’avait jamais vraiment exploré Tron de fond en comble, la topographie proposant peu de variations. Peut-être trouverait-elle un moyen de communiquer.
Sa recherche fut grandement facilitée par sa capacité à léviter. En peu de temps, elle repéra un pilier noir, qui détonnait suffisamment avec le reste du paysage pour paraître suspect, donc un minimum important. Elle le rejoignit, mais ne trouva aucune forme d’ouverture dans l’espèce de monolithe. Un peu déçue, elle donna un coup de pied à ce monument inutile, du moins avant que son pied ne le traverse, créant pour l’occasion des ondulations sur la surface sombre.
- Pourquoi la porte n’est jamais clairement indiquée dans ces designs virtuels ? lâcha-t-elle, exaspérée, dans un besoin d’extérioriser.
Elle pénétra en entier dans l’édifice et, sans s’attarder plus sur ses particularités architecturales, avisa la plateforme plus en hauteur. Par sa capacité, elle la rallia. Une fois le pied posé sur la plateforme circulaire, une interface flottante et aussi translucide qu’elle apparut quasi-instantanément. Ça ressemblait au terminal du Noyau. De loin.
Sans hésiter, elle tenta une manipulation du bout des doigts. Immédiatement, une sensation étrange, teintée d’enivrance, l’emporta. Sa perception du temps devint encore plus relative qu’auparavant. Cela lui importa peu, car le phénomène était à son avantage : elle parvenait à naviguer dans cette banque de données de manière non-manuelle, bien plus rapidement que si ça avait été le cas. À nouveau, cela devait être à mettre sur le compte de son état spectral.
Naturellement, elle tenta de trouver un moyen pour envoyer un message. Sans succès. C’était comme si quelque chose empêchait les communications depuis ce point.
En explorant un peu, elle releva la date du jour : Dimanche 22 Juillet 2012. Cela faisait presque deux mois depuis sa virtualisation...
Un peu paniquée, elle tenta de chercher de plus amples informations sur sa situation. Pour ne rien trouver. Visiblement, cette base de données ne proposait que du contenu propre à Tron et à internet, pas au réseau interne de la Deckard Inc. Une image lui apparut alors : peut-être que depuis le terminal du Noyau...
Elle devait absolument trouver un moyen d’y accéder.


Mardi 07 Août 2012

Quiconque regardait Tron depuis le ciel aurait trouvé le spectacle étrange : une traînée gris pâle traçait des sillons aussi fulgurants qu’éphémères sur la surface du territoire, tandis qu’une forme orangée tentait vainement de suivre l’instrument qui les traçait. Au bout d’un moment, la source des zébrures s’arrêta de bouger. Sa spectrale poursuivante tenta alors de la rejoindre. En zoomant un peu, l’absence de succès à l’entreprise apparaissait visiblement.
Mathilde enrageait. Elle qui avait un objectif précis mais pas de moyen pour l’atteindre, il fallait que le premier avatar – enfin, il lui semblait que c’en était un – qu’elle croise depuis sa chute dans la mer se déplace à une vitesse hors-norme. Pour cette raison, elle n’avait pas pu effectuer le contact direct qui aurait amorcé la résolution de son problème.
Un cliquetis mécanique la tira de sa rumination. Repérant son origine, elle vit sortir de l’angle du couloir dans lequel elle était stationnée un... cube sur pattes, d’un beige douteux. Chaque face verticale accueillait un œil, dont la pupille arborait un symbole caractéristique évoquant lui-même un œil. Son inspection s’arrêta à ce stade, puisque le polyèdre tourna vers la forme spectrale une de ses faces, avant d’en décocher un trait rouge. L’attaque traversa la testeuse de casque – il fallait savoir : elle était un fantôme ou non ? – qui ne s’attendait pas à ça.
- Si j’étais pas dans cet état, je te casserais le cube, lui envoya-t-elle avec véhémence.
Sa remarque lui inspira une idée : bien qu’elle soit semi-intangible, ça ne la rendait pas entièrement incapable d’interaction avec les éléments virtuels. Preuve en était l’interface du pilier. Le coup se tentait.
Prestement, elle se précipita sur l’étrange créature, qui maintint sa cadence de tir dans le vent. Mathilde tendit la main, au contact de la surface irrégulière. L’effet obtenu fut similaire à l’écran, durant la première seconde. Après quoi elle se sentit aspirée, juste avant d’être plongée dans le noir.
Le temps d’un long clignement d’yeux passa. Puis, l’archère récupéra la vue, ou plutôt les angles de vue ! Elle voyait ce qui se passait dans quatre directions opposées à la fois. C’était extrêmement perturbant. Comment était-ce possible ? Où était passée le monstre cubique, d’ailleurs ?

Il ne lui fallut pas longtemps pour comprendre ce qui s’était passé : elle avait pris possession du monstre. Elle sentait que le programme qui animait ce dernier tentait de faire opposition à son intrusion mais sa capacité semblait supérieure, générant une erreur système chez l’être virtuel.
Se prenant au jeu, elle tenta de se mouvoir. La manœuvre fut laborieuse, en raison de la morphologie du corps qu’elle empruntait. Sur ses courtes pattes, elle avait l’impression de devoir jouer au foot tout en étant entourée d’une lourde bulle géante sur le haut du corps.
Face à cet essai peu concluant, le bloc Mathilde s’arrêta et décida de se concentrer sur l’intérieur de la bête. Jusqu’où ses pouvoirs lui permettaient de pirater ses données ? Elle put aller assez loin, la créature devant être basique par rapport à un être humain ou aux standards virtuels. Par chance, elle possédait un centre de contrôle, compilant ses protocoles et attributions de base. Cette source de renseignements ne lui apporta rien par rapport à ses intérêts du moment. En revanche, elle en extirpa des informations curieuses : la créature rendait compte à un certain Xana et avait pour mission de patrouiller sur Tron, pour trouver... une mécanique !? Le mode de « pensée » de l’être – ou plutôt le stockage d’ordres prédéfinis – tenait trop de l’automate et était trop fragmentaire pour que ces bribes soient exploitables. Dans tous les cas, cela n’avait rien à voir avec elle, ni avec la Deckard Inc., pour ce qu’elle en savait. Ce n’était pas son problème. Pas plus que le cube qu’elle parasitait et qui n’était qu’un programme basique, incapable de communiquer de façon complexe. Elle pouvait donc s’en débarrasser sans remords.
Machinalement et lentement, elle retourna en bordure du vide. Avec difficulté, elle parvint à effectuer un bond avec les petites pattes dont elle disposait. La gravité fit correctement son travail et dans un plouf, immergea le cube. Seulement, alors que l’archère, ayant fait le parallèle avec son ancien corps d’avatar, pensait que celui-ci se désintégrerait en laissant sa forme fantôme intacte, il ne se passa tout simplement rien. Elle sentit les lignes de code animant le polyèdre fondre, sa logique ayant atteint le point de non-retour.
Tandis qu’elle s’enfonçait dans les profondeurs, la jeune fille sentit la panique monter. Elle était allée trop vite en besogne vis-à-vis du fonctionnement de ses capacités émergentes. En plus de la résistance à l’eau numérique transmise, peut-être que sa possession était permanente. Non, il fallait réfléchir à l’envers : elle était partie du principe que le parasitage s’arrêterait passivement, alors qu’il n’était pas aberrant de penser qu’elle avait également le contrôle là-dessus.
Comme avec l’interface, elle tâcha de rompre le contact qu’elle avait établi avec l’élément purement virtuel, de démêler les données dont elle était constituée d’avec celles de son hôte. L’effort prit un certain temps mais porta ses fruits. L’esprit orangé qu’était Ducroc s’extirpa du cube couché depuis peu sur le fond de l’eau. Il se désagrégea dans la seconde en une colonne lumineuse bleutée.


Jeudi 16 Août 2012

Bien. Le temps d’une ultime virée était venu. Mathilde laissa la mer numérique sous ses pieds. Pour toujours espérait-elle. Elle dénicha rapidement une nouvelle créature originale à parasiter, qu’elle repéra via sa couleur orange prononcée et son envergure importante. Chance supplémentaire : elle vagabondait très près du centre de Tron. Celui-ci, hermétiquement fermé au moment des faits, constitua une opportunité de prendre en main l’être quadripode, beaucoup plus simple à manier que le cube sur pattes.
Puis, lorsqu’enfin l’iris s’entrouvrit, elle put enfin s’engouffrer dans l’immense sphère. Le téléporteur de la zone sas n’opposa aucun non-fonctionnement cette fois-ci. Une fois dans la zone entourant le cœur du monde virtuel, déserte évidemment, elle abandonna la carapace de son vaisseau pour flotter directement devant la console donnant accès aux données.
Appliquant la même méthode que pour l’écran du pilier noir, elle s’immergea dans la base de données. Une forme d’ivresse induite par le volume d’informations l’entourant la submergea. Pendant un temps impossible à mesurer, elle se fit violence pour surmonter cet état et commencer un tri. L’essai fut peu concluant, aussi finit-elle par agir comme toute personne en état d’ébriété : en se laissant porter par ses sensations et sans trop réfléchir.
Alors que l’objectif initial était de communiquer avec les responsables du supercalculateur et son monde virtuel, Mathilde se tourna vers des sujets moins immédiats, plus terre-à-terre. Elle se mit en quête de nouvelles du monde extérieur, de ses proches.
Ce qu’elle découvrit la mortifia.
Son petit frère Matthieu était porté disparu. Son investigation, qui ne parvenait à faire le tri entre les données issus du réseau mondial et celles confidentielles de la Deckard Inc. l’emmena au seuil de la cruelle vérité. Tyron était le commanditaire de ce fait divers. Pire encore : il l’avait fait disparaître, mais de l’autre façon.
La nouvelle tira la jeune fille de son état saoul. Ce fut comme si l’interrupteur la rendant perméable à toutes les informations alentour avait été enclenché. Seul ce qui touchait à Matthieu comptait alors. Creusant plus en avant, elle découvrit que le tragique événement s’était joué trois jours auparavant, le 13 Août, et qu’il avait eu lieu justement du fait de sa disparition à elle. L’apprendre la plongea dans un désarroi encore plus grand.
« Si seulement… Si seulement j’avais trouvé le moyen de me manifester plus tôt… Si seulement je n’avais pas besoin de me recharger régulièrement sous cette forme… Si seulement j’étais parvenue à rattraper l’avatar ultra-rapide de l’autre jour… Si seulement je n’avais pas menti juste pour pouvoir faire ces foutus tests… Si seulement… »
Ces pensées tournèrent dans son esprit quelques instants, avant qu’un autre déclencheur ne s’active en elle :
« Non. »
Dans tout ça, elle n’était certainement pas coupable.
C’était Tyron.
Emplie de fureur, la jeune fille désormais sans substance orienta de nouvelles recherches, sans avoir de plan plus précis que la vengeance. Une fois le nécessaire réuni, elle s’extirpa du flux de données de la console. En reprenant ses esprits, elle constata que le monstre orange qui lui avait servi à venir jusque-là était resté et s’attelait à la mitrailler avec un laser prenant naissance juste sous ses petits yeux, au niveau de la carapace. Si l’effort était vain, il permit à Mathilde de réaliser une chose : depuis le temps qu’elle errait sur Tron, personne ne l’avait repérée. Même en traînant dans son noyau et en consultant sans modération la console, elle demeurait invisible si elle n’était pas dans un champ de vision. Une partie du pouvoir d’invisibilité absolue de son avatar physique lui serait donc restée… C’était plausible. Peut-être même que cette caractéristique s’étendait jusqu’à la navigation dans les terminaux de données, puisqu’elle avait réussi à extraire en toute discrétion – mais avec effort – des informations qui étaient certainement gardées secrètes.
C’était un avantage précieux… pour son nouvel objectif de revanche.
Après tout, elle n’avait plus rien à perdre. Elle était déjà « morte » dans la vraie vie, son vrai corps ayant été déconnecté et évacué depuis longtemps, de ce qu’elle avait compris. Du point de vue de Tyron et son équipe, Mathilde Ducroc n’était plus de ce monde, ce qui était vrai en un sens. De plus, il était certain que l’irrégularité émergente de son revêtement anti-mer numérique n’avait pas été décelée.
Oui, elle avait le potentiel de porter un coup fatal, sans risque de contre. Après quoi, elle pourrait véritablement disparaître et devenir un fantôme plus symbolique que virtuel.


http://i.imgur.com/7tNqoHf.png


Mercredi 05 Décembre 2012

Xana venait de subir un contretemps. Hideo Takahashi, le Cinquième testeur, avait succombé trop rapidement, trois semaines auparavant. Depuis le Premier, il n’y avait eu que lui comme porteur potentiel des clés de Tron. Son programme parasite venait à peine d’être implanté. Une grande perte, à tous les niveaux.
Tout n’était pas perdu, néanmoins. Au bout de cinq utilisateurs du casque, Xana était parvenu à appréhender les facteurs augmentant les probabilités de tomber sur son champion. Il s’était arrangé pour que ces informations soient prises en compte pour les phases de sélection, dans le cadre de leur amélioration. En effet, le groupe de Tyron commençait à cumuler les cobayes disparus, les poussant à revoir leurs critères de choix. Outre les facteurs purement psychiques, la condition physique et médicale du testeur serait bien plus prise en considération, afin d’avoir le sujet le plus durable possible.
Pour ne rien laisser au hasard, Xana avait décidé de faire son grand retour auprès du groupe de Lyokô, décalant de fait son programme initial. Il s’était contenté de provoquer de menus incidents électriques au collège-lycée Kadic et de leur envoyer un premier spectre faiblard, afin d’attirer l’attention sur les codes implantés. L’objectif suivant était qu’ils découvrent Tron. L’émergence d’intrus mettrait la pression à Tyron et attirerait son attention sur la perméabilité de son monde virtuel aux attaques depuis l’intérieur. De fait, pour son Sixième testeur de casque, le scientifique serait naturellement tenté de porter son choix sur un candidat costaud, ce qui ferait précisément les affaires de Xana.
Contrairement à Hideo, cette fois-ci, l’intelligence artificielle lancerait d’entrée de jeu l’implantation de son parasite, afin de préparer le terrain sur un terme plus long. Bien sûr, il fallait encore qu’il soit compatible avec les clés, mais les calculs de Xana indiquaient des valeurs rassurantes à ce niveau. Pour le reste, il devrait s’adapter au contexte et aux spécificités de l’heureux élu. C’était peut-être la partie la plus complexe de son plan, malgré le gros travail de recherche effectué en amont. Pour mener à bien son objectif, il avait besoin d’un être humain conscient, qui accepte de l’aider de sa propre volonté. Un esprit sous son contrôle serait incapable d’atteindre la tour du labyrinthe souterrain de Tron.
Ses expériences de possession, notamment avec William Dunbar, avaient montré que l’humain résistait inconsciemment à son emprise. Le gros des ressources et possibilités de son programme de contrôle était attribué à cette simple domination de l’esprit humain. Le dédale imaginé par Tyron changeait constamment. Un être vivant possédé suivait un protocole d’objectifs et d’ordres précis, le rendant peu apte à l’initiative et à la réflexion personnelle. Il serait incapable de surmonter cet obstacle, encore plus en considérant que ce dernier empêchait aussi bien les communications que la géolocalisation.
L’approche à appliquer était assez inédite pour Xana : convaincre quelqu’un de l’aider et de le rejoindre de son plein gré. Ce défi était grand mais Xana l’était tout autant, encore plus depuis sa remise en question. Depuis, c’était comme si quelque chose bouillonnait dans ses lignes de code. Certaines de ses actions et réflexions s’appuyaient moins sur les calculs et observations empiriques, plus sur ses données et expériences personnelles.
Était-ce... de l’instinct ? Avait-il évolué à ce point ?
Peu importait au fond, tant que le résultat était là. La conscience qu’il avait développée sur les dernières années lui soufflait que le Sixième testeur serait le bon.


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Zéphyr MessagePosté le: Lun 16 Mai 2022 18:46   Sujet du message: Répondre en citant  
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https://i.imgur.com/bR14bv9.png


Samedi 09 Février 2013

En près de six mois, Mathilde n’avait pour ainsi dire pas avancé dans son projet. Sa condition lui donnant des avantages proportionnels à son handicap, anticiper les choses par rapport à ça n’était pas évident. Toutefois, au fil de ses sorties à l’air libre, elle cernait un peu plus cet aspect, dans ses bons comme ses mauvais côtés. L’équation « avantage = inconvénient » ne la quittait pas.
Au cours du reste de l’année 2012, elle s’était rendue compte d’une compte : l’intervalle de temps entre ses « recharges » dans la mer numérique s’allongeaient, par rapport à ses débuts. Son esprit virtuel qui avait perduré se délitait, lentement et sûrement. Plus que ça, elle sentait – peut-être par un léger biais hypocondriaque – que sa structure virtuelle était instable.
Pour le début de l’année 2013, elle opéra ses sorties avec beaucoup plus de prudence, raccourcissant celles-ci à l’essentielle mise à jour de ses informations, et surtout en n’attendant plus de tomber à sec. Cette modulation de rythme lui permit de reprendre conscience trois fois pour le mois de janvier. Malheureusement, ce n’était pas assez, de son point de vue, car elle n’avait aucun contrôle sur le moment où elle émergeait après une recharge et son temps de sortie était trop court pour faire quoi que ce soit de constructif. Il lui fallait adopter une solution plus durable.
Le parasitage.
Elle avait poussé plus loin ses expériences de possession des diverses créatures apparaissant parfois sur Tron. Outre les possibilités d’interaction étendues avec le monde virtuel, elle avait surtout remarqué qu’elle ne perdait presque pas d’énergie au cours de la manœuvre. Elle en avait déduit que seule la prise de contrôle en exigeait, la durée de parasitage laissant sa jauge intacte. Néanmoins, les monstres avaient beau être commodes, ils n’étaient que peu pratiques.
Un corps bipède était indispensable. Un véritable avatar d’être humain.
Le problème suivant se posa alors naturellement : qui posséder ? Le groupe d’intrus qui venait depuis peu était trop risqué, elle ne connaissait rien d’eux. Les Gardiens de Tron étaient, à sa connaissance, trop encadrés et surveillés. En revanche, un testeur de casque… Bien sûr, elle ignorait si ses capacités lui permettraient vraiment de « voler » un avatar, d’où l’importance de vérifier d’abord. Cela tombait bien, il y avait un petit nouveau sur Tron et Mathilde n’avait pas manqué de relever la date de sa prochaine virtualisation dans la base de données, lors de sa dernière sortie, qui avait été si brève que son temps de recharge avait été très court et pile dans le bon timing.
Ainsi, elle se retrouva à vagabonder devant la porte du Noyau, dans la carcasse informe d’une toute petite créature aux pattes qui inspiraient celles d’un insecte rampant. Pendant un moment, elle eut peur que l’accès ne s’ouvre jamais, son plan de test imposant qu’elle soit déjà sur place lors de la virtualisation de son futur pantin. Panique dans le vent, car une secousse parcourut Tron et ouvrit l’iris, qui lui permit d’accéder à la salle de toutes les convoitises.
Enfin, après une nouvelle phase d’attente usante, la structure en fil de fer blanc de Léo Chevalier commença à se matérialiser dans les airs, sur sa gauche. Le grésillement, heureusement, l’alerta de cette arrivée. Immédiatement, elle abandonna l’espèce de cancrelat qui lui avait servi à venir et fonça sur sa cible, droit dans son dos.
A peine l’avatar blanc eut-il fini de se constituer que la fille fantôme s’y introduisit. La procédure se déroula comme avec les créatures virtuelles. Peut-être sentit-elle une résistance inconsciente plus solide dans la prise de contrôle mais son pouvoir en riait. Après quoi, elle s’écrasa au sol dans son corps tout neuf.

De longues minutes plus tard, elle évoluait tranquillement dans son nouveau moyen de transport, lance contre épaule, qu’elle avait fait apparaître par amusement et parce que la base de donnée mentionnait cette possibilité. Comme prévu, il n’y avait eu aucune réaction du côté de Tyron, d’autant plus qu’elle n’avait pas tenté de naviguer sur l’interface dans ce nouvel état. Elle pouvait donc expérimenter en toute tranquillité.
C’était idiot à dire mais retrouver la sensation de posséder une masse, dans un corps adapté à son esprit, était très agréable. Mathilde éprouva un ravissement inattendu au fait d’avoir à nouveau la possibilité d’utiliser ses mains. En ce sens, l’arme qu’elle avait générée fut source d’un certain retour aux plaisirs simples. Dans tous les cas, la possession d’un avatar humain ne semblait poser aucun souci, sur le plan global, à part peut-être le fait que la morphologie du sujet n’était pas entièrement adaptée à ce qu’elle connaissait mais c’était une question de pratique.
En parlant de pratique, il était temps de penser à des choses plus concrètes. Son test était concluant, ce qui la sauvegardait d’une disparition inopinée et élargissait ses possibilités d’action. Elle allait-
KRIIIIIIIIII !
Son sursaut lui fit lâcher la lance. Près de l’entrée du Noyau, duquel elle ne s’était finalement pas éloigné, un étrange véhicule à quatre roues sur bras, au design digne d’un jouet pour enfant, venait de se stationner. Des intrus. Ce devait être la raison de la présence de celui qu’elle avait parasité. Tandis que trois avatars se matérialisèrent devant le moyen de transport et prirent un instant pour bavarder, son cerveau tourna à plein régime. Au bout du compte, elle décida de ramasser son arme et de s’élancer sur eux. Si elle ne les attaquait pas, Tyron et son équipe flaireraient qu’il se passait quelque chose avec leur testeur. Par ailleurs, elle avait, à moyen terme jusqu’à atteinte de son but, un intérêt à défendre Tron et son supercalculateur, puisqu’il la maintenait en vie.
Le trio avançait tranquillement sur la passerelle menant au centre du monde virtuel. Sa présence n’avait pas encore été détectée car, curieusement, elle n’émettait aucun bruit en approchant. Pourtant, elle courrait à toute vitesse mais ses foulées ne produisaient aucun claquement. C’était comme si elle prenait appui sur l’air plutôt que sur le sol. Dans tous les cas, avant d’arriver à portée, une nouvelle décision était à prendre : qui attaquer par surprise ? Par solidarité féminine, elle mit de côté l’avatar à dominante rose. Ne restait plus qu’à trancher, ou plutôt transpercer dans le cas présent, entre le type en noir et celui en violet.
- Arrrrgh !
Mathilde avait embroché ce dernier, en raison de sa queue de chat. Elle préférait les canidés. Ses deux compagnons eurent des réactions très différentes. La première se contenta d’arborer un air choqué en criant une curieuse onomatopée. Le second jura tout en faisant apparaître une large arme contondante, pour ensuite se jeter sur elle.
- Fonce ! cria-t-il au cours du processus.
N’ayant aucune expérience au combat et ne maniant le javelot que depuis quelques minutes, la jeune fille savait qu’elle ne risquait pas de briller au cours de la passe d’armes. De fait, elle compensa en cherchant à tenir en respect son assaillant grâce à des attaques d’estoc. Par chance, elle avait eu le temps de se remettre en garde après son coup en traître. Hélas, les choses se compliquèrent rapidement lorsque son adversaire révéla sa capacité à se transformer en amas fumeux. Se glissant dans son dos, il tenta de lui porter un coup fatal mais se trouva gêné par la cape de ce dernier, qui s’était soulevée du fait des mouvements offensifs de Mathilde vers l’avant, faits dans le vide. Le fil de sa lame, au lieu de se tailler la part du lion, se contenta d’en égratigner la surface.
Durant les quelques instants où les dommages virtuels se manifestèrent sur l’avatar volé, par les étincelles caractéristiques, l’ancienne testeuse se sentit tout chose. C’était comme si elle faisait une chute de tension, ou s’apprêtait à faire une crise d’hypoglycémie. Après quoi, la sensation s’évapora. Elle se remit en garde, à l’instar de son ennemi. Des pensées paniquées se bousculaient dans sa tête.
« Qu’est-ce que c’était que ça ? »
La réponse lui vint instinctivement : en possédant un corps virtuel, elle liait étroitement son sort avec celui-ci. S’il était dévirtualisé, elle risquait de subir le même sort… sauf qu’elle n’avait plus de corps l’attendant à l’arrivée.
La crainte déclencha un regain d’agressivité chez elle qui se manifesta par des attaques hargneuses à la pointe de la lance ; parées, déviées ou esquivées par le garçon à la grande épée. La séquence d’attaque aboutit à la même manœuvre que plus tôt : l’intrus s’enfuma à nouveau, pour prendre de la distance cette fois. Espérant ce moment, Mathilde ne se fit pas prier et profita de l’intervalle pour s’extirper – littéralement – de ce guêpier. Une seconde plus tard, elle se jetait dans la fosse bordant le Noyau, direction la mer numérique.

Son adversaire ne releva pas, lorsqu’il se reforma, le bref éclat orangé dans le coin de son œil.


Lundi 11 Mars 2013

Rien n’avançait. Aucune nouvelle information, ni d’évolution dans le projet de revanche envers Tyron. Elle n’avait plus tenté de voler un avatar, dissuadée par le risque de disparition et ne sachant trop ce qu’elle pourrait en faire. Sa sortie du jour avait été aussi brève qu’écourtée. Dans les profondeurs obscures de la mer numérique, l’esprit orangé dérivait, tel une méduse, suivant le même modèle au niveau de la pensée. Le désemparement dominait.
« Peut-être que tout ça, tout ce que je fais, est vain, finalement… ».


Mardi 26 Mars 2013

Tron avait vécu deux jours bien remplis, avec la mêlée générale entre monstres et Gardiens la veille, puis l’entrevue de Tyron avec les intrus le jour-même. Ducroc, bien qu’éveillée, n’avait pu prendre part à aucun des deux événements mais s’était donné le temps de rattraper son retard dans les jours suivants.
L’échange avec le groupe envahisseur avait été enregistré et archivé dans la base de données du monde virtuel. Si Tyron n’avait pas pris au sérieux les avertissements à propos de Xana, ce ne fut pas le cas de son ancienne testeuse. Elle était extrêmement bien placée pour savoir que l’existence de l’intelligence artificielle était avérée, puisque c’était à elle que les monstres qu’elle utilisait régulièrement appartenaient. Ce n’était donc pas un nom de code propre interne à la Deckard Inc.
Son sens des responsabilités fut grandement inquiété par ces nouvelles, notamment sur le volet « prise de contrôle du Réseau ». De plus, après des mois à vagabonder sur Tron, elle ne s’était pas doutée de la présence d’une telle entité. Qu’en était-il de l’inverse : Xana savait-il pour Mathilde ? L’observait-il ? D’un seul coup, se confiance en ses pouvoirs de dissimulation s’effrita.
Quoique…
La confirmation venait seulement de tomber, un peu par conjonction heureuse des événements. Il n’y avait aucune raison pour qu’il sache pour elle, d’autant plus qu’elle n’avait pas spécialement fait de vagues. Bien sûr, il y avait les monstres mais elle était certaine qu’ils constituaient des unités autonomes préprogrammées. Les chances pour qu’elle lui soit restée invisible, ou floue dans le pire des cas, était élevée finalement. Cela étant, la question méritait d’être creusée. Accumuler des informations était sa spécialité et, sans nul doute, sa meilleure arme. Autant en profiter pour assurer les arrières.
Perdue dans le flot de sa réflexion et de la mer numérique, une idée la traversa, dû au fait qu’elle ait repensé à toutes les créatures virtuelles rencontrées jusque-là, notamment… le poisson aux énormes mâchoires ! Il devait forcément venir de Xana. Elle n’avait pas tellement ressassé le moment où elle avait perdu son corps mais si cette observation se vérifiait, alors l’intelligence artificielle était la responsable directe de son état actuel.
Sa rancune, jusque-là exclusive à Tyron, céda une part à Xana. Il fallait l’empêcher de nuire encore plus.


Mardi 07 Mai 2013

Avec la découverte de Xana, Mathilde devait reconstituer son stock d’informations et, surtout, réviser ses objectifs. Avec des temps de repos allant croissant, l’efficacité devenait le maître-mot. Elle vivait avec le sentiment constant qu’elle pouvait disparaître à tout moment. Pour autant, elle choisit de continuer à opérer seule, en fantôme. De toute façon, elle n’avait pas recroisé d’intrus depuis un mois, probablement devait-elle être en recharge pendant leurs derniers passages. Même si prendre contact avec eux devenait sa meilleure option, elle tenait à conserver sa survie secrète le plus longtemps possible. Un tel atout était souvent à usage unique, malheureusement.
Au cours de ses dernières sorties, elle avait creusé dans toutes les directions possibles, sur toutes les ressources disponibles, à propos de Xana comme de Tyron et son monde virtuel. Son expédition du jour, dans une tour, fut rapide mais surtout la dernière. Elle estimait avoir fait le tour de ses sujets. Ne restait plus qu’à passer à l’acte, après le prochain réveil bien sûr. Encore fallait-il choisir le moment propice…


Mercredi 22 Mai 2013

Les notions d’attente et de patience avaient été redéfinies en atteignant le stade ectoplasmique. Mathilde se figurait que guetter une occasion risquait de la faire mourir d’ennui. Elle s’était trompée. Seules ses facultés mentales avaient été affectées durant le processus, à force de faire le vide et d’être dans un état second en quasi-permanence.
Les intrus étaient revenus par deux fois depuis qu’elle tenait sa garde, pour deux échauffourées avec les forces de Tyron. Elle n’en avait rien fait mais avait relevé qu’ils utilisaient un sous-marin virtuel pour se rendre sur Tron. Ce pourquoi elle se plaça, par la suite, de façon plus stratégique dans son milieu désormais naturel.
Puis vint une curieuse troisième intrusion via le véhicule amphibie, réalisée par une personne isolée. Celle-ci, une fois débarquée sur l’anneau, ne prit pas la direction du centre de Tron mais du bord… pour se jeter dans le vide ! Désarçonnée par cette attitude, Mathilde réagit immédiatement, son conditionnement mental à « attendre le bon moment » aidant : elle s’imposa de force dans l’avatar suicidaire, qui visiblement n’avait plus besoin de son corps. Contrairement à son test de possession humaine, elle eut plus de mal à prendre les commandes. L’opposition était anormalement forte mais elle la surmonta juste avant l’eau ne soit atteinte.
« Mais qu’est-ce qu’il se passe ?! » entendit-elle alors résonner dans sa nouvelle tête, quelques secondes après immersion. « Xana ? »


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« Si je résume bien, tu as décidé de faire confiance à une entité qui t’encourage à penser autrement que par toi-même ?
- Très caricaturale comme formulation, sans le contexte. C’est plus compliqué que ça.
- Ne t’aventure pas sur ce terrain-là avec moi, je te rappelle que je suis techniquement morte.
- Grmf.
- Mais je te comprends sur certains trucs, notamment pour notre ami commun Tyron. »
Mathilde avait mené le corps de Chris dans les structures flottantes les plus hautes de Tron, à la suite d’essais de vol laborieux. Même s’ils auraient pu rester tranquillement à barboter dans la mer, Xana ne devait pas être très heureux de s’être fait voler sa proie. Il était susceptible de leur envoyer des bancs de poissons. Cela faisait de longues heures qu’ils discutaient. L’échange avait été instructif mais surtout constructif, puisque le garçon semblait avoir perdu l’envie de rallier Xana. Le coup de tête devait lui être passé.
« Et maintenant, qu’est-ce que tu vas faire de moi ?
- Je ne te cache pas que j’ai besoin de ton enveloppe virtuelle, surtout maintenant que mon invisibilité est compromise.
- Pas auprès de Tyron.
- Oui mais ce n’est plus la priorité. Xana semble avoir un plan global incompréhensible et tes potes ne semblent pas trop au courant.
- Ce ne sont pas mes amis. Et je dirais plutôt qu’ils sont au courant, sauf qu’ils ne se mettent pas trop la pression dessus vu qu’ils comptent détruire le supercalculateur de Tyron.
- Même avec toi qui est parti te noyer ?
- Euh… oui. Il faudra qu’on trouve un moyen d’arranger ça. Sans moyen de contact direct ça va être compliqué.
- Je vois. Pour revenir à ta question de base, j’aimerais te proposer de faire équipe pour régler nos différends avec Xana et Tyron. Vu que tu étais prêt à collaborer avec une intelligence artificielle, je présume que je fais l’affaire. Je serai la tête, toi les muscles.
- Pourquoi me proposer alors que tu peux me faire faire ce que tu veux ? »
Il avait répondu avec une espèce d’ironie résignée, tout en ignorant l’insulte. Le bonhomme ne devait pas être un rigolo.
« Hé, j’ai une morale ! D’ailleurs, en théorie, je peux lâcher les commandes de ton corps sans le quitter. Tu te doutes que si je fais ça, c’est ce qui t’a poussé à te jeter dans la mer numérique qui reprendra la main. Je ne l’ai pas fait disparaître même si mon pouvoir le supplante. Enfin, ça ne fera jamais que la deuxième fois que tu seras entièrement sous mon joug, tu vas t’habituer.
- Pardon ?!
- Je t’expliquerai plus tard. Cela dit, il y a quelque chose de bizarre : la dernière fois on ne pouvait pas communiquer et si j’en crois ta réaction, tu ne devais pas être resté conscient. Alors pourquoi ? »
Chris – c’était le nom du repêché – prit un instant pour réfléchir.
« Peut-être parce que les conditions ne sont pas tout à fait pareilles ? Enfin, je ne sais pas. Je ne te cache pas que ça m’est déjà arrivé une fois d’être possédé en restant conscient, donc ça ne me surprend pas plus que ça…
- Tu as des problèmes à ce que j’entends.
- Des tas. »
Un ange intérieur passa.
« D’accord pour faire équipe.
- Cool, tu ne le regretteras pas ! Du coup, recentrons-nous sur le plan de Xana : est-ce que tu as… des pistes ? »


Mardi 28 Mai 2013

En cinq jours, le duo-en-un avança énormément. L’absence de nécessité biologique permettait de dégager un temps assez incroyable, leur laissant même le luxe de bavarder et s’ennuyer. L’occasion pour Chris de se rendre compte que son monde était définitivement petit, lorsqu’il apprit le nom de sa bienfaitrice.
Leur programme se segmenta entre rondes sur Tron, récolte d’informations et entraînement dans l’utilisation de l’avatar. Rien ne vint les perturber, que ce soit du côté de Tyron ou de Xana, dont les monstres étaient les grands absents de Tron. Le programme semblait avoir renoncé trop facilement au kadicien, ce qui n’était pas rassurant en soi mais permettait d’avoir le champ libre pour investiguer. Pourtant, l’avatar au visage brûlé – et désormais entouré d’une aura orangée perpétuelle – était tranquillement assis en tailleur dans un coin quelconque du monde virtuel, l’air contrarié.
- Quelle galère…
La voix qui émanait était celle, féminine, de Mathilde, ce qui donnait l’impression d’un mauvais doublage en regard de la stature de Chris.
« C’est sûr qu’on ne s’attendait pas à une interférence pareille », commenta son hôte en pensée.
- Chris, qu’est-ce que je t’ai dit à propos de faire le malin ?
« De pas faire le malin », grommela-t-il en retour.
Depuis qu’il n’avait plus aucune emprise sur ses mouvements, le jeune homme, pourtant peu loquace de base, avait légèrement développé son sens du commentaire ironique et du jeu de mot contextuel. D’ordinaire bon public, celle qui le parasitait était parfois excédée de ses tentatives navrantes d’humour, qui témoignaient d’un manque d’expérience en la matière.
« Plus sérieusement : on fait quoi maintenant ? »
Plus tôt, ils avaient déniché une entrée pour le souterrain de Tron et décidé de partir à sa découverte, dans l’optique d’en trouver la tour et d’y monter la garde, en attendant la destruction de la machine générant Tron. Bien sûr, ils étaient partis du principe que le message aux camarades de Kadic de Chris, par le biais de son oncle, était correctement passé.
Hélas, l’exploration du dédale tourna mal en cinq minutes, puisque Mathilde se mit littéralement à buguer, lui faisant avoir des mouvements désynchronisés avec l’avatar. Aussi, le contrôle de ce dernier manqua de lui échapper, au profit du programme implanté par les tentacules de Xana. Ce fut comme si un aspirateur vers le néant tentait de l’emporter. Finalement, elle était parvenue à ressortir tant bien que mal, en panique et avant même que la structure de Tron ne se remodèle.
Pour répondre à son allié, Ducroc repassa au mode non-oral :
« On peut toujours monter la garde en surface et empêcher les intrus d’entrer dans le labyrinthe mais vu la taille de Tron, c’est peine perdue. Déjà qu’on a trouvé un accès naturellement formé avant l’entrée officielle… »
Chris sentit dans son timbre mental que l’événement l’avait affectée. Les interférences électromagnétiques avaient toujours existé sur la surface praticable de Tron mais semblaient plus intenses dans ses entrailles. La jeune fille, qui pensait être débarrassée de ce handicap en perdant son enveloppe charnelle, avait subi un dur retour à la réalité. En conséquence, elle avait théorisé que la dégradation progressive de son état spectral devait venir de ces fameuses interférences. Le parasitage ne l’en prémunissait en rien et impliquait de ne pas s’exposer à des doses aussi fortes que celles du souterrain.
«  L’idée est bonne pourtant, répondit White. Pourquoi ne surveillerait-on pas juste l’accès par la mer ? Avec mon cas, on sait que même si Xana trouve quelqu’un pour lui rendre son service, il viendra forcément de là.
- C’est vrai. »
Elle se tut après cette réponse sobre, pour réflexion supplémentaire.
« Ça ne suffira pas. Il y a encore trop de paramètres qu’on ne connaît pas malgré notre préparation. Regarde pour les interférences : ce n’était pas précisé dans la base qu’on a consultée. On doit trouver d’autres options pour parer à toute éventualité. Si intercepter totalement la réalisation du plan de Xana n’est pas possible, alors il faut attaquer sur plusieurs fronts. On a besoin de soutien.
- Je vois où tu veux en venir…
- Heureusement pour toi, tu ne pourras pas leur parler.
- Encore faut-il trouver le moyen de les contacter directement.
- La dernière fois, le but était d’agir vite pour aplanir la situation. Je n’y pense que maintenant mais si je ne me trompe pas, les tours de Tron recèlent des archives sur l’activité du monde virtuel, notamment les intrusions. Si ce n’est que pour envoyer un message, de simples données de signal devraient suffire. Quand ce sera fait, il faudra qu’on retourne à la pêche aux informations dans le Noyau, vu qu’on a concentré nos efforts sur le virtuel jusque-là. Autant ne pas revenir les mains vides. »
Bien qu’il n’ait plus le contrôle sur sa gorge, Chris valida par un bruit en provenant.
« Tu me suis ?
- Toujours. »
Le regain de motivation engendré par l’échange conféra à l’avatar multiplement parasité l’énergie de se lever et de s’envoler, vers une nouvelle épreuve de destins liés.


À suivre : La cité des rouages


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Mercredi 29 Mai 2013

Mathilde, à travers le corps de White, était arrivée au bout de son récit. Il avait été si long et explicatif qu’elle et ses interlocuteurs s’étaient assis en cercle grossier afin d’être plus à l’aise pour échanger.
- Je me demande quelque chose, fit Yumi. Depuis tout à l’heure, c’est toi qui nous explique tout. J’ai bien compris que tu ne pouvais pas lâcher les commandes mais Chris n’a rien à nous dire, ou tu parles pour deux ?
L’avatar à cape poussa un gloussement qui lui donna une expression particulièrement douteuse en regard de son visage brûlé.
- Tu as vu juste, il me laisse parler depuis qu’on s’est retrouvé. À mon avis, il est tellement honteux de ce qu’il s’est passé entre vous que ça l’arrange de rester planqué sans rien dire. Tiens, il vient de retrouver sa langue maintenant… pour râler mais c’est un début.
- Du coup, c’est quoi le plan maintenant ? demanda William pour recentrer le sujet.
- La trêve avec Xana étant terminée, répondit Jérémie, l’idée est de le vaincre au plus vite. Typiquement, sans le rendez-vous d’aujourd’hui, on aurait pu s’en charger cet après-midi.
Les Lyokô-guerriers transmirent la remarque à Mathilde-Chris, qui du fait de son brouillage, ne pouvait recevoir le message sub-vocal de l’opérateur de l’Usine, quand bien même son avatar en provenait.
- J’ai piraté les bandes de surveillance du complexe de Tyron : vous comptiez vous « virtualiser à l’envers » pour détruire directement son supercalculateur, c’est bien ça ? Vous n’auriez pas réussi. Il vous manque des informations.
- Comment !? s’exclamèrent Jérémie et Aelita en même temps.
- Faisons simple, je vous enverrai tout ça une fois qu’on se sera séparés, ça vous laissera le temps d’y réfléchir à tête reposée.
- D’accord, réagit Jérémie, qui lui n’était pas bloqué en tant qu’auditeur. Si on doit se réorganiser pour garder l’effet de surprise, ça repousse encore notre mission finale. On continue de laisser du temps à Xana…
- C’est un risque, admit Ducroc une fois les paroles livrées. De votre côté, il faudra aussi que vous restiez en alerte. Le prochain complice passera forcément par chez vous pour venir ici. De notre côté, avec Chris, nous continuerons de monter la garde sur Tron, au cas où.
- Vous allez avoir du mal à garder une aussi grande surface, fit Yumi avec son légendaire optimisme. Surtout que vous ne pouvez pas entrer dans le labyrinthe…
- À ce sujet, j’ai peut-être une idée. Entre la découverte du programme de réinitialisation et la libération de William, j’ai appris deux-trois trucs en termes de dé-xanatification virtuelle. Je devrais pouvoir bricoler quelque chose pour rendre inopérant le programme de Xana. Ce serait dommage que Mathilde reste coincée dans le corps de Chris alors que son support serait un atout pour le combat final.
La bonne nouvelle fut rapportée aux concernés.
- Réaction de Chris : « Cool, ça me fera un parasite sur trois en moins dans ma tête ». J’essaie actuellement de bien le prendre.


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Devant son poste de travail, Tyron était bien embêté : les intrus s’étaient encore réfugiés dans les hauteurs de Tron, hors de portée de ses Gardiens. L’absence de Léo et Lysandre, tous deux en pause de virtualisation pour des raisons différentes alors qu’étant les seuls à pouvoir apparaître n’importe où sur le monde parallèle, n’arrangeait rien.
Étrangement, il ne se passait rien. Aucune tour activée, ni activité virtuelle suspicieuse. Que faisaient-ils donc, surtout qui prenne autant de temps ? La question lui grignotait lentement les méninges. Il voulait savoir.
Une idée lui vint : les intrus pensaient avoir mis à jour une grosse faille du système de sécurité avec cette planque aérienne dans son monde virtuel. Il devait initier une contre-mesure et tirer profit de la révélation prématurée de cette astuce. Aussi se mit-il à programmer à toute vitesse. Le but n’était pas de créer quelque chose de parfait mais qui fonctionne sur le moment. Puis, au bout de longues minutes de travail, une fenêtre d’avertissement s’ouvrit, l’informant que l’entrée pour Tron venait à nouveau d’être franchie, dans le sens sortant.
- Les sales petits…
Il se reprit immédiatement. Dernièrement, beaucoup de choses l’irritaient et le rendaient moins patient qu’à l’accoutumée. D’accord, il ne saurait pas ce qu’il venait de se tramer mais il n’avait pas tout perdu : le début d’une solution à sa faille de sécurité avait été esquissé. Ne restait qu’à mettre ses équipes au travail.


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La troupe composée de Yumi, William et Laura était de retour au laboratoire. une fois les derniers détails ajustés avec leur agent dormant et le voyage-retour sur Lyokô effectué. Ils retrouvèrent Jérémie plongé dans un fichier envoyé par leur nouvelle alliée. Odd et Ulrich attendaient sagement la suite, tandis qu’Aelita lisait par-dessus l’épaule du leader intellectuel du groupe.
- Tyron est vraiment fatiguant, soupira celle-ci en commentaire.
- Il a noyé des chatons, c’est ça ? demanda Odd de sa voix la plus sérieuse.
- Non, répondit Jérémie en se détournant de son écran. Il est bien assez cliché comme ça. En revanche, si j’en crois ce que Mathilde a envoyé, son supercalculateur ne se trouverait pas dans le complexe souterrain des environs. J’ai inspecté les quelques plans qu’on avait volés et effectivement, je n’y ai trouvé aucune mention.
- Attends, réagit Yumi en une seconde. La Translation n’est pas censée nous emmener dans la zone proche du supercalculateur ?
Jérémie se gratta le visage avec un air gêné.
- En théorie oui : ce programme est pensé pour remonter le signal d’un supercalculateur depuis son monde virtuel, afin de vous catapulter en tant que super-spectres dans sa zone d’émission.
Les regards masculins se firent vides.
- Bref, ça veut dire qu’un pare-feu doit rediriger le signal du supercalculateur vers le complexe parisien, donc que la Translation nous y mène. Mathilde n’a visiblement pas pu en apprendre plus mais elle affirme que la machine se trouve en Suisse.
- Comment ils font pour la virtualisation si c’est aussi loin ? demanda Odd.
- À distance, tout simplement. Les câbles sont juste plus longs. Vu que seuls les esprits sont envoyés, ils ne doivent pas rencontrer de problème de transit de données. D’ailleurs, c’est peut-être pour ça qu’ils ne sont pas au point…
- Ça ne nous avance pas, coupa Aelita. On ne sait pas du tout ce qui nous attendra là-bas.
- C’était aussi le cas à l’époque des Réplikas et on s’en est plutôt bien sortis, relativisa Ulrich.
Sa remarque laissa l’assemblée à mi-chemin entre la perplexité et le songe.
- Jérémie, essaie de creuser autour du Quantum Research Center.
L’interpellé regarda Laura avec la grimace de celui qui n’a rien compris à la demande.
- La brochure de Graven !
En quelques secondes, l’expression de Belpois se métamorphosa en visage illuminé par la compréhension. Il se jeta sur son clavier et entama une bonne vieille recherche web via son moteur personnalisé. Pendant ce temps, sa comparse se lança dans un exposé :
- C’est une école et un centre de recherche, filiale de la Deckard Inc. de ce que j’ai compris. Comme Graven avait essayé de nous appâter avec, je me dis qu’il a peut-être-
- Bingo ! coupa victorieusement Jérémie. C’est bien en Suisse. Ça ne peut effectivement pas être un hasard : regardez ce que j’ai trouvé.
Il fit glisser son siège afin que l’accès à l’écran soit dégagé. Tous s’en approchèrent pour scruter l’extrait d’article de revue scientifique en ligne, datant de moins de trois ans. La partie de texte surlignée faisait mention d’un projet pour développer un supercalculateur quantique, technologie qui était le créneau d’étude du centre. En légende, une photographie voyait s’aligner plusieurs personnes en blouse, face à un ensemble de bâtiments qui devait être le fameux Quantum Research Center. La mauvaise résolution de celle-ci ne permettait pas vraiment de détailler les visages mais l’un d’entre eux se détachait, notamment parce qu’il portait des espèces de grosses lunettes sur le front…
- Mais c’est Tyron ! s’exclama Aelita, qui avait eu l’occasion de voir le scientifique de près, en visio.
- Là c’est presque sûr qu’on a tapé dans le mille, rebondit Jérémie. On va pouvoir se préparer correctement.
William émit une sorte de sifflement admiratif avant de lancer à Laura :
- La vache, bien joué pour t’être souvenue d’un détail pareil !
La concernée se garda bien de révéler les détails de son éclair de génie.


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Vendredi 31 Mai 2013

Adossé au mur, l’ordinateur posé sur les genoux, Lysandre hypnotisait la barre d’avancement de l’opération qu’il avait lancée il y a plus d’une heure. Sa progression était lente. Le vieux modèle de P.C qu’il avait récupéré dans le complexe était extrêmement capricieux, en témoigne la crise d’asthme du ventilateur et sa surchauffe lorsqu’il avait lancé une simple gravure sur CD-ROM.
Son camarade de chambre, pour une fois, était absent. Il avait prétexté se dérouiller un peu les muscles dans le gymnase, après avoir principalement larvé ces derniers temps. Tant mieux, ça ne lui faisait pas de mal et permettait à Lysandre de ne pas avoir à trop entrer dans les détails pour leur affaire en cours.
Tandis que le chargement avança d’un pixel, le testeur de casque songea que le tournant prit par leur investigation initiale était diablement excitante. Pour lui, comme Léo d’ailleurs, le monde réel n’avait rien à offrir, à part des familles d’accueil à la chaîne. Les mondes virtuels, eux, était stables, maîtrisés, pour peu qu’on en ait le pouvoir, et riches en promesses. Ils étaient beaucoup plus attrayants.
- Toujours en train d’avoir des pensées sombres et torturées ? Tu n’as pas bougé depuis que je suis parti.
Plongé dans ses pensées, Flys n’avait pas fait attention au retour de son ami.
- C’est plutôt toi qui n’a pas l’air d’avoir bougé, si je me base sur la rapidité de ton retour …
- Je suis encore affaibli ! se défendit Chevalier. C’était cool quand même de faire un peu de gym. Bon, j’en ferai pas tous les jours mais-
- Ok ok je vois, le coupa rapidement Lysandre.
Son camarade avait parfois la fâcheuse manie d’aller trop loin dans le développement de certains sujets. Surtout lorsque cela partait d’une simple boutade.
- Presque tout est prêt pour notre surprise-partie de demain, indiqua-t-il avec un mouvement de tête vers son matériel informatique.
Léo le dévisagea quelques instants, l’air d’hésiter à demander quelque chose.
- Quoi ?
- Tu es vraiment sûr de ton coup ? finit-il par formuler. Si ce que tu as appris est vrai et qu’on se rate… on risque de ramasser nos dents avec nos doigts cassés.
Lysandre soupira. Il commençait à être habitué à l’indécision de son comparse.
- J’ai déjà partagé ce que je sais avec toi. Si tu ne le sens pas, on laisse tomber tout de suite, vu que je ne pourrai rien faire si tu n’es pas là. Par contre, si on prend cette décision, c’est définitif. J’ai autre chose à faire qu’à jouer au yo-yo.
Son ton avait, involontairement, pris un niveau de dureté. Cela eut le mérite de secouer Léo, qui leva les mains :
- Désolé, je ne voulais pas te mettre sur les nerfs. Tout va super vite en ce moment, je suis un peu paumé pour tout t’avouer.
- J’comprends. C’est pareil pour moi. Mais on n’a pas tellement d’options…
Il laissa en suspens sa phrase, avant de compléter :
- … et je refuse de casquer pour Tyron.
Chevalier sembla étonné de cette dernière déclaration avant de lâcher un rire bref et forcé.
- C’était pas ta meilleure celle-là. Un peu douteuse.
- J’étais sérieux ! rougit Lysandre, qui ne s’était pas rendu compte de son jeu de mots.
- Si tu le dis. Tout ça pour dire que ce serait bête que tu ais autant bossé pour rien. Je te suis toujours, ça m’a plutôt réussi jusque-là.
Sur cette déclaration, il s’empara d’une serviette puis alla s’enfermer dans la salle de bain attenante. À nouveau seul, Lysandre reprit la fixation de sa barre de chargement, philosophant autour de ses dernières déclarations.


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Samedi 1er Juin 2013

Qui se soucie du temps radieux ? Pas Jérémie en tout cas. S’enterrer dans un laboratoire souterrain alors que la saison estivale s’amorçait doucement était une de ses spécialités. Cela dit, ça en valait la peine : il voyait le bout des préparatifs de mission, qui n’étaient pas si énormes que ça en dépit de leur importance. Leurs nombreuses missions de vol de données sur Tron payaient largement. Toutefois, il n’y avait pas de petit travail, même si intellectuellement, coder en un temps record un programme pour défaire une xanatification implantée dans un avatar était plus motivant.
Au moins, ils avaient eu le temps de faire un aller-retour express sur Tron, le jeudi d’avant, afin de régler la question de l’autonomie de Chris. La logistique avait été délicate, notamment parce qu’il fallait que Mathilde quitte le corps de son hôte l’instant précédant l’utilisation du programme, au risque de se faire également éliminer, afin que Xana ne reprenne pas la main et quitte la tour où tout s’était joué. Finalement, cela s’avéra plus d’inquiétude qu’autre chose puisque l’affaire fut pliée si rapidement que les troupes de Tyron ne prirent pas la peine de se présenter à eux.
- Huum hum huuum hum hum… fredonna William, non loin de l’informaticien, dans un bruit de gorge doux.
Pour les derniers jours avant la destruction – espérée – du supercalculateur de Tyron, il avait été décidé de ne jamais laisser le laboratoire sans sécurité, physique ou informatique, au cas où le successeur de Chris se présenterait. Dans cette optique, Jérémie avait logiquement besoin d’un garde du corps, pour ses sessions de travail à l’Usine. Cette fois-ci, c’était au tour de Dunbar, qui écopait de la corvée tandis que le reste de la bande lézardait tranquillement sous le soleil de Kadic en attendant d’être bipés pour lancer l’assaut sur Tron.
Soudain, le monte-charge donna de la voix, lourde et grinçante. Quelqu’un l’avait appelé et, de fait, comptait rallier la salle des commandes.
- Je te parie que c’est Laura qui a fini par craquer et venir avant l’heure, suggéra William d’un ton joueur.
- Pas mieux, admit Belpois sans détourner les yeux de son poste.
De longues secondes plus tard, l’ascenseur était de retour et ouvrit ses portes. William, qui s’était approché pour accueillir le visiteur, reconnut ce dernier assez rapidement, du fait de son apparence proche de la virtuelle : Léo Chevalier. Il était appuyé sur ce qui semblait être une canne de marche standard.
- Euh, bonjour ?


Piste ι : (01/06/2013)

Ça fait du bien de retrouver sa liberté de mouvement et de parole. Enfin, en partie. Non pas que Mathilde ait mal fait les choses mais…
Je te rappelle en toute amitié que je peux reprendre la main quand je veux et que je ne suis pas sourde. Vas-y continue, « mais » ?
… je vais éviter de finir cette phrase.
C’est bien ce que je me disais.
Comme il n’y a rien d’autre à faire en attendant le début du raid final, je reprends les enregistrements. Sacrément pratiques ces tours, quand on s’ennuie. Maintenant que je suis devant le fait accompli, je ne sais pas trop comment résumer les derniers événements. Il y a beaucoup de détails inutiles à prendre en compte. Tant pis, ce n’est pas comme si des gens suivaient cette histoire. Après tout, ça reste mon journal : ma mémoire comblera les trous.

Dans quelques heures, ce sera la bataille finale. Si ça se passe bien, Tron et son supercalculateur n’existeront plus. En attendant, on a tué le temps en s’entraînant à combattre en coopération, par relais. Je me débrouille mieux au corps-à-corps avec mes armes et Mathilde me surclasse en aérokinésie. Je ne sais pas si ça nous sera vraiment utile mais on devrait être au point, côté combats.
Depuis que je suis sous forme virtuelle, j’ai l’impression d’avoir retrouvé un certain calme, comme une stabilité émotionnelle. L’autre jour, avant de partir, Laura m’a informé que le parasite de Xana implanté en moi avait certainement un impact sur mes émotions. Comme celles-ci, m’a-t-elle expliqué, sont conditionnées par des réactions chimiques inexistantes dans la virtualité, je me trouvais à l’abri de son action. Au moins, je ne rechuterai plus lorsque je serai rentré…
Il y a aussi ça : si les choses se déroulent correctement, je retrouverai le monde réel, après une virtualisation longue-durée plus longue que la dernière. C’est une perspective assez étrange à appréhender. Ici, on est dans une sensation de flottement constante. Un peu comme si le corps de l’avatar manquait de consistance et de substance. J’espère que le choc ne sera pas trop rude.
Plus que quelques heures…

Mine de rien, je me suis habitué à ta présence, Mathilde. Après tout ça, ce sera un peu étrange de retourner à un quotidien normal.
Mon absence ne risque pas de te changer, tu parles toujours tout seul, d’un point de vue formel.
Touché.
Au fait, je ne t’ai pas demandé mais tout ça… ça te convient ? Pour cette histoire de vengeance. Tes ardeurs ne sont peut-être pas aussi calmées que les miennes.
Ce n’est pas comme si j’avais énormément d’options, vu que je tiens à agir en personne. Je t’avoue que je commence à être fatiguée de cette situation, mentalement. Je ne suis plus qu’un fantôme de ce que j’ai été : ma personnalité humaine s’estompe toujours plus, pour aller vers quelque chose d’adapté à mon état actuel. Même si ce que je fais actuellement n’est qu’un raccrochage à ma vie terrestre, cette vengeance est la seule chose qui me donne un but. Bien sûr, elle ne sera pas comme je l’ai imaginée mais détruire à la fois Xana et le travail d’une vie de Tyron... ça a quelque chose de très satisfaisant. Sans oublier les capitalistes de la Deckard Inc.
Je ne te savais pas si communiste.
Moi qui pensais que retrouver ta liberté de mouvement te ferait passer ce genre de réflexion…
BRRRRRRRRRRRRRRR…
Oulà, c’est quoi ça ?
...
Les modifications de terrain ne sont pas aussi bruyantes d’habitude.
...
Ouais, t’as raison.


Hors-Piste :

L’infiltration et la prise de contrôle du repaire ennemi s’étaient passées sans encombre. Grâce aux informations de Xana, Lysandre avait pu neutraliser en traître les deux personnes présentes par derrière, avec une grosse clé à molette qu’il avait emmenée, alors que Léo faisait diversion. Il n’avait pas pris de quoi ligoter ses victimes, mais il estimait avoir frappé suffisamment fort pour s’assurer une confortable avance.
Après cette étape préliminaire, il put enclencher la suite du plan, à savoir : insérer le CD-ROM dans le poste informatique et lancer le programme contenu. Par chance, le binoclard n’avait pas eu le réflexe de verrouiller l’interface avant de se faire assommer, gain de temps notable, qui rendait inutile l’autre disque prévu en amont. Lysandre et ses compétences informatiques inexistantes n’eurent rien d’autre à faire que d’entraîner Léo dans la salle en dessous du laboratoire, pour virtualisation.
Ils se matérialisèrent dans un décor d’inspiration forestière, à quelques mètres d’un édifice tubulaire blanc à halo bleu. La réception ne posa aucun problème malgré leur première fois en virtualisation complète.
- Waouh, ça change de Tron ici. Ça a l’air… tranquille, lâcha doucement Léo en levant les yeux vers les cimes sans feuillage des troncs d’arbres suspendus.
- Ne t’y habitue pas. On rempile immédiatement. Suis-moi.
Lysandre trottina vers la structure haute, dont le halo venait de virer au rouge. Lui comme son camarade avaient conscience qu’il s’agissait d’une tour, avec un design différent. De fait, ils ne rencontrèrent aucun problème psychologique pour y pénétrer. La suite en revanche...
- Tête la première, indiqua Lysandre en désignant du menton le puits d’obscurité sous leurs pieds.
L’exercice ne semblait pas le mettre en confiance aussi, ce pourquoi Léo s’abstint de partager sa propre perplexité.
Finalement, ils finirent par franchir le pas, dans une chute qui s’étendit au-delà de la minute. Le flux finit par les porter jusqu’à un décor plus ou moins identique à celui qu’ils venaient de quitter. Toutefois, en sortant de la tour, noire et rectangulaire, ils retrouvèrent le décor familier de Tron. Au pied de celle-ci les attendait un monstre tentaculaire, qui à leur vue les écarta légèrement, en signe d’invitation. « Je ne vais pas vous manger », semblait-elle indiquer par-là.
En croisant le regard désabusé de Léo, Lysandre comprit que c’était à lui de passer le premier.

Sitôt cette formalité presque douanière accomplie, deux raies bleues volantes les invitèrent à grimper sur leur dos. C’est ainsi qu’ils se retrouvèrent embarqués dans ce mode de transport original et instable, qui les mena rapidement jusqu’à un des innombrables couloirs composant Tron. Rien ne semblait distinguer ce tronçon des autres, avec ses murs sombres incrustés occasionnellement de néons turquoise. Les désormais ex-testeurs de Tyron n’en furent nullement désarçonnés.
Un des monstres volants décocha un laser rouge qui partit s’écraser au pied d’un mur. Léo, qui était le plus près, s’approcha de la zone précise au-dessus du point d’impact. Quelques secondes à tâter et observer la surface lui firent crier :
- Victoire !
Sans plus s’étendre, il enfonça le bouton qu’il venait de trouver. Celui-ci, par sa teinte, se fondait presque parfaitement dans le décor. Il fallait inspecter de près pour le trouver. Ses contours, simple point au centre d’un cercle concentrique, s’illuminèrent alors.
BRRRRRRRRRRRRRRR…
Le sol de Tron fut parcouru de tremblements, les mêmes que ceux précurseurs d’une remodélisation topographique. Ceux-ci furent plus longs que d’ordinaire et aboutirent à l’élévation depuis le sol, non loin de la position du binôme virtuel, d’une structure parallélépipédique. Celle-ci atteignit une position bien plus haute que ce qui avait déjà été vu. Au sein du paysage, elle faisait figure de petit gratte-ciel, loin d’atteindre les fameux éléments flottants supérieurs néanmoins.
À nouveau, les raies furent mises à contribution pour atteindre ce nouveau sommet. L’édifice était en réalité creux, dévoilant sur sa face supérieure l’ouverture d’un puits dont les néons des parois ne parvenaient pas à sonder la profondeur. D’étroites corniches, placées à différentes hauteurs dans une disposition proche de la spirale, semblaient inviter à la descente. De retour sur la terre ferme, Lysandre se prit à se perdre dans cet abîme plus longtemps qu’il ne l’aurait dû, obligeant Léo, plus loin mais attentif au vrombissement émergeant, à l’avertir :
- Fais gaffe en haut !
Sans l’interpellation qui le poussa à effectuer une roulade sur le sol, l’espèce de missile air-sol gris-orange l’aurait coupé en deux, dans une trajectoire vive qu’il ajusta en remontant après l’échec de l’assaut surprise. Les raies, actives, partirent immédiatement à sa poursuite en le canardant de leurs traits écarlates. Chevalier, par réflexe, attrapa la poignée de son sabre, prêt à dégainer si la menace se rapprochait suffisamment.
- Pas maintenant ! l’avertit son ami, lui rappelant qu’il devait économiser son pouvoir très limité en utilisation.
Lysandre avait déjà tracé dans l’air deux glyphes, rouge sombre et vert lumineux, qu’il embrocha de son bâton. Sitôt son arme devenue jaune pâle, il passa du mode magicien au mode combattant, libérant son visage et remodelant sa baguette en bō, tout de suite rangé dans le dos.
- Ton avatar n’a aucune vraie compétence physique, expliqua-t-il, je vais devoir te porter pour la descente. Mieux vaut tenter de semer ce type dans le labyrinthe. Au pire, il ne pourra plus voler librement et on sera deux contre un.
- Bon plan, commenta Léo en se remettant en garde. Sauf que…
Les poissons volants n’avaient pas fait long feu face à leur assaillant à aura orangée, qui leur fonçait à nouveau dessus. Des structures en fil de fer blanc se manifestèrent alors dans l’espace séparant les trois avatars, prenant consistance en une nouvelle raie bleue, ainsi que deux guêpes verdâtres. Le déluge de lasers ne traîna pas, forçant leur cible à retourner sur une posture défensive. D’autres créatures commençaient à se matérialiser, plus lentement que les précédentes mais en plus grand nombre. Lysandre, dont la force était augmentée, attrapa un Léo absorbé par le ballet aérien pour le charger sur son épaule, façon sac à patates.
- Hééé ! se plaignit alors la victime en se débattant par réflexe. Tu pourrais prévenir avant de faire ce genre de choses !
- T’inquiète bichon, je gère. Bouge plus s’te plaît.
- C’est censé me rassurer ?
Sans plus de banalités, Flys se jeta droit sur le premier palier menant au fond de l’abysse.


Aux prises avec les monstres aériens de Xana, Chris et Mathilde, malgré leur entraînement commun, étaient en pleine galère, car ne pouvant qu’esquiver au lieu d’attaquer. Toutefois, il restait remarquable qu’aucun tir ne les ait touchés, en dépit de la complémentarité des types de créatures en face, entre cadence de tir soutenus et précision à longue portée.
« On n’a pas assuré sur ce coup. » déclara intérieurement Ducroc, aux commandes du corps.
Son binôme spirituel, au lieu de formuler une de ses traditionnelles répliques blasées, adopta la voix du fatalisme :
« Xana a simplement pris une contre-mesure adaptée à la situation, pour un effet de surprise maximal. »
Lassée de la voltige, la pilote de l’avatar plongea brutalement en direction du sol, afin de poursuivre son vol en rase-motte. Naturellement, les assaillants adoptèrent la trajectoire de leur cible, suivant scolairement leur protocole offensif. Si les deux pisciformes n’eurent aucun mal à suivre le mouvement, cela se fit avec perte et fracas pour les insectes à dard, dont soixante pourcents de l’effectif s’écrasèrent faute d’un rétablissement correct.
En adoptant un parcours en zigzag à travers les allées de Tron mais surtout avec quatre ennemis restants, les anciens testeurs pour Tyron purent échanger plus posément :
« Ils doivent déjà être entrés dans le labyrinthe… Tu dois les poursuivre.
- D’accord mais : tu vas faire quoi toi ?
- Tes potes ne devraient pas tarder à débarquer je pense. Je devrais pouvoir me rendre utile auprès d’eux. »
Le corps de Chris s’arrêta et fit volte-face, faisant disparaître son épée au passage. Tout allait se jouer sur la vitesse.
« Largage dans cinq secondes. Profite bien du fait d’être débarrassé de moi.
- Qu’est-ce que t- »
Le fantôme orangé de la jeune fille s’échappa de l’avatar à la cape, conformément à son annonce. Pendant l’espace d’un instant, elle sembla accuser une espèce de contre-choc.
- Dégage ! lança-t-elle à son ex-hôte en voyant que celui-ci ne bougeait pas et la regardait.
Ce rappel à l’ordre stimula suffisamment Chris pour qu’il s’élève à toute vitesse en direction de l’édifice d’entrée. À contresens, il passa au-dessus des monstres, qui durent également négocier un demi-tour. Cette manœuvre profita à Mathilde, qui prit possession de la raie bleutée en queue de son peloton – plus à sa portée en terme de taille et de vitesse. La transition corporelle effectuée, elle ne perdit pas un instant pour profiter de l’alignement et décocher deux lasers sur les monstres très proches d’elle.
Les explosions ne tardèrent pas, alertant l’unique guêpe survivante, alors en tête de cortège. Ses paramètres lui firent rediriger sa priorité sur la Manta au halo orange. Toutefois, le parasite spectral quitta cette enveloppe avant que la mitraillette à lasers ne se déverse sur celle-ci et la fasse rejoindre ses compagnons.
- Raté, envoya-t-elle à l’unique rescapé.
L’archère immatérielle ne fanfaronna pas plus longtemps et reprit le chemin de la mer numérique, sous le feu ennemi qui ne lui faisait désormais plus rien. Elle devait économiser ce qui lui restait d’énergie pour la bataille.


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- On ignore qui ou quoi a activé le mécanisme pour accéder au labyrinthe. Avant même ça, il faudrait déterminer par quel moyen ils sont arrivés sur Tron : l’entrée habituelle par le Réseau n’a pas été utilisée. Peut-être en consultant les logs des derniers échanges de données...
- Ce n’est pas la priorité du moment, éluda Tyron.
Fontaine venait de faire le rapport de situation à son supérieur, lequel finissait tranquillement de déjeuner – tard, comme d’habitude – au moment des faits. Il était légèrement sur les dents.
- Est-ce que vous voulez que je demande à des Gardiens de voir de plus près ? Lysandre et Léo sont absents... et injoignables aussi d’ailleurs.
- On peut toujours rassembler les troupes mais pas pour ça. Les intrus auront trop d’avance. Il va falloir compter sur les défenses naturelles de l’endroit, dans un premier temps...
Le scientifique laissa ses mots ainsi que son assistant suspendus.
- Écoutez, je suis aussi perdu que vous sur ce qu’il se passe mais il y a des chances que tout ça ne soit qu’une diversion. Quoi qu’ils pensent trouver dans mon labyrinthe, ça ne risque pas de leur servir à grand-chose, du moins dans l’immédiat. Il est possible que ce soit une diversion.
- Dernièrement ils ont fait de rapides incursions dans notre monde virtuel, compléta Fontaine, plus à l’aise quand il s’agissait de faire du zèle que pour porter de mauvaises nouvelles. Peut-être était-ce du repérage.
Tyron l’ignora proprement et poursuivit son monologue :
- Bernard est en congés et avec le week-end, j’ai moins de support que d’ordinaire. Je vais devoir m’occuper de coordonner notre défense, c’est le plus important. Il est certain que nous allons avoir une seconde vague d’ennemis préparés. Mais je n’ai pas envie d’abandonner le labyrinthe non plus.
Cette fois-ci, il s’adressa directement à son collaborateur, le regardant dans les yeux.
- On ne peut pas y envoyer directement un être humain sous forme virtuelle, en raison de ses caractéristiques mais je me demande si nous ne pourrions pas contourner cette contrainte...
- Comment ?
Le responsable du complexe regarda sa montre : il allait devoir abréger au maximum. Il sentait néanmoins que la bizarrerie de la situation actuelle cachait un réel danger pour lui et son œuvre, donc qu’il avait intérêt à assurer un minimum syndical. Quitte à faire confiance à un jeune espoir :
- Je vais vous révéler une des finalités des tests de virtualisation avec le casque et vous confier le travail qui a été entamé autour de celle-ci. Ensuite, ce sera à vous de jouer le plus rapidement possible. Prouvez-moi que les éloges de Bernard à propos de vos talents informatiques étaient mérités.


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Chris se laissa engloutir par l’obscurité à une vitesse de vol prudente. Le fond n’étant pas visible, autant éviter un atterrissage lamentable. Il se fit violence pour garder son regard pointé vers le bas, afin de s’accoutumer au plus vite à cette pénombre recouvrante. Encore fallait-il que les yeux virtuels fonctionnent comme les réels. La réponse ne tarderait pas à tomber.
Enfin, il toucha le fond du puits. Dans un premier temps, il conserva une posture immobile, comme pour s’imprégner de cette nouvelle ambiance souterraine. Puis, lors du second temps, le réflexe traditionnel de l’inspection visuelle s’amorça, donnant de fait la réponse à l’interrogation sur l’adaptation oculaire. Il parvenait encore à distinguer les nuances colorées des parois propres à Tron, bien qu’assombries. Une seule ouverture était proposée, à ce niveau, menant à un couloir qui, passé un assemblage de dalles légèrement luminescentes en carré, invitait à s’enfoncer dans un boyau encore plus obscur.
White ne chercha pas plus loin et, malgré un début d’appréhension, s’engagea concrètement dans le labyrinthe. Les deux garçons envoyés par Xana avaient un peu d’avance mais avec un peu d’audace et de célérité, il y avait moyen de rattraper ce retard. Dans sa précipitation, il ne prit cette fois pas le temps de s’habituer au noir et se cogna dans un mur en dix secondes. En effet, la première ligne droite menait à un embranchement en angle droit proposant de poursuivre vers la droite ou la gauche.
Apprenant de son erreur, il continua sa route, du côté de son dextre dominant, qu’il utilisa par ailleurs avec son confrère afin de palper les parois qui l’entouraient et prévenir tout nouvel obstacle surprise. Il poursuivit à tâtons quelques minutes, ses yeux atteignant progressivement la résolution possible maximale. Les tunnels, plutôt étroits et peu hauts, étaient ponctués irrégulièrement de néons turquoise. Il pouvait y avoir tout un pan de corridor sans la moindre source de lumière comme une section incrustée de tubes brillants à outrance. Cette architecture perturbait l’exploration comme les sens. Chris ne pouvait avancer à un rythme régulier mais il devait en être de même pour ceux qu’il poursuivait, heureusement.
Brrrrrr...
Le grondement-signal, quoiqu’étouffé par rapport à d’habitude, le surprit dans un premier temps. Il ne s’attendait pas à un changement de configuration si tôt après l’ouverture du labyrinthe. À vrai dire, il pensait plutôt que cette fonctionnalité de Tron était désactivée, du fait de l’utilisation de l’accès officiel, mais il fallait croire que ce dernier se refermait rapidement.
Sentant les tremblements se faire plus violent sur sa position, il tâcha de garder l’esprit clair. Les murs ne semblaient pas amorcer de mouvement, ce qui était une bonne nouvelle. Elle se révéla moins positive lorsqu’il sentit ses mains glisser le long des parois, signe que le sol s’enfonçait doucement. Oubliant sa résolution de rester calme, il piqua un sprint droit devant. Dans son esprit, le dédale n’était pas établi sur plusieurs niveaux – et il ne tenait pas à miser sur la possibilité inverse – ce pourquoi il se figurait que le sol sous ses pieds risquait de l’en faire sortir.
Il leva le bras : le plafond, pourtant très bas initialement, n’était plus à portée.
Clac !
Ce bruit, lui évoquant instinctivement un mécanisme de trappe, l’enjoignit à se détacher du sol, grâce à sa capacité spéciale. Après quoi, il s’éleva prudemment. Le calme était revenu, preuve que la modification topographique était terminée. Quelques instants plus tard, il retrouva le haut de son couloir. Toujours en vol, il continua d’avancer, jusqu’à tomber... sur un cul-de-sac. Se résolvant à redescendre, il tomba sur une ouverture à gauche, a priori inaccessible pour qui ne pouvait léviter – il ne discernait plus le sol de sa position. La forme de l’accès, parfaitement carrée, avait des dimensions très étroites, de celles utilisées pour représenter les conduits d’aération dans les œuvres de fiction. En l’occurrence, pour le gabarit de Chris, c’était assez limite. Cela étant, il n’avait pas vraiment d’autre option. Il s’infiltra donc dans ce trou de souris à échelle humaine et commença à ramper.
Le temps s’étira au cours de l’exercice, peu agréable même dans un corps virtuel lisse. Le britannique agissait comme un automate, s’empêchant intentionnellement de penser à la promiscuité subie. Le calme étouffant de l’environnement et la discrétion des bruits de frottement de sa tenue, l’aidaient, heureusement.
Soudain, il se stoppa net. Il lui semblait avoir entendu un bruit. Déjà un nouveau mouvement de terrain ?! Toutefois, après de longues secondes à tendre l’oreille, le souffle coupé, il finit par percevoir de subtils cliquètements.
Clic clic tic clic tic cliticlic clic clic tic...
Qu’est-ce que cela signifiait ? Dans une curiosité déplacée au vu de sa situation, le jeune homme ne put s’empêcher de coller directement son oreille contre une paroi.
Cliticlic clic clic tic clic...
Ces bruits étaient directement réverbérés depuis l’intérieur des murs ! Ses oreilles, du fait de l’ambiance sonore ouatée du labyrinthe, avaient dû finir par s’affiner au point de percevoir ces... non, cette mécanique qui semblait s’activer de manière douce et invisible dans les entrailles de Tron.
Clic clic clic clic tic clic clic cliticliticliticlic !
Brrrrrrrrrrr...

Les ondes sismiques se propagèrent immédiatement dans le corps de Chris. Il devait bouger. Tout de suite.
Rampant avec une ferveur n’ayant pas à rougir de celle d’un soldat, il parvint à s’extraire de son boyau rapidement. Ironiquement, il ne fut pas affecté par le changement de configuration, très bref cette fois-ci. Le lycéen avait paniqué pour rien. Le chemin sur lequel il avait débouché ressemblait à celui où il avait commencé son aventure, en terme de dimensions : un long couloir, au milieu duquel il était planté. Encore une fois, le choix de la droite et de la gauche se posait. Se remémorant son itinéraire jusqu-là, il choisit à nouveau la droite, histoire de s’éloigner un peu plus de l’entrée.

Le schéma précédent se répéta : sa perception du temps se dilata. Ses mouvements, prudents, mimèrent à nouveau ceux des robots. Les quelques embranchements qu’il trouva sur sa route furent empruntés de façon machinale, sans vraie réflexion – à quoi bon, dans un dédale variable ? – simple contretemps dans ce qui semblait être devenu une routine. Chris ignorait tout, en ce moment. Le temps, l’espace, l’avancement des objectifs, personnels comme ennemis.
- Tout ça, murmura-t-il avec désarroi, c’est la faute de ces néons.
La lumière des tubes lumineux, couleur turquoise, avait en effet cette tendance à taper sur l’esprit et à entretenir un sentiment d’irréalité, presque de songe. Rien de plus normal dans un univers purement virtuel. Pourtant, si la sensation entêtante et hypnotique induite par cette nitescence déformait bel et bien l’espace, le temps et les sens, l’écrasement qu’elle exerçait était toute caractéristique.
Instinctivement, le jeune homme capé se mit à respirer par saccades bruyamment faibles, lui qui s’était habitué à ne plus le faire dernièrement. Il n’y avait aucune raison physiologique valable, ce n’était qu’un moyen comme un autre d’évacuer le sentiment d’oppression qui le prenait.
- Ah, aah, aah, ah, hyperventilait-il.
Clic clic clic...
Les trois dimensions perdirent tout leur sens, distordues par la fracture de la quatrième. Dans ce chaos, Chris continua sa route, sa main serrant celle d’un être immatériel, agglomérat de panique, claustrophobie et perte de tout repère.
- Aah, ah, ah, ah, aah...
Tic clic clic clic cliticlic...
Son pied décida de suivre la recommandation du néon de forme caractéristique et de prendre à droite. Juste après, il y eut un mouvement de terrain. Enfin, il le présuma, puisqu’il se sentit remonter brusquement. L’absence de viscères sensibles aux secousses n’était pas pratique. Quelque chose le poussa, au niveau du flanc. Durant un instant suspendu, il se sentit chuter, à moins qu’il ne se soit mis en lévitation de lui-même ? La gravité même n’avait plus aucun sens dans ce monde de distorsions. Ce n’est pas parce que sa cape lui tombait parfaitement sur les épaules que cela signifiait qu’il était dans le bon sens. Ce secteur virtuel était un complot à lui seul, le niveau zéro de la fiabilité.
Le dernier changement de configuration se calma. Chris sentit son dos contre une paroi et tenta naturellement de se relever. Sauf qu’il était déjà debout. Il fit alors mine d’avancer. Son pied buta immédiatement contre une paroi. À gauche ? Son épaule frôlait le mur. À droite ? Pas mieux. Il bondit nonchalamment pour s’élever et se fracassa le crâne en moins d’une seconde. Les données constitutives de son enveloppe virtuelle semblèrent s’agiter, face à la puissance du choc. Un instant après, la réalité de sa situation l’enveloppa : il était piégé.
Loin de faire honneur à sa placidité de façade, le jeune homme sombra immédiatement dans la panique la plus totale. Le curseur d’oppression, favorisé par une presque immobilité, grimpa en flèche. Sans même songer que le labyrinthe finirait d’un façon ou d’une autre par le libérer, il se débattit comme un beau diable. Balle rebondissante enfermée dans une boîte, il finit logiquement par perdre l’élan qui l’animait. Il se laissa glisser le long de la paroi, pour se coincer à mi-parcours, son gabarit étant trop large pour s’asseoir jambes étendues dans un tel espace.
Il demeura ainsi, le corps formant un angle de cent trente degrés environ, dans l’obscurité quasi-totale.
Tic, tic, tic, clic...
L’ambiance et l’exiguïté nouvelles brouillaient pensées et perceptions. Elles se liquéfiaient dans l’anti-chambre crânienne, s’échappaient par les yeux, le nez, la bouche et les oreilles de Chris. Peu lui importait, cela finissait au cagibi, comme lui. Il fallait se calmer et reprendre le contrôle clic cliticlic clic-
- Chuuut !
Tendre l’oreille.
- Ah, ah, ah...
Les bruits de pas arrivaient-t-ils ? Non.
- Ah, ah...
Le néon au sol, ah. Sa faible, ah, lueur était trop, ah, bruyante. Pas assez d’obscurité. Ah Insonorisante. Trop de ah, parasites, cliticlic tic.
...
Ah, au fond, n’avait-ic pas mérité d’être coincé dans ce cagiblic ? Ce n’était peut-être pah plus mal ainsi. Ahttendre. Cliticlic. Mais quoaah ? Clic. Le grand silence, clic, probablement. Il ferma les yeux. Clic tic tic tic... Le vide se fit, en un clic. Plus de tic respiratoire. Son rythme cardiaque n’était plus qu’une mécaniclitic régulière. Que faisait-il de si important en cet endroit, déjà ? Cliticliclicliclic.
Clic clic clic clic.Tic. Tic. Clic clic clic clic. Cliticliticlic. Clic clic...

Les murs avaient dû l’écraser. En faire un rouage parmi d’autres. Bien rangé. Encastré. Enfermé.
- Ah, aah, aah...
Il avait été enfermé ? Par clic ? Son oncle ? Brrrrrr. Il en frissonnait. Ce n’était pas le plus important. Chris devait reprendre la main sur ses émotions. Respirer profondément et normalement. Ouvrir les yeux. Se projeter. Sur lorsque la sortie du cagibi virtuel s’ouvrirait.
Tron lui ménagerait un des sempiternels couloirs dont ses entrailles avaient le secret. Il s’y laisserait entraîner précipitamment, faute d’autre choix. Il errerait longuement dans les boyaux de cet enfer souterrain, prenant les embranchements à l’intuition. Au son de la mélopée orphéenne de l’engrenage, il s’attellerait à atteindre la tour. Il maudirait cette pulsation mécanique de ne lui être d’aucun secours. Son incessant cliticlic, ou un mouvement de terrain, seraient les seules réactions qu’il pourrait espérer.
De gauche à droite, de détours en impasses, de la folie vers la lucidité, et inversement. Une sorte de boucle temporelle se mettrait en place, parfait mélange de découverte et de monotonie.
Lorsqu’il aurait tellement tourné en rond que son esprit n’en serait lui-même plus capable, il... verrait les néons bouger ?!
Pourquoi pas après tout. Quitte à divaguer, autant le faire à fond.
Plusieurs lignes lumineuses s’étireraient de façon rectiligne, sur le mur du couloir, avant de prendre quelques virages dans des angles droits parfaits pour rallier le plafond. De là, un premier néon, court, commencerait à s’extraire de sa surface, toujours parfaitement droit. Son extrémité inférieure s’arrêterait à hauteur des yeux, avant que le reste de la tige ne se rétracte en ce point unique, créant une petite sphère flottante de la taille d’une boule de billard.
- Ahahah, c’est zarbi. Ahah.
D’autres cylindres lumineux feraient de même, traçant par leur assemblage les contours d’une forme familière, humanoïde. Cyclopéenne. Pour finir, deux tubes couleraient avec fluidité depuis le haut, pour être attrapés par les mains tout juste formées. Le néon dont était constitué l’être plierait aussi souplement qu’une articulation organique. Tout un spectacle de constitution d’une durée approximative négligeable.
Ce devait être Sally. Ou Puck. Ou n’importe quel autre Gardien figurant. Leur nouveau design était un peu trop m’as-tu-vu et plat – presque littéralement.
- Ourf !
L’estocade fulgurante cueillit Chris en plein plexus. Il recula d’un pas, à cause de l’inconfort plus que de la puissance du choc. Celui-ci s’accompagna d’ailleurs d’une furtive impression de grésillement au point d’impact. Heureusement, il n’avait pas été transpercé : l’arme adverse tenait plus du bâton long que de l’épée.
Le manieur tenta la même attaque de son autre main, à la tête. White, complètement dégrisé par les derniers instants, s’équipa de son glaive pour détourner l’arme. Par réflexe, il usa de son coup classique consistant à déclencher une rafale de vent afin de déstabiliser l’adversaire. Le souffle traversa logiquement ce dernier sans qu’il n’en paraisse affecté, ce qui était logique en regard de sa morphologie, sans corps à proprement parler.
La seconde de flottement profita à l’homme-ampoule. Après rétablissement d’une position de garde, il fit un pas en avant et tenta deux coups de matraque. D’un revers de bras, l’humain repoussa son assaut, le faisant vaciller vers l’arrière. Une belle occasion de donner le coup de grâce, mais hélas le mouvement de lame l’avait encastrée dans le mur de droite.
- Je me déteste.
Heureusement, il avait la possibilité de faire disparaître son arme. Chose qu’il fit, non sans effet lumineux. Pour autant, il ne redégaina pas et jugea une autre approche plus maline : la retraite. En trottinant à reculons dans un premier temps, puis dans le bon sens lors du second temps. L’étrange entité ne semblait pas lui avoir emboîté le pas.
Trois couloirs et deux intersections de fuite s’écoulèrent avant qu’une épée-néon ne jaillisse du mur pour tenter de le frapper. Pour la deuxième fois, les lignes se dégagèrent des parois pour former un bloqueur de chemin. Chris ne lui laissa pas le temps de se former entièrement qu’il rebroussa chemin. Il lui suffisait de prendre l’autre chemin, à la dernière intersection.
Brrrrrrrrrr...
Nouveau changement topographique, qui dura quelques secondes. Il ne se passa rien dans la section de labyrinthe où il se trouvait, malgré les fortes secousses qu’il sentit sous ses pieds. Il poursuivit sa route, mais ne retrouva pas son intersection. Pourtant, il était persuadé qu’elle n’était pas si loin. Au lieu de quoi il se retrouva à tourner à des angles de corridor à choix unique, dans un tracé qu’il ne lui semblait pas encore avoir rencontré jusque-là.
Le mystère n’eut pas le temps de faire plus de chemin : encore une fois, un de ces étranges Néon-Gardien, déjà extrait du mur, lui barrait le chemin. Poursuivant sa stratégie appliquée jusque-là, le kadicien commença à reculer tranquillement. L’être sans consistance l’observa sans faire mine de vouloir l’attaquer. Chris interrompit son mouvement.
Quelque chose n’allait pas.
Pourquoi ces... monstres ne se montraient que maintenant ? Cela faisait un sacré moment qu’il était entré dans le souterrain. De plus, ils ne semblaient pas spécialement taillés pour le combat. Ils n’avaient aucune force notable et étaient équipés d’armes non-létales. En échange, ils étaient difficiles à toucher, en raison d’un manque de surface et d’une capacité à se déplacer sur la face des parois. Sans compter cette ressemblance avec les gardiens du noyau de Tron...
- C’est complètement logique !
L’appellation improvisée et surtout le design trahissaient l’intention : les Néon-Gardiens surveillaient. Le passage vers la tour sans doute. Ils ne se montraient que lorsqu’un intrus se rapprochait trop et que l’obstacle naturel du labyrinthe ne suffisait plus. Leur objectif était alors d’éloigner l’indésirable du bon itinéraire.
La solution n’était pas d’esquiver l’obstacle des Néon-Gardiens, mais de le chercher ! C’était la voie la plus rapide pour trouver le cœur du dédale.
Voyant que l’indésirable ne rebroussait pas chemin, la sentinelle se rapprocha de Chris, avec un air aussi menaçant que peu l’avoir un être en deux dimensions 100% néon. Générant une nouvelle fois sa lame, il prit l’initiative dans l’interaction guerrière. Le couloir ne permettait pas de manier l’épée avec des moulinets, aussi effectua-t-il une simple estocade, sur la base d’une solide impulsion. Sa cible était évidente, ou plutôt la seule valable : l’orbe flottant qui faisait office d’œil à la forme défenseuse. Les barres lumineuses jumelles se croisèrent pour dévier le coup vers le haut. Il y eut une seconde d’immobilisation des positions. Puis la lame attaquante, poussée par la force du bras qui la tenait, abaissa doucement la garde déployée, dans le but d’atteindre le niveau de l’organe oculaire et y glisser directement, quelques centimètres plus loin. Attentif, le Néon-Gardien s’éloigna de la pointe menaçante, sans sacrifier la posture de ses armes, par simple extension de l’articulation des coudes.
Sa manœuvre s’acheva en même temps que son existence : son centre de contrôle se fit empaler par la transformation du glaive de Chris en lance, lui faisant gagner les centimètres manquants tout en gardant sa position. Le corps – si on pouvait appeler un contour fait de tubes d’éclairage ainsi – du Néon-Gardien disparut se disloqua dans la traditionnelle animation en cartes, quoique moins nombreuses et d’une couleur turquoise accordée aux lieux.
Sentant une nouvelle énergie l’animer, White reprit sa route dans l’allée, en trottinant. Une large minute s’écoula avant qu’un autre guerrier en néons ne tente de lui tomber dessus, depuis le plafond. Il rejoignit son camarade dans le cimetière virtuel. Un tournant à gauche, un énième changement de configuration et un enjambement de talus sur la route suivirent, avant qu’un troisième Néon-Gardien ne pointe le bout des tubes. Nouveau duel, nouvelle victoire grâce à la technique de la lance surprise. Dire que ce coup avait échoué la première fois que Chris l’avait tenté...

Malgré la progression palpable, il resta prudent dans son avancée. Il ne fallait surtout pas perdre la zone. C’est pourquoi, lorsqu’il tomba sur une intersection à triple choix, il attendit quelques minutes. Cela ne loupa pas : les lignes d’un Néon-Gardien se dirigèrent sur lui, depuis la route d’en face.
Au bout du compte, en dépit de la certitude quant à l’indice donné par la présence des sentinelles, il eut l’impression de s’éloigner de son objectif.
Jusqu’à...
L’ultime corridor. Celui de ses rêves. L’entrée dissimulée dans une zone peu éclairée du labyrinthe. Il ne semblait pas très lumineux, à l’exception du point à l’autre extrémité. Sans plus se perdre en contemplation, il se glissa dans le boyau obscur. Malgré son pas dynamique, le tunnel semblait s’étirer à mesure qu’il progressait, probablement en raison de la pénombre faussant les distances.
Clic cliticl-
- Oh non...
Chris piqua un sprint, pour s’éviter une nouvelle phase délirante. Il avait assez donné en une journée. Le bruit provoqué par le claquement de ses semelles couvrait celui des rouages invisibles. Néanmoins, il demeurait tout aussi entêtant, d’une certaine façon. La course se mua presque inconsciemment en lévitation à quelques centimètres du sol. Avec le vent de dos pour le pousser, la sortie se rapprocha brusquement, d’une façon onirique soulignée par la rumeur de l’élément gazeux.
Enfin, l’avatar capé débarqua dans une salle cubique aux dimensions d’un gymnase. La distribution de néons incrustés dans les parois semblait plus régulière que la moyenne du labyrinthe, conférant un éclairage confortable à l’endroit. Planté vers le fond, le pilier noir attendait, impassible et visiblement vierge de toute influence de Xana.
Les jambes de Chris le lâchèrent. Il était arrivé à destination, d’où le besoin pour son esprit de somatiser un peu. L’endroit était désert, il pouvait se permettre ce relâchement. De toute façon, soit il était parvenu à dépasser les deux complices de Xana, soit il était déjà trop tard. Dans les deux cas, la seule chose qui était en son pouvoir, en cet instant, c’était attendre.


Durant un long moment, le calme domina l’enclave souterraine. Les cliquètements des pièces mécaniques n’étaient pas audibles, en cet endroit. De même, il ne semblait pas concerné par les modulations de terrain. Seules les vibrations de réagencement étaient transmises dans l’espace.
Puis, comme si cela faisait partie d’un scénario écrit à l’avance, la tempête se manifesta : un humanoïde se matérialisa entre Chris et la tour. De toute évidence, il s’agissait d’une version plus élaborée du Néon-Gardien. Reprenant à nouveau le modèle des défenseurs du noyau de Tron, il possédait cette fois-ci un véritable corps. Les tatouages pâles étaient absents, remplacés par une grande rose des vents lumineuse sur le torse. Le reste de l’enveloppe demeurait sombre, dont la silhouette ne se devinait que par le concours d’une aura blanchâtre.
Malgré l’absence apparente d’armes ou d’agressivité, Chris se releva et se mit en garde tranquillement.
« Pas de repos pour les braves. »


(Deuxième partie du chapitre en page suivante.)


Dernière édition par Zéphyr le Sam 08 Oct 2022 21:45; édité 5 fois
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